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Solidarité Japon - Fondation de France - Mission du 4 au 12 février 2012, Martin Spitz - p. 1 / 6 Mission de suivi des projets soutenus au Japon par la Fondation de France Martin Spitz, responsable des solidarités internationales (4 au 12 février 2012) A la suite du séisme du 11 mars 2011au Japon, la Fondation de France a collecté 1,1 million d’euros. 5 projets sont soutenus pour 660 000 euros ; d’autres le seront dans les semaines à venir. En février 2012, Martin Spitz s’est rendu sur place pour visiter les 5 projets cette mission et écouter des sinistrés et discuter avec les représentants des associations japonaises qui mènent ces projets. Ces projets s’étalent sur la côte frappée par le tsunami, jusqu’à 550 km au nord de Tokyo et dans la Préfecture de Fukushima touchée par l’accident nucléaire, et un projet d’accueil de paysans se déroule à 220 km au nord-ouest de Tokyo. Mme Hiroko Amemiya, sociologue-anthropologue, chercheuse universitaire établie à Kyoto l’a accompagné et a assuré la traduction. Elle avait aidé la Fondation de France pour identifier des acteurs associatifs pertinents et les besoins des petits paysans japonais qu’elle connaît bien. Son mari Marc Humbert, enseignant-chercheur lui aussi et spécialiste du Japon contemporain, a accompagné la mission. Presque un an après le séisme, en circulant dans les zones sinistrées, la situation post- séisme apparaît contrastée. D’abord, l’on ne constate aucun dégât direct du séisme, malgré son intensité de 9 sur l’échelle de Richter : les infrastructures comme les routes, les voies ferrées qui avaient été abîmées ont été rapidement remises en état par les autorités. Mais la différence avec Haïti, où les démolitions du séisme de 7,3 sont très visibles, est très étonnante. Ensuite, il y a le tsunami, dont les effets sont très visibles tout le long des 600 kilomètres de côtes affectées par le tsunami : 23 millions de tonnes de débris et gravats forment d’immenses tas sur lesquels s’activent des grues pour finir le tri de ces déchets. Il reste 95% de cette masse à traiter et à recycler. Enfin, il y a l’accident nucléaire de Fukushima : dans la ville de Fukushima, à 60 km de la centrale, la vie semble normale. Pas d’effet visible du séisme et du tsunami, ni de l’accident nucléaire. Mais, à juste titre, les habitants sont inquiets, pour leur santé comme et surtout pour celle de leurs enfants. Beaucoup voudraient partir mais se sentent pris au piège car ils n’ont pas les moyens de partir : un vieux parent hospitalisé, un travail, une maison à rembourser, une vie sociale…. Pour les autorités, il n’y a pas de problème pour vivre dans la zone : le choix de partir est personnel, il n’y a donc aucun soutien financier pour les candidats au départ, souvent des familles très modestes…Et qui voudrait acheter une maison ou un terrain irradiés ?

Solidarité Japon: Mission Février 2012

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En février 2012, Martin Spitz, responsable des solidarités internationales et des urgences, a effectué une mission de suivi des 5 projets déjà soutenus au Japon. Pour cette mission du 4 au 11 février, j’étais accompagné par Mme Hiroko Amemiya, sociologue-anthropologue, chercheuse à l’université de Rennes, établie à Kyoto. Son mari Marc Humbert, enseignant-chercheur et spécialiste du Japon contemporain, nous accompagnait. Nous sommes allés à 550 km au nord de Tokyo, sur la côte frappée par le tsunami et dans le département de Fukushima touché par l’accident nucléaire. Nous avons pu visiter les 5 projets soutenus et discuter avec les représentants des associations qui mettent en œuvre ces projets, leurs partenaires locaux et avec des bénéficiaires, Mme Hiroko Amemiya assurant la traduction et fournissant toutes les explications contextuelles. Presque un an après le séisme, en circulant dans les zones sinistrées, la situation apparaît contrastée.

