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مغربية اململكة ال
ROYAUME DU MAROC
INSTITUT AGRONOMIQUE
ET VETERINAIRE HASSAN II
هد حسن مع ل ني ا ا ث ل عة ا ا ر ز ل ل
طرة ي ب ل ا و
Adresse : Madinat Al Irfane, B.P. 6202. Rabat – Maroc Téléphone : (00 212) 0537 77 17 58/59 Télécopie : (00 212) 0537 77 58 45 Site web : http://www.iav.ac.ma
المغرب –الرباط المعاهد الرباط 2626العنوان: ص. ب (212 00) 2951 11 71 95 / 95الهاتف: (212 00)2951 11 95 59 الفاكس:
http://www.iav.ac.ma موقع األنتيرنت:
THESE
présentée
pour l’obtention du titre de
DOCTEUR DE L’INSTITUT AGRONOMIQUE ET VETERINAIRE HASSAN II
Formation Doctorale: Sciences Agronomiques et Agro-alimentaires
Unité de Recherche : Connaissance et maitrise des ennemis des cultures
par
Sory CISSE Intitulée
Etude des conditions et du seuil de grégarisation du
Criquet pèlerin, Schistocerca gregaria Forskäl
(Orthoptera, Acrididae), dans son aire de reproduction en
Mauritanie occidentale
Soutenue publiquement le 21 février 2015 devant le jury composé de :
Dr S. Ghaout, Directeur du CNLA du Maroc Président du jury
Pr A. Mazih, IAV Hassan II Directeur de thèse
Pr M. Sarehane, IAV Hassan II Membre du Comité
Pr L.A. Idrissi Hassani, Université Ibn Zohr Rapporteur
Pr M. Hormatallah IAV Hassan II Rapporteur
Pr. L. El Ghadraoui Université Sidi Mohamed Ben Abdallah, Rapporteur
II
Remerciements Les trois années de travaux de thèse ont été pour moi une véritable aventure humaine
partagée entre le Maroc, la Mauritanie et la France. J’ai connu et apprécié l’acceptation des
différences culturelles au-delà du conditionnement superfétatoire dont les hommes sont
quotidiennement victimes. Souvent, au cœur du désert mauritanien et dans une indifférence
totale de la nature, je me rendais compte véritablement de la vulnérabilité de l’espèce
humaine. Des jours faussement identiques se succédaient dans une durée interminable et les
rencontres fortuites d’agréables populations nomades égayaient notre équipe de travail. J’ai
vécu l'anxiété et même la peur, mais des personnes extraordinaires m’ont aidé à transformer
mes doutes en espoir. Elles ont cru en moi et ont été d'une générosité sans fin.
Tout d'abord, je tiens à remercier Professeur Ahmed Mazih de l’Institut Agronomique
et Vétérinaire (IAV) Hassan II d’Agadir, Professeur Mohammed Sarehane de l’IAV et
Docteur Saïd Ghaout du Centre National de Lutte Antiacridienne (CNLA) du Maroc qui ont
pris en main la direction de cette thèse. Je dis simplement merci à Dr Ghaout pour ses
encouragements et ses conseils avisés qui m'ont aidé à surmonter toutes sortes d'obstacles.
Aussi, j’ai reçu un soutien précieux et respectable du personnel de la station d’Akjoujt en
Mauritanie. Je ne pourrais jamais l’oublier. Merci à Sidi Kamara et Seïdina pour leur agréable
collaboration dans la collecte des données de terrain en particulièrement dans les conditions
difficiles du désert mauritanien. Ils m’ont été une source d’inspiration et m’ont aidé à
persévérer. Mes sincères remerciements sont adressés à Dr Mohamed Abdalahi Babah Ebbe et
à tout le personnel du Centre National de lutte antiacridienne de la Mauritanie pour l'appui
logistique sur le terrain et la collaboration en tout genre pendant mon séjour.
Je remercie particulièrement Dr Cyril Piou du Cirad à Montpellier pour ses
contributions sans limite dans les analyses statistiques de cette thèse. J’ai apprécié ses
précieux conseils, ses critiques et sa patience ainsi que ses qualités humaines. Il m'a beaucoup
donné en partageant ses compétences et surtout en m’aidant à transcender les difficultés. Je
suis reconnaissant également envers la générosité et l'hospitalité de la famille Piou pour
m’avoir bien accueilli dans leur domicile à Puéchabon pendant mes séjours à Montpellier. Je
remercie le personnel du laboratoire du Cirad à Montpellier pour leur aide précieuse lors des
manipulations en laboratoire. Merci à Jean Michel Vassal, Marie Pierre Chappuis, Elène
Jourdan, Antoine Foucart et Pierre-Emmanuel Gay pour les appuis multiformes.
Je suis reconnaissant envers M. Fakaba Diakité et tout le personnel du Centre National
de lutte contre le Criquet pèlerin du Mali pour leur encouragement et leur soutien. J’adresse
III
mes remerciements et ma reconnaissance à Dr Thami Benhalima, ancien Secrétaire exécutif
de la CLCPRO dont le soutien actif a permis la réalisation de ce thème. Je suis également très
redevable à la Commission FAO de lutte contre le Criquet pèlerin en Région Occidentale
(CLCPRO) pour avoir financé cette thèse. Je tiens à remercier Dr Mohamed Lemine
Hamouny, Secrétaire Exécutif de la CLCPRO et Mme Arianna Vignoni du siège de la FAO
pour leur concours actif à toutes les étapes de cette aventure. Je salue la bienveillance des
bureaux de la FAO en Mauritanie et au Maroc.
Mes sincères salutations vont aussi à Dr Jamal Chirane et Saïd Lagnaoui et à
l’ensemble du personnel du Centre National de Lutte Antiacridienne du Maroc pour leur
collaboration. Merci à Dr Abdelghani Bouaïchi pour les discussions passionnantes qui m'ont
aidé à élaborer une démarche plus adéquate. Mes sincères remerciements vont aussi à Keith
Cressman, responsable principal du service d’information de la FAO sur le Criquet pèlerin
(DLIS), pour son soutien et ses conseils permanents. Je suis très reconnaissant envers Dr
Gregory Sword, du Service de la recherche agronomique du Département de l'Agriculture des
États Unis pour ses commentaires constructifs sur certaines méthodologies adoptées dans
cette étude. Ma salutation particulière est adressée à Dr Koutaro Maeno de l’Université de
Kyoto au Japon, qui a partagé avec moi son expérience pendant le travail de terrain en
Mauritanie. Je dédie cette thèse à la mémoire de ma défunte mère.
IV
Résumé
Le Criquet pèlerin, Schistocerca gregaria (Forskal 1775) (Orthoptera: Acrididae),
constitue un ravageur majeur dans plusieurs régions du monde à cause surtout de l’importance
de ses dégâts et de la grande capacité de migration de ses populations à travers un large
espace géographique. La stratégie adoptée pour gérer ce fléau est axée sur la lutte préventive
qui consiste à détecter et traiter les premières pullulations dans les aires traditionnelles de
reproduction afin d’éviter tout départ d’invasion. Afin de mieux expliquer le seuil et les
conditions qui favorisent la grégarisation du Criquet pèlerin dans les conditions naturelles en
Mauritanie occidentale, le présent travail de recherche a été initié. En effet, le seuil de
grégarisation demeure un élément majeur dans la détermination des critères d’intervention
pour minimiser les risques de déclenchement d’une invasion. Cependant, il reste peu connu.
L’influence de certains facteurs environnementaux sur le phénomène de grégarisation est
encore très peu étudiée, surtout en milieu naturel, probablement en raison de la complexité
des paramètres impliqués dans le processus. Les seuils de grégarisation actuellement utilisés
en lutte antiacridienne n'ont été qu’empiriquement supposés et jamais testés en milieu naturel.
L’étude a été effectuée en trois axes indépendants mais complémentaires. Le premier
axe a concerné une analyse fouillée des données historiques de prospection acridienne
disponibles au Centre National de Lutte Antiacridienne de la Mauritanie. Cet axe a permis
d’examiner l'influence de la densité acridienne et la végétation sur la probabilité d'observer
des adultes grégaires de Criquet pèlerin. Aussi, la faiblesse de données historiques portant sur
les densités des larves de Criquets pèlerins a conduit au second axe de cette étude. Cet axe a
été effectué pendant deux saisons des pluies au cours desquelles un échantillonnage de terrain
a été mené dans les aires grégarigènes de la Mauritanie. Il a permis de faire une estimation des
seuils densitaires de grégarisation des larves de Criquet pèlerin en milieu naturel. Le dernier
axe a porté sur une étude de caractérisation en laboratoire du comportement de phase du
Criquet pèlerin à l’aide d’une arène. Cet axe avait pour but de tester une méthodologie simple
et applicable en conditions naturelles pour la détection du statut de phase en vue d’établir une
analogie avec la méthode empirique d’échantillonnage, laquelle est focalisée sur l’apparence
physique des Criquets (couleur et comportement). L’impartialité de cette méthode
d’identification du statut de phase à l’aide d’une arène devrait permettre un examen de la
pertinence de l’échantillonnage empirique utilisé dans les précédents axes.
Les résultats ont montré qu’avec les adultes (ailés) de Criquet pèlerin, la rareté des
habitats favorables contribue à accélérer la concentration et la grégarisation des effectifs
V
acridiens. Une végétation à couverture faible et sèche a montré un seuil de grégarisation plus
bas (208 adultes/ha en moyenne), tandis qu’une structure végétale dense et en pousse a
favorisé la dispersion avec un seuil de grégarisation plus élevé (1525 adultes/ha en moyenne).
Aussi, les résultats obtenus avec l’échantillonnage des larves ont permis d’obtenir un seuil de
grégarisation d’environ 2,45 larves/ha et une large appréciation du niveau d’implication des
facteurs liés à la végétation dans l’inhibition ou la promotion du processus de changement de
phase. L’arène comportementale utilisée dans le troisième axe a permis de détecter un
indicateur du statut de phase d’un groupe d’acridiens à partir du mode de distribution spatiale
des individus. Cet axe a permis une analyse comparée du mode de distribution spatiale aperçu
chez les larves élevées en groupe d’une part et chez les larves élevées en isolement d’autre
part. La mise en cohérence des résultats des différents axes a révélé la validité de la méthode
empirique d’évaluation de la phase en milieu naturel. Cette méthodologie a aussi été menée
avec succès en milieu naturel au cours des travaux de terrain.
Mots clés : Schistocerca gregaria, régression logistique, statistique spatiale, végétation,
polyphenisme, phase, Orthoptera, Acrididae, Mauritanie
VI
Abstract
The Desert locust, Schistocerca gregaria (Forskal 1775) (Orthoptera: Acrididae), is a
major pest in several parts of the world mainly because of its ability to gregarize causing
significant damage to crop and pasture within large geographical areas. The preventive
control strategy adopted by locust affected countries is focused on early warning and early
reaction system which is assumed as a way to decrease the frequency of plagues by
monitoring and controlling population’s size in seasonal breeding areas.
The work presented here was to elucidate the density threshold and the conditions that
promote Desert locust’s gregarization under natural conditions in western Mauritania. Indeed,
the density threshold of gregarization remains a major tool in determining intervention criteria
for minimizing the locust invasion risks. Paradoxically, this one remains less documented.
Also, the influence of environmental factors on the gregarization phenomenon has been
poorly studied, particularly in the field, because of the complexity of involved parameters in
this process. The currently density thresholds for gregarization used in locust control have
been only empirically assumed. These have never been tested in the field.
The study was conducted in three parallel tracks. The first track involved detailing
analysis of historical data of Desert locust survey operations of National Center for Locust
Control in Mauritania. Hence, the information recorded in database was used to examine the
influence of the locust adult’s density and vegetation on the probability of observing
gregarious populations. Then, the second track was needed because of the weakness of
records of hoppers densities information in the database. The latter was performed during two
successive rainy seasons allowing field sampling in seasonal breeding areas of Mauritania.
Accordingly, this track permitted an assessment of Desert locust hoppers density thresholds of
gregarization in field conditions. The final track was focused on laboratory study for
characterizing behavioral phase in Desert locust hopper with spatial distribution analysis in
the arena. It was intended to develop a simple diagnostic tool that could be used in the field
to determine the behavioural phase state of locust populations. Establishing the phase states
from behavioural analysis methodology was expected to discuss the credibility of empirical
sampling method which was used in previous axes.
The results showed that the lowering of suitable habitat due to gradual vegetation
drying accelerates locust adults (winged) crowding. Thus, it has been demonstrated in detail
the change in the density threshold of gregarization as function of habitat heterogeneity. Low
and dry vegetation cover showed a lower gregarization threshold, in contrast dense and green
VII
vegetation cover favored locust dispersion with a higher gregarization threshold. In addition,
the obtained results with field sampling which highlighted the fundamental role of hopper
density in gregarization process and allowed successful assessment of the vegetation factors
involvement level in inhibition or promotion of phase change process. Moreover, the used of
behavioral arena was successful in characterizing phase behavior in Desert Locust. The
method was able to detect the behavioral phase of a group of locusts from the spatial
distribution mode analysis. The reliability of these results verified the strength of the
empirical method of phase assessment on field. This tool allowed establishing an analogy
with the empirical sampling method of locust behaviour that is usually focused on appearance
(colour and behaviour). The methodology has also been successfully implemented in nature
during fieldwork in second track.
Keywords: Desert Locust, Phase polyphenism, vegetation, logistic regression, point pattern
analysis, Orthoptera, Acrididae, Mauritania.
VIII
Sigles et abréviations
AIC Critère d'information d’Akaike
AUC Aire sous la courbe
CAIC Comparaison du Critère d’Information d’Akaike
CE Indice de Clarck & Evans
CIRAD Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique
pour le Développement
CLCPRO Commission de Lutte contre le Criquet pèlerin en Région
Occidentale
CNLA Centre National de Lutte Antiacridienne
CNLCP Centre National de Lutte contre le Criquet pèlerin
DLIS Système d’Information sur le Criquet pèlerin
EMPRES Système de prévention et de réponse rapide contre les ravageurs et
les maladies transfrontières des animaux et des plantes
FAO Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation
IAV Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II
MCMC Chaines de Markov d’échantillonnage de Monte Carlo
NND Distance au plus proche voisin
RAMSES Système de Reconnaissance et de Management de l’Environnement
de Schistocerca grégaria
IX
Liste des tableaux
Tableau 1: Résultats du modèle de régression logistique pour expliquer l’observation des adultes
grégaires du Criquet pèlerin en fonction de la densité, du statut de la végétation (verte, en
reverdissement, en pousse, sèche), et de la couverture végétale (faible, moyenne). Le modèle est sous
la forme: logit[P(grégaire)] ~ Densité des adultes + Statut de la Végétation + Densité des adultes :
Couverture végétale. .............................................................................................................................. 18
Tableau 2: Variation du seuil de grégarisation du Criquet pèlerin [définie lorsque P[(grégaire) = 0.5]
suivant le statut et la couverture de la végétation basée sur la prédiction du modèle de régression établi
dans le tableau 1 .................................................................................................................................... 20
Tableau 3 : Les variables utilisées dans les analyses statistiques (11 variables de la végétation + 1
variable sur la densité larvaire).............................................................................................................. 29
Tableau 4 : Répartition du nombre de larves dans l’arène .................................................................... 31
Tableau 5 : Principaux résultats de l'analyse statistique hiérarchique Bayésienne sur les effets du
traitement des élevages groupé et isolé dans l'agrégation (NND) et les mesures du nombre de larves en
mouvement (activité) dans l’arène à travers le temps. Δα (= αgr - αis) est la différence du niveau
général de NND. Δβ (= βgr - βis) est la différence du niveau global de l’activité. Les moments où Δμt
ou Δρt sont différentes de 0 indiquent qu’en cet instant les deux traitements avaient clairement des
réponses différentes. .............................................................................................................................. 54
X
Liste des Figures
Figure 1 : Les limites des aires d’invasion et de rémission du Criquet pèlerin et subdivision
biogéographique de son aire d’habitat(Sword et al., 2010) ..................................................................... 2
Figure 2 : Cycle biologique du Criquet pèlerin (Symmons & Cressman 2001) ...................................... 3
Figure 3 : Accouplement et Ponte du Criquet pèlerin en Mauritanie le 03/10/2013 ............................... 3
Figure 4 : Larve solitaire de 5ème stade .................................................................................................... 4
Figure 5 : Larve grégaire de 5ème stade .................................................................................................... 5
Figure 6 : Adulte solitaire ........................................................................................................................ 5
Figure 7 : Adulte grégaire immature (Source: CLCPRO) ....................................................................... 6
Figure 8 : Adulte grégaire mature à Akjoujt (Mauritanie) ...................................................................... 6
Figure 9 : Concentration sur un site de ponte et formation d’un Essaim primitif du Criquet pèlerin en
Mauritanie le 2 octobre 2013 ................................................................................................................... 8
Figure 10: Bande larvaire de 5ème stade du Criquet pèlerin en Mauritanie le 3/12/2013 ........................ 9
Figure 11 : Variables de la végétation (Cressman, 2001) ...................................................................... 15
Figure 12: Relations entre les probabilités d’observer des adultes grégaires du Criquet pèlerin sur le
terrain avec les densités et la végétation correspondantes. L'axe des abscisses représente les densités
des adultes par ha. L'axe des ordonnées représente la probabilité d'observer des adultes grégaires dans
les données RAMSES. Les lignes correspondent aux prévisions (+ marges d'erreur) du modèle de
régression logistique de la probabilité d'observer des adultes grégaires selon les densités acridiennes et
pour trois exemples types de la végétation : (a) la végétation sèche et faible, (b) la végétation verte et
moyenne, et (c) la végétation en pousse et dense. ................................................................................. 19
Figure 13: Cursorius cursor, grand prédateur des larves du Criquet pèlerin en Mauritanie 3/12/2012 23
Figure 14 : Carte montrant les sites d'échantillonnage en Mauritanie avec les isohyètes de pluies
(mm/an) et tous les points où l'étude a été menée. Les points gris montrent les sites où les larves ont
été trouvées et l'arène a été utilisée est marquée par un cercle autour du point, les points carrés noirs
montrent les sites où seuls les adultes ont été trouvés. .......................................................................... 28
Figure 15 : Echantillonnage de la végétation sur le terrain en Mauritanie le 10 octobre 2012 ............. 30
Figure 16 : Diagramme montrant l’arène comportementale. A) Vue de dessus, RI Rayon Interne; RE =
Rayon Externe; B) Vue de côté ............................................................................................................. 33
Figure 17 : Photo d’un test avec l’arène comportementale sur le terrain en Mauritanie ....................... 33
Figure 18: Relation entre les probabilités d'observer des larves grégaires sur le terrain vs les densités
larvaires observées. Les abscisses montrent les densités et les classes de densité des larves par m².
L'axe des ordonnées représente la probabilité d'observer des grégaires. L'axe du haut affiche le nombre
XI
d'observations par classe de densité. Les points indiquent les proportions d'observation de larves
grégaires dans les sites d'échantillonnage par classe de densité. Les lignes correspondent aux
prévisions (+ marges d'erreur) du modèle de régression logistique de la probabilité d'observer des
grégaires en fonction de la densité larvaire ........................................................................................... 37
Figure 19 : Relation entre le CE moyen observé avec les larves dans l'arène comportementale en
fonction de la densité larvaire observée sur le terrain. L'axe des abscisses représente les densités
larvaires par m² sur une échelle logarithmique. L'axe des ordonnées représente la valeur observée de
CE moyen des larves testées. Plus la valeur moyenne du CE est faible, plus les larves sont groupées.
Les points sont affichés conformément aux qualifications empiriques du statut de phase et des stades
larvaires: triangle / signe plus = isolé / groupé; noir /gris = 2ème et 3ème stades/ 4ème et 5ème stades.
