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Sous la direction d’Anne Nardin Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition du Musée de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris 21 octobre 2009 - 20 juin 2010

Sous la direction d’Anne Nardin - presses.ehesp.fr · 4 Commissaire de l’exposition Anne Nardin assistée de Pauline Chevallier, et de Johanne Darcourt pour la recherche Scénographie

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Sous la direction d’Anne Nardin

Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’expositiondu Musée de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris

21 octobre 2009 - 20 juin 2010

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Comité scientifique

Chantal DESCHAMPSMédiateur en santé, membre du Comité consultatif national d’éthique

Marc DUPONTDirecteur adjoint, Direction des affaires juridiques et des droits du patient, AP-HP

Alexandre LUNELMaître de conférences, UFR Droit – Sciences politiques, Université Paris 5 – Saint-Denis

Fabienne MIEG de BOOFZHEIMReprésentante des usagers à la Commission des relations avec les usagers, hôpital Necker – Enfants-Malades, AP-HP

Pr. Yves de PROSTAncien président de la Commission médicale d’établissement, AP-HPConseiller auprès du ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports

Nathalie ROBIN-SANCHEZDirectrice des usagers, des risques et de la qualité, CHU de Nantes

François-Xavier SCHWEYERProfesseur à l’Ecole des hautes études en santé publique, chercheur au CMH ERIS

Didier TABUTEAUResponsable de la chaire Santé, Sciences Po, IEP de Paris

Roselyne VASSEURDirectrice des soins et activités paramédicales, AP-HP

ConsultanteFrançoise Salaün-RamalhoHistorienne, membre du CRESC, UFR LSHS, Université de Paris 13 – Villetaneuse

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Commissaire de l’expositionAnne Nardinassistée de Pauline Chevallier, et de Johanne Darcourt pour la recherche

ScénographieDidier Saco Design

AudiovisuelsRéalisation : Véronique PonsTournage : Pôle multimédia de l’AP-HPMontage, mixage et conformation : Stations Services

PhotographiesArchives de l’AP-HP (Photothèque) : François Méril, Georges PeberelPôle Multimédia : François Marin, Patricia Simon

Conception graphique de la communication Atelier mardisoir ! : Julie Tachdjian et Matthieu Bureau

Presse et communicationMarie-Christine Vallaassistée de Laetitia Chuda, stagiaire

Mécénat et partenariat d’entreprises Jean-François Minot

Direction administrative et coordination techniqueAlain Laporte

Régie des prêts Dominique Plancher-Souveton

Correction-révisionSophie Lamotte d’Argy

SecrétariatElisabeth Faivre, Martine Fesser, Marielle Gibert, Françoise Lamy

Equipe de montage et de maintenanceMohammed Bougabrine, Olivier Choisy, Chantal Clark, Philippe Coevet, Pierre Hubac, Georges Maricourt, Nadia Mokri

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Remerciements

Le Musée remercie les institutions publiques et les associations qui ont accepté le prêt d’importants témoignages de leurs collections :

Archives de l’AP-HP : Patrice GuérinArchives Nationales – Fontainebleau : Sylvie Le Clech, Damien RichardBibliothèque interuniversitaire de Médecine : Guy CoboletCentre national des arts plastiques : Richard Lagrange, Claude Allemand-CosneauMusée de Radio France : Cécile de David-BeauregardAssociation AIDES : Francesca BelliAssociation ACHOR – AP-HP (Association Chœur & Orchestre de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris) : Christiane MoussyAssociation ACT UP : J. VambreAssociation APSAP (Association des personnels des administrations parisiennes de la ville de Paris) : Yann Le FaouAssociation MAEH (Mouvement pour l’amélioration de l’environnement hospitalier) : Jacques Guillerand

Il remercie également les sociétés qui ont accordé la mise à disposition d’exemplaires de leurs produits :

Air Liquide – Cryopal : Vincent CourtialDanish Technological Institute : Lone GaedtDräger Médical SAS : Isabelle Martins FerreiraHill Rom : Martine CaverivièreOrange : Emmanuelle PiergaSamsung : Mélanie Deliry

Il témoigne toute sa gratitude aux professionnels et experts qui ont partagé leurs souvenirs et leurs réflexions, apportant un précieux témoignage :

Pr Jean-Claude Ameisen, Thierry Amouroux, Stéphanie Angéli, Christine Aubère, Janine Beaugrand, Dr Pascal Cacot, Dr Jean Carlet, Marie Chardeau, Régine Clément, Philippe Delmas, Corinne Devos, Bernard Ducamin, Dr Véronique Fournier, Dr Maïté Garrouste Orgeas, Françoise de Geoffre, Véronique Ghadi, Tim Greacen, Jean-Paul Guérin, Véronique Guérin, Maryse Hache, Marie-Jeanne

Husset, Pr Corinne Isnard-Bagnis, Pr Alain Laugier, Emilie Lebée, Marie-Christine Lebon, Jean-Marie Le Guen, Isabelle Lesage, Dr Nadia Léticée, François Malye, Geneviève Marchalot, Pierre Montalembert, Pr François Olivennes, Dr François Paraire, Marie-Christine Pouchelle, Nathalie Robin-Sanchez, Maurice Rochaix, Marguerite Romiguière, Dr Sylvie Rosenberg-Reiner, Dr Anne-Marie Rouquette, Aldo Saluard, Thomas Sannié, Jean de Savigny, Pr Didier Sicard, Marie-Pierre Souliers, Didier Tabuteau, Dr Suzanne Tartière, Catherine Tourette-Turgis, Frédéric Vernhes, Jérôme Vincent, Jean Wils.

