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POINT FORT Migration économique ACTUALITÉ La crise des réfugiés Numéro 4, novembre 2015 Le magazine de

Solidarité 4/15

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Journal de Solidar Suisse

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POINT FORTMigration économique

ACTUALITÉLa crise des réfugiés

Numéro 4, novembre 2015

Le magazine de

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Esther MaurerDirectrice de Solidar Suisse

2 ÉDITORIAL

REVUE DE PRESSE

Chère lectrice, cher lecteur, L’aéroport de Beyrouth ressemble à celui de n’importe quelle autre grande ville: grouillant d’activité et tourné vers le com-merce. Rien n’indique que nous arrivons dans un pays où une personne sur quatre est un réfugié. Le Liban est un pays au re-venu moyen intermédiaire et, sur le chemin du sud où nous me-nons des projets, nous ne sommes pas confrontés à une misère manifeste. Mais où sont donc les 1,2 million de personnes ayant fui leur patrie syrienne et vivant aujourd’hui comme réfugiés au Liban?

Les camps de réfugiés sont officielle-ment interdits. Dans le sud, des familles vivent dans l’espace exigu offert par des garages ou des arrière-cours. Solidar finance l’équipement de maisons en construction pour les rendre habitables à des familles de réfugiés. En contrepartie, ces dernières peuvent y vivre une année entière sans payer de loyer (lire l’article en page 17). L’aide supplémentaire du Programme alimentaire mondial a été massivement réduite ces derniers mois, de 27 dollars par personne et par mois à 13 dollars – pour cinq membres par famille au plus. Bien trop peu pour enrayer la faim.

On ne voit pas les réfugiés syriens tout de suite – et pas non plus lorsqu’on y regarde de plus près. Ils ont appris à se rendre invisibles. Ils sont profondément blessés dans leur fierté car ils ne survivraient pas sans aide. Il ne leur reste rien en Syrie, à part leurs souvenirs. Et quand on leur demande s’ils

en tendent retourner un jour chez eux, leurs réactions sont contras tées: les personnes déplorant des morts ne disent pas grand-chose et retiennent leurs larmes. Ici comme là-bas, leur si tuation est sans perspectives. Quant aux Syriens de classe moyenne dépendant de l’aide parce qu’ils ne peuvent pas travailler au Liban, ils souhaitent tous renouer avec leur vie d’avant.

Près de 250 000 réfugiés syriens sont en route vers l’Europe ou déjà sur place. Quatre millions vivent dans les pays voi-sins de la Syrie. Ne perdons pas de

vue ces proportions quand nous parlons de «crise des réfugiés» en Suisse. Esther Maurer

2.7.2015L’harmonisation des règles en matière d’adjudication peu contestéeLa coalition des organisations non gou-vernementales (ONG) sur les achats pu-blics demande à la Confédération de ne pas rater la chance qui lui est offerte d’inscrire dans la future loi des exigences plus strictes en matière de durabilité et de critères sociaux. «Le développement durable n’est pas un principe que les collectivités publiques peuvent appliquer à discrétion», écrit la coalition qui re-groupe Pain pour le prochain, la Dé-claration de Berne, Action de Carême, Helvetas, Max Havelaar, Swiss Fair Trade et Solidar Suisse.

2.10.2015Les Libanais font beaucoup mais atteignent leurs limitesAu Liban, les tensions augmentent entre la population et les réfugiés syriens, estime Esther Maurer. La directrice de l’œuvre d’entraide Solidar Suisse s’est rendue cinq jours sur place pour observer le contexte politique et les possibilités d’actions futures. Environ 500 familles vivent dans des logements mis à dispo-sition par l’ONG. Une des trois activités menées au Liban par Solidar est la ré-novation d’abris afin de les rendre utili-sables. Selon Mme Maurer, dans cette crise la Suisse doit soutenir le Liban.

12.7.2015La Russie songe à des prisonniers pour construire ses stadesPour la Coupe du monde 2018 en Russie, les préparatifs vont bon train, les critiques aussi. Notamment après le dépôt d’une motion récente d’un représentant de la Douma qui veut mobiliser les prisonniers pour effectuer les travaux. Cette situation difficile est décrite dans un rapport de l’ONG suisse Solidar Suisse. La chute de la monnaie a de plus conduit à réduire les salaires. A tel point que de nombreux travailleurs ne sont pas revenus sur les chantiers. Un manque de main-d’œuvre que la Russie espère désormais combler en mobilisant des prisonniers.

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Editeur:Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, case postale 2228, 8031 Zurich, Tél. 021 601 21 61, email: [email protected], www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen SolidarRédaction:Katja Schurter (rédactrice responsable), Rosanna Clarelli, Eva Geel, Lionel Frei, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil VoicesTraduction: Ursula Gaillard, Milena Hrdina, Jean-François ZurbriggenCorrection: Jeannine Horni, Catherine VallatImpression et expédition:Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 SchaffhouseParaît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé et respectueux de l’environnement.Photo de couverture: travailleurs migrants dans leur logement à Doha, Qatar. Photo: Stringer. Dernière page: Avec une carte cadeau de Solidar, vous soutenez nos projets de développement.

IMPRESSUM

ACTUALITÉ Le conflit en Syrie dure depuis quatre ans sans qu’une solution se dessine. Les réfugiés ont besoin de notre soutien.

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POINT FORTLes migrant-e-s ne sont souvent pas les bienvenus même s’ils contribuent à la croissance économique. Leurs conditions de travail sont précaires et leur maigre salaire doit leur permettre de nourrir leur famille restée au pays. 4

POINT FORT Migration économique 4 Migration: les espoirs souvent brisés d’une vie meilleure 6 Des conditions de travail peu sûres minent la santé des ouvrières et des ouvriers chinois 8 Escroqués par des agences de placement: les migrant-e-s sri lankais au Proche-Orient 10 Le rêve américain de nombreux migrant-e-s du Salvador reste une utopie 13 En Suisse, les sans-papiers travaillent beaucoup et vivent dans la précarité 15 ACTUALITÉ La Suisse doit faire plus: les réfugiés syriens ont besoin de notre aide 17 PORTRAIT En Bosnie-et-Herzégovine, Samir s’engage pour l’avenir professionnel des jeunes 18 CHRONIQUE 9 BRÈVES 12 & 16 CONCOURS 14 RÉSEAU 14

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MIGRATIONQu’ils viennent du Salvador, du Sri Lanka ou du Nicaragua, que ce soit au Qatar, en Chine ou en Suisse: les gens recherchent — depuis toujours — de meilleures conditions de vie dans d’autres pays. Qui surveillerait nos enfants et soignerait nos aînés si nous n’avions pas de main-d’œuvre étrangère? Qui produirait dans les fabriques de multinationales en Chine si des migrants internes ne le faisaient pas? Mais les travailleurs migrants vivent généralement dans la crainte perpétuelle d’être renvoyés et leurs espoirs de vie meilleure sont souvent brisés. Photo: Joshua Lott

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POINT FORT

Une poupée pendue à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis.