Les indications sur la droite (groupée, aléatoire et régulière) et les lignes en pointillé correspondent à
l'endroit où les mesures de moyenne du CE deviennent significativement différentes d'une distribution
aléatoire (testé avec 1000 simulations de Monte Carlo du processus complètement aléatoire avec les
numéros correspondant aux individus et la taille de l'arène par rapport aux stades larvaires). Les lignes
en pointillé indiquent la forme de la moyenne d'un modèle linéaire (CE) ~ log (densité larvaire) et
l'intervalle de confiance à 95% de la prédiction. ................................................................................... 39
Figure 20 : Bande larvaire dans une végétation à couverture faible en Mauritanie le 8 novembre 2013
............................................................................................................................................................... 42
Figure 21 : Campement d’une équipe mauritanienne de prospection le 24 janvier 2014 ..................... 44
Figure 22: Photo des conditions d’élevage en laboratoire avec les boîtes d’isolement des larves ........ 49
Figure 23: Vue de l’arène comportementale en laboratoire .................................................................. 49
Figure 24: Vue schématique du dispositif expérimental ....................................................................... 50
Figure 25 : Exemples de photo de distribution aléatoire des larves (gauche) et distribution agrégée
(droite) ................................................................................................................................................... 51
Figure 26: Variation temporelle de la distance moyenne des larves à leur voisine la plus proche (NND)
en cm (axe Y) des élevages isolé (vert) et groupé (noir) de larves dans l'arène. La ligne en pointillé au
centre indique les zones médianes et les zones ombragées avec les couleurs correspondantes
représentent la distribution à 95%. Les zones de chevauchement sont plus sombres. Les lignes rouges
indiquent la distribution médiane à 95% des mesures équivalentes à des positions aléatoires de 10
larves ..................................................................................................................................................... 55
Figure 27 : Variation temporelle du nombre d’individus en mouvement (d'activité) par minute (axe Y)
de larves isolées (vert) et groupées (noir) dans l'arène. La ligne centrale indique les zones médianes et
les couleurs ombragées correspondantes représentent la distribution de 95%. Les zones de
chevauchement sont plus sombres......................................................................................................... 55
XII
Liste des annexes Annexe 1: Fiche FAO de prospection du Criquet pèlerin ..................................................................... 72
Annexe 2: Modèles d’explication du statut de phase par la densité larvaire et chaque variable étudiée
de la végétation : logit(P(Grégaire))~Densité des larves + variable de la végétation .......................... 73
Annexe 3: Les espèces de plantes rencontrées sur les sites échantillonnés avec leur fonction spécifique
à partir de la florule des biotopes du Criquet pèlerin en Afrique du Nord Ouest ” (Duranton et al.,
2012). ..................................................................................................................................................... 76
Annexe 4 : Analyse de l’effet d’attraction potentielle de la lumière d’éclairage de l’arène en condition
de laboratoire. La sequence de photos des 15 premières minutes (où on a observé une différence de
comportement en terme d’activité) de distribution spatiale des larves est présentée. Dans la figure ci-
dessus, les 12 premières images (de a) à l)) correspondent aux tests sur les larves élevées en groupe.
On remarque qu’il n’y a pas une préférence établie sur un endroit particulier de l’arène. Les 10
dernières images (de m) à v)) correspondent à la sequence de photos prises avec les larves élevées en
isolement. Là aussi, on remarque qu’il n’y a pas une préférence établie pour un endroit quelconque de
l’arène. Ces resultats montrent que la lumière n’a pas eu d’effet sur les tests. ..................................... 78
XIII
Sommaire
Remerciements ........................................................................................................................................ II
Résumé ................................................................................................................................................... IV
Abstract .................................................................................................................................................. VI
Sigles et abréviations ............................................................................................................................ VIII
Liste des tableaux ................................................................................................................................... IX
Liste des Figures ...................................................................................................................................... X
Liste des annexes ................................................................................................................................... XII
I. Introduction générale ....................................................................................................................... 1
II. Influence de la végétation sur le seuil densitaire de grégarisation des adultes du Criquet pèlerin à
partir des données historiques de la Mauritanie .................................................................................... 11
2.1. Résumé ....................................................................................................................................... 11
2.2. Introduction ................................................................................................................................ 11
2.3. Matériels et méthodes ................................................................................................................. 14
2.4. Résultats ................................................................................................................................ 16
2.3. Discussion ............................................................................................................................. 20
III. Estimation du seuil densitaire de grégarisation des larves du Criquet pèlerin à partir d’un
échantillonnage de terrain en Mauritanie .............................................................................................. 24
3.1. Résumé .................................................................................................................................. 24
3.2. Introduction ........................................................................................................................... 25
3.3. Matériels et méthodes ............................................................................................................ 27
3.3.1. Sites d’échantillonnage ................................................................................................. 27
3.3.2. Collecte des données acridiennes .................................................................................. 28
3.3.3. Collecte des données de la végétation ........................................................................... 29
3.3.4. Arène comportementale ................................................................................................. 30
3.3.5. Traitement statistique .................................................................................................... 33
3.4. Résultats ................................................................................................................................ 36
3.4.1. Descriptions des stades de développement larvaire ...................................................... 36
XIV
3.4.2. Influence de la densité larvaire et du nombre de stades sur la grégarisation............... 36
3.4.3. Influence de la végétation sur la grégarisation ............................................................. 37
3.4.4. Analyses du comportement à partir du mode de distribution spatiale détecté dans
l’arène ....................................................................................................................................... 38
3.5. Discussion ............................................................................................................................. 39
IV. Caractérisation des différences de comportement dans l’expression du statut de phase des
larves de Schistocerca gregaria à partir des analyses de distribution spatiale ..................................... 45
4.1. Résumé .................................................................................................................................. 45
4.2. Introduction ........................................................................................................................... 46
4.3. Matériels et méthodes ............................................................................................................ 48
4.3.1. Conditions d’élevage des larves du Criquet pèlerin ..................................................... 48
4.3.2. Arène comportementale et collecte de données ............................................................. 49
4.3.3. Prétraitement statistique ............................................................................................... 51
4.3.4. Analyse statistique temporelle ....................................................................................... 52
4.4. Résultats ................................................................................................................................ 53
4.4.1. Différences comportementales entre larves élevées en isolement et larves élevées en
groupe à partir des mesures de distances au plus proche voisin (NND) ...................................... 53
4.4.2. Différences comportementales entre les larves élevées en isolement ou en groupe à
partir du nombre d’individus en mouvement ................................................................................. 55
4.5. Discussion ............................................................................................................................. 56
V. Conclusion générale ...................................................................................................................... 60
Références ............................................................................................................................................. 63
Annexe .................................................................................................................................................. 72
1
I. Introduction générale
Les espèces acridiennes sont divisées en deux categories: les sauteriaux et les locustes.
Les locustes présentent une plasticité phénotypique en réponse au changement de la densité
locale des populations (Uvarov, 1966). Les sauteriaux sont incapables d’exprimer cette
habilité plus connue sous le nom de polyphénisme de phase qui permet aux locustes de
changer radicalement sur le plan morphologique, physiologique et comportemental, de passer
de la forme solitaire à la forme grégaire et vice versa suivant la densité de la population
(Pener, 1991; Simpson et al., 1999). Le Criquet pèlerin appartient à la catégorie des locustes.
À faibles densités, ses adultes se rencontrent souvent pour s'accoupler et se séparent sans
changement de phase. Dans ce cas, ils sont considérés comme des solitaires. Ils sont isolés ou
dispersés dans leur habitat traditionnel situé dans les déserts du Nord et l’Ouest de l’Afrique,
autour de la mer Rouge et en Asie du Sud Ouest. Par contre, si les effectifs de Criquets
pèlerins sont élevés et les conditions de reproduction sont très localisées, les individus
peuvent se concentrer fortement, aussi longtemps que ces conditions demeurent favorables à
la ponte. Cette période est parfois assez longtemps pour provoquer une grégarisation, à savoir
le changement de la phase solitaire à la phase groupée, appelée grégaire. A forte densité et
suivant le stade de développement, les Criquets pèlerins forment des bandes larvaires ou des
essaims pour se déplacer et envahir les cultures et les pâturages (Lecoq, 2005). Les invasions
périodiques du Criquet pèlerin sont connues depuis les temps ancestraux, et ont très souvent
dévasté les campagnes et provoqué la famine dans la plupart des pays concernés (Lecoq,
2004).
L’aire d’invasion du Criquet pèlerin couvre environ 31 millions de kilomètres carrés,
soit presque la totalité de l’Afrique au Nord de l’équateur, la péninsule Arabique et l’Asie du
Sud-ouest, bien que seulement plus de la moitié (54%) de cette surface n’est infestée que par
des essaims migrateurs (Uvarov, 1977; Lecoq, 2004 ). Cette aire concerne l’agriculture et les
pâturages de plus de 60 pays couvrant, soit plus de 20 % des terres émergées et habitées par le
dixième de la population mondiale. Au cours des années de rémission, les populations de
Criquets pèlerins restent cantonnées dans les parties les plus désertiques de l’aire d’habitat
soit environ 16 millions de kilomètres carrés (Figure 1). Les grégaires sont plus résistants aux
conditions écologiques défavorables que les solitaires et ont une amplitude écologique plus
large. Les individus grégaires sont adaptés physiologiquement à l’activité locomotrice à
travers les particularités suivantes : a) leur capacité, après l’éclosion, de survivre plus
longtemps sans nourriture et sans eau que le solitaires ; b) par la suite, comme larves et
2
comme adultes, leur accumulation relativement plus importante de lipide et moins importante
d’eau ; c) une utilisation moindre de réserves alimentaires pour la croissance (y compris la
croissance des œufs), même lorsqu’ils sont relativement sédentaires (au laboratoire) ; d) leur
métabolisme de base plus élevé (Simpson, 2001).
Figure 1 : Les limites des aires d’invasion et de rémission du Criquet pèlerin et subdivision
biogéographique de son aire d’habitat(Sword et al., 2010)
Le Criquet pèlerin, comme tous les autres acridiens, est hétérométabole et passe par trois
stades successifs de développement: l’œuf, la larve et l’adulte (Figure 2). La reproduction a
lieu pendant les saisons humides parce que les précipitations, directement ou indirectement,
fournissent les conditions écologiques pour la maturation, la ponte et le développement des
œufs et des larves. Le choix des sites et le degré de regroupement des pontes sont influencés
par la couverture végétale, la taille des portions de sol nu et le compactage (structure) du sol.
La végétation dense est évitée, le sol nu et léger est préféré (Stower et al., 1958). La
température, la lumière, les paramètres d’humidité du sol et la topographie influencent aussi la
localisation de ces sites de ponte. La topographie détermine quand et où la ponte se produit
parce que les hautes terres reçoivent souvent plus de pluie que les plaines et le ruissellement
peut entraîner des conditions propices à la reproduction sur des dizaines de kilomètres en aval
des oueds de l'endroit où la pluie est tombée (Stower et al., 1958). Dans une oothèque de
solitaires, pour une même ponte, les œufs sont plus petits et donc plus nombreux (120 à 130
œufs en moyenne par ponte chez les solitaires, contre 60 à 80 chez les grégaires). Les
femelles solitaires produisent beaucoup plus d’œufs avec l'âge, tandis que les grégaires
montrent une tendance à produire des œufs de plus grande taille et en quantité moindre au fil
du temps (Maeno & Tanaka, 2008). La quantité d’œufs pondus par femelle grégaire au cours
3
de sa vie est d’environ 130 à 150 alors que chez une solitaire ce nombre est à la fois plus
grand et plus variable. Le nombre d'œufs par ponte est influencé non seulement par la densité
vécue par la mère, mais aussi par la densité vécue par la grand-mère (Maeno & Tanaka,
2008). Potentiellement, dans les conditions optimales, on estime qu’une femelle peut déposer
trois oothèques, soit 300 à 400 œufs. La durée de l’incubation est la même pour les deux
phases : de 11 à 60 jours selon les conditions écologiques (Pedgley, 1981). Au plan
morphométrique, en plus de la différence de taille des larves néonates, il existe des
différences morphométriques entre les larves grégaires et solitaires ; ces différences
s’accroissent avec l’âge (Popov et al., 1991).
Figure 2 : Cycle biologique du Criquet pèlerin (Symmons & Cressman 2001)
Figure 3 : Accouplement et Ponte du Criquet pèlerin en Mauritanie le 03/10/2013
Les phases extrêmes sont très distinctes aux plans éthologique, physiologique et
morphologique (Gordon et al., 2014). Les traits distinctifs évoluent à des rythmes différents.
4
Certains comportements ne prennent que quelques heures (Bouaïchi et al., 1995). La
coloration prend toute une vie. Les muscles et le squelette prennent plusieurs générations
(Stower, 1959; Roffey, 1968; Sword, 2003; Simpson et al., 2005). Aussi, le Criquet pèlerin
présente une pigmentation séquentielle variée chez les larves solitaires en rapport avec
l’histoire individuelle de vie. Les larves solitaires sont homochromes, cryptiques, en accord
avec la couleur de la plante-abri d’une part et avec l’ambiance hydrique d’autre part, allant du
vert au brun (Gillet & Gonta, 1978; Sword, 1999; Tanaka et al., 2011). L’œil des solitaires
est strié, le nombre de stries correspond au nombre de mues (stades). La plupart des individus
sont verdâtres (Figure 4) et le pourcentage le plus élevé des insectes brunâtres est obtenu à
partir des larves néonates de couleur plus sombre à l’éclosion. Chez les grégaires, la
coloration est contrastée: couleur générale à fond jaune, forte maculation noire, œil pigmenté,
foncé (Figure 5). Dans les conditions de forte densité, la couleur de fond est jaune ou orange
et le pourcentage de larves jaunâtres tend à diminuer vers la fin du développement larvaire
quand elles étaient plus noires à l'éclosion (Maeno & Tanaka, 2007). Les transiens ont une
coloration intermédiaire variable, avec des différences entre congregans et degregans,
permettant ainsi de reconnaitre le sens des changements phasaires (Stower, 1959).
Figure 4 : Larve solitaire de 5ème stade
5
Figure 5 : Larve grégaire de 5ème stade
Tout comme les larves solitaires, les ailés solitaires sont cryptiques, de la couleur du
substrat, avec de faibles maculatures fines sur les ailes antérieures et souvent une bande
médiane pronotale claire ; les yeux sont striés; l’unique changement avec l’âge et la
maturation sexuelle est le jaunissement des ailes postérieures (Figure. 6). Chez les grégaires,
après la mue imaginale, la couleur dominante est rose claire (Figure. 7), les maculatures des
ailés sont plus foncées ; le rose devient plus foncé avec l’âge et se transforme en jaune vif
voire jaune soufre à la maturation sexuelle (Figure. 8). Il n’y a pas de bande pronotale, l’œil
est foncé, pigmenté, sans strie visible.
Figure 6 : Adulte solitaire
6
Figure 7 : Adulte grégaire immature (Source: CLCPRO)
Figure 8 : Adulte grégaire mature à Akjoujt (Mauritanie)
Les adultes de Criquets pèlerins solitaires volent la nuit tandis que les adultes grégaires
volent le jour et se déplacent dans le sens du vent (Kennedy, 1951; Waloff, 1966). La
performance au vol est maximum lorsque les insectes sont exposés aux jours longs ou de
durée croissante (Albrecht et al., 1978). Selon Roffey & Magor (2003), pour les premiers
jours après l'envol, les individus, qu'ils soient ailés solitaires ou grégaires marchent et se
nourrissent comme des larves. Puis, le nombre de vols devient de plus en plus important que
leur tégument devienne assez dur pour permettre un vol soutenu. Des groupes entiers
commencent à quitter les zones de la mue imaginale à environ trois à six jours après l'envol.
Au cours des prochains jours, les groupes fusionnent, et commencent à former des essaims.
Environ deux semaines après l'envol, les essaims ou les solitaires effectuent l'une des trois
choses suivantes:
1. émigration, qui a lieu quand la végétation a tendance à se dessécher avec la rareté ou la
fin des pluies saisonnières;
2. maturation sexuelle rapide pour se reproduire encore sur le même territoire, lorsque le
sol est humide et les végétations annuelle et pérenne sont encore vertes.
3. migration sur de courtes distances et reproduction plusieurs mois plus tard, quand la
densité est forte pour le vol.
7
Le processus de grégarisation tel qu’il a été survolé dans les paragraphes précédents, a
plus de chances de se réaliser dans certaines zones géographiques obéissant à une dynamique
spatiotemporelle: les aires grégarigènes. « Une aire grégarigène est une région ou un
ensemble de régions entre lesquelles se font des échanges réguliers de populations,
aboutissant certaines années à des grégarisations importantes pouvant donner naissance à une
invasion généralisée » (Duranton & Lecoq, 1990). Au sein de l’aire grégarigène, les lieux où
s’accomplit effectivement la grégarisation (où prennent naissance les bandes larvaires et les
essaims primitifs) s’appellent les foyers de grégarisation. Fréquemment, des grégarisations sur
de petites surfaces sont enregistrées (Figure 9) dans l’aire d’habitat du Criquet pèlerin.
Toutefois, des grégarisations sur de grandes surfaces, avec production de nombreuses bandes
larvaires et d’essaims, sont moins fréquentes. Ce n’est que lorsque la grégarisation a lieu sur
de vastes superficies en se maintenant pendant plusieurs générations successives qu’une
invasion généralisée peut se déclencher (Lecoq, 1991). Les symptômes d’une invasion
naissante sont bien saillants, évidents pour les spécialistes. Malheureusement, les messages
d’alerte sont peu suivis car l’opinion ne devient attentive que lorsque la menace évolue en
s’approchant des surfaces cultivées (Rachadi, 1991). Parallèlement à l’augmentation des
effectifs, et surtout à celles des densités moyennes, l’acridien devient de moins en moins
sténoïque. L’amplitude de ses déplacements s’accroit considérablement (Uvarov, 1966;
Ferenz & Seidelmann, 2003). Il acquiert une plasticité écologique de plus en plus grande qui
lui permet d’exploiter une gamme beaucoup plus étendue de biotopes, accroissant ainsi les
surfaces colonisables (Popov et al., 1991). Principalement, l’accroissement de la densité et le
conditionnement des ailés s’observent le plus souvent au moment de l’activité reproductrice.
Chez les larves, avec l’accroissement de leurs effectifs dans certains habitats, le
comportement change: des accumulations et des concentrations se produisent. Cela peut se
produire lorsque les larves s’abritent dans la végétation, se chauffent au soleil, s’alimentent,
se perchent ou se déplacent sur le sol. Au cours de ces périodes, les larves commencent à se
sentir attirées les unes par les autres et à former des groupes (Roffey & Popov, 1968). Le
regroupement peut être considéré comme une étape intermédiaire dans le changement de
phase car l’élément déclencheur de la transformation du solitaire en grégaire est le contact
inter individu (Simpson et al., 2001). Par conséquent, la sédentarisation des parents (grâce au
maintien de conditions écologiques favorables localement) devient un facteur déterminant de
la transformation phasaire car elle entraine: a) le regroupement des pontes et la
synchronisation du développement embryonnaire, b) l’agrégation des larves et le
8
renforcement de la transformation phasaire, c) le maintien de la cohésion des populations au
moment de la formation des essaims primitifs (Figure 9, 10) et le renforcement de la
grégarisation qui en résulte (Lecoq, 2005).
Figure 9 : Concentration sur un site de ponte et formation d’un Essaim primitif du Criquet pèlerin en
Mauritanie le 2 octobre 2013
En raison de la diversité des habitats et de la variabilité du comportement de Schistocerca
gregaria, les groupes ne sont formés qu'à partir d'un seuil de densité (Duranton & Lecoq,
1990; Symmons & Cressman, 2001) suffisante pour établir le conditionnement des individus.
Selon Duranton & Lecoq, (1990), en fonction du stade de développement, ces seuils
densitaires de transformation phasaire chez Schistocera gregaria sont approximativement les
suivants :
- Petites larves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 000/hectare (5/m²)
- Grosses larves . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5000/hectare (0,5/m²)
- Imagos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250-500/hectare (0,025-0,05/m²).
Dans la pratique, ce seuil de transformation phasaire effectif peut être sensiblement
différent selon le type de formation végétale et d’une manière générale selon les particularités
écologiques des biotopes (Lecoq, 1991), d’où la nécessité du conditionnement préalable des
individus. Les relations entre les divers facteurs impliqués dans ce processus de grégarisation
apparaissent complexes et jusqu'à présent, ces seuils de grégarisation n'ont été
qu’empiriquement supposés. L'influence des facteurs environnementaux sur ce processus a
été étudiée en utilisant différentes méthodes expérimentales indirectes et qui ont montré
l'influence de la structure de la végétation et d'autres paramètres de l'habitat sur la
grégarisation (Ellis & Ashall, 1957; Collett et al., 1998; Despland et al., 2000; Despland &
Simpson, 2000a,b). Toutefois, le seuil de grégarisation lui-même a été peu exploré,
probablement, en raison de la complexité des paramètres impliqués dans le processus.