Il tient à remercier l’ensemble des personnes qui ont apporté leur concours ou leur appui aux différentes étapes de la préparation :

Arieh Adida, Laure Albertini, Sylvie Arnoux-Vincendeau, Vincent Aucante, Pierrick Berhault, Claire Bernard, Nicolas Brun, Frédérique Cabot, Laurence Camous, Frédéric Casiot, Denis Couet, Caroline Crousillat, Emmanuelle Daniellou, Eve-Mary Davy, Pr Laurent Degos, Thierry Devynck, la direction de la communication de l’hôpital Saint-Antoine, Sylvie Dousson, Lucette Dugout, Isabelle Fabrello, Marie-Agnès Garo, Lise Gayot, Danielle Gimenez, Magdeleine Girard, Claudie Guérin, Christel Jajoux, Patrick Kemp, Evelyne Kermanac’h, Annie Labbé, Sylvie Lachize, Sylvia Lacombe, Arlette Lagrange, Dr Jean-Michel Lassaunière, Perrine Latrive, Gaïd Le Gall, Catherine Lemaire, Franck Lestrade, Josette Lestret, Nicole Lucchesi, Carole Martin, Danièle Miguet, Jean-Pierre Moissinac, Bernadette Molitor, France-Isabelle Montaigu, Maïlys Mouginot, Laetitia Olivier, Rose-Marie Pailloux, Marc Paris, Nadine Perrin, Sophie Petit, Long Pham-Quang, Sonia Reymond, Chantal Rousset, Hélène Say, Takanori Shibata, François Sitolle, A. Thibault, Monique Tiberghien, René Tournier, Barbara Vachey, Gérard Vincent, Maryse Viviand, l’Association des Amis du Musée de l’AP-HP (ADAMAP) ainsi que les équipes de la Direction du Siège de l’AP-HP.

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8 Avant-propos Jean-Marie Le Guen et Benoît Lelercq

10 Préfaces Jean Claude Ameisen Christian Saout

Etudes

23 L’humanisation de l’hôpital : périmètre et contenu Anne Nardin

39 Le mot et l’idée : genèse et fortune du concept d’humanisation des hôpitaux Françoise Salaün-Ramalho

57 Les “cliniques ouvertes”, matrices de l’humanisation de l’hôpital Dominique Dessertine

69 L’humanisation en formation ? Enseignements et travaux à l’Ecole nationale de la santé publique pour les cadres hospitaliers François-Xavier Schweyer

93 Le Service de l’Humanisation des hôpitaux de l’Assistance publique de Paris (1974-1990) Piloter la politique d’humanisation d’un grand établissement de santé Marc Dupont

103 Le système hospitalier et la question de l’humanisation de l’hôpital dans les années 1970 François Steudler

119 “On ne sait plus comment on a pu faire avant” Exercice de narration sur les mémoires brouillées du travail Anne Vega

SOMMAIRE

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127 Regards psychosociaux sur l’évolution de la relation aux patients Michel Morin

135 L’humanisation des hôpitaux : un processus économique Philippe Mossé

143 Droits des malades et politique de santé Didier Tabuteau

155 Hôpital et citoyens : la reconnaissance progressive d’une parole collective profane Véronique Ghadi

Témoignages

167 L’hôpital, un lieu devenu inhospitalier ? Pr Didier Sicard

173 L’humanisation des soins : une exigence éthique Pr Robert Zittoun

181 Les soins palliatifs : leur émergence, leurs valeurs fondatrices et bien plus encore Dr Michèle-Hélène Salamagne

189 La contribution de la Fédération hospitalière de France à l’humanisation des hôpitaux Gérard Vincent

194 Chronologie206 Documents220 Petit abécédaire de l’humanisation236 Liste des œuvres, objets et documents exposés

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Pour beaucoup de ceux qui ont choisi, il y a trente ou quarante années à présent, de consacrer leur vie professionnelle aux métiers de la médecine et de l’hôpital, le mot d’humanisation résonne encore aujourd’hui de façon singulière, familière, déjà un peu lointaine.Il évoque le grand chantier que furent la suppression des hospices, la construction à marche forcée de bâtiments modernes qui allaient apporter aux malades de la lumière, de l’espace, des couleurs, des mobiliers nouveaux, et plus généralement un environnement conforme à son temps. Les nouvelles unités médicales étaient conçues pour favoriser les visites des familles dans des conditions d’intimité acceptables et la déambulation dans des hôpitaux désormais ouverts sur la ville ; les hôpitaux hébergeaient à présent des cafétérias, kiosques à journaux, coiffeurs et fleuristes, puis bientôt, éléments devenus essentiels de l’ouverture sur le monde, la télévision et le téléphone au chevet des patients. Dans le cadre d’une planification nationale bien orchestrée, les « salles » disparaissaient progressivement pour laisser place à des chambres.Ce mouvement a été contemporain de l’émergence d’un service public hospitalier s’affichant avec fierté, décomplexé vis-à-vis des cliniques qui jusqu’alors – du moins l’affirmaient-elles – offraient seules le confort moderne aux malades.Pour la première fois était pensé un hôpital profondément attentif aux aspirations de ses publics, se donnant l’ambition de donner le meilleur à tous, aussi bien au plan médical que dans les différents volets de l’accueil. Plusieurs chartes ont été alors rédigées pour le proclamer, comme autant d’engagements.Pour les jeunes professionnels de ce temps, cette volonté de civiliser véritablement la vie hospitalière, de mettre en place des organisations nouvelles, d’introduire de nouvelles façons de servir, a forgé pour toute leur carrière une manière de concevoir l’hôpital.

C’est cette période de transition, plus longue qu’il n’y paraît, fondatrice à bien des égards de nos hôpitaux d’aujourd’hui, que vient retracer notre exposition sur « l’Humanisation ». Différents éclairages y sont donnés d’un moment important de l’histoire hospitalière, telle qu’elle a été construite et vécue au sein des hôpitaux de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris. Les programmes d’humanisation comprenaient des opérations de grande ampleur. Ils s’appuyaient également sur toute une série d’initiatives locales propres à améliorer le quotidien des malades. Ils se sont nourris de multiples réflexions. L’exposition nous permet de les connaître ou d’en retrouver la mémoire.Cette grande mutation nous interroge forcément, à un moment où de nouvelles organisations se dessinent, se mettent en place. Plusieurs mouvements s’entrecroisent à nouveau sous nos yeux : les associations et les usagers y prennent une place importante.Aujourd’hui comme hier, les hôpitaux veulent légitimement utiliser les outils de leur temps.

