16
RELATIONS INDIVIDUELLES Rémunération : la modification potentielle est-elle une modification ?  CA Lyon, ch.soc., sect.A, 26 novembre 2012, n°11/04871  Fabien ROUMEAS.................................................................................................................................................... page 2 Rupture conventionnelle : annulation pour défaut de consentement et difficultés économiques CA Lyon, ch. soc., sect. A, 4 décembre 2012, n°12/01582 Frédéric RENAUD..................................................................................................................................................... page 3 Clause de garantie d’emploi et licenciement CA Lyon, ch. soc., sect. B,  7 mars 2012, n°10/07422 Mélanie CHABANOL................................................................................................................................................. page 4 Inaptitude d’origine professionnelle - reclassement - avis des délégués du personnel CA Lyon, ch. soc., sect. B,  19 décembre 2012, n°11/06600 Myriam PLET ............................................................................................................................................................ page 5 RELATIONS COLLECTIVES Usage du français CA Grenoble, 5 décembre 2012, n°11/00395 Véronique MASSOT-PELLET ................................................................................................................................... page 6 Catégories professionnelles, critères d’ordre de licenciement CA Grenoble , ch. sec. soc., 20 décembre 2012, n°11/02929 CA Lyon, ch. sec. soc., sect. B, 14 novembre 2012, n°11/05405 Eladia DELGADO ..................................................................................................................................................... page 7 Licenciement économique et menaces sur la compétitivité CA Chambéry, ch. sec. soc., 27 novembre 2012, n°11/02816  Georges MEYER ..................................................................................................................................................... page 9 Licenciement économique et distribution de dividendes CA Grenoble, ch. soc., 26 septembre 2012, n°11/00921 Yves FROMONT ...................................................................................................................................................... page 10 PROCEDURE Vive les droits de la défense ! CA Lyon, ch. soc., 23 mai 2012, n°11/02795 Olivier BARRAUT...................................................................................................................................................... page 12 Procédure en référé et communication de pièces CA Lyon, ch. soc., sect. B, 17 octobre 2012, n°11/07915 Bruno DEGUERRY ................................................................................................................................................... page 13 Constitution de partie civile d’un syndicat dans le cadre de poursuites pour tromperie CA Grenoble, ch. corr., 18 décembre 2012, n°12/01035 Karine THIEBAULT ................................................................................................................................................... page 15 L e s Pages d e J u r i s p r u d e n c e S o c i a l e Supplément Sommaire A v r i l 2 0 1 3 - n ° 3 7 S u p p l é m e n t a u j o u r n a l T o u t L y o n a f f i c h e s n ° 5 0 4 6 d u 2 7 a v r i l 2 0 1 3

Sommaire Avril 2013 - n°37 - Le Barreau de Lyon vous ... · s’accompagnait du maintien de la grille de rémunération variable ayant fait l’objet d’un avenant pour l’année

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relations individuellesrémunération : la modification potentielle est-elle une modification ?  CA Lyon, ch.soc., sect.A, 26 novembre 2012, n°11/04871  Fabien ROUMEAS.................................................................................................................................................... page 2

rupture conventionnelle : annulation pour défaut de consentement et difficultés économiquesCA Lyon, ch. soc., sect. A, 4 décembre 2012, n°12/01582Frédéric RENAUD..................................................................................................................................................... page 3

Clause de garantie d’emploi et licenciement CA Lyon, ch. soc., sect. B,  7 mars 2012, n°10/07422 Mélanie CHABANOL................................................................................................................................................. page 4

inaptitude d’origine professionnelle - reclassement - avis des délégués du personnel CA Lyon, ch. soc., sect. B,  19 décembre 2012, n°11/06600 Myriam PLET ............................................................................................................................................................ page 5

relations ColleCtivesusage du français CA Grenoble, 5 décembre 2012, n°11/00395 Véronique MASSOT-PELLET................................................................................................................................... page 6

Catégories professionnelles, critères d’ordre de licenciement CA Grenoble , ch. sec. soc., 20 décembre 2012, n°11/02929CA Lyon, ch. sec. soc., sect. B, 14 novembre 2012, n°11/05405 Eladia DELGADO ..................................................................................................................................................... page 7

licenciement économique et menaces sur la compétitivité CA Chambéry, ch. sec. soc., 27 novembre 2012, n°11/02816  Georges MEYER ..................................................................................................................................................... page 9

licenciement économique et distribution de dividendesCA Grenoble, ch. soc., 26 septembre 2012, n°11/00921Yves FROMONT ...................................................................................................................................................... page 10

proCedure vive les droits de la défense !CA Lyon, ch. soc., 23 mai 2012, n°11/02795Olivier BARRAUT...................................................................................................................................................... page 12

procédure en référé et communication de piècesCA Lyon, ch. soc., sect. B, 17 octobre 2012, n°11/07915Bruno DEGUERRY................................................................................................................................................... page 13

Constitution de partie civile d’un syndicat dans le cadre de poursuites pour tromperieCA Grenoble, ch. corr., 18 décembre 2012, n°12/01035Karine THIEBAULT ................................................................................................................................................... page 15

Les Pagesde

Jurisprudence Sociale

Supplément

Sommaire Avril 2013 - n°37

Sup p

lém

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fiche

s n°

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Page 2: Sommaire Avril 2013 - n°37 - Le Barreau de Lyon vous ... · s’accompagnait du maintien de la grille de rémunération variable ayant fait l’objet d’un avenant pour l’année

EXPOSE DES FAITS

Entre une approche pragmatique et une vision prospective de larémunération, la Chambre sociale de la cour d’appel de Lyon atranché en faveur de la première au terme d’un arrêt rendu le 26novembre 2012.

En effet, dans cette espèce, le salarié, qui avait fait connaître à sonemployeur son refus de mutation, avait été licencié pour cause réelleet sérieuse en raison, précisément, de son « refus de (se) plier à laclause de mobilité et manquement à (ses) obligationscontractuelles ».

Le salarié avait contesté le bien fondé de son licenciement enévoquant, notamment, la mauvaise foi de l’employeur dans la miseen œuvre de la clause de mobilité et en insistant sur le fait que lamutation qui lui était proposée portait atteinte à sa rémunérationvariable.

Le salarié faisait valoir en effet que les salariés affectés au sein del’établissement de Strasbourg (lieu de la mutation proposée) avaientdes résultats, en terme de chiffre d’affaires, moins importants queceux par lui réalisés sur son secteur actuel et que, dans cesconditions, sa rémunération variable, assise sur le chiffre d’affairesréalisé, allait s’en trouver modifiée.

Le salarié invoquait également d’autres arguments qui n’ont pas étéretenus par la cour et qui ne le seront pas davantage dans le cadredu présent commentaire dès lors que l’intérêt essentiel de l’arrêtporte sur le refus, par la cour d’appel, de se livrer à une analyseprospective de la rémunération variable susceptible d’être versée ausalarié pour apprécier de l’existence ou non d’une modification de larémunération et donc, du contrat de travail.

La cour a en effet relevé que : « La mutation refusée, quis’accompagnait du maintien de la grille de rémunération variableayant fait l’objet d’un avenant pour l’année 2009, ne portait aucunemodification au contrat de travail du salarié ; qu’il est dontsuperfétatoire de relever que la perte alléguée en terme derémunération variable, pour tenter de justifier le refus du 8 mai 2009,repose sur l’extrapolation à une activité professionnelle, quel’appelant n’a jamais exercée à Strasbourg, de résultats passés,obtenus par d’autres salariés, dans un contexte économique enpermanente mutation ; que le préjudice allégué est donc purementhypothétique ».

OBSERVATIONS

Si la solution retenue par l’arrêt ne semble pas critiquable dans lamesure où la modification de la rémunération doit être certaine (1°),il pose néanmoins la question de savoir si ladite modification doitêtre immédiate pour justifier le refus du salarié d’une tellemodification (2°).

1°/ La modification de la rémunération doit être certaine.

S’il ne saurait être contesté que l’employeur ne peut pas modifierunilatéralement la rémunération comme la structure de larémunération sans l’accord exprès du salarié, il ne sauraitdavantage être contesté que ladite modification doit être certaine etnon pas seulement hypothétique.

Cette position de bon sens n’a toutefois pas fait l’objet de trèsnombreux arrêts (on n’en dénombre que 4 sur Légifrance rendus parla Chambre sociale : Cass. soc. 28 juin 1961 ; Cass. soc. 18 février

1988 n° 83-41.727 ; Cass. soc. 31 oct. 2007 n° 06-42.884 ; Cass.soc. 30 nov. 2010 n° 09-42.160), tous, à l’exception de celui renduen 1961 (sic), étant au demeurant inédits, c’est-à-dire non publiés aubulletin.

C’est donc tout l’intérêt de l’arrêt commenté, qui ne semble pasdevoir prêter le flanc à la critique, que de préciser ce point.

Reste que, dans le cadre de la mutation, par exemple, d’uncommercial (qui s’accompagne nécessairement d’un changementde secteur), la rémunération dudit commercial peut, du fait de cettemutation, subir une baisse qui, si elle n’est pas immédiate eteffective au moment de la mutation, n’en est pas moins certaine dèslors que le secteur auquel sera affecté le salarié muté est moinspeuplé, moins industrialisé, bref, moins prospère sur le planéconomique.

2°/ La modification doit-elle être immédiate ?

Se pose alors la question de savoir si l’employeur a la possibilitéd’imposer au salarié chargé, par exemple, de vendre, en régionparisienne, des médicaments antistress, une mutation dans larégion du Limousin ou du Languedoc Roussillon, lesquelles sont nonseulement nettement moins peuplées mais où la population a uncadre de vie probablement moins anxiogène que celui de la régionparisienne.

En effet, au moment où la proposition de mutation est faite ausalarié, la modification sur la rémunération n’est qu’hypothétiquemais elle n’en sera pas moins certaine dès les premiers mois del’activité.

Dans l’arrêt commenté, la cour d’appel prend le soin de préciser quele salarié n’avait jamais exercé auparavant sur le site sur lequel il aétait muté et que les résultats passés obtenus par d’autres salariésl’avaient été dans un « contexte économique en permanentemutation ».

Est-ce à dire que si le contexte économique est objectivementdéfavorable, le salarié pourrait valablement refuser sa mutation eninvoquant, de ce chef, la modification de sa rémunération ?

Nous pensons, à titre personnel, que cela devrait pouvoir être le casdès lors qu’il est évident que, même si les objectifs peuvent êtredéfinis unilatéralement par l’employeur et le secteur géographiquemodifié de la même manière, l’économie générale du contrat estbouleversée lorsque l’on fixe au salarié un objectif de chiffred’affaires identique sur un secteur d’activité à faible potentiel ou surun secteur géographique moins important.

Au-delà de la rémunération qui sera nécessairement impactée parcette mutation, c’est peut être par le biais de la modification del’économie générale du contrat que le salarié pourra utilements’opposer à la mutation ou, le cas échéant, valablement contester lelicenciement qui lui a été notifié à raison de son refus de mutation.

Voila donc un autre aspect, pour le moins problématique (et moinssouvent évoqué), que pose l’application des clauses de mobilité.

Fabien rouMeasAvocat au Barreau de LyonCabinet Fabien Rouméas

[email protected]

2Supplément au journal

relations individuellesRémunération : la modification potentielle

est-elle une modification ? 

Cour d’appel de Lyon, ch. soc., sect. A, 26 novembre 2012, n°11/04871

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EXPOSE DES FAITS

Madame F. qui travaillait dans une entreprise relevant de Syntec,depuis plus de 4 ans, régularise en novembre 2010, une ruptureconventionnelle, transmise dans les délais à l’inspecteur du travail.

