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SEPTEMBRE OCTOBRE 1992 VOLUME 22 • NO 1 REVUE D'INFORMATION ET DE RÉFLEXION DES FEMMES FRANCOPHONES C\J •* C\J r- l_" LU U) .0 "CD o S oO ë-Oi LU'O) 10 -c O> o CM'CL Aline Gosselin Lemieux Quarante ans au "pouvoir" Lisejulien Francine Cayouette_ Une femme parmi 12 000 hommes Marte-Thérèse Sur les traces de Dorimène Desjardins

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SEPTEMBRE • OCTOBRE 1992 • VOLUME 22 • NO 1

REVUE D'INFORMATION ET DE RÉFLEXION DES FEMMES FRANCOPHONES

C\J•*C\Jr-l_"

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Aline Gosselin LemieuxQuarante ans au"pouvoir" Lisejulien

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Sur les traces deDorimène Desjardins

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• IlSOMMAIRELe mouvement coopératif

j r Une organisation différente :la coopérativePAR NICOLE GIROUX ET

MARIE-CLAIRE MALO

1Q Sur les traces de DorimèneDesjardinsPAR LUCILLE GAUDET

2/1 Sylvie St-Pierre Babin, agentede changement!PAR DENISE LEMIRE

De plus

2 3 Petite et grande histoire d'unecoopérative de travail pourfemmesPAR LYNE BOUCHARD

25 Aline Gosselin Lemieux :quarante ans «au pouvoir»!PAR GILBERTE PROTEAU

27 La popote en groupePAR KAREN LAPPRAND

2Q Une femme parmi 12000hommesPAR LYNE DION

Chéticamp? Laurette Deveauen est fière!PAR MADELEINE LEFORT

Quand l'université se mêle decoopérationPAR CLAUDETTE LAJOIE

33

Chroniques

8 Profil1895-1992 Pauline Boutai:une vie consacrée à l'artPAR MONIQUE HÉBERT

>4na/yseVers un équilibre essentielPAR GAÉTANE PAYEUR

T5 ActualitéRoselyn Denis Myre réaliseson rêve

: PAR LYNE DION

fj EditorialVie d'artistePAR MICHELINE PICHÉ

Santé en têteSait-on jusqu'où va laformation?PAR MICHELLE CÊNERINI

Ciné-elleLe poids des interditsPAR JEANNINE M. OUELLETTE

41

Entre les lignesParoles rebellesPAR LISE HÉBABI

Au nom du père et de la fillePAR CLAUDE DROLET

Almanda Walker MarchandPAR DENISE VEILLEUX

39 À propos

Mi-figue, mi-raisinD'égale à égale...PAR CLAIRE MAZUHELLI

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PROCHAIN NUMÉRO ^> SORTIE NOVEMBRE 1992

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Un numéro qui met l'accent sur desdémarches positives et contrètes!

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Almanda Walker-Marchand (1868-1949)Une féministe franco-ontarienne de la première heure.Vie et oeuvre de la fondatrice et présidente pendant plusde trente ans de la Fédération nationale des femmescanadiennes-françaises.

Lucie Brunei décrit les multiples facettes d'Almanda :une épouse et mère de famille, une Franco-Ontarienneengagée dans les luttes féministes et nationalistes deson époque et politiquement en avance sur son temps,une militante déterminée à améliorer les conditions devie de ses compatriotes. De plus, grâce à une tramefictive qui entrecoupe le récit historique, l'auteure dresseun étonnant parallèle entre les visions féministes d'hieret d'aujourd'hui.

Lucie Brunet, Almanda Walker-Marchand (1868-1949),Ottawa, Éditions L'Interligne, 303 pages, 15 $.

Éditions L'Interligne, C. P. 358, suce. A, Ottawa K1N 8V3Téléphone : (613) 236-3133 - Télécopieur : (613) 236-3465

0 SEPTEMBRE 1992

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Rédactrice en chefMicheline Piehé •."..'

Équipe de directionMicheline Piché, Diane Vachon

Collaboratrice à la rédactionLucille Gaudet . : • . . ; • • '

Équipe de rédactionColette Godin, Denise Veilleux.

CorrespondantesLyne Bouchard, Michelle Cenerini, Lyne Dion, Claude

Drolet, Nicole Giroux, Lise Hébabi, Monique Hébert,Claudette Lajoie, Karen Lapprand, Madeleine LeFort,Denise Lemire, Marie-Claire Malo, Claïre Mazuhelli, ; "•.Jeannine M. Ouellette, Gaétane Payeur, Gilberts Proîeau.

RévisionLiseSoulière : :

:

Mise en pagesDenise Meunier. : • : • • • • ' : : :

'Éditeurs . ' • • • ' ' ' :: ;.' : ' : ïi:'ï--Fédération nationale des femmes ; ' \ : :canadiennes-françaises : : : :

Publicité : : ' '•'.,;'...." ; './. : : • • ' . : • : • • : : ;Marie-Lyne Renaud : : . ' . ' . :

FEMMES D'ACTION est une revue d'information et : ',: ! : :d'opinion sur la condition féminine au Canada français, ; :

Parutions ' " : • ' • . . . '.'. . • • • • ' • • • . . : ;o , ; ' :? ' -••'.-.:":Sept., nov., fév., avril, juin "•.'; "'•'. : -,

Politiques de la directionLes articleàde FEMMES D'ACTION peuvent être : '''•'.. /reproduits en indiquant la source, le mois, l'année et :

ï'auteure. Pour reproduire les illustrations, on doit : ̂demander l'autorisation de la direction. r :

Les opinions émises par les correspondantes n'engagentque celles-ci, FEMMES D'ACTION encourage laparticipation de nouvelles correspondantes. Les textessoumis peuvent être utilisés dans l'un ou l'autre desnuméros et ils seront soumis aux règles éditoriales :courantes. : : :

Tarifs d'abonnementsCinq numéros 12$ (individuel)Dix numéros 20$-(individuel)Cinq numéros 23$ (groupes, institutions, corporations)Le tarif international par avion: 31 $/année. :

AdresseFemmes d'action325, rue Dalhousieporte 525

Ottawa (Ontario)KIN7G2Tél.:(613)232-5791Télécopie: (613)232-8679

Dépôt légalBibliothèque nationale du

CanadaISSN 0226-9902

Envoi de publicationEnregistrement no 7242Port payé à Ottawa

sept.-oct. 1992(parution sept. 1992}

Vie d'artiste

46 J aurais voulu être un artiste pour pouvoir inventer mavie, pour pouvoir dire pourquoi j'existe», crie le businessmandans la célèbre chanson de Luc Plamondon. Je ne saispourquoi, mais c'est cette image de l'homme d'affaires isolé danssa tour d'ivoire qui m'est venue à l'esprit alors que jeréfléchissais ce matin au thème de la coopération.Au premierabord, cette projection semble à l'opposé de mon propos.Pourtant, même le businessman n'est pas à «l'abri» de lacoopération. Personne ne peut faire fonctionner une entreprise,une compagnie ou réussir sans la collaboration de chacun desindividus, sauf le tyran. Et il en existe encore, malheureusement.

L'exploitation prend bien des formes. Elle est plus que jamaissynonyme de mort. Le Sommet mondial de Rio surl'environnement en juin dernier est venu souligner une foisencore l'urgence de travailler en concertation et devinez... decoopérer.

Plus près de nous, le monstre qu'est devenu lerenouvellement de la constitution représente un exemple frappant du peud'expérience que nos politiciens ont de la coopération. Un mot vieux comme la terreet que l'on entend depuis notre petite enfance. «Ça ira mieux si tu coopères»,«Veux-tu m'aider s'il te plaît?» Que de fois nous avons entendu ces petites phrases;que de fois nous les répétons à notre tour à nos enfants, à notre conjoint, dans notremilieu de travail. L'appui mutuel, c'est aussi la coopération. Quand la prendrons-nousvraiment au sérieux?

Au cours des dernières décennies, les règles d'or tant dans la vie privée quedans la vie publique et politique ont été «chacun pour soi» et même «tout à soi, rienpour l'autre»... avec les résultats que l'on connaît!

Bien acquise, la coopération porte en elle la réponse à bien des maux. Elle estsource de solidarité, de sororité, de fraternité, d'égalité, de survie et de respect. Dansce contexte, la place des femmes au sein du mouvement coopératif devrait être unexemple à suivre. En réalité, l'espace qu'elles occupent est un fidèle reflet de leurplace dans la société en général. «Il ne suffit donc pas, écrit Francine HarelGiasson1, que la constitution et l'idéologie coopératives reconnaissent l'égalité entreles personnes pour éviter de reproduire dans les faits les inégalités en vigueur dansl'ensemble de la société.» Il s'agit d'un phénomène mondial. Malgré cela, reste quele mouvement coopératif a le devoir d'ouvrir grandes ses portes et d'éclairer la scènepour faciliter la pleine participation des femmes.

Il est grand temps de revêtir nos peaux d'artistes et réinventer la vie...

Cette publication est imprimée sur papier recyclé

La publication de Femmes d'action est rendue possiblegrâce à l'aide financière du Secrétariat d'État.

1 Femmes et coopératives : saurons-nous grandir ensemble ? Coopératives et développement,1986, p.211.

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Soulever des montagnes?Ya rien là!

Depuis trois siècles, les femmes de l'Ontario français étonnent.

Elles persistent, elles construisent, elles agissent. Elles vivent dans unesociété que leurs parents ne pouvaient qu'imaginer. Une vie de choix,de droits et de défis.

Comme le choix de se faire servir dans leur langue quand ellesdemandent un service du gouvernement de l'Ontario. Un certificat denaissance, un permis de conduire, un renseignement sur les véhiculeslourds ou sur la Loi sur l'équité salariale...

en français, c'est une réalité,

Ontario

Office of Office desFrancophone affairesAffairs francophones

1 -800-268-75071-416-325-4949 Vous trouverez les numéros des diveis services du gouvernement de l'Ontario dans les pages bleues de l'annuaire du téléphone.

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Me 133 tête

SAIT-ONJUSQU'OÙ VALA FORMATION?par Michelle Cenerini ssentielle à la prise en main de son bien-être personnel, la

formation ouvre des horizons insoupçonnés au départ. Cette formed'apprentissage mène à l'augmentation de ses connaissances, audéveloppement et à l'utilisation de ses habiletés, à une plus grandeconfiance en soi, en somme à une découverte de sa force et de son pouvoirintérieurs. Dans cette optique, le Centre de femmes Pluri-elles (Manitoba)Inc. met l'accent sur la formation des femmes en matière de promotion dela santé dans le cadre de son «Projet santé», financé pour une durée dedeux ans par Santé et Bien-être social Canada.

Lancé en février 1991, le «Projet santé» s'adresse aux femmesfrancophones des communautés urbaines et rurales du Manitoba quidésirent apprendre à gérer leur stress. De petits groupes se réunissent enateliers pour recevoir cette formation des plus salutaires qui leur permetd'acquérir de nouvelles habiletés de vie. C'est «Le stress au féminin», unprogramme développé par l'Union Culturelle des Franco-Ontariennes etadapté à la réalité des Franco-Manitobaines par Pluri-elles qui a servi debase au «Projet santé».

Au Manitoba français, c'est la première fois que tant de femmes ontaccès à une formation offerte de façon systématique dans leur languematernelle et dans leur propre communauté. Certes, elles avaient accèsdepuis longtemps à certains services de santé en français, mais, comme lerévèle l'évaluation des besoins effectuée en 1989, elles n'avaient pas reçu,jusqu'à maintenant, de formation en groupes basée sur les principes d'auto-santé et d'entraide. Ces deux principes sont complémentaires : celui del'auto-santé reconnaît que la femme est la première responsable de sonbien-être total et celui de l'entraide comprend que cette prise en charge seréalise dans un contexte d'appui mutuel et de partage de connaissancesentre femmes. Ces principes sont d'importance primordiale si on veut êtrepleinement en mesure de prendre des décisions concernant son bien-être.

Dans toutes les communautés rurales rejointes, le «Projet santé» afourni aux femmes leur première occasion de se regrouper de façonstructurée pour partager leurs préoccupations en matière de santé. Lors del'évaluation, grâce aux stratégies qu'elles avaient apprises, la majorité desparticipantes ont affirmé mieux gérer leur stress. Mais, ce qui est encoreplus important, elles ont tiré profit des expériences des autres et se sontsenties appuyées dans leur démarche personnelle. «Le plus important pourmoi a été de réaliser que je ne suis pas seule à vivre des situations destress. Je profite du partage», disait l'une d'entre elles dans son évaluation.Pour d'autres, c'est «l'amitié, la chaleur et le respect dans le groupe» quiont facilité leur apprentissage. Ces commentaires étaient bienreprésentatifs des sentiments des participantes.

Suite à la page 14

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OCTOBRE : Mois de l'histoire des femmes

1895-1992PAULINE BOUTAL :UNE VIE CONSACRÉEÀ L'ARTpar Monique Hébert

Par ses dessins, ses décors, ses costumes Pauline Boutai a contribué amplement au Cercle Molière.Ci-haut au temps de sa jeunesse.

A u Manitoba, dire le nomde cette femme créedifférentes réactions :

«cette peintre», diront certains, «cettefemme de théâtre», diront d'autres.Les plus jeunes ne connaîtront peut-être que la salle Pauline Boutai duCentre culturel franco-manitobain.D'autres encore ignorent totalementses exploits. Quant à moi, je laconnaissais, comme mes étudiants etétudiantes, du nom de la salle dethéâtre. Je m'imaginais bien qu'elleavait accompli quelque chosed'important dans ce domaine. Je suispartie à sa recherche en suivant lestraces de la troupe de théâtre franco-manitobaine, du Cercle Molière pourremonter au fil du temps jusqu'à revoirle contexte de son débarquement enterre manitobaine. C'est donc l'histoirede cette artiste, une femme de grandtalent, que je retracerai dans ce courttexte qui tente de lui rendrehommage. Une femme qui, de sonvivant, faisait déjà partie de la grandehistoire du Manitoba.

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Le Manitoba, terre d'accueil

a colonisation de l'Ouest s'effectue en grande partie au tournant dusiècle dernier et au début du présent siècle. Ces immigrants et immigrantesviennent de partout, mais principalement d'Europe. Arrivent d'abord leshommes pour bâtir sur les terres des maisons habitables qui permettent àleur famille de les suivre plus tard. Le ministre fédéral de l'Intérieur quis'occupe à l'époque d'immigration, Monsieur Sifton, avait alors établi unepolitique qui favorise grandement la venue des personnes d'Europe del'Est1. Mais, malgré le manque de coopération de la part des autoritésfédérales, les Français de France pourvoient tout de même leur lotd'immigrants et d'immigrantes.

Cinq hommes viennent de Bretagne s'installer à Saint-Laurent,Manitoba, au printemps de 1907 pour défricher des terres. Après deux ansde séjour, l'un d'entre eux, François Calvez, retourne en France chercherles familles respectives des autres pionniers ainsi que la sienne. Il revienten terre canadienne avec trente personnes dont l'aînée avait soixante-neufans et le cadet, un mois. Seul homme à voyager avec ces femmes et leursenfants, il s'occupe de la troupe pendant deux semaines sur une mauvaisemer ainsi que deux autres semaines sur les chemins de fer reliant Quebec-Winnipeg. À lui seul, le couple Calvez amène avec lui neuf enfants. Lamère de Madame Boutai, Madame Louise LeGoff, est aussi du nombreavec ses quatre enfants, dont l'aînée Pauline. Accompagnée de sa mère,Madame Jeanne Gabon, Louise vient rejoindre son époux, Jean-François.Aînée de ce groupe d'immigrantes, Madame Jeanne Gabon, coiffebretonne, a tout intérêt à s'installer au Canada avec son enfant unique et safamille2. Vous pouvez imaginer facilement la tâche de ces femmes pournourrir tout ce petit monde et voir à leur bien-être.

C'est dans ces circonstances qu'arrivé au Manitoba, Pauline LeGoff,une enfant du siècle dernier. Avant leur venue au Manitoba, son père etson grand-père maternel pratiquent l'art de la verrerie et possèdent unatelier de vitraux d'église à Lanhouarneau, en Bretagne. «Donc, l'atelierpaternel avait tout ce qu'il fallait pour éveiller chez elle le goût du dessin etde la peinture3». Malheureusement, la séparation de l'Église et de l'État enFrance, oblige ces propriétaires à fermer boutique. Sous les pressions deLouise, Jean-François LeGoff doit quitter la marine pour entrer au servicede son beau-père. Quelques années plus tard, à quarante ans, il prendencore le risque de changer totalement de carrière pour venir tenter sachance au Canada et devenir fermier. Pendant les premières années detravail du sol canadien, sa femme, sa cadette de dix ans, attend de sesnouvelles à Brest4.

Parlant de cette époque, Madame Boutai affirme que «II y avaitbeaucoup d'ouvrage. Il y en avait qui prospéraient et d'autres qui sevidaient et qui ne revenaient plus. C'était alors le vrai commencement. Il n'yavait pas autant de Français parce qu'il n'y avait pas assez d'argent vu lemanque de travail. Mais, c'est là qu'on a vu évoluer la belle grande joied'être descendu d'un groupe français. C'était merveilleux. Un groupe deFrançais avec trois ou quatre enfants qui nous ont aidés à rester5».

La famille LeGoff n'a guère de succès dans ce petit village manitobainpuisque dix-huit mois plus tard elle s'établit à Saint-Boniface. Vers cetteépoque, Pauline quitte l'école pour travailler comme serveuse dans unrestaurant aidant à renflouer les finances de la famille. Le destin entre enjeu et on lui offre alors un travail dans une entreprise d'imprimerie. À cet

endroit, les cupidons se mettent à l'action et Mademoiselle Pauline LeGoffrencontre celui qui allait devenir et demeurer le seul homme de sa vie,Arthur Boutai.

Une grande histoire d'amour

Pauline LeGoff et Arthur Boutai se rencontrent au Nouvelliste où elleentre à l'âge de ses quinze ans comme apprentie-typographe6. L'amour, legrand, l'unique, le vrai amour commence entre elle et le patron des lieux,Arthur Boutai. Malgré le jeune âge de son employée, il visite souventPauline; mais, en fait, il ne rencontre pas que sa douce puisque le reste dela famille adore aussi ses conversations. C'est un artiste dans son genre,un intellectuel : il aime les arts, les lettres et surtout le théâtre. En 1916, ellepart le rejoindre en France où il s'était rendu dès le déclenchement de laPremière Guerre mondiale. Ce couple de Canadiens d'origine française semarie à Angoulème et revient au Canada à la fin de 191 T.

À leur retour de France, ils s'installent à Saint-Boniface. Malgré leshabitudes du temps qui préconisent qu'une femme mariée ne doit pastravailler, Pauline trouve un emploi chez Grigden's. Elle reproduit desmodèles de mode pour les catalogues Eaton, travail qu'elle effectuependant 25 ans. Plusieurs photos de l'album familial montrent souventArthur et Pauline en pique-nique sur les bords de la rivière Rouge où ils sepromènent en bateau. Pendant leur promenade, ils sont accompagnés deChristiane, la soeur cadette de Pauline, filleule d'Arthur6.

Que mille talents brillent dans la plaine...

Dès 1925, le couple Boutai fait partie des premières présentations duCercle Molière. «Un des buts du Cercle Molière, nous dit Madame Boutai,était de développer le goût du théâtre en français chez les jeunes quijouaient avec nous et chez le public.» «... pour que les jeunes de notreépoque puissent se former et faire de bonnes rencontres9.» Regroupementdes amateurs et des amoureux du théâtre, le Cercle Molière est aujourd'huila plus vieille troupe de théâtre amateur au Canada français.

Pionnière du Cercle, elle tient facilement les propos suivants quiexpliquent sa position au début de la troupe : «J'étais l'une des seulesfemmes travailleuses et libres pour le théâtre. Quelquefois, certainesreprésentations marchaient bien et d'autres tombaient mal, mais d'autresartistes venaient et en montaient de nouvelles10.»

Artiste aux multiples talents, Pauline contribue amplement au Cercle parses dessins, ses décors, ses costumes. C'est à l'âge de 16 ans qu'elle joueson premier rôle, aux côtés de son compagnon Arthur, dans une pièceintitulée La petite chocolatière". En 1928, Arthur continue avecacharnement la direction de la troupe, toujours accompagné de Pauline.«Madame Pauline Boutai, non contente de fournir à la troupe la meilleureactrice, avait été le bras droit de son mari dans ses lourdes et multiplestâches de directeur12.» En fait, il restera aux commandes du Cercle Molièrejusqu'à sa mort en 1941.

«À la mort d'Arthur, notre président, le docteur Laflèche me demandad'assumer les fonctions que mon mari venait de quitter. J'ai dit : Docteur, jene serai pas capable. Je n'ai pas ses connaissances. Il a dit : Non, vousdevriez le faire. Nous allons vous aider13.»