AVANT-PROPOS

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Les systèmes d’information sont actuellement une clé de la modernité et de l’amélioration du service hospitalier. C’était alors le cas des architectures et des matériaux nouveaux, qui bouleversaient les conditions de séjour, les modes de circulation des malades et des professionnels, l’environnement matériel. L’innovation technique permet de rationaliser, de soigner de façon plus efficace et plus sûre, en recherchant le meilleur usage des ressources disponibles. L’humanisation de cette période est allée elle-même de pair avec l’accueil d’un nombre de patients bien plus important, pris en charge par des équipes plus qualifiées, mieux formées, plus professionnelles. Celle que portent aujourd’hui dans un nouvel élan les programmes d’investissement de nos hôpitaux – car de grands chantiers de travaux sont aujourd’hui en cours sur les sites de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris pour construire, réaménager, rénover – s’appuie également sur un ensemble de métiers renouvelés, de nouvelles compétences.L’hôpital poursuit son ouverture sur la ville, de multiples façons : soigner les patients comme à la maison, mais aussi venir soigner à la maison. Une des grandes évolutions qui prend forme sous nos yeux est un hôpital mieux intégré dans la cité, véritablement approprié par la population, volontairement accessible à tous, recours dans les moments les plus difficiles comme les plus heureux de l’existence. Illustrant cette tension, on a pu dire à la fois que l’hôpital devenait la « cathédrale » de notre temps et qu’il se devait d’être plus « citoyen ».

Tout ce qui précède montre que l’hôpital public n’est pas une structure monolithique, mais qu’il s’efforce d’évoluer et de s’adapter aux besoins nouveaux de la société. L’humanisation, même si l’on use d’autres mots aujourd’hui pour la désigner, est un chantier toujours ouvert. La promotion des droits des malades, individuels et collectifs, le prolonge aujourd’hui.L’exposition sur l’Humanisation est une invitation à parcourir ces années, à réfléchir sur les nôtres et, déjà, à imaginer l’avenir de l’hôpital de tous et de chacun.Nous lui souhaitons le plus grand succès.

Jean-Marie LE GUEN Benoît LECLERCQPrésident suppléant Directeur général de l’AP-HPdu Conseil d’administration de l’AP-HP

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« Penser, c’est toujours apprendre à penser le manque qu’est aussi la pensée, et parlant, à préserver ce manque en l’amenant à la parole. »Maurice Blanchot, Le Livre à venir« … Et ce qui manque ne peut être compté. »L’Ecclésiaste

Fondée sur le refus d’abandon et la volonté de soulager la souffrance humaine, la médecine est l’une des formes d’affirmation les plus anciennes de la notion de droits de l’homme, longtemps avant qu’ils n’aient fait l’objet d’une formulation explicite : droit de chacun à la solidarité, à l’accompagnement, au respect, à la vie, au réconfort.

La volonté d’« humanisation » des hôpitaux est essentielle. Mais cette volonté traduit aussi la distance qui s’est creusée entre les valeurs qui fondent la médecine et la réalité de leur mise en pratique. Comment combler ce fossé si l’on ne s’interroge pas sur les raisons de son existence ?

Il y a les extraordinaires avancées d’une médecine scientifique et technique de plus en plus « fondée sur des preuves ». La démarche scientifique explique, prédit et modifie d’autant mieux ce qu’elle perçoit de la réalité qu’elle fait abstraction d’une part importante de la singularité de ce qu’elle étudie. L’exemple le plus extrême en est la formalisation mathématique, dans laquelle les objets d’étude se réduisent à de simples points sur une courbe. Comment, lorsque c’est d’une personne qu’il s’agit, faire en sorte qu’elle ne soit pas tout entière réduite par la médecine à cette vision désincarnée ? Nous disons Je et Tu, écrivait Martin Buber, mais la science dit Il ou Elle. Et il nous faut à chaque fois réapprendre, poursuivait Buber, à dire Tu à celui et à celle dont je sais qu’il ou elle se pense comme un Je, et dont j’attends qu’il me dise Tu, pour que nous construisions un Nous.

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PREFACES

Penser le manque

Jean Claude Ameisen, Professeur d’immunologie à l’Université Paris-Diderot, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Président du Comité d’éthique de l’Inserm, membre du Comité consultatif national d’éthique

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La médecine répare de mieux en mieux. Mais c’est quand la guérison est impossible que la médecine moderne se révèle trop souvent soudain incapable de soulager la souffrance. En témoigne, de façon tragique, l’absence d’accès aux soins palliatifs pour tant de personnes en fin de vie.

Soigner. Dans la langue anglaise, soigner se dit to care et signifie à la fois prendre soin de et accorder de l’importance à quelqu’un. Permettre à la personne de vivre avec sa maladie, de vivre avec son handicap, le mieux possible, parmi les autres, quel que soit le temps qui reste. La santé, dit l’OMS, ce n’est pas l’absence de maladie ou de handicap, mais « un état de bien-être physique, mental et social ». Dans un tel contexte, soulager la douleur, la souffrance, la détresse, c’est apporter de la santé à celle ou celui qui en manque.

Dans notre pays, 70 % des personnes qui meurent chaque année meurent à l’hôpital ou en institution, mais seulement 20 % aux Pays-Bas. Pourquoi avons-nous tant de mal à développer l’accompagnement à domicile d’une personne en fin de vie ?

« La fin est l’endroit d’où nous partons. »T. S. Eliot

La situation des personnes en fin de vie devrait être le point de départ d’une réflexion globale sur notre façon de vivre ensemble, et sur la nécessité de changer en profondeur notre culture en matière d’accompagnement des personnes les plus vulnérables, pour leur permettre de vivre au mieux parmi les autres, avec les autres.

L’isolement d’une personne vulnérable est source d’aggravation de son état. Pourtant, nous avons souvent tendance à considérer que le meilleur moyen d’accompagner des personnes vulnérables est de les envoyer « ailleurs », dans des institutions à l’écart de notre société, plutôt que de les aider à vivre au mieux au contact de leur famille et de leurs proches. Personnes âgées arrivant aux urgences et envoyées dans des hôpitaux gériatriques éloignés de leur lieu de résidence, où leurs proches auront les plus grandes difficultés à les visiter et à les entourer. Personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou d’autres handicaps mentaux, isolées dans des institutions ou accompagnées par leur seule famille qui s’épuise. Personnes atteintes de maladies psychiatriques graves abandonnées dans la rue ou enfermées dans nos prisons…

Nous ne manquons pourtant pas d’initiatives généreuses, sous la forme de l’affirmation d’un droit, et de son inscription dans la loi. Loi du 9 juin 1999 sur les soins palliatifs, loi

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du 4 mars 2002 sur les droits des malades, loi du 22 avril 2005 sur la fin de vie, loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées. Mais nous nous préoccupons trop peu de l’essentiel : l’inscription de ces droits dans la réalité, l’accès au droit, sans lequel il n’y a pas de véritable droit.