Deux mois plus tard, elle conteste la rupture conventionnelle, arguantde ce qu’elle aurait fait l’objet d’un chantage au licenciementéconomique, doublé d’un total défaut d’information, qui l’auraitprivée, de la possibilité de faire le choix de la convention dereclassement personnalisé.

Faisant droit à sa demande, le conseil de prud’hommes de Lyon avaitannulé la rupture conventionnelle et alloué de consistants dommageset intérêts à la demanderesse.

La cour d’appel de Lyon réforme intégralement la décision, aprèsavoir pourtant relevé que la salariée estimait que les dates portéessur la rupture conventionnelle ne correspondaient pas à la réalité, etque d’autres salariés du même groupe attestaient avoir fait l’objet dela même démarche de l’employeur visant à éluder les règles dulicenciement économique.

OBSERVATIONS

La cour estime en effet que la seule information de la fausseté de ladate ne permet pas de considérer qu’une contrainte particulière ouqu’une quelconque violence aurait vicié le consentement, et que parailleurs les quatre ruptures conventionnelles signées la même annéene suffisaient pas à laisser imaginer une volonté de l’employeurd’éluder les règles propres au licenciement pour motif économique,quand bien même l’entreprise ferait-elle face, sur la même période, àdes difficultés financières.

C’est donc sur le fondement d’un défaut de preuve du vice duconsentement et de l’absence d’élément témoignant d’une volonté

d’éluder les règles propres au licenciement économique, que la courretient pour considérer que la rupture conventionnelle ne peut êtreannulée.

Il y a lieu de constater que l’instruction de la DGT n°02 du 23 mars2010 prévoit qu’une rupture conventionnelle peut intervenir alorsmême que l’entreprise rencontre des difficultés économiques.

Elle ne peut en revanche avoir pour objet d’éviter d’appliquer lesrègles du licenciement économique collectif.

Tel sera le cas, d’après l’instruction ministérielle, lorsque 10demandes ont été présentées sous une même période de 30 jours,ou si les demandes d’homologation ont été incontestablementartificiellement échelonnées.

Par ailleurs, en ce qui concerne les vices du consentement, les coursd’appel, comme celle d’Amiens (CA Amiens, 13 juin 2012n°11/03684) estiment que le consentement est vicié lorsquel’employeur a profité de la « situation d’infériorité », caractérisée pourun salarié qui ne dispose pas d’une capacité de compréhensionécrite satisfaisante, ou qui aurait manifestement recopié un modèlede lettre demandant à bénéficier d’une rupture conventionnelle.

Toutes choses que la cour d’appel de Lyon n’estime pascaractérisées dans le cas d’espèce.

Frédéric renaudAvocat au barreau de LyonSELARL Renaud Avocats

[email protected]

3Supplément au journal

PRINCIPAUX ATTENDUS

« La seule affirmation, par Madame F de la fausseté de la datevolontairement apposée par elle sur ces écrits sans que soitdémontrée la moindre contrainte au violence l’y ayant conduite n’estpas de nature à caractériser l’irrégularité de la procédure menée (...)

La rupture conventionnelle peut intervenir dans un contexte dedifficultés économiques dans la mesure où elle n’a pas pour butd’éluder les règles impératives en matière de plan de sauvegarde del’emploi s’inscrivant dans un processus de réduction des effectifs eten constituant l’une des modalités (...)

La seule concomitance de plusieurs ruptures de contrat est à elleseule insuffisante pour démontrer l’existence de difficultéséconomiques »

Cour d’appel de Lyon, ch. soc., sect. A, 4 décembre 2012,

n°12/01582

Rupture conventionnelle : annulation pour défaut deconsentement et difficultés économiques

Cour d’appel de Lyon, ch. soc., sect. A, 4 décembre 2012, n°12/01582

PRINCIPAUX ATTENDUS

« Attendu, enfin, que seuls avaient un caractère contractuel leséléments de la grille de rémunération variable ayant fait l’objetd’avenants annuels ; que Cédric X. ne tenait ni de son contrat detravail ni des avenants à ce dernier le droit à une garantie de chiffred’affaires personnel déterminé ou à un niveau fixe de résultatd’exploitation pour ce qui concernait les dépôts de son secteurgéographique ; que la mutation refusée, qui s’accompagnait dumaintien de la grille de rémunération variable ayant fait l’objet d’unavenant pour l’année 2009, n’apportait aucune modification aucontrat de travail du salarié ; qu’il est donc superfétatoire de releverque la perte alléguée en terme de rémunération variable, pour tenterde justifier le refus du 8 mai 2009, repose sur l’extrapolation à une

activité professionnelle, que l’appelant n’a jamais exercée àStrasbourg, de résultats passés, obtenus par d’autres salariés, dansun contexte économique en permanente mutation ; que le préjudiceallégué est donc purement hypothétique ;

Qu’en conséquence, le jugement qui a dit que le licenciement deCédric X reposait sur une cause réelle et sérieuse et qui l’a déboutéde sa demande de dommages-intérêts de ce chef doit êtreconfirmé ».

Cour d’appel de Lyon,ch. soc., sect. A, 26 novembre 2012

n°11/04871

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EXPOSE DES FAITS

Un directeur d'établissement d'une société spécialisée dans leparachèvement de produits sidérurgiques est engagé à compter du16 septembre 2006, dans le cadre d'une relation à duréeindéterminée, comportant une garantie d'emploi jusqu'au 30 juin 2009sans période d'essai.

L'employeur procède toutefois au licenciement dudit salarié pourfaute grave par lettre du 24 octobre 2008.

Le salarié saisit alors le conseil de prud'hommes de Lyon, qui tout enretenant l'existence d'une faute grave justifiant le licenciement,condamne l'employeur à payer en réparation du préjudice subi du faitde la violation de la clause de garantie d'emploi, les salaires dusjusqu'au terme de la garantie, soit environ 74.000 € outre les congéspayés afférents.

La Cour d'appel de Lyon confirme l'existence d'une faute grave etdéboute le salarié de toutes ses prétentions relatives à la mise enœuvre de la garantie d'emploi

OBSERVATIONS

Les clauses dites de garantie d'emploi ont pour objet d'engager lesparties à ne pas rompre le contrat de travail pendant une durée déter-minée ou de limiter les motifs de rupture possibles, dans le cadre dela liberté contractuelle.

La Cour de cassation a admis de longue date la licéité d'une clausepar laquelle l'employeur s'engage à ne pas rompre le contrat pendantune durée minimum, sauf en cas de faute grave ou de force majeure(Cass. soc., 16 mai 1990, n°97-40.904)

Au cas particulier, la clause de garantie d'emploi ne prévoyait aucuneexception à l'engagement de l'employeur de ne pas rompre le contratde travail jusqu'au 30 juin 2009.

On précisera que le libellé précis de la lettre d'engagement était lesuivant : « Nous avons le plaisir de vous confirmer par la présentevotre recrutement au 18 septembre 2006 par la société R, par contratde travail conclu pour une durée indéterminée, hors CNE, avecclause de garantie d'emploi jusqu'au 30 Juin 2009, sans période d'es-sai. »

Cette clause ne prévoyant aucune exception, les premiers juges enont fait une stricte application et ont considéré que le licenciementprononcé constituait une violation de la garantie d'emploi justifiantl'indemnisation du salarié, quel que soit le motif de rupture retenu.

La cour d'appel de Lyon s'inscrivant dans les pas de la Cour de cas-sation retient cependant qu'un salarié licencié pour faute grave, nepeut se prévaloir d'une violation des engagements contractuels, laclause de garantie d'emploi ne pouvant avoir pour effet de priver l'em-ployeur de son pouvoir disciplinaire.

La Cour de cassation avait pour sa part affirmé qu'un salarié peut êtrelicencié pour faute grave, nonobstant une clause de garantie d'em-ploi, sans plus de motivation, aux termes de deux arrêts du 20 février2007 (Cass. soc., 20 février 2007, n°05-44.309 et 05-55.310)

Une telle analyse de la portée des clauses de garanties d'emploi nepeut qu'emporter l'adhésion dès lors qu'admettre que l'employeurpuisse par avance renoncer à invoquer une faute grave à l'appui dulicenciement d'un salarié bénéficiant d'une telle clause, reviendrait àexonérer le salarié de toute responsabilité quant aux éventuels man-quements à ses obligations.

Bien que plus favorable au salarié que le droit commun, une telleclause se heurterait à l'ordre public social.

Le salarié conserve en toute hypothèse la possibilité d'obtenir l'in-demnisation du préjudice subi du fait de la violation de la garantied'emploi, dès lors qu'il obtient la requalification de la faute grave rete-nue à l'appui du licenciement.

On peut à cet égard raisonner par analogie avec les périodes de sus-pension du contrat de travail pour accident du travail ou maternité, quiemportent une interdiction du licenciement, sauf en cas de fautegrave ou d'impossibilité de maintenir l'emploi.

On notera que les clauses de garantie d'emploi stipulées pour garan-tir au salarié une certaine stabilité n'ont vocation à s'appliquer quedans le cadre d'une rupture imputable à l'employeur comme l'a rap-pelé la Cour de Cassation (Cass. soc., 30 nov. 2005)

Il s'ensuit que dans l'hypothèse d'une prise d'acte de rupture ultérieu-rement requalifiée en licenciement, le salarié pourrait prétendre auversement de dommages intérêts au titre de la violation de la clausede garantie d'emploi.

Mélanie CHaBanolAvocat au barreau de Lyon

SCP Antigone avocatsmé[email protected]

4

PRINCIPAUX ATTENDUS

« Attendu sur la clause de garantie d'emploi, que celle-ci, énoncéeen termes généraux par la lettre d'engagement du 16 septembre2006, n'est assortie d'aucune limitation particulière, le terme en étantseulement fixé au 30 juin 2009 ;

Qu'il est à cet égard indifférent qu'un contrat de travail reprenantexpressément ladite clause n'est pas été ultérieurement régularisé,l'employeur ne pouvant sur ce point se prévaloir de sa proprecarence ;

Que la lettre d'engagement établit à elle seule de manièreindiscutable qu'une clause de garantie d'emploi avait été convenueentre les parties ;

Attendu cependant, qu'un salarié peut être licencié pour faute gravenonobstant une clause de garantie d'emploi qui ne peut avoir poureffet de priver l'employeur de son pouvoir disciplinaire ;

Attendu que le licenciement ayant été prononcé pour faute grave, ilappartient à la cour de vérifier si les conditions de celles-ci sontréunies. »

Cour d’Appel de Lyon, ch. soc., sect. B, 7 mars 2012,

n°10/07422

Supplément au journal

Clause de garantie d’emploi et licenciement

Cour d’Appel de Lyon, ch. soc., sect. B, 7 mars 2012, n°10/07422

Page 5: Sommaire Avril 2013 - n°37 - Le Barreau de Lyon vous ... · s’accompagnait du maintien de la grille de rémunération variable ayant fait l’objet d’un avenant pour l’année

PRINCIPAUX ATTENDUS

« Attendu que l'employeur n'a nullement l'obligation de réunir les délé-gués du personnel pour les consulter et qu'il peut procéder à la consul-tation obligatoire par écrit ;

Attendu que contrairement à ce que soutient l'intimé, la société appe-lante rapporte la preuve de cette consultation ;

Que certes, ces consultations ont été effectuées par lettres simples endate du 30 juin 2009, mais que deux des délégués du personnel concer-nés ont émis un avis daté du 3 juillet 2009 et faisant expressément réfé-rence à la demande de l'employeur précitée ;

Que dans ces conditions, la Cour considère comme rapportée la preuvede cette consultation ;

Attendu que si l'employeur a l'obligation de consulter les délégués dupersonnel, il n'est en revanche pas tenu de recueillir l'avis de ces der-niers avant de prendre la décision de licencier ;Qu'en effet, les délégués du personnel ne sont eux-mêmes nullementtenus de donner réponse à l'employeur, lequel doit simplement laisseraux délégués du personnel un délai raisonnablement suffisant pour luirépondre ;

Attendu qu'en l'espèce, deux des délégués du personnel consultés ontexprimé un avis négatif sur le reclassement de l'intimé au sein de l'en-treprise le 3 juillet 2009 et que les deux autres n'ont pas estimé devoirs'exprimer sur le sujet ;

5Supplément au journal

Inaptitude d’origine professionnelle reclassement - avis des délégués du personnel

Cour d’Appel de Lyon, ch. soc., sect. B, 19 décembre 2012, n°11/06600

EXPOSE DES FAITS

Un agent de sécurité agressé par cinq individus pendant son travailest déclaré inapte par le médecin du travail au terme de deux visitesmédicales de reprise des 12 et 29 juin 2009, faisant suite à un arrêt detravail de plus de deux mois.