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C’est une bouteille à l’encre: personne ne connaît le nombre des travailleurs étrangers dans le monde. Même l’ONU ne se risque qu’à une estimation géné-rale et chiffre l’ensemble des migrants à 232 millions environ. Ce nombre n’inclut pas que la main-d’œuvre légale et illé-gale mais encore les requérants d’asile, les étrangers admis par regroupement familial et les enfants en fuite.

La peur d’être expulséLa réalité des travailleurs migrants est aussi difficile à cerner que leur nombre total: tandis que dans notre pays les ex-patriés anglophones utilisent les forums Internet pour se donner des conseils sur les aspects fiscaux et le recyclage, les ouvrières et les ouvriers zimbabwéens en

Afrique du Sud craignent le renvoi et la violence. A l’exemple de Benhilda Ma-sarirambi, employée de maison dans la ville du Cap. Les autorités sud- africaines ont refusé de renouveler son permis de travail parce qu’elle a perdu l’ancien dans un accident de voiture. Depuis qu’elle a reçu la lettre des autorités, elle a constamment peur d’être expulsée. Et sa crainte est fondée: l’arbitraire règne dans l’administration et les actes de violence xénophobes font régulièrement les gros titres en Afrique du Sud. Nombre de travailleuses et de travailleurs migrants vivent dans ces conditions d’insécurité, tout comme en Suisse (lire l’article en page 15). Le

comité de l’ONU pour les droits de tous les travailleurs migrants constate qu’ils sont particulièrement souvent en butte au racisme, à la xénophobie et à la dis-crimination. Mais la main-d’œuvre a aussi des problèmes lorsqu’elle migre à l’inté-rieur de ses propres frontières: en Chine par exemple, les ouvrières et ouvriers parcourent 2000 kilomètres parfois pour trouver du travail dans les grandes villes

d’autres provinces, car il leur est im-possible de survivre dans leurs petits villages. Et lorsque ces ouvriers tombent malades en raison de conditions de tra-vail peu sûres, ils ne reçoivent ni soins ni compensation (lire l’article en page 8).

Après sa déportation, un homme dans la zone frontalière

entre le Mexique et les Etats-Unis.

Les travailleurs migrants voyagent au péril de leur vie, sont menacés d’exploitation et voient souvent leurs espoirs brisés. Texte: Eva Geel. Photo: BBC Worldservice

DES MIGRANTS QUI CASQUENT

«Les travailleurs migrants sont des forces vives pour les sociétés vieillissantes.»

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7POINT FORT 7

Espoir d’une vie meilleureEn prenant la route, les travailleurs étrangers espèrent une chose surtout: de meilleures perspectives que chez eux, des salaires supérieurs et la possibilité de nourrir leur famille. Car ils envoient à leurs proches une bonne partie du sa-laire gagné loin de chez eux. Ces envois de capitaux dans les pays d’origine font aujourd’hui une part essentielle de l’éco-nomie de pays d’émigration classique, et même la moitié du produit intérieur brut

dans un cas extrême, celui du Tadjikistan (cf. graphique). Grâce à ces devises, les pays d’origine des migrant-e-s profitent de l’accès aux marchés internationaux des capitaux et de meilleures possibilités de formation et de développement à l’intérieur de leurs frontières.Mais c’est souvent la main-d’œuvre la plus qualifiée qui part à l’étranger, ce dont profitent à nouveau les pays d’accueil: les travailleuses et travailleurs migrants sont des forces vives pour les

sociétés vieillissantes. Ils assurent les rentes, contribuent à la croissance éco-nomique et stimulent la consommation interne – l’immigration a longtemps été la raison principale du fort développement éco nomique réalisé par la Suisse.

Les migrants paient le prix fortMais les mouvements migratoires se mo-difient. L’Europe se replie sur elle-même et les pays émergents deviennent tou-jours plus attractifs vu leur développe-ment économique. Les sommes d’argent envoyées le montrent également: au-jourd’hui, toujours plus d’argent du sud est versé au sud. Une situation nouvelle par rapport à quelques années, quand l’argent était surtout expédié du nord. La migration a toutefois un prix… que paient souvent les migrants eux-mêmes, en espoirs déçus, en mauvais traitements et en dettes. Nombre d’entre eux sont poussés à la misère et à la mort par des bandes organisées de passeurs; pour certains, la recherche de travail aboutit au travail forcé et à l’esclavage. Les travailleurs étrangers dans les Etats du Golfe sont particulièrement touchés (lire l’article en page 10).Il est donc urgent d’agir. C’est également l’avis de l’ONU. Elle a intégré un nou -veau point dans ses objectifs de déve-loppement durable (ODD) adoptés en septembre et décrivant le programme de développement mondial des prochaines décennies (lire en page 16): la protection des droits du travail et la promotion de conditions de travail sûres. Les travail-leurs migrants sont explicitement men-tionnés. Car des conditions de travail dé-centes et des emplois de bonne qualité sont un pilier du développement selon l’ONU. Et donc indispensables.

Eva Geel est responsable de la com munication auprès de Solidar Suisse.

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)Emigration mondiale 2005 – 2010

Note: Le taux d’émigration se fonde sur les données d’Abel et Sander (2014). Les chiffres relatifs aux working poor et aux assurés sociaux sont des évaluations de l’OIT.

Source: OIT

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Vue d’ensemble des transferts d’argent

Les 25 pays présentant la part la plus élevée au PIB de 2013 (en %).

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* Comme défini dans la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU en 1999.

Source: ILO, basé sur des données de la Banque mondiale et du FMI.

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La Chine est un régime communiste unipartite avec une économie de marché ultralibérale dans laquelle les entreprises font du business comme des poissons dans l’eau. Dans l’Empire du Milieu, les bonnes relations permettent de résoudre nombre de problèmes – ou de s’en débarrasser. La Chine est dans le même temps le seul pays du monde à avoir sorti des millions de personnes d’une profonde pauvreté, et ce en ne comptant que sur ses propres forces. La classe moyenne chinoise actuelle n’a rien à envier à la classe à revenu moyen euro-péenne. Mais le prix d’une telle prouesse est élevé – pour la population et pour l’environnement.