Pour la plupart des personnes, l’hôpital est le dernier recours en cas de problème majeur de santé. Mais pour les personnes en situation de précarité ou d’exclusion socio-économique ou culturelle, qui ont peu ou pas accès au réseau de prise en charge médicale et de soins de ville, l’hôpital devient, souvent trop tardivement, le premier recours. Et au-delà de la question essentielle de l’accès aux soins, aux traitements et à la prévention, le poids des facteurs socio-économiques sur la santé est trop souvent négligé. Dans notre pays, un ouvrier spécialisé âgé de 35 ans a en moyenne une espérance de vie de sept ans inférieure à celle d’un cadre du même âge. Il y a aussi des disparités régionales importantes en termes d’espérance moyenne de vie. D’autres études, réalisées en Angleterre, indiquent que l’espérance moyenne de vie des personnes qui travaillent dans des administrations diminue, de haut en bas, tout au long de l’échelle hiérarchique. Cette corrélation est indépendante des facteurs médicaux connus pour abréger la durée de vie – tels que l’hypertension artérielle, l’obésité, le tabagisme, l’alcoolisme – et pourrait être liée à une forme de stress chronique.

Ainsi, la manière même dont nous construisons notre façon de vivre ensemble se traduit aussi en termes de santé et de maladie, de vie et de mort.

Le droit à la préservation de la santé est une composante essentielle du respect de la dignité humaine. Mais il y a plus encore, dans les relations entre santé et dignité. Jonathan Mann, qui a été le pionnier d’un mouvement qui a affirmé que le Sida devait être emblématique d’un droit de tous à la prévention et aux traitements, écrivait un an avant sa disparition, il y a onze ans, « une exploration de la signification de la dignité humaine et des différentes formes de violation de cette dignité – et des conséquences de ces violations sur le bien-être physique, mental et social – devrait permettre de découvrir un nouvel univers de souffrances humaines, à l’égard duquel le langage biomédical pourrait se révéler inapte à toute description, voire inepte ».

« Aucun être humain n’est une île, entier à lui seul ; chaque être humain est une partie du continent. »John Donne

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Il s’agit de faire en sorte qu’aucune personne ne devienne une île à la dérive, mais que chacune demeure toujours une partie du continent. De notre continent. De notre commune humanité.L’hôpital ne peut être conçu simplement comme une magnifique plate-forme technique, comme un navire au milieu de la mer qui recueillerait des naufragés, les réanimerait, et les remettrait à la mer sans plus s’en préoccuper. L’hôpital ne peut prendre son véritable sens qu’en se pensant, en étant pensé, comme un élément essentiel d’un système de préservation de la santé qui l’inclut et le dépasse.

L’hôpital est le reflet du degré d’humanité d’une société. Peut-on espérer « humaniser » l’hôpital sans essayer d’« humaniser » la société ? « Ce qui manque ne peut être compté. » Mais ce qui manque doit être pensé. Et comblé. Avec la certitude de ne jamais y parvenir. Mais avec la volonté de ne jamais y renoncer.

En gardant en mémoire les mots de Martin Buber, « la seule chose qui puisse être fatale à l’humanité, c’est de croire à la fatalité ».

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Voici plus de soixante ans que la question de l’humanisation des hôpitaux est à l’ordre du jour.

Courageusement identifiée par quelques pionniers qui se sont attachés à dégager les contours d’une humanisation de plus en plus complexe au fil du temps, au fur et à mesure que les exigences des usagers s’affirmaient et que l’esprit du temps s’accommodait de moins en moins des visions tutélaires alors en usage dans la médecine.

Pour ceux de ma génération, une figure domine cette ambition. Celle de Simone Veil qui probablement mieux que d’autres avait compris que la situation de malade se traduisait par une subordination inadmissible aux contraintes de l’univers hospitalier.

Après que Bernard Ducamin aura posé le principe de la nécessaire reconnaissance des droits des usagers, Simone Veil aura déployé son énergie pour rendre visibles et lisibles ces droits pour tous ceux que la maladie conduit aux portes de l’hôpital. De ce point de vue, la « Charte du patient hospitalisé » sera un geste fondateur.

Mais il a été nécessaire d’aller plus loin. Pour de multiples raisons d’ailleurs, parmi lesquelles l’approfondissement des exigences liées au respect de la dignité humaine dans une seconde partie du XXe siècle qui consacre le primat de l’autodétermination de l’individu face aux contraintes des organisations collectives.

S’y sont ajoutés deux événements qui ont mis en lumière les limites de l’hôpital tel qu’il était.

Tout d’abord, la prise en charge des personnes infectées par le virus de l’immunodéficience humaine, le VIH/Sida. Il n’est rien de dire que toute l’organisation hospitalière a été impactée, autant que la société française d’ailleurs. Malgré les efforts entrepris en matière d’humanisation, les peurs suscitées par l’épidémie se

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Un cours nouveau ?

Christian Saout, Président du Collectif interassociatif sur la santé (CISS)

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sont déployées sans limites. Daniel Defert, compagnon de Michel Foucault, en a porté témoignage1, vingt ans après, encore, dans Libération. Cependant, à force de mobilisation sociale, à coups d’expressions parfois violentes, des aménagements ont été obtenus : la perception de la chambre comme espace privé, la modification des horaires de consultation, la double dispensation des médicaments en ville et à l’hôpital. Certains hospitaliers n’attendant d’ailleurs pas qu’on leur demande des efforts pour prendre des initiatives salutaires, comme Michel Kazatchkine qui créait une consultation du soir2. Plus profondément, c’est tout le rapport médecin-malade qui a été bouleversé.