Dès le 3 juillet l’employeur convoque le salarié à un entretien préalableà un éventuel licenciement pour inaptitude, lequel intervient le 24 juillet2009 sans qu’aucune mention relative à l’avis des délégués dupersonnel n’y figure.

L’employeur soutient avoir, par lettre simple du 30 juin, demandé leuravis à quatre délégués du personnel dont deux ont répondu pour l’unle 3 juillet (soit le jour même de l’envoi de la convocation à l’entretienpréalable) et pour l’autre le 4 juillet.

L’employeur prétend avoir satisfait à son obligation tant sur le recueilde l’avis des délégués du personnel qu’au titre du reclassementpuisqu’un poste de standardiste a été proposé mais refusé par lesalarié.

La cour d’appel réforme le jugement favorable du conseil deprud’hommes de Lyon ; elle juge que l’avis des délégués du personnela été régulièrement sollicité et que l’offre d’un poste de standardistepouvait être unilatéralement retirée par l’employeur au motif qu’iln’avait aucune obligation de le créer.

OBSERVATIONS

Le salarié inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait avant l’accident dutravail fait l’objet d’une attention particulière du législateur.L’employeur doit proposer un reclassement adapté, en fonction desconclusions écrites du médecin du travail, après avis des délégués dupersonnel auxquels doivent être fournies les conclusions du médecindu travail, et les caractéristiques du poste proposé (Cass. soc., 13 juil.2004, n°02-41.046, Cass. soc., 26 janv. 2011, n° 09-72.284).

Cet avis doit être demandé après la deuxième visite et avantl’engagement de la procédure de licenciement (Cass. soc., 8 avril2009, n°07-44.307).

Cet avis peut être demandé individuellement à chaque délégué dupersonnel, en dehors d’une réunion puisque ces élus ne constituentpas une instance collégiale à la différence du comité d’entreprise,lequel rend un seul avis, à la majorité de ses membres (Cass. soc., 29avril 2003, n°00-46.477).

La Cour de cassation est exigeante quant à la preuve du bondéroulement de ce processus d’information et de consultation dechaque délégué du personnel.

La Cour d’appel de Lyon se montre au contraire dans cet arrêt peuexigeante sur la preuve de la demande d’avis qui incombe àl’employeur.

Elle estime que l’avis de quatre délégués du personnel a été sollicité,ce qui est suffisant… alors que l’entreprise compte quatre titulaires et

deux suppléants, que la cour transforme en quatre titulaires et cinqsuppléants.

S’inspire-t-elle de l’arrêt rendu par la Cour de cassation du 29 avril2003, alors même que dans cette affaire, il apparaissait clairementque 4 délégués sur 4 avaient bien rendu un avis.

La cour n’est pas alertée par plusieurs anomalies pourtant lourdes desens :

précipitation d’un employeur qui dispose de l’avis du médecin dutravail le 29 juin, adresse une lettre simple à quatre délégués dupersonnel le lendemain 30 juin, sans leur préciser un quelconque délaide réponse, convoque le salarié à l’entretien préalable dès le 3 juillet,alors même que seul un des quatre délégués du personnel a donnéson avis.

authenticité contestable des réponses des deux délégués dupersonnel, non accompagnées de documents d’identité, et pour l’unedactylographiée.

incohérence de la lettre de licenciement qui n’évoque ni laconsultation des délégués du personnel, ni le poste de standardistepourtant mentionné dans la demande d’avis

ambivalence d’un employeur qui évoque un poste de reclassementen tant que standardiste auprès des délégués du personnel, mais nedémontre pas l’avoir proposé au salarié.

Enfin et surtout, la cour d’appel admet que la preuve de la demanded’avis aux quatre délégués du personnel est rapportée dès lors quedeux d’entre eux ont répondu.

Où est donc la preuve de ce que les deux autres délégués dupersonnel titulaires, voir les suppléants en l’absence de titulaire, ontbien reçu la lettre de l’employeur ? où est la preuve de ce que cettelettre leur a bien été adressée ?

L’avis des délégués du personnel est une formalité substantielle. Ilssont les mieux placés pour connaître les conditions de travail dansl’entreprise, les postes disponibles ou aménageables, et la conformitéde l’emploi proposé aux exigences de reclassement effectif.

Juger que leur avis a bien été sollicité régulièrement sans exiger quela preuve en soit rapportée pour chaque délégué du personnel, etsans s’assurer qu’un délai suffisant leur a été donné, expressémentmentionné, et nécessairement supérieur à quatre jours, jour d’envoide la lettre et délais postaux compris, revient à méconnaitre « l’effetutile » de cette procédure, destinée à éviter le licenciement d’unsalarié dont l’inaptitude trouve sa source dans l’accomplissement deson travail.

Myriam plet Avocat au Barreau de Lyon

SCP Myriam [email protected]

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6

Que dès lors, l'employeur était fondé à convoquer le salarié à un entre-tien préalable dès le 3 juillet 2009, le temps qui s'est écoulé entre l'infor-mation donnée aux délégués du personnel et l'engagement de la procé-dure de licenciement étant manifestement suffisant puisque deux d'en-tre eux sur les quatre membres titulaires de la délégation ont pu et vouluémettre un avis ;

Qu'il est donc radicalement indifférent que deux autres délégués du per-sonnel aient préféré s'abstenir de toute réponse à la demande d'avis quileur a été adressée par l'employeur ;

Attendu que ce second moyen de nullité du licenciement sera égale-ment rejeté ; »

Cour d’Appel de Lyon, ch. soc., sect. B, 19 décembre 2012,

n°11/06600

Usage du français

Cour d’appel de Grenoble, 5 décembre 2012, n°11/00395

EXPOSE DES FAITS

En 2010, la société Danone, qui appartient à un groupe de dimensioninternationale, s'est dotée d'un système d'information intégré (ERP)qui s'est traduit par la mise en œuvre de logiciels entièrement écrit enanglais.

Ce projet intitulé "Thémis II" concernait l'ensemble des directions del'entreprise et consistait à migrer vers un système d'informationintégré tous les outils utilisés à chaque étape de la fabrication et lacommercialisation.

Le syndicat CGT de l'établissement de Saint Just Chaleyssin, dontl'effectif est de 304, salariés a demandé en justice la mise àdisposition en langue française de l'intégralité des logiciels de gestionet documents en lien avec le projet.

Par jugement du 5 juillet 2012, le tribunal de grande instance aordonné, avec exécution provisoire, la mise à disposition en languefrançaise par la société Danone de l'intégralité des logiciels etdocuments édités en lien avec le projet "Thémis II".

La société Danone a relevé appel de ce jugement.

Elle a fait valoir, principalement, qu'elle avait satisfait à l'obligationlégale prescrite par l'article L.1321-6 du code du travail en mettant àla disposition des salariés un outil "Babylone" qui permet d'assurer latraduction simultanée de l'intégralité des mots d'anglais contenusdans les logiciels.

Elle a précisé que le législateur n'avait pas défini les modalités de latraduction en langue française et qu'un an après leur mise en place,les salariés ne rencontraient plus de difficultés dans l'exécutionquotidienne de leurs tâches. Par ailleurs, elle s'étonnait que lespremiers juges aient pu faire droit une demande particulièrementimprécise, puisque le syndicat CGT n'identifiait pas les logiciels dontil demandait la mise à disposition en langue française.

Le syndicat CGT soutenait quant à lui que depuis l'origine lesreprésentants du personnel avaient alerté la direction sur lesdifficultés posées par l'usage de la langue anglaise et réclamaient latraduction intégrale des logiciels.

Il ajoutait que le logiciel "Babylone", accessible au grand public, estun programme qui vient se surajouter aux logiciels "Thémis II", queses performances étaient limitées, son utilisation mal aisée de sorteque de nombreux salariés avaient renoncé à l'utiliser.

Le 5 décembre 2012, la cour d'appel de Grenoble a confirmé lejugement du TGI, et a jugé que tout logiciel doit être mis à ladisposition dans sa version française, l'adjonction d'un logiciel detraduction étant insuffisante.

OBSERVATIONS

Aux termes de l'article L.1321-6 du code du travail : « Tout documentcomportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont laconnaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail », doit

être rédigé en français, sauf s'il s'agit de « documents reçus del'étranger ou destinés à des étrangers ».

Les conséquences de ce texte peuvent être redoutables comme entémoigne une affaire soumise à la Cour de cassation en 2011.

Dans une affaire, un directeur bénéficiait d'une rémunérationconstitué d'un fixe et d'une partie variable pouvant atteindre 40 % desa rémunération de base.

Le montant de cette partie variable dépendait de l'atteinte d'objectifsindividuels fixés annuellement.

Le salarié a soutenu que les documents qui lui étaient adressés pourfixer les objectifs à atteindre liés à l'attribution de la partie variable desa rémunération lui étaient inopposables car ils n'étaient pas rédigésen français mais en anglais.

Il a prétendu en conséquence, qu'il aurait dû percevoir chaque annéele maximum prévu par son contrat de travail, à savoir une prime égaleà 40 % de sa rémunération annuelle brute, que les objectifs définispar le plan aient été ou non atteints.

La Cour de cassation a jugé que les objectifs non traduits en françaisétaient inopposables au salarié et que ce dernier pouvait doncprétendre à la part variable contractuellement prévue à son tauxmaximum, et ce, même s'il s'agit d'un cadre de haut niveau maîtrisantparfaitement la langue anglaise (Cass. soc,. 29 juin 2011, n° 09-67.492 FP-PB).

Toutefois, un an plus tard, la Cour de cassation a semblé infléchir saposition en jugeant qu'une compagnie aérienne n'a pas à traduire enfrançais les manuels de navigation dont le caractère internationalimplique l'utilisation d'une langue (en l'occurrence l'anglais), dès lorsque pour garantir la sécurité des vols il est exigé des utilisateurscomme conditions d'exercice de leurs fonctions qu'ils soient aptes àlire et comprendre des documents techniques rédigés en français(Cass. soc., 12 juin 2012, n° 10-25.822).

Toutefois, l'arrêt récent rendu par la cour d'appel de Grenobledémontre que la rigueur des juges semble persister.