DES CONDITIONS DE TRAVAIL QUI TUENT

Quand le bénéfice est prioritaire... En Chine, Solidar Suisse collabore avec de petites ONG qui militent en faveur des droits des travailleuses et des tra vailleurs chinois. Pour visiter les pro-jets de Solidar, nous nous sommes en-volés pour Chengdu, la capitale de la province du Sichuan: constructions monumentales, dernières voitures européennes et folle agitation partout. On perçoit le revers du développement économique dans les propos tenus par les bénéficiaires de notre organisation partenaire* qui gère un centre de consul-tation pour les travailleurs: leur santé est détruite. Des gens souffrant de leucémie après avoir manipulé des polluants à leur

poste de travail. Des personnes affec-tées de maladies ou de fibrose pulmo-naires car l’employeur a économisé sur les dispositifs d’aspiration, les gants et les masques. D’autres personnes encore intoxiquées par des solvants puisque

l’Occident veut acheter de l’électronique et des jouets bon marché.

… pas de protection du travailLi Yi Pau est l’une d’elles. Comme la plu-part des ouvriers des grandes fabriques, elle a quitté la campagne pour la ville,

«Personne ne m’avait jamais dit que les solvants étaient dangereux.»

En Chine, le manque de protection des travailleurs pro voque souvent des maladies incurables. Et les personnes concernées ne sont pas indemnisées. Solidar les aide à obtenir justice. Texte: Zoltan Doka. Photos: Darley Shen, Zoltan Doka

8 Une travailleuse peint une figurine de Pokémon dans une usine chinoise (gauche).

Pour des raisons de sécurité, nous ne pouvons pas faire paraître une

photo de Li Yi Pau ici. Logements d’ouvriers migrants à Chengdu (droite).

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50 francs permettent à une ouvrière de profiter d’un conseil global sur des problèmes sanitaires liés au travail. Avec 70 francs, un travailleur ou un étudiant peut suivre une formation continue sur les droits du travail. 100 francs suffisent à défendre de façon professionnelle une ouvrière devant un tribunal du travail chinois.

Votre don

Guangzhou en l’occurrence, à 1800 kilo-mètres de chez elle, pour trouver du tra-vail. Dans leur village natal, elle et son mari n’arrivaient pas à nourrir leurs deux enfants. «J’ai trouvé un emploi pour 2200 yuans (près de 340 francs) par mois. Avec des solvants, je devais nettoyer des figurines de Pokémon», raconte-t-elle. Après trois ans, Li Yi Pau s’est sentie mal. Lorsqu’elle en a parlé à son employeur, il lui a rappelé les résultats positifs du contrôle sanitaire annuel. «Mais plus tard, l’hôpital de Guangzhou m’a appelée pour me dire que j’étais intoxiquée par les solvants. Personne ne m’avait jamais dit que les solvants que je manipulais étaient dangereux.» Les doctoresses ont conseil-lé à Li Yi Pau de s’adresser au bureau de conseil de l’organisation partenaire de Solidar à Guangzhou, car les malades ne sont pas soutenus par les autorités: «J’ai fait le tour des services administratifs mais partout on m’a dit de patienter ou

on m’a envoyée plus loin. Le centre de conseil m’a aidée à faire valoir mes droits. C’est là qu’on m’a appris que j’avais le droit d’être dédommagée.» Le bureau de conseil a toutefois été fermé à la fin août par la sécurité nationale, sous prétexte qu’il agissait «trop ostensiblement».

Le droit est bafouéEn fait, le droit chinois prescrit de pro-téger les travailleurs mais sa mise en œuvre est boiteuse, notamment à cause de la corruption omniprésente. Et même si de nombreuses marchandises sont traitées au moyen de solvants, les ou-vriers ne sont ni équipés de gants ni de masques de protection. Les mécanismes de contrôle étatiques comme les inspec-tions du travail sont également paralysés par une mise en œuvre déficiente: «Les inspections sont annoncées. Alors tout est rapidement organisé pour faire bonne figure. Un jour plus tard, tout redevient comme avant», font observer les ouvriers.L’hôpital provincial de Chengdu com-prend une division pour les maladies du travail. Comme la plupart des employeurs ne s’intéressent pas du tout au sort de leurs employés malades, ces derniers doivent payer eux-mêmes les thérapies.Le personnel hospitalier connaît la si-tuation désespérée de ses patients et les envoie ainsi dans des bureaux de conseil. Là, on les informe de leurs droits et les aide à exiger des paiements compensa-toires devant les tribunaux. «Ici, on me prend pour la première fois au sérieux, affirme Li Yi Pau. J’ai fait la connaissance de nouveaux amis qui ont les mêmes problèmes. Cela me stimule. Même si c’est long, je sais que je peux arriver à un résultat avec l’aide du centre de conseil. Je ne laisserai pas tomber.»

Zoltan Doka est responsable du programme Chine à Solidar Suisse.

* Par souci de protéger nos partenaires, nous ne pouvons pas donner le nom des organisations.

THEMA 9THEMA 9

L’hypocrisie des milieux nationalistes est quasiment sans bornes. Ils tiennent des propos incendiaires contre les réfugiés et les requérants d’asile et, sous les projecteurs des médias pu-blics, font l’éloge de la lutte contre la pauvreté dans les pays de provenance. Sur la scène plus discrète du Palais fédéral, ils tentent simultanément par tous les moyens de réduire les fonds affectés à l’aide au développement. La contradiction est manifeste mais cela ne les dérange pas. Moi si, en re-vanche. Et même énormément! Je me rappelle comment les forces progres-sistes ont, voilà quatre ans, triomphé de la vive résistance des conserva-teurs au Parlement et fait accepter que la Suisse accroisse à hauteur de 0,5 % du PIB ses dépenses en faveur de la coopération au développement. Cela reste malgré tout très éloigné du 0,7 % auquel notre pays et la com-munauté internationale se sont jadis engagés à l’ONU, avec pour objectif de réduire de moitié la misère dans le monde. C’est pourquoi il faut tenir à cet objectif et s’opposer vivement aux plans destructeurs de la droite. Nous ne voulons pas combattre les réfugiés mais les causes de leur exil. Nous ne voulons pas lutter contre les plus démunis mais contre les raisons de leur pauvreté. Cela n’exige pas moins de moyens financiers mais davantage. Cela ne passe pas par une politique extérieure isolationniste mais solidaire. Cela appelle des relations commer-ciales synonymes de développement au sud plutôt qu’une fuite des capitaux et de la population depuis cet hémi-sphère.