Le second événement, c’est évidemment l’émergence des maladies nosocomiales. La presse a abondamment relayé les préoccupations des malades entrés à l’hôpital pour une maladie ou plus souvent pour une intervention chirurgicale et qui se trouvaient à la sortie gravement atteints par des germes aux effets délétères. Ici, c’est la sécurité des soins qui s’est introduite au cœur de l’humanisation des hôpitaux.

On le voit bien, l’humanisation dépasse de loin la question du confort à l’occasion d’un séjour hospitalier. Et cet ouvrage montre combien les efforts ont été nombreux pour adosser cette humanisation à des normes juridiques, légales ou réglementaires, et à des recommandations ou des chartes. Parmi ces normes, celles dégagées par le législateur3, du 4 mars 2002, pèsent plus que d’autres dans la mesure où elles fixent un cadre théorique idéal, découpant la matière en deux chapitres désormais bien connus : les droits individuels (droit d’accès au dossier, droit au consentement, droit à l’information, droit à la réparation des conséquences dommageables des dysfonctionnements du système de soin) et droits collectifs (droit de représentation, droit à la participation).

Ces constructions juridiques, que certains critiques qualifient « d’inflation normative », ont-elles produit du changement en matière d’humanisation ? Nous voudrions bien, tous, en avoir la certitude. Car il y a de nombreux écueils sur la route du changement.

D’abord, comme sa racine latine l’indique, l’humanisation est une affaire d’humain. Et il faut déplorer de grandes résistances au changement. Dans un modèle hospitalier intéressé avant tout à l’organe, l’idée d’une approche globale de l’individu peine encore à progresser. Bien sûr certains comportements sont exemplaires, mais la production littéraire annuelle4 abonde de témoignages en sens inverse. Ensuite, les organisations hospitalières elles-mêmes ne poussent pas à faire de

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l’humanisation un combat de tout l’hôpital. La dichotomie soin/administration au sein de l’hôpital ne produit pas de projet hospitalier dont les priorités stratégiques, au rang desquelles doit figurer l’humanisation, sont relevées par une mobilisation collective de tout l’hôpital. Pour avoir eu dans mes responsabilités associatives locale et nationale à me préoccuper de l’amélioration de la qualité de vie des personnes séropositives à l’hôpital, je peux témoigner de cas, assez nombreux, où les chefs de services se sont comportés comme des « petits chefs », comprenez par là qu’ils se sont opposés du haut de leur chefferie avec petitesse à toute initiative associative. Mais il n’en va pas mieux dans les directions hospitalières : les associations sont souvent priées de séjourner dans le hall d’accueil de l’hôpital sans aménagement pour recevoir les patients et surtout, c’est bien pire, sans rôle institutionnel leur permettant de mobiliser leurs compétences en faveur de l’humanisation des hôpitaux.

Enfin, balayons devant notre porte, les militants associatifs ne se situent pas tous du côté de la proposition articulée et argumentée. Faut-il leur en vouloir ? Un peu sans doute. Mais pas trop, car le magnifique mot de démocratie sanitaire qui inspire la loi n° 2002-303 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé n’a mérité aucun financement digne de ce nom. Là où notre pays a su solvabiliser la démocratie représentative et la démocratie sociale, il se refuse à apporter les subsides nécessaires à l’émergence d’une démocratie sanitaire propositionnelle et participative. Pour coordonner la vie associative et insuffler aux propositions une méthodologie éprouvée, un collectif d’associations en région reçoit 30 000 €. Aucun député ou sénateur n’accepterait cette aumône pour faire fonctionner sa permanence dont le ressort territorial est au passage vingt fois inférieur à une organisation régionale de patients !

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Comment dépasser ces contraintes et faire de l’humanisation des hôpitaux une question vivante, quotidienne et satisfaisante pour tous ?

D’abord en commençant par ne pas rajouter de droits aux droits mais en s’attachant plutôt à promouvoir l’existant. Nous sommes entrés dans le domaine de l’illisible. De nombreux hôpitaux ont cru qu’il suffisait de remettre au patient entrant dans un établissement public de santé un livret d’accueil. De plus en plus volumineux, ce

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livret d’accueil n’est pas lu et encore moins objet d’une appropriation par le patient. Bien sûr, il faut remettre ce livret d’accueil. Mais il faut le faire dans un esprit de promotion des droits. Certains disposent de l’équation personnelle pour y parvenir. Tant mieux. Pour tous les autres, le plus grand nombre à vrai dire, la formation doit être le passage obligé. Car il ne s’agit pas de faire des droits une question de spécialistes, en instaurant dans chaque établissement une sorte de « médiateur des droits », ce que sont d’ailleurs un peu les conciliateurs, mais de faire de la question des droits un sujet porté par toutes les catégories professionnelles intervenant à l’hôpital, comme on l’a fait pour la sécurité des soins. Par ailleurs, la question des droits doit agir comme un « marqueur » de l’humanisation et non pas comme une question en soi dont il faut promouvoir la connaissance par le patient sans autre objectif à poursuivre.

Ensuite en bâtissant des hôpitaux à taille humaine, car à l’hôpital, c’est de l’humain dont nous avons besoin ! Et nous en sommes loin. Probablement parce qu’une fois dépassé une certaine taille, un management capable de porter le défi de l’humanisation est impossible. Cela amène inévitablement à s’interroger sur la logique française des grands équipements. Aucun pays comparable au nôtre n’a de tels équipements de si grande taille en aussi grand nombre et… aucun d’entre eux ne se pose de question sur l’humanisation dans des termes aussi difficiles que nous. L’expérience des pôles, qui débute, peut, à cet égard, être porteuse d’avenir, mais ne rêvons pas trop. Il aura suffi à certains d’entre nous d’être pris en charge dans un hôpital local et dans un grand centre hospitalier universitaire pour mesurer l’écart en termes d’humanisation. Au-delà de la question des attitudes, l’humanisation c’est aussi une question d’organisation et de taille des organisations.