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Et, effectivement, Madame Boutai prend les commandes de la troupe en1942 et les conserve jusqu'en 1968. Tout au long de cette carrière, elles'entoure d'une équipe composée, d'abord et avant tout, de sa famille.Louise, sa mère, était costumière assignée de la troupe alors que ses frèreset soeurs mettaient inlassablement la main à la pâte. Et le toutbénévolement, bien sûr! Dans un contexte de minoritaire, il est assezremarquable de constater les prouesses de survie de tout ce groupe.Harcelés de tout côté par la culture anglophone, les francophones duManitoba devaient trouver attrayantes les multiples manifestations de cetteculture. Le tour de force de Madame Boutai est d'avoir su garder vivanteune facette de la culture française à savoir le théâtre.

Mademoiselle Léonie Guyot, son amie pendant 25 ans, décrit en cestermes le type de leadership de Madame Boutai : «Elle possédait le dond'influencer et d'inspirer sans jamais écraser ni imposer. Elle savait tout demême garder une main ferme car elle savait créer une grande confiancedans son savoir. Elle possédait tout un doigté, tout un talent. Mais lemeilleur, c'est qu'elle était d'une humilité hors du commun. Et, voyez-vous,j'attribuerai le proverbe à cette grande dame : La modestie est le signe duvrai talent14.»

Peintre à ses heures

Pendant toutes ces années où elle travaille chez Brigden's et au CercleMolière, Madame Boutai entretient une autre passion, celle de la peinture.Elle excelle dans le dessin et souvent se laisse aller à griffonner sur despapiers buvards les personnages des pièces qu'elle est en train de lire.Mademoiselle Chrystiane LeGoff, sa soeur cadette, a gardé une magnifiquecollection de ces petits dessins. Alimentant son imagination par les lectures,Madame Boutai affirme, dans une causerie donnée à un groupe deCanadiennes françaises, que son auteur préféré est Alexandre Dumas. Ellese passionne pour les romans de cape etd'épées15.

Madame Boutai est convaincue de l'existence d'un art pictural canadien.«Il reflète aujourd'hui de plus en plus, dans le cadre de l'universalité, lacouleur, la personnalité et la vie du peuple canadien16.» Pour la période de1950, elle affirme même que le gouvernement du Québec est le plus libéralpour ce qui est de subventions qui permettent aux artistes de bien subsisterde leur métier. Elle se plaint clairement que l'État subventionne l'agriculture,les sciences, les universités pour les sports mais»... la vie culturelle fait latriste figure d'un parent pauvre qui s'enhardit de tendre la main pour nerecevoir que des paroles encourageantes et flatteuses17.» Car, voyez-vous,selon elle, «l'art, tout comme la religion est nécessaire à la vie d'un peuple.Espace d'érosion où les hommes se reposent de la vie étroite de tous lesjours18.»

Pour cette peintre, tout est matière à inspiration : la vue de sonappartement, les plages du lac Winnipeg ou encore un coin de rue deBergerac en France. Sa santé lui a permis d'être encore active à l'âge de 80ans car, en 1974, les villes de Saint-Boniface et de Winnipeg luicommandent des portraits d'hommes publics de la province. Sa passionpour la peinture explose littéralement à l'été de 1948 car, à cette époque,elle se rend à Cape Cod pour perfectionner son art19. Toujours à cettepériode, elle poursuit son voyage d'études à Paris où elle travaille sous latutelle d'André Lhote puis à la Grande Chaumière avec Charles Picard-Ledoux et Othona.

Toute sa vie, son art lui permet de vivre en faisant ce qui lui plaîtvéritablement. En 1942, après la mort de son mari, elle tire une grandepartie de sa substance de la vente de ses tableaux et des leçons privées depeinture et de dessins qu'elle donnait à l'école Provencher. Elle étaitvéritablement une artiste tout dévouée à l'art pour l'art, pour permettre à lapopulation de se sortir de la petitesse de la vie par l'exaltation de la beauté.Une vaste collection de ses tableaux a été présentée au Centre culturelfranco-manitobain au mois d'avril dernier pour faire connaître cette grandeartiste-peintre à la jeunesse francophone du Manitoba. Son impact socialest encore vivant aujourd'hui.

Pauline Boutai a prêté grandement son concours à la survie de laculture française au Manitoba. Elle a participé à la longue marche dupeuple canadien-français qui a ses racines hors Québec, mais qui gardeses yeux tournés vers ce lieu de régénération de sa francité. De plus, elle aamplement contribué à l'éclosion de mille talents francophones dans lesplaines de l'Ouest alors qu'ils étaient entourés d'anglophones souventantipathiques à la survie de ce groupe. «Le théâtre, dit-on, est le lieu derencontre de tous les arts. J'ai eu souvent l'occasion de m'en rendrecompte selon mes moyens21.»

En fait, Madame Pauline Boutai est d'abord et avant tout un événementlocal qui est devenu un haut-fait dans l'histoire du milieu. Elle était artistedramatique ne vivant que pour le théâtre et sa peinture. «Le théâtre, c'estson don; la peinture son revenu22.» Dans le ciel manitobain, trop pleind'étoiles ou de soleil, Madame Boutai a incarné les propos de Daniel Lavoie: «J'ai des racines en France aussi longues que la terre/une langue quidanse aussi bien que ma mère... J'ai des racines en France aussi fortesque la mer/une langue qui pense, une langue belle et fière...»23

Le 30 avril 1992, Madame Boutai est décédée à l'âge de 97 ans après une vie bienremplie. Je suis très heureuse d'avoir eu la chance de rencontrer, pour la rédaction de cetexte, cette femme si importante pour la communauté franco-manitobaine.

» t IOriginaire du Québec, Monique Hébert habite depuis huit ans le Manitoba où elle aenseigné au palier secondaire. Détentrice d'une maîtrise, elle poursuit des étudesdoctorales en histoire des femmes à l'Université du Manitoba.

1. Palnchaud, R. Rêve de peuplement français dans la Prairie.2. Fremont. D. Les Français dansl'Ouest, p. 15.3. La Liberté. 29 juillet 1970.4. Entretiens avec Mademoiselle C. LeGoff.5. Entretien avec Madame Boutai du 27 novembre 1991.6. Allaire, E. ProSIs féminins, p. 78.7. Ibid.8. Je Hens à présenter mes plus sincères remerciements à Mademoiselle LeGoff. soeur cadette de Madame Boutai,

qui m'a ouvert sa porte, ses reliques de famille ainsi que son coeur pour parler pendant d'il nom brables heures deMadame Boutai.

9. Chapeau Bas, p. 209.10. Entretien avec Madame Boutai du 27 novembre 1991.11. Fonds Boutai, SHSB, boite 1, chemise 1.12. Winnipeg Free Press, April 26ti 1975, traduction libre.13. Chapeau Bas, p. 218.14. Entretien avec Mademoiselle Guyot du 24 janvier 1992.15. Collection privée de la famille LeGoff, texte écritpar Madame Boutai -Autour d'un roman, fiction etréalité-,16. Ibid, texte-causerie, Quelques aspects de l'art canadien.17. Ibid, texte-causerie, Les arts au Canada, p. 3.18. Ibid.19. The Tribune, Saturday July, 24th, 1976.20. Brouillon de lettre personnelle adressée à un anglophone.21. Allocution prononcée au CUSB, le 30 mai 1978.22. Allaire, E. Op.cil., p. 79.23. Jours de Plaine, chanson de Daniel Lavoie.

Bibliographie disponible sur demande à la revue FEMMES D'ACTION.

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L'actualisation des valeurs féministes au 21e siècle : une question de survie planétaire

Vers un équilibre essentielpar Gaétane Payeur

D'un siècle à l'autre...

C'est seulement en établissant des relations humaines quenous sommes humains. Pour être humaines, les femmesdoivent donc partager la vie de l'ensemble de l'humanité1.

V,oilà ce qu'affirmait en 1914, l'américaine Charlotte Perkins Gilman.

Née en 1860, cette journaliste et militante féministe s'est toujoursardemment opposée à l'isolement des femmes, à la réduction de leur viedans la consécration aux maternités et aux tâches domestiques. Elleestimait, il y a cent ans, qu'il fallait construire une nouvelle société pourprogresser, et que ce progrès ne se ferait pas sans la participation desfemmes.

Cette femme active et engagée était scandalisée que les hommes aientcréé des femmes «fragiles, dépendantes, passives et timides... en refusantde marier celles qui s'opposaient à ce profil»2. Elle estimait qu'on niait auxfemmes les qualités dites viriles - mais simplement «humaines» en fait -que sont «le courage, la force, la créativité, la générosité et l'intégrité»3, nelaissant aux femmes que la vertu, c'est-à-dire la chasteté! Quel cheminparcouru! Selon notre féministe de la première heure,

te développement de l'individu ou de la société exige la miseen action de toutes nos capacités : physiques, intellectuelles,spirituelles et sociales. Or, dans chacune de ces sphères dupouvoir, on a refusé aux femmes le partage des activitéshumaines4.

Ici, le bilan est moins sûr : si on ne manque plus d'expertise, decourage, de créativité et de générosité, il n'est pas dit que le partage égaldes sphères de pouvoirs et d'activités, soit le lot des femmes à la veille del'an 2 000. Les propos de Charlotte Perkins Gilman sont pour une large partencore d'actualité. Les femmes dit-elle,

... ont besoin d'un milieu pour exercer leur autonomie. Leshommes, eux, souffrent d'une distorsion de leur personnalité àcause de leurs habitudes de domination et pouvoir. Unesociété saine, et pour les hommes et pour les femmes, exigel'autonomie des femmes. Les femmes doivent en êtreconscientes, et se solidariser dans une action politiquecollective5.

Cela nous rejoint aisément féministes d'aujourd'hui, et continue de nousinterpeller. La réalisation de la vision féministe du monde ne pourra se

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poursuivre sans une synergie de la créativité et de la persévérance desfemmes, sans leur engagement social, leur participation active à l'économieet leur leadership au plan politique.

Nous en sommes encore à devoir changer la société. Certains dossiersnous échappent : les garderies, la pornographie, l'avortement (dansplusieurs pays) et les mutilations sexuelles, par exemple. D'autres sonturgents depuis 20 ans de mouvement féministe, tels ceux de la pauvreté etde la violence faite aux femmes. Si, selon les statistiques, 60 % desCanadiennes sont sur le marché du travail, elles gagnent à peine plus que60 % du salaire des hommes6, se paient la grosse part du travail précaire,du maternage et des tâches domestiques. Il faut certainement «repenser letravail»7. Il faut certainement encore des comités provinciaux et nationauxpour trouver des moyens nouveaux, des «pénalités» adéquates, desinterventions, qui paralyseront ou transformeront les agresseurs etharceleurs, des mesures qui réussiront à démantibuler une violencesystémique. Devant de jeunes hommes et même des adolescents quireproduisent encore et encore le mépris des filles, des femmes, des mères,des professionnelles, des militantes pour la libération des femmes,certaines en viennent à douter, à se demander si certains dossiers ne sontpas éternels... En finirons-nous, au 21e siècle, de nous protéger, derésister, d'être en situation de réaction et de défense, de nous répéter, derecommencer à expliquer l'injustice, à revendiquer le respect, la parité, lechamp libre? À moins qu'il ait d'autres routes à prendre, d'autres manièresà la fois plus sûres et plus agréables à expérimenter8 dans un monde qui,de toute façon, se transformera - avec les femmes - à l'intérieur desrévolutions de l'informatique, de la «robotique», de la génétique, decommunications dans leur ensemble.

La transformation du monde

Voici quelques visualisations du 21e siècle. Selon John Naisbitt, lesgrandes organisations centralisatrices et dominatrices au plan social etéconomique céderont le pas à l'initiative et la créativité de l'individu dans unmonde d'information, de participation, de services. Il annonce la fin deschefs9 : l'informatique contribuera à la redistribution de l'information et à ladécentralisation, on passera à une structure horizontale de la société.

L'ordinateur va démolir la pyramide : nous avons inventé lemanagement hiérarchique et pyramidal, le seul qui nouspermettait de contrôler étroitement les individus et leurs actes;à présent que l'ordinateur enregistre et garde en mémoire cesdonnées, nous pouvons restructurer horizontalement nosinstitutions10.

Et cette société, axée essentiellement sur le recyclage du savoir,confrontera l'individu à devoir apprendre «à trouver un équilibre entre lesmerveilles matérielles de la technologie et les exigences spirituelles de lanature humaine»11. Vivre devant son écran exigera une maîtrise de soi et larevalorisation de relations humaines de qualité, choisies, agréables,nourrissantes. Les leçons de l'environnement et les explorations spatialescontribueront à développer l'approche globale et à long terme desphénomènes12. Monsieur Naisbitt confirme le renforcement de l'autonomiedes individus pour ce qui est d'auto-apprentissage, d'auto-santé,d'humanisation des naissances avec les sages-femmes et d'humanisationde la mort, tout cela dans des contextes personnalisés de collaboration oùla dépendance à l'égard des experts sera remplacée par la confiance en

soi, la responsabilité de soi et le sens de sa propre puissance et de sadignité.

Dans ce mouvement de renouveau de l'initiative individuelle etcommunautaire se multiplieront les groupes d'entraide pour résoudre lesdifficultés personnelles ou collectives. À l'intérieur de relations égalitaires oùles échanges sont informels, on s'appuie sur l'expérience acquise dechacun-e pour s'aider soi-même, qu'il s'agisse de problèmes de retraite,veuvage, divorce, poids excessif, abus de l'alcool, de médicaments ou dedrogue, qu'il s'agisse de maladies mentales, de divorce, ou encore d'auto-défense, de récupération et de recyclage, d'éducation à l'alimentation et àla consommation, etc.13. On se détournera donc des structuresconformistes des institutions.

De plus, selon les prospectivistes optimistes, nous passerons d'unedémocratie de représentation à une démocratie de participation, c'est-à-direque

Désormais citoyens, travailleurs et consommateurs exigerontd'avoir voix au chapitre et de peser davantage sur la politiquedu gouvernement, de l'entreprise et du marché des biens deconsommation14.

Et il convient de préciser que les groupes de pression exigeront ausside nouvelles réponses de la part des responsables politiques etéconomiques quant à leurs préoccupations sur l'éthique, l'environnement,la santé, la situation des femmes et des enfants, la qualité de vie desurbains, des travailleurs, des jeunes, des handicapés et des immigrants, surla paix, l'énergie, etc. On reconnaît là les objets des contestations desgroupements alternatifs et populaires. Selon John Naisbitt, cette forme departicipation active aux processus décisionnels signifie que les hiérarchiesseront remplacées par les réseaux.

C'est l'impuissance des hiérarchies à résoudre les problèmesde notre société qui a poussé les gens à la concertation15.

Vers une société multicolore et multiforme

On le sait, les réseaux déjà en place sont des outils qui permettent demettre en commun des ressources et de l'information, d'agir localement,par petits groupes; de faire prévaloir leurs conceptions et de changer l'ordredes choses. Pour compléter ce tableau avant-gardiste, on peut avec facilité«prédire» que la société de demain sera «multicolore et multiforme». Qu'ils'agisse de la vie familiale, de la vie sexuelle, du style de vie personnelle,de la vie professionnelle, de la vie culturelle et spirituelle, les visionnaires,sur la base des turbulences du présent, s'accordent pour affirmer que nouspassons dans l'organisation de nos vies «de l'alternative simple à la sociétémulti-optionnelle».

Pour leur part, Marvin Cetron et Thomas O'Toole - nous avertissent quele changement arrive de plus en plus vite et que les valeurs du passé nesont plus très utiles - relèvent les données suivantes : les femmes ontchangé, le «baby-boom» est terminé pour toujours, on ne se marie pluspour la vie; il y aura davantage de divorces, d'unions de fait, même chez lesaînés. L'avortement diminuera grâce à la pilule du lendemain, il y aura plusde mères célibataires et de mères porteuses par choix. La libérationsexuelle et l'indépendance économique des femmes se poursuivront.L'homosexualité sera acceptée. Suite à ,a page} 4

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... ACTUALITE

Lauréate de la bourse Almanda-Walker-Marc hand

Roselyn Denis Myreréalise son rêvepar Lyne Dion

rvAX ici trois ans, Roselyn Denis Myre quittera la Cité collégiale, seulcollège francophone de l'Ontario, diplôme en mains. Les portes du marchédu travail s'ouvriront alors toutes grandes devant elle. Tout un défi pour unemère de six enfants âgée de 38 ans qui effectue après 18 ans un retour auxétudes.

«Je veux gérer un service, j'aspire à devenir mon propre patron», lanceavec confiance la troisième lauréate de la bourse d'études Almanda-Walker-Marchand, offerte par la Fédération nationale des femmescanadiennes-françaises. En parlant des besoins de sa ville natale, Roselynconstate qu'il y a absence de professionnels en gestion. «Il manque degestionnaires ici à Hawkesbury et les statistiques de la Cité démontrent quele taux de placement dans ce domaine est de cent pour cent».

Inscrite au programme d'administration des affaires au campus deHawkesbury, la lauréate, parmi 65 candidates francophones issues demilieux minoritaires, a longuement mûri sa décision. En janvier dernier,Roselyn s'incrivait à un cours d'initiation des femmes aux métiers nonconventionnels. «Je voulais savoir si j'avais toujours la même facilité pourapprendre». Tout juste avant la fin de cette formation, des tests d'aptitudelui indiquent qu'un emploi de travailleuse sociale ou d'administratrice engestion lui collerait le plus à la peau. Les résultats s'avèrent guèresurprenants puisqu'elle consacre au moins 40 heures par mois à desactivités bénévoles pour des organismes de sa communauté. Elle compteà son actif un reluisant carnet de route auprès des personnes handicapées,au Regroupement Monoparent-plus et à l'Association parent-enseignant.

«Moi, ce que j'adore c'est de bâtir des projets à partir de rien, racontecette mère, séparée depuis quatre ans. J'aime travailler à des levées defonds ou à l'organisation de différentes fêtes.»

Engagée dans son milieu, elle connaît les besoins des résidants de sonquartier où l'on retrouve des habitations pour les personnes à faible revenu.La principale intéressée cite en exemple des améliorations qui pourraientêtre apportées aux services desservant les personnes handicapées ouencore au système de garderie. Dans ses plans professionnels futurs,Roselyn inclut, entre autres, la direction d'une maison d'hébergement oud'un centre de désintoxication.

Son retour sur les bancs d'école, l'interlocutrice l'entrevoit avecoptimisme et espère qu'il viendra assurer son autonomie financière. Aucours des ans, elle n'a cessé de parfaire son éducation par des cours

variés. Pourtant certaines personnes la croient trop vieille pour retourners'instruire. Elle en fait fi. Roselyn a même fait l'acquisition d'une automobile,elle qui ne sait pas encore conduire.

L'aînée des enfants Myre, Chantai, 16 ans, se dit «consciente de ce quis'en vient dans les prochains mois». Heureuse que sa mère s'inscrive à laCité collégiale, l'adolescente en parle comme d'un exemple à suivre. Lachef monoparentale a dû faire des démarches en vue d'obtenir les servicesd'une gardienne pour ses deux cadets, dont le plus jeune n'est âgé que detrois ans.

«J'aurai 26 heures de cours par semaine et une gardienne s'occuperades enfants pendant 40 heures.» Elle aura donc à sa disposition 14 heurespour ses devoirs. En raison de la séparation de leurs parents et bien quedeux des enfants soient aux prises avec un handicap physique, les jeunesMyre ont appris tôt à prendre soin d'eux-mêmes.

La bourse décernée par la Fédération nationale s'élève à 1 000 $, cequi contribuera aux frais d'inscription et à l'achat des livres nécessairespour une année d'études. Lors de l'entretien avec Femmes d'action,Roselyn Denis Myre a confié qu'avant l'annonce de sa nomination en tantque récipiendaire de la bourse Almanda-Walker-Marchand, un retour auxétudes prenait l'allure d'un rêve. Un rêve devenu réalité.

BOURSE D'ÉTUDESALMANDA-WALKER-MARCHAND

Est-ce pour vous?Si vous êtes :• citoyenne canadienne • d'expression française • du Canada françaisSi vous avez l'intention de :• faire un retour aux études et de poursuivre une formation collégiale ou

universitaire• d'étudier dans une province canadienne autre que le Québec

Vous êtes admissible à cette bourse d'études offerte par la Fédérationnationale des femmes canadiennes-françaises

Inscription : du 30 janvier au 30 avril 1993

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Sait-on jusqu'où va la formation?Afin de mettre sur pied ces groupes dans les communautés, il a d'abord

fallu réunir un comité consultatif et établir des liens avec lesprofessionnelles de la santé des régions francophones. C'est ainsi quedans chaque communauté rurale, deux animatrices potentielles ont étéchoisies pour diriger des groupes et servir de personnes-ressources dansleur milieu. Vu l'importance de bien les préparer à vivre cette expérience,ces dernières ont bénéficié d'une fin de semaine de formation. Avec l'aidedes formatrices, elles ont analysé à fond le contenu du programme à offriraux groupes. En plus d'apprendre diverses techniques de présentation,d'animation et de rétroaction, chaque participante a eu l'occasion deprésenter un mini-atelier et d'être évaluée dans un climat de groupesécurisant et convivial.