Insupportable hypocrisie

est une aide réelle

CHRONIQUEHans-Jürg FehrPrésident de Solidar Suisse

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Vikneswary Kukanathan a été forcée de signer les décomptes de salaire sans avoir reçu un sou. Après deux ans, elle a choisi de s’enfuir et a cherché secours auprès de la police. Mais celle-ci l’a ramenée à son employeuse. Lorsque cette dernière a prétendu qu’elle n’avait rien à voir avec les cicatrices que les mauvais traitements avaient laissées sur la peau de Vikneswary, la police est par-tie en la remettant à sa tortionnaire. Les

mauvais traitements et les menaces ont dès lors redoublé. Deux semaines plus tard, la jeune femme s’est à nouveau

80 000 seulement. Elle a donné l’argent à son mari, a laissé ses enfants à sa belle-mère et s’est envolée pour l’Arabie saoudite en décembre 2011 – sans savoir ce qui l’attendait.

Battue et trompéeL’employeuse de Vikneswary Kukanathan l’a dès le départ insultée et maltraitée. Elle devait travailler 12 à 14 heures par jour, ne pouvait pas prendre contact avec sa famille au Sri Lanka et ne devait pas quitter la mai-son. Les coups étaient quo-tidiens. «Je me sentais seule et désespérée», raconte- t-elle. «Je suis restée car j’avais besoin d’argent et je ne sa vais pas où aller. Mon employeuse m’avait pris mon passeport et avait menacé de le détruire si je racon-tais comment elle me traitait.» Plus tard,

Le parcours migratoire de Vikneswary Kukanathan est un exemple tristement typique. Pendant la guerre, cette jeune femme de 27 ans a été déplacée à plu-sieurs reprises avant d’être finalement accueillie dans un camp de réfugiés avec ses deux enfants et son mari. Mais le revenu de son jardin potager et le salaire irrégulier de journalier de son époux ne suffisaient pas à faire bouillir la marmite. C’est pourquoi elle a fait savoir son inté-rêt à un agent désireux de la recruter comme employée de maison pour une famille en Arabie saoudite. Il lui a promis un bon travail et une avance de 150 000 roupies (près de 1000 francs) avant son départ. C’est alors que les problèmes ont commencé: peu rompue à ce genre de tractations, la jeune femme n’avait pas fait confirmer l’accord par écrit. Et on l’a immédiatement escroquée. Au lieu des 150 000 roupies promises, elle en a reçu

De nombreuses personnes du nord du Sri Lanka, meurtri par la guerre, cherchent du travail au Proche-Orient. Trop souvent, elles y sont victimes d’exploitation et d’abus.Texte: Subajini Rajendram. Photos: Richard Messenger, Christopher Rose, Solidar

«Aujourd’hui, j’en suis au même point qu’il y a un an, mais simplement avec beaucoup moins d’espoir.»

Des travailleurs migrants sur un chantier à Doha, au Qatar.

Un appartement propre comme un sou neuf en Arabie saoudite.

ESCROQUÉS ET EXPLOITÉS

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Sinthujan Sivapalasundaram et Vikneswary Kukanathan (en bas à gauche) après leur retour au Sri Lanka.

enfuie. Mais la police l’a ramenée une nouvelle fois. Par chance, le mari était au domicile à ce moment-là. Il avait déjà essayé de protéger Vikneswary contre la fureur de sa femme. Il a reconnu les mauvais traitements et s’est dit prêt à payer le vol de retour au Sri Lanka.

Au Sri Lanka, rien n’avait changé: lorsque Vikneswary Kukanathan est rentrée en avril 2014, son mari était toujours au chô-mage. Elle lui a remis les maigres écono-mies de ses deux années de torture. Elles ont fondu en quelques mois. Elle a fina-lement appris que son mari avait entre-temps trouvé une autre femme qu’il sou-tenait avec son argent à elle. Vikneswary est partie chez sa mère tandis que ses enfants sont restés chez la maman de son mari. Solidar lui a prodigué des conseils pour qu’elle puisse surmonter ses trau-matismes. Aujourd’hui, Vikneswary vit à

nouveau avec son mari et ses enfants, mais leur situation reste difficile.

De belles promesses…La situation de Sinthujan Sivapalasun-daram n’a pas été plus enviable. Il a été recruté par les Tigres tamouls à l’âge de 15 ans et, après la guerre, un camp l’a également hébergé. En 2011, il est retourné dans son village natal, Mul-laiyavalai, avec sa famille. «Nous voulions remettre nos champs en culture mais les sources étaient détruites», explique Sinthujan. La famille ne voyait pas vrai-ment comment survivre. En 2014, alors qu’il avait 25 ans, une agence de placement l’a recruté pour un emploi de ferblantier au Qatar, dans une entreprise indienne. Il a participé à une formation continue de l’office du travail à l’étranger pendant laquelle on l’a informé des règles, de la religion et des conditions de travail au Qatar. Il a aussi pu apprendre quelques notions d’arabe. Pour le place-ment, le visa et le vol, il a dû verser 110 000 roupies (près de 750 francs) à l’agence, selon la pratique usuelle. Alors que les femmes reçoivent une avance, les hommes doivent payer leur placement. Pour régler cette somme, la famille a dû s’endetter et donner ses bijoux en gage. Il a signé un contrat de travail lui assurant un salaire mensuel de 1200 riyals (environ 320 francs) aux-quels s’ajoutaient 200 riyals pour ses frais de nourriture.

... pour un réveil difficileMais Sinthujan Sivapalasundaram s’est vu proposer un nouveau contrat de travail au Qatar ne lui octroyant plus que 1000 riyals mensuels. Il a refusé de le signer. Mais le document officiel qu’il avait signé au Sri Lanka n’était pas valide car il y manquait la signature de l’office sri-lankais du travail. L’agence l’avait dupé. Par la suite, il a tout de même paraphé le nouveau contrat et commencé à travailler comme ferblantier. Il était logé dans une pièce de trois mètres sur trois, avec neuf autres ouvriers. Bientôt, d’autres travaux

Solidar Suisse conseille les personnes désireuses de s’exiler, les informe de leurs droits, de la situation dans le pays d’accueil, des pratiques de placement légales et illégales des agences de recrutement et des an-tennes à alerter en cas de problème. Les personnes de retour au Sri Lanka profitent au besoin d’un accompa-gnement psychologique et juridique. www.solidar.ch/srilanka_migration

migrant-e-s potentiels

Conseil aux

pour lesquels il n’avait pas été formé lui ont été confiés. Il devait porter de lourdes charges et se tenir en équilibre précaire sur des échafaudages. On l’a congédié lorsqu’il a exigé, après huit mois, d’accomplir à nouveau des travaux de ferblantier. Il n’a pas reçu son salaire et a pu s’en sortir uniquement grâce à l’aide de ses collègues. Il lui était im-possible de rechercher un autre travail car son employeur avait gardé son pas-seport comme le prévoit le système ka-fala qatari. Dans son désespoir, Sinthu-jan Sivapalasundaram s’est régulièrement adressé au management jusqu’à ce que finalement son employeur accepte de le libérer plus tôt de son contrat de deux ans et de payer sur son salaire restant le vol de retour au Sri Lanka. Il est arrivé chez lui en juin 2015, sans plus aucune illusion: «Ce que j’ai gagné au Qatar suffit tout juste à rembourser les dettes contractées auprès de mes parents. Les agences te promettent monts et merveilles mais elles t’envoient en enfer. Aujourd’hui, j’en suis au même point qu’il y a une année, mais avec bien moins d’espoir et avec le sentiment d’avoir profondément déçu ma famille.»