Enfin, l’humanisation c’est une question politique. Comment y parvenir avec un mécanisme comme celui de la tarification à l’activité (T2A) qui promeut plutôt l’acte technique que l’acte clinique ? Les effets délétères de la T2A, qu’il faudrait corriger avant que l’on ne jette le bébé avec l’eau du bain, commencent à peser lourdement : au nom de l’activité et de l’équilibre des recettes, les hôpitaux multiplient les actes techniques, trop souvent sans raison, notamment dans la prise en charge des malades chroniques. Ils le font parce que l’activité clinique est mal reconnue dans la T2A. Comment « fabriquer » plus d’humanisation sans humains ? C’est plus qu’un défi dans un système français de prise en charge de la maladie chronique qui accuse une préférence pour l’hôpital. Cela confine à l’indignité vis-à-vis des personnels hospitaliers, notamment les soignants. Il faut écouter et surtout lire ce qui s’écrit

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sur les blogs et sur les sites de l’Internet : au-delà des combats étroits contre la disparition des chefferies de service, c’est tout un monde de praticiens du soin qui témoigne de sa souffrance à relever le défi quotidien des soins de qualité pour tous. Il ne s’agit pas non plus de revenir en arrière sur la fonction administrative qui manquait cruellement à l’hôpital et dont nous avons besoin pour alimenter la gestion et l’évaluation de l’hôpital et discerner les meilleures pratiques, y compris en termes d’humanisation. De toute façon, un hôpital sous-administré ne risque pas de devenir un hôpital à visage humain ! D’autant plus que les administratifs de l’hôpital ont aussi une part d’humanisation à leur charge.

Le moindre des paradoxes c’est que plus de soixante ans après la prise de conscience d’une certaine humanisation au service des patients, nous en soyons à penser et à donner l’alerte pour une humanisation en direction des soignants !

En tout état de cause, s’agissant d’approche politique de l’humanisation, il serait raisonnable de gérer cette question par programmation quinquennale en choisissant quelques priorités au titre de l’humanisation des hôpitaux.

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Au moment de conclure cette préface, on me permettra sans doute d’en citer quelques priorités de premier rang.

D’abord l’attention aux plus défavorisés. Plus que d’autres, ils ont besoin d’humanité. Et le développement des permanences d’accès aux soins est inégal en nombre comme en qualité.

Ensuite, la formation de tous les personnels à la promotion des droits qui fait partie de la promotion de la santé ancrée dans l’idée de plus grande dignité des individus, quelles que soient leurs conditions de vie.

Enfin, l’acceptation des programmes d’accompagnement et de soutien des patients, conduits par les associations au sein des établissements de santé. Autorisés par la loi du 4 mars 2002, personne n’est capable d’en montrer, sept ans après, le bilan. C’est donc qu’on en a honte !

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L’humanisation des hôpitaux doit quitter la dimension individuelle qui atomise la personne pour gagner la dimension collective qui génère du lien collectif, seule voie du changement d’échelle attendus par tous, patients comme soignants.

1. On peut se reporter avec beaucoup d’intérêt à l’interview qu’a donnée Daniel Defert à Libération le 19 juin 2004, accessible sur www.actions-traitements.org : « Son médecin est là, à côté de vous ? Oui, et je lui demande : “Mais qu’est-ce que cela veut dire ?” Elle me répond : “Rassurez-vous, cela disparaîtra, il n’y en aura pas de traces.” “Mais attendez, ce n’est pas le problème.” Et là, violemment, je découvre la réalité sida : faire semblant dans l’impensable social. Je découvre cette espèce de peur sociale qui avait occulté tout rapport de vérité. Je trouve inadmissible que des gens, encore jeunes, à l’extrémité de leur temps de vie, ne puissent avoir de rapport de vérité ni avec leur diagnostic ni avec leur entourage. Cela devint pour moi un enjeu majeur et immédiat : la maîtrise de sa vie. »2. Michel Kazatchkine a raconté cette expérience dans un livre La Consultation du soir, Presses de la Renaissance, Paris, 2003. 3. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. 4. Membre du jury du prix « Paroles de patients » en 2008, j’ai eu l’occasion de lire une quinzaine d’ouvrages de malades dont les témoignages et les analyses étaient loin d’accréditer l’idée d’une humanisation enfin effective de l’hôpital.

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1893RéglementationPremière grande loi d’assistance sociale, la loi du 15 juillet 1893 institue l’assistance médicale gratuite.

1898RéglementationLa loi du 9 avril 1898 sur la responsabilité patronale des accidents du travail ouvre les hôpitaux aux victimes de ces accidents, sans considération de condition sociale etde revenus.

1905RéglementationLa loi du 14 juillet 1905 institue l’assistance obligatoire aux vieillards, aux infirmes et aux incurables.

1926RéglementationLe Règlement modèle des hôpitaux, publié en annexe de la circulaire ministérielle du 31 mars 1926, institue plusieurs règles d’hygiène (changement du linge des hospitalisés et du personnel) et fixe les modalités d’accueil des malades payants au sein des hôpitaux.

1927Publications et expériencesDivers établissements dépendant des Hospices civils de Lyon sont équipés d’appareils de TSF avec haut-parleurs, sur l’initiative d’un savant lyonnais. L’opération remporte un vif succès.

1928 RéglementationLes lois du 5 avril 1928 et du 30 avril 1930 sur les assurances sociales, en instituant pour les salariés une couverture du risque maladie, ouvrent l’institution hospitalière aux classes moyennes. « Il ne faut pas perdre de vue que, les assurés étant des malades payants, demanderont vraisemblablement […] un confort hospitalier que les assistés d’aujourd’hui ne peuvent exiger. Nombreux seront alors les hôpitaux qui devront faire un effort pour devenir des établissements modernes susceptibles de satisfaire aux besoins nouveaux. » « Présentation de la loi du 5 avril 1928 sur les assurances sociales », Revue des Hôpitaux et de la Société hospitalière d’Assurances mutuelles, 1928, p. 423.

Les informations réunies dans cette chronologie sont extraites de documents conservés aux Archives de l’AP-HP (procès-verbaux du Conseil de surveillance, arrêtés et circulaires de la Direction générale, registres de correspondance des hôpitaux, etc.) ou signalés dans des revues comme la Revue hospitalière de France (RHF) et Techniques hospitalières (TH) ou dans plusieurs monographies.