Par ailleurs, il est n'est pas inutile de rappeler que :

- aux termes de l'article L.1221-3 du code du travail, l'employeur quin'adresse pas au salarié un contrat rédigé en français ne pourra passe prévaloir à l'encontre du salarié des clauses du contrat nonrédigées en français ;- dans le cadre d'un procès les parties doivent produirecomme élément de preuve des documents en français ou, s'ils sontécrits en langue étrangère, produire une traduction en languefrançaise.-A défaut, le juge est fondé à écarter ces documents comme élémentde preuve (Cass. soc., 19 mai 2010 n° 09-40.690).

véronique Massot-pelletAvocat au Barreau de Lyon

SELARL Colbert Lyonvé[email protected]

Supplément au journal

relations Collectives

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EXPOSE DES FAITS

Deux arrêts rendus en matière de licenciement économique, l’un parla Chambre sociale de la cour d’appel de Grenoble l’autre, par cellede Lyon, retiennent notre attention en raison du contrôle opéré par lesjuges du fond tant sur les catégories professionnelles servant de baseà l’ordre des licenciements que sur les critères d’ordre déterminant lechoix du salarié à licencier.

Dans la première espèce, le salarié soutenait que son licenciementne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse motifs pris quel’employeur avait élaboré des catégories professionnelles erronées,l’ayant conduit d’une part, lors de la suppression de son poste et alorsqu’en application des critères d’ordre de licenciement il ne devait pasêtre licencié , à ne lui proposer, en modification de son contrat detravail, qu’un seul poste avec une rémunération bien inférieure leconduisant à le refuser, et d’autre part, à l’exclure d’un poste detechnicien, proposé auparavant à un autre salarié, au titre dureclassement, alors que ce dernier était impacté par les critèresd’ordre.

Au même titre, les postes proposés dans le cadre de l’obligation dereclassement, ne l’étaient que dans des conditions de coefficient etde rémunération qui l’obligeait à les refuser.

Réformant le jugement entrepris, la cour d’appel de Grenoble adéclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse considérant quele regroupement artificiel de fonctions dans une catégorieprofessionnelle avait conduit l’employeur à contourner les règles et àmoins bien traiter un salarié non impacté par les critères d’ordre delicenciement que celui qui avait fait l’objet d’un licenciementimmédiat.

Dans la deuxième espèce, c’est un technicien de maintenance, quicomptait 22 ans d’ancienneté et qui travaillait dans un atelier dontdeux postes sur trois devaient être supprimés qui contestait la pertede son emploi.

L’employeur, après avoir informé et consulté le comité d’entreprise,avait retenu les critères d’ordre de l’article L1233-5 du code du travail.

Les critères professionnels et non professionnels avaient fait l’objetde pondération par l’attribution de points, or le salarié n’obtenaitaucun point au titre des qualités professionnelles qui représentaient50% des points.

Contestant cette évaluation déterminante dans le choix del’employeur, il saisissait le conseil de prud’hommes afin d’obtenirl’indemnisation de la perte injustifiée de son emploi.

Débouté de sa demande, le jugement a été confirmé par la courd’appel de Lyon aux termes d’un attendu qui laisse le lecteurperplexe.

OBSERVATIONS

On sait l'importance de l’ordre des licenciements qui détermine lesnoms des salariés qui, pour motif économique, vont perdre leuremploi.

Pour ce faire l’employeur doit à partir de critères objectifs préalable-ment établis, dont l’application relève d’une méthodologie claire,transparente, déterminer les salariés qui seront licenciés et, à l'in-verse, ceux conservés.

L’ordre des licenciements s'apprécie au niveau de l'entreprise, dansson ensemble (Cass. soc., 5 mars 1997, n 95-11.109), ce qui induitque les salariés dont les postes sont supprimés ne sont pas néces-sairement ceux que l'ordre des licenciements désigne pour être licen-

7Supplément au journal

PRINCIPAUX ATTENDUS

« Attendu que la Constitution de la Cinquième République françaisedispose :«La langue de la République est le français».

Que la loi du 4 août 1994 dispose en son article premier :« La langue française est un élément fondamental de la personnalitédu patrimoine de la France.Elle est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et desservices publics (…) »

Attendu que dans le domaine du travail ce principe se décline à l'ar-ticle L.1321-6 du Code du travail (…)

Attendu que la seule dérogation admise par ce texte clair s'appliqueaux échanges avec l'étranger ;Qu'elle ne peut être évoquée dans le cadre de la présente instancequi concerne le système informatique d'une entreprise françaiseayant son siège social en France ;

Attendu que (…), il n'est pas contestable qu'en imposant à ses sala-riés de travailler sur des logiciels et des documents écrits en anglais,la société Danone (…) contrevient aux dispositions de l'article précité

Attendu qu'un outil de traduction greffé sur des documents et logicielsédités en anglais ne répondant pas aux exigences de l'article L.1321-6 du code du travail, il n'est pas utile à la solution du litige de s'en-quérir du taux de satisfaction des utilisateurs du logiciel "Babylone".

Attendu que quand bien même la société Danone (…) verserait auxdébats 304 attestations de salariés satisfaits, elle n'en méconnaîtraitpas moins les exigences légales ;

Attendu que c'est à tort qu'elle dénonce l'imprécision de la demandeet celle du jugement, dès lors qu'aucune exception ne pouvant êtreadmise en l'espèce, ce sont tous les logiciels actuels et futurs de sonsystème d'exploitation qui doivent être écrits en français, peu impor-tant leur dénomination »

Cour d’appel de Grenoble, 5 décembre 2012,

n°11/00395

Catégories professionnelles, critères d’ordre de licenciement

Cour d’appel de Grenoble, ch. soc., 20 décembre 2012, n°11/02929Cour d’appel de Lyon, ch. soc., sect. B, 14 novembre 2012, n°11/05405

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8Supplément au journal

ciés (Cass. soc., 16 déc. 1997, n 95-44.628 ) à la condition, bienentendu, que les catégories professionnelles soient, préalablement,correctement définies.

En effet, lorsqu'un emploi est supprimé, c'est dans la catégorie profes-sionnelle à laquelle appartient le salarié qu'il faut appliquer les critèresde choix retenus par l'employeur (Cass. soc., 25 nov. 1997, n 95-44.530), catégorie qui servira également de référence aux propositionde poste de reclassement.

Depuis l’arrêt Samaritaine la catégorie professionnelle s’entendcomme le regroupement de salariés « qui exercent, au sein de l'entre-prise, des fonctions de même nature supposant une formation profes-sionnelle commune ». (Cass. soc., 13 févr. 1997, n 95-16.648, Bull.civ. V, n 63).

L’employeur doit donc sous le contrôle du juge, délimiter, préalable-ment à l’application des critères d’ordre, chaque catégorie profession-nelle et regrouper tous les salariés exerçant des fonctions de mêmenature supposant une formation professionnelle commune (Cass.soc., 20 nov. 2001, n°99-46131 ; Cass. soc. 25 juin 2008, n°07-42541).

Il ne peut se contenter, d’énoncer ni des classifications larges etimprécises telles que cadres, employés et ouvriers, ni retenir de sim-ples intitulés de postes.

Si une grande diversité de situations et de postes révélant de vérita-bles différences de fonctions et de formations, existe dans l’entreprisel’employeur doit constituer autant de catégories professionnelles(Cass. soc., 6 mars 2007, n° 05-16.495).

C’est à ce contrôle que la cour d’appel de Grenoble s’est livré, laconduisant à considérer que l’employeur n’avait pas fait « preuve decohérence » dans la constitution des catégories professionnelles etavait même procédé à « un contournement des règles », privant ainsile licenciement de cause réelle et sérieuse ; sanction rare puisqu’enprincipe c’est la perte de l’emploi que le juge indemnise.

Les catégories professionnelles (33) ont d’abord été démultipliées, parrapport au nombre de salariés (94), aboutissant à un éclatement descatégories, hyperspécialisées, ne comportant plus que, deux ou troissalariés, puis, pour la catégorie du salarié requérant, au contraire,l’employeur a procédé à un regroupement artificiel de deux fonctions« outilleur et technicien d’atelier ».

Pour procéder à ce regroupement, il a retenu, de façon inexpliquée, lanotion de secteur d’activité des « Moules », lequel ne regroupe pasnécessairement des fonctions identiques et en tous les cas n’est pasconforme à la définition de la catégorie professionnelle

Pour justifier cette incohérence, la cour s’est alors attachée à l‘analysedu coefficient et de la rémunération pour en conclure qu’il s’agissaitd’éléments révélateurs de l’appartenance à une même catégorielaquelle est aussi prise en compte dans les offres de postes à propo-ser au salarié soit lors de la modification du contrat soit lors du reclas-sement.

Ici, le coefficient et le niveau de rémunération d’un outilleur et d’untechnicien est très différent et bien qu’ils appartiennent au même sec-teur d'activité ils n’appartiennent pas pour autant à la même catégorie.

En s’éloignant incontestablement de la définition de la catégorie pro-fessionnelle, l’employeur s’est retrouvé à ne proposer des emplois,tant dans le cadre d’un nouvel emploi que dans le cadre du reclasse-ment, à des niveaux de coefficient et de rémunération bien inférieursà ce que le salarié pouvait prétendre qu’il ne pouvait que refuser.

C’est ce que la cour a sanctionné; le salarié dont le poste était sup-primé et qui au départ n’était pas licenciable, car non touché par lescritères d’ordre, s’est retrouvé, dans une situation moins favorable quele salarié frappé d’un licenciement immédiat.

La sanction retenue est pertinente, c’est tout l’intérêt de l’arrêt. Lesalarié ne s’est pas placé sur le terrain de l’indemnisation de la perteinjustifiée de son emploi mais bien sur celui du licenciement privé decause réelle et sérieuse, en raison du contournement des règles parl’employeur.

En, revanche la Cour d’appel de Lyon a fait preuve de moins d’objec-tivité dans son contrôle de l’application des critères d’ordre de licen-ciement.

Ici l’employeur a décidé de s’en tenir aux critères légaux énoncés parl'article L. 1233-5 du Code du travail, en privilégiant considérablementle critère professionnel tiré des « qualités professionnelles », puisqu’ilreprésente à lui seul 50% du nombre total de points attribués entenant compte de la polyvalence (20 points) et de la qualité au travail(30 points).

Le salarié, après 22 ans d’ancienneté, obtient la note de 0 au titre desqualités professionnelles, ce qu’il conteste.

En principe l'évaluation des salariés, tout au long de leur carrière dansl'entreprise permet d'objectiviser ce critère, il s’agit donc d’un outilindispensable pour fournir aux juges des éléments concrets et vérifia-bles, en cas de contestation.

En l’espèce, rien de tel, l’employeur s’est contenté d’une attestationétablie par le responsable d’usine remettant en cause, la polyvalenceet l’autonomie du salarié de même que son comportement au regardde la sécurité, jugé à risque « dans un passé récent ».On pourrait croire que les juges l’ont écartée puisque la cour retientque le salarié n’avait jamais fait l’objet ni de reproche écrit ni d’avertis-sement et que ces manquements ou insuffisances ne justifient pasl’attribution d’aucun point au titre de ses qualités professionnelles neserait qu’au regard de son ancienneté.

Pourtant, la cour fonde sa décision sur lesdits reproches et manque-ments « qu’ils ne peuvent qu’être pris en compte pour une part impor-tante par l’employeur dans l’appréciation du personnel à maintenir.»