Subajini Rajendram est responsable du projet de Solidar pour les candidat-e-s à la migration au Sri Lanka.

POINT FORT 11

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12 BRÈVES

Au-delà de la confusion du mondeAlliance Sud, la communauté de travail des œuvres suisses d’entraide, vient de publier «Au-delà de la confusion du monde». L’ouvrage, qui s’inscrit dans la perspective du futur débat sur la coopé-ration internationale 2017–2020, ana-lyse les blocages actuels de la coopé-ration inter nationale dans un monde multipolaire. Depuis la crise financière de 2008, l’économie mondiale piétine; les inégalités sociales se creusent dans les pays riches comme dans les pays pauvres; la moitié de la population mondiale se contente de 8 % du produit mondial brut, alors que le 1 % le plus riche en consomme les trois cinquièmes; le changement climatique risque de de-venir incontrôlable et menace les res-sources alimentaires d’Asie et d’Afrique; des conflits armés déstabilisent des régions entières. Le livre montre les changements politiques et économiques nécessaires pour venir à bout de ces problèmes. Ce faisant, il veut participer à une meilleure compréhension du monde. www.alliancesud.ch

Sprint final pour RASALa mise en œuvre de l’initiative Contre l’immigration de masse ne met pas seu-lement en danger la voie bilatérale avec l’UE, mais aussi les droits des réfugiés. L’initiative populaire Sortons de l’impasse (RASA) vise à abroger les articles consti-tutionnels adoptés de justesse le 9 fé-vrier 2014. Depuis décembre dernier, 100 000 signatures ont déjà été re-cueillies pour RASA. Il reste un dernier effort à fournir pour réunir les paraphes qui manquent encore: www.initiative-rasa.ch

Le développement dans les médiasAlliance Sud et l’école suisse de journa-lisme MAZ ont créé l’association real21 – comprendre le monde. Grâce à un fonds de soutien et à la remise de prix, elle vise à promouvoir la qualité et le nombre d’articles sur les sujets liés au développement et aux relations nord-sud dans les médias suisses. Un jury indé-pendant formé de spécialistes sélection-nera les projets présentés par les jour-nalistes et deux prix seront décernés chaque année.

Bureau de coordination à HongkongSolidar possède depuis juin 2015 un bureau à Hongkong. La coordination sur place est assurée par Sylvia So. Spécia-liste du développement et de l’aide hu-manitaire, cette anthropologue a entamé sa carrière en tant que journaliste. Elle sera chargée d’épauler les partenaires de Solidar en Chine et de développer notre programme en Asie.

Bolivie: vivre à l’abri de la violenceSolidar Suisse a décroché un mandat mis au cours par la DDC: de 2016 à 2019, nous réaliserons le projet «Vida sin vio-lencia» avec des organisations locales

boliviennes. Il s’agit de mettre en œuvre des mesures concrètes pour lutter contre la violence envers les femmes et favori-ser un changement d’attitude, afin de re-mettre en question les rôles traditionnels des sexes et de proscrire la violence. Les activités comprennent des campagnes d’information, du travail dans les écoles et des services de consultation juridique dans les communes, qui apportent un soutien psychosocial et juridique aux vic-times. Réunissant des intervenants pri-vés et publics, des réseaux locaux sensi-biliseront la société dans son ensemble. www.solidar.ch/bolivie

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Si nombre de Salvadoriens tentent de rejoindre les Etats-Unis, beaucoup échouent. Et les espoirs de ceux qui réussissent sont souvent déçus. Texte et photo: Barbara Mangold

A 25 ans, Aracely Guardado a déjà tenté à deux reprises d’entrer aux Etats-Unis. Les deux fois illégalement et … sans succès. Après sa scolarité, elle avait trouvé un poste de jardinière d’enfants et commencé des études en affaires pu-bliques. Pendant trois ans, elle a travaillé de jour et étudié le soir. Son poste a alors été supprimé et Aracely a dû interrompre sa formation. Son cas n’était pas unique: faute de moyens financiers, seuls cinq étudiants sur quatorze de sa volée sont parvenus en dernière année. Ne voulant pas retourner chez elle, Aracely s’est mariée. Le couple a vécu de jobs occa-sionnels jusqu’à ce que le mari perde aussi son travail, puis a été contraint à emménager chez les parents d’Aracely.

Trois tentatives pour 7000 dollarsLes époux ont alors décidé d’aller aux Etats-Unis. Chacun a réuni 7000 dollars pour le passeur, qui les a conduits à travers le Guatemala jusqu’à la frontière

mexicaine. Ils ont poursuivi en bus en direction du Rio Bravo, qui marque la limite entre le Mexique et le Texas. Avant d’y parvenir, ils sont cependant tombés dans les filets de la police mexicaine. Après deux semaines de détention, ils ont été renvoyés avec cent compatriotes. A la deuxième tentative — le prix en inclut trois — ils sont arrivés jusqu’à la rivière, mais le passeur local a prétendu ne pas avoir reçu d’argent. Les larmes aux yeux, Aracely se souvient: «Ils ont menacé de nous livrer à la mafia s’ils n’étaient pas payés dans les deux semaines. ‹Ce sera votre fin!›, nous ont-ils assuré.» A la mai-son, tous se sont cotisés pour verser les 2000 dollars exigés. Après avoir passé deux semaines dans un hangar étouf-fant, le couple a pu rentrer au pays.

Absence de perspectives, même aux Etats-UnisLes trois filles de Maria Escobar ont eu plus de chance. Il y a plus de huit ans,

SALVADOR:UN EXODE POURRIEN ?