Par la suite, la formation s'est faite de façon continue par un suiviauprès des animatrices; elles étaient jumelées à une formatrice qui lesaidait dans leur préparation et qui assistait aux réunions des groupes dansles communautés. Plus confiantes, les animatrices pouvaient ainsi former àleur tour des femmes comme elles, des amies, des voisines, des femmesde leur communauté.

Lors de rencontres d'évaluation à mi-chemin et à la fin de leurexpérience d'animation, les animatrices ont eu l'occasion de partager cequ'elles avaient appris en cours de route. Elles ont aussi eu la chance deparler de leurs sentiments, de leurs préoccupations, de leursaccomplissements, sachant bien que les autres comprendraient ce qu'ellesvivaient. Lors d'une telle rencontre, une animatrice a parlé ainsi de sonexpérience : «Ça m'a donné l'occasion de me retrouver, de me sentircapable. Je me permets maintenant de prendre du temps pour moi.» Uneautre a déclaré que depuis qu'elle avait fait de l'animation, elle avaitdavantage confiance en elle et faisait maintenant des choses qu'elle avaittrop peur de faire auparavant. Voilà les retombées positives à long termeque peut donner la formation. La priorité du «Projet santé» du Centre defemmes Pluri-elles (Manitoba) Inc. sera de continuer à mettre l'accent sur laformation. Celle-ci peut ouvrir des portes et qui sait jusqu'où elle peutmener...

I I IInfirmière de profession, Michelle Cenerini est «ordonnatrice du «Projet santé» auManitoba.

Suite de la page 12

Vers un équilibre essentiel

De plus, on vivra de plus en plus longtemps grâce à une alimentationsaine, l'exercice physique et les progrès gigantesques de la médecine. Etnous bénéficierons également de pilules qui faciliteront l'activité de lamémoire et la concentration dans l'apprentissage. Les handicapés de leurcôté profiteront largement des progrès technologiques16.

Enfin, en ce qui a trait à la religion, il semble que «l'environnement serala religion organisée du prochain siècle»17. Les auteurs pensent que lesreligions patriarcales continueront de décliner, mais s'inquiètent tout demême de la montée considérable du fondamentalisme : que ce soit parl'Islam, le missionnariat agressif et l'expansion des Mormons, leconservatisme persistant des juifs orthodoxes18. Dans l'ensemble, malgrécertaines crises, malgré le chômage qui continuera, malgré la vie difficile

pour les jeunes, malgré le stress des 40 ans et plus qui devront se recyclerau plan professionnel, la condition humaine s'améliorera. Malgré certainesincertitudes concernant les conditions de travail des femmes, il semble queleurs revendications porteront des fruits.

Vision futuriste et mouvement des femmes

II est étonnant de constater à quel point les visions du prochain siècleque nous venons de décrire sont réconciliables avec les aspirations dumouvement féministe! Mises à part les questions des nouvelles techniquesde reproduction et les incertitudes à propos de la nature et les modalitésd'emploi dans les prochaines décennies, les transformations décrites, déjàamorcées pour la plupart, rejoignent l'action féministe.

On peut penser, soit que les scénarios de ces prospectivistes sont tropoptimistes, soit que les féministes rêvent aussi, soit que le mouvement desidées féministes ait eu une longueur d'avance et les ait inspirés, soit que lesvaleurs féministes aient commencé à s'incarner dans les mentalités desfemmes... et de certains hommes et ainsi à influencer le cours des choseset à déstabiliser la civilisation patriarcale. Peut-on y croire? Le règneprochain des valeurs féministes serait annoncé et reconnu, nous pouvonstout espérer alors et poursuivre notre action. Monsieur Naisbitt, pour sapart, prédit une «explosion de choix pour les femmes» : jamais n'ont-elleseu un tel éventail de possibilités pour remettre en question les rôles qu'onleur a traditionnellement prescrits, pour se réaliser et contribuer àl'avènement d'une société plus humaine.

Le second volet de cet article se penche sur les nouveaux paradigmeset les valeurs féministes. Quel sera l'impact des valeurs féministes au 21 •siècle? L'auteure dresse ici un tableau «des nouvelles priorités que nousaurons toutes et tous intérêt à adopter» pour assurer la survie de cetteplanète. ^

Gaétane Payeur est andragogue et sociologue féministe. Professeure à l'Université duQuébec à Hull, elle agit également à titre de personne-ressource et de consultante

auprès de nombreux groupes de femmes.

1. Lane, A.J., dans l'introduction de Perkins Oilman, C., Herland, New York, Panthéon

Books, 1979, p. XI.2. Ibid, p. XIII3. Cf. Ibid, p. XI4. Ibidem. Nous traduisons librement.5. Ibidem.6. Cf. Gagnon, N., Un vol organisé, la discrimination des femmes, Hull, Éd. Asticou,

1989, pp. 43-48.7. Cf. Legault, G., Repenser le travail, Montréal, Éd. Liber, 1991.8. Cf. Payeur, G., La violence faite aux femmes : une alternative à la résistance, dans

Communiqué, Ottawa, Union Culturelle des Franco-Ontariennes, vol. 8, no 4, nov.

91, pp. 16-19.9. Cf. Les dix commandements de l'avenir, Paris/Montréal, Sand-Primeur, 1984, p. 17.

10. Ibid., p. 34411. Ibid., p. 7412. Ibid., p. 124. Cf. également Capra, F., Le temps du changement, Paris, Éd. du

Rocher, 1983, Partie IV.13. Cf. Naisbitt, J., op.cit., Chap. 6.14. Ibid., p. 229

15. Ibid., p. 26916. Cf. Encounters with the Future: A Forecast of Life into the 21st Century, NewYork,

McGraw-Hill, 1982, pp. 3-17.17. Ibid, p. 75.18. Cf. Ibid., pp. 164 et suivantes.

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UNE ORGANISATION DIFFERENTE :LA COOPERATIVE par Nicole Giroux et Marie-Claire Malo

j\ uelles sont les origines du mouvement• / coopératif? Comment fonctionne-t-il? Quels sontJ& les défis des coopératives? Que représente la

formule coopérative pour les femmes? Autant de questionsauxquelles répondent nos auteures Nicole Giroux et Marie-Claire Malo, spécialistes de la question.

Le mouvement coopératif, né d'une utopie...

IVé en Angleterre en 1844, le mouvement coopératif est de lamême époque que les syndicats avec lesquels il partageait des butscommuns. L'association coopérative comme l'association syndicalevisaient à contrer les abus du capitalisme et à améliorer lesconditions de vie des classes laborieuses. Ces deux typesd'organisation devaient cependant suivre des voies différentes. Alorsque les membres des syndicats prenaient une position revendicatriceface au patronat, les membres des coopératives décidaient dedevenir les propriétaires de leur organisation.

Le mouvement coopératif naissant s'est inspiré des expériencescommunautaires utopiques issues de courants de pensée anglais(Owen), français (Saint-Simon, Fourier et Cabet) et allemand(Weitling, Raiffeisen)1. On rêvait alors d'une société nouvelle oùl'égalité et le partage seraient les valeurs de base. On aspirait à unevie communautaire où, à travers la coopération, les individusprendraient en charge la satisfaction de tous leurs besoins.

La première coopérative a été fondée par les «pionniers deRochdale». C'était un magasin qui approvisionnait les familles endenrées de base à un coût raisonnable. L'objectif était de satisfaire

les besoins des membres et d'utiliser les surplus réalisés pour développerd'autres coopératives. Ces premiers coopérateurs ont jeté les bases d'ungrand mouvement qui s'étend aujourd'hui à l'échelle de la planète et quicompte environ un demi-milliard de membres2.

La coopérative versus Ventreprise privée

La coopérative comme toutes les organisations utilise des ressources etles transforme en biens et en services. Cependant la finalité et les règles defonctionnement la distinguent des entreprises privées capitalistes.

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L'objectif de la coopérative n'est pas de faire des profits et de fournir àses propriétaires un rendement élevé sur leur capital. La coopérative existepour procurer à ses membres les services dont ils ont besoin. Différentstypes de besoins sont satisfaits par les coopératives. Par exemple, lacoopérative peut offrir à ses membres consommateurs des servicesfinanciers, des produits alimentaires, des logements, des fournituresscolaires, des services de garde etc. Elle peut transformer et mettre enmarché les produits fournis par ses membres producteurs agricoles,forestiers ou pêcheurs. Elle peut aussi créer des emplois pour sesmembres travailleurs et cela dans divers secteurs d'activités comme laconstruction, la confection, l'imprimerie, la consultation, etc. L'activité de lacoopérative est donc définie en fonction des besoins concrets et quotidiensde ses membres qui en sont les principaux utilisateurs. C'est pourquoi onqualifie souvent les sociétaires des coopératives de membres-usagers3.

Dans une coopérative, la propriété est collective contrairement àl'entreprise privée où chaque actionnaire détient une partie del'organisation. Le membre de la coopérative détient une part sociale qui luiconfère le droit de participer à l'association et c'est cetteassociation de personnes et non l'individu qui possède lesactifs de l'entreprise.

Dans l'entreprise privée, l'actionnaire prendra part auxdécisions au prorata des actions qu'il détient. Dans lacoopérative, les décisions se prennent selon la règledémocratique d'une personne=un vote. Quel que soit lemontant qu'il a investi dans la coopérative, le membren'aura droit qu'à un seul vote. C'est ce qu'on appelle leprincipe d'égalité.

Dans l'entreprise privée, l'actionnaire recevra unepartie des profits sous forme de dividendes et, en vendantses actions, il profitera d'un gain en capital si la valeur deson action sur les marchés a augmenté. Dans la coopérative, le membrerecevra une ristourne si la coopérative génère des surplus. Cependantcette ristourne ne sera pas calculée en fonction de son investissement,mais bien en fonction de l'usage qu'il fait de sa coopérative. C'est leprincipe d'équité. Finalement, quand un membre décide de quitter sacoopérative, il ne reçoit en retour de sa part sociale que le montant qu'il adéboursé à l'origine. Il y a donc absence de gain de capital. La valeur dessurplus réinvestis collectivement par les membres dans leur organisationdemeure sous forme d'une réserve impartageable entre les membres de lacoopérative. Ce patrimoine constituera l'héritage légué d'une génération àl'autre par les usagers. C'est le principe de pérennité.

Aux principes d'égalité, d'équité et de pérennité s'ajoutent d'autresrègles de fonctionnement comme ceux de la porte ouverte et de l'adhésionlibre et volontaire qui assurent le libre accès à la coopérative à tous4. Il y aaussi le principe d'éducation des membres à la coopération et le principed'intercoopération qui favorisent la solidarité entre les coopératives d'unmême secteur d'activités économiques et entre les différents secteurscoopératifs, en vue de développer le mouvement.

Les défis de la formule coopérative

La formule coopérative s'est développée depuis près de 150 ans avecdes succès divers selon les milieux. Aujourd'hui, le mouvement coopératif

est composé d'une multitude de petites et de grandes coopératives qui trèssouvent se sont regroupées en fédérations. Quand plusieurs fédérationsexistent dans un même secteur, habituellement elles se sont regroupées àleur tour au sein d'une confédération. Les coopératives se sont dotéesd'organismes de représentation tant aux niveaux provincial, canadien (ex.:le Conseil canadien de la coopération), qu'international (Alliancecoopérative internationale)5.

Savoir s'adapter

Malgré le développement du mouvement, plusieurs défis se posent auxcoopératives. Il y a en premier lieu celui de la pertinence. Ainsi lescoopératives doivent sans cesse s'adapter aux nouveaux besoins de leursmembres. Elles doivent continuer l'éducation des nouvelles générations demembres aux principes de la coopération, principes qui ne sont pastoujours favorisés dans les sociétés qui privilégient l'individualisme et lacompétition.

Être démocratique

II y a aussi le défi de la démocratie. Lorsque lacoopérative prend de l'expansion, sa taille peut devenirune contrainte. Il est alors plus difficile d'assurerl'information et la communication entre les membres etleurs représentants qui sont élus au conseild'administration, à la direction ou à d'autres instancesdécisionnelles de l'entreprise. Avec la croissance, lesociétariat peut devenir de plus en plus hétérogène cequi pose le problème de la diversité des services àfournir afin de satisfaire les besoins différents des diversgroupes de membres.

La concurrence

II y a enfin le défi de la concurrence. Les coopératives qui oeuvrent dansune économie de marché font face à des concurrents des secteurs privé etpublic qui souvent possèdent davantage de ressources financières. C'estpourquoi elles devront encore à l'avenir faire preuve d'efficience dans lagestion de leurs ressources et être créatives dans leurs modes definancement. Ensemble elles devront continuer de satisfaire les besoins deleurs milieux, faire face à la globalisation des marchés, promouvoir ledéveloppement des collectivités défavorisées. On demande souvent auxcoopératives de s'occuper d'activités utiles pour les gens, mais nonsuffisamment rentables pour intéresser un entrepreneur capitaliste. C'estpourquoi l'entrepreneurship coopératif est souvent appelé unentrepreneurship collectif.

Les femmes et le mouvement coopératif

Depuis les débuts du mouvement coopératif, les femmes se sontengagées dans ces associations. Elles l'ont fait à titre de membres, demilitantes, de dirigeantes ou de gestionnaires. Est-ce à dire que lescoopératives sont des organisations favorables à l'émancipation de lafemme? La réponse à cette question pourrait bien être oui...mais. Enthéorie, à cause de ses règles de fonctionnement démocratique et duprincipe de la porte ouverte on pourrait croire que les femmes participentégalement au mouvement coopératif. La réalité n'est toutefois pas si rosé.

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Fauquet, un grand théoricien français de la coopération, dont lesoeuvres ont été écrites pendant la première moitié de notre siècle, disaitque les coopératives étaient un lieu d'apprentissage pour les femmes,qu'elles leur permettraient d'avoir accès à la vie sociale et économique6. Ilavait raison. Déjà en 1921, plus de 52 000 femmes étaient membres desguildes de coopératrices, associations fondées en Angleterre par lescoopératives de consommation7. Elles surveillaient la qualité des produitsvendus dans les magasins coopératifs. C'étaient en somme les premièresconsommatrices averties. L'histoire des coopératives nous révèle que lesfemmes ont été actives dès la naissance et tout au long du développementdu mouvement coopératif. Le travail des femmes comme militantes etbénévoles a permis l'essor de ces organisations.

Les pratiques des coopératives reflètent lesvaleurs de leurs membres

Si les femmes sont très souvent membres actives dans lescoopératives, leur nombre dans les lieux de pouvoir comme les conseilsd'administration ou les postes de direction est loin d'équivaloir dans lesociétariat. Les coopératives malgré leurs principes sont influencées par lecontexte social et culturel dans lequel elles opèrent. Ainsi, jusqu'en 1963,au Québec, à cause du code civil d'alors, les femmes ne pouvaientlégalement être gérantes de caisses d'épargne et de crédit (caissespopulaires) : elles faisaient le travail bien sûr, mais sans en avoir le titre etsouvent sans salaire. Non seulement les législations, mais aussi lesmentalités peuvent être un frein à la participation complète et entière desfemmes aux coopératives. Les pratiques des coopératives reflètent en celales valeurs de leurs membres.

Les choses changent cependant. Bien sûr pas aussi rapidement qu'onle souhaiterait. Mais, suite aux pressions des femmes, de plus en plus decoopératives font du recrutement positif en faveur des femmes. Elleschangent aussi parce que des femmes prennent l'initiative de fonder elles-mêmes leur propre coopérative pour se doter des services dont elles ontbesoin ou pour créer leurs propres emplois8.

Notre expérience personnelle d'engagement dans le mouvementcoopératif et nos échanges avec des femmes impliquées à différentsniveaux dans diverses coopératives nous amènent à faire plusieursconstatations. Premièrement, les coopératives nous semblent desorganisations plus accessibles pour les femmes que les entreprises privées.Point n'est besoin d'avoir beaucoup de capital pour en faire partie.Deuxièmement, les coopératives parce qu'elles sont la combinaison d'uneassociation de personnes et d'une entreprise économique offrent auxfemmes des opportunités d'influencer la vie de leur communauté et dedévelopper des connaissances en gestion. Finalement, la logique dumouvement coopératif, de par son caractère foncièrement humaniste, estproche des aspirations des femmes qui sont sensibles aux valeurs departage et préoccupées par la satisfaction des besoins humains concrets etquotidiens.

L'engagement dans le mouvement coopératif est exigeant et parfoisfrustrant. Cela requiert de la disponibilité et de la patience. C'est là lacontrepartie du «self-help» et de la démocratie. Mais c'est une expériencecombien enrichissante!

Marie-Claire Malo

Nicole Giroux

Les auteures sont chercheuses au Centre de gestion des coopératives de l'École desHautes Études Commerciales de Montréal. Nicole Giroux est professeure adjointe. Elleenseigne la communication organisationnelle à la Faculté des arts et sciences del'Université de Montréal. Marie-Claire Malo est professeure agrégée. Elle enseigne lagestion à l'École des Hautes Études Commerciales de Montréal.

I ! I

Au sujet de «l'utopie coopérative» et de «réclusion coopérative», on peut consulterles deux premiers chapitres du livre d'Henri Desroche intitulé Le projet coopératif,publié en 1976 par les Éditions Économie et Humanisme et les Éditions ouvrières, àParis.Pour un «portrait économique des coopératives au Canada et dans le monde», voir letexte de Johanne Bérard, Raymond Brulotte et Marie-Claire Malo paru dans Initiationà la coopération, Québec, Télé-Université, Université du Québec, 1989.Dans une coopérative de travail, c'est à titre de travailleurs que les membres sont les«usagers» de la coop et les clients sont habituellement des non-membres.Cette ouverture est cependant limitée par les capacités techniques d'accueil del'entreprise coopérative (exemple : taille de la garderie, taille de l'entrepôt, etc.). Poursatisfaire à une demande d'adhésion plus grande que les capacités de l'entreprise,les responsables de la coopérative pourront envisager une expansion de cènecapacité ou encore appuyer la création d'une deuxième coopérative.Le Conseil canadien de la coopération publie l'Agenda des coopérateursqutcomprend, en annexe, un annuaire des coopératives francophones. Renseignementsauprès de Sylvie St-Pierre Babin : téléphone (613) 234-5492;télécopie (613) 567-0743.

Les oeuvres de George Fauquet Le secteur coopératif, Regards sur le mouvementcoopératif, etc. ne sont pas faciles à obtenir. Une réédition parue en 1965 auxÉditions de l'Institut des études coopératives, à Paris peut être consultée à laBibliothèque de l'École des Hautes Études Commerciales de Montréal. Cettebibliothèque abrite une impressionnante collection de plus de 7 000 monographies et230 périodiques sur les coopératives, dont le développement est sous laresponsabilité de Michelle Rhéaume Champagne depuis 1973.Téléphone : (514) 340-6223; télécopie : (514) 340-5639.Voir Françoise Baulier, «Femmes et organisations féminines dans l'Alliancecoopérative internationale», article paru dans le numéro thématique Coopératives etFemmes publié par Coopératives e( Développement, la revue du Centreinteruniversitaire de recherche, d'information et d'enseignement sur les coopératives(CIRIEC), vol. 17, no 20,1985-1986, pp.43-75. Pour renseignements, rejoindre

Suzanne Lamoureux Deveault : téléphone (514) 340-6016 ettélécopie (514) 340-5699.Sur la place et le rôle des femmes dans différents secteurs coopératifs, voir lenuméro Coopératives et Femmes préparé sous la responsabilité de Nicole Giroux,Marie-Claire Malo et Michelle Rhéaume Champagne et publié par la revueCoopératives et Développement dont on a donné les coordonnées ci-dessus.

SEPTEMBRE 1992

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SUR LES TRACES DE DORIMENE DESJARDINSpar Lucille Gaudet

L a coopération suppose des valeurs desolidarité, d'autonomie, d'égalité et de prise encharge qui s'inscrivent dans l'idéologie du

mouvement féministe. À partir de Dorimène Desjardins, lapremière femme à contribuer au Mouvement des caissespopulaires, de nombreuses femmes ont poursuivi cetengagement. L'une d'elles, Lise Julien, participe à partentière aux décisions et joue un rôle de premier plan.Directrice générale de la Caisse populaire Desjardins deSillery, dirigeante à la Fédération des caisses d'économieDesjardins de Québec et seule femme dirigeante à laConfédération des caisses du Québec depuis mars 1989,Lise Julien contribue à l'essor du Mouvement Desjardins.

Lise Julien, seule femme dirigeante à la Confédération des caisses du Québec

Un monde d'hommes

I onceuse de nature, Lise Julien, ne se destinait pas au milieufinancier. L'idée de faire carrière chez Desjardins ne l'avait même paseffleurée lorsqu'en 1954, après avoir terminé ses études secondaires, elleest engagée comme commis à la Caisse de Sillery. C'était, selon sespropos «dans le but de gagner quelques sous en attendant d'avoir l'âgerequis pour pouvoir suivre un cours d'infirmière».