Outre qu’il existe une contradiction de motifs, cette motivation nousparait critiquable, la cour se livre de façon surprenante à une appré-ciation des qualités professionnelles du salarié alors qu’elle doit pro-céder au contrôle des éléments objectifs préalablement établis et pro-duits aux débats.

eladia delGadoAvocat au Barreau de LyonSELARL Délgado & Meyer

[email protected]

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9Supplément au journal

PRINCIPAUX ATTENDUS

« La conséquence du caractère artificiel et non conforme de lacatégorie professionnelle dans laquelle Monsieur O a été placée estque : le poste de travail de Monsieur O certes a été supprimé, maisselon les critères d’ordre du licenciement, il ne devait pas êtrelicencié ainsi que l’employeur le souligne lui-même, or, en ne luiproposant, en modification de son contrat de travail, qu’un seul posted’outilleur, à un coefficient et niveau de rémunération bien moindres,au seul motif qu’il relevait de la même catégorie professionnelle,sachant que le salarié ne pouvait l’accepter, vue la différence decoefficient et de rémunération, l’entreprise est parvenu au résultatd’un licenciement de ce salarié, et par conséquent, à uncontournement des règles mêmes du licenciement, derrière uneapparence de respect de la légalité des procédures.

Il en est de même, au surplus, de l’obligation de reclassement del’employeur, puisque, dans les mêmes conditions, ce dernier n’aproposé un reclassement à Monsieur O que des postes d’outilleurséquivalents, que ce denrier ne pouvait que refuser.

« Ce contournement des règles, au préjudice du salarié, atteint soncomble lorsque la SAS S expose que le poste de « TechnicienCellule Devis » existant dans l’entreprise, est revendiqué parMonsieur O, n’a pas pu être proposé à ce dernier parce qu’il l’avaitété à Monsieur G préalablement licencié, dans le cadre dureclassement. Ainsi, un salarié qui n’était pas concerné par lelicenciement ou par l’application des critères d’ordre se trouvefinalement moins bien traité que celui qui a fait l’objet d’unlicenciement immédiat, par le seul fait que les postes proposés ausalarié dans le cadre d’une modification de son contrat de travail,comme relevant d’une même catégorie professionnelle artificielle,

ne pouvait qu’être refusée par lui compte tenu de la non équivalencede la classification et de la rémunération. Un tel contournement desrègles doit conduire à considérer que le licenciement de Monsieur Oest intervenu sans cause réelle et sérieuse ».

(1ère espèce)

« Attendu que si ces manquements ou insuffisances ne justifient pasl’attribution d’aucun point au salarié au titre de ses qualitésprofessionnelles, ne serait-ce qu’au regard de son ancienneté de 22années dans l’entreprise et de l’absence de tout reproche écrit ouavertissement précédemment formulé à son encontre, ils ne peuventtoutefois qu’être pris en compte pour une part importante parl’employeur dans l’appréciation du personnel à maintenir dansl’entreprise en fonction de la réorganisation des tâches tenant à larestructuration à intervenir et à la suppression de deux postes detechniciens de maintenance sur trois ;

Attendu dans ces conditions que la société a fait une justeappréciation des critères d’ordre de licenciement. »

(2nd espèce)

Cour d’appel de Grenoble, ch. soc., 20 décembre 2012,

n°11/02929

Cour d’appel de Lyon, ch. soc., sect. B, 14 novembre 2012,

n°11/05405

Licenciement économique et menaces sur la compétitivité

Cour d’appel de Chambéry, ch. soc., 27 novembre 2012, n°11/02816

EXPOSE DES FAITS

Une société exploitant des agences de voyages a engagé, en mars2009, une réorganisation se traduisant par une concentration des «grands comptes » vers trois centres de services nationaux et unerationalisation des centres régionaux, laquelle impliquait la fermeturede certains d’entre eux et la suppression de quinze emplois.

La société invoquait une baisse de son chiffre d’affaires susceptiblesde se traduire par un résultat net négatif de 1,7 millions d’euros en2009, puis de 6,5 millions d’euros dans un contexte mondial marquépar la crise économique une concurrence accrue entre lesfournisseurs et le développement des ventes directes en ligne.

Une salariée licenciée dans le cadre de cette réorganisation saisissaitle conseil de prud’hommes, contestant à la fois le motif économiqueet le respect de l’obligation de reclassement à son égard.

Par un jugement du 23 novembre 2011, le conseil des prud’hommesd’Annecy faisait droit à ses demandes en jugeant que sonlicenciement ne reposait pas sur un motif économique réel et sérieux,mais retenait que l’employeur avait respecté son obligation dereclassement. La motivation de la juridiction prud’homale n’est pasprécisée.

La société interjetait appel.

Dans un arrêt du 27 novembre 2012, la cour d’appel de Chambéryconfirmait le jugement en ce qu’il avait retenu le respect del’obligation de reclassement mais l’infirmait s’agissant de l’absencede cause réelle et sérieuse du licenciement.

OBSERVATIONS

Les suppressions aux modifications d’emploi susceptibles de justifierun licenciement pour motif économique peuvent avoir une causeautre que les difficultés économiques ou les mutations technolo-giques visées à l’article L1233-3 du code du travail. Depuis long-temps, les juges retiennent comme cause pouvant justifier un tellicenciement, la cessation d’activité et la réorganisation.

S’agissant de cette dernière, la réorganisation doit être motivée par lanécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du sec-teur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise (Cass. Soc. 5avril 1995, n° 93-42690).

Mais des confusions existent parfois entre un motif de licenciementtiré de difficultés économiques et celui d’une réorganisation jugéenécessaire à la sauvegarde de la compétitivité.

Ces deux « causes » de licenciement sont pourtant différentes.

Une différence de nature d’abord : dans le premier cas les difficultéséconomiques doivent être avérées et mettre en danger l’entreprise(ou le secteur d’activité) tandis que la sauvegarde de la compétitivitén’implique « que » l’existence de menaces, sans qu’il soit besoin dedémontrer des difficultés économiques.

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PRINCIPAUX ATTENDUS

« La lettre de licenciement aux termes de laquelle l’employeurallègue une réorganisation énonce un motif économique et ilappartient au juge saisi d’une contestation portant sur le caractèreréel et sérieux de ce motif d’apprécier si cette réorganisation estnécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou dusecteur d’activité du groupe auquel elle appartient, plusparticulièrement si ce secteur reste ou non adapté à l’évolution dumarché, dans la négative, si cette situation d’inadaptation a puentraîner des pertes d’exploitation et s’il en est résulté une perte decompétitivité imposant la mise en place d’une nouvelle organisationde nature à surmonter les handicaps objectivement mis enévidence, à prévenir l’affirmation ou l’aggravation de difficultéséconomiques d’ores et déjà redoutées, ainsi qu’à leurs incidencesnégatives sur l’emploi ».

(…)

« En conséquence, la triple préoccupation d’impulser une réaction àla dégradation des résultats, de s’inscrire de manière dynamiquedans un cadre caractérisé par l’apparition d’acteurs plus agressifs etmieux préparés à répondre aux attentes nouvelles de la clientèledes entreprises et des particuliers (…) Et de s’adapter au

basculement largement irréversible de l’activité de distribution devoyages d’un réseau d’agences sur le réseau Internet, s’estincontestablement traduit par la réorganisation objectivementprésentée comme indispensable par la société (…)

Comme une solution retenue pour sauvegarder la compétitivité del’entreprise ; l’employeur restant seul juge est responsable des choixstratégiques opérés dans l’exercice de ses pouvoirs de gestion et dedirection, il importe peu, pour procéder à une appréciation ducaractère réel et sérieux de la cause des suppressions d’emplois àla date de notification du licenciement, que les coûts derestructuration se soient avérés ensuite supérieurs aux prévisionsinitiales, que les gains financiers à moyen terme puissent êtresensiblement inférieurs aux prévisions et que les services aient étéquelque peu désorganisés par les restructurations engagées en2009, et qu’à l’inverse, le chiffre d’affaire se soit beaucoup plusconsidérablement relevé en 2011. »

Cour d’appel de Chambéry, ch. soc., 27 novembre 2012,

n°11/02816

10Supplément au journal

Licenciement économique et distribution de dividendes

Cour d’appel de Grenoble, ch. soc., 26 septembre 2012, n°11/00921

EXPOSE DES FAITS

La société REXOR employait à la date des faits (juillet 2009) 123personnes, spécialisée dans la transformation de film plastique, elleavait été rachetée via une holding par un groupe international indien,confrontée à des difficultés économiques avérées, elle licencie 14salariés pour motif économique.

Monsieur X. interjette appel d’une décision du conseil deprud'hommes, ayant jugé que le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)était conforme aux dispositions légales et jurisprudentielles.

Il demande la nullité du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et de

son licenciement et subsidiairement de faire constater la faute degestion commise par la société REXOR du fait d’une distributionimportante de dividendes versés à la société mère.

La cour d'appel de Grenoble fait droit à la demande de nullité du plande sauvegarde de l’emploi (PSE) et du licenciement au motif que leplan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ne contient aucune mesure dereclassement interne précise et sérieuse et que les mesures en vue defavoriser les reclassements externes étaient insuffisantes compte tenudes moyens de l’entreprise.

Différence ensuite dans la temporalité : si les difficultés doivent êtreexistantes à la date du licenciement, la réorganisation pour sauvegar-der la compétitivité s’inscrit en amont, afin « d’anticiper des difficultéséconomiques à venir en prenant des mesures de nature à éviter deslicenciements ultérieurs plus importants » (Cons. Const., 12 déc.2002, n° 2001-455 DC – Cf. également pour une motivation trèsproche, Cass. soc., 31 mai 2006, n 04-47.376).

Mais, il ne suffit pas de vouloir préserver la compétitivité : celle-ci doitêtre menacée, sans quoi le licenciement n'est pas justifié.

En d’autres termes : dans un cas les difficultés sont déjà présentes,dans l’autre, elles risquent de survenir si une réorganisation n’est pasmise en œuvre.

L’arrêt de la cour d’appel de Chambéry s’inscrit dans ce débat.

La salariée soutenait qu’en l’absence de difficultés économiques sonlicenciement devait être déclaré sans cause réelle et sérieuse.Manifestement, même si on en ignore la motivation, les premiersjuges ont retenu son argumentation.

La Cour d’appel rétablit une rigueur dans l’analyse du cadre juridique: dès lors que la lettre de licenciement invoquait une réorganisationnécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, il n’était pas néces-saire que soit démontrée l’existence de difficultés économiques.

La cour emploie cependant une formule originale en invoquant unenouvelle organisation « visant à prévenir l’affirmation ou l’aggravation

de difficultés économiques d’ores et déjà redoutées » ; ce qui impli-querait la nécessité de démontrer, non seulement des menaces maisaussi l’existence des difficultés redoutées. Il ne semble cependant pasque le débat ait porté sur ce point dans les faits de l’espèce.

Puis la cour, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, retient quedes menaces étaient bien caractérisées (voir les attendus ci-des-sous).

Enfin, de manière classique et dans le prolongement de l’arrêt SAT(Ass. plén., 8 déc. 2000, RJS 2/01 n°108), la cour relève qu’il n’appar-tient pas au juge du fond de porter une appréciation sur l'existenced'alternatives à ces licenciements et d’opérer un choix entre ces alter-natives.

Rappelons cependant (et c’est aussi ce que dit l’arrêt SAT) qu’il luiincombe de rechercher si la réorganisation était réellement néces-saire à la sauvegarde de la compétitivité ; le juge doit, pour contrôlerle caractère sérieux du motif économique du licenciement, vérifierl’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et lesmesures affectant l’emploi ou le contrat de travail (Cass. soc. 8 juillet2009, RJS 10/09 n° 776).

Georges MeYerAvocat au barreau de LyonSELARL Delgado & Meyer

[email protected]

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11Supplément au journal

Mais la Cour va beaucoup plus loin et juge que les distributions dedividendes ont contribué à la fois aux difficultés économiques del’entreprise et à l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi(PSE).