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Solidarité Japon - Fondation de France - Mission du 4 au 12 février 2012, Martin Spitz - p. 1 / 6

Mission de suivi des projets soutenus au Japon par la Fondation de France

Martin Spitz, responsable des solidarités internati onales (4 au 12 février 2012)

A la suite du séisme du 11 mars 2011au Japon, la Fondation de France a collecté 1,1 million d’euros. 5 projets sont soutenus pour 660 000 euros ; d’autres le seront dans les semaines à venir. En février 2012, Martin Spitz s’est rendu sur place pour visiter les 5 projets cette mission et écouter des sinistrés et discuter avec les représentants des associations japonaises qui mènent ces projets. Ces projets s’étalent sur la côte frappée par le tsunami, jusqu’à 550 km au nord de Tokyo et dans la Préfecture de Fukushima touchée par l’accident nucléaire, et un projet d’accueil de paysans se déroule à 220 km au nord-ouest de Tokyo.

Mme Hiroko Amemiya, sociologue-anthropologue, chercheuse universitaire établie à Kyoto l’a accompagné et a assuré la traduction. Elle avait aidé la Fondation de France pour identifier des acteurs associatifs pertinents et les besoins des petits paysans japonais qu’elle connaît bien. Son mari Marc Humbert, enseignant-chercheur lui aussi et spécialiste du Japon contemporain, a accompagné la mission.

Presque un an après le séisme, en circulant dans les zones sinistrées, la situation post-séisme apparaît contrastée.

D’abord, l’on ne constate aucun dégât direct du séisme , malgré son intensité de 9 sur l’échelle de Richter : les infrastructures comme les routes, les voies ferrées qui avaient été abîmées ont été rapidement remises en état par les autorités. Mais la différence avec Haïti, où les démolitions du séisme de 7,3 sont très visibles, est très étonnante.

Ensuite, il y a le tsunami , dont les effets sont très visibles tout le long des 600 kilomètres de côtes affectées par le tsunami : 23 millions de tonnes de débris et gravats forment d’immenses tas sur lesquels s’activent des grues pour finir le tri de ces déchets. Il reste 95% de cette masse à traiter et à recycler.

Enfin, il y a l’accident nucléaire de Fukushima : dans la ville de Fukushima, à 60 km de la centrale, la vie semble normale. Pas d’effet visible du séisme et du tsunami, ni de l’accident nucléaire. Mais, à juste titre, les habitants sont inquiets, pour leur santé comme et surtout pour celle de leurs enfants. Beaucoup voudraient partir mais se sentent pris au piège car ils n’ont pas les moyens de partir : un vieux parent hospitalisé, un travail, une maison à rembourser, une vie sociale…. Pour les autorités, il n’y a pas de problème pour vivre dans la zone : le choix de partir est personnel, il n’y a donc aucun soutien financier pour les candidats au départ, souvent des familles très modestes…Et qui voudrait acheter une maison ou un terrain irradiés ?

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Des effets du tsunami , on remarque également les dizaines de camps de relogement provisoires pour les habitants ayant perdu leur maison. En moins de 9 mois, les autorités ont pu reloger l’ensemble des sinistrés du tsunami, au moins temporairement : près de 60 000 préfabriqués de 2 petites pièces, tout équipés, ont été construits dans des camps de relogement.

A Ishinomaki, 7 000 familles sont relogées dans des bungalows préfabriqués sur une trentaine de camps.

Le soutien apporté par la Fondation de France permet à l’association Japan Emergency network JEN d’organiser des activités communautaires dans un bungalow collectif pour les habitants relogés dans 5 camps à Ishinomaki : les personnes sont placées dans les camps par tirage au sort, et ne connaissent pas leurs voisins. Beaucoup de femmes sont seules la journée, et ces activités leur permettent de se retrouver et de rompre ainsi leur solitude.