Cette première année a quand même été décisive pour elle. Sonpenchant naturel pour la comptabilité et les finances s'étant manifesté, lacarrière d'infirmière lui souriait moins. Le jour de ses dix-huit ans, elle estallée rencontrer son patron pour lui demander s'il croyait qu'un jour ellepourrait être assise dans son fauteuil. Ce dernier lui a alors répondu :«Écoute, tu es une femme. Ce sera difficile parce que c'est un monded'hommes, mais je veux bien t'enseigner ce que je sais.» C'était en 1955

et, de l'avis même de Lise Julien, plutôt exceptionnel pour un homme decette époque. «Alors, je me suis dit que la porte était entre-ouverte et, àpartir de là, j'ai foncé petit à petit, pour finalement franchir tous les échelonsici à la Caisse de Sillery et devenir directrice générale en février 1975. Çam'a pris 20 ans.»

La Caisse de Sillery : un exemple à suivre

Les femmes dirigeantes sont très présentes à la Caisse de Sillery. «Ona plus d'un tiers de femmes au sein de chacun des conseils, alorsqu'actuellement, chez Desjardins, la représentativité est à peu près de 20 à21 %.» Évidemment, ce n'est pas parce qu'elles sont femmes qu'elles ontété choisies, mais bien parce qu'elles répondaient au profil établi et qu'ellesen avaient les capacités.

Les mentalités, selon Lise Julien, ont bien changé. «Auparavant, jefaisais réfléchir les gens sur le fait qu'il n'y avait pas suffisamment de

Mwtâaclion SEPTEMBRE 1992

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femmes autour de la table, mais maintenant la réaction ne vient plus demoi; c'est ancré dans notre culture.»

Le pouvoir, et le vouloir d'être dirigeante

En 1977, Lise Julien est devenue la première femme à siéger auConseil de surveillance de la Fédération de Québec. Lorsqu'un poste s'estlibéré à la suite du décès d'un conseiller, le président de la Fédération àl'époque, a suggéré aux autres dirigeants d'étudier la possibilité de nommerune femme. «On a pensé à moi, d'une part, parce que j'étais déjà directricegénérale d'une caisse, mais aussi parce que j'avais accepté des dossiers,que je m'étais impliquée au niveau de regroupements régionaux, decomités de directeurs de caisses de Québec métro, et j'en passe. C'estcomme ça qu'on est venu me chercher.»

Lise Julien défend les causes auxquelles elle croit, mais ne se promènepas avec un étendard en bousculant les autres. «Je pense que c'est pluspar la théorie du petit pas et de la conviction qu'on y arrive et dans ce sens-là j'ai été très bien accueillie. Mais, en même temps, je sens très bien que jevis dans un monde d'hommes.» En effet, au conseil d'administration de laConfédération, il y a trente-trois personnes autour de la table dont unefemme, Lise Julien, qui y siège depuis mars 1989. Il y en a eu deux danstoute l'histoire du Mouvement Desjardins. La première a été MoniqueVézina Parent.

// reste beaucoup de chemin à parcourir

Lise Julien se demande s'il y aura d'autres femmes à la Confédération.En effet, bien que Desjardins ne soit pas un milieu fermé et que touspuissent y avoir accès, les femmes ne sont pas représentées dans uneproportion égale à toutes les instances décisionnelles. Le problème seraitplutôt d'ordre structurel, comme c'est le cas pour toutes les institutionsfinancières.

En fait, rien ne s'oppose à une plus grande représentativité féminine,mais rien non plus n'y incite. Il est bien connu que les femmes sonttoujours bien dans un système d'égal à égal. Elles fonctionnent bien dansun système en cercle où tout le monde a le même poids. Mais, dans unsystème hiérarchique comme chez Desjardins et comme on en voit partout,les femmes se sentent souvent mal à l'aise et c'est pourquoi elles nerestent pas beaucoup dans les postes de dirigeantes, si toutefois, ellespeuvent y accéder.

À titre d'exemple, Lise Julien nous a parlé d'un poste de représentant dela région de Montréal qui s'était libéré dernièrement. Ayant téléphoné à laFédération de Montréal pour leur suggérer d'identifier une femme pour ceposte, elle s'est fait répondre spontanément qu'il n'y en avait pas, ce qu'ellea réfuté d'emblée. On a alors reconnu qu'il y avait deux femmes dirigeantesà la Fédération de Montréal, pour s'empresser ensuite de dire que l'uned'entre elles était trop occupée. Lise Julien n'a pas apprécié qu'on décidede la non-disponibilité de cette personne sans vérifier au préalable. «Unmandat comme celui-là n'est pas offert tous les jours et c'est un bout dechemin dans une carrière qui est intéressante.» Puis, au sujet de ladeuxième, on lui aurait dit qu'elle était dans le même secteur qu'une autrepersonne et qu'on ne voulait pas deux représentants par secteur. Cetargument, selon Lise Julien, ne faisait pas le poids puisqu'un précédentavait déjà été établi à cet égard.

Nous avons toutes le droitde participer aux décisions

Pour Madame Julien, une réponse acceptable aurait été de se faire direqu'à la suite de l'évaluation des candidats possibles, la personne la plusforte était un homme. «Ça, je le comprends, et ça arrive aussi. Ce ne sontpas tous les hommes, ni toutes les femmes qui ont la capacité de prendredes fonctions comme celles-là. Dans ce contexte-là, je pense que c'est unargument qui peut tenir.»

Un premier déclencheur

Pour amener d'autres femmes à siéger aux conseils, un premiercolloque des femmes dirigeantes du Mouvement Desjardins s'est dérouléen avril 1991 sous sa présidence.

Bien que le colloque s'adressait particulièrement aux femmes, les 32hommes membres du conseil d'administration de la Confédération avaientété invités à participer. «C'était, d'affirmer Lise Julien, dans le but de ne pasavoir à leur raconter ce que les femmes voulaient vivre chez Desjardins. Onvoulait qu'ils se rendent compte par eux-mêmes qu'il ne s'agissait pas d'uneguerre contre les hommes, mais tout simplement de prendre une placepour qu'en fin de compte, Desjardins soit dirigé par une proportion égaled'hommes et de femmes.»

Depuis le colloque, de nombreuses activités, petites et grosses, se sontdéroulées dans les régions. La Fédération de Québec, par exemple, atravaillé en collaboration avec la Fédération des femmes du Québec afind'offrir au printemps 1991 des sessions de formation pour les futuresdirigeantes. Le nombre d'inscriptions a dépassé toutes les attentes etdémontre à quel point les femmes sont intéressées à siéger à des conseilsd'administration. «Quand les femmes s'inscrivent à ces sessions-là, c'estparce qu'elles ont déjà la volonté de s'impliquer quelque part. Une foisqu'elles ont fait la formation, elles sont encore plus motivées. Il ne sert àrien d'essayer de solliciter plusieurs personnes pour devenir candidates. Sipeu sont élues ça nous avance plus ou moins. Tandis qu'avec ceprogramme-là, on a vraiment des chances que le groupe augmente.»

Prenons nos places, nous les femmes

Lise Julien croit que nous avons toutes le droit et la possibilité departiciper aux décisions qui influencent notre vie et notre société. «Çaprend de la détermination pour y arriver et il ne faut pas lâcher. La vraie viec'est autant de femmes que d'hommes dans le quotidien, dans notresociété, et, pour que les décisions d'une entreprise soient prises au refletde la société, il faut que les femmes et les hommes soient représentés dansune proportion égale autour de la table.»

I I I

Lucille Gaudet est adjointe à la rédaction de la revue Femmes d'action.

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SYLVIE ST-PIERRE BABIN,AGENTE DE CHANGEMENT!par Denise Lemire

•̂

A la direction du Conseil canadien de lacoopération depuis 1990, Sylvie St-PierreBabin représente un nouveau souffle pour les

femmes au sein du mouvement coopératif. Un mouvementqui ne recèle, pour elle, aucun secret.

LJes l'âge de six ans, elle s'occupait de la caisse scolaire enremplissant des bordereaux collectifs de dépôt. Son père étant trèsimpliqué dans le fonctionnement de la caisse populaire locale, lui en parlaitconstamment. Le vocabulaire des coopératives a fait partie de sonéducation et a favorisé, par le fait même, son éveil à la coopération.Aujourd'hui encore, elle défend avec ardeur les caisses scolaires parcequ'elle reconnaît l'importance d'une telle formation...«ce sont des chosessimples mais qui sont très formatrices».

Plus tard, Sylvie St-Pierre Babin étudie le droit et devient avocate. Decette période de sa vie où elle pratiquait, elle a conservé le goût detravailler avec des groupes, de prévenir plutôt que de guérir. «Aider lesgens à ne pas avoir de problèmes» est devenu depuis lors son mot d'ordre.Elle a exercé par la suite les fonctions de directrice générale du Conseil descoopératives de l'Outaouais pendant neuf ans. Ce travail lui a apporté laconviction d'avoir trouver sa voie : elle se sent «naturellement bien» dans lemilieu coopératif.

À l'automne 1987, un heureux hasard l'amène au Conseil canadien dela coopération (CGC) juste au moment où elle cherchait de nouveaux défis.Le Conseil lui demande d'assumer la direction du nouveau bureau qu'ilvient d'ouvrir à Ottawa. On lui confie la tâche d'initier de nouveaux dossierset d'améliorer les rapports avec les différents organismes gouvernementauxainsi qu'avec les associations nationales francophones et anglophones.Lorsque le siège social déménage de Lévis à Ottawa en 1990, elle endevient la directrice générale.

Le Conseil et la francophonie

Le Conseil canadien de la coopération favorise la promotion descoopératives et du mouvement dans son ensemble en plus de promouvoirle développement socio-économique des communautés francophones duCanada. Sylvie St-Pierre Babin voit à la réalisation des différents champsd'intervention (affaires gouvernementales, développement coopératif,marketing et administration) définis dans la planification stratégique et leplan triennal; elle est aussi à l'affût de nouvelles implications, de projetsnovateurs et de nouveaux partenariats.

Le Conseil doit être davantage vigilant surtout lors des consultationspré-budgétaires, des réactions aux budgets, et lors de dossiers spéciaux

comme la mise en place de la TPS. Elle cite l'exemple du capital social quiavait été taxé alors que les actions des compagnies ne l'avaient pas été. LeConseil avait alors dû faire beaucoup de pression et défendre son point devue. «C'était vraiment une méconnaissance du système coopératif et unesituation inacceptable».

Faire équipe

Sylvie St-Pierre Babin assume également la présidence de la Caissepopulaire St-Raymond de Hull depuis trois ans. En 1980, elle était la seuledirigeante sur le conseil; aujourd'hui, on en compte quatre sur un total deonze. Elle préside aussi la Zone des caisses de Hull. Selon elle, «il fautparler de nos expériences à d'autres femmes, dans nos cercles d'amies.Plus de femmes doivent s'intégrer comme dirigeantes d'organismes.»

Malgré ses responsabilités, Sylvie St-Pierre Babin ne pense pas enterme de pouvoir, mais croit à la capacité d'être une «agente dechangement». Elle trouve essoufflant de concilier bénévolat, travail etfamille : «Surtout pour réussir les trois, on a besoin d'un conjoint quipartage nos orientations et qui nous appuie.» Elle juge important de choisirdes réseaux avec lesquels on a des affinités et où on peut s'accomplir.«L'éparpillement n'est pas nécessaire. Il faut surtout s'impliquer aumaximum de notre capacité.»

Au cours des dernières années, le Conseil s'est attardé sur le rôle desfemmes comme dirigeantes. Il travaille actuellement à l'élaboration d'unprojet de recherche-action afin de favoriser, par des moyens concrets,l'accession des femmes dans des postes de dirigeantes.

De l'avis de Sylvie St-Pierre Babin, les femmes qui ont réussi sontbeaucoup trop discrètes sur leurs succès ou sur leur cheminement. «Il y aune certaine pudeur à ne pas vouloir échanger sur les problèmes qu'on avécus ou sur les problèmes qui ne sont pas aussi terribles qu'on le pensaitau départ. En y faisant face, des fois cela aide à notre cheminement.»

Selon Madame St-Pierre Babin,«quand on s'implique avec les hommes,on doit en faire nos alliés, par exemple, leur demander leur avis, engagerdes dialogues. Il doit y avoir rapprochement et on doit laisser tomber lesbarrières.» . . .

Denise Lemire est consultante pour la firme Beaulieu Lemire et associées.

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Toutes lesinstitutionsfinancières

se ressemblent

Dyenaune

qui vousappartient.

Caisses populairesde l'Ontario

Le Mouvementdes caisses populaireset d'économie Desjardinsdu Québec

Desjardins L'incroyable force de la coopération.

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Fondé en 1946.le Conseil Canadien de la Coopération

est un organisme voué à lapromotion de la coopération

en vue du développement socio-économiquede la communauté francophone du Canada.

ILO(à 6)B(g®(J]W5MM B

<Sb9 conseils provinciaux membres3 700 coopératives6,4 millions de coopérateurs55,7 milliards de dollars d'actif

Conseil Canadien de la Coopération450. rue Rideau, suite 201.Ottawa (Ontario) Kl M 5Z4

Téléphone: (613) 234-5492Télécopieur: (613) 567-0743

L'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfanceet. La Coalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde

COLLOQUE NATIONAL ET LOBBYSUR LES SERVICES DE GARDE

Les services de garde des années 1990 :Une cause qui nous rassemble

Hôtel RadissonOttawa

du 15 au 19 octobre 1992

RENSEIGNEMENTS

Eileen CondonCoalition ontarienne pour l'amélioration des services de garde500A, rue Bloor ouest - deuxième étageToronto, Ontario M5S1Y8Téléphone: 416-538-0628Télécopieur: 416-538-6737

Ensemble avec forcepour un projet collectifde développementet d'épanouissementde la francophonie canadienne

Le présidentRaymond Bisson

Le directeur généralMarc Godbout FÉDÉRATION DES C O M M U N A U T S

FRANCOPHONES ET ACADIENNED U C A N A D A

ï, RUE NICHOLAS, PIÈCE 1404, OTTAWA (ONTARIO) K1N 787- TEL: (613) 563-0311 • TÉLÉC. (613)563-0238

SEPTEMBRE TS92

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Bulletin de liaison de la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises Vol. 6, no. 1 Septembre 1992

Concert'action Un nouveau nom ! Désormais c'est sous ce titre et dans ce format renouvelé quevous lirez les nouvelles de la Fédération nationale. Concert'action un nouveaunom qui vient appuyer les démarches entreprises par l'organisme pour favoriserla solidarité et les liens si importants que nous devons davantage développerpour établir une action politique concertée.

Septembre, c'est la rentrée, le début des activités de nos divers groupes.Soulignons tout particulièrement le 10ième anniversaire de Pluri-elles auManitoba. Un organisme de services, un centre de ressources qui dessert lesFranco-manitobaines. Bon anniversaire!

Nouvelle présidence à la FNFCF

Réunies en Assemblée générale annuelle en juin dernier, les membres de la FNFCF ont accueilli avecenthousiasme la nouvelle présidente de la FNFCF, Ghislaine Foulem du Nouveau-Brunswick. C'estune femme déterminée à travailler pour "l'intérêt supérieur des femmes et des femmes francophonesdu Canada" que les groupes membres ont à leur service et comme porte-parole.Communicatrice de profession (elle est journaliste), femme deconviction (elle défend avec acharnement les causes sociales etéconomiques), bénévole de longue date (dans les domaines del'éducation, des arts et du développement), Ghislaine Foulem amené auprès des femmes et de la francophonie acadienne,notamment à titre de présidente de l'Association des femmescollaboratrices du N.B., ainsi que de la Conférence socio-économiquede la Péninsule acadienne (pour n'en nommer que deux), une actiondes plus méritoires. Sonengagement est à la mesure de ses convictionset sa grande qualité est certainement qu'elle passe à l'action! Nuldoute que la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises accueille une femme de vision.Nous publions, ci-après, un extrait du discours prononcé par lanouvelle présidente lors de son élection, en juin dernier.

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9dot de ta présidente.

La connivencedans l'action

Dans le nom même de la FNFCF se trouvent inscrits les paramètres deson action. Par définition, nous constituons un groupe national defemmes francophones. Pour cette raison, notre allégeance est double,cela va de soi. En tant que femmes, nous partageons des intérêtssimilaires à ceux de toutes les autres femmes, non seulement au pay s:avec les autochtones, les métis, les anglophones, les femmes desdiverses minorités et nos consœurs du Québec, mais aussi ailleursdans le monde.

Cette réalité qu 'est la pluralité des femmes, nous la vivons à l'intérieurde notre organisme. Femmes collaboratrices, femmes d'affaires,femmes au foyer ou femme de carrière, ce n'est pas tant ce que nousfaisons, qui nous lie, mais ce que nous sommes... Nous partageons unintérêt commun : créer une société plus juste, un monde meilleur.

Nous le faisons par la promotion, la concertation, la sensibilisation,l'éducation..Mais chacune d'entre nous, nous agissons d'abord surnotre environnement immédiat et dans nos communautés respectives.C'est une chose que nous ne devons jamais perdre de vue en voulanttransposer et récolter au plan national la pleine mesure de cetterichesse que chacune d'entre nous et chaque groupe apporte à laFédération nationale. Ce sont les femmes des provinces de l'Ouest, del'Est et du Centre du pays et des Territoires, de toutes les régionsminoritaires francophones qui constituent la FNFCF. Ce sont elles quisoutiennent et inspirent notre action.

Au sein des divers organismes dans lesquels j'ai milité, dans tout ceque j'ai accompli jusqu'à maintenant, j'ai toujours agi avec uneconviction inébranlable qui, avec le recul, m'apparaît comme uneconstante dans ma façon défaire. Cette conviction, c'est que le seuldéveloppement durable ne peut se réaliser qu 'en travaillant à la base.Travailler à la base, c 'est partir de ce que l'on est pour évoluer plusloin. Travailler à la base, c'est reconnaître une situation, rassemblerles acquis; comme une rivière qui se gonfle de tous ses affluents, pourdevenir une belle et forte rivière.

Pour développer une société, il n'y a pas d'autre façon de travailler.Quel que soit l'objectif, c 'est par la consultation et par la concertationdes efforts qu'on l'atteint : il suffit de trouver le dénominateurcommun. Il y aura toujours des confrontations, des échanges parfoistrès vifs, des divergences. Cela est normal et sain, car du choc desidées, naitla lumière. Mais la solidarité mutuelle, cet objectif partagéqui nous réunit, sera d'autant plus sûre, que nous développerons laconnivence qui nous permet d'avancer'nous-mêmes comme groupe, envoulant faire progresser notre société. La FNFCF partage cetteresponsabilité et c 'est vers cet objectif que nous travaillerons avecvous toutes au cours de mon mandat •

Conseil nationald'administration

1992-1993

Femmes engagées dans leur communauté respective,femmes préoccupées par la condition féminine,femmes de tête et de coeur, femmes qui croient àl'action collective voilà très brièvement quelquesqualités des membres du CNA. Certaines poursuiventun deuxième mandat, d'autres se joignent au Conseilpour la première fois.

El les auron t au cours de 1 ' année à prendre des décisionsconcernant l'orientation de leur organisme, ellesverront au contenu du plan triennal, aux rencontres deconcertation régionale, aux actions politiques à poserdans les dossiers tels la constitution, l'économie et laviolence. En somme, elles s'assureront que laF N F C Fentreprend avecforce cettenouvelle étape deson évolution.

Sur le vif!Voici treize

des membresdu CNA

03

Ghislaine Foulera du Nouveau-BrunswickClaire Lanteigne du Nouveau-BrunswickMadeleine Lefort de la Nouvelle-EcosseLouise Cantin-Merler de la Colombie-BritanniqueHélène Lachapelle-Nevin de l'OntarioÉthel Côté de l'Ontario

Marie Jacquard Handy de l'île-du-Prince-ÉdouardMay Bouchard de la Nouvelle-EcosseRosé Marie Albert du Nouveau-BrunswickBerthe Gillespie de Terre-Neuve et LabradorJo-Anne Morin de l'OntarioLise Plouffe du ManitobaMaria E. Lepage de la SaskatchewanClaire Dorion Chapman de 1'AlbertaRéjane Turcotte Valois de la Colombie-BritanniqueJudith Paradis Pastori des Territoires du Nord-Ouest

À toutes, bienvenue!

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La question constitutionnelle, en ce début deseptembre, est toujours brûlante d'ac-tualité.Acceptera, acceptera pas... Avec ou sansle Québec? De notre côté nous devons nousdemander, quel nouvel arrangementconstitutionnel aurons-nous entre les mains?Répond-il aux demandes des femmes, maintesfois répétées lors des consultations? Dugouvernement? La réponse est non.

La FNFCF a participé le 24 août dernier aucolloque "Femmes et constitution" qui se tenaità la Salle de lecture de l'édifice central duParlement d'Ottawa. Organisé par le Comitécanadien d'action sur le statut de la femme etl'Association des femmes autochtones duCanada, ce colloque a permis aux 150participantes représentant divers groupes defemmes tant laFédération des femmes du Québec,l'Association nationale des femmes Métis, les

représentantes des femmes des minorités visibles, des femmesimmigrantes, des autochtones, des lesbiennes, de faire l'unanimité

sur les modifications à apporter àl'entente constitutionnelle. Tous lespoints reliés aux droits à l'égalitépréoccupent les femmes.