OBSERVATIONS

La cour stigmatise le fait que le PSE ne comportait que 10 pages etrelève une insuffisance manifeste des solutions de reclassementinternes ou externes proposées, de même que le niveau insuffisantdes enveloppes prévues pour les actions de reclassement (budgetglobal de 30 000 € pour la création d’entreprise, enveloppe deformation de l’ordre de 3 000 € par salarié, etc…).

Nul doute que la cour a pris en compte le fait que la société REXORétait une filiale d’un groupe indien important disposant a priori demoyens conséquents.

Elle renforce par ailleurs la motivation de la décision en comparant lemontant des dividendes versés à l’actionnaire principal (350 000 € paran) et le niveau selon elle insuffisant de l’enveloppe financière duPSE.

C’est en effet la question de la distribution des dividendes qui faitl’intérêt de cette décision dans l’esprit de la proposition de loi du 24juillet 2012 tendant à interdire les licenciements dits « boursiers » : «Est réputé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motiféconomique prononcé par une entreprise qui a distribué desdividendes au titre du dernier exercice comptable écoulé. »

Force est cependant de relever une contradiction évidente.

En effet, la cour d'appel relève à titre liminaire « que l’existence dedifficultés économiques telles que présentées par la société REXORn’est pas discutée… » et que ces difficultés économiques sontimputables à des causes étrangères à la distribution de dividendes(chute de l’activité et du chiffre d’affaires, pertes très importantes de 1685 000 € à la date du licenciement, perspectives commercialespessimistes), difficultés telles que le commissaire aux comptes de lasociété avait déclenché une procédure d’alerte.

Compte tenu de ces éléments, la cour d'appel ne pouvait juger sansse contredire que « si la société REXOR rencontrait de réelledifficultés économiques à l’époque des licenciements, (…) il n’endemeure pas moins que les difficultés économiques doivent résulterdes seules causes subies par l’entreprise et non de circonstancesrésultant de ses propres choix de gestion. »

Et la Cour considère que les difficultés économiques sont laconséquence de la gestion des dividendes par la société.

Elle se place donc sur le terrain d’un mauvais choix de gestion oud’une erreur de gestion qui, normalement, ne relève pas du contrôledu juge appréciant la cause du licenciement économique. (Cass. soc.,14 déc. 2005, bull. civ. V, n°365)

Cette distribution de dividendes aurait pu être analysée sous l’anglede la « légèreté blâmable » ce qui supposait que la légalité del’opération soit mise en cause et que soit établie par ailleurs unevolonté des dirigeants d’appauvrir l’entreprise au profit desactionnaires ce qui n’était évidemment nullement démontré enl’espèce.

Au contraire, il était établi que cette distribution de dividendes, dont lalégalité n’était pas contestée, servait au remboursement desemprunts réalisés par les actionnaires lors de l’acquisition del’entreprise.

Cette question d’une distribution « abusive » de dividendes auraitd’ailleurs pu être approfondie sous l’angle de l’article L. 242-6, 3° ducode du commerce qui sanctionne les dirigeants qui auront fait « demauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage quisavent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pourfavoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sontintéressés directement ou indirectement ».

Ce dispositif appliqué à un groupe de sociétés autorise les concoursfinanciers entre les sociétés d’un même groupe pour autant qu’il soitdicté par un intérêt économique, social ou financier commun et qu’iln’excède pas les possibilités financières de celle qui en supporte lacharge (Cass. crim., 4 février 1985, n°84-91.581, bull. crim. n°54).

De même, une distribution anormale de dividendes peut constituer un« acte anormal de gestion » qui peut être sanctionné sous l’anglefiscal dès lors que l’opération n’est pas conforme à l’intérêt social del’entreprise.

Enfin, la problématique de la distribution de dividendes dans uncontexte économique difficile peut justifier une décision d’annulationdes décisions de distribution de dividendes sur le fondement de «l’abus de majorité » si cette distribution fait courir à la société unrisque excessif.

La cour n’apporte donc aucun élément probant justifiant le caractèreabusif de cette distribution de dividendes, se contentant de prendrepour argent comptant le rapport de l’Expert-comptable mandaté par leComité d'Entreprise, considérant « que les distributions de dividendessont un non-sens d’un point de vue économique (…) et qu’uneentreprise en situation de licenciement pour motif économique n’a pasà verser de dividendes (…) ».

Dès lors, la cour ne pouvait sans se contredire juger que « la sociétéREXOR rencontrait de réelles difficultés économiques » et de lesimputer, ce qui n’était nullement démontré, aux « circonstancesrésultant de ses propres choix de gestion », en l’occurrence ladistribution de dividendes.

Yves FroMontAvocat au Barreau de Lyon

Fromont [email protected]

PRINCIPAUX ATTENDUS

« C'est dès lors à bon droit que les salariés soutiennent que lasociété REXOR qui a contribué à son appauvrissement en nepréservant pas ses réserves financières assume une large part deresponsabilité dans la situation qui l'a conduite à prononcer leslicenciements, d'autant que cette situation financière l'a conduit àadopter un PSE insuffisant en terme de moyens financiers.

Il ressort de ces éléments que si la société REXOR n'avait pas fait lechoix d'une distribution de dividendes systématique, elle aurait étéen mesure d'amortir les difficultés économiques rencontrées dèsl'année 2008, et ainsi d'éviter les licenciements économiques ou d'enlimiter le nombre et à tout le moins d'investir des moyens plusconséquents dans le PSE. »

Cour d’appel de Grenoble,ch. soc., 26 septembre 2012,

n°11/00921

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12Supplément au journal

Vive le droit de la défense !

Cour d’appel de Lyon, ch. soc., 23 mai 2012, n°11/02795

EXPOSE DES FAITS

A la suite de la saisine du conseil de prud’hommes de Villefrenche, parun salarié qui se plaignait d’entrave, de dénigrement et d’exécutiondéloyale du contrat de Travail, le bureau de conciliation, constatantl’absence de l’employeur qui s’était fait représenter par son avocat,décidait de reconvoquer les parties à une nouvelle audience deconciliation en priant, cette fois-ci, le représentant de l’entreprise d’êtreprésent…

Le jour de la seconde audience de conciliation, seul l’avocat del’entreprise devait se présenter. Il était toutefois muni d’une lettrejustifiant de ce que sa cliente ne pouvait pas se rendre à l’audience.

Sans s’expliquer, a priori, sur le caractère légitime ou non du motif del’absence de l’employeur, le bureau de conciliation refusait quel’entreprise soit représentée par son avocat et, sans qu’aucun débatcontradictoire n’ait pu avoir lieu, condamnait l’employeur au paiementd’une provision de 3.000 € à valoir sur l’indemnité de granddéplacement.

Appel nullité était alors interjeté par l’employeur motif pris de laviolation manifeste de l’article 6-1 de la Convention européenne desauvegarde des droits de l’hommes et des libertés fondamentales du4 novembre 1950 ; l’avocat ayant été privé de son droit à la parole aupréjudice de sa cliente.

Par arrêt rendu le 23 mai 2012, la chambre sociale B de la cour d’appelde Lyon déclarait nulle et de nul effet l’ordonnance rendue par lebureau de conciliation notamment au visa de l’article 6-1.

Les droits de la défense sont saufs !

OBSERVATIONS

Ce cas d’espèce est l’occasion de rappeler d’une part les principes quirégissent l’assistance ou la représentation des parties en audience deconciliation et, d’autre part la pratique qui en est faite par le juge.

1°/ les principes Les règles spécifiques d’assistance et de représentation devant lebureau de conciliation ont été rappelées par la cour dans l’arrêt com-menté.

Selon le début du premier alinéa de l’article R.1453-1 du code du tra-vail, il est prévu que les parties comparaissent en personne ; qu’ils’agisse du salarié ou de l’employeur.

Il est admis, en droit, que le mode indicatif a valeur d’impératif.

Dès lors il faut comprendre que les parties sont tenues de comparaî-tre en personne.Les parties n’ont que la faculté de se faire assister.

Ceci s’explique par l’objet même de la phase de conciliation au coursde laquelle les deux conseillers doivent s’efforcer de concilier les par-ties.

La tâche serait impossible si l’une des parties n’était pas présente.A ce titre, en cas d’absence du défendeur (sous entendu de l’em-ployeur) il est prévu, par le premier alinéa de l’article R.1453-13 ducode du travail, que « lorsqu’au jour fixé pour la tentative de concilia-tion, le défendeur ne comparaît pas, le bureau de conciliation appliqueles dispositions de l’article R.1454-17, après avoir, s’il y a lieu, usé despouvoirs prévus à l’article R.1454-14. »

En termes plus clairs, l’affaire est renvoyée directement devant lebureau de jugement ; aucune conciliation ne pouvant intervenir dansce cas.

Le lecteur aura compris l’importance de la présence physique des par-ties au litige.

Dans la pratique, le salarié est très souvent présent aux côtés de sonconseil.

En revanche, force est d’admettre que les employeurs sont souventdéfaillants ; écrasés qu’ils sont par leur charge de travail dans l’intérêtde la collectivité de leurs salariés.

Pour autant leur absence est-elle fautive ou traduit-elle une volonté dene pas concilier ?

Rien n’est moins sûr et il appartient aux conseillers de s’assurer durespect des règles relatives à la présence des parties.

C’est pourquoi la fin du premier alinéa de l’article R.1453-1 précitéajoute que les parties peuvent se faire représenter en cas de motif légi-time.Dit autrement, les parties peuvent se faire représenter si et seulementsi elles justifient d’un motif légitime d’absence.

Il n’y a malheureusement aucune définition du motif légitime et sur cepoint, les conseillers sont souverains pour apprécier les excuses quileur sont présentées.

Bien évidemment employeur et salarié peuvent se faire représenterpar un avocat à condition toutefois que ce dernier soit en mesure, auplus tard le jour de l’audience, de justifier de l’absence de son man-dant.

Le deuxième alinéa de l’article R.1454-13 est ainsi rédigé :« Toutefois, si le défendeur a justifié en temps utile d’un motif légitimed’absence, il peut être représenté par un mandataire muni d’un écritl’autorisant à concilier en son nom et pour son compte. A défaut, il estconvoqué à une prochaine séance du bureau de conciliation par lettresimple. »

Ces principes ont-ils été respectés par le Bureau de conciliation ?

2°/ la pratiqueLe bureau de conciliation de Villefranche a, dans un premier temps,strictement appliqué les dispositions de l’article R.1454-13 précitédans la mesure où lors de la première audience il a ordonné le renvoide la cause et des parties à une nouvelle audience de conciliation dèslors que l’employeur ne s’était pas présenté et n’avait manifestementjustifié d’aucun motif légitime d’absence.

Toutefois, lors de la seconde audience de conciliation, et alors que legreffe avait expressément adressé une convocation à l’employeur, cedernier était une nouvelle fois défaillant.

Mal lui en a pris car le bureau de conciliation a pris deux décisions quilui sont défavorables :

• D’une part, il a rejeté le caractère légitime de son absence et a refuséla présence de son avocat ; ce dernier ayant dû quitter la salle ;• D’autre part, il a rendu une ordonnance le condamnant à verser uneprovision de 3.000 €.

procédure

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13Supplément au journal

Il est certain que cette décision n’est que la conséquence de l’absencede l’employeur.Un manquement durement sanctionné même si l’absence du défen-deur ne fait pas obstacle à une condamnation provisionnelle en appli-cation de l’article R.1454-14 du code du travail.

Pour autant une telle initiative paraît inéquitable et en tous cascontraires aux intérêts des parties.