9
Figure 10: Bande larvaire de 5ème stade du Criquet pèlerin en Mauritanie le 3/12/2013
Aussi, à l’analyse de ces seuils donnés par Duranton & Lecoq (1990), il apparait une
controverse. En effet, chez les populations grégaires, il existe une grande synchronisation
dans le développement. Sur un site donné, un ou deux stades biologiques seulement sont
couramment observés de manière simultanée. Au contraire, chez les populations solitaires,
bien qu’ils soient de faible densité, des individus de tous les états biologiques (œufs, larves,
ailés) et de tous stades de développement sont fréquemment observés en même temps au
même endroit (Duranton & Lecoq, 1990). Cela suppose, que la définition de seuils de
grégarisation avec des stades de développement presque synchronisés devient discutable, car
ces seuils ne pourraient pas être appliqués sur une population solitaire composite en phase
transitoire d’induction de la grégarisation. Comme nous le savons, la stratégie de lutte
préventive prônée actuellement par les pays affectés repose sur la capacité d’interprétation
rapide des interactions spatiotemporelles entre les densités acridiennes, les habitats et les
autres facteurs écologiques (Lecoq, 2005). Il est donc capital pour nous d’examiner davantage
les conditions et le seuil de densité pouvant induire la grégarisation dans l’habitat traditionnel
du Criquet pèlerin afin d’améliorer cette lutte préventive.
En conséquence, le présent travail de recherche a été initié afin de mieux définir ce seuil et
les conditions qui favorisent la grégarisation du Criquet pèlerin dans les conditions naturelles,
notamment l’influence de la végétation, sur les plans qualitatif et quantitatif, dans le
regroupement et la concentration des insectes. L’originalité de ce travail de recherche réside
sur le fait que c’est la première fois que le seuil de grégarisation sera étudié dans les
conditions naturelles des aires de reproduction traditionnelles du Criquet pèlerin en
Mauritanie. Il s’agit d’un des thèmes prioritaires de recherche retenus lors de l’atelier régional
de la recherche opérationnelle sur le Criquet pèlerin en région occidentale, tenu à Dakar du 05
10
au 09 octobre 2009, et il est en parfaite adéquation avec l’approche EMPRES1, promue par la
FAO, qui est basée sur les concepts clés de la lutte préventive antiacridienne. L’étude est
également en phase avec l’objectif fondamental de la CLCPRO2, à savoir la promotion sur les
plans national, régional et international de toute action, recherche et formation en vue
d’assurer une lutte préventive durable et de faire face aux invasions du Criquet pèlerin dans
ses Etats membres.
Ce travail a été effectué en trois parties indépendantes et complémentaires. Le premier axe
a concerné une étude de l’influence de la végétation sur le seuil densitaire de grégarisation des
adultes du Criquet pèlerin à partir des données historiques de la Mauritanie. En effet, suivant
les données historiques collectées par le Centre National de Lutte Antiacridienne de la
Mauritanie, il a été mené une étude approfondie de l'influence de la densité acridienne
acridienne, de la structure et de l'état de la végétation sur la probabilité d'observer des adultes
grégaires de Criquets pèlerins.
La seconde partie de cette thèse a porté sur l’étude du seuil densitaire de grégarisation des
larves de Criquet pèlerin dans les conditions naturelles en Mauritanie, au cours de deux
saisons des pluies successives (2012 et 2013). Sur la base d’un échantillonnage de terrain
mené dans les aires grégarigènes de la Mauritanie, il a été procédé à une estimation des seuils
densitaires de grégarisation des larves de Criquet pèlerin. L’influence de la végétation dans le
processus a également été étudiée. Une évaluation de la méthode empirique de détection de la
phase du Criquet pèlerin a été faite à l’aide d’une arène comportementale.
Enfin, le dernier axe de cette thèse a porté sur l’étude de caractérisation du comportement
de phase chez les larves de Criquet pèlerin à partir de l’analyse du mode de distribution
spatiale. L’objectif de cet axe était de définir dans une arène comportementale la phase et les
différences en termes d’activités du Criquet pèlerin en fonction du mode de distribution
spatiale détecté avec des larves élevées en groupe d’une part et les larves élevées en isolement
d’autre part. L’usage de cette arène comportementale était destiné à évaluer la méthode
empirique de détection de phase en milieu naturel, laquelle fut largement utilisée dans les
deux précédentes parties.
1 Système de prévention et de réponse rapide contre les ravageurs et les maladies transfrontières des animaux et des plantes, dont la
composante Criquet pèlerin est mise en œuvre avec succès autour de la mer Rouge depuis 1997 et en Afrique du Nord-Ouest et de l’Ouest
depuis 2006.
2 Commission de Lutte contre le Criquet Pèlerin en Région Occidentale, composée de 10 pays d'Afrique de l'Ouest et du Nord-Ouest :
Algérie, Burkina Faso, Libye, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Tunisie.
11
II. Influence de la végétation sur le seuil densitaire de
grégarisation des adultes du Criquet pèlerin à partir des
données historiques de la Mauritanie3
2.1. Résumé
Le seuil de densité qui déclenche le phénomène de grégarisation du Criquet pèlerin n'a
jamais été étudié dans les conditions naturelles. L'influence des facteurs environnementaux
sur ce phénomène a été analysée principalement dans des milieux contrôlés. Sur la base des
données collectées pendant plusieurs années par les équipes de prospection/lutte du Centre
National de Lutte Antiacridienne de la Mauritanie, nous avons analysé, à travers la régression
logistique, l'influence de la densité acridienne, de la structure et de l'état de la végétation sur la
probabilité d'observer des populations grégaires de Criquets pèlerins. Nous avons émis
l’hypothèse de définir des seuils approximatifs de grégarisation chez le Criquet pèlerin adulte
correspondant à la probabilité à 50% de voir ses populations en phase transiens ou grégaire.
Les résultats ont montré, de manière détaillée, la modification de ce seuil en fonction de la
structure et l'état de la végétation. La végétation à couverture faible et sèche a montré un seuil
de grégarisation plus bas, tandis qu’une structure végétale dense et verte a favorisé la
dispersion avec un seuil de grégarisation plus élevé. Ces résultats devraient aider dans la
gestion du Criquet pèlerin, en particulier dans la prise de décision d’entreprendre des
traitements en milieu naturel en fonction de l’interaction dynamique entre la végétation et la
densité acridienne.
Mots clés : Schistocerca gregaria, régression logistique, structure, végétation, polyphenisme,
phase, Orthoptera, Acrididae
2.2. Introduction
Le Criquet pèlerin, Schistocerca gregaria (Forskål, 1775) (Orthoptera: Acrididae), est
une grande menace pour les terres cultivées sur plus de 31 millions de km2, allant de l’Afrique
de l’Ouest au Proche-Orient et à l’Asie du Sud-ouest (Sword et al., 2010). En Afrique de
Ce chapitre a été publié en 2013 dans le journal Entomologia Experimentalis et Applicata, 149: 159–165. Les
auteurs étaient: Sory Cisse1*, Saïd Ghaout2, Ahmed Mazih3, Mohamed Abdallahi Ould Babah Ebbe4, Ahmed
Salem Benahi4 & Cyril Piou5 1Centre National de Lutte contre le Criquet pèlerin, BP E-4281, Rue 313, Porte 261, Quartier du fleuve,
Bamako, Mali, 2Centre de Lutte Antiacridienne, Aït- Melloul, BP 125, Inezgane, Agadir, Morocco, 3Institut
Agronomique et Veterinaire Hassan II, Departement de Phytiatrie, BP 18/S, 80 000 Agadir, Morocco, 4Centre
National de Lutte Antiacridienne, BP 665, Nouakchott, Mauritania, and 5CIRAD, UPR Bioagresseurs: Analyse
et Maîtrise du Risque, F-34398 Montpellier, France
12
l'Ouest et plus particulièrement en Mauritanie, la dernière grande invasion du ravageur est
survenue en 2003-2004 (Lecoq, 2005). Les coûts des opérations de lutte lors de cette dernière
invasion ont été estimés à 400 millions de dollars US, et les volumes de pesticides utilisés à
environ 13 millions de litres (Brader et al., 2006). L’invasion a touché des zones agricoles qui
n'avaient pas été attaquées par des essaims depuis plus de 50 ans. Cette crise, comme les
précédentes depuis les années 1950, était principalement le résultat d'un manque de fonds, au
niveau des pays affectés, pour la mise en œuvre de la lutte préventive (Lecoq, 2005; Sword et
al., 2010). Le principe de cette lutte préventive consiste à surveiller en permanence les aires
d’origine des invasions en détruisant les premières pullulations par des opérations de lutte sur
des superficies limitées, avant que les zones cultivées ne soient attaquées et que l’invasion ne
se propage. Il a été proposé depuis les années 1930 (Uvarov, 1938) avec la compréhension du
polyphénisme de phase.
En effet, le polyphénisme de phase confère à toutes les espèces acridiennes de type
locuste et en particulier au Criquet pèlerin, des capacités de modifications considérables sur
les plans comportemental, morphologique, anatomique et physiologique selon la densité des
populations et les conditions environnementales de son aire d'habitat (Uvarov, 1966; Pener,
1991; Pener & Yerushalmi, 1998; Simpson et al., 1999; Anstey, 2009; Ott, 2010). À faibles
densités, les Criquets pèlerins se rencontrent brièvement pour s'accoupler et se séparent sans
changement de phase. Dans ce cas, ils sont considérés comme des solitaires. Ils sont isolés ou
dispersés dans leur habitat traditionnel situé dans les déserts d’Afrique de l'Ouest et du Nord,
autour de la mer rouge et en Asie du Sud-ouest. Par contre, si les effectifs acridiens sont
élevés et que les conditions écologiques favorables soient très localisées, les individus
peuvent se concentrer fortement, aussi longtemps que ces conditions demeurent favorables à
la reproduction. Cette période est parfois assez longue pour provoquer une grégarisation, à
savoir le changement de phase du solitaire au grégaire (Roffey & Popov, 1968). La migration
des Criquets pèlerins en phase grégaire ne survient que quand les effectifs acridiens aient
augmenté à un point où l'environnement à petite échelle ne peut plus supporter cette
croissance exponentielle de la densité des populations. Par conséquent, le Criquet pèlerin
tente d’étendre sa gamme de distribution à des régions éloignées, constituant ainsi une
menace pour l'agriculture.
Le principal facteur déclencheur de la transformation du Criquet solitaire en grégaire est le
contact (Ellis, 1959; Despland, 2000; Hassanali et al., 2005a; Maeno et al., 2011),
principalement par la stimulation de la face externe du fémur (Simpson et al., 2001). Des
13
études récentes sur la physiologie du Schistocerca gregaria ont montré qu’en présence de
fortes densités de populations, un changement chimique se produit dans son cerveau, lequel
serait responsable de la modification de son comportement (Anstey et al., 2009; Ott & Rogers,
2010; Ott et al., 2011). La grégarisation est considérée comme une forme d'adaptation des
populations acridiennes pour les migrations face aux conditions environnementales très
hétérogènes (Sword, 1999). Les bénéfices nets de la grégarisation sont nombreux et variés:
réduction de la prédation (Gillet & Gonta 1978; Olson et al., 2013) par l’expression
d’aposématisme (Sword, 1999), la possibilité de migration cohérente sur de très longues
distances, et une augmentation de la chance de découvrir une source de nourriture et un
habitat idoine pour la reproduction (Roffey & Magor, 2003). En raison de la diversité des
habitats et de la variabilité du comportement de Schistocerca gregaria, les groupes ne sont
formés qu'à partir d'un seuil de densité, environ 500 adultes/ha (Duranton & Lecoq, 1990;
Popov et al., 1991; Symmons & Cressman, 2001). Les relations entre les divers facteurs
impliqués dans ce phénomène de grégarisation apparaissent complexes et jusqu'à présent, les
seuils de grégarisation réels n'ont été qu’empiriquement supposés. L'influence des facteurs
environnementaux sur ce processus a été étudiée en utilisant différentes méthodes
expérimentales indirectes et qui ont montré l'influence de la structure de la végétation et
d'autres paramètres de l'habitat sur la grégarisation (Ellis & Ashall, 1957; Collett et al., 1998;
Despland et al., 2000; Despland & Simpson, 2000a; Ould Babah & Sword, 2004; van der
Werf et al., 2005). Toutefois, le seuil de grégarisation lui-même a été peu exploré,
probablement en raison de la complexité des paramètres impliqués dans le processus
(Despland et al., 2000).
Dans le cadre de la gestion du Criquet pèlerin, l'Organisation des Nations Unies pour
l'Agriculture et l'alimentation (FAO) et les pays concernés ont adopté une stratégie de lutte
préventive pour tenter d’arrêter l’augmentation des populations acridiennes au début du
processus de grégarisation. Cette stratégie repose sur l'alerte précoce, et la FAO a mis au point
un système qui intègre la collecte, la transmission et l'analyse des informations de terrain. Ce
système comprend des modèles de données météorologiques, de télédétection afin d'évaluer
les conditions environnementales et de prédire l'ampleur, le calendrier et le lieu de
reproduction des criquets et les migrations (Ceccato et al., 2007) . Il est bâti sur des processus
et des mécanismes de collecte et de transmission de données de terrain, de manière presque
simultanée dans les pays concernés (van Huis et al., 2007). Les informations géo-référencées
sur les Criquets pèlerins et les conditions environnementales sont enregistrées par les agents
14
de surveillance et sont transmises presque instantanément par satellite et stockées, puis
analysées par un Système d'Information Géographique (SIG) appelé RAMSES (Système de
Reconnaissance et de gestion de l'Environnement de Schistocerca gregaria (Cherlet, 1994;
Cressman & Hodson, 2009). Ces données sont mises à la disposition de tous les pays affectés
par le Criquet pèlerin. RAMSES est une base de données qui peut stocker des informations
sur la phase des Criquets pèlerins observés sur le terrain (solitaire ou grégaire) et dans de
nombreux cas, des informations sur la densité des Criquets pèlerins et les caractéristiques de
la végétation.
Le présent axe de l’étude vise à mieux définir le seuil densitaire de grégarisation des
adultes du Criquet pèlerin dans le milieu naturel. Il a porté sur l'analyse des données
RAMSES collectées en Mauritanie. Les informations sur la végétation contenues dans la base
de données ont également permis d’étudier l'influence de la végétation sur les seuils de
grégarisation du Criquet pèlerin. La connaissance du seuil de grégarisation devrait aider dans
la prise de décision en rendant proactive la lutte préventive et éviter d’effectuer des
traitements chimiques dans des zones qui ne nécessitent aucune intervention. Le fait d’éviter
de pulvériser des pesticides lorsque cela n'est pas nécessaire présente l'avantage de réduire les
coûts financiers de la lutte, la réduction de la main-d'œuvre et une meilleure protection de la
santé humaine et l'environnement.
2.3. Matériels et méthodes
Nous avons utilisé la base de données RAMSES de la Mauritanie pour la période 2003 à
2011 afin d’explorer les informations sur la densité des Criquets pèlerins, le statut phasaire
des Criquets pèlerins et la végétation. Nous nous sommes concentrés sur certaines variables
de RAMSES portant notamment sur la présence/absence de Criquets pèlerins, le stade de
développement, la phase (solitaire, transiens, grégaire), le comportement, la densité et les
aspects de couverture et état de la végétation. Chaque enregistrement dans RAMSES
s’effectue à un point de surveillance où toutes les variables sont collectées à la même échelle
locale et en même temps par un prospecteur (voir fiche de prospection en annexe 1).
2.3.1. Variables de la végétation: statut et couverture
La variable «statut de la végétation» informe sur l'évolution de la végétation et sa
couleur. Nous avons travaillé avec l'hypothèse que ces observations de la végétation ont été
effectuées conformément aux directives FAO sur la prospection du Criquet pèlerin
(Cressman, 2001). Dans ce cas, pour apprécier l’état de la végétation, les paramètres utilisés
15
indiquent que s’il y a un peu de végétation jaune mais que de nouvelles pousses sont
observées, il est noté «en reverdissement»; s’il y a en mélange végétation sèche et verte sans
signe de nouvelles pousses, il est noté «en dessèchement» ; et si la seule végétation présente
est jaune, il est noté «sèche». La végétation peut aussi être entièrement « verte » ou en
«pousse». Quant à la densité du couvert végétal, elle est estimée en comparant la végétation
visible au sol nu: une densité sera notée comme «faible» lorsqu’il y a plus de sol nu visible
que de végétation; une densité est «moyenne» lorsqu’il y a à peu près autant de végétation que
de sol nu visible; une végétation est «dense» lorsqu’il y a beaucoup de végétation et
quasiment pas de sol nu visible (Figure 11).
Figure 11 : Variables de la végétation (Cressman, 2001)
2.3.2. Variables de la densité des Criquets pèlerins adultes
Les densités des ailés de Criquets pèlerins par hectare (ha) sont estimées, au cours des
opérations de prospection, par les prospecteurs sur des transects pédestres ou par véhicules
conformément aux directives de la FAO (Cressman, 2001). Dans certains cas, ces densités
sont exprimées par sites prospectés au lieu d’être définies comme habituellement par ha. Pour
rapporter ces densités à l’unité de mesure de surface agraire, nous avons pris le nombre de
Criquets pèlerins observés sur ces sites de prospection et considérer comme le nombre
potentiel d’individus présents sur l’ensemble de la superficie prospectée en cet endroit.
L'ensemble de la base de données a alors été filtré de la manière suivante:
- supprimer les enregistrements indiquant l’absence de Criquets pèlerins;
- supprimer les enregistrements sans information sur les densités de Criquets pèlerins;
- supprimer les enregistrements sans information sur la végétation (statut et couverture);
16
- supprimer les cas où la densité est supérieure à 50 000 ind/ha et les essaims;
- supprimer les cas absurdes (densité >10 000 ind/ha où les Criquets pèlerins sont notés
comme solitaires).
Ce filtrage a abouti à un échantillon de 16.119 enregistrements dont 35% portaient sur des
individus grégaires (groupes de transiens ou adultes grégaires) et 65% concernaient les
individus solitaires (isolés ou dispersés). Tous ces enregistrements ont été faits entre 2003 et
2011, couvrant à la fois des périodes de rémission, de résurgence, de recrudescence et
d’invasion. En raison du manque de données sur les densités larvaires (80% des
enregistrements portaient sur la phase grégaire uniquement), l'analyse a été limitée au stade
adulte. Aussi, le statut de phase de Schistocerca gregaria est généralement noté par les
prospecteurs sur la base de la coloration et du comportement des individus, suivant les
directives de la FAO (Cressman, 2001).
2.3.3. Analyse des données
Pour l'analyse les données, nous avons utilisé l’approche de la régression logistique
avec la fonction du lien logit sous la forme binomiale de distribution (forme dichotomique:
grégaire ou solitaire) de la variable à expliquer (phase du Criquet pèlerin). Un premier modèle
a été construit pour expliquer la phase du Criquet pèlerin (grégaire ou solitaire) exclusivement
à partir de la densité des adultes:
logit (P (grégaire)) ~ densité des adultes
Ensuite, nous avons construit d'autres modèles pour analyser l'effet de l'état et de la
couverture végétale en rapport avec la phase du Criquet pèlerin et la densité des adultes. Pour
déterminer les seuils de grégarisation, nous avons examiné l'effet cumulé des variables
explicatives et leurs interactions sur la probabilité de prédire la variable dépendante, à
expliquer de forme dichotomique. Nous avons émis l’hypothèse de définir des seuils
approximatifs de grégarisation chez le Criquet pèlerin correspondant à la probabilité à 50%
d’observer des populations en phase transiens ou grégaire. L’utilisation de la valeur de la
probabilité à 0,5 était strictement indicative. Néanmoins, elle offre la possibilité
d’appréhender les facteurs associés au changement de phase chez le Criquet pèlerin, suivant
les densités supérieures ou inférieures au seuil de grégarisation.
2.4. Résultats
2.4.1. Influence de la densité sur la grégarisation du criquet pèlerin
17
Dans les données RAMSES exploitées, la probabilité d'observer des grégaires est
apparue comme fortement liée à la densité des adultes [Z = 45.81, P <0,001, AIC = 10806
(critère d'information; Akaike, 1973), l'AUC = 94,5 % (aire sous la courbe, Hosmer et
Lemeshow, 2000)]. La valeur critique à partir de laquelle 50 % des Criquets pèlerins observés
étaient grégaires dans ce modèle uni varié a été de 680 adultes /ha.
2.4.2. Influence de la structure de la végétation sur la grégarisation du
criquet pèlerin
Après avoir testé plusieurs modèles pour expliquer la probabilité d'observer les
Criquets pèlerins grégaires en fonction de la densité des adultes et de la couverture végétale et
le statut de la végétation, nous avons choisi le modèle de régression logistique multi variée
avec le statut de la végétation pour influencer l'interception ainsi que la couverture végétale
pour influencer la pente en fonction de la densité (AIC = 10615, AUC = 94,0%; Figure 12).