La FNFCF a, pour sa part, reçu l'appuides femmes dans sa démarche pour lareconnaissance de la dualitélinguistique. Sans cette recon-naissance nous ne pourrons participerau développement social etéconomique du pays.

De concert avec les groupes de femmesdu Canada, la FNFCF et certains deses groupes ont commencé à fairepression (par lettres et à la rencontrede Charlottetown les 26 et 27 août oùs'est rendue la présidente Ghislaine

Foulem) auprès des Premiers ministres des provinceset du gouvernement fédéral pour que l'accord constitutionnelréponde minimalement aux demandes des femmes. Suite à unjugement de la Cour Suprême, les femmes autochtones etmétis ontdemandé un siège à part entière à la table constitutionnelle. On neleur a pas accordé.

Voici les modifications que les femmes demandent au textefinal de l'Accord :

Clause Canada• "L ' engagement des Canadiens et des Canadiennes et de leursgouvernements aux principes d'équité, d'ouverture et de pleineparticipation de tous les citoyens et citoyennes à la vie de leurpays, quels que soient leur âge, leur sexe, leur langue, leur race,leur couleur, leurs croyances, leur orientation sexuelle, leurcondition physique ou mentale ou leur culture".

• "L'engagement des Canadiens et Canadiennes et leursgouvernements à favoriser le développement etl'épanouissement des communautés de langue officielle vivanten situation minoritaire".

Le partage des pouvoirsH "L'engagement à la clause Canada doit être lié à des pouvoirspour garantir son application.

• "Aucune délégation de pouvoirs en matière de formation dela main-d'oeuvre, culture et programmes sociaux à aucuneprovince, à l'exception du Québec".

Le Sénat• "Une garantie constitutionnelle assurant une représentationégale des femmes au sein du Sénat et toutes autres institutionsgouvernementales ainsi qu'une représentation appropriée desfrancophones vivant en milieu minoritaire et tous les autresgroupes sous-représentés".

D'ici au référendum, il faut continuer de faire pression afin quecet accord soit représentatif de ce qu'attendent les femmes quireprésentent, faut-il le rappeler, plus de 50% de la population.D'ailleurs, les membres du Conseil national d'administrationdécideront des actions à entreprendre lors de la réunion de la finseptembre •

Le 19 août dernier, le Comité canadien sur la violence faite auxfemmes publiait son "Rapport d'étape". Il s'agit d'undocument destiné à faire le point sur les activités du Comité.Les membres ont visité 139 collectivités en cinq mois. Ledocument de 28 pages, contient des renseignementscertainement intéressants pour toutes celles et ceux qui suiventce dossier. On y retrouve ce que les membres ont entendu sur

les diverses formes de la violence et leurseffets, comment les informations ont étérecueillies, les sujets soulevés, les domainesexigeant une action immédiate, les actionscommunautaires, etc. Le rapport suivantprendra la forme d'un Plan d'action nationalexhaustif. Il sera publié en décembre prochain.Pour recevoir un exemplaire du Rapportd'étape, on peut communiquer avec leComité au (613) 943-2898, par télécopie(613) 943-2908.

Un dossier que laFNFCF a suivi avecattention, unep r o b l é m a t i q u equ'elle a expliquéedans son mémoireen mars dernier.Voici les dernièresnouvelles à ce sujet.

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L'AGA de juin 1992 donnedes ailes!

C'est sous le thème "L'avenir on en fait notre affaire"que s'est déroulé en juin dernier àOttawa, lecolloque del'Assemblée générale annuelle. À l'ordre du jour deplusieurs groupes etdevantrimportancepourles femmesfrancophones du Canada de ne pas être mises de côtéalors que bon nombre de décisions politiques orienterontl'avenir économique du pays, ce colloque est venumettre sur la table diverses questions qui feront l'objetde concertation des groupes et d'action au cours desprochains mois.

L'entreprenariat, l'équité salariale, l'équité en matièred'emploi, la formation professionnelle, le financementdes groupes, la constitution ont été les principaux sujetsd'ateliers de cette rencontre annuelle. Des ateliers parrégion ont servi, par la suite, à préciser certains aspectsdu dossier économique; les déléguées en ont tiré desconclusions et elles ont par la suite formulé desrecommandations qui ont été étudiées par le bureau dedirection en août dernier. Elles serviront à jeterles bases du plan triennal qui sera élaborélors de la première rencontre duconseil nationald'administration les25, 26 et 27septembreprochains.

De cette Assemblée générale, ilfaut retenirl ' importanceque les déléguéesont mis sur le"réseautage" entre lesgroupes et le lobbypolitique.

Notre bureau: Fédéra t ion nationaledes femmes canadiennes-françaises, pièce525, 325, rue Dalhousie, Ottawa (Ontario) KIN7G2 Tel: (613) 232-5791 Téléc. (613) 232-6679

Le lobby politique fait sonchemin

Les permanentes (employées rémunérées et nonrémunérées) des groupes de femmes ont participé justeavant 1 ' AG A à une session sur le lobby politique. Animéepar l'agente politique de la FNFCF, Lyne Michaud,"L'Art de convaincre, l'art du compromis : le lobbyingpolitique" s'est avérée un succès. Pendant les quinzeheures de formation, on y a traité des types de lobby, desstyles de lobby, des facteurs d'influence d'une stratégieet de ses composantes. Bien que très dense, cet atelier apermis aux participantes de mieux connaître les rouagesdu lobby pour être enmesure de partager ces connaissancesavec leur groupe et développer des stratégies.

La FondationAlmanda Walker Marchand

Près de 200 personnes ( 190 exactement)ont répondu à l'invitation lancée par

la Fédération nationale le 6 juindernier. Cette soirée-bénéfice, unepremièrepourrorganisme, visait

à amasser des fonds afin d'êtreen mesure d'offrir

annuellement une boursed'études à une femme

francophone vivant enmilieu minoritaire. Des

femmes et des hommesa p p u y a n t

l'éducation, la. <.\ francophonie et** la condition

féminine, despersonnages de marque

delà scène franco-ontarienneet politique, les membres du CNA

et des déléguées de l'AGA ont participé àcette soirée mémorable. Les invité-es ont reçu

un accueil chaleureux et l'ambiance était à la fête toutau long de cette soirée couronnée par le spectacle d'AngèleArsenault, qui a su faire rire et pleurer!

La lauréate de la bourse 1992, Roselyn Denis Myre deHawkesbury est venue célébrer l'heureux événement!(Voir l'article à son sujet dans le numéro de septembre deFemmes d'action.)

PHOTOS : MARC PRICE

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PETITE ET GRANDE HISTOIRE D'UNE COOPERATIVEDE TRAVAIL POUR FEMMES P^E'.MJI'i.MiMIM.MM

TT J ne des rares coopératives de travail conçue pari I et pour des femmes au Canada français,^s Convergence est une entreprise de consultation

active depuis 1984 dans la région de la capitale nationale.Ses spécialités : l'animation, la recherche, la formation, laplanification stratégique, l'éducation et les communications.L'auteure raconte les défis de mener une telle entreprise.

L >histoire de Convergence est celle de trois femmes tenaces

qui en 1988 ont entrepris sa transformation en coopérative avec l'appui dela Fédération des jeunes canadiens-français. En plus de vouloir favoriserl'accès au travail rémunéré pour les femmes par l'entremise d'unecoopérative de travail francophone cogérée par les coopérantes, nousvoulions offrir des services et des produits égalitaires et non stéréotypés àtravers le Canada, dans une optique de changement social. Aujourd'huiencore, ces grands principes sont à la base même de Convergence quis'enrichit maintenant de sept coopérantes en provenance de différentesrégions du Canada et même de l'extérieur; trois Québécoises, deuxFranco-Ontariennes, une Acadienne et une Néerlandaise.

Notre incorporation est assez récente. C'est en mars 1991, après16 mois de démarches juridiques que Convergence a pris vie dans lesfilières officielles de Consommation et Corporations Canada. Pourrépondre aux exigences de la Loi, nous avons dû piler sur nos principes etnous créer une image hiérarchique. Nous avons nommé une présidente etune secrétaire alors que, dans les faits, de telles positions n'existent paschez nous. L'une de leur tâche essentielle, selon le Ministère, est la gardedu sceau.

Notre fonctionnement se définit selon deux secteurs : les services à laclientèle et la gestion de l'entreprise. Quatre coopérantes sontadministratrices et forment en quelque sorte le conseil d'administration ou lenoyau de coordination. Les trois autres femmes sont néanmoins consultéesau sujet des grandes orientations de la coopérative et n'interviennent querarement dans son fonctionnement quotidien.

La notion de pouvoir

De façon traditionnelle, le partage et les rapports de pouvoir se fontprincipalement et souvent exclusivement selon le poste occupé. Pour nousà Convergence, le partage des pouvoirs a tendance à se faire selon lesexpériences, les intérêts elles disponibilités de chacune. Tout ceci restealéatoire; il demeure que la plus grande difficulté soit l'incapacité decertaines d'accomplir une tâche.

Les rapports de pouvoir sont fonction de l'influence que nous exerçonsles unes sur les autres : de la simple consultation, en passant par lapersuasion, et pourquoi pas, par une certaine manipulation. Sa base peutêtre individuelle et tout à fait personnelle ou encore collective. L'absence dehiérarchie n'annule en rien l'existence du pouvoir. Toutefois, nous croyonsque dans sa structure actuelle la coopérative transige bien avec cette réalitéd'abord et avant tout à cause des femmes qui la composent et de laconscience qu'elles ont des enjeux. Mais, la bonne foi ne suffit pas. Nousavons dû et devrons encore mettre en place des mécanismes qui nouspermettent de bien fonctionner en favorisant la non-hiérarchisation etl'autonomie dans notre travail.

Le consensus : se rallier à la majorité

Les mécanismes informels de prise de décision prennent toute leurplace dans le cadre du travail auprès de la clientèle. Les équipes de travail

SEPTEMBRE 1992

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pour les contrats sont totalement autonomes. Elles doivent respecter lesprincipes de la coopérative : travail égalitaire et respect des personnes pource qu'elles sont et non en fonction de leur titre, leur ethnie, leur sexe, leurrace, leur langue, leur orientation sexuelle, leur handicap. La coopérativeoeuvre dans le cadre d'un processus actif en vue d'éliminer les stéréotypes,en tentant de limiter les préjugés sur les personnes et ce, à partir descaractéristiques mentionnées. Toutes les décisions sont consensuelles. Siquelqu'une n'est pas d'accord, elle se rallie. C'est là où les forcesd'influence ont tout leur impact.

Pour que le courant s'établisse : lacommunication

L'aspect de la communication s'avère primordial. Nous avons établides mécanismes de communication qui facilitent la transmission del'information. On a tendance à croire que le fait de n'être que quatre dansun bureau puisse rendre la communication évidente et facile... À forced'expérience, nous avons constaté toute la fausseté d'une telle assertion.S'il n'existe pas de mécanismes, les «je croyais que je te l'avais dit» ou«c'est pas ça que j'avais dit» ou les oublis complets peuvent avoir deseffets fort négatifs et ce, à plusieurs niveaux. Alors, nous avons mis enplace des mécanismes simples, mais efficaces quand nous les utilisons!

L'apport des individus à la coopérative peut être qualifié de financierd'une part et d'humain d'autre part. Chaque coopérante doit acheter unepart sociale selon un montant fixe. Le montant est de 500 $.Habituellement, les coopératives de travail exigent un investissementminimum de 2 000 $. Si nous avons fixé nos parts sociales à un montantqui peut sembler dérisoire, c'est que nous voulions faciliter l'accès à unréseau de femmes pour lesquelles, doit-on le préciser, le pouvoiréconomique n'est pas chose acquise. De plus, un pourcentage de tous leshonoraires professionnels est retenu par l'entreprise. L'apport humain fondédavantage sur l'expérience que sur le niveau de scolarité est primordial. Lareconnaissance et la crédibilité des individus amènent des contrats à lacoopérative ce qui a un impact financier et permet de répondre à notreobjectif principal d'offrir du travail rémunéré aux femmes. Notre flexibilitéfait en sorte que l'intégration d'une nouvelle coopérante a pour résultat demodifier l'entreprise plutôt que l'inverse, soit l'adaptation d'une employée àson milieu.

L'équilibre des forces : un défi de taille

Maximiser notre efficacité en conservant les principes de lacoopérative et en maintenant l'équilibre des forces représente un défi detaille. Nous avons quelquefois fait fi des principes : au nom de l'urgenced'un dossier ou d'une situation à régler, les principes ont pris 1e bord et ontété remplacés par l'action.

L'un de nos principes souligne que la coopérative a une vision largede la reconnaissance de la valeur des individus, qui dépasse les notionséconomiques. La coopérative tend à éliminer les écarts sociaux entravaillant pour de meilleures conditions de vie et à diminuer la distributioninéquitable des ressources et les relations de domination. La coopérativefavorise le développement de l'autonomie plutôt que la dépendance. Vousen conviendrez, c'est bien beau sur papier : toutefois, ces principes sontloin d'être intégrés et actualisés.

Selon mon analyse, la reconnaissance de la valeur des individus estacquise entre les coopérantes. Tout se fait bien entendu sans jamais mettreen doute la qualité du travail offert à la clientèle. La solidarité nous paraîtessentielle particulièrement lors de contrats difficiles. Lorsqu'une équipetravaille à un contrat, les coopérantes et les associées reçoivent le mêmetaux horaire indépendamment des tâches effectuées. Par contre, lesconditions de vie inégales et les écarts sociaux se vivent beaucoup plusdans la distribution des contrats selon les honoraires payés par la clientèle.Par exemple, les gouvernements sont en mesure d'offrir un taux horairebeaucoup plus élevé qu'un groupe communautaire ou que certainesassociations nationales. Il y va de la viabilité de la coop que les choix descoopérantes soient basés sur l'intérêt mais également, et nous le regrettonsparfois, sur les réalités économiques; nous nous sommes données uneéchelle minimale commune et n'acceptons que dans de rares occasions detravailler pour moins.

L'administration en coop : une voie non sansembûche

Les coopérantes doivent faire preuve d'une grande souplesse etvivre un engagement indéfectible face à la coopérative. Nous ne sommespas salariées et nous ne recevons pas un salaire aux deux semainescomme la plupart des gens. Nos honoraires professionnels sont fixés selonle taux journalier ou horaire de la clientèle.

Les conséquences peuvent être dramatiques pour certaines : ellespeuvent aller de l'endettement chronique à un manque de liquidité critique.Dans tous les ministères, quand une facture est envoyée à la fin d'uncontrat, que la durée soit de un jour ou quatre mois, le règlement de celle-ciprend habituellement entre six et huit semaines. Pendant ce temps, lacoopérative n'a pas nécessairement cette liquidité, ni la coopérante. Cen'est pas non plus la Caisse populaire qui prend des risques, malgré ses11,8 millions de profit en 1990; même si elle fait partie du mouvementcoopératif, elle ne l'encourage pas nécessairement. D'ailleurs, lagymnastique pour obtenir une minable marge de crédit est relativementpérilleuse. Nos compétiteurs masculins n'ont qu'à se présenter en cravateet le tour est joué. Résultats positifs pour eux : une marge de crédit septfois plus élevée que la nôtre. Dans la négociation, trois coopérantes ontdonné en garantie leur maison. Rien de moins! Quoi qu'on en dise, lemonde des affaires reste aux hommes de mauvaise volonté! Comme vousle voyez l'idéal n'est pas encore atteint.

Après toutes les premières démarches de déblayage face auxprincipes et aux grandes orientations de la coopérative, après lerecrutement des coopérantes, après toutes les démarches légales etadministratives, la coopérative est en voie d'atteindre sa maturité et denégocier avec succès le tournant qu'elle vit présentement. Nous sommesen crise de croissance et nous devons travailler ensemble à notreconsolidation et ça, à partir de nos réussites et de nos erreurs, de nosforces et de notre pouvoir en tant que groupe.

En tant que féministes, nous croyons qu'en créant des structures nonhiérarchiques et en visant une répartition plus égale des avoirs et despouvoirs, nous travaillons activement à un changement social favorisant lesfemmes, particulièrement en ce qui a trait aux valeurs économiques.

I I ILyne Bouchard est une des coopérantes de Convergence. Cet article a été rédigé encollaboration avec Chantai Cholette et Claire Mazuhelli.

SEPTEMBRE 1992

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ALINE GOSSELIN LEMIEUX :QUARANTE ANS «AU POUVOIR»!

par Gilberte Proteau

*ïï\ on nombre de femmes dirigent desf\ coopératives, particulièrement dans le Tiers•*^ monde, mais des femmes en tête de

mouvements coopératifs, il n'y en a peu. Pour le moment, ilparaît qu'il n'en existe qu'une seule au Canada...et elleréside au Manitoba.

line Gosselin Lemieux, présidente du Conseil de la coopération duManitoba, est unique de plus d'une façon. Dire qu'Aline est une femmeengagée, c'est peu dire.

Elle n'est qu'au début de la soixantaine et elle a oeuvré près de 40 ansdans le mouvement des caisses populaires du Manitoba. Et si vous croyezqu'elle a fait cela parce qu'elle était célibataire, vous faites fausse route.Mariée (deux fois - son premier mari est décédé en 1981), mère de cinqenfants, grand-mère de 12 petits-enfants, enseignante pendant 26 ans dontsept années comme directrice d'école, elle a obtenu son Baccalauréat enpédagogie par cours du soir et d'été. Elle n'a pas pour autant cesséd'enseigner tout en faisant du bénévolat pour de nombreux organismes,parmi lesquels sa caisse populaire locale, celle de Saint-Malo!

Saint-Malo est un petit village manitobain où la coopération est àl'honneur et où s'est fondée la première caisse populaire incorporée de laprovince. Aline a donc trouvé tout naturel de s'engager dans le mouvementcoopératif de son village en acceptant de faire partie du comité desurveillance de la Caisse populaire. Ce qui était censé n'être qu'un mandatde quelques années est devenu une «carrière». En effet, du comité de

surveillance, elle est passée au comité de crédit, puis au conseild'administration dontl elle a assumé la présidence de 1982 à 1987. Elle aété la première femme à présider ce conseil et la seule femme présidente,à ce jour.

Au Manitoba, il y a deux organismes coopératifs provinciaux : laFédération des caisses populaires du Manitoba et le Conseil de lacoopération du Manitoba. Ce dernier, le C.C.M., est composé dereprésentants, hommes et femmes, de toutes les coopératives à caractèrefrancophone, y compris les caisses populaires. Quand elle était présidentede la Caisse populaire de Saint-Malo, Aline a été nommée au conseild'administration de la Fédération des caisses populaires, où elle siègetoujours, et par la suite, en 1989, elle a accédé au C.C.M. commereprésentante de la Fédération des caisses populaires. Elle assume laprésidence du C.C.M. depuis deux ans déjà.

Quand on lui demande comment elle a pu mené cette barque avecautant d'aplomb pendant tant d'années sans se brûler, elle répond avec unpetit sourire en coin : «II faut être très organisée...et puis, il faut savoir sesauvegarder. Moi, quand je n'en peux plus, je me couche et je dors un peu- une demi-heure, une heure - puis je recommence.»

SEPTEMBRE 1992

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Une femme au pouvoir...cela change-t-il quelque chose? Oui, de direAline. «Je me suis souciée, dit-elle, de faire nommer et élire d'autresfemmes aux comités et aux conseils d'administration de divers organismes.Souvent, les hommes nomment une ou deux femmes, puis ils semblentpenser qu'ils ont fait leur devoir! Pourtant, les femmes forment 52% de lapopulation.» Par contre, une femme se rend plus compte de la disparité dunombre qui existe entre les hommes et les femmes et elle essaie de faireen sorte que la représentation soit plus équnable.

Malheureusement, selon Aline, quand il n'y a qu'une ou deux femmesparmi un grand nombre d'hommes au pouvoir, les femmes sont souventobligées d'agir dans le même sens que les hommes, parce qu'elles n'ontpas le nombre pour faire pencher la balance de leur côté.

Une autre manière défaire!

Il y a toutefois des différences entre les agissements des hommes etdes femmes au pouvoir. «Les femmes, la plupart du temps, sont plusportées à avoir de l'empathie, à donner du service plus personnel, à mettredes touches plus humaines dans leurs rapports avec les collègues et laclientèle. Par exemple, une femme directrice d'une caisse populairepenserait possiblement à offrir des services particuliers pour les mèresseules, elle se donnerait davantage la peine d'expliquer les optionspossibles à ses membres et de les aider à préparer leur budget, et pour lesmères avec de petits enfants, elle songerait peut-être à installer un coin dejeux dans la caisse. Au conseil d'administration, souvent une femme auraplus le souci de venir en aide à une caisse ou à une personne en difficulté.»