Ainsi en excluant des débats l’avocat du défendeur au seul motif quesa cliente, qui ne pouvait pas venir pour des raisons impérieuses,n’était pas physiquement présente, le bureau de conciliation a manquéune occasion de remplir sa mission de conciliateur.

Tel n’aurait peut-être pas été le cas si l’employeur, bien que régulière-ment convoqué, n’avait pas daigné se présenter ni justifier de sonabsence prévisible à l’audience, témoignant alors d’un certain mépristant vis-à-vis de la juridiction que de son ancien salarié.

Bien plus, en permettant au conseil du salarié de bénéficier d’uneindemnité provisionnelle le Conseil a définitivement tourné le dos àtout recherche d’un accord et gravement porté atteinte aux droits de ladéfense.C’est justement le message qu’a voulu faire passer la cour d’appeldans son arrêt.

La motivation est aussi succincte que juste. Elle tient en trois points :

• Le bureau de conciliation aurait dû statuer expressément sur lecaractère légitime de l’absence présentée ; il s’agit pourtant d’une exi-gence des textes qui doit être examinée avant de statuer sur la régu-larité de la représentation ;

• En refusant de procéder à l’examen du motif (après en avoir déli-béré) le bureau de conciliation a immanquablement violé les droits dela défense puisque le salarié était le seul à pouvoir s’exprimer ;

• L’ordonnance rendue n’était pas motivée.

La cour aurait pu, d’ailleurs se satisfaire de ce dernier attendu pourannuler purement et simplement ladite ordonnance.Elle a préféré rappeler, au visa de l’article 6-1 de la CEDH que lesdroits de la défense sont primordiaux et qu’il n’est pas acceptable,alors qu’un mandataire de l’employeur était présent et susceptible des’expliquer, que le juge l’exclut des débats.

Il n’y a rien de pire pour un avocat que d’être privé de parole.

Il n’y a rien de pire pour la défense, qui a toujours la parole en dernier,que de ne pas pouvoir être entendue surtout lorsqu’une demande decondamnation provisionnelle est formée contre elle…

Un jugement rendu dans ces conditions, quel qu’il soit, doit nécessai-rement être annulé.

La position de la cour doit être entièrement approuvée car elle s’inscritdans une volonté de ménager les droits respectifs des parties au sur-plus dans le cadre d’une procédure où la recherche d’une conciliationest, en principe, la règle.

Il est rassurant de constater que les droits de la défense finissent tou-jours par triompher en dépit de la position des uns et des autres.

Que dire en effet de l’attitude du conseil du salarié, dans ce dossier,qui a non seulement accepté d’assister aux débats sans la présencede son confrère, mais surtout sollicité une condamnation provisionnelle(sans doute dans l’intérêt de son client…) si ce n’est qu’elle participe,à sa manière, de la violation des droits de la défense ?

Il est en revanche regrettable que ses principes ne soient pas plusrigoureusement appliqués au niveau de la première instance.

olivier BarrautAvocat au Barreau de Lyon

SELAS Jacques Barthélémy et associé[email protected]

PRINCIPAUX ATTENDUS

« « Attendu que la société IPC comparaissait à l’audience du bureaude conciliation du 11 avril 2011 représentée par son avocat, qui étaitmuni d’une lettre de représentation dans laquelle le gérant de lasociété Monsieur G, invoquait des obligations impérieuses ne luipermettant pas d’être présent en personne ;

Attendu que la juridiction refusait cette représentation ;

Attendu qu’elle ne pouvait agir ainsi sans méconnaître les droits dela défense ;

Attendu qu’il lui incombait de déclarer le motif d’absence non légitimeet d’ordonner la présence personnelle du gérant de la société IPC àl’audience statuant par une décision expresse et spécialementmotivée ;

Attendu que l’ordonnance du 11 avril 2011 n’est pas motivée, ce quil’entache de nullité et la prive de tout effet ; »

Cour d’appel de Lyon, ch. soc., 23 mai 2012,

n°11/02795

Procédure en référé et communication de pièces

Cour d’appel de Lyon, ch. soc., sect. B, 17 octobre 2012, n° 11/07915

EXPOSE DES FAITS

Un salarié, embauché par une société commerciale, en qualitéd’ingénieur commercial, a été licencié pour cause réelle et sérieuse le8 juillet 2011.

Le 22 septembre 2011, le salarié a saisi la formation des référés duconseil de prud’hommes de Lyon et sollicité un rappel de salaire relatifà la partie variable de sa rémunération et la remise de documents enpossession de son employeur, censés être nécessaires au calcul durappel de salaire dû.

Par ordonnance du 16 novembre 2011, le conseil a dit n’y avoir lieu àréféré et a renvoyé les demandeurs à mieux se pourvoir par-devantles juges du fond.

Le salarié a interjeté appel de cette décision, laquelle a été confirméeen toutes ses dispositions, non sans que le salarié ait été condamnéà payer, à son employeur, la somme de 1.000,00 € au titre de l’article700 du code de procédure civile.

Telle est la décision commentée.

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14Supplément au journal

OBSERVATIONS

1°/ Au cas d’espèce, la procédure de référé engagée par le salariéavait notamment pour finalité d’obtenir la remise de pièces permettantle calcul de la rémunération variable.

Visant, au soutien de sa demande, les seuls articles R. 1455-5 à R.1455-7 déterminant la compétence de la formation de référé, la courd’appel de Lyon a rejeté la demande du salarié.

En effet et sans véritablement s’en expliquer, la cour a retenu que :

- le salarié ne « justifie d’aucune urgence particulière » au titre desmesures fondées sur l’urgence (art. R. 1455-5) ;

- l’appelant ne « justifie pas non plus d’un dommage imminent ou d’untrouble manifestement illicite… » susceptible d’ordonner des mesuresconservatoires (art. R. 1455-6) ;

- il existe « … une contestation sérieuse sur le complément derémunération… » justifiant l’octroi de provision ou l’exécution del’obligation (art. R. 1455-7).

La solution ainsi retenue par la cour d’appel de Lyon, certes sévère, afortiori lorsque le salarié se doit d’indemniser l’employeur au titre desfrais de procès, reste conforme à l’état du droit positif.

2°/ Ainsi et de manière assez classique, la cour d’appel de Lyon a, aucas d’espèce, écarté la compétence de la formation de référé de lajuridiction prud’homale s’agissant des mesures fondées sur l’urgence(art. R. 1455-5) ainsi que de celles s’imposant pour faire cesser untrouble manifestement illicite (art. R. 1455-6).

En effet, le salarié ne justifiait aucune des conditions fixées par cesdeux textes.

Dès lors, seules les dispositions prévues à l’article R.1455-7 du codedu travail étaient susceptibles d’être invoquées au soutien de sademande.

Pour autant, ce texte impose que « l’existence de l’obligation n’est passérieusement contestable ».

C’est précisément l’existence d’une contestation sérieuse qui aconduit la cour d’appel de Lyon à rejeter la demande du salarié sanspour autant s’en expliquer.

Il aurait été souhaitable, s’agissant d’une demande de communicationde pièces et donc de « l’exécution de l’obligation », que le juge, pourparvenir à une telle solution, justifie sa position au regard de la naturemême de l’obligation en cause.

Au cas d’espèce, le salarié sollicitait un rappel de salaire concernantla partie variable de sa rémunération et demandait, à ce titre, que luisoient communiqués les documents de l’employeur permettant, selonlui, de déterminer et valider son décompte.

Or, s’agissant d’un litige relatif à une demande de rappel de salaire,c’est au demandeur, conformément au principe gouvernant toutprocès, qu’il appartient de justifier le bien-fondé de sa demande.

En d’autres termes, la cour d’appel de Lyon aurait dû préciser quel’obligation de transmettre les éléments demandés par le salarié étaitsérieusement contestable dans la mesure où l’employeur n’estcontraint par aucun texte à remettre de telles pièces.

Tel n’aurait bien évidemment pas été le cas si le litige avait porté surune demande de rappel d’heures supplémentaires dans la mesure oùl’article 3171-4 du code du travail impose à l’employeur de fournir « auJuge des éléments de nature à justifier les horaires effectivementréalisés par le salarié ».

Ainsi et dans une telle hypothèse, une procédure de référé engagéesur le fondement de l’article R. 1455-7 du code du travail aurait trèscertainement prospéré et ce, du reste, conformément à lajurisprudence (CA Versailles, 5ème ch. B, 2 déc. 1994, SNCCARREFOUR MONTESSON c/ X).

3°/ La solution dégagée par la cour d’appel de Lyon aurait sans douteété toute autre si le salarié avait saisi le conseil de prud’hommes deLyon en référé sur le fondement de l’article 145 du code de procédurecivile pour solliciter une mesure d’instruction in futurum.

Sans exposer, ici, les conditions de recevabilité d’une telle procédure,on rappellera que tout intéressé a la faculté, s’il existe un motiflégitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faitsdont pourrait dépendre la solution du litige, de demander au Juge lesmesures d’instruction, légalement admissibles.

C’est ainsi que la jurisprudence a admis qu’un salarié, chauffeurroutier, qui avait constaté des écarts significatifs entre ses disqueschronotachygraphes et les relevés mensuels d’activité figurant sur sesbulletins de salaire, était fondé à réclamer, avant tout litige au fond etdonc en référé, la feuille de calcul détaillée établie par l’employeur àpartir des disques journaliers (Cass. soc., 3 nov. 2005 n°05-40.915,Société NEW TRANS EURO c/ X).

Ce type de procédure, traditionnellement mis en œuvre dans le cadrede procès en concurrence déloyale, paraît aujourd’hui trouver uneapplication en droit du travail, puisque, par un arrêt récent de la Courde cassation (Cass. soc., 19 déc. 2012 n°10-20.526), celle-ci a jugéqu’un salarié qui s’estime victime d’une discrimination en matière derémunération peut saisir la juridiction prud’homale en référé, avanttout procès au fond, pour obtenir la communication de documentsnécessaires à la protection de ses droits et dont seul l’employeurdispose.

Ainsi, les mesures susceptibles d’être ordonnées par le Juge desréférés sur ce fondement paraissent beaucoup moins restrictives quecelles résultant de la procédure de référé « classique ».

Telles seront donc, peut-être, les prochaines procédures que nousaurons à connaître.

Bruno deGuerrYAvocat au Barreau de LYON

SCP Joseph Aguera & Associé[email protected]

PRINCIPAUX ATTENDUS

« Attendu que l’appelant ne justifie d’aucune urgence particulièretelle que visée par l’article R 1455-5 du Code du Travail ;

Qu’il existe en l’état, une contestation sérieuse sur le complémentde rémunération qu’il sollicite et qui fait également obstacle àl’application de l’article R 1455-7 du même Code, que l’appelantne justifie pas non plus d’un dommage imminent ou d’un troublemanifestement illicite sur lesquels le juge des référés pourraitfonder des mesures conservatoires ou de remise en état commeil est dit à l’article R.1455-6 dudit Code ;

Attendu qu’en réalité la présente procédure ne tend qu’à utiliserla procédure de référé pour faire juger le fond ;

Attendu que l’appelant n’établit pas davantage quelle peut êtrel’utilité des documents dont il exige la remise et qu’il appartiendra,le cas échéant, au juge du fond, de tirer toutes conséquences de

droit d’un refus de communication de ces documents s’il apparaîtqu’ils sont indispensables à la solution du litige ;

Attendu que l’ordonnance attaquée sera par conséquentintégralement confirmée ;

Attendu que pour assurer la défense de ses intérêts devant laCour, la société intimée a été contrainte d’exposer des frais noninclus dans les dépens qu’il paraît équitable de laisser, au moinspour partie, à la charge de l’appelant ;

Que celui-ci sera donc condamné à lui payer une indemnité de1.000 € par application de l’article 700 du Code de ProcédureCivile. »

Cour d’appel de Lyon, ch. soc., sect. B, 17 octobre 2012,

n° 11/07915

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15Supplément au journal

Constitution de partie civile d’un syndicat dans le cadre depoursuites pour tromperie

Cour d’appel de Lyon, ch. corr., 18 décembre 2012, n°12/01035

EXPOSE DES FAITS

La firme américaine REYNOLDS, dont la plupart d’entre nousconnaissent notamment les stylos jetables et autre accessoires depapeterie et de bureau, eut des sites de fabrication en France, endernier lieu à proximité de Valence.