CHRONOLOGIE

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1929 Actions de la Fédération hospitalière de France (FHF)Au VIIIe congrès annuel de l’Union hospitalière du Centre, André Gouachon présente un exposé sur « Le bien-être des malades dans les hôpitaux américains ». Dans son livre, Les Hôpitaux des Etats-Unis et du Canada (Lyon, Noirclerc et Fénétrier, 1931), il met l’accent sur la dimension hôtelière de ces établissements.Publications et expériencesLe Ier Congrès international des hôpitaux se tient à Atlantic City et rassemble 36 pays : une délégation de directeurs d’hôpital français visite les hôpitaux des Etats-Unis et du Canada pour y rechercher des exemples à suivre.

1935 Actions de l’Assistance PubliqueLe nouvel hôpital Beaujon ouvre à Clichy : vitrine de la modernité de l’AP, il dispose de nombreux éléments de confort et de bien-être du malade. « A chaque lit de malade est adaptée une table pliante faisant office de table à manger et de pupitre, permettant aux alités de prendre plus commodément leur repas et de lire. A la tête de chaque lit se trouve un appareil de TSF avec casque. Les malades peuvent ainsi écouter les auditions des principaux postes ; une bibliothèque circulante contribue à adoucir leur séjour à l’hôpital. » (RHF, 1940, p. 398)

1937 RéglementationLa circulaire ministérielle du 12 juin 1937 relative aux devoirs du personnel et à la discipline dans les établissements hospitaliers interdit les associations représentatives de malades, tout en reconnaissant la nécessité d’une collaboration des malades et des médecins. Elle fait également appel à la conscience professionnelle des hospitaliers : « Vous ne sauriez oublier un seul instant […] qu’un principe fondamental commande votre labeur : l’intérêt supérieur du malade ».Actions de l’Assistance PubliqueLa circulaire du 16 juillet 1937 rappelle aux personnels l’interdiction de tutoyer les malades. Le Directeur général de l’AP souligne que cette « pratique […] est interprétée par la plupart des malades comme un manque d’égards ».

1941 RéglementationLa loi du 21 décembre 1941 relative aux hôpitaux et hospices civils établit l’hôpital « toutes-classes », ouvert à l’ensemble de la population française et non plus réservé aux classes pauvres de la société. Les établissements hospitaliers reçoivent désormais obligatoirement des malades payants, répartis en trois catégories (en fonction du niveau de confort et des moyens financiers des malades). Ce texte n’est rendu effectif qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec le décret du 17 avril 1945.Actions de l’Assistance Publique• En attendant la parution du règlementcomplétant la loi du 21 décembre 1941, l’AP

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Avant de se concrétiser dans des actes précis, l’humanisation a été abondamment pensée et débattue. Un petit florilège de ces textes est présenté ici, privilégiant ceux qui, de portée nationale, ont été prononcés lors d’importants congrès ou publiés dans la Revue hospitalière de France, à un moment où ce thème se cristallisait dans les consciences. En contrepoint, quelques extraits de récits du séjour de patients rappellent la distance qui sépare professionnels et soignants, hier comme aujourd’hui.

UN DIAGNOSTIC

Dr Xavier Leclainche, Directeur général de l’Assistance publique de Paris (1949-1962), discours prononcé dans le cadre de la Journée nationale des hôpitaux : « Il faut humaniser l’hospitalisation », 8 juin 1956

On ne saurait trop louer la Fédération d’avoir choisi comme sujet d’étude de sa Journée nationale « L’humanisation de l’hôpital ». Cette action constitue, en effet, avec la recherche de l’efficacité, la préoccupation majeure de tous les responsables hospitaliers. C’est ce qu’ont bien mis en évidence les remarquables travaux du Congrès hospitalier international de Lucerne, consacré au bien-être moral du malade. Il est bon, dans le cadre de ce Congrès international des Techniciens de la Santé, de s’interroger à nouveau sur un tel problème, en vue d’apporter des réponses valables aux graves questions qu’il pose. En raison de l’ampleur du sujet, notre propos sera moins d’analyser les tâches qui incombent aux hôpitaux pour qu’ils soient plus humains, ou de dresser l’inventaire des moyens qu’ils doivent mettre en œuvre à cette fin, que de nous efforcer de définir des buts et des principes, ainsi que de déterminer le rôle de l’Administration et du personnel dans cette entreprise.

Il convient tout d’abord de rechercher pourquoi et comment l’hôpital peut manquer d’humanité, en dépit du caractère de sa mission, par excellence humanitaire. Le fait est partout dénoncé, non souvent sans exagération ou injustice. A notre avis il est dû à une adaptation insuffisante, consécutive elle-même à une évolution brutale, à une véritable « mutation ».L’hôpital des anciens âges était humain dans son dessein, sinon dans ses réalisations matérielles. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, il était essentiellement voué à l’hébergement des indigents.

DOCUMENTS

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La médecine qui y était pratiquée était sans grandes exigences techniques. L’hôpital d’alors offrait un cadre de vie matériel d’une indigence qui nous déconcerte, mais qui cependant était accepté sans effroi, et qui était même recherché par les pauvres, qui, livrés à eux-mêmes, connaissaient un sort encore plus misérable. En quelques lustres, cette situation a été bouleversée. La médecine a pris un caractère scientifique. Son développement, comme celui des institutions sociales, a ouvert l’hôpital à toutes les classes de la société, alors qu’ont grandi les exigences de l’ensemble de la population, indigents compris. La complication de la législation sociale, les nécessités d’ordre financier, les exigences accrues d’une gestion de plus en plus lourde et délicate entraînent parallèlement l’alourdissement du formalisme administratif et l’extension de la bureaucratie.

Si bien qu’aujourd’hui l’hôpital tend à devenir moins accueillant au malade et à ses proches, au moment même où il met en œuvre des moyens de plus en plus puissants et perfectionnés. En réalité, malgré leur développement quantitatif et qualitatif, ces moyens, du fait du développement rapide de la médecine et de la fréquentation hospitalière, s’avèrent souvent insuffisants, qu’il s’agisse du personnel, des locaux ou du matériel. En l’occurrence, l’efficacité n’est pas seule compromise, les conditions matérielles et morales d’accueil et de séjour sont, du même coup, affectées, comme en témoignent les attentes dans les consultations ou à l’entrée, les admissions différées, les retards imposés aux examens et aux traitements, l’encombrement des salles, le surmenage du personnel, la bousculade qui marque l’activité d’une partie de la journée dans de nombreux services.