Aline a remarqué aussi une différence dans la capacité de partager sonsuccès avec les autres membres de l'équipe. «Les hommes ont tendance àse féliciter personnellement d'un succès, à en prendre tout le crédit. Lesfemmes, au contraire, s'en font une joie de groupe. Et puis, les femmes sedécouragent moins facilement...» a-t-elle ajouté, en souriant.

Aline Gosselin Lemieux, en tout cas, n'est pas du genre à se laisserdécourager par les obstacles. Mais, elle comprend qu'il est parfois trèsdifficile pour les femmes de s'engager à fond comme elle l'a fait. Toutesn'ont pas sa santé ou son tempérament; toutefois, elle trouve que la mèrede famille devrait oeuvrer un peu hors du foyer, selon ses moyens, afin dese tenir au courant et de continuer à développer son estime de soi et descapacités autres que celles qui sont requises au foyer. Autrement, elle finitpar craindre le monde du travail, ce qui lui est un très grand handicap plustard.

Les femmes au pouvoir, éventuellement, pourront peut-être changerl'orientation de base des organismes, du monde, pour en arriver à se

.centrer plus sur l'humain et moins sur la piastre...Cela, Aline y croit etquand on parle avec elle, on comprend que c'est là une des raisons pourlesquelles, après presque 40 ans de bénévolat, elle n'a pas encore lâchéles guides.

I I I

Gilberte Proteau est diplômée de l'Université du Manitoba (B.A.) et de l'Universitéd'Ottawa (B.Ed, M.Ed.). Elle a enseigné au Manitoba pendant plus de treize ans. Elle aété membre-fondatrice et première présidente d'une coopérative d'alimentation, puisprésidente (trois ans) de la Société franco-manitobaine. Présentement, elle écrit, ettravaille à la pige comme rédactrice et correctrice de textes. Elle est mariée avec GuyJubinville et ils ont quatre enfants.

Conférence de laFédération canadienne desenseignantes et des enseignantssur les femmes, l'éducation etla qualité de la vie

Saint John's (T.-N.), du 26 au 28 novembre 1992

•panels «publications «conférencières «exposés «débats «ateliers•recherche «conversation «auteures et auteurs «pièce de théâtre

•collègues «matériel pédagogique «perfectionnement professionnel

Droits d'inscription : 199 $Pour plus de détails :Tél. (613) 232-1505 Téléc. (613) 232-1886 /Fédération canadienne des I Àenseignantes et des enseignants ( J110, avenue Argyle V*Ottawa (Ontario) VK2P 1B4 N

En 1912, les divers regroupements de Canadiens français, deCanadiennes françaises, d'émigrants et d'émigrantes delangue française établis en Saskatchewan ont répondu à unvibrant appel à l'unification de leurs forces. Lors d'un congrèsprovincial tenu à Duck Lake, les 27, 28 et 29 février 1912 lesFranco-canadiens (Canadien-français, franco-américains,Belges, Suisses et Français résidant en Saskatchewan) fondentune association provinciale qui veillera à promouvoir les droitset les intérêts des francophones de la Saskatchewan. Les basesde l'A.C.F.C. sont fondées.

ans1912-1992

2132 rue Broad • Régina (Saskatchewan) S41' 1Y5

Téléphone: 569-1912 -Télécopieur: 781-7916

SEPTEMBRE 1992

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LA POPOTE EN GROUPE par Karen Lapprand

L> idée n'est pas nouvelle. Lescuisines collectives sont ton:populaires au Québec,

notamment à Montréal, depuis plusieursannées déjà. On cite l'esprit d'initiative d'unecertaine Diane Normand, nutritionnistebasée à Montréal, dont le modèle pour lacuisine collective a été employé dans lesquartiers défavorisés de la ville pour fairetache d'huile dans la province. Ce mêmeesprit d'initiative s'est implant éen Colombie-Britannique où, rien que dans la capitale, il yen a au moins une vingtaine et ce nombrene cesse de croître.

L our Lise Cournoyer, animatrice de la seule cuisine collectivefrancophone de Victoria, c'est une rencontre à la fois sociale et pratique.On se réunit, bien sûr, pour parler entre femmes et en français, mais aussipour apprendre à se préparer de bons repas nutritifs et économiques. Enpremier lieu, on se met en contact avec les personnes qui coordonnent leprojeta l'échelle de la ville. On trouve un local qui offre une cuisinespacieuse et avec l'aide financière de différents organismes de charité oude la municipalité, on met en commun ses ressources et on achète en gros.Puis, on cuisine cinq ou six repas à la fois, en grosse quantité, pour lesdiviser et les rapporter par la suite à la maison, soit pour les congelerimmédiatement afin de les ressortir selon les besoins, soit pour lesconsommer dans la semaine à venir.

«Saint-Vincent-de-Paul nous finance à raison de 50 $ par mois cetteannée», précise Lise. Les membres de son groupe contribuent le reste :1,50$ par personne et/ou par membre de famille. «Je rentre avec cinqrepas de préparés pour le prix de six dollars. Bien sûr, ça aide sur le planbudgétaire d'un mois.»

D'origine québécoise, mais résidente de Victoria depuis trois ans, Lise aconnu sa première cuisine collective à Montréal, sous la direction de DianeNormand. Ayant énormément bénéficié de l'expérience, elle voulaitretrouver la même chose à Victoria. Chez Réseau Femmes de Victoria, ungroupe de femmes francophones qui se réunissent «pour partagerl'expérience féminine tout en parlant français», Lise n'a pas eu dedifficultés à recruter des enthousiasmées.

«En Colombie-Britannique, nous sommes très isolées comme femmesfrancophones», confirme Anne-Doris Malenfant, représentante de laColombie-Britannique pour la Fédération nationale des femmescanadiennes-françaises et aussi membre de Réseau Femmes. «C'est trèsimportant qu'on se regroupe, qu'on s'entraide.»

Voilà pourquoi une rencontre supplémentaire, cette fois autour d'unsujet aussi essentiel que la cuisine et la manière de bien se nourrir ou biennourrir sa famille pour peu, est la bienvenue.

Elles se rencontrent donc deux fois par mois : Lise Cournoyer, ThérèseGuillemette et Lauréanne Lepage, la première fois chez elles pour étudierles spéciaux de la semaine, pour planifier le menu et pour distribuer lestâches (chacune à tour de rôle).

La deuxième fois dans la grande cuisine de l'école française, VictorBrodeur, de Victoria où elles préparent des grosses soupes, des pâtés, des«casseroles» qui leur en donnent pour leur argent, en employant beaucoupde légumes et des pâtes ou du riz. «J'ai beaucoup appris dans la manièred'améliorer notre alimentation pendant nos quelques rencontres», confieLauréanne Lepage. Thérèse Guillemette explique à son tour : «Je trouve çaplate, routinier, ennuyant de cuisiner. Seule, je manque d'idées. En groupe,c'est agréable, on raconte, on se défoule. Puis, nous sommes trois femmesavec de jeunes enfants d'à peu près le même âge.»

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Trois femmes, oui, qui savent ce que c'est les demandes incessantesque représente l'état d'une mère de famille; trois femmes qui savent ce quec'est, se donner en plus à un travail hors de la maison. Trois femmes quiconnaissent le va et vient du quotidien et les miettes de pain que cela leurlaisse en terme de temps pour elles seules. «On prend ça relaxe», ajouteThérèse tout en reconnaissant l'organisation qu'une cuisine collectivedemande. Elle envisage même de cuisiner deux fois par mois au lieu d'unefois comme c'est le cas présentement.

Qu'est-ce que l'avenir leur réserve? On parle vaguement de récupérerpour rien tout ce que les supermarchés sont prêts à jeter, c'est-à-dire lesboîtes de conserve abîmées, les viandes, céréales et produits laitiers quiviennent tout juste de dépasser leur date de fraîcheur. «C'est durecyclage», poursuit Lauréanne. Rien n'est perdu ni gaspillé. Lesavantages semblent nombreux et elle fait même des «petits» selon HilaryWhite, du Capital Régional District (CRD) et personne-contact pour LiseCournoyer. La cuisine collective telle qu'elle est décrite est en train deprendre diverses formes. Il y a aussi des «Caring Kitchens» qui s'adressentà des personnes âgées qui doivent suivre un régime pour des raisons desanté, des «Cultural Kitchens» pour des émigrantes voulant partager leurculture par le biais de la langue culinaire, et finalement une cuisinecollective destinée aux enfants de la rue. Qu'un service existe, et mêmeprolifère indique bien un réel besoin.

» I I

D'origine québécoise, Karen Lapprand a vécu en France, en Ontario et dans lesMaritimes. Elle est professeure de français à Victoria en Colombie-Britannique où elle vitavec son mari et ses deux garçons.

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Gravir les échelons de la hiérarchie agricole dans l'Est ontarien

UNE FEMME PARM112 000 HOMMES par Lyne Dion

F ranc/ne Cayouette, agricultrice, occupe le postede directrice à la Coopérative agricole deCasselman depuis un an. Elle demeure l'unique

femme dans tout l'Est ontarien à s'être taillée une place ausein du conseil d'administration d'un tel organisme.

v^ est peu dire. Murray Allen, président sortant des «UnitedCooperatives of Ontario» (UCO), dénombre 20 associations chapeautéespar l'UCO sur le territoire compris entre Eganville dans le comté deRenfrew et Brockville à l'autre extrémité près de la frontière américaine.

«Il me semble que pour les gens de ma génération, c'est acquis de voirdes femmes prendre leur place en agriculture», raconte FrancineCayouette, appelée l'année dernière à combler le siège laissé vacant par ledépart d'un des sept directeurs de la Coopérative de Casselman. Unepremière dans l'histoire de cette coopérative vieille d'une quarantained'années.

En poste pour une durée de deux ans, la directrice affirme que sescollègues ont bien accueilli sa nomination. «Je n'ai pas ressenti deréticence de la part des autres membres du comité de direction, renchéritMme Cayouette. Je me l'explique par le fait que les directeurs sont âgésd'une trentaine d'années comme moi et sont plus ouverts à l'implication desfemmes en agriculture..»

Cette implication tarde cependant à se manifester, déplore LorraineLapointe, directrice provinciale du Réseau des agricultrices de l'Ontario.«Les coopératives agricoles ne démontrent pas d'intérêt à attirer dans leursrangs la gent féminine», avance Mme Lapointe, elle-même partenaire avecson époux d'une exploitation laitière à Martintown près d'Alexandria.

Pour appuyer ses propos, Lorraine Lapointe évoque des exemples telsque des rencontres de comités en soirée et l'obligation pour une femmed'être reconnue comme partenaire avec son conjoint pour pouvoir voter ausein d'une coopérative.

Dans le cas où les noms des deux époux apparaissent sur le formulaired'adhésion à une coopérative, «plus souvent qu'autrement, c'est l'hommequi décidera de se prévaloir du droit de vote», affirme RéJean Leclair, unagriculteur de Casselman.

Voilà tous des problèmes auxquels le regroupement de MadameLapointe espère remédier en exerçant du lobbying auprès desgouvernements provincial et fédéral. «Les hommes ne veulent pas perdrele pouvoir qu'ils détiennent», pense cette militante pour la reconnaissancede la femme dans le milieu agricole. Malgré tout, certains hommespartagent le même avis que Lorraine Lapointe. «Les femmes apporteraientun point de vue différent de celui des hommes lors des réunions descoopératives», opine Réjean Leclair. «Leur présence signifierait lechangement», enchaîne Madame Lapointe.

Car, même si la représentativité féminine s'avère quasi inexistante aupalier décisionnel des coopératives agricoles dans l'Est ontarien, le publicqui assiste aux assemblées annuelles est composé autant d'hommes quede femmes», selon Monsieur Leclair. «Même si elles ne possèdent pas ledroit de vote, les femmes sont libres d'émettre leur opinion et elles serontécoutées», avance Murray Allen.

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Une femme parmi quelque 12 000 hommes et cela sans compter lesautres coopératives de Vest de l'Ontario au statut indépendant.

«Il faut se sentir bienvenu, note Francine Cayouette, associée avec ses deux frèresdans une entreprise laitière. C'est important de foncer dans un tas d'hommes.»

Nonobstant, cette dernière ne s'en cache pas : «Les femmes sont obligées d'êtremeilleures que les hommes et cette situation ne se limite pas exclusivement àl'agriculture. Elles ont plusieurs chapeaux à porter à la fois et il ne faut pas qu'un desrôles empiète sur un autre et se transforme en un handicap.» On a qu'à penser à cesfemmes qui cumulent tout à la fois les fonctions de mère de famille, d'aide sur la fermeet de responsable de l'aspect financier de l'entreprise. Il reste encore du travail àabattre, estiment les intervenants interrogés. Pour que les mentalités changent, ladirectrice provinciale du Réseau des agricultrices de l'Ontario suggère l'élaboration d'unplan d'action conçu par les dirigeants gouvernementaux.

«C'est de là que le changement doit commencer. Il y a trop de vieilles têtes grisesqui détiennent l'autorité, qui ne veulent rien savoir et qui refusent d'entreprendre desactions.»

Optimiste, Murray Allen entrevoit une participation accrue des femmes avec larestructuration des coopératives agricoles en Ontario, un processus entamé il y a un anpar l'UCO. L'initiative vise principalement à fusionner les groupes de petite envergureafin de majorer les actifs financiers.

«Ce sera une bonne occasion pour les femmes de prendre part à la gérance desnouvelles coopératives et de s'engager plus nombreuses.»

L'absence des femmes parmi la direction des coopératives agricoles n'est passpécifique à l'Est ontarien, constate Monsieur Allen. «La tendance s'observe partoutailleurs», remarque-t-il. D'après Lorraine Lapointe, les moeurs occupent une grandeplace au chapitre de l'explication du phénomène. «L'agriculture a depuis toujours étéperçue comme un monde réservé aux hommes et ce n'est pas vrai.» D'autresdisciplines agricoles comptent par contre un peu plus d'adeptes. À Calgary, en Alberta,Murray Allen relate que les coopératives alimentaires obtiennent davantage depopularité auprès des femmes.

De plus, une étude menée il y a quelques années par le Réseau des agricultricesde l'Ontario démontre que les plus importantes concentrations de femmes dans lescoopératives agricoles sont remarquées dans les secteurs suivants : pommes, porc,moutons et la crème.

Pendant ce temps, Francine Cayouette acquiert «une expérience importante»comme directrice à la Coopérative de Casselman. S'informer sur ce qui se passe enagriculture représentait un de ses buts lorsqu'elle a accepté son mandat de deux ans àtitre de directrice. «Comme mon mari évolue dans un autre domaine de travail, il peutgarder nos deux filles quand je quitte pour des réunions. Et quand je ne suis pasdisponible sur la ferme, un de mes deux frères me remplace.» «De par ma mentalité,j'estime que la femme doit se dire égale à l'homme sinon elle ne le sera pas», conclutFrancine Cayouette.

I I I

Lyne Dion est originaire de Plantagenet dans l'Est ontarien. Diplômée en journalisme écrit, elle occupeprésentement un emploi de journaliste à l'hebdomadaire Le Carillon à Hawkesbury. Elle assure aussi laprésidence du groupe féminin Les Quatre Saisons du comté de Prescott.

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Connaissance de soiet reconnaissancedes acquis expérientielsCe cours sera offert à la session d'hiver1992 qui débutera en septembre et qui seterminera en avril 1993. Les étudiantset étudiantes intéressés pourronts'inscrire au cours à partir de juillet enutilisant les formulaires d'inscription del'Université Laurentienne.

Description du coursIntroduire la clintèle étudiante audomaine de la reconnaissance des acquisexpérientiels comme outil deconnaissance de soi et d'orientationprofessionnelle. Présentation desprincipes idéologiques etméthodologiques de la reconnaissancedes acquis. Elaboration d'un portfoliopersonnel. (6 crédits)

L'auteure et la responsable du cours estMarthe Sansregret, Ph.D.

Pour plus de renseignements au sujet del'inscription veuillez communiquer àl'adresse suivante :

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CHETICAMP? LAURETTE DEVEAU EN EST FIERE!par Madeleine LeFort

H aut-lieu des coopératives francophones del'Atlantique, Chéticamp a une longue tradition decoopération. Aujourdhui, les 13 coopératives de

la région ont un actif de 23 millions de dollars. Ellescomptent au total 10 000 membres et fournissent desemplois à 260 personnes à qui on a versé 2,5 millions ensalaires l'an dernier. Laurette Deveau, directrice du ConseilCoopératif Acadien de la Nouvelle-Ecosse, a accepté denous parler de la vision coopérative de Chéticamp.

F A : Comment Chéticamp est-il devenu le centre descoopératives de l'Atlantique?

LD : Le système coopératif existe à Chéticamp depuis bien longtemps.Dès 1915, il y avait une poissonnerie au bout de l'île de Chéticamp. On nesait pas si c'est le hasard, mais le concept coopératif existe surtout parmiles francophones. Dans les provinces de l'Atlantique, trois régions sont

renommées pour le bon fonctionnement des entreprises Coop. Il y a larégion Évangéline à l'île-du-Prince-Édouard, la Péninsule acadienne duNouveau-Brunswick et la région de Chéticamp en Nouvelle-Ecosse. Si jepeux parler pour les autres régions, j'oserais dire que les raisons pourfonder des coopératives étaient les mêmes partout. Parce que minoritaireset souvent isolés à l'intérieur d'une province anglophone, les gensdécidaient de prendre en main leur économie afin d'empêcher d'êtreexploités. Ici, les gens mettaient en pratique le dicton : «L'union fait laforce!» En investissant quelques dollars on devenait membre et on nerisquait pas de subir de grosses pertes si le système ne réussissait pas.Vers 1930, les magasins de consommation, les caisses populaires, lapoissonnerie étaient solidement installés dans la région de Chéticamp et deSt-Joseph-du-Moine.

FA : Comment êtes-vous devenue directrice d'un regroupement decoopératives?

LD : J'ai été amenée au mouvement coopératif grâce à mon implicationau niveau du bureau de direction de la Caisse populaire de Chéticamp.Avant même la formation du Conseil Coopératif Acadien, il y a toujours euune semaine de la coopération à l'automne pour faire la promotion desproduits Coop et des services offerts par les diverses institutionscoopératives. D'année en année, je coordonnais les activités planifiées etj'assurais leur bon fonctionnement. On organisait aussi des ateliers ousessions de formation pour les gérants, les caissières, les chefs dedépartement et les bénévoles. Vers 1983-1984, une crise économique à laPoissonnerie Coop a incité les différents bureaux de direction à incorporerquelques coopératives sous le chapeau du Conseil Coopératif Acadien. Lepremier directeur fut Anselm Cormier en 1987. J'en assure la directiondepuis 1988.

FA : Quelle place occupent les femmes dans le mouvementcoopératif acadien de la Nouvelle-Ecosse?

LD : II me fait plaisir de constater que le mouvement coopératif, en plusde donner des droits égaux aux membres, assure une représentativitéégale sur les conseils d'administration. Je remarque que les femmess'impliquent beaucoup au niveau de l'administration des institutionscoopératives, même que parfois elles y siègent en majorité. Il faut aussimentionner que les femmes ont une coopérative artisanale entièrementgérée par et pour des femmes. Elles y vendent leurs «tapis crochetés» outout autre artisanat pendant les mois d'été surtout, à cause du nombre detouristes dans la région. Pour beaucoup de femmes, les coopératives sontà tout le moins une source d'emploi à temps partiel. Bien que lescoopératives n'aient aucun critère par écrit pour assurer l'égalité auxfemmes, il semblerait que dans ce domaine celles-ci se soient montréesaussi «entrepreneuses» que l'autre sexe.

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FA : Quelles mesures prenez-vous pour rejoindre les jeunes etassurer votre relève?

LD : Une vraie coopératrice a toujours le souci de voir le concept de lacoopération s'épanouir et se répandre à d'autres sphères d'activités.Comme dans tout autre domaine, la relève est très importante. C'est danscette optique que la caisse scolaire a vu le jour il y a plus de quarante ans.La population étudiante était invitée à apporter sa «cenne noire»...son«obole» afin de voir ses possibilités d'avenir se multiplier.

Dans les classes d'économie, il est toujours prévu à l'horaire d'expliqueraux élèves les principes du mouvement coopératif. La devise «Chacun pourtous, tous pour chacun» est fascinante pour celui qui rêve de commencerune entreprise.

La coopérative des jeunes a eu beaucoup de succès au cours des cinqdernières années. Les membres offrent leurs services au groupe etpartagent les profits. Grâce à cette coopérative, beaucoup de jeunes setrouvent des emplois pour la saison estivale.

Enfin, ces dernières années, plusieurs démarches ont été faites pourimpliquer les jeunes au niveau des conseils d'administration. Ils siègent àplusieurs conseils comme observateurs ayant les mêmes privilèges que lesautres membres à l'exception du droit de vote. De plus, chaque année, à la

remise des diplômes, le Conseil Coopératif Acadien attribue un prix àl'étudiante ou l'étudiant de 11eou 12e année qui s'est le plus distingué-e parson esprit de coopération à l'école ou dans la communauté.

FA : Quel est votre vision d'avenir du mouvement coopératif engénéral?