Ce site a été définitivement fermé en 2007, dans le cadre d’unedélocalisation de la production en Chine et en Tunisie.

D’anciens salariés de ce site, dont des syndicalistes, peu rancuniersmais avisés, ont continué d’acheter des produits de cette marque, etont constaté que leurs emballages étaient étiquetés « fabricationfrançaise », tandis que les stylos et autres effaceurs d’encrecomportaient eux-mêmes une discrète mention « made in China ».

La DGCCRF, informée de ces faits, diligentait une enquête,notamment au sein des hypermarchés de la région distribuant lesproduits REYNOLDS, et confirmait la réalité – en en dévoilantl’ampleur (plus d’un million d’emballages erronés) - des anomaliesainsi portées à sa connaissance.

En l’état de cette situation, ont été poursuivies devant le tribunalcorrectionnel de Valence les sociétés NWL Valence Services(anciennement SAS REYNOLDS, titulaire de la marque en France) etNWL France Services (chargée de la commercialisation des produits),toutes deux appartenant au groupe international Newell Rubbermaid,des chefs d’utilisation de fausses mentions quant à l’originegéographique de leur marchandise (art. L.217-6 du Code de laconsommation), et de tromperie sur l’origine et les qualitéssubstantielles de ladite marchandise (art. L.213-1 du même code).

Se sont constituées parties civiles (outre un consommateur alsacienisolé mais opiniâtre, réclamant le remboursement d’un stylo pour 1,40€), la Fédération départementale des familles rurales de la Drôme,l’Union fédérale des consommateurs de la Drôme, ainsi que leSyndicat CFDT « Chimie Energie Dauphiné-Vivarais ».

Par jugement du 17 janvier 2012 et au plan pénal, le tribunal deValence a relaxé la société NWL Valence Services des deux chefs deprévention, et déclaré coupable la société NWL France Services,partiellement relaxée, du chef d’utilisation de fausses mentions surl’origine des produits, la condamnant à une amende de 10 000 €.

Au plan civil, le tribunal (faisant par ailleurs globalement droit auxdemandes du consommateur alsacien) a déclaré recevables lesconstitutions de partie civile des deux associations précitées, quoiqueles déboutant de leurs demandes.

Il a également déclaré « recevable en la forme » la constitution departie civile du syndicat CFDT, mais « irrecevable quant au fond, enl’absence de préjudice direct ».

Sur appel de l’ensemble des parties (dont le parquet et à l’exceptionde la société relaxée), la cour d’appel de Grenoble, par arrêt du 18décembre 2012, a déclaré coupables les deux sociétés poursuiviespour l’ensemble des faits reprochés, les condamnant chacune à uneamende délictuelle de 15 000 €, et les a condamnées à verser àchacune des parties civiles (exception faite du consommateuralsacien, qui s’était entretemps désisté de ses demandes), la sommede 3000 € à titre de dommages-intérêts, outre 600 € sur le fondementde l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

C’est la décision brièvement commentée ici.

OBSERVATIONS

Cet arrêt, dont l’originalité de la motivation ne saurait nous empêcherde l’approuver, nous rappelle (tout comme le jugement qu’il réforme,

d’ailleurs) qu’en matière de constitution de partie civile des syndicatsprofessionnels, rien n’est jamais très limpide, surtout en présenced’infractions non spécifiques au droit du travail.

Et de fait, ce n’est jeter la pierre à personne qu’affirmer que lors decertaines audiences (et évidement à la lecture de certainesdécisions), nous avons parfois la désagréable impression que lesorganisations syndicales semblent suspectées de se prévaloir depréjudices plus ou moins fictifs, et de chercher, pour le diretrivialement, à obtenir des indemnités en dehors de tout dommagedirect et effectif.

Nous nous garderons bien de généraliser ou de nous laisser aller à demédiocres procès d’intention, et il nous faut à l’inverse reconnaîtreque ces incompréhensions trouvent un terreau favorable dans larédaction du texte de référence servant de fondement à l’action civiledes syndicats.

L’article L.2132-3 du code du travail, il ne nous semble pas inutile dele rappeler, est en effet rédigé ainsi :

« Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droitsréservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudicedirect ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ilsreprésentent. »

Ce texte, entièrement dérogatoire aux principes généraux du droit desobligations et même aux articles 2-1 et suivants du code de procédurepénale relatifs à la possibilité, pour certaines associations, d’exercerles droits réservés aux victimes, introduit deux abstractions qui, secombinant, se révèlent propices à l’interprétation sinon à la contro-verse.

En admettant d’une part le caractère réparable d’un préjudice indirect,et d’autre part la prise en compte de l’atteinte à un intérêt collectif, lelégislateur a certes fait œuvre historique et selon nous salutaire mais,de fait, a permis l’émergence d’une jurisprudence peu homogène,parfois purement contra legem, et jamais totalement dépourvue d’am-bigüité, notamment en ce qu’est rarement tranchée la question de ladistinction entre le préjudice du syndicat et celui des salariés qu’ilreprésente, il est vrai variable selon la nature des infractions repro-chées.

On ne sait trop, à cet égard, ce que la Cour de cassation entend elle-même contrôler ou à l’inverse laisser à l’appréciation des juges dufond.

Elle a ainsi pu juger, dans un arrêt significatif à défaut d’être tout à faitrécent, dans une affaire de violences volontaires commises sur leslieux du travail, « qu’en l’état de ces énonciations, relevant d’uneappréciation souveraine des circonstances de la cause, qu’ils quali-fient de « très particulières », et dont ils ont pu déduire que les infra-ctions poursuivies avaient, en l’espèce, porté préjudice à l’intérêt col-lectif des professions représentées par les organisations syndicales,les juges ont justifié leur décision (…) » (Cass. crim., 15 févr. 1994,n°92-85568).

Plus récemment, de manière moins alambiquée et plus autoritaire,elle a jugé « irrecevable la constitution de partie civile d’un syndicatdès lors que le préjudice indirect qui serait porté à l’intérêt collectif dela profession par les délits poursuivis, ne se distingue pas du préju-dice indirect qu’auraient pu subir les salariés. » (Cass. crim., 29 nov.2000, n°99-80.324 pour un délit d'abus de biens sociaux)

Dans le même ordre d’idée, qui nous paraît illustrer ces incertitudes,la Cour de cassation a pu décider qu’était recevable l’action d’unsyndicat dans le cadre de poursuites exercées contre un employeurdu fait de la violation du secret médical à l’occasion du contrôle desarrêts maladie des salariés (Cass. crim., 27 mai 1999, n°98-82.978),

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16Supplément au journal

sous la responsabilité de :

Yves Fromont

Fromont Briens40 rue de Bonnel,

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Pierre Masanovic

Antigone Avocats60 Rue Jaboulay, 69007 LYONtél : 04-78-72-27-29

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mais non en cas de harcèlement d’un salarié sur son lieu de travail parson supérieur hiérarchique, faute d’atteinte à l’intérêt collectif de laprofession que représente le syndicat. (Cass. crim., 23 janvier 2002,n°01-83.559),

De tels exemples pourraient être multipliés, mais il convient designaler un arrêt récent, rendu dans une affaire de prise illégaled’intérêts, où la cour de cassation a admis la recevabilité de laconstitution de partie civile de syndicats après avoir retenu que « pourdéclarer irrecevable la constitution de partie civile des syndicats, l’arrêtse borne à énoncer que ceux-ci n’allèguent pas un préjudice indirectporté à l’intérêt collectif de la profession, se distinguant du préjudicelui-même indirect qu’auraient pu subir individuellement les salariés del’entreprise ; mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que lesfaits de prise illégale d’intérêts dénoncés par eux, à les supposerétablis, rendent possible l’existence d’un préjudice, fût-il indirect, auxintérêts moraux de la profession qu’ils représentent, et distinct de celuiqu’ont pu subir individuellement les salariés (…) » (Cass. crim., 27 juin2012, n°11-86.920).

Cet arrêt relance sans doute plus la question qu’il ne l’épuise, et il nes’agissait en l’occurrence « que » de la question de la recevabilité dessyndicats au stade de l’instruction préparatoire, mais il nous sembletémoigner d’une ouverture d’esprit bienvenue : il est d’ailleurs déjàcritiqué, c’est un signe.

L’espèce rapportée, à son plus modeste niveau, témoigne égalementdes ambigüités dont nous parlons.

Les faits y sont relativement atypiques (infractions au code de laconsommation rarement poursuivies – même si l’actualité nouspromet un renversement de tendance, salariés susceptibles d’êtreconcernés qui n’étaient déjà plus salariés au moment de lacommission desdites infractions), les décisions auxquelles elle adonné lieu le sont presque autant.

Ainsi qu’il a été dit supra, en premier ressort, le tribunal de Valence adéclaré « recevable en la forme » la constitution de partie civile dusyndicat CFDT, mais « irrecevable quant au fond », « en l’absence depréjudice direct », sans meilleure explication, ni égard pour la lettremême de l’article L. 2132-3 précité du Code du travail.

La Cour d’appel de Grenoble, moins réfractaire à appliquer les textes,a néanmoins pris sa part d’originalité, non dans la solution adoptée(qui nous paraît devoir être approuvée), mais par sa motivation.

« Le syndicat (…) est également recevable en son action, sur lefondement de l’article L.2132-3 du Code du travail et bien-fondé enses réclamations, ses adhérents étant particulièrement sensibilisés àla commercialisation des produits auxquels certains d’entre euxavaient participé préalablement, ce syndicat étant implanté au sein dela société REYNOLDS lorsqu’elle fabriquait encore les produitslitigieux. »

En quoi la cour, sans le dire et peut-être même sans le savoir, sembleconditionner l’existence d’une atteinte à l’intérêt collectif professionnelque représente le syndicat, au constat préalable de l’existence d’uneatteinte aux intérêts individuels des salariés (qui d’ailleurs ne l’étaientplus), ce qui nous paraît à la fois superfétatoire et contraire à l’espritdu texte dont il est fait application.

L’application de l’article L.2132-3 du Code du travail gagnerait sansdoute, et les plaideurs tout autant, à être débarrassée d’une rédactionaussi dangereusement abstraite.

Karine tHieBaultAvocat au Barreau de Lyon

SCP Antigone [email protected]

PRINCIPAUX ATTENDUS

« Le syndicat chimie énergie Dauphiné Vivarais CFDT estégalement recevable en son action, sur le fondement de l’articleL.2132-3 du Code du travail et bien-fondé en ses réclamations,ses adhérents étant particulièrement sensibilisés à lacommercialisation des produits auxquels certains d’entre eux

avaient participé préalablement, ce syndicat étant implanté en sonsein de la société Reynolds lorsqu’elle fabriquait encore lesproduits litigieux. »

Cour d’appel de Lyon,ch. corr., 18 décembre 2012;

n°12/01035