Cependant, s’il convient d’insister sur cette évidence qu’un hôpital ne peut être humain que dans la mesure où il dispose de moyens suffisants à l’accomplissement de sa mission, il s’en faut de beaucoup qu’un hôpital soit humain du seul fait qu’il utilise de tels moyens.

AU-DELA DU MATERIEL

« Le sourire à l’hôpital », rapport présenté par Mlle Millieix, chef du service de recouvrement des frais de séjour à l’Assistance publique de Marseille, Revue Hospitalière de France, juillet 1955

Nous nous excusons de l’allure peu sérieuse de ce titre et de traiter un sujet d’apparence aussi légère en présence de fonctionnaires respectables, d’administrateurs aux lourdes responsabilités, de directeurs généraux aux larges compétences et de représentants ministériels aussi qualifiés.

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AAccueil« Dans le cadre de son étude sur “le bien-être du malade à l’hôpital”, la sixième commission du Conseil de surveillance a préconisé, entre autres, les mesures suivantes […] : A l’occasion des réunions des chefs de service que vous organisez périodiquement, vous devrez faire figurer à l’ordre du jour les questions ayant trait à l’amélioration de l’accueil et à la réduction du temps d’attente des malades dans les consultations. A cet égard, les chefs de service peuvent exercer sur leurs collaborateurs une influence primordiale en mettant l’accent, au cours de leur enseignement, sur la psychologie du malade, la patience et la sollicitude qu’il réclame, et surtout en exigeant d’eux une ponctualité qui est un élément essentiel de l’amélioration de l’accueil à l’hôpital. »Circulaire du 24 novembre 1958 : Amélioration de

l’accueil du malade à l’hôpital

« Diverses recommandations relatives aux questions d’accueil dans les hôpitaux vous ont été faites au cours de ces dernières années.Il apparaît maintenant opportun de conférer un caractère obligatoire à certaines des mesures dont il s’agit et d’en étendre l’application à l’ensemble des services et des établissements tout en les complétant à la lumière de l’expérience acquise.[…] C’est ainsi que les dispositions visant à personnaliser les rapports des médecins avec les malades et leur famille doivent être généralisées et renforcées.[…] il apparaît hautement souhaitable de faire porter en permanence, pendant leurs heures de travail, à tous les personnels en service dans les établissements, un insigne nominatif permettant aux hospitalisés de connaître facilement le nom et la fonction des intéressés.[…] Trop souvent encore, en dépit des instructions maintes fois renouvelées, les malades sont gênés par des bruits d’origines diverses […]. Il a été également constaté que

PETIT ABECEDAIRE

L’humanisation a ambitionné de porter sur tous les secteurs de la vie hospitalière. Nourrie des réflexions organisées par la Fédération hospitalière de France dans le cadre de colloques et de séminaires, l’intention des directeurs était bien de tenter de repenser l’ensemble du fonctionnement de leur institution à partir de ce critère, aucun lieu ni situation ne devant être négligés. L’examen des arrêtés et circulaires de la Direction générale de l’Assistance publique de Paris en fournit un exemple singulier, compte tenu de l’échelle des actions à engager. Cette abondance, dont quelques morceaux choisis sont ici réunis, témoigne à la fois de la dimension de l’institution et de l’énormité de la tâche à accomplir. On y découvre aussi que cette préoccupation n’a pas attendu les années cinquante pour commencer à se concrétiser.

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certains membres du personnel se permettent de fumer en présence des malades sans considération des égards qu’ils leur doivent. Je vous invite à rappeler fermement, sur ces points en particulier, les règles de la bienséance à l’ensemble du personnel de votre établissement.[…] Ces instructions, qui complètent ou rappellent les diverses actions menées depuis plusieurs années dans le cadre de l’humanisation des hôpitaux, ne seront efficacement appliquées que si l’ensemble du personnel se sent concerné […]. »Note de service du 16 novembre 1972 : Humanisation

des hôpitaux

Amabilité« J’ai l’honneur de vous transmettre ci-jointe une circulaire ministérielle relative à l’ouverture d’une nouvelle croisade pour l’amabilité. Je ne doute pas que tout le personnel de l’Administration de l’Assistance publique aura à cœur de suivre avec une attention encore plus scrupuleuse, à l’occasion de cette croisade, les traditions déjà si heureusement établies dans nos établissements. »Note du 16 mai : Croisade pour l’amabilité

Appétit« Un essai de découpage de la viande rôtie dans les salles de malades vient d’être effectué dans quelques-uns de nos établissements. Cet essai […] a donné d’excellents résultats, la viande ainsi découpée au moment même où elle doit être consommée étant plus chaude et beaucoup plus appétissante que lorsqu’elle est découpée à la cuisine.

L’essai a également démontré qu’il était préférable de faire effectuer le découpage de la viande dans la salle même plutôt que dans l’office voisin. Le résultat est sensiblement le même en ce qui concerne la rapidité du service, les malades ont, de plus, la satisfaction d’assister au découpage qui leur rappelle les habitudes familiales.Dans ces conditions, j’ai décidé qu’il y avait lieu de généraliser cette mesure. »Circulaire du 19 août 1933 : Découpage de la viande

au lit même du malade

« Donner des rations égales sans se préoccuper du goût et de l’appétit de chacun, c’est favoriser un gaspillage de denrées qui, blâmable en tous temps, est absolument intolérable à l’heure actuelle. […] N’hésitez pas à vous entretenir avec les malades, à écouter leurs doléances s’il y a lieu, à leur faire comprendre que l’Administration s’attache à leur procurer le maximum de confort, dans toute la mesure où le permet la situation présente. »Circulaire du 2 janvier 1941 : Distribution des vivres

aux malades. Température des salles

Avis d’aggravation« Il est d’usage d’adresser un avis aux familles des malades dont l’état s’est subitement aggravé. Dans la majorité des cas, les établissements se servent de la formule imprimée spécialement conçue à cet effet.Mais les agents chargés de ces fonctions ne doivent pas manquer d’utiliser, chaque fois que la chose est possible, les moyens plus rapides de prévenir la famille […].