LD : Je crois vraiment au concept des coopératives. Tous les ans, jereçois des gens du Tiers monde, des prêtres, des religieuses, destravailleuses sociales, des enseignants qui viennent se renseigner sur lemouvement coopératif. Ces personnes retournent dans leur milieu respectifet montrent à d'autres comment mettre sur pied des coopératives. Lesprincipes de la coopération, lorsque mis en application à 100 %, pourraientassurer l'égalité financière, c'est-à-dire l'égalité entre les riches et lespauvres.

D'après mon expérience, la coopération pourrait être une solution pourla plupart des maux économiques de notre société. J'encourage fortementles femmes à se prendre en main pour assurer leur bien-être global. Ellesn'ont rien à perdre et tout à gagner!

I I I

Madeleine LeFort est directrice adjointe de l'école primaire de Chéticamp. Elle siège auBureau de direction de la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises.

Prenez des nouvelles de votre monde...avec

Pierre Granger

des nouvelles

importantes

intéressantes et abondantes

T É L É V I S I O NOntario / Outaouais

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Entretien avec Marie-Thérèse Séguin, titulaire de la chaire d'études coopérativesde l'Université de Moncton

QUAND L'UNIVERSITE SE MELE DE COOPERATIONpar Claudette Lajoie

L e mouvement coopératif n'est pas Immunisécontre le changement. Comment envisage-t-ill'avenir dans une économie de plus en plus

performante, de plus en plus globale et de plus en plusouverte aux femmes?

mouvement coopératif se prépare. En Acadie, une façon de lefaire a été d'investir dans une chaire d'études coopératives. Nous avonsrencontré Marie-Thérèse Séguin, titulaire de la Chaire d'étudescoopératives de l'Université de Moncton, (la première à occuper ce poste)et vice-présidente du CIRIEC (Centre interuniversitaire de recherche,d'information et d'enseignement sur les coopératives).

D'origine française, issue d'une famille d'agriculteurs de la Vendée,attachée aux grands espaces et à la nature sauvage, elle s'amène auCanada à la fin des années 1970. D'abord à Chicoutimi, puis au Collègeuniversitaire de Saint-Boniface au Manitoba, elle devient en 1985professeure à l'Université de Moncton. En 1990, on lui offre le poste detitulaire de la Chaire d'études coopératives qui vient tout juste d'être misesur pied grâce à l'initiative et à une contribution financière initiale de500 000 $ du Mouvement coopératif acadien.

L'expérience coopérative tant dans sa pensée que dans son actionconstitue désormais un champ d'études à l'Université de Moncton. EtMadame Séguin est tout à fait désignée pour mener à bien ce dossier : une

formation pluridisciplinaire en sociologie, économie, sciences politiques etun doctorat en sciences sociales de l'École des Hautes Études de Paris.Son directeur de thèse, Henri Desrxhe, est l'un des grands penseurs de lacoopérative. Ajoutons à ceci un goût pour l'analyse et une rigueurintellectuelle, le souci du mot précis, un débit calme, pondéré, le ton juste :bref, des atouts considérables pour celle qui doit stimuler la recherche surles phénomènes coopératifs.

Depuis son entrée en fonction, et malgré le fait qu'elle occupe ce posteà un tiers du temps seulement, une équipe de professeurs a été mise surpied et des ressources financières modiques, mais réelles, ont étéengagées afin de démarrer des recherches sur les questions coopératives,d'améliorer le contenu de certains cours et d'inciter les professeurs àdonner des cours du soir qui soient de même qualité que les coursréguliers. Tâche difficile, certes, mais qu'il faut aborder de la «manière laplus encourageante, la plus délicate possible», nous dit Madame Séguin.

Comme titulaire, elle se sent animatrice d'une structure. «Un conseild'administration, composé à part égale de membres qui viennent dumouvement coopératif et de l'Université, prend des décisions à partir des

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propositions ou des suggestions que je leur fais, bien sûr. Est-ce que j'aidu pouvoir pour autant? Peut-être dans la façon de préparer les choses, deles exécuter, dans l'orientation que j'essaie de donner et le typed'animation que j'essaie de faire.»

Ce qu'elle tente de faire? Inscrire dans la mémoire des professeurs etdes étudiants le fait qu'il existe un secteur coopératif, qu'il a été importantdans l'histoire de la population acadienne, qu'il l'est toujours. Poser lesbonnes questions : le mouvement coopératif va-t-il continuer d'exister?Sous quelle forme? Critiquer aussi : dire ce qui va et ce qui ne va pas, carc'est ainsi qu'elle conçoit le rôle de l'intellectuel. «On ne s'est pas faituniversitaire et intellectuel pour vivre un état de complaisance avec lasociété.»

Le mouvement coopératif peut-il continuer d'existerdans une économie qui favorise plus que jamais le

développement à tout prix?

Que reproche-t-on aux institutions coopératives? D'être un peuarchaïques, pas suffisamment démocratiques et d'y voir très peu defemmes dans les postes clés. Pourtant, dès le début les femmes ont oeuvréau sein des mouvements coopératifs comme bénévoles, animatrices,caissières, eta.Aujourd'hui, il y a bien quelques directrices de caissespopulaires, mais les postes de pouvoir leur échappent toujours. Si lesinstitutions coopératives ne se sont pas comportées plus mal à l'égard desfemmes que les autres institutions, elles ne se sont pas comportéesbeaucoup mieux. «Une institution qui se propose d'avoir une philosophie detype supérieur et de penser au bien-être de l'humanité devrait avoir unepensée particulière pour les femmes... Je serais curieuse de savoir si leshommes disent la même chose. Qu'ils n'ont pas de pouvoir. Peut-être. Entous les cas, les femmes sont convaincues qu'elles en n'ont pas.»

Il faut absolument que les femmes prennent des postes clés, «qu'ellesles occupent vraiment et non seulement pour réaliser une démocratisationde façade». Mais, là comme partout ailleurs, il faudra qu'elles exigent etqu'elles y travaillent d'arrache-pied.

Coopération et développement

Comment le mouvement coopératif peut-il continuer d'exister dans uneéconomie qui favorise plus que jamais le développement à tout prix, àn'importe quel prix? Aujourd'hui quand on pense mouvement coopératif onpense tout de suite aux caisses pop, aux magasins coop etc. de formestraditionnelles de coopération. Si le mouvement coopératif reste sommetoute un élément marginal de notre société, ces institutions ont joué etjouent toujours un rôle très important dans le développement descommunautés francophones au Canada. Dans le cas de la population

acadienne, elles sont liées à sa survie. Mais, comme bien d'autresinstitutions vénérables, elles ne sont pas immunisées contre lechangement. Comment vont-elles franchir le seuil du troisième millénairedans une économie mondiale où priment la productivité et la performance àtout prix?

Madame Séguin est tout à fait confiante que le mouvement coopératifva bel et bien se trouver une ou plusieurs niches au sein de cette économiemondiale. Et c'est sans doute du côté des alternatives qu'il faut regarder.

L'économie s'organise autour de deux secteurs d'activités : dans lepremier, on retrouve les entreprises qui opèrent à l'échelle mondiale en

étant hautement informatisées et offrentdes salaires relativement élevés, mais quifont appel à une main-d'oeuvre trèsspécialisée; le deuxième, c'est celui dont lafonction est de générer des emplois. On yretrouve les petites et moyennesentreprises, solvables, économiquementperformantes, mais beaucoup moins queles premières. C'est surtout dans cesecteur d'activités que le mouvementcoopératif trouvera sa pleine place sanss'y limiter. Il fera sa marque dans les

hautes sphères de l'économie en raison du fait que les travailleurs et lestravailleuses exigeront de plus en plus le droit de participer à la gestion del'entreprise.

L'approche coopérative dans une cultured'initiative

Un autre phénomène qui pourra aussi susciter la naissance denouveaux types d'institutions coopératives selon Madame Séguin, c'est ledésengagement de l'État face à certains secteurs, phénomène que l'onobserve de plus en plus. «Hélas dans un sens et peut-être tant mieux dansun autre. Parce que la culture d'assistance, effet pervers de l'Étatprovidence, va peut-être céder la place à une culture d'initiative puisque lesgens seront de toute façon obligés de se prendre en charge. Ils pourrontcontinuer à obtenir de l'aide, mais à titre d'échange. Ainsi l'individu recevrade l'argent parce qu'il aura mis en place une activité économique et nonparce qu'il est sans travail ou que l'État lui doit quelque chose.»

«L'approche coopérative cadre très bien dans une culture d'initiative. Jepense que le mouvement coopératif va être très attentif à ces nouvellesinitiatives, qu'il va continuer à vivre sans toutefois oublier ses valeursprofondes qui sont celles du développement de la communauté et desrégions ainsi que le concept de l'entraide.»

I I I

Claudette Lajoie habite au Nouveau-Brunswick. Elle a réalisé divers documents pourl'ONF et elle a travaillé pour l'organisme Jeunesse du Monde en Atlantique. Elle collaboreà Ven'd'est et Femmes d'action régulièrement.

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CINE

LEPOIDSDESINTERDITSpar Jeannine M. Ouellette

/ nterdire... défendre quelque chose àquelqu'un. Voilà un mot qui évoque desconnotations surtout négatives associéesspontanément aux notions d'exclusion, decensure et de tabou. Malheureusement, c'est unmot qui résonne de vérité dans la vie desfemmes depuis le début des temps. Interdit devoter, interdit de travailler, interdit de faire partied'un jury, interdit de dire tout haut ce que vouspensez tout bas... Certes, il existe des interditsque les femmes elles-mêmes s'imposent, mais,règle générale, les interdits proviennent del'extérieur. Ils sont le privilège des «autorités»,par exemple, l'autorité du parent sur son enfant,du supérieur sur ses subordonnés, des hommessur les femmes... Pour Emma Bovary, c'étaitson époque qui laissait tomber des interdits surses désirs.

Madame Bovary

Un film de Claude Chabrol mettant envedette Isabelle Huppert dans le rôle de EmmaBovary et Jean-François Balmer dans le rôle deCharles Bovary. Film d'origine française (1991).

Avec plus de 45 films à son actif sur unepériode de 35 ans, le prolifique Chabrolentreprend un projet dont il rêve depuis déjà unbon moment, celui de porter à l'écran la célèbreoeuvre romanesque de Gustave Flaubert,Madame Bovary. Son adaptation somptueuse,ambitieuse et pleinement réussie est laneuvième version de ce classique littérairepublié originalement en 1857. Isabelle Hupperty joue le rôle principal avec toute l'excellence,l'audace et les nuances qu'une telleperformance exige pour bien rendre lepersonnage d'Emma.

Emma Bovary est une femme qui a osédéfier les interdits de son époque. À la foischoquante pour celles et ceux dont la moralité aété alors offensée par les comportements etl'attitude libérale d'Emma, elle a été pourd'autres le symbole d'un mécontentementengendré par les constrictions et les contraintesde son époque. Dès le début du film, le publicfait la connaissance d'une femme déterminéeaux yeux pétillants de passion et d'ambition.Mais, Emma est aussi une prisonnière gardéecaptive à l'intérieur des murs de la périodehistorique dans laquelle elle vit. Sesmouvements, ses options et ses droits sontrestreints par la rigidité du code de conduite etles valeurs qui régissent son époque. Pour lagrande majorité des femmes au 19e siècle, le

mariage représentait un moyen acceptable(sinon le seul moyen) pour accéder à une viemeilleure. Cependant, l'ennui du mariageentraîne Emma dans des aventures avecd'autres hommes. Des aventures motivées nonpas par l'amour ou par le sexe, mais par laquête de l'homme idéal, c'est-à-dire celui qui,selon Emma, saura la rendre heureuse. Cettequête d'émancipation et de bonheur fait d'elle unpersonnage moderne. En 1963, Betty Friedmanintroduisait le concept du «malaise sans nom»qui tentait de cerner le sentiment vécu par desmilliers de femmes qui avaient tout investi dansleur mariage, leur foyer et leur famille. Malgré lefait que ces femmes répondaient aux attentes deleur époque et de leur culture, elles exprimaientnéanmoins un vague sentiment d'insatisfaction.Elles avaient tout pour être heureuses saufque... De nos jours, les Emma Bovary sontnombreuses, non pas dans le sens qu'elles sontà la recherche de l'homme idéal, mais bien dansle sens qu'elles luttent pour une vie meilleure etpour le droit d'être, d'agir et de penser en touteliberté.

Le prochain film aborde également lathématique des interdits en explorant l'impact dusecret et du silence sur une famille.

Prince of Tides

Un film de Barbara Streisand mettant envedette Nick Nolle dans le rôle de Tom Wingo etBarbara Streisand dans le rôle du Dr.Lowenstein. Film d'origine américaine (1991).

Barbara Streisand a marqué de manièresignificative le monde cinématographique etartistique. À sa carrière de chanteuse etd'actrice est venue s'ajouter, il y a quinze ans,celle de productrice. En 1983, elle réalise unpremier film Yenti. Le second, Prince of Tides,s'est mérité sept nominations aux Oscars de1991.

Ce film courageux explore la douleur dessouvenirs qui habitent les membres d'une famillehantée par un secret qui les détruit II évoqueaussi la nécessité de mettre à jour des émotionsen dévoilant les cicatrices causées par lesblessures et la violence • un film qui suggère quefaire face à sa peur peut libérer l'être humain dupoids lourd de sa conscience tourmentée.

Tom est un homme troublé par un passécontre lequel il lutte pour étouffer des souvenirspénibles et envahissants. Sa relation avec sa

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conjointe en souffre et son rapport avec sa mère est froid et distant. Sasoeur a fait une deuxième tentative de suicide et à la demande de lapsychiatre qui s'occupe de Savannagh, Tom se rend à New York pourtenter d'aider sa soeur, prisonnière dans un monde de silence. À travers ceprocessus, il arrive à recoller les pièces détachées de son enfance etreprendre graduellement le contrôle de sa vie et de son coeur.

Peu de films ont su aborder une thématique aussi importante avecautant de sincérité et de courage. Sauf pour quelques scènes vers la fin dufilm qui sont tout à fait typiques de Streisand (scènes d'amour à l'eau derosé qui n'auraient jamais dû être tournées tant elles sont vides de

substance...), il est extraordinaire autant dans sa forme que dans soncontenu. La performance de Nick Nolle est mémorable, touchante etcombien convaincante. La douleur morale qui provient du refoulementinconscient des expériences trop déchirantes pour se les remémorer nelaisse personne indifférent. Prince of Tides, un film qui vous touchera dansce que vous avez de plus précieux... votre humanité.

I I IJeannine Ouellette poursuit présentement ses études en vue d'obtenir un Doctorat enéducation à l'Université d'Ottawa. Elle est associée à la firme de recherche sociale,Consult Action, et elle enseigne à temps partiel à la Faculté d'Éducation de l'Universitéd'Ottawa

MEDIAWOTCHcp 552, succursale OutremontOutremont, QuébecH2V 4N4(514) 270-7069

Bureau national :Ste. 204 - 517 Wellington St. WToronto, On M5V 1G1(416) 408-2065 _

Pour une meilleure image de la femme

I Ateliers de décodage d'images sexistes

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ENTRE

PAROLES REBELLES

par Lise Hebabi

PAROLESREBELLES

amies rebelles est un recueil de textespublié sous la direction de Marguerite Andersen,auteure d'un des chapitres et de l'épilogue, et deChristine Klein-Lataud, qui en signel'introduction. Elles ont rassemblé dans ce livreles écrits de femmes universitaires qui, commeelles, se sont intéressées à l'expression féminineen langue française.

Les auteures des quatre premiers chapitresremontent dans le temps, étudiant successi-vement les auteures françaises aux XVIe, XVI le,XVIIIe et XIX siècles. Le cinquième chapitrerésume la vie et les écrits de cinq grandesthéoriciennes des mouvements politiquesanarchiste et socialiste. Les autres chapitressont consacrés à l'étude du mouvementféministe au Québec. Les suivants traitent, tourà tour, de l'oeuvre de l'auteure algérienne AssiaDjebar et de celle de la cinéaste Léa Pool. Enfin,un dernier texte tente une analyse du discoursféministe contemporain au Canada.

Ce livre a le mérite de nous rappeler que larébellion des femmes ne date pas d'hier, quedepuis longtemps, et partout, des femmes sesont élevées contre les contraintes qu'on leurimposait, et les ont dénoncées. Les écrits sontun peu impersonnels, puisqu'il s'agit de femmesracontant la vie d'autres femmes qu'elles n'ont,pour la plupart, rencontrées que dans des livres.Cependant, Paroles rebelles est informatif, écritpour l'ensemble des textes dans un style clair etprécis; chacun, bien annoté, est accompagnéd'une bibliographie. Je dirais que c'est surtoutune solide pierre d'angle pour des recherchesplus poussées sur le sujet et un ouvrage deréférence qui pourrait s'avérer très utile.

Un livre qu'on ne doit pas tenter d'absorbertout d'un coup, mais qu'on doit savourer petit àpetit, en prenant soin de bien digérer chaquetexte avant de passer au suivant.

Andersen, Marguerite. Paroles rebelles,éditions du remue-ménage, 1992,334 p.

AU NOM DU PÈRE ETDE LA FILLE

FRANÇOISE DORIN

Au nom du pèreet de la fille

par Claude Drolet

1̂ ette histoire de famille peu banale vousfait passer de belles heures tout en rires, ensoupirs et parfois en méditation. Georges a unesoixantaine d'années de conservatisme derrièrelui. Entre son job de comptable et sa petiteroutine quotidienne, il songe à une retraite biendouillette dans une petite ville campagnarde.Soudainement, un soir qu'il rentre à la maison,son équilibre émotionnel est ébranlésérieusement. Affiché devant lui, un panneau-réclame exhibe le corps nu de sa progéniture quis'est bien gardée de lui faire part de sa nouvellecarrière de star porno.

Beaucoup plus qu'une histoire de conflit degénération, c'est toute l'évolution du personnageque nous suivons au fil de ses relations avec lesfemmes de sa vie. Françoise Dorin a une façonbien à elle de décrire les relations conjugales etfamiliales de ses personnages. Elle utilise desmétaphores pinces-sans-rire teintées d'ironie,elle exhibe des situations qui nous ressemblentet joue avec les émotions diverses qui animentnos choix dans la vie. L'amour, la mort, la peur,le succès y sont décrits avec les mots essentiels,le message passe sans lourdeur et avec unepointe de sarcasme.

Au début du récit Georges nous est plutôtantipathique, à la fin on y est attaché; c'est làtout le plaisir de traverser son univers. Pas facilede voir sa fille gagner en un après-midi ce que

UGNESlui fait en deux mois. Comment comprendre quetout son entourage a un besoin vital de sortir del'anonymat, d'être «médiatisé»? Pourquoi nesavent-ils plus communiquer autrement qu'àtravers un écran de télévision?

Françoise Dorin est, pour plusieurs d'entrenous, cette écrivaine française qui nous a faitréaliser avec tact et humour les hauts et les basde la condition féminine. Je me souviens avoir luà l'adolescence Vas voir maman, papa travaille,une belle prise de conscience du rôle du pèredans l'éducation des enfants. Quelques annéesplus tard avec Le lit à une place, elle traite avecun humour narquois de la question du célibat auféminin. Les jupes culottes a, de son côté, bienillustré toute la frustration des femmes quidécident de faire carrière dans un milieuessentiellement masculin.

Avec Au nom du père et de la fille, laromancière nous fait pénétrer dans une tête etun coeur d'homme. De sa préoccupationpremière «ce que vont penser les autres?», il enarrive à s'attarder à ce qu'il a besoin de vivre, lui.Une belle histoire qui ferait un film très rigolo.Dorin, Françoise. Au nom du père et de lafille, Éditions Flammarion, 1992, 353p.Gracieuseté de la librairie Trillium, Ottawa

ALMANDA WALKER-MARCHAND :

UNE PIONNIÈREFRANCO-ONTARIENNE

par Denise Veilleux

,L IVI A M

ij i vous êtes comme moi, le nomd'Almanda Walker-Marchand vous est inconnu.Et il le serait resté encore longtemps sans labiographie que vient de publier Lucie Brunei aux

SEPTEMBRE 1992 0

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Suite de la page 37

Éditions L'Interligne. Dans ce livre, l'auteure trace le portrait d'une militantefranco-ontarienne du début du siècle dont le plus grand mérite est sansdoute d'avoir fondé la Fédération des femmes canadiennes-françaises.

D'ascendance britannique et française, Almanda naît dans un milieuaisé en 1868 à Québec. Toutefois, elle grandira et vivra à Ottawa de 1890jusqu'à sa mort en 1949. Rien ne semblait prédestiner Almanda à autrechose qu'une vie bourgeoise rangée. Après des études chez lesreligieuses, elle épouse Paul-Eugène Marchand, fils d'une famille influentede Québec, et s'installe avec lui dans la Côte de sable, à Ottawa, où ellemettra au monde neuf enfants sur une période de vingt ans.