Dans le modèle, les modalités de référence pour l’analyse de l'état des variables
étaient : végétation en « dessèchement » pour la couverture et végétation « dense » pour le
statut. Le tableau 1 présente les relations entre l'observation de Criquets pèlerins adultes
grégaires et la densité correspondante de Criquets pèlerins avec l’état et la couverture de la
végétation. Ce tableau 1 montre une différence hautement significative observée entre la
végétation en dessèchement et la végétation en pousse (z = - 6,589 et p <0,001), une
différence significative avec la végétation sèche (z = 3,089 et p <0,01) et partiellement avec la
végétation verte (z = - 1.744 et P < 0,1). L'état de la végétation en reverdissement n'était pas
significativement différentiable du dessèchement (z = -0,475 et P > 0,1). Nous avons
également constaté des différences (très) importantes entre couvertures dense, faible et
moyenne (Tableau 1). Ces résultats ont mis en évidence l'influence de la densité et la structure
de la végétation sur la grégarisation du Criquet pèlerin. En considérant la probabilité d'avoir
50% d’individus grégaires comme seuil de grégarisation, nous pouvons calculer des seuils
pour chaque modalité de la couverture végétale et le statut correspondant (Tableau 2). A titre
d’exemple, la Figure 12 montre un seuil de 680 adultes /ha pour la végétation verte et
moyenne (cas b), la plus faible moyenne du seuil de grégarisation était de 208 adultes /ha,
lorsque la végétation est sèche et la couverture est faible (cas a) , alors que le seuil le plus
élevé a été de 1 525 adultes /ha, lorsque la végétation est en pousse et dense (cas c).
18
Tableau 1: Résultats du modèle de régression logistique pour expliquer l’observation des adultes
grégaires du Criquet pèlerin en fonction de la densité, du statut de la végétation (verte, en reverdissement,
en pousse, sèche), et de la couverture végétale (faible, moyenne). Le modèle est sous la forme:
logit[P(grégaire)] ~ Densité des adultes + Statut de la Végétation + Densité des adultes : Couverture
végétale.
Coefficient Estimé SE Valeur de z Pr(>|z|)
(Intercept) -1.8997168 0.0397103 -47.839 <2e-16
Densité des adultes 0.0025545 0.0001413 18.082 <2e-16
Végétation en reverdissement -0.0814573 0.1716030 -0.475 0.635
Végétation en pousse -1.9947165 0.3027357 -6.589 4.43e-11
Végétation sèche 0.6888679 0.2230344 3.089 0.002
Végétation verte -0.0892948 0.0511991 -1.744 0.081
Densité des adultes : Couverture faible 0.0032699 0.0003843 8.509 <2e-16
Densité des adultes: Couverture moyenne 0.0003697 0.0001520 2.431 0.015
19
Seuils de grégarisation des adultes
Grégaire ...PrLogit 3210 CouvVegDensitéStatusVegDensitégrégaire
a)
b)
c)
Solitaire
Figure 12: Relations entre les probabilités d’observer des adultes grégaires du Criquet pèlerin sur le terrain avec les densités et la végétation
correspondantes. L'axe des abscisses représente les densités des adultes par ha. L'axe des ordonnées représente la probabilité d'observer des adultes grégaires dans
les données RAMSES. Les lignes correspondent aux prévisions (+ marges d'erreur) du modèle de régression logistique de la probabilité d'observer des adultes
grégaires selon les densités acridiennes et pour trois exemples types de la végétation : (a) la végétation sèche et faible, (b) la végétation verte et moyenne, et (c) la
végétation en pousse et dense.
20
Tableau 2: Variation du seuil de grégarisation du Criquet pèlerin [définie lorsque P[(grégaire) = 0.5]
suivant le statut et la couverture de la végétation basée sur la prédiction du modèle de régression établi
dans le tableau 1
Statut de la
Végétation
Couverture de la
Végétation
Nbre. d’observations dans les
données sélectionnées
Seuils de
grégarisation (min-
max)1
Dessèchement Dense 1050 744 (704-788)
Faible 765 326 (307-348)
Moyenne 4352 650 (633-667)
Reverdissement Dense 36 776 (700-856)
Faible 62 340 (306-376)
Moyenne 287 678 (619-736)
Pousse Dense 77 1525 (1388-1670)
Faible 66 669 (607-735)
Moyenne 328 1332 (1228-1437)
Sèche Dense 14 474 (386-565)
Faible 49 208 (169-248)
Moyenne 78 414 (339-489)
Verte Dense 1440 779 (738-824)
Faible 863 342 (321-364)
Moyenne 6152 680 (663-698)
1Les valeurs minimum et maximum sont basées sur les erreurs ajustées du modèle (voir
Tableau 1).
2.3. Discussion
Nos résultats ont montré l’influence de la structure de la végétation et la densité sur la
grégarisation du Criquet pèlerin. En effet, nous avons démontré que la couverture végétale
faible et sèche donne un seuil densitaire de grégarisation de près de 200 adultes /ha, alors que
la végétation dense et verte offre un seuil élevé de grégarisation pour atteindre près de 1 500
adultes/ha. Ces résultats révèlent le rôle fondamental de la densité dans la transformation
phasaire du Criquet pèlerin dans le milieu naturel, mais aussi démontrent que le seuil de
grégarisation varie considérablement en fonction de la qualité et la quantité de la végétation.
Au delà de ces résultats sur le seuil de grégarisation, il est apparu une interaction
dynamique entre la densité de grégarisation et l’habitat, consécutive aux rencontres des
21
individus en fonction de l'hétérogénéité du biotope. Ces résultats sont en harmonie avec les
observations antérieures qui soulignaient déjà l’effet de la distribution spatiale de la
végétation, son abondance et les probabilités de grégarisation des Criquets pèlerins (Kennedy,
1939 ; Collett et al, 1998; Despland et al, 2000; Despland & Simpson, 2000a; Ould Babah &
Sword, 2004; Hassanali et al, 2005b; van der Werf et al, 2005). Le choix de modéliser
l'interaction entre la densité et la couverture végétale a donné un résultat intéressant quand on
regarde les différentes courbes de probabilité de grégarisation. Comme observé par Collett et
al. (1998) sur les larves, il a été observé ici sur les adultes de Criquets pèlerins que dans les
ressources agrégées (faible couverture végétale) le passage du solitaire au grégaire est plus
rapide que dans les ressources dispersées (couverture élevée de la végétation) suivant un
gradient de densité. La couverture moyenne et basse de la végétation favorise les rencontres
des Criquets pèlerins. La végétation sèche force les Criquets pèlerins à se rencontrer dans les
maigres ressources utilisables dans une zone donnée. Dans ce cas, les probabilités de
rencontres entre individus augmentent ainsi que la pression des prédateurs naturels (Figure
13) rendant les Criquets pèlerins plus actifs (de Visscher, 1989; Duranton & Lecoq, 1990;
Popov et al., 1991; Greathead et al, 1994, Olson et al., 2013). En outre, il a été démontré dans
les conditions artificielles que les gradients de température peuvent conduire à des
transformations de phase chez le Criquet pèlerin (Ellis & Pearce, 1962). Les zones de faible
couverture végétale où les plantes sont disposées en touffes pourraient produire des
environnements thermiques variables qui favoriseraient plus de contacts et une grégarisation
imminente. Dans ces habitats discontinus ayant une faible couverture végétale et des plantes
sèches ou en dessèchement, les Criquets pèlerins ont donc de fortes chances de grégariser
même à faible densité. Par contre, la végétation dense conduit à la dispersion des individus
dans l'habitat avec moins de chances de rencontres. Un couvert végétal uniforme favorise la
diffusion des Criquets pèlerins (Kennedy, 1939; Ellis & Ashall, 1957). De même, la
végétation verte ou en pousse a tendance à diffuser les individus dans l’espace.
La complexité des paramètres intervenant dans le processus de grégarisation (Rao,
1942; Rainey & Waloff, 1951; Sayer, 1962; Stower, 1969; Roffey & Magor, 2003) et la
difficulté d'installer des dispositifs appropriés pour le suivi de la dynamique de l'insecte dans
les conditions naturelles expliquent probablement le fait que notre étude soit la première étude
concrète à présenter des valeurs de densité à partir desquelles la grégarisation devrait se
produire avec un risque de 50 %. Ces valeurs de seuil, mais aussi le modèle statistique lui-
même, devraient aider les «Centres anti- acridiens » pour décider à quel moment effectuer les
22
traitements chimiques, sur la base des effectifs acridiens et le risque associé de grégarisation.
Si les directives de la FAO sont bien suivies pour l’estimation de la densité et l’évaluation de
la végétation par des équipes de prospection, les responsables de la lutte antiacridienne
peuvent avoir toutes les variables d'entrée pour calculer un risque de grégarisation suivant
notre modèle. Par exemple, un Centre qui accepterait un risque de grégarisation de 5%
pourrait éviter de traiter 200 adultes/ ha si la densité de la végétation est clairement abondante
(dense) et en pousse. Au contraire, si un des rapports des équipes de prospection indique une
densité de 300-400 adultes /ha dans une végétation en dessèchement, une grande précaution
doit être prise parce la grégarisation est en mesure de se produire. Plus particulièrement, notre
étude indique que tous les efforts devraient être déployés, dans les pays concernés par le
Criquet pèlerin, pour maintenir les prospections de terrain lorsque la végétation est en
dessèchement, afin d'éviter toute grégarisation. En outre, cette étude montre que des mesures
qualitatives simples de la végétation, qui sont faciles à collecter par les équipes de
prospection, sont suffisamment solides pour permettre de faire des prévisions sur le risque de
grégarisation. D'autres études pourraient être menées afin de mieux appréhender le rôle
cumulé des autres conditions environnementales telles que la topographie, l’hydrologie, la
structure du sol et la température sur le processus de grégarisation. Tous ces facteurs exogènes
peuvent causer du stress et la grégarisation rapide du Criquet pèlerin (Anstey et al, 2009; Ott
et al, 2011).
Sur le terrain, les prospecteurs devraient accorder plus d'attention aux larves et
collecter d’excellentes données sur leurs densités, lesquelles pourraient être utilisées pour
étudier les conditions qui influencent leur grégarisation, ce qui semble plus complexe pour les
larves que pour les adultes. Ceci est important car la grégarisation des larves pourrait
effectivement se produire plus facilement que celle des adultes (Duranton & Lecoq, 1990).
Suivant les directives de la FAO sur la prospection du Criquet pèlerin, les densités des larves
sont évaluées sur le terrain au moins dans 10 touffes ou 10 fois sur 1 m2. Cela tend à diluer les
densités observées dans les sites à végétation agrégée, car les densités pourraient être élevées
dans une touffe, mais nulles dans d’autres. Cependant, notre méthodologie pourrait être
intéressante pour évaluer le seuil de grégarisation des larves, étant donné que la couverture
végétale est incluse en tant que facteur dans la régression logistique. Cela devrait conduire au
constat que dans une végétation agrégée, le seuil de grégarisation des larves serait faible
comparée à la végétation dispersée comme le laisse supposer l'étude de simulation de Collett
et al . (1998) et les expériences de Despland et al. (2000).
23
Notre échantillon (s’étendant de l’année 2003 à 2011) couvre les périodes de
rémission, de recrudescence et d’invasion, par conséquent, nos résultats devraient refléter une
situation générale. La méthode de filtrage appliquée sur les données permet d’éviter
l'utilisation de cas absurdes, par exemple lorsque la grégarisation était effective depuis
longtemps (c’est généralement le cas des essaims). La base de données RAMSES est une
source d'information appropriée pour analyser les densités des adultes, mais elle contient des
données d'échantillonnage biaisé parce que les agents de prospection cherchent généralement
le Criquet pèlerin dans les endroits où ils l’ont trouvé dans le passé. Il serait nécessaire de
répéter cet exercice avec les données provenant d'autres pays affectés par ce fléau afin
d'élargir notre compréhension et de comparer l'effet potentiel de l'habitat sous différentes
latitudes. Par ailleurs, nos estimations des seuils de grégarisation doivent être testées dans les
conditions naturelles. Aussi, des études sur le statut phasaire et le comportement pourraient
améliorer la précision de l’analyse. Néanmoins, ce travail peut contribuer à améliorer la prise
de décision dans les opérations de lutte préventive et leur planification sur la base des densités
acridiennes et la situation de la végétation observée au cours des prospections acridiennes.
Enfin, la méthodologie présentée ici pourrait également être appliquée à d'autres espèces et
donc aider à l'élaboration de stratégies de prévention de locustes autres que S. gregaria.
Figure 13: Cursorius cursor, grand prédateur des larves du Criquet pèlerin en Mauritanie 3/12/2012
24
III. Estimation du seuil densitaire de grégarisation des
larves du Criquet pèlerin à partir d’un échantillonnage de
terrain en Mauritanie4
3.1. Résumé
Concernant le Criquet pèlerin, Schistocerca gregaria (Forskål 1775) (Orthoptera:
Acrididae), le seuil densitaire de grégarisation des larves demeure très peu connu. Dans le
souci d’estimer ce seuil, un échantillonnage de terrain a été effectué dans les zones
traditionnelles de reproduction saisonnière de la Mauritanie pendant deux années successives,
en période de rémission. Les densités larvaires ont été évaluées sur de nombreux sites
d'échantillonnage en fonction de la distribution spatio-temporelle des populations. La
végétation a également été échantillonnée pour caractériser les habitats. Le comportement des
larves a été caractérisé in situ à l'aide d'une arène comportementale de forme circulaire pour
tester les suppositions préalables sur les phases des larves, lesquelles étaient établies sur la
base de l'apparence physique (couleur et comportement) des individus rencontrés,
conformément aux directives de la FAO. Les résultats des analyses ont permis d’obtenir une
valeur critique de densité, autour de 2,45 larves / m², à partir de laquelle on pourrait
fréquemment observer des larves grégaires en conditions naturelles. La densité est apparue
comme le facteur essentiel susceptible d’expliquer la présence de larves grégaires sur le
terrain. Les niveaux d'implication des paramètres de la végétation, comme la densité des
plantes, la surface terrière, le volume, la distance entre les plantes, l’état de verdissement ou
les variations de cet indicateur, sont apparus faibles dans le déclenchement du processus de
grégarisation comparativement à la densité des larves qui est apparue comme le principal
facteur expliquant la probabilité d’observer des populations grégaires. La couverture végétale
et la hauteur des plantes sont apparues comme les seules caractéristiques de la végétation qui
pourraient influencer la prédiction de l'état de phase ainsi que la densité larvaire. La détection
de la phase des larves à l’aide de l’arène comportementale a donné des résultats similaires à
Ce chapitre est un article présentement en révision avec le Journal Entomologia Experimentalis et Applicata.
Les auteurs étaient : Sory Cissé1,2,3,4,5, Saïd Ghaout3, Ahmed Mazih4, Mohamed Abdallahi Ould Babah Ebbe5,
Cyril Piou1,3,4
,1CIRAD, UMR CBGP, F-34398 Montpellier, France ;2Centre National de Lutte contre le Criquet pèlerin, BP E-
4281, Rue 313, Porte 261, Quartier du fleuve, Bamako, Mali ;3Centre National de Lutte Antiacridienne, Aït-
Melloul, BP 125, Inezgane, Agadir, Morocco ;4Institut Agronomique et Veterinaire Hassan II, Departement de
Phytiatrie, BP 18/S, 80 000 Agadir, Morocco ;5Centre National de Lutte Antiacridienne (CNLA), Nouakchott,
Bp: 665, Mauritanie.
25
ceux établis à partir de la méthode d'évaluation empirique de la phase (suivant les directives
de la FAO), ce qui a crédibilisé davantage la méthode d'échantillonnage de terrain. En outre,
l'utilisation de l’arène comportementale sur les larves a révélé que le comportement de groupe
est une réponse graduelle suivant l’accroissement de la densité. La présente étude pourrait être
un pas en avant dans l’appréhension du seuil densitaire de grégarisation des larves en milieu
naturel. Par conséquent, ces résultats devraient aider dans l’amélioration des prises de
décision d'intervention lors des opérations de lutte préventive.
Mots clés: Schistocerca gregaria, échantillonnage, végétation, Mauritanie, phase,
polyphenisme, Orthoptera, acrididea
3.2. Introduction
Qu’il soit solitaire ou grégaire, le comportement de Schistocerca gregaria (Forskål
1775) (Orthoptera: Acrididae) est gouverné par différents paramètres et seuils liés
principalement aux facteurs exogènes - comme la température, l’humidité, le vent, la
végétation, la présence des congénères (Rainey, 1962; Waloff, 1966; Stower & Greathead,
1969; Uvarov, 1977; Roffey & Magor, 2003; Bazazi et al, 2012). Des études antérieures ont
montré que les facteurs environnementaux notamment la végétation et le climat pourraient
conduire les Criquets pèlerins à se disperser ou à se rapprocher les uns des autres afin de
promouvoir les rapports sociaux (Kennedy, 1939; Rainey & Waloff, 1951; Ellis & Ashal,
1957; Roffey & Stower, 1983; Bouaïchi et al, 1996; Collett et al, 1998; Despland & Simpson,
2000a,b; Despland, 2003). En outre, d’autres études antérieures ont rapporté que le
changement de phase se produit le plus souvent en réaction à la restriction de l'habitat idoine
pour l'alimentation, l'abri ou le perchoir (Sword et al., 2010; Rogers et al., 2014).
Actuellement, la fréquence et la durée des invasions du Criquet pèlerin sont en baisse
en raison de l'adoption de la stratégie de lutte préventive (Magor et al., 2008).
Paradoxalement, il est encore difficile de prévoir les invasions (Cheke & Holt 1993; Holt &
Cheke, 1996; Cressman, 2013 ; Sword et al, 2010), même si plusieurs aspects du
polyphénisme de phase chez le Criquet pèlerin sont bien connus et l'utilisation de la
télédétection dans la surveillance augmente continuellement (Piou et al, 2013; Cressman,
2013 ; Latchininsky, 2013). Cette stratégie de lutte préventive, prônée par la FAO et
l’ensemble des pays concernés par ce fléau, consiste à surveiller en permanence les aires
d’origine des invasions et à détruire les premières pullulations par des interventions de lutte
sur des superficies limitées, avant que les zones cultivées ne soient attaquées et que l’invasion
26
ne se propage (Major, 1994; Lecoq, 2001, 2004; Magor et al., 2008; Cressman & Hodson,
2009). La connaissance des seuils densitaires de grégarisation sous différentes conditions
environnementales pourrait aider dans l’évaluation du risque, et par conséquent dans les prises
de décision d’entreprendre ou non une opération de lutte chimique sur les infestations
acridiennes. Cela permet de sélectionner les infestations qui nécessitent davantage de suivi et
éventuellement des besoins d'une lutte ciblée, au cours des opérations de lutte préventive. Il
est, de nos jours, impératif de réduire la lutte chimique inutile, afin de préserver
l'environnement et la santé humaine et animale en général et améliorer le rapport coût-
efficacité des opérations de lutte antiacridienne.
Des études antérieures ont proposé des seuils de grégarisation des larves sur la base de
l'analyse des interactions entre la densité larvaire et la plante-abri (Roffey & Magor, 2003).
Ces études n’ont pas fourni des seuils de grégarisation par unité de surface, et les méthodes
proposées ne peuvent être appliquées que dans des habitats spécifiques, selon les espèces
végétales testées dans ces études. Aujourd'hui, l’évaluation de la densité larvaire par unité de
surface est largement utilisée dans la surveillance acridienne (Cressman, 2001). Par ailleurs,
les seuils de grégarisation actuellement utilisés dans la surveillance du Criquet pèlerin n’ont
été qu’empiriquement supposés, basés exclusivement sur des expériences de terrain (Popov et
al., 1991). La diversité des facteurs imprévisibles capables d’interférer dans le processus de
grégarisation et les difficultés du travail de terrain compliquent la définition précise de ces
seuils de grégarisation en milieu naturel (Roffey & Magor, 2003).