POINT FORT 13

Le chômage des jeunes est élevé au Salvador. Même ceux qui possèdent une bonne formation n’ont guère de perspectives devant eux, d’où une émigration massive. En 2014, les migrantes et les migrants ont envoyé plus de 4 milliards de dollars au pays, soit 17 % du produit intérieur brut. Solidar Suisse œuvre pour ouvrir des perspectives aux jeunes du Salvador.www.solidar.ch/salvador

pour les jeunes

Salvador: des perspectives

l’aînée a confié son fils de treize mois à sa mère et réussi à entrer illégalement aux Etats-Unis avec l’aide d’un passeur. Ses deux sœurs, de 17 et de 18 ans, ont suivi quatre années plus tard. Leurs espoirs ont vite été déçus. Elles vivent à trois dans une seule pièce et l’illégalité les contraint à se cacher sans cesse: elles ne quittent leur minuscule logement que pour se rendre au travail. Celui-ci est si mal payé qu’elles ne peuvent envoyer de l’argent chez elles qu’à Noël.Le fils de l’aînée a aujourd’hui 10 ans et les trois sœurs ont entrepris d’épar-gner pour rentrer au Salvador. «Elles ga-gneront sans doute moins ici, mais elles ne seront pas privées de leurs droits», conclut Maria Escobar.Renonçant à la troisième tentative d’émi-gration, Aracely a décidé de rester au Salvador. Elle veut achever ses études et a entrepris de défendre les intérêts des femmes et des jeunes au sein du grou-pement local de femmes. «Partir ne sert à rien, mais s’engager vaut la peine», affirme-t-elle en essuyant ses larmes.

Barbara Mangold est responsable à Solidar des partenariats avec les fondations.

Aracely Guardado n’est pas parvenue à entrer aux Etats-Unis et s’engage à présent pour améliorer les perspectives au Salvador.

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LE SUDOKU DE SOLIDAR Règles du jeuComplétez les cases vides avec les chiffres 1 à 9. Chaque chiffre ne peut figurer qu’une seule fois sur chaque ligne, dans chaque colonne et dans chacun des carrés de 3 x 3 cases. La solution se trouve dans les cases grises lues horizontalement, selon la clé suivante: 1= A, 2 = R, 3 = I, 4 = V, 5 = L, 6 = U, 7 = S, 8 = E, 9 = T

Envoyez la solution à Solidar Suisse sur une carte postale ou par courriel à [email protected], sujet «sudoku».

1er prix: un bol en terre cuite2e prix: un cruchon en terre cuite3e prix: un paquet de café équitable

Les prix proviennent d’une coopérative de producteurs et de productrices de café de Jinotega (Nicaragua), qui bénéficie du soutien de Solidar Suisse.

La date limite d’envoi est le 14 décembre 2015. Le nom des ga gnant-e-s sera publié dans Solidarité 1/2016. Aucune correspondance ne sera échangée concernant ce concours. Tout recours juridique est exclu. Les collaborateurs et collaboratrices de Solidar Suisse ne peuvent pas participer au concours.

La solution du concours paru dans Solidarité 3/2015 était «eau potable». François Schmitt, de Bienne, Beat Seiler, de Berne, et Lucie Kradolfer, de Soleure, ont gagné chacun un animal en fil métallique réalisé au Mozambique. Nous remercions toutes celles et tous ceux qui ont participé au concours.

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Solution

14 CONCOURS

Apprendre le français à l’ombre des arbresUn parc public, une centaine de per-sonnes assises en petits groupes sur la pelouse. C’est le cadre original et éphémère des «Cours au parc» de l’été 2015. Organisés par l’OSEO Genève à la demande du Bureau de l’intégration des étrangers, ces cours ont connu un énorme succès.Le principe: des leçons gratuites pour améliorer ses compétences linguistiques, mais aussi découvrir la ville, développer son réseau, s’intégrer. Outre des per-sonnes nouvellement arrivées, des étran-gers vivant depuis plusieurs années en Suisse et ressentant le besoin de rafraî-chir leurs connaissances et de pratiquer s’y sont retrouvés. Tous espèrent déjà une édition 2016.

Les multiples aspects de l’intégrationL’intégration est sur toutes les lèvres. Chaque jour nous parviennent des images et des nouvelles de gens qui ont quitté leur patrie à la hâte et espèrent reconstruire leur vie en Europe. Pour parvenir à s’intégrer, les réfugiés et les étrangers admis provisoirement en Suisse ont besoin de soutien, de cours de formation et de perfectionnement et d’occasions pour échanger leurs expé-riences et créer des liens.L’intégration passe aussi par la partici-pation à la vie active. C’est l’une des principales conditions pour que l’individu se sente admis au sein de la société et qu’il soit à même d’assumer ses respon-sabilités dans la mesure de ses compé-tences et de ses moyens.

La récente édition du magazine publié par l’OSEO Suisse centrale est consa-crée à l’intégration. Les textes montrent comment il est possible d’aider les gens à s’intégrer en tenant compte de leurs ressources individuelles.www.sah-zentralschweiz.ch

RÉSEAU

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POINT FORT 15

toutes venues d’Amérique latine – se sont resserrés et, au bout des trois mois prévus, elles ont conseillé à Moria de rester en Suisse. Mais celle-ci n’avait ni logement ni travail… Elle a fini par rester malgré tout, logeant tour à tour chez l’une des femmes du groupe et allant de petit boulot en petit boulot. «Ce fut très pénible. Je suis de-venue dépressive et passais mon temps à dormir, raconte la sémillante jeune femme. Je ne sortais que pour aller à l’église. J’y ai rencontré une Péruvienne, qui m’a aiguillée vers un job. Mais les postes les plus stables, je les ai trouvés grâce au Colectivo Sin Papeles.» Appré-ciant le soutien reçu au sein du groupe-ment, elle a commencé à s’engager à son tour.

Seul moyen de légaliser sa situation: le mariage«Au début, j’avais très peur de marcher dans la rue à cause de mon statut illégal, se souvient Moria. J’observe strictement les principales mesures de sécurité: ne jamais prendre le tram sans billet, éviter la Langstrasse et les discothèques, ne pas sortir le soir.» L’insécurité perma-nente ronge la jeune femme: «Je ne sais pas combien de temps je pourrai tenir. Au service de consultation pour sans- papiers, on m’a dit que le seul moyen de légaliser ma situation est de me marier. Mais je ne veux pas me marier juste pour un papier.» Chaque mois, Moria envoie entre 50 et 200 francs chez elle au pays, afin d’aider sa fille: «Je ne veux pas qu’elle soit condamnée à faire les ménages comme sa mère et sa grand-mère!»

Katja Schurter est responsable de la rédaction de Solidarité.

minuscule, elle a travaillé de 6 heures du matin à 9 heures du soir, six jours par semaine, pour 1000 francs par mois, nourrie et logée. Elle avait quitté le Nicaragua, car elle n’y avait pas de perspectives. Confiant

sa fille de 14 ans à sa mère, elle a tenté sa chance en Suisse. «J’espérais une vie meilleure et pensais que je parviendrais à faire venir ma fille pour qu’elle puisse étudier ici», explique la

jeune femme de 34 ans, qui n’a achevé que l’école secondaire.