Le déclenchement du premier conflit mondial viendra révéler la vraienature d'Almanda. Avec une vingtaine de représentantes d'associationsféminines, elle fonde la Fédération des femmes canadiennes-françaisesafin de ramasser des fonds pour l'effort de guerre. Lorsqu'elle s'engagedans l'action sociale, Almanda peut compter sur l'appui d'un épouxbienveillant, ce qui va lui permettre de donner libre cours à ses talentsd'organisatrice. Pendant 32 ans, sous la présidence d'Almanda, laFédération va s'étendre à la grandeur du pays et rassembler les femmesfrancophones pour défendre notamment leur droit à l'éducation et auxservices dans leur langue.

Au fil des années, Almanda aura l'adresse d'obtenir l'appui depersonnes influentes, par exemple des membres du clergé, mais elle sauratoujours protéger l'autonomie de la Fédération. Elle résistera auxinvitations à joindre le puissant National Council of Women of Canada,parce qu'elle craint de voir les aspirations francophones reléguées ausecond rang. Elle refusera de s'affilier à l'Association canadienne-françaised'éducation de l'Ontario, car celle-ci ne fait pas de place aux femmes dansses rangs.

Les oeuvres de bienfaisance de la Fédération semblent bien loin duféminisme contemporain, mais l'auteure de la biographie d'Almanda nousrappelle la situation déplorable des femmes et des enfants à une époque oùil n'existe aucuns programmes sociaux. Elle montre comment, à l'intérieurdu cadre étroit où elles sont enfermées, les femmes ont su vivre lasolidarité et exercer une influence sociale.

Parce que leurs buts et leurs moyens diffèrent tellement des nôtres, lespionnières de l'époque d'Almanda nous interpellent. Pour donner voix, àces questions, Lucie Brunei a imaginé de raconter parallèlement l'histoired'une franco-ontarienne contemporaine. L'intégration de cette trame fictiveau récit biographique est une trouvaille heureuse qui permet de nouspositionner par rapport au texte.

Si le livre de Lucie Brunei comporte certaines faiblesses - notamment leprofil d'Almanda présenté seulement à la fin du livre - il a toutefois le grandmérite de nous faire connaître une femme qui a joué un rôle capital nonseulement pour les Franco-ontariennes, mais aussi pour les femmesfrancophones partout au pays. Nous pouvons nous réjouir que les travauxde recherche de Lucie Brunet, qui ont duré six ans, aient abouti à ce livreessentiel pour la construction d'une histoire des femmes de l'Ontariofrançais.

Brunei, Lucie. Almanda Walker-Marchand, Éditions L'Interligne,Ottawa, 1992, 303p.

I I I

LE SIDA DANS LA VIE DES FEMMES

Et le sida dans votre vie?

Téléphonez au CSO, au 238-5014(jour) ou à la ligne d'information

et de soutien au 238-4111 (dulundi au jeudi, de 19 h à 22 h).

Comité E.L.L.E.S./Women's ProjectLe Comité du sida d'Ottawa/The AIDS Committee or Ottawa267, rue Dalhousie, Ottawa (Ontario)K1N 7E3

LE SIDA NE FAIT PAS DE DISCRIMINATION

SEPTEMBRE 1992

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PROPOS

• Nouvelles •

Recours collectif de SusanThibaudeau

C'est le 22 juin 1992que la Cour fédérale del'impôt a pris en délibéréla requête de SusanThibaudeau. Depuis1988, cette trifluviennechef de famillemonoparentale refuse depayer l'impôt sur lapension alimentaire quelui verse son ex-épouxafin qu'elle subvienne auxbesoins de ses deuxenfants. SusanThibaudeau estime que l'article 56 de la loifédérale de l'impôt est «discriminatoire etcontraire à la Charte des droits» puisque lapension mensuelle de 1150 $ qui lui provient deson ex-mari n'est pas un revenu pour elle, maissert à l'entretien de ses deux enfants. Unedécision est attendue dans les mois qui suivent.

Quant au recours collectif, il a été inscrit auQuébec en juin. Déjà plus de 2 000Québécoises dans la même situation que Susanparticipent à cette démarche et leur nombre necesse d'augmenter. Des comités se sont mêmeformés dans d'autres provinces canadiennes etenviron 1110 groupes, associations et individusont déjà signifié leur appui.

Loi fédérale sur la prestationfiscale pour enfants

Déposée à la Chambre des communes auprintemps dernier, cette loi remplacera lesystème de prestations actuel comprenant lesallocations familiales et les crédits d'impôt pourenfants. Elle consistera plutôt en un paiementmensuel unique calculé en fonction des gains etdu revenu de la famille ainsi que du nombred'enfants et de leur âge. La prestation secompose de deux éléments non imposables : unmontant de base de 85 $ par mois pour chaqueenfant, qui passera à 91,25 $ à partir dutroisième enfant et un supplément lié au revenugagné, d'un maximum de 41,67 $ par mois et

par famille ou 500 $ par année par famille. Dèsque la loi aura été adoptée, le premier paiementde la prestation fiscale pour enfants sera versé àplus de trois millions de familles canadiennes enjanvier 1993.

Pensionalimentaire enOntario

Depuis mars 1992,chaque fois qu'un tribunalontarien rend uneordonnance alimentaire,il rend aussi uneordonnance de déductionde pension alimentaire.En effet, en vertu dunouveau Régime des

obligations alimentaires envers la famille, lapension alimentaire est retenueautomatiquement sur le salaire de la personnequi doit verser la pension. Cette nouvelleméthode de perception vise à aider les enfantset les autres personnes à charge à obtenir leurpension alimentaire à temps et régulièrementElle permet également de réduire les paiementsd'aide sociale versés actuellement à ceux qui nereçoivent pas régulièrement leur pensionalimentaire. La retenue automatique sur lesalaire est donc un pas important en vue deréduire les pensions alimentaires impayées (plusde 460 millions de dollars) et de faire desobligations alimentaires envers la famille unepriorité.

Protection des victimes de viol

Le projet de loi sur les agressions sexuellesa franchi une nouvelle étape le 23 juin 1992alors qu'il a été adopté au Sénat et a reçu lasanction royale. Mais, il n'a pas encore force deloi, puisqu'il doit d'abord être promulgué par leconseil des ministres. La ministre de la Justice,Kim Campbell, a promis qu'il entrera en vigueurle plus tôt possible. Ce projet de loi impose desconditions strictes à l'admissibilité en preuve ducomportement sexuel antérieur des plaignantes.Pour la première fois dans l'histoire du droitcanadien, il définit le consentement comme étant«l'accord volontaire du plaignant à l'activitésexuelle». En d'autres mots, la femme doit dire«oui» ou exprimer volontairement son accordpour que l'on puisse considérer que sonconsentement a été obtenu.

• Lectures •

Mariage et vie conjugale auCanada (1992)

Cette publication analyse le mariage sous unangle démographique et tente de répondre àplusieurs questions : Se mariait-on plus jeuneautrefois? À quelle époque s'est-on marié leplus ? Depuis quand le divorce est-il devenucommun? L'union libre remplace-t-elle lemariage? Sur plus de de 16 pages, les auteurs,Jean Dumas et Yves Péron, répondent à cesquestions en résumant l'histoire de la vieconjugale au Canada. Des graphiques et destableaux ainsi qu'une bibliographie complètentcet ouvrage. Disponible au coût de 38 $ auprèsde Statistique Canada, Division des publications,Ottawa «1A OT6 (Louise Tousignant)

Plan d'action pour lapromotion de la femme

Le comité consultatif ministériel sur lasituation de la femme vient de publier son

premier rapportannuel sur lenouveau Pland'action de Santé etBien-être socialCanada (1990-1995)inspiré desStratégiesprospectives d'actionde Nairobi pour la

promotion de la femme jusqu'à l'an 2000. Cerapport expose les progrès accomplis par leMinistère jusqu'à la fin mars 1991 en ce quiconcerne la mise en oeuvre de plus de 170initiatives s'inscrivant dans ce plan quiquennal.Disponible au : Bureau de la Conseillèreprincipale, Situation de la femme, Santé et Bien-être social Canada Tél. : (613) 957-1943

• Ressources •La Gazette

En Ontario, le Conseil intérimaire sur laréglementation de la profession de sage-femmepublie tous les trois mois un bulletind'information qui rend compte des différentstravaux et activités de cet organisme en vue del'entrée en vigueur prxhaine des lois régissantcette profession. Pour vous y abonner, il suffit de

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communiquer avec le Conseil intérimaire dessages-femmes, Boîte postale 2213, Succursale«P», Bureau 285, Toronto (Ontario), M5S 2T2,Tél.:(416)658-8715

Répertoire de chercheusesLa Chaire d'études sur la condition des

femmes de l'Université Laval vient de publier latroisième édition de Repères 1992 - Répertoireregroupant les chercheuses québécoisess'identifiant aux études féministes. Sontégalement disponibles une nouvelle édition duRépertoire des cours FEMMES, FÉMINISMES,RAPPORTS DE SEXES offerts en français par15 universités canadiennes et un tout nouveauRépertoire bibliographique des thèses dedoctorat et mémoires de maîtrise en rapportavec la conditon des femmes reçus dans sixuniversités du Québec, 1987-1991. Rensei-gnements : Chaire d'études sur la condition desfemmes, Pavillon de l'Est, bureau 3110,Université Laval, Sainte-Foy (Québec) G1K 7P4

• Colloque •Table féministe

Une Table féministe de concertationprovinciale en Ontario verra officiellement le jourparallèlement à la conférence "Femmes etcommunauté : le cas de l'Ontario français" quiaura lieu les 2,3 et 4 octobre 1992 à l'Universitéd'Ottawa. Pour plus de renseignements : LyneBouchard (613) 231-7962.

Alice au pays des médiasLe Centre des femmes de l'Estrie organise

un colloque provincial ayant pour thème lesfemmes et les médias. L'événement se dérou-lera les 30,31 octobre et 1 novembre prochainsà Sherbrooke, Québec. Pour plus d'information:Centre des femmes (819) 823-7759

An 2000Organisé par l'Alliance francophone pour la

radiotélévision publique (AFRP), ce colloquevise à offrir aux représentantes du public, auxdécideuses, aux artisanes, aux chercheusesainsi qu'à l'ensemble des intervenantesconcernées, l'occasion d'exprimer leurs opinionset suggestions sur la télévision publique qu'ellessouhaitent pour le 3e millénaire. «An 2000 -Quelle télévision publique! aura lieu les 2 et 3octobre 1992, au Collège de Maisonneuve àMontréal. Renseignements : AFRP, 2100, avePapineau, 3e étage, Montréal H2K 4J4Tél.:(514)527-0539

GLANÉ ICI ET LA

Maladies cardiaquesUne recherche publiée par le New England

Journal oi Medicine (juillet 1991 ) démontre queles femmes sont moins bien traitées que leshommes lorsque leurs problèmes cardiaquessont importants. Lorsque des examensdémontraient un excès de stress, 40 % deshommes étaient référés pour un angiogrammealors que seulement 4 % des femmes l'étaient!Une autre recherche publiée dans le mêmenuméro de ce magazine révèle que c'estseulement à partir du moment où une femmeavait eu une crise cardiaque qu'elle était traitéecomme un homme... (Source : NouvellesMédecines Douces = Santé, p. 19, avril1992)

Le mouvement féministeaustralien

Jusqu'en 1980, une loi australienneobligeait toutes les femmes qui travaillaient dansles services publics d'abandonner leur carrièredès le mariage. Depuis, la situation desAustraliennes a subi des transformationsradicales. Un Conseil consultatif national desfemmes a été formé en 1984 et, cette mêmeannée, une Loi sur la discrimination sexuelle aété introduite. On voit ainsi apparaître, entre1987 et 1990, une Politique nationale pourl'éducation des filles (la seule au monde de cetype), une Politique nationale pour la santé desfemmes, un Bureau des femmes aborigènes, unGroupe de travail sur la violence familiale et unePolitique nationale pour le sport et les femmes.(Source : 'ELLE -Québec, avril 1992)

Plus de femmes... fument

Le Canada est maintenant le premier paysoccidental où les femmes sont plus nombreusesà fumer que les hommes. D'après les donnéesde Statistique Canada, il y avait 50 000 plus defemmes que d'hommes qui fumaient en 1991.Les organisations anti-tabac canadiennes etinternationales disent que les manufacturiers detabac ont fait des femmes la cible de leurscampagnes de publicité pour maintenir le niveaude leurs ventes au moment où un nombrecroissant d'hommes cessent de fumer, et que lenombre de ceux qui commencent à le fairerégresse. (Source ; Presse canadienne)

Les femmes et la politiqueétudiante

Selon une recherche effectuée par laFédération canadienne des étudiantes etétudiants, seulement 20 % des présidentesd'associations étudiantes du pays sont desfemmes. Depuis la fondation de la Fédérationdes étudiantes et étudiants de l'Universitéd'Ottawaen 1918, quatre femmes seulementont détenu le poste de présidente. Une seulefemme s'est portée candidate aux élections pourl'exécutif de la FEEUO de 1992-1993. Il restedonc encore beaucoup à faire avant que lesétudiantes y soient réellement représentées.(Source : Magazine Focus, printemps 1992)

Sexisme chez les jugesDans le cadre d'un sondage effectué par le

Conseil consultatif sur la condition de la femmedu Nouveau-Brunswick, 31 % des avocatesinterrogées ont dit avoir fait l'objet decommentaires inopportuns de la part d'un jugeet 24 % de ces femmes révèlent qu'elles ont étévictimes de discrimination sexuelle de la partd'un juge. Une avocate s'est fait dire par unjuge que si elle ne pouvait pas supporter lapression, elle devrait se marier et se faireentretenir. De plus, elle fut avisée que sesinterventions en cour étaient trop longues, laraison étant que les femmes parlent trop. LeConseil consultatif demande que des sessionsde sensibilisation sur le droit à l'égalité desfemmes soient organisées pour les juges.

Femme au foyerPour la première fois en huit ans d'existence,

le groupe MAW (Mothers are Women) a pu sefaire entendre lors de rassemblée généraleannuelle du Comité canadien d'action sur lestatut de la femme qui s'est tenue à Ottawa enjuin. Les membres de MAW sont des féministesdont le principal champ d'action est centré surles enfants. Elles sont plus de 500 à faire partiede ce groupe national de soutien pour les mèresmodernes qui ont choisi de passer la plusgrande partie de leur temps à la maison pourvoir à l'éducation de leurs enfants. Leur objectif :augmenter leur visibilité et sensibiliser les autresféministes du CGA à l'importance du travail desfemmes à la maison.

ffl SEPTEMBRE 1992

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D'EGALE A ÉGALE.,par Claire Mazuhelli

> ans vouloir nuancer mon discours, jedirais de la coopération que si elle n'est pas unanachronisme, elle est, en revanche, à contre-courant. Dans bien des mondes, celui du travailentre autres, la compétition est la Loi Suprême :l'inconditionnelle mesure de la réussite et de lavaleur des individus. Ceux et celles qui s'élèventau-dessus des masses, les gagnantes etgagnants sont reconnus comme tels et couvertsde lauriers. Les autres peuplent la populace etsont considérés comme des pions surl'échiquier. Je ne dis pas que le mondecoopératif n'a pas sa propre «royauté». J'affirmetoutefois, qu'entre la compétition et lacoopération, mon choix est clair. Pas facile, pasidéal, pas simple, pas rosé bonbon, mais clair.

La coopération, je la vis au quotidien depuistrois ans. Elle a ceci de commun avec la vertuqu'on ne peut être contre. Comment peut-ons'opposer à un si noble principe!? Quoique j'aiesouvent des envies folles de succomber à latentation de tous les vices...au travail commeailleurs...

La coopération est une école. Lechangement, malgré nos supposées ouvertures,ne s'installe pas en criant peu II y a dans cetype de travail des aspects qui nous fontregretter, pendant une seconde, les structures

qui identifient clairement les boss...et lescoupables. Partage des privilèges, partage desresponsabilités. Pour ce qui est des privilèges, jen'éprouve pas tellement de problèmes. Quantaux responsabilités... et bien, «je travaille là-dessus», comme on dit.

La responsabilité, c'est un mot qui depuis matendre enfance, me terrorise. Un sens acquis surle tard. J'avais plutôt choisi la culpabilité. Unsentiment assez désagréable, mais auquel onfinit par s'habituer et qui s'exprime par des«J'aurais donc dû faire ci, j'aurais donc dû...plutôt que «Faut que je fasse...». Nuance.

Le mode coopératif demande et donne,reprend et redonne. On y reçoit les fleurs... etles pots. On y fait des erreurs impossibles àcamoufler et des merveilles impossibles à taire.On «fait une différence», on a «de l'influence»,un «pouvoir»! On a aussi des angoisses, desconflits et des réconciliations. On a la phobie depiler sur les pieds des autres tout en le faisant.On a, au nom du principe et de la vision, deshésitations à questionner et quelque résistanceà se faire questionner... «De quel droit?» sedemande-t-on dès qu'une remise en questionémerge. On a le seul et unique droit d'être unecoopérante, égale aux autres. C'est dans ceclimat d'égalité qu'il faut risquer la parole, les

'FIGUE\M -mm

gestes qui autrefois nous étaient dévolus par leposte que nous occupions, la ligne d'autorité,bref, quelque chose à l'extérieur de soi.

Je veux bien coopérer. Je ne changerais deplace pour rien au monde...Mais, il y a des joursoù j'aimerais bien que quelqu'une viennegentiment me dire quoi faire; me remette sur lenez, une tâche non effectuée; me dise que jesuis bonne à ceci, moins bonne à cela car monautonomie parfois, m'épuise. Je n'aurais pas àassumer, à rendre compte, à prendre ma place.Je ne serais pas acculée au pied du mur de meslamentations lorsque je suis dans le «jus» demes contrats et que mes tâches de gestioncoopérative ne sont pas disparues de la liste-des-choses-à-faire.

Dans une coopérative on ne peut survivre sion n'y met pas du sien. Les dépôts à la caisse(une occasion de célébrer!); les menus achats(savon à vaisselle, café, papiers et crayons); lesréunions d'équipe animées à tour de rôle; lessuivis à suivre, à poursuivre, à rattraper; leschèques à émettre, fournisseurs, associées etcoopérantes à payer (autre occasion decélébrer!) et même les discussions qui sontparfois trop longues, parfois trop courtes... Etpuis, la nature humaine, qui fait que certaines enfont toujours plus que moins alors que d'autres(comme moi), partent de bien loin et en fonttoujours un peu plus, mais rarement trop...

L'évidence ne vous saute-t-elle pas auxyeux? C'est gros comme le nez dans ma face,comme diraient les anglais. Je suis unecoopérante heureuse de l'être, mais parfoisbien tannée de l'apprentissage nécessaire pourfaire de moi une coopérante pleinement enmesure de vivre selon ses convictions. Bon!

Voilà les dimensions les plus fascinantes etles plus épeurantes de la coopération. Lesprincipes et la réalité. Les exigences et lesbénéfices. Les responsabilités et le pouvoir.Des questions qui surgissent, des réponses quise cachent, des illuminations irréalistes, descontradictions et des réussites qui donnent, plusque jamais, envie de continuer.

La coopération, je suis tombée dedansquand j'ai été un peu plus grande...11 n'y a pasde hasard. i i i

Claire Mazuhelli habite l'Outaouais. Elle rédige cettechronique humoristiqure dans Femmes d'action depuissix ans déjà. C'est une vétérante! Grâce à ses réflexionsen dernière page, nos sérieux dossiers vous sont un peumoins lourds.

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des femmes

canadiennes-françaises

325, rue Dalhousie, porte 525, Ottawa (Ontario), KIN 7G2(613) 232-5791, télécopieur (613) 232-6679

AUX EDITIONS DU GRAND PREDEUX TEXTES SIGNES MARTINE L. JACQUOT

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Les nuits démasquées(cinq proses poétiques)

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L'homme qui avait volé les couleurs de la vieUne aventure merveilleusepour enfants de cinq à dix ans

LES EDITIONS DU GRAND-PREC.P. 298, Université AcadiaWolfville, Nouvelle-EcosseCanada BOP 1X0

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J. Bernard Mardi, c.a.Serge Lavallée, c.a.André Loyer, c.a.Michel Coulombe, c.a.Joanne Chenail-Trépanier, c.a.Lionel Nolet, c.a.Gilles Berger, c.a.

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La recherche-actionL'animation de groupes

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Page 47: SEPTEMBRE • OCTOBRE 1992 • VOLUME 22 • NO 1 …bv.cdeacf.ca/CF_PDF/1989_09_pd237_1992v22n01.pdf · Une femme parmi 12 000 hommes Marte ... 2 3 Petite et grande histoire d'une

1 UNIVERSITE D'OTTAWAI UNIVERSITY OF OTTAWA

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Page 48: SEPTEMBRE • OCTOBRE 1992 • VOLUME 22 • NO 1 …bv.cdeacf.ca/CF_PDF/1989_09_pd237_1992v22n01.pdf · Une femme parmi 12 000 hommes Marte ... 2 3 Petite et grande histoire d'une

Aux numéros...

pour les indicatifs régionaux705, 807, 519 et 416

pour les indicatifs régionaux613e t4 l6

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