Dans le chapitre précédent du présent document, nous avons défini des seuils de
grégarisation des adultes du Criquet pèlerin dans le milieu naturel (Cissé et al., 2013). Pour y
parvenir, nous avons utilisé les données historiques de la Mauritanie afin d’étudier
l'interaction entre la grégarisation et la dispersion des Criquets pèlerins en fonction de
l'hétérogénéité de l'habitat. En raison du manque de données sur les densités larvaires dans la
base de données de la Mauritanie, cette étude s’est limitée aux adultes. Comme nous le
savons, la réactivité à la densité est plus importante chez les larves du Criquet pèlerin que
chez les adultes (Ellis, 1963a,b; Gillet, 1973), nous avons donc mené un échantillonnage de
terrain en Mauritanie au cours de deux années successives afin de déterminer les seuils de
grégarisation pour les larves et examiner certains facteurs écologiques qui influencent le
processus de changement de phase.
27
3.3. Matériels et méthodes
3.3.1. Sites d’échantillonnage
La Mauritanie est située en Afrique de l'Ouest. C’est l'un des quatre pays
(Mauritanie, Mali, Niger et Tchad) de la ligne de front des pays affectés par le Criquet pèlerin
et est bien connu comme zone importante de reproduction de l’espèce (Cressman, 2013). Le
pays couvre une superficie d'environ 1,1 millions de km2 et avec presque 75% de territoire
désertique (Ould Babah, 2003). L'étude a été menée essentiellement dans la partie occidentale
de la Mauritanie, ce qui correspond aux habitats du Criquet pèlerin où la pluviométrie
annuelle est très hétérogène dans le temps et dans l'espace variant entre 50 et 100 mm du nord
au sud (Figure 14).
L’échantillonnage de terrain a été mené entre Juillet et Décembre en 2012 et 2013.
Par conséquent, il a été réalisé pendant et un peu après deux saisons des pluies successives.
Les pluviométries enregistrées pendant ces deux années d’étude ont été normales, suivant les
moyennes décénales de pluies enregistrées dans le pays. Ces pluies rares et irrégulières ont
contribué à améliorer les conditions environnementales locales qui sont devenues favorables à
la reproduction et au développement du Criquet pèlerin au cours de la seconde moitié de
l'année. Les reproductions du Criquet pèlerin ont souvent provoqué une augmentation des
effectifs acridiens à petites échelles. Selon les conditions météorologiques et écologiques, les
Criquets pèlerins pouvaient se concentrer, et devenir plus agrégés. Le choix des sites
d'échantillonnage a été orienté par la dynamique de distribution spatio-temporelle des
populations de Criquets pèlerins (Ould Babah, 2003; Piou et al, 2013.). Les activités de terrain
ont été planifiées en fonction de la situation acridienne et des conditions écologiques. Les
équipes opérationnelles du Centre national de lutte antiacridienne (CNLA) déployées sur le
terrain dans les opérations de prospection acridienne ont constamment fourni des informations
qui ont été utilisées pour guider nos itinéraires d'échantillonnage. Cette approche a permis
d'améliorer l'efficacité des activités de terrain et la collecte de données essentielles pour
estimer les seuils de grégarisation des larves du Criquet pèlerin dans leur habitat naturel.
L'échantillonnage a été effectué dans 148 sites avec des topographies très variables (plaines,
dunes, oueds, cuvette). Des grégarisation à petites échelles se sont produites en Mauritanie au
cours de ces deux années sans entrainer une recrudescence majeur ou encore des arrivées
massives de populations de Criquets pèlerins allochtones.
28
3.3.2. Collecte des données acridiennes
Sur chaque site, la collecte des données a été réalisée suivant les directives de la FAO
(Cressman, 2001) et a concerné la densité larvaire, la pigmentation larvaire, la phase larvaire
établie sur la base du comportement (solitaire pour des larves isolées ou dispersées le plus
souvent de couleur verte, et grégaire pour les larves groupées le plus souvent de couleur jaune
avec une teinte noire ou presque entièrement noire, y compris transiens ou totalement
grégaires), le nombre de stades larvaires observés et les stries oculaires. La présence et la
longueur relative des ébauches allaires ainsi que le nombre de stries oculaires ont été utilisés
pour différencier les stades de développement larvaire (Cressman, 2001). La zone infestée
dans chaque site a été évaluée par transect pédestre à travers un ou plusieurs hectares. Au
moins dix touffes ou dix fois 1 m² de surface de sol ont été examinées pour faire l’estimation
de la densité larvaire sur chaque site.
Figure 14 : Carte montrant les sites d'échantillonnage en Mauritanie avec les isohyètes de pluies (mm/an)
et tous les points où l'étude a été menée. Les points gris montrent les sites où les larves ont été trouvées et
l'arène a été utilisée est marquée par un cercle autour du point, les points carrés noirs montrent les sites
où seuls les adultes ont été trouvés.
29
3.3.3. Collecte des données de la végétation
Sur chaque site, la végétation a été évaluée sur un transect
rectangulaire de 500 m de long et 1 m de large dont la direction était orientée de manière
purement aléatoire. Dans cet espace rectangulaire, le nombre de plantes a été compté avec un
compteur à main. Les 80 premières plantes ont été marquées et mesurées (le nombre 80 était
une valeur simplement indicative). Le diamètre large, le diamètre perpendiculaire et la
hauteur de chacune des 80 plantes ont été mesurés. Ensuite, nous avons mesuré la distance qui
sépare individuellement chacune des 80 plantes à sa plus proche voisine en progressant dans
le transect (Annexe 1 où les espèces végétales ont été identifiées à l’aide de la florule réalisée
par Duranton et al. (2012)). Toutes les espèces végétales, annuelles ou pérennes, ont ainsi été
systématiquement échantillonnées. Enfin, une estimation générale de la couverture et du statut
de la végétation a été faite, conformément aux méthodes décrites dans les directives de la
FAO sur les prospections acridiennes (Cressman, 2001). La végétation a été caractérisée sur
chaque site avec 11 variables dont 9 correspondaient aux mesures effectuées le long des
transects et les 2 autres (couverture et statut de la végétation) correspondaient aux variables
d’appréciation inspirées des directives de la FAO (Tableau 3).
Tableau 3 : Les variables utilisées dans les analyses statistiques (11 variables de la végétation + 1 variable
sur la densité larvaire)
Variables utilisées
Densité des larves (/m²)
Densité des plantes (/ha)
Surface terrière totale des plantes (m²/ha)
Hauteur moyenne des plantes (cm)
Volume total des plantes (dm3 / ha)
Distance moyenne entre les plantes (cm)
Statut de la végétation (directives FAO)
Couverture de la végétation (directives FAO)
Coefficient de variation du volume des plantes
Coefficient de variation de la distance entre les plantes
Coefficient de variation de la surface terrière des plantes
Coefficient de variation de la hauteur des plantes
30
Figure 15 : Echantillonnage de la végétation sur le terrain en Mauritanie le 10 octobre 2012
3.3.4. Arène comportementale
Une arène circulaire a été utilisée pour caractériser le statut de phase des Criquets
pèlerins à partir de l'analyse de la distribution spatiale des individus. L'utilisation de ce
dispositif devait permettre d’évaluer nos hypothèses antérieures sur statut de phase établies
sur la base de l’apparence (couleur et comportement) des individus sur le terrain. Le dispositif
a été conçu pour observer les différences potentielles dans le comportement de regroupement
des larves en fonction de leurs histoires de vie en milieu naturel. Cela pourrait fournir plus de
crédibilité à nos données antérieures recueillies de manière empirique, en conformité avec les
directives de la FAO. L'arène circulaire a été construite avec des anneaux concentriques en
feuilles métalliques de couleur blanche avec 10 cm de hauteur et reposant sur une planche en
bois, également, de couleur blanche 160 x 160 cm (Figure 16). La forme concentrique des
anneaux a été conçue pour tenter de comprendre le comportement d'évitement ou d'attraction
entre congénères. Les larves testées dans l'arène ont été placées sur la planche en bois entre
deux anneaux (selon le stade de développement larvaire, les tailles des anneaux étaient
différentes, voir le tableau 4) sans effet de l'habitat.
31
Tableau 4 : Répartition du nombre de larves dans l’arène
Stades de
développement
larvaire
Longueur
moyenne(cm)
d’une larve
Nombre
de larves
à tester
dans
l’arène
Densité
(larves/m²)
Anneaux
utilisés
Rayon5
interne
(cm)
Rayon
externe
(cm)
4 & 5 5 11 7 2 & 1 25 75
2 & 3 2 8 45 3 & 2 10 25
Le nombre de larves testées dans l'arène entre deux anneaux était basé sur
l’hypothèse d’Ellis (1962). Le dispositif a été couvert avec une moustiquaire blanche et
transparente pour éviter que les Criquets ne s’échappent et pour permettre de faire leur suivi.
Pour enregistrer le mode de distribution spatiale et temporelle des larves, un appareil photo
numérique installé au-dessus de l'arène a été utilisé. L’appareil numérique était placé à une
hauteur de 2 m. Aussi, l'appareil était équipé d'un intervallomètre afin d’obtenir des images
toutes les 5 min pendant 21 min. Lors de l’estimation des densités larvaires sur le terrain,
certaines larves étaient capturées pour ensuite être testées dans l'arène. Elles sont
préalablement soumises à une courte stabilisation de 5 ± 1 min dans une bouteille en plastique
transparent de 50 cl. Les bouteilles étaient éloignées les uns des autres pour éviter l’influence
de l’excitation visuelle entre congénères (Despland, 2000). Chaque bouteille était perforée
pour faciliter la circulation de l'air et chaque Criquet pèlerin était placé seul dans une bouteille
unique. Les bouteilles ont été ouvertes dans l'arène pour permettre à chaque larve de se
familiariser avec ce nouvel environnement avec moins de stress. Au regard du fait que cette
étude ait été réalisée au cours d'une période de rémission (aucune invasion acridienne majeure
n’était en cours dans la région), il était courant de trouver différents stades larvaires sur un
même site d'échantillonnage. Par conséquent, nous avons testé séparément des mélanges de
larves de 4ème et 5ème stades et des mélanges de larves de 2ème et 3ème stades de développement.
Cette méthode de mettre ensemble des larves de différents stades (mais très proches) était
orientée par le fait que nous avons supposé que le passage (mue) d’un stade à l'autre devrait se
produire progressivement au sein d'un groupe de larves, particulièrement en période de
rémission. Les larves de premier stade n’ont pas été testées en raison de leur petite taille, ce
5 Il s’agit du rayon des anneaux métalliques, pour en savoir plus voir Figure 16
32
qui serait difficile à observer sur les photos et également elles étaient difficile à trouver et à
collecter sur le terrain.
Aussi, la longueur individuelle des Criquets varie selon leur stade de
développement et selon le sexe, les femelles sont plus grandes que les males (Symmons &
Cressman, 2001). Par conséquent, des tests ont été effectués à différents diamètres des
anneaux concentriques (le tableau 4 donne plus de détails sur l'attribution du nombre de larves
en fonction du stade de développement et de la taille moyenne des criquets). Pour calibrer la
distance sur les photos, un étalon de 10 cm a été fixé sur la planche de bois à l'extérieur des
anneaux (Figures 16 et 17). Tous les tests de comportement ont été réalisés au cours des jours
ensoleillés où la température était située entre 25 et 37 ° C. Cet intervalle de température
devait être approprié pour l'activité larvaire (Symmons & Cressman, 2001). En outre, les tests
ont été effectués lorsque le vent était calme ou avec une vitesse inférieure à 5 m / s. Cela est
important dans les zones désertiques, car le dispositif était toujours placé sur un terrain plat où
le vent fort pouvait apporter du sable qui s'accumulerait à l'intérieur de l'arène. Les tests ont
été réalisés avec succès sur 31 sites sur un total de 107 sites où des larves ont été trouvées.
Les conditions difficiles de terrain (vent trop fort, trop de poussière de sable, trop peu de
lumière, ou trop haute / basse température) ont contribué à la réduction du nombre de sites où
l'arène a été utilisée. Les tests ont été effectués 8 fois avec les larves de 2ème et 3ème stades et
23 fois avec 4ème et 5ème stades.
A)
33
B)
Appareil photo numérique
Support de l’Appareil
Photo numérique
H = 10cm
2m
Figure 16 : Diagramme montrant l’arène comportementale. A) Vue de dessus, RI Rayon Interne; RE =
Rayon Externe; B) Vue de côté
Figure 17 : Photo d’un test avec l’arène comportementale sur le terrain en Mauritanie
3.3.5. Traitement statistique
Les données ont été analysées avec le logiciel statistique R dans sa version 2.15.0
(R Development Core Team, 2012).
34
3.3.5.1. Description des stades larvaires
Pour évaluer l’état de synchronisation du développement larvaire, nous avons
examiné le nombre de stades rencontrés dans les 107sites où nous avons trouvé des larves.
Nous avons calculé la fréquence de chaque stade sur les sites. Nous avons ainsi ajusté le
modèle de régression de Poisson avec la fonction de lien-log pour tenter d'expliquer le
nombre de stades rencontrés dans les sites (N stades) avec la densité et la phase larvaire
correspondante:
larvaire phase larvaire densité~stades Nlog
3.3.5.2. Influence de la densité et du nombre de stades larvaires sur la
grégarisation
Nous avons exploré le lien entre les densités larvaires et la phase du Criquet
pèlerin (déterminée empiriquement suivant les directives de la FAO) à travers les 107 sites où
des larves ont été trouvées. Nous avons utilisé l’approche de régression logistique avec la
fonction de lien logit, sous la forme binomiale (dichotomique: grégaire ou solitaire) de
distribution de la variable réponse (statut de phase larvaire). Le modèle uni varié a été
appliqué pour expliquer le statut de phase en fonction de la densité observée :
larves des Densité ~gregairePlogit
Pour déterminer le seuil de grégarisation, nous avons supposé qu’elle correspondrait à
la densité à la probabilité d'observer 50% de populations grégaires (Cissé et al., 2013). Pour
vérifier si le nombre de stades rencontrés dans chaque site n’a pas été influencé par l'effet de
la densité larvaire sur la phase larvaire, nous avons ajusté aussi un modèle à deux variables:
larvaires stades N larvaire densité~grégairePlogit
3.3.5.3. Influence de la végétation sur le seuil de grégarisation
Nous avons utilisé des modèles de régression logistique avec de multiples variables
pour prédire le statut de phase larvaire en fonction de la densité et de chacune des variables
relatives à la végétation (le tableau 3 montre les 11variables de la végétation utilisées dans les
modèles):
gétationariablesvévlarves des Densité~gregairePlogit
Pour chaque modèle, nous avons calculé les scores de cohérence avec le Consistent
Akaike Information Criterion (CAIC; Bozdogan, 1987) et l'AUC (aire sous la courbe; Hosmer
& Lemeshow, 2000) pour vérifier, dans le souci d’améliorer l'ajustement des données et de
pouvoir les expliquer correctement. Nous avons opté pour le CAIC, comme il a été démontré,
35
pour éviter le fréquent sur-paramétrage de données par l'AIC (le critère d'information
d'Akaike) dans les cas avec un grand nombre d'observations (Bozdogan, 1987). Comme
l'AIC, plus nous avons un score faible de CAIC, plus le modèle est bon.
3.3.5.4. Analyses du comportement suivant le mode de distribution spatiale détecté
dans l’arène
L’approche d’analyse de structure spatiale a été utilisée. Cette méthode est axée sur
l’établissement d’inférence sur le processus sous-jacent en vue d’expliquer une distribution
spatiale générée par des événements (Bivand et al., 2008). Les positions des Criquets pèlerins
dans l'arène ont été digitalisées à partir des images avec le logiciel R et avec l'aide des
pacquages ReadImages (Loecher, 2012) et spatstat (Baddelet & Turner, 2005).
La position individuelle d’une larve sur une image prise à une minute donnée dans
l’arène est enregistrée et la distance de chaque larve à sa plus proche voisine est en même
temps calculée (NND). Cette approche a été utilisée comme mesure de relations spatiales
entre une larve donnée et sa voisine la plus proche. La valeur moyenne du NND pour une
image est une mesure brute d'un modèle de points pour caractériser la structure spatiale. Nous
avons utilisé cette valeur du NND moyen pour calculer l'indice de Clark Evans (CE) (Clark &
Evans, 1954, moins 1 pour centrer sur 0) pour chaque image.
Le CE est une caractérisation de la distribution des individus dans une zone donnée
permettant de mesurer la façon dont ils peuvent être distribués, soit aléatoirement ou non. De
par sa construction mathématique (ici, il est centré sur 0), lorsque le CE est nettement
supérieur à 1, cela indique que les individus sont plus éloignés les uns des autres que dans le
cas d'une distribution aléatoire théorique, ce qui indique une répulsion entre les individus. Par
contre, lorsque le CE est inférieur à 1, les distances entre les individus sont plus courtes que
s’ils étaient distribués de façon aléatoire, ce qui indique une agrégation ou attraction entre les
individus. Ainsi, la mesure du CE peut aider à comprendre les relations entre les Criquets
pèlerins (attraction / répulsion) au sein d'une population sur un site donné. Pour synthétiser 5
temps d'observation par site, nous avons calculé une valeur moyenne de l'indice de CE dans
des instants choisis (à la 1ère, 6ème, 11ème, 16ème et 21ème min). Nous avons utilisé le modèle de
12
1
2
1
1
11
1
n
i
i
n
i
i
thorique
nndn
densité
densité
nndn
nnd
nndCE
36
régression linéaire simple pour expliquer la valeur moyenne de CE observée dans l'arène
comportementale avec la densité larvaire observée dans le site correspondant sur le terrain:
larves) des élog(densit~CE moyenne
Pour évaluer nos hypothèses sur le statut de phase larvaire caractérisée de manière
empirique en fonction de l'apparence des individus sur le terrain, nous avons utilisé le test t de
comparaison du CE moyen des sites où des larves solitaires ont été observées par rapport à la
valeur du CE moyen des sites où des larves grégaires ont été trouvées.
3.4. Résultats
3.4.1. Descriptions des stades de développement larvaire
Du 1er au 5ème stade de développement larvaire, la fréquence d’observation de chaque
stade dans les sites était: 28%, 53%, 64%, 72% et 90%. Seulement, sur 21 sites (19,6%) on a
trouvé un seul stade de développement et les larves étaient toutes au 5ème stade de
développement avec des larves entièrement grégaires sur 17 sites. Nous avons observé que
plus le nombre de stades de développement larvaire observé était élevé, moins on observait la
phase grégaire dans l’échantillon [modèle de régression de Poisson, Estimation: -0,39, Z: -
3,182, P = 0,0015]. Toutefois, aucun effet de la densité des larves n’a été observé sur le
nombre de stades [modèle de régression de Poisson, Estimation: -0,0001, Z: -0,186, P = 0,85].
Cela illustre bien le fait que le développement larvaire était moins synchronisé avec les larves
solitaires qu’avec les larves grégaires.
3.4.2. Influence de la densité larvaire et du nombre de stades sur la
grégarisation
Sur les 107 sites où nous avons rencontré des larves, nous avons observé une relation
significative entre le statut de phase et la densité larvaire [modèle de régression logistique, Z:
4.165, P <0,001, CAIC: 53,292, AUC: 97%] (Figure 18). A partir de ce modèle uni varié, la
valeur moyenne à partir de laquelle 50% de larves grégaires sont observées a été estimée à
2,45 larves / m² (95% intervalle de confiance, variant de 2,25 à 2,70).
Le nombre de stades de développement larvaire observé dans les sites n'a pas eu un
effet significatif sur le statut de phase lorsqu'on le considère dans le modèle bi varié avec la
densité larvaire [modèle de régression logistique, N stades larvaires: Estimation: -0,35 Z: -
1,182, P = 0,237; Densité larvaire : Estimation: 1,977 Z: 4,088 P <0,001, CAIC: 57,523,
AUC: 97%].
37
Figure 18: Relation entre les probabilités d'observer des larves grégaires sur le terrain vs les densités
larvaires observées. Les abscisses montrent les densités et les classes de densité des larves par m². L'axe
des ordonnées représente la probabilité d'observer des grégaires. L'axe du haut affiche le nombre
d'observations par classe de densité. Les points indiquent les proportions d'observation de larves
grégaires dans les sites d'échantillonnage par classe de densité. Les lignes correspondent aux prévisions (+
marges d'erreur) du modèle de régression logistique de la probabilité d'observer des grégaires en fonction
de la densité larvaire
3.4.3. Influence de la végétation sur la grégarisation
Les résultats précédents ont montré que la densité larvaire joue un rôle fondamental
dans l’explication du statut de phase. Les variables de la végétation ont été beaucoup moins
explicatifs du statut de phase comparativement à la variable densité. Les niveaux
d’implication des variables de la végétation dans la promotion ou l’inhibition du processus de
grégarisation ont été très variables avec des niveaux partiellement significatifs dans les
modèles avec la densité des larves (l’Annexe 2 présente un à un les modèles d’explication de
la phase larvaire en fonction de la densité et de chaque variable de la végétation). Les
variables de végétation qui ont contribué partiellement à prédire la phase larvaire (avec une
38
signification statistique proche de P = 0,1) étaient: la couverture végétale et la hauteur des
plantes.