Les bungalows préfabriqués, bien alignés

Deux habitantes d’un camp qui bénéficient des activités menées par JEN

Le local pour les activités communautaires

Eiji Arai, community leader, responsable des activités de JEN dans les camps, à Ishinomaki

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Hidaiki Saito, président de l’association locale de la communauté de Ochiri, à Ishinomaki : « Ceux qui viennent ici sont ceux qui ont été relogés ici : au 1er septembre, 370 personnes ont été relogées dans cet habitat précaire. Moi-même étant habitant, j’ai pris contact avec les autorités locales pour voir comment on peut faire pour mieux vivre ensemble. On m’a proposé d’être volontaire, et j’ai étudié comment on pourrait organiser une maison communautaire et le type d’aide à apporter. De la part de la Mairie ou de la Préfecture, il y a peu d’aides : c’est plutôt les groupes de volontaires comme JEN qui m’a bien soutenu et permis d’en arriver là. Le bâtiment des activités communautaires a été livré en janvier, et les activités ont pu démarrer : une association autonome a été constituée, et j’ai été élu président de l’association (Jijikai).

Ici, ce qui est important, c’est de soutenir psychologiquement les gens , plus que d’apporter des biens matériels : se réunir pour chanter, danser, faire des activités artisanales ensemble, pour oublier les malheurs vécus ; on va faire des activités au moins trois fois par semaine. »

Un peu plus haut, dans la baie de Okirai , l’association YOUKEI DESIGN propose de construire un espace communautaire pour les habitants relogés provisoirement dans des bungalows de 3 villages.

Son président, l’architecte Kinya Maruyama , met en œuvre des méthodes participatives pour impliquer les habitants et favoriser les relations intergénérationnelles.

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Plus au nord, à Kalakua , nous avons visité les parcs à huitres équipés grâce au soutien d’une subvention de la Fondation de France via PLANET FINANCE JAPAN.

Cette subvention a permis l’achat d’équipements distribués par une coopérative d’ostréiculteurs pour la reprise rapide de l’activité des 800 pêcheurs membres de cette coopérative. Cette action a été perçue comme très pertinente par les pêcheurs qui ont pu reprendre leurs activité et n’ont pas perdu la saison de pêche.

Robert VERDIER, Président de Planet Finance Japon« Avec l’aide de la Fondation de France, la première chose que l’on a fait, c’est de fournir du matériel d’urgence, ce qui nous a été demandé par la coopérative, c'est-à-dire des cordes et des bouées. La deuxième étape a été de répondre à ce dont ils avaient le plus besoin, des naissins pour les mettre en mer au mois de septembre. Pour la dernière partie des fonds restants de la Fondation de France, ce sont les ostréiculteurs eux-mêmes qui vont décider de leur affectation : c’est clairement le terrain qui décide ce dont il a besoin. »

M. TACHIBANA, secrétaire général de la coopérative de pêcheurs ; « Il y avait 1 060 membres coopérants avant le sinistre. 23 pêcheurs ont été emportés par le tsunami. 80 % des adhérents ont repris le travail assez rapidement, mais quelques-uns, âgés, ont cessé leur activité. On a réussi à sauver 60 % des grands bateaux en partant en mer, ce qui a permis de reprendre rapidement des activités. Par rapport à d’autres ports de pêche, on a pu sauver beaucoup de bateaux, la plupart n’ont réussi qu’à garder 10 % de leur flotte. En tant que coopérative, notre demande prioritaire est de retrouver les moyens de production. Le gouvernement a promis d’aider pour la reconstruction des bateaux, mais les chantiers de construction navale sont aussi endommagés, et nous n’avons reçu que 10% des besoins. On manque encore de petits bateaux, qui sont utilisés pour l’aquaculture. Avec le tsunami qui a raclé les fonds marins, la production va deux fois plus rapidement : à cause du plancton, la mer est beaucoup plus riche. Mais on est inquiets de la radioactivité… »

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Dans la préfecture de Fukushima et dans les zones contaminées à la suite du passage du nuage radioactif vivent 2 millions de personnes, avec le risque pour leur santé et celle de leurs enfants de la radioactivité ambiante.