Isolement et servitudeOr, c’est l’isolement qui l’attendait en Suisse. A l’école que fréquentait l’un des enfants de ses patrons, une femme parlant l’espagnol, nicaraguayenne elle aussi, l’a pourtant abordée un jour. Lorsque Moria avait congé, toutes les deux allaient ensemble à l’église, puis Moria a rejoint un groupe de prière. «Moins pour prier que pour avoir une autre soirée libre», sourit-elle. Les liens avec les femmes du groupe – presque

«Je fais le ménage chez six particuliers et dans un salon de coiffure. Cela me prend chaque fois trois à quatre heures par semaine ou tous les quinze jours», raconte Moria Valverde*. Comme elle n’a pas d’emploi fixe, elle n’a ni travail ni

salaire lorsque ses employeurs ou em-ployeuses s’absentent. Les annulations de même que les demandes spéciales arrivent souvent à la dernière minute. Elle ne sait donc jamais combien elle aura gagné à la fin du mois. Moria est payée entre 20 et 25 francs l’heure, de la main à la main, sans déductions, mais aussi sans assurances sociales.Moria Valverde est l’une des 100 000 sans-papiers qui vivent en Suisse. Elle est arrivée il y a deux ans avec un visa de tourisme pour s’occuper pendant trois mois des deux enfants d’une famille et de la maisonnée. Logée dans une pièce

«JE VEUX UNE AUTRE VIE POUR MA FILLE»En Suisse, les sans-papiers sont les travailleurs migrants qui vivent dans la plus grande précarité. Moria Valverde témoigne. Texte et photo: Katja Schurter

1000 francs pour 15 heures de travail par jour, 6 jours par semaine!

Moria Valverde risque d’être renvoyée à tout moment. Elle évite donc de s’attarder dans les espaces publics et ne peut pas se laisser photographier.

* Nom d’emprunt.

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16 BRÈVES

Marché de Noël solidaireVous souhaitez éviter les supermarchés bondés avant Noël? Profitez de découvrir le Marché de Noël solidaire qui ouvre ses portes dès le 10 décembre à Pôle Sud, dans le quartier du Flon de Lausanne. Dans une ambiance chaleureuse, près de 40 associations proposent pendant trois jours de l’artisanat et des produits alimentaires en provenance du sud. Le succès est au rendez-vous de cet évé-nement organisé par la FEDEVACO et Pôle Sud depuis neuf ans et qui voit sa fréquentation augmenter année après année. Par ailleurs, chaque franc récolté durant la manifestation est réinvesti par les associations participantes pour amé-liorer durablement le quotidien au sud. Du 10 au 12 décembre à Pôle Sud, av. Jean-Jacques Mercier 3 à Lausanne. www.fedevaco.ch

ODD adoptée par l’ONULe 25 septembre 2015, plus de 150 chefs d’Etat et de gouvernement, réunis à la 70e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, ont adopté les objec-tifs de développement durable (ODD). Ces objectifs remplacent ceux du Millé-naire (OMD), définis en l’an 2000 pour combattre la pauvreté et les inégalités dans le monde. Même si les huit OMD n’ont pas été atteints dans tous les pays en développement, des progrès considé-rables ont été réalisés. A la différence des OMD, les objectifs de développement durable ont été élaborés avec la participation des ONG. Ils com-prennent dix-sept objectifs économiques, sociaux et écologiques, qui ne sont pas isolés, mais forment un ensemble cohé-rent. De plus, les ODD ne visent pas seu-lement les pays en développement, mais

Sois Solidar!Rien de tel qu’un spot vidéo plein d’hu-mour pour mieux faire connaître Solidar. A découvrir dès fin décembre au cinéma et dès à présent sur www.solidar.ch/videos

VOTRE SOLIDARITÉ EN HÉRITAGE

En léguant une partie de votre héritage aux projets de Solidar Suisse pour un travail décent, vous aiderez nombre de personnes défavorisées à vivre dans la dignité et en bonne santé. Merci de penser à eux!

Solidar Suisse, avenue Warnery 10, 1011 Lausanne, CP 1151

aussi les pays industrialisés. Autrement dit, la Suisse doit également agir au ni-veau de sa politique intérieure: accroître par exemple l’aide au développement pour la porter enfin à 0,7 % du revenu national au lieu de couper dans le budget de la coopération. Elle doit aussi modifier sa politique sociale. En souscrivant aux ODD, notre pays s’engage en effet à relever plus rapidement les bas revenus que les salaires élevés. D’où la nécessité d’une politique de redistribution.www.solidar.ch/news

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Huit millions de Syrien-ne-s sont des déplacés internes et quatre millions ont fui le pays. Si certains bravent d’énormes dangers pour rejoindre l’Europe, la plupart se sont réfugiés dans un pays voisin. Ils sont ainsi plus de 1,2 million au Liban. De-puis 2012 Solidar Suisse apporte de l’aide aux Syriens réfugiés au Liban et a ouvert un bureau à Nabatieh une année plus tard. De là, nous avons jusqu’à présent distribué chauffages, matelas et couver-tures, abris contre les intempéries et den-rées de base à plus de 10 000 familles.

Une gentillesse inouïeJe garde surtout en mémoire le souvenir de deux frères libanais. Ils étaient en train de construire une nouvelle maison lorsqu’ils ont appris que des réfugiés syriens vivaient sous tente non loin de là. Ils ont aussitôt décidé de mettre la bâtisse inachevée à leur disposition. Onze adultes et huit enfants ont profité de leur générosité. Mais ce n’est qu’une belle anecdote parmi tant d’autres. Je ne connais guère

d’autre pays qui se soit montré aussi secourable envers un si grand nombre de réfugiés. Songeons que ceux-ci re-présentent désormais plus du quart de la population libanaise!

Il faut d’urgence des abrisSoutenir uniquement les réfugiés sy - riens aurait toutefois engendré des tensions sociales, car beaucoup de fa-milles libanaises sont pauvres et les ser-vices publics sont mis à mal par l’explo-sion démographique. Notre programme s’adresse donc aussi à la population libanaise. Comme le gouvernement re-fuse tout nouveau camp de réfugiés, ces derniers vivent pour la plupart dans des bâtiments provisoires. En collaboration avec les autorités locales, Solidar achève la construction des maisons. En échange, les réfugiés peuvent y loger gratuite-ment. Cette solution avantage tout le monde: les réfugiés ont un abri sûr, nous créons des emplois et les propriétaires profitent des travaux de construction. Solidar Suisse a achevé la construction

Même après quatre ans, nul ne voit la fin du conflit syrien. L’ancienne coordinatrice de Solidar au Liban raconte. Texte: Catherine Wybrow. Photos: Liv Tørres et ECHO

L’AIDE EST VITALE POUR LES RÉFUGIÉS

Nombre de Syriens réfugiés au Liban vivent dans des abris précaires qui ne les protégeront pas des rigueurs de l’hiver.