Le modèle comportant la couverture végétale, avec la couverture végétale dense
comme modalité de référence, a été un peu plus explicatif que le modèle uni varié (CAIC
59,336, AUC: 97,7%). Toutefois, les autres modalités n’ont été significatives qu’à P <0,1.
Une faible couverture végétale pourrait favoriser la grégarisation [Couverture végétale faible
(Z: 1.651, P: 0,098), de même qu’une couverture végétale moyenne (Z: 1.766, P: 0,077),
annexe 2]. Avec la hauteur des plantes, les résultats ont montré que plus les plantes sont
hautes, moins il y a de chances que la grégarisation se produise (CAIC: 56,093, AUC: 97,7%,
Z: -1,540, P: 0,123, Annexe 2). Aucun modèle n’a été trouvé avec un CAIC inférieur au score
du CAIC du modèle uni varié exécuté avec la densité des larves (Annexe 2).
3.4.4. Analyses du comportement à partir du mode de distribution spatiale
détecté dans l’arène
Au niveau des 31 sites où l’arène comportementale a été utilisée avec succès, nous
avons observé un effet significatif de la densité larvaire sur la valeur moyenne de CE avec le
modèle de régression linéaire (modèle ajusté R-carré: 0,283; F-statistique: 12.83 sur 1 et dl:
29; P: 0,001) (Figure 19). Une augmentation de la densité de Criquets pèlerins sur le terrain
induirait plus d'attraction entre les individus dans l'arène. Nous avons également observé que
les statuts de phase des larves caractérisées empiriquement comme grégaires ont tendance à se
regrouper et plus proches de leurs congénères que les solitaires (test T: T: 3,7036, Dl: 29, P:
0,0008916; moyenne de CE moyen pour les grégaires: -0,208 vs les solitaires: -0,031).
39
Figure 19 : Relation entre le CE moyen observé avec les larves dans l'arène comportementale en fonction
de la densité larvaire observée sur le terrain. L'axe des abscisses représente les densités larvaires par m²
sur une échelle logarithmique. L'axe des ordonnées représente la valeur observée de CE moyen des larves
testées. Plus la valeur moyenne du CE est faible, plus les larves sont groupées. Les points sont affichés
conformément aux qualifications empiriques du statut de phase et des stades larvaires: triangle / signe
plus = isolé / groupé; noir /gris = 2ème et 3ème stades/ 4ème et 5ème stades. Les indications sur la droite
(groupée, aléatoire et régulière) et les lignes en pointillé correspondent à l'endroit où les mesures de
moyenne du CE deviennent significativement différentes d'une distribution aléatoire (testé avec 1000
simulations de Monte Carlo du processus complètement aléatoire avec les numéros correspondant aux
individus et la taille de l'arène par rapport aux stades larvaires). Les lignes en pointillé indiquent la forme
de la moyenne d'un modèle linéaire (CE) ~ log (densité larvaire) et l'intervalle de confiance à 95% de la
prédiction.
3.5. Discussion
A partir d’un échantillonnage de terrain effectué conformément aux directives de la
FAO (Cressman, 2001), nous avons pu obtenir un seuil densitaire de grégarisation des larves
du Criquet pèlerin dans les conditions naturelles de la Mauritanie. Aussi, nous avons observé
un effet significatif de réduction de l'état grégaire avec le nombre de stades de
développement. Cela montre que les stades de développement étaient moins synchronisés
dans les populations solitaires que dans les populations grégaires. Cette étude a confirmé le
rôle fondamental de la densité dans le processus de grégarisation des larves. Avec l'aide de
40
l'arène comportementale, nous avons pu confirmer que la force du lien de groupe se consolide
progressivement avec la densité des individus. L'évaluation de l'implication des facteurs de la
végétation dans la grégarisation a montré des effets variables des différentes caractéristiques
de la végétation en comparaison avec le rôle essentiel de la densité larvaire. L’étude a aussi
permis de démontrer, à partir de tests in-situ avec une arène comportementale, la solidité de la
méthode empirique de détermination du statut de phase du Criquet pèlerin in situ en
conditions naturelles.
Le changement de phase est bien connu comme étant un processus réversible et
dépendant principalement de la densité des populations (Pener & Simpson, 2009). En effet, le
processus de grégarisation implique un conditionnement préalable des individus, en réponse
aux contacts interindividuels, lesquels augmentent avec la densité locale (Simpson et al.,
2001 ; Guttal et al., 2012). Néanmoins, il a été largement démontré que les caractéristiques de
l'habitat, et en particulier la structure de la végétation, sont en mesure de favoriser ou
d'entraver ces contacts interindividuels (Roffey & Popov, 1968; Bouaïchi et al, 1996; Collet et
al., 1998; Despland & Simpson, 2000a; Despland 2000; Roffey & Magor, 2003; Despland,
2003; Ould Babah & Sword, 2004; Cissé et al 2013). Le seuil de transformation phasaire peut
donc être considéré comme un concept versatile, en fonction des différents types de
végétation et plus généralement des caractéristiques d'habitat. Ainsi, dans le travail de Popov
et al. (1991) les habitats du Criquet pèlerin ont été décrits d'une manière standardisée,
uniforme et analytique. Popov et al. (1991) ont proposé une division en huit classes de biotope
selon les capacités de survie, de reproduction et de grégarisation du Criquet pèlerin. Selon ce
classement, les 7ème et 8ème classes correspondent aux habitats les plus favorables pour la
reproduction et la grégarisation et représentent 4,8% de la superficie totale colonisée par le
Criquet pèlerin. Notre étude a été menée dans ces classes de biotopes en Mauritanie, où la
grégarisation du Criquet pèlerin peut se produire beaucoup plus facilement. Les autres classes
de biotopes (de 1 à 6) offrent de très faibles possibilités de grégarisation du Criquet pèlerin.
Les seuils de densité, suggérés par Popov et al. (1991), susceptibles d’induire la grégarisation
larvaire du Criquet pèlerin n’ont été basés que sur l'expérience de terrain, et ces valeurs de
seuils classées par stades larvaires sont purement théoriques. En effet, c’est seulement dans
les populations grégaires que la synchronisation du développement larvaire peut se produire.
Généralement, sur un site donné, seulement un ou deux stades de développement sont
simultanément observés. En revanche, dans une population solitaire, on rencontre
fréquemment en même temps et au même endroit des individus de tous les états biologiques
41
(œufs, larves, ailés) et de tous les stades de développement (Duranton & Lecoq, 1990). Ainsi,
la définition d'un seuil de grégarisation avec des stades précis de développement qui sont
presque synchronisés n’est pas réaliste parce que le processus de changement de phase se
produit dans une population composite en transition vers l'induction de grégarisme.
En réponse à la versatilité du phénomène de grégarisation, Cissé et al. (2013) ont
décrit 15 valeurs de seuils potentiels de grégarisation des adultes, en fonction de la densité, de
la couverture et du statut de la végétation. La présente étude a été conçue pour examiner le
rôle des différentes caractéristiques de la végétation sur le seuil de grégarisation des larves.
Cependant, nous avons observé un rôle majeur de la densité larvaire et un rôle beaucoup plus
mineur des caractéristiques de la végétation. Avec le Criquet pèlerin, les larves grégarisent
beaucoup plus facilement que les adultes (Gillett, 1973). Contrairement aux ailés, les larves
ont aussi une petite gamme de perception pour apprécier pleinement tout le potentiel de leur
environnement. Ainsi, les larves ne peuvent pas évaluer facilement comme les adultes les
capacités de la végétation pour les besoins d'alimentation, d’abri ou de perchoir. Par
conséquent, le processus de concentration est beaucoup plus localisé pour larves que pour les
adultes. Dans cette situation, la densité à l’échelle locale est beaucoup plus importante pour
les probabilités de rencontres et de grégarisation pour les larves que pour les adultes.
D’ailleurs, des études antérieures ont déjà évoqué ce rôle fondamental de la densité dans la
grégarisation (Uvarov, 1966) sans pour au tant abordé ces détails.
Parmi les variables étudiées sur les caractéristiques de la végétation, le couvert végétal
est apparu comme un facteur important, capable d’influencer le seuil de grégarisation. En
effet, nous avons observé qu’avec une couverture végétale faible ou moyenne la grégarisation
pourrait se produire plus rapidement (Figure 20). Par contre, dans une végétation à couverture
dense, la grégarisation ne pourrait se produire qu’avec une densité plus élevée de larves. Ce
résultat est conforme aux conclusions des études antérieures qui ont montré que la quantité de
la végétation et sa répartition spatiale jouent un rôle dans la grégarisation (Bouaïchi et al,
1996; Collet et al, 1998; Despland & Simpson, 2000a,b). Une végétation clairsemée pourrait
conduire les larves à vagabonder activement de plantes en plantes en augmentant ainsi les
probabilités de rencontres interindividuelles et donc de grégarisation (Ellis & Pearce, 1962;
Collet et al, 1998; van der Zee et al., 2002; van Huis et al., 2008). Nous avons également
observé que la hauteur des plantes a été corrélée négativement avec la probabilité de
grégarisation. En effet, les plantes hautes offrent plus que les plantes basses des possibilités de
perche pour les larves. Ce résultat est également en phase avec l'idée selon laquelle
42
l'augmentation de perchoirs dans une zone donnée pourrait diminuer les risques de contacts
entre les individus et réduire ainsi le risque de grégarisation (Bouaïchi et al, 1996; Ould
Babah & Sword, 2004). D’une manière générale, la faiblesse du rôle des paramètres de la
végétation dans l’expression du changement de phase des larves du Criquet pèlerin pourrait
être liée au fait que les larves ont une faible capacité d’appréciation de l’étendu des
possibilités d’un biotope donné. En effet, du fait que les larves ne volent pas, elles pourraient
donc être beaucoup plus sensibles aux changements de densité qu’aux multiples paramètres
de la végétation.
Figure 20 : Bande larvaire dans une végétation à couverture faible en Mauritanie le 8 novembre 2013
Par conséquent, ces caractéristiques de la végétation doivent être encore étudiées,
notamment sur un grand nombre de sites d'échantillonnage. En effet, en dépit de deux années
intenses de travail de terrain, une seule équipe n’a pu visiter que 148 sites. Par rapport à
l’étude de Cisse et al. (2013) où il a été utilisé 16 119 points d’échantillonnage de données
historiques permettant d’analyser le seuil densitaire de grégarisation des adultes, l'étude
actuelle présente une limite claire dans l’importance des données. Cela est important d’un
point de vue statistique pour pouvoir bien expliquer les impacts des variables secondaires
telles que les multiples caractéristiques de la végétation. Par ailleurs, plus de sites
d'échantillonnage pourraient permettre l'analyse de la différence de seuils de grégarisation
entre les stades larvaires. Cependant, il est important de noter que la plupart de nos sites
présentaient un mélange de stades larvaires. Cette situation est attribuable au fait que le
développement larvaire n’était pas synchronisé dans les populations issues de générations de
solitaires ou de transiens congregans. Pour que la synchronisation s’établisse, une
concentration préalable des adultes au moment de la ponte est nécessaire (Waloff, 1966;
43
Roffey & Popov, 1968). Ainsi, en période de rémission, il serait très difficile de trouver des
populations larvaires composées exclusivement d’un ou de deux stades de développement sur
un même site.
Une autre façon d'aller plus loin dans la compréhension du rôle de la végétation et de
la densité larvaire sur la grégarisation en conditions naturelles serait de mener davantage
d’échantillonnage avec l'arène circulaire utilisée dans la présente étude pour caractériser les
comportements grégaires in situ. Les difficultés rencontrées sur le terrain étaient
principalement dues aux conditions climatiques (vent trop fort, trop de poussière de sable, peu
de lumière, ou trop basse / haute température). Mais une fois que les photos pouvaient être
prises, l'approche de l'analyse de la distribution spatiale révélerait bien un lien entre le
comportement et la densité larvaire. Là encore, la présente étude a montré que la taille finale
de l'échantillon ne permettait pas d’investiguer suffisamment sur les influences de la
végétation sur le comportement du Criquet pèlerin à l’aide de l’arène. Néanmoins, nous avons
pu identifier la réponse graduelle du comportement de groupe en fonction de l’accroissement
de la densité. Une étude de confirmation, beaucoup plus approfondie en conditions naturelles
avec l’utilisation de cette méthodologie est donc nécessaire. L'arène est relativement simple à
mettre en place et est inspirée des travaux antérieurs qui ont démontré clairement une
différence de comportement d’agrégation des larves élevées dans différentes conditions (Ellis
& Pearce, 1962; Ellis, 1963a,b). En outre, un travail de laboratoire sur la caractérisation du
comportement de phase suivant deux modes différents d’élevage des larves (groupe et
isolement) a été conduit avec succès (Cissé et al. Soumis à Entomologia Experimentalis et
Applicata). Les méthodes et résultats de ces travaux sont d’ailleurs décrits dans le chapitre
suivant de cette thèse. Notre méthodologie a aussi été utile dans la validation de la méthode
empirique d’évaluation de la phase en milieu naturel, établie habituellement en conformité
avec les directives de la FAO (Cressman, 2003).
Les directives de la FAO doivent donc être suivies correctement pas les agents de
prospection acridienne afin d’obtenir une image claire et cohérente de la situation de terrain.
Une bonne formation des prospecteurs dans la caractérisation de la phase du Criquet pèlerin à
partir d'observations empiriques est l'une des clés pour parvenir à une bonne gestion du risque
de recrudescence. Notre étude a démontré la nécessité de rester conforme aux directives FAO
dans le suivi opérationnel. Cependant, un des problèmes récurrents des équipes de prospection
demeure la décision à considérer pour l'application ou non de pesticides sur un groupe de
larves, en fonction de la situation de la végétation et de la phase apparente. Notre étude a
44
présenté une relation claire entre la probabilité de grégarisation et la densité des larves et elle
devrait contribuer à aider dans les prises de décisions d’entreprendre ou non la lutte. En effet,
la lutte préventive doit être orientée vers les zones où le risque de grégarisation est clairement
supposé. Les opérationnels de cette lutte préventive (Figure 21) devraient éviter de pulvériser
des produits chimiques sur des cibles qui ne présentent pas de risque important. Tout doit
donc être mis en œuvre pour réduire la lutte chimique et les coûts environnementaux et
économiques des opérations. Les résultats de la présente étude pourraient aider dans ce sens.
Ils pourraient aussi améliorer les modèles antérieurs d'évaluation des risques de grégarisation
(Collet et al., 1998; Despland & Simpson, 2000a; Cressman & Hodson, 2009) et être inclus
dans l'analyse de modélisation du système d'aide à la prise de décision d'intervention.
Figure 21 : Campement d’une équipe mauritanienne de prospection le 24 janvier 2014
45
IV. Caractérisation des différences de comportement dans
l’expression du statut de phase des larves de
Schistocerca gregaria à partir des analyses de
distribution spatiale6
4.1. Résumé
Le comportement des locustes a été largement étudié à travers deux approches
différentes: i) l’analyse de la réponse individuelle face à un groupe de stimulus ii)
l’observation de groupes d’individus en vue d’examiner les modes d'agrégation. Les
méthodologies basées sur les analyses de groupes ont été malheureusement peu explorées par
les récentes études, par conséquent elles n’ont pas été améliorées en termes de potentiel
analyses statistiques. Dans la présente étude, nous proposons des méthodes de statistiques
spatiales axées sur l’approche d'analyse de processus ponctuels pour améliorer l'évaluation
comportementale des groupes de locustes afin de caractériser le statut de phase. Un outil de
diagnostic, pouvant être utilisé en conditions naturelles afin de détecter le statut de phase des
populations du Criquet pèlerin, Schistocerca gregaria (Forskål, 1775) (Orthoptera:
Acrididae), a été développé et testé en laboratoire. La méthodologie reposait sur l’usage d’une
arène comportementale capable d’expliquer la phase du Criquet pèlerin en fonction du mode
de distribution spatiale des individus. Ainsi, le mode de distribution spatiale de 10 larves de
3ème stade de développement élevées en groupe ou en isolement a été caractérisé à partir des
mesures de distances inter individus. Les séquences temporelles de distribution spatiale des
larves dans l’arène ont été enregistrées à l’aide d’un appareil photo numérique avec une prise
de photos à intervalles réguliers. L’approche d’analyse spatiale a été utilisée afin d’établir des
inférences sur le processus sous-jacent qui génère le mode de distribution spatiotemporelle
des larves. Les résultats ont révélé que les larves élevées en groupe ont une plus grande
tendance d’agrégation comparativement aux larves élevées en isolement. Également, les
6Ce chapitre est aussi un article présentement en révision avec le Journal Entomologia Experimentalis et
Applicata. Les auteurs étaient : Sory Cissé1,2,3,4,5, Saïd Ghaout3, Ahmed Mazih4, Hélène Jourdan-Pineau1,
Koutaro Ould Maeno5,6, Cyril Piou1,3,4
,1CIRAD, UMR CBGP, F-34398 Montpellier, France ; 2Centre National de Lutte contre le Criquet pèlerin, BP
E-4281, Rue 313, Porte 261, Quartier du fleuve, Bamako, Mali ; 3Centre National de Lutte Antiacridienne, Aït-
Melloul, BP 125, Inezgane, Agadir, Morocco ; 4Institut Agronomique et Veterinaire Hassan II, Departement de
Phytiatrie, BP 18/S, 80 000 Agadir, Morocco ; 5Centre National de Lutte Antiacridienne (CNLA), Nouakchott,
Bp: 665, Mauritanie ; 6Hakubi Center for Advanced Research & Laboratory of Insect Ecology, Graduate School
of Agriculture Kyoto University, Kyoto 606-8502, Japan.
46
larves élevées en isolement se sont montrées moins actives que les larves élevées en groupe,
du moins au début de l’expérience. Par conséquent, l’approche des statistiques spatiales
proposée dans cette étude pourrait être un moyen efficace d’évaluation de la phase
comportementale du Criquet pèlerin dans différentes conditions.
Mots clés: Criquet pèlerin, Phase, polyphenisme, attraction, répulsion, activité, statistique
spatiale.
4.2. Introduction
L'identification des Criquets pèlerins grégaires n’est pas souvent facile, en particulier
lorsque les mouvements de groupe n’ont pas encore commencé et la pigmentation n’étant pas
aussi un indicateur suffisant de caractéristiques phasaires (Pener & Simpson, 2009). Plus
particulièrement, en milieu naturel, il est difficile d’observer amplement l’ensemble du
processus de changement de phase des Criquets solitaires en Criquets grégaires ou vice versa
car le changement de phase est une combinaison complexe de mécanismes d'adaptation de
l’espèce pour des besoins de performance spécifique destinée à assurer sa survie (Sword et al.,
2000). En effet, le processus de grégarisation est initiée et maintenue par les stimuli provenant
des congénères (Despland, 2000; Rogers et al., 2014), et il s’installe progressivement dans
une population acridienne. Aussi, avec les mécanismes épigénétiques de transmission, le
statut de phase peut être transféré d’une génération à l’autre (Simpson et al., 1999;. Rogers et
al, 2014). Avec le changement du solitaire au grégaire, le Criquet pèlerin devient plus
résistant face aux adversités de la nature (Sword, 1999; Maeno et al, 2013.).
En condition de laboratoire, des Criquets pèlerins grégaires ou solitaires peuvent être
obtenus à partir d’une seule oothèque, juste en élevant certaines larves en groupe et d’autres
en isolement (Lecoq, 1991). Bien que les traits distinctifs évoluent à des rythmes différents,
l’apparition de certains comportements ne prennent que quelques heures (Roessingh &
Simpson, 1994; Bouaïchi et al, 1995; Tanaka & Nishide, 2013). Les phases extrêmes sont
bien distinctes aux plans éthologique, physiologique et morphologique et ne peuvent être
rencontrées qu’en milieu naturel (Hunter-Jones, 1958; Pener & Simpson, 2009). C’est dans ce
contexte qu’il est de plus en plus admis de mettre l’accent sur le comportement comme
caractéristique principale de phase, car il est le premier à changer dans l’initiation du
polyphénisme chez le Criquet pèlerin (Sword, 2003). Le changement de comportement
précède les autres changements phasaires et est le déclencheur des processus auto-catalytiques
conduisant aux autres modifications. Aussi, le comportement d'évitement des Criquets
pèlerins solitaires a été largement investigué à travers différentes méthodes (Tanaka &
47
Nishide, 2013). Cependant, on retiendra que l’essentiel de la biologie du solitaire est gouverné
par le besoin d’être discret et cryptique dans la couleur et le comportement pour échapper aux
prédateurs (Pener & Simpson, 2009), tandis que la biologie du grégaire est gouvernée par le
besoin de la vie en groupe mais avec des déplacements orientés par le besoin d’assurer la
survie de l’espèce (Collett et al., 1998; Sword, 2003; Cissé et al, 2013).