Mais il y a aussi le risque d’un nouveau séisme -des spécialistes ont fait part d’une probabilité de 70 % d’un séisme majeur dans les 4 ans- et de son impact sur les réacteurs et les piscines de combustible, fragilisés de la centrale de Fukushima-Daïchi …

La grande difficulté pour tous ces habitants, ces parents, est celle de gérer l’incertitude : celle du niveau réel de la dangerosité ou des radiations, en dépit des informations officielles qui se veulent rassurantes : « Mon enfant peut-il boire l’eau du robinet sans danger ? Le lait ? Manger des fruits, des légumes du coin ? Et un nouveau séisme ne risque-t-il pas d’aggraver la situation dans les centrales de Fukushima fragilisées par le séisme et les explosions de mars 2011 ? Les enfants auront-ils des leucémies ou des cancers ? »

Ils ne savent pas si la catastrophe est derrière eux, ou devant, encore à venir.. Mmes Miazaki et Tokikono , parentes d’élèves de Koriyama, département de Fukushima :

« Nous avons fait la demande de ne pas servir du riz et du lait local aux repas de la cantine; mais peu de mères osent exprimer leurs inquiétudes. Nous sommes inquiètes, car on ne connaît pas le seuil de tolérance : les aliments sont acceptés jusqu’à 100 becquerels/kg par le gouvernement, mais entre 0 et 100, il y a une différence que l’on souhaite connaître. »

Quelques femmes et leurs enfants ont pu quitter la zone, leurs maris restant pour gagner leur vie et leur envoyer de l’argent. Elles ont été aidées par des associations qui se sont constituées dans d’autres régions, comme MUSUBIBA à Sapporo sur l’île de Hokkaïdo, au nord du Japon. Mme Meguru Mikami , de l’association Musubiba de Sapporo au nord du Japon, qui organise l’accueil des femmes et enfants de la région de Fukushima: le soutien apporté par la Fondation de France a permis à l’association d’accueillir 600 mères et leurs enfants.

Hiroyuki Yoshino d’une organisation de Fukushima, aide les femmes et les enfants à quitter le département de Fukushima le temps des vacances scolaires- (sa femme et sa fille de 5 ans sont parties depuis un an se réfugier à Kyoto).

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Comme les familles, les agriculteurs et les pêcheurs de la zone autour de Fukushima sont aussi en désarroi et en difficulté : ils ne savent pas si leur production est consommable, et si elle l’est, si des clients voudront acheter leur production. Quelques-uns envisagent de partir, mais, souvent âgés, la plupart hésitent et n’arrivent pas à prendre la décision d’abandonner leur maison et leurs terres pour rebâtir une exploitation ailleurs.

Dans ce contexte, le soutien apporté par la Fondation de France à MSN FARMERS, une association qui aide les petits agriculteurs qui souhaitent s’établir ailleurs, est déterminant et utile.

A UEDA, à 200 km au nord-ouest de Tokyo, nous avons rencontré M. Kisaburô Tano , petit paysan biologique de Koriyama, dans le département de Fukushima, réinstallé avec sa femme et avec son fils aîné à Ueda avec le soutien de MSN Farmers.

Le 11 février, dans la ville de Fukushima se tenait un sommet pour protéger la vie contre la radioactivité : 90 associations se rencontraient en cherchant à étendre les solidarités à une échelle nationale pour aider cette population, en accueillant ces familles dans des zones qui ne sont pas soumises à la radioactivité. Ce mouvement associatif est naissant et doit pouvoir être accompagné.

Hiroko Amemiya : « Psychologiquement, être soutenu, être solidaire, c’est très réconfortant pour tous ceux qui vivent la situation difficile à Fukushima. C’est pour cela aussi que le soutien de la Fondation de France est très important, et qu’il était très important et motivant pour ces acteurs associatifs que la Fondation de France organise cette mission. Nous resterons à l’écoute de chacun, paysan ou famille, pour essayer de les accompagner »

Au cours de la mission, les représentants d’autres organisations locales ont également été rencontrés, dont certains finalisent des dossiers de demande de soutien qui seront présentés au prochain comité « solidarité Japon » qui pourra attribuer le solde de la somme disponible.

Ainsi, la visite des projets a confirmé que chaque subvention qui a été attribuée par la Fondation de France répond bien à un réel besoin non couvert et permet la réalisation de projets utiles pour les populations les plus vulnérables affectées par les effets du séisme du 11 mars 2012.

Plus d’informations sur www.fondationdefrance.org – nos actions – aider les personnes vulnérables :

Fiches de synthèse des projets soutenus, photos, vi déos…