ACTUALITÉ 17

La Suisse doit multiplier ses efforts humanitaires et adapter sa pratique de l’asile à la gravité de la situation. Solidar invite dès lors le Conseil fédé-ral à doubler les contributions finan-cières destinées à venir en aide aux réfugiés syriens sur place, à accroître à 10 000 au moins le nombre des victimes particulièrement vulnérables de la guerre syrienne qui seront ad-mises en Suisse, à œuvrer au sein de la communauté européenne pour em-pêcher que les réfugiés continuent de mourir par milliers en Méditerranée et à réintroduire la demande d’asile auprès des ambassades.

La Suisse doit faire plus

de la maison des deux frères libanais. Lorsque je leur ai rendu visite, l’un des propriétaires s’occupait d’un jeune réfu-gié atteint d’une maladie respiratoire. A son grand soulagement, nous avons pu lui fournir le matériel nécessaire pour isoler le logement de la famille en pré-vision de l’hiver et protéger ainsi les en-fants du froid.Je sais par ailleurs que le sort des réfugiés ne bouleverse pas seulement des gens au Liban, mais aussi en Suisse. Beaucoup ont versé des dons pour sou-tenir notre travail. Merci du fond du cœur pour ce geste!www.solidar.ch/syrie

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SAMIRVEUT RESTEREn Bosnie-et-Herzégovine, les perspectives profession nelles des jeunes sont quasi nulles. Beaucoup tentent leur chance à l’étranger. Samir Puric préfère rester pour participer à l’évolution de son pays.Texte: Cyrill Rogger. Photos: Armin Šestic

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SAMIRVEUT RESTER

Zora est l’une des cinq organisations avec qui Solidar Suisse collabore au sein de son programme Jeunesse et emploi, qui vise à renforcer l’orien-tation professionnelle et la formation pratique au Kosovo, en Serbie et en Bosnie-et-Herzégovine. Grâce à ce programme, les jeunes connaissent mieux les formations existantes, la réalité du monde du travail et leurs chances sur le marché de l’emploi. Des salons des métiers améliorent en outre les échanges d’informations entre écoles et employeurs et favo-risent ainsi l’orientation pratique de la formation. www.solidar.ch/bosnie-emploi

«J’étais décidé à tout faire pour obte - nir une bourse et pouvoir étudier à l’étranger», déclare Samir Puric, 20 ans. En Bosnie-et-Herzégovine nombre de jeunes pensent comme lui, car leur avenir professionnel paraît bouché. Le chômage dépasse 60 % parmi les jeunes et il faut des relations pour décrocher les postes très prisés, surtout au sein de l’admi-nistration publique. Samir est de Mala Rijeka, un petit vil - lage au nord de la ville de Zenica, dans le centre du pays. Avec son frère et sa sœur, il a grandi dans des condi - tions simples entre ses parents et ses

grands-parents. Comme la plupart de leurs voisins, la famille produit elle-même une grande partie des denrées alimen-taires. Son père décrochant parfois un travail occasionnel, la famille a tout juste de quoi vivre.

Formation adaptée au marchéAu gymnase de Zenica, Samir faisait déjà partie du conseil de l’école. Au sein du réseau national des conseils scolaires, il a rencontré d’autres jeunes qui partagent ses idées et sont prêts à défendre les intérêts des élèves des gymnases et des écoles professionnelles du pays. Samir nous explique leur principal souci: «La for-mation doit mieux corres-pondre aux besoins du marché de l’em-ploi et préparer les élèves au monde du travail.»C’est aussi le but du projet de Zora, l’or-ganisation avec laquelle Solidar collabore à Ze nica. Lors d’un camp d’été destiné aux élèves des gymnases et des écoles professionnelles, Zora fournit des infor-mations sur les plans de carrière et l’en-trée dans la vie active. Les participants transmettent ces informations à leurs ca-marades des établissements du canton de Zenica Doboj. Lorsque Samir a enten-du parler du camp en 2013, il s’est aus-sitôt inscrit. «Le malheur, dans mon pays, c’est non seulement que les emplois pour les jeunes font défaut, mais aussi que nous manquons d’information sur les filières et les carrières envisageables. Je voulais que ça change et le programme du camp semblait aller dans ce sens. Il a même dépassé mes espoirs», raconte-t-il enthousiaste.

Ouvrir l’accès à l’informationDe retour du camp, Samir a d’emblée rejoint l’équipe de Zora, qui compte une vingtaine d’étudiant-e-s et de jeunes pro-fessionnels. Depuis, il se rend dans les écoles professionnelles et les gymnases pour diffuser des informations sur le marché de l’emploi et fournir des conseils concernant le dossier de candidature et

Samir Puric étudie la philosophie à Zenica et travaille au sein de

l’ONG Zora pour offrir aux jeunes une chance sur le marché de l’emploi.

PORTRAIT 19

«Je fais tout mon possible pour partir étudier à l’étranger.»

l’entretien d’embauche. Après les inon-dations de mai dernier, Samir a travaillé d’arrache-pied pour le projet de re-construction de Solidar Suisse. A cette époque, il logeait dans une halle de gym-nastique avec des centaines d’autres évacués, car l’instabilité des terrains de la région rendait la maison familiale tem-porairement inhabitable.Il y a une année et demie, Samir s’est vu proposer l’une des précieuses bourses permettant d’étudier dans une université

turque. Il a poliment décliné: «Le camp m’a fait changer d’avis. J’ai compris que je peux faire quelque chose ici, à Zenica, et j’ai pris ma décision: je reste!»

Cyrill Rogger est responsable du programme de Solidar Suisse en Europe du Sud-Est.

Programme régional

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… une maison résistant aux séismes, pour qu’une famille ait à nouveau un toit au Népal.

… un stand au marché, pour qu’une famille du Nicaragua puisse subvenir à ses besoins.

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Chaque carte offerte soutient les programmes de développement que Solidar Suisse réalise à travers le monde en faveur des personnes défavorisées.

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«L’année dernière, un crocodile m’a blessée alors que je remplissais mon bidon à la rivière. Cela ne pourra plus m’arriver, car notre village possède désormais un nouveau puits d’eau potable. Je peux donc consacrer mon temps à des activités plus utiles et suis moins souvent malade.»

Inez Kenadi de Catandica

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