Le défi qui s’impose aujourd’hui est de trouver un moyen supplémentaire rapide et
fiable qui puisse permettre d’identifier la phase du Criquet pèlerin à partir du comportement
des individus sur des bases plus objectives. Des travaux intéressants ont pourtant été faits,
mais avec des résultats très discutables. Par exemple, Ellis (1953) a proposé une arène qui
était facile à reproduire. Cette méthodologie était basée sur la mesure de la répulsion entre
congénères. Cependant, la méthodologie n’était pas suffisamment adaptée pour caractériser la
phase comportementale des Criquets. Par conséquent, l'équipe de Simpson (Roessingh et al,
1993; Roessingh & Simpson, 1994; Bouaïchi et al, 1995) a développé une arène pour
caractériser le statut de phase à partir de mesures éthologiques. Elle a utilisé des modèles de
régression logistique focalisés sur des individus élevés en conditions extrêmes. La méthode a
constitué une grande avancée dans la compréhension des facteurs qui induisent la
grégarisation (Despland et al., 2000; Despland & Simpson, 2000a; Simpson et al., 2001). En
outre, une arène elliptique a été récemment utilisée par Tanaka & Nishide (2013) pour
examiner l’attraction et la répulsion entre congénères du Criquet pèlerin après isolement ou
regroupement des individus. Toutefois, tous ces tests n’ont jamais été utilisés, à notre
connaissance, avec succès sur le terrain. Pour des questions pratiques, une évaluation de
groupe du statut de phase des individus rencontrés sur un site quelconque semble nécessaire.
En effet, il est très difficile d’évaluer un à un le statut de phase des individus rencontrés en
milieu naturel. Dans ce contexte, il serait également très laborieux d’éviter les contraintes
environnementales des différents instants de la journée (température et lumière) capables
d’affecter l’ordre d’observation des individus. Ces contraintes sont susceptibles d’agir sur
l’activité acridienne rendant problématiques les modèles de régression logistique de l’équipe
Simpson. A cet effet, l’approche d’Ellis (1953) basée sur la distribution spatiale des individus
nous semble beaucoup plus adéquate aux conditions de terrain. Avec le développement actuel
de la statistique spatiale, la méthode pourrait être améliorée substantiellement. Enfin, une
méthode simple d’évaluation du comportement de groupe pour caractériser le statut de phase
serait utile pour analyser l’évolution du processus d’installation jusqu’à la finitude du
changement de phase.
48
Dans cette étude, nous avons exploré le potentiel de l’approche des statistiques
spatiales pour expliquer et différencier les états phasaires du Criquet pèlerin. La
méthodologie est axée sur l’utilisation d'une arène simple, dans un environnement artificiel,
afin d’évaluer les comportements de groupes des larves à travers leur mode de distribution
spatiale. L'objectif principal était de démontrer que les analyses par modélisation des
processus ponctuels pourraient améliorer l'évaluation comportementale de groupe de Criquets.
Cette étude pourrait être considérée comme un moyen supplémentaire d'évaluation du
comportement.
4.3. Matériels et méthodes
4.3.1. Conditions d’élevage des larves du Criquet pèlerin
Les larves de S. gregaria utilisées pour cette étude provenaient des 8ème et 9ème
générations d'une lignée d’élevage de masse du laboratoire du Centre français de coopération
Internationale en Recherche agronomique pour le Développement (Cirad) à Montpellier. Elles
étaient originaires de la Mauritanie et en élevage depuis l’année 2010. Deux types de larves
ont été utilisés: 1) les larves élevées en isolement et 2) les larves élevées en groupe, afin
d’obtenir des caractéristiques phasaires distinctes entre "larves solitaires" et "larves grégaires"
(Roessingh et al, 1993). Après éclosion, les larves néonates ont été isolées individuellement
dans une boîte en plastique (8 cm x 8 cm x 12 cm) (Figure 22) ou groupées dans des cages
(environ 20 à 30 larves dans une cage de : 24cm x 19cm x 19cm) à 31 ± 1° C et sous une
alternance photopériodique (lumière/obscurité) de12:12 h (Edney, 1937) avec une humidité
relative de 50% ± 10%. Les larves ont été nourries avec les nouvelles pousses de blé. Chaque
deux (2) jours, la nourriture était changée dans les élevages jusqu'au moment du test.
L’aération des boîtes d’élevage était assurée par les mailles du couvercle pour éviter la
condensation et l’excès d’humidité pouvant être généré par l’alimentation (Louveaux et al.,
1994). Les boîtes étaient translucides et un courant d’air comprimé était continuellement
envoyé dans la salle d’élevage afin d’éviter les interactions olfactives entre les larves
(Simpson et al., 2005; Maeno et al, 2011).
49
Figure 22: Photo des conditions d’élevage en laboratoire avec les boîtes d’isolement des larves
4.3.2. Arène comportementale et collecte de données
Les essais ont été réalisés sur les larves du 3ème stade de développement (2 à 3 jours
après la mue). L’étude a porté sur l’analyse du mode de distribution spatiale des larves dans
une arène comportementale inspirée des travaux d’Ellis (Ellis, 1953, 1959; Ellis & Pearce,
1962) avec 38 cm de diamètre et 15 cm de haut). L'arène était en matière plastique blanchâtre
et les parois internes étaient couvertes par une fine couche de Insect-un-Slip (Fluon; BioQuip
Products, Rancho Dominguez, CA, USA) pour empêcher les larves de grimper sur les parois.
Pour capturer la disposition spatiale et temporelle des larves dans l’arène, un appareil photo
numérique installé sur un trépied au-dessus de l’arène a été utilisé. Cet appareil était équipé
d'un compteur d'intervalle pour obtenir des images toutes les minutes pendant 90 min (Figures
23 et 24).
Figure 23: Vue de l’arène comportementale en laboratoire
50
38 cm
15
cm
10
0 c
m
Support de la caméra
Camera
Feuillet de Plexiglas
Champs visuel de
la camera
Tente
Arène
10 Larves
Figure 24: Vue schématique du dispositif expérimental
Pour chaque test, 10 larves de chaque origine d’élevage (isolé ou groupé) étaient
introduites dans l’arène de manière aléatoire, après une courte période de stabilisation (2 ± 1
min) dans une petite boîte (8 cm x 8 cm x 12 cm). Pour éviter que les larves ne s’échappent en
sautant, l'arène a été recouverte d'une feuille de plexiglas. Ce dispositif a été aussi entouré par
une petite tente blanche afin de contrôler les conditions d'éclairage et avoir autant que
possible une répartition homogène de la lumière dans l'arène. Pour calibrer les distances sur
les images, avant chaque séquence de photos, une photo est prise avec un étalon de 3 cm. Au
total, 12 essais ont été réalisés avec les larves élevées en groupe et 10 tests avec les larves
élevées en isolement. Cela correspond à 1080 photos prises avec les larves groupées et 900
photos avec les larves isolées. Ces tests comportementaux ont été effectués dans les mêmes
conditions de température et d'humidité comme décrites ci-dessus. Chaque larve a été testée
une seule fois.
51
4.3.3. Prétraitement statistique
Nous avons utilisé l’approche d'analyse spatiale qui permet d’expliquer le processus
sous-jacent du mode de distribution spatiale des larves observées et établir des inférences sur
le mécanisme pouvant générer cette situation (Bivand et al., 2008). Les positions des larves
ont été numérisées à partir des images avec le logiciel R 2.15.0 (R Development Core Team,
2012) avec l'aide des pacquages ReadImages (Loecher, 2012) et spatstat (Baddelet & Turner,
2005).
À partir des emplacements individuels des larves en une minute donnée au cours d’un
test, nous avons pris la distance qui sépare chaque larve de sa voisine la plus proche (NND)
comme mesure de relations spatiales entre les individus. Cette méthode a été antérieurement
décrite par deux écologistes, Clark & Evans (1954). La valeur moyenne de NND pour une
image (à partir des 10 larves observées) est une mesure brute du modèle d’analyse par point
pour caractériser la structure spatiale (agrégation ou de régularité, attraction ou répulsion)
(Figure 25). Nous avons simulé le processus homogène de Poisson (Diggle et al., 1976) pour
analyser les emplacements spatiaux des larves sur chaque image afin d'obtenir la confiance
quantile pour chaque instant de mesure de NND qui ne serait pas différentiable d’un
processus de distribution complètement aléatoire.
Figure 25 : Exemples de photo de distribution aléatoire des larves (gauche) et distribution agrégée (droite)
L'activité est très souvent considérée comme un paramètre de comportement de phase
(Simpson et al., 1999), et la principale mesure de la différence d'activité entre larves solitaires
et grégaires est la proportion des individus se déplaçant dans l’arène (Ellis & Pearce, 1962).
Pour être en mesure de caractériser l'activité entre les différents traitements (élevages isolé et
groupé), nous avons utilisé une approche d’analyse croisée des images où pour chaque paire
d'images, nous avons enregistré le nombre de larves qui n'a pas bougé d'une minute à l'autre.
Le nombre d’individus ayant changé de position a été considéré comme induit par l'activité.
52
4.3.4. Analyse statistique temporelle
Chaque test a donné une série de moyenne temporelle de NND et le nombre de larves
en mouvement a été pris comme mesures d'activité (les variables NND et activité
respectivement expliquées ci-dessus).
Pour évaluer les différences temporelles du NND et de l'activité entre les larves
provenant des deux origines (élevages isolé et groupé), nous avons utilisé l’approche
d’analyse hiérarchique Bayésienne. Nous avons considéré que les deux variables suivaient
une évolution aléatoire dans le temps pour chaque test, c'est-à-dire que deux valeurs
successives de NND ou de l’activité pourraient avoir une plus forte chance de se rapprocher
que des valeurs notées à des moments éloignés. Nous avons supposé que les valeurs de NND
et de l'activité étaient fonction d'une moyenne globale pour chaque traitement (élevage isolé
ou groupé). Le rapport de vraisemblance pour l'analyse de NND pourrait donc être indiqué
comme suit:
tkktk
errortktk NormalNND
,,
,, ;
où k exprime le test et t exprime le temps. Le σerror est une mesure de l’erreur induite avec une
distribution Gamma (forme = 0,01, taux = 0,01), sur error1 . Le paramètre αk a été déduit
d’une structure hiérarchique, ;treatmentk Normal où αtreatment était soit αgr ou αis en
fonction de l'origine des larves testées du kième test (respectivement pour les larves groupées et
isolées). Nous avons choisi une distribution a priori non informative pour αgr et αis avec une
distribution Gamma (forme = 0,01, taux = 0,01). Le paramètre de marche aléatoire θk,t, a pris
une structure a priori comme décrit dans Shaddick & Wakefield (2002):
Tfor t ;
T t& 1for t 2
;2
1for t ;
1,
1,1,
1,
,,
ktk
ktktk
ktk
tktk
Normal
Normal
Normal
où T est la durée maximale (90), tktk ,, indique que nous exprimons une distribution a priori
de θk,t, qui considère les valeurs de tous les autres θk sauf pour l'instant t. La précision du
paramètre de marche aléatoire k (écart type) a été considérée comme indépendante pour
chaque test et a été donnée a priori selon une distribution gamma (forme = 0,01, taux = 0,01)
sur k1 . Pour l'analyse de l'activité, comme c’est une variable comptée entre 0 et 10, nous
avons utilisé une structure binomiale:
53
tkktk
tktk Binomialeactivité
,,
,,
logit
10;
où ρk,t, correspond à la probabilité que les individus soient actifs à un instant t du test k. De la
même manière que l'analyse de NND, le paramètre βk suivait une structure hiérarchique
;treatmentk Normal une distribution a priori non informative pour βgr et βis et une
distribution Gamma (forme = 0,01, taux = 0,01) sur 1 . Le paramètre de marche aléatoire
θk,t, a pris une structure a priori comme décrit ci-dessus. Les deux modèles ont été ajustés en
utilisant des chaines de Markov d’échantillonnage de Monte Carlo (MCMC) avec OpenBUGS
v 3.2.2 relié à R (2.15) par le paquet Brugs (Thomas et al., 2006). Après une séquence de 10
000 échantillons de burn-in (phase d’adaptation), les distributions a posteriori des paramètres
intéressants ont été échantillonnés tous les 10 pas d'une chaîne de 100 000 échantillons. Un
avantage certain de l'utilisation de l’approche d’analyse hiérarchique Bayésienne et de
l’échantillonnage MCMC a été la possibilité d'obtenir des distributions postérieures des
différents paramètres sur les deux traitements. En particulier, nous avons calculé la différence
entre αgr et αis (Δα= αgr - αis), la différence entre βgr et βis (Δβ= βgr - βis ), et les différences à
chaque instant t entre la μk et ρk de tests groupés et isolés (Δμt= μgr,t - μis,t, où μgr,t, était la
moyenne à l'instant t de μk,t, des tests à partir des larves groupées et μis,t, était la contrepartie
pour les larves isolées, de même Δρt= ρgr,t - ρis,t).
4.4. Résultats
4.4.1. Différences comportementales entre larves élevées en isolement et larves
élevées en groupe à partir des mesures de distances au plus proche
voisin (NND)
Dans l'arène, la distribution spatiale des larves de Criquets pèlerins n’a pas été
différenciable d'une distribution aléatoire. Toutefois, cette distribution spatiale a varié en
fonction de l'histoire de la vie des larves. Les larves élevées en groupe ont montré une
distribution plus agrégée que celles élevées en isolement (Figure 26). Les distances moyennes
de chaque larve à sa voisine la plus proche (NND) pour les larves groupées ont été
généralement courtes (médiane = αgr 5.574cm, pour une distribution de 95%: 4.922cm à
6.226cm suivant le modèle Bayésien) tandis que, les larves élevées en isolement ont montré
une distribution spatiale plus aléatoire (αis médiane = 6,577 cm, pour une distribution de 95%:
5,877 cm à 7,279 cm suivant le modèle Bayésien) avec une évidence statistique de cette
54
différence (le tableau 1 montre clairement le modèle pour le NND). L'évolution temporelle de
ces NND semblait suivre une tendance fortement variable. Cependant, la différence statistique
entre les traitements a demeuré stable pendant les 90 minutes des tests (voir colonne Δμt dans
le tableau 5).
Tableau 5 : Principaux résultats de l'analyse statistique hiérarchique Bayésienne sur les effets du
traitement des élevages groupé et isolé dans l'agrégation (NND) et les mesures du nombre de larves en
mouvement (activité) dans l’arène à travers le temps. Δα (= αgr - αis) est la différence du niveau général
de NND. Δβ (= βgr - βis) est la différence du niveau global de l’activité. Les moments où Δμt ou Δρt sont
différentes de 0 indiquent qu’en cet instant les deux traitements avaient clairement des réponses
différentes.
Variables étudiées médiane Δα or Δβ
(quantile à 95%)
Temps à partir duquel Δμt or Δρt a été
significativement différente de 0
(italique = négative, plain= positive)
NND -1.005 (-1.961 -0.04406) [1 to 90]
activité -0.083 (-0.988 0.811) N.S. [1 to 15] + [30 to 90]
55
Figure 26: Variation temporelle de la distance moyenne des larves à leur voisine la plus proche (NND) en
cm (axe Y) des élevages isolé (vert) et groupé (noir) de larves dans l'arène. La ligne en pointillé au centre
indique les zones médianes et les zones ombragées avec les couleurs correspondantes représentent la
distribution à 95%. Les zones de chevauchement sont plus sombres. Les lignes rouges indiquent la
distribution médiane à 95% des mesures équivalentes à des positions aléatoires de 10 larves
4.4.2. Différences comportementales entre les larves élevées en isolement ou en
groupe à partir du nombre d’individus en mouvement
L'analyse de l'activité en fonction du nombre de larves se déplaçant dans l’arène a
montré une différence temporelle entre les deux origines d’élevage larvaire (Figure 27). Les
larves élevées en groupe on été plus actives que celles élevées en isolement au début des tests,
pendant les 15 premières minutes (Tableau 5, colonne Δρt). Après 30 minutes, le contraire a
été observé: les larves élevées en isolement étaient plus actives que celles élevées en groupe
(Tableau 5). Cela a fait que, globalement, l'activité moyenne pendant les 90 minutes des tests
était comparable entre les deux traitements (Tableau 5, colonne Δβ).
Figure 27 : Variation temporelle du nombre d’individus en mouvement (d'activité) par minute (axe Y) de
larves isolées (vert) et groupées (noir) dans l'arène. La ligne centrale indique les zones médianes et les
couleurs ombragées correspondantes représentent la distribution de 95%. Les zones de chevauchement
sont plus sombres
56
4.5. Discussion
Cette étude a montré qu'il est possible de faire des prévisions explicites sur les
différentes manières dont les deux catégories de larves de Criquets pèlerins, « solitaires »
(élevées en isolement) et « grégaires » (élevées en groupe), devraient réagir dans une arène
circulaire à travers l’analyse spatiale. Nous avons également observé que leurs réponses
changeaient avec le temps. Nous discuterons d'abord les implications méthodologiques de
notre étude pour ensuite revenir sur les interprétations possibles de ces résultats.
Les études antérieures avaient montré que l'agrégation et l’intense activité sont des
caractéristiques typiques des Criquets pèlerins grégaires (Uvarov, 1977; Pener, 1991). Pour
quantifier ces comportements induits par le statut de phase, différentes méthodes avaient été
développées (Pener & Simpson, 2009). Avant les années 1990, l'activité et l'agrégation étaient
observées séparément à l'aide de différentes techniques (Sword, 2003). L'activité peut encore
être mesurée de façon classique en utilisant un actograph (Edney, 1937; Harano et al., 2011).
L’agrégation a été observée dans une arène par Ellis (1953) à partir de l'analyse des relations
spatiales entre les larves. Cependant, une méthodologie intégrant les deux aspects du
comportement était nécessaire pour suivre la dynamique de changement de phase. C’est dans
ce contexte qu’une étude comportementale a été conduite par l'équipe de Simpson (Roessingh
et al., 1993, Roessingh & Simpson, 1994; Bouaïchi et al, 1995) afin de mesurer les réactions
individuelles des Criquets pèlerins en réponse à la stimulation d’un groupe donné. Cette
méthodologie a confirmé que les larves grégaires sont plus actives et plus attirées par le
groupe de larves contrairement aux larves solitaires. A travers l'analyse de régression
logistique des différentes caractéristiques comportementales, cette expérience a été très utile
pour caractériser un individu sur une échelle de «sociabilité». Cependant, cette méthode
permet d’évaluer une seule larve à la fois. Aussi, la durée du test comportemental a été assez
courte dans la plupart de ces expériences (par exemple 5 min dans Sword, 2003) et Cullen et
al. (2012) ont démontré qu’une augmentation de la durée des expériences n’améliorait pas la
méthode. En outre, pour améliorer le processus et le temps nécessaire à l’évaluation d’un
groupe d'individus, des méthodes informatisées ont été développées permettant une analyse
automatique (Gray et al., 2009, Cullen et al., 2012). Par ailleurs, une analyse temporelle et
détaillée du processus de grégarisation a récemment été menée (Rogers et al., 2014). Cette
étude a montré que l’activité et l'agrégation pourraient changer de façon simultanée et très
rapidement lorsque les Criquets pèlerins solitaires recevaient une stimulation appropriée. Le
processus de grégarisation engloberait plusieurs changements discrets du comportement
57
(Rogers et al., 2014). En conséquence, il serait souvent difficile de reconnaître avec certitude
le statut de phase du Criquet pèlerin en début de grégarisation, surtout quand le mouvement
en masse n'a pas encore démarré et que la coloration ne serait pas encore affectée.
Dans cette étude, nous avons développé une approche basée sur des mesures de
distances entre les plus proches voisins sur des séries chronologiques de photos orthogonales
de groupes larvaires dans une arène circulaire. Cette méthodologie a été développée pour
caractériser le comportement de groupe indépendamment de l'activité. Il propose une
approche complémentaire à la méthode de Simpson et al. (2003), mais présente d'autres
limites. Le premier avantage de l'arène circulaire est la possibilité de suivre la dynamique à
long terme et l'évaluation des interactions au sein d'un groupe de plusieurs individus en même
temps sans isolement d’aucun. Dans ce contexte, la grégarisation des individus d'origine
solitaire est alors impossible à éviter. À cet effet, notre méthodologie doit être considérée
comme complémentaire à celle de Simpson et al. (2003). Le deuxième avantage de la
méthode a été le fait d'avoir une mesure de l'agrégation qui peut être comparée à un processus
aléatoire. Dans notre étude, les résultats des mesures de distances entre les plus proches
voisins sont comparés à une distribution des larves qui résulterait d'un processus aléatoire de
distribution spatiale à 95%. Les études antérieures n’ont considéré que partiellement cet
aspect. Ellis (1953) a mené un test axé sur le comptage des individus par portion dans son
arène suivant une distribution de Poisson. Aussi, la méthodologie de Simpson et al. (2003) ne
pouvait pas apprécier si un individu est positionné de lui-même dans l’arène en obéissant à un
processus aléatoire ou non. Cette comparaison à un processus aléatoire nous informe sur la
distribution spatiale des larves dans notre arène, laquelle a été très proche d'une distribution
aléatoire, même pour les larves élevées en groupe, au regard de la taille de l’arène que nous
avons utilisé. Agrandir cette arène pourrait conduire à des résultats différents, mais cela
aboutirait peut être à une observation plus claire du comportement d’évitement des Criquets
pèlerins solitaires et le comportement d’attraction entre les Criquets pèlerins grégaires. Nous
reconnaissons la pertinence de la série chronologique de photos, elle nous a offert une
possibilité substantielle de mesurer l'activité. Une limite de l'approche ici était que nous
n’avions pas suivi individuellement les larves. D'autres améliorations de la méthodologie dans
ces aspects pourraient être 1) marquer les individus et 2) réduire l'intervalle de temps entre les
images ou utiliser la vidéo pour observer à la place des photos et de procéder à un suivi
individuel des larves. Toutefois, des individus immobiles sont particulièrement bien observés
dans l’analyse croisée des photos. En effet, nous avons pu identifier clairement au début de
58
l'expérience une baisse d'activité des larves élevées en isolement contrairement à leurs
congénères élevés en groupe. Enfin, un avantage crucial de la méthode serait la possibilité de
mettre facilement en place sur le terrain ce genre de dispositif avec des larves fraîchement
échantillonnées. Cela devrait permettre la caractérisation in situ de la différence du statut de
phase comportementale des larves. De toute évidence, les contraintes thermiques et de
luminosité pourraient agir sur les niveaux d'activité des individus. Néanmoins, l'analyse de la
distribution spatiale à travers les statistiques spatiales sur des tests en conditions naturelles
devrait offrir des possibilités pour caractériser les comportements du Criquet pèlerin.
Le mouvement des larves élevées en isolement pourrait être une réponse au stress
généré par la situation de surpeuplement induite dans l’arène. Les larves solitaires ont
généralement un niveau d'activité plus faible que celui les larves grégaires (Ellis & Pearce,
1962; Roffey & Popov, 1968; Uvarov, 1977; Pener, 1991). Parce que, dans nos analyses, ce
niveau d'activité a changé avant la propension d’agrégation, d'autres études devraient
examiner si cela est une réponse liée au polyphénisme de phase ou à une réaction de stress.
Mais, étant donné le caractère souvent confiné de l’espace de vie des larves solitaires (par
exemple sur des plantes isolées), une tendance à la grégarisation peut se produire en raison de
ces changements du niveau de l'activité. En effet, c’est à partir d’un comportement plus actif
que les individus augmentent leurs chances de rentrer physiquement en contact. Le contact
physique entre les individus est reconnu comme le principal facteur induisant la grégarisation
chez S. gregaria (Ellis, 1959b; Roessingh et al., 1998; Simpson et al, 2001; Rogers et al,
2003; Lester et al., 2005; Maeno et al ., 2011). Par conséquent, le changement du niveau
d'activité, même à travers un effort de rencontrer d'autres individus, pourrait être le
mécanisme déclencheur du changement de comportement qui faciliterait ensuite les
mouvements groupés (Buhl et al., 2006; Pener & Simpson, 2009). Cela aboutirait à
l’apparition de tous les autres traits distinctifs phasaires en conformité avec les facteurs
écologiques qui affectent le processus de grégarisation. Par contre, il faut signaler que dans un
environnement ouvert, sans l'effet externe des plantes ou des congénères, ce mode d’activité
sans agrégation pourrait conduire à une dispersion des individus solitaires et le maintien de la
phase solitaire au sein de la population.
Les larves que nous avons utilisées provenaient de femelles grégaires. Par conséquent,
pour exclure les mécanismes épigénétiques des ascendants sur les caractéristiques de la
descendance (Hunter Jones, 1958; Ellis, 1962; Despland & Simpson, 2000b, Despland &
Simpson, 2001), il serait intéressant de renouveler ces tests avec des larves provenant,
59
justement, de femelles élevées en isolement. La simplicité de l'approche devrait fournir un
outil facilement utilisable sur le terrain et en plus sur d'autres espèces de locustes. Dans le
chapitre précédent de cette thèse, nous avons évoqué l’usage de cette approche sur le terrain
en Mauritanie (Cissé et al. soumis à Entomologia Experimentalis et Applicata) sur 31 sites, où
on s’est focalisé uniquement sur l'analyse de la distribution spatiale en tenant compte d’un
temps limité de différenciation du comportement de phase entre les larves solitaires et
grégaires, pendant les 20 premières minutes (Chapitre précédent). Enfin, d'autres études
devraient confirmer le potentiel de ce modèle d’analyse dans la caractérisation du
comportement de phase du Criquet pèlerin.
60
V. Conclusion générale Cette étude a permis de mettre en évidence le rôle fondamental de la densité des
individus dans la transformation phasaire du Criquet pèlerin. Elle a fourni des valeurs
critiques de seuils de grégarisation pouvant être utilisées par les responsables de la lutte
antiacridienne afin d’améliorer la capacité d’anticipation des invasions. Les différentes
interactions dynamiques entre grégarisation et dispersion en fonction de l’hétérogénéité de
l’habitat ont aussi été mises en évidence. Une présentation plus détaillée (première étude
concrète) de la variation du seuil de grégarisation des adultes et larves de Criquets pèlerins
dans les conditions naturelles a été faite. Enfin, une évaluation de la méthode empirique
d’estimation de la phase du Criquet pèlerin a été faite avec succès en laboratoire et en milieu
naturel.
Aussi, la faiblesse de données historiques portant sur les densités des larves de
Criquets pèlerins a conduit au second axe de travail. Cet axe a été effectué pendant deux
saisons de pluie au cours desquelles un échantillonnage de terrain a été mené dans les aires
grégarigènes du Criquet pèlerin en Mauritanie. Il a permis une estimation des seuils
densitaires de grégarisation des larves de Criquet pèlerin en milieu naturel. Le dernier axe a
porté sur une étude de caractérisation en laboratoire du comportement de phase chez le
Criquet pèlerin à l’aide d’une arène. Cet axe avait pour but de tester une méthodologie simple
et applicable en conditions naturelles pour la détection du statut de phase en vue d’établir une
analogie avec la méthode empirique d’échantillonnage, laquelle est focalisée sur l’apparence
des Criquets (Couleur et comportement). L’impartialité de cette méthode d’identification du
statut de phase à l’aide d’une arène devait permettre un examen de la pertinence de
l’échantillonnage empirique utilisée dans les précédents axes.
Par ailleurs, un découpage en 8 classes de valeurs biologiques globales des biotopes a
été fait par Popov et al. (1991) suivant la survie, la reproduction et la capacité de
grégarisation. Notre zone d’étude en Mauritanie était située dans les classes 7 et 8 qui
correspondent aux biotopes les plus favorables à la reproduction et à la grégarisation. Ces
biotopes représentent 4,8% de la superficie colonisable par le Criquet pèlerin. Ils regroupent
les sites de haute fréquence de signalisations de pullulations larvaires en période de rémission.
Selon Popov et al. (1991), ces régions peuvent être considérées comme les principaux foyers
de grégarisation du Criquet pèlerin en Mauritanie. Toutefois, les seuils densitaires de
grégarisation donnés par Popov et al. (1991) ont été en fonction de l’expérience de terrain, ces
seuils prennent en compte le stade phenologique du Criquet pèlerin et la structure du tapis
61
végétal propre à chaque biotope. Nos résultats sont fondés sur des collectes de densité in situ,
ce qui n’est pas le cas dans Popov et al. (1991). Les valeurs de seuils de grégarisation que
nous avons obtenues avec les larves (2,45 larves/m²) dans ces biotopes peuvent être
considérées comme des valeurs intermédiaires à celles proposées par Popov et al. (1991) (5
larves/m² pour les L2-L3 et 0,5 larves/m² pour les L4-L5). Cela est logique puisque nos
valeurs prennent en compte l’aspect composite d’une population grégarisante. Notre étude
pourrait donc être un appoint aux données antérieures.
Cette étude originale sur les seuils de grégarisation a été conduite dans les conditions
naturelles en Mauritanie, pays clé dans la mise en œuvre de la lutte préventive. Les résultats
obtenus contribueront à améliorer la stratégie de prévention contre les invasions du Criquet
pèlerin avec la fourniture de précieuses informations aux agents de lutte antiacridienne sur les
caractéristiques des biotopes favorables à la grégarisation. Les seuils de grégarisation définis
dans les conditions naturelles serviront d’indicateurs aux agents de lutte antiacridienne pour
prendre une décision de mener ou non une opération de lutte face à une situation donnée. Les
retombées sur les plans économique et environnemental sont importantes puisque les
traitements seront limités aux situations où les seuils densitaires qui déclenchent la
grégarisation sont atteints et par conséquent les quantités de pesticides, le coût des
interventions et l’impact environnemental seront réduits. Enfin, l’arène comportementale
utilisée pourrait permettre la caractérisation in situ de la différence de statut de phase des
criquets pèlerins en milieu naturel.
Les résultats ainsi obtenus permettent d’envisager des perspectives de recherches
suivantes :
- Mener des études sur l’influence cumulée d’autres facteurs environnementaux comme
la topographie, l’hydrologie, la structure du sol et la température sur le processus de
grégarisation en milieu naturel ;
- Renouveler cette expérience sur l’analyse des données historiques dans d’autres pays
affectés par le Criquet pèlerin afin de voir les probables variations des seuils de
grégarisation sous différentes latitudes.
- Mener une plus grande investigation de l’implication de la végétation et des autres
facteurs associés de l’environnement dans le processus de grégarisation des larves en
milieu naturel.
62
- Mener des études plus poussées pour valider la méthode d’interprétation du
comportement à partir du mode de distribution spatiale des individus dans une arène.
Ces études pourraient être effectuées en marquant les individus pour faciliter leur suivi
ou en utilisant la vidéo ou encore en réduisant l’intervalle de temps entre les prises de
photos afin de suivre la dynamique des insectes dans l’arène. Aussi, les larves qui
seront utilisées comme « solitaires » devraient provenir de femelles isolées pendant
plusieurs générations afin d’éviter toute influence maternelle potentielle sur la
descendance.
63
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72
Annexe
Annexe 1: Fiche FAO de prospection du Criquet pèlerin
73
Annexe 2: Modèles d’explication du statut de phase par la densité larvaire et chaque variable étudiée de
la végétation : logit(P(Grégaire))~Densité des larves + variable de la végétation
Coefficients:
Estimate Std. Error z value Pr(>|z|)
(Intercept) -5.0746 1.3883 -3.655 0.000257
Densité des larves 2.1749 0.5550 3.919 8.9e-05
Statut Vegetation: Verte -0.0572 0.9101 -0.063 0.949883
Statut Vegetation: Pousse -2.5487 1.9463 -1.310 0.190346
CAIC: 62.720
Densité des plantes logit(P(Grégaire))~Densité des larves + Densité des plantes
Coefficients:
Estimate Std. Error z value Pr(>|z|)
(Intercept) 5.017e+00 1.182e+00 4.243 2.2e-05
Densité des
larves
2.227e+00 5.727e-01 3.888 0.000101
Densité des
plantes
4.288e-06 06 4.350e-06 06 0.986 0.324192
CAIC: 55.092
Couverture vegetale
logit(P(Grégaire))~Densité des larves + Couverture vegetale
Coefficients:
Estimate Std. Error z value Pr(>|z|)
(Intercept) 8.9293 2.8812 3.099 0.00194
Densité des larves 2.2797 0.5735 3.975 03e-05
Vouverture Vegetale:
faible
3.6738 2.2253 1.651 0.09876
CouvertureVegetale:
Moyenne
3.8894 2.2027 1.766 0.07744
CAIC: 59.336
74
Hauteur des plantes
logit(P(Grégaire))~Densité des larves + Hauteur des plantes Coefficients:
Estimate Std. Error z value Pr(>|z|)
(Intercept) 3.50509 1.18834 2.950 0.00318
Densité des larves 2.09490 0.50024 4.188 2.82e-05
Hauteur des plantes 0.07520 0.04883 -1.540 0.12356
CAIC: 56.093
Coefficient de variation de la hauteur des plantes
logit(P(Grégaire))~Densité des larves + Coefficient de variation de la hauteur des plantes
Coefficients:
Estimate Std. Error z value Pr(>|z|)
(Intercept) 4.9845 1.4962 3.331 0.000864
Densité des larves 1.9583 0.4725 4.144 3 41e-05
Coefficient de variation de la hauteur
des plantes
0.2001 1.0039 0.199 0.841995
CAIC: 58.927
Volume des plantes
logit(P(Grégaire))~Densité des larves + Volume des plantes
Coefficients:
Estimate Std. Error z value Pr(>|z|)
(Intercept) 4.802e+00 1.077e+00 4.459 8 8.25e-06
Densité des larves 2.047e+00 5.095e-01 4.017 5.89e-05
Volume des plantes 3.088e-07 2.748e-07 1.124 0.261
CAIC: 58.099
Coefficient de variation du volume des plantes
logit(P(Grégaire))~Densité des larves + Coefficient de variation du volume des plantes
Coefficients:
Estimate Std. Error z value Pr(>|z|)
(Intercept) 4.2170 1.2880 3.274 0.00106
Densité des larves 2.0123 0.4947 4.068 4.75e-05
Coefficient de variation du volume des
plantes
0.2407 0.3551 0.678 0.49790
75
CAIC: 58.482
Surface terrière des plantes
logit(P(Grégaire))~Densité des larves + Coefficient de variation de la Surface terrière
Coefficients:
Estimate Std. Error z
value
Pr(>|z|)
(Intercept) -4.776e+00 1.047e+00 -4.562 5.06e-06
Densité des larves 1.951e+00 4.727e-01 4.129 3.65e-05
Surface terrière des plantes -1.914e-06 2.698e-05 -0.071 0.943
CAIC: 58.960
Coefficient of variation of plant basal area
logit(P(Grégaire))~Densité des larves + Coefficient de variation de la surface terrière des
plantes
Coefficients:
Estimate Std. Error z value Pr(>|z|)
(Intercept) -4.132e+00 1.138e+00 -3.630 2.84e-04
Densité des larves 2.096e+00 5.122e-01 4.093 4.27e-05
Surface terrière des plantes -3.347e-01 2.972e-01 -1.126 0.26
CAIC: 57.507
Distance entre les plantes
logit(P(Grégaire))~Densité des larves + Distance entre les plantes
Coefficients:
Estimate Std. Error z value Pr(>|z|)
(Intercept) 4.928964 1.395906 3.531 0.000414
Densité des larves 1.957327 0.475023 4.120 3.78e-05
Distance moyenne entre les plantes 0.002883 0.017232 0.167 0.867109
CAIC: 58.937
76
Coefficient de variation de la distance entre les plantes
logit(P(Grégaire))~Densité des larves + Coefficient de variation de la distance entre les
plantes
Coefficients:
Estimate Std. Error z value Pr(>|z|)
(Intercept) 3.9562 1.5619 2.533 0.0113
Densité des larves 1.9308 0.4607 4.192 2.77e-05
Coefficient de variation de la distance
entre les plantes
0.9328 1.4529 0.642 0.5208
CAIC: 58.385
Annexe 3: Les espèces de plantes rencontrées sur les sites échantillonnés avec leur fonction spécifique 7à
partir de la florule des biotopes du Criquet pèlerin en Afrique du Nord Ouest ” (Duranton et al., 2012).
Nom de l’espèce Nombre de plante trouvé Qualification des plantes
Acacia tortilis 5 Plante utile
Aerva javanica 196 Plante importante
Amaranthus angustifolius 35 Plante utile
Anastatica hierochuntina 1 Autre plante
Aristida ssp. 151 Autre plante
Astragalus armatus 62 Autre plante
Boheravia repens 623 Plante importante
Cacia italica 1 Autre plante
Cacia senna 35 Autre plante
Calotropus procera 206 Autre plante
Caylusea hexagyna 107 Autre plante
Cenchrus biflorus 60 Autre plante
Chrozophora senegalensis 7 Autre plante
Citrilus colocenthis 172 Autre plante
Cleome arabica 103 Autre plante
Cleome tenella 10 Autre plante
Corchorus depressus 15 Autre plante
Corchorus tridens 17 Autre plante
Corchorus uniflora 3 Autre plante
Crotalaria sp. 1 Autre plante
Cucumis melo 19 Plante utile
Cyperus ssp. 11 Plante utile
Digitaria ssp. 5 Plante utile
Echinochloa colona 1 Plante utile
Euphorbia aegyptiaca 19 Plante utile
7 Plante Importance majeure : Excellente source de nourriture et un très bon abri, indicateur parfait
des biotopes de reproduction et de grégarisation
Plante importante : Excellent abri et une bonne nourriture principalement aux larves
Plante Utile : Peut offrir abri et nourriture dans divers biotopes de reproduction Autre : Présente peu d’intérêt, tant pour l’abri que pour la nourriture, utilisée occasionnellement
77
Euphorbia granulata 51 Autre plante
Euphorbia scordifolia 128 Autre plante
Fagonia arabica 3 Plante importante
Fagonia glutinosa 2 Plante importante
Fagonia olivieri 2235 Plante importante
Farsetia stylosa 1348 Autre plante
Gisekia pharnaceoides 122 Plante utile
Heliotropium ramossissimum 1695 Plante utile
Hyoscyamus muticus 2 Plante utile
Indigofera argentea 55 Plante utile
Indigofera aspera 3 Plante utile
Indigofera senegalensis 1307 Plante utile
Indigofera sessiliflora 31 Plante utile
Lasiurus hirsutus 12 Plante utile
Limeum obovatum 14 Autre plante
Limeum viscosum 3 Autre plante
Lotus sp. 83 Autre plante
Maerua crassifolia 3 Plante importante
Malcolmia aegyptiaca 54 Autre plante
Moltkiopsis cilata 1 Autre plante
Mollugo cerviana 151 Autre plante
Morettia canescens 20 Plante importante
Nucularia perrinii 51 Plante importante
Panicum turgidum 331 Plante très importante
Polygala erioptera 2 Autre plante
Psoralea plicata 94 Plante utile
Salsola imbricata 12 Autre plante
Salvia aegyptiaca 1 Autre plante
Schouwia thebaica 1345 Plante très importante
Seetzenia lanata 126 Autre plante
Tephrosia sp. 14 Autre plante
Tribulus alatus 647 Plante très importante
Triraphis pumilio. 1 Autre plante
Zaleya pentandra 9 Autre plante
Zygophyllum simplex 9 Autre plante
78
Annexe 4 : Analyse de l’effet d’attraction potentielle de la lumière d’éclairage de l’arène en condition de
laboratoire. La sequence de photos des 15 premières minutes (où on a observé une différence de
comportement en terme d’activité) de distribution spatiale des larves est présentée. Dans la figure ci-
dessous, les 12 premières images (de a) à l)) correspondent aux tests sur les larves élevées en groupe. On
remarque qu’il n’y a pas une préférence établie sur un endroit particulier de l’arène. Les 10 dernières
images (de m) à v)) correspondent à la sequence de photos prises avec les larves élevées en isolement. Là
aussi, on remarque qu’il n’y a pas une préférence établie pour un endroit quelconque de l’arène. Ces
resultats montrent que la lumière n’a pas eu d’effet sur les tests.