Upload
others
View
0
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
Chapitre3
Le système bancaire et intermédiation bancaire
Suite
5.2. L’intermédiation financière
Dans la notion d'intermédiation, il faut d'abord distinguer
intermédiation de marché (passive) et intermédiation de bilan (active).
L'intermédiation peut être passive en ce sens que le rôle de
l'intermédiaire financier se limite à aider les agents à besoin de
financement à trouver les agents à capacité de financement pour
écouler les titres que les premiers désirent offrir à long ou court terme
aux seconds. C'est l'"intermédiation de marché". En plus de cette
fonction traditionnelle de courtage, l'intermédiation de marché remplit
aussi aujourd'hui la fonction de contrepartie.
L'intermédiation est active lorsqu'elle comporte une fonction de
transformation de titres, ce qui affecte nécessairement le bilan de
l'intermédiaire, d'où l'expression d'"intermédiation de bilan". Cette
dernière a pour fonction traditionnelle l'octroi de crédit ;
l'intermédiation de titres au travers des OPCVM en constitue une
forme contemporaine.
Parmi les intermédiaires financiers, les banques. Elles sont les
seules à détenir le pouvoir de création monétaire et donc
d’augmentation de la quantité de monnaie en circulation. Le système
bancaire joue donc un rôle crucial dans le processus de création
monétaire.
L'économie bancaire traditionnelle s'intéressait essentiellement
aux liens entre monnaie et crédit au niveau macroéconomique et en
particulier aux mécanismes de transmission de la politique monétaire
menée par la banque centrale. L'approche moderne, qui s'est
développée à partir du début des années 1980 adopte un point de
vue plus microéconomique, en étudiant de façon détaillée le
comportement des banques individuelles confrontées à l'évolution de
leur environnement concurrentiel et réglementaire.
6. Quel est le rôle spécifique des banques
Les banques commerciales créent de la monnaie en contrepartie
de titres de créances. il s'agit d'une monnaie dématérialisée. Les
dépôt font des crédits mais les crédits aussi font des dépôts car les
banques peuvent prêter de la monnaie qu'elles n'ont pas. Cette
création monétaire est appelée « ex nihilo », c’est-à-dire à partir de
rien. Mais elle n’est pas sans contre partie (gratuite), elle n’est pas
illimitée et elle n’est pas éternelle comme nous l'avons déjà vu dans
le chapitre 3 consacré à la création monétaire.
Les banques étaient les seules à pouvoir fournir des services de
liquidité et de crédit aux entreprises et aux ménages. Mais vers la fin
des années 1970, le développement sans précédent des marchés
financiers, a posé l’interrogation quant à la spécificité du financement
bancaire par rapport au financement direct et sur la survie des
banques traditionnelles. Actuellement les banques interviennent
activement sur le marché financier. Auparavant, elles faisaient le
crédit, prenaient le risque, le surveillaient, puis encaissaient des
fonds au fur et à mesure.
Dans le modèle actuel, essentiellement américain, les banques
font le crédit et donc prennent le risque mais le transmettent à
d'autres. Le risque disparait des établissements bancaires. Cette
évolution n’est pas sans effets négatifs sur l’économie, la crise des
« Subprimes » en est la preuve récente.
7. La crise des « Subprimes »
Cette crise débute à l'été 2007 à cause des "Subprimes", des
prêts hypothécaires consentis à la classe moyenne américaine. En
principe, un emprunteur qui veut acquérir un logement est autorisé à
emprunter en fonction de son salaire et de sa capacité à rembourser
sa dette. Aux Etats-Unis, les Américains ont donc créé des
Subprimes. Les emprunts se font même si le salaire est insuffisant, le
bien immobilier est la garantie. Il faut dire qu’à cette période, le
marché de l’immobilier était en hausse. Les taux d'intérêt sur ces
prêts sont très élevés et variables en fonction de l'évolution des taux
de la FED. La durée de remboursement est de 30 ans. En cas
d’incapacité de remboursement, la banque récupère la maison et la
vend. Or les prix de l'immobilier ont largement baissé et les banques
perdaient de l'argent sur la vente.
Figure 14 : Crise des « Subprimes »
Crédit immobilier
Risque défaut
de paiementBien immobilier
Hypothèque
besoin en
liquidité titre
Institutions financières
saisie
opacitéDépréciation de l’actif
Dégradation du bilan
banque
Crise liquidité
m/ché
interbancaire
Banques
commerciale
achetés
Titre dilué
Baisse du prix de
l’immob
Perte générale confiance
Bques ne se prêtent plus entre elles
faillite
accorde
transformésur
entraine
accroitrefinancement
assèchement
urce : Frédéric COMBELLE, SES Toulouse,http://automne-ses.ac-toulouse.fr
Source : Frédéric COMBELLE, SES Toulouse, http://automne-
ses.ac-toulouse.fr
Pour tenter de limiter les risques de ces crédits, les banquiers ont
eu recours à la titrisation. Ils ont transformé ces emprunts en titres
sur les marchés boursiers. Ces titres de dette se sont échangés sur
les places boursières. La titrisation permet aux établissements de
crédit de récupérer immédiatement les fonds prêtés aux ménages.
Par cette opération, c’est l’acquéreur du titre qui subit tous les risques
de non remboursement car au cas où l'emprunt pour l'achat de la
maison ne peut plus être payé, le titre n'a plus aucune valeur.
A partir de 2005, le taux de la FED augmente rapidement pour
atteindre 5,25% à la mi 2006. Les problèmes de remboursement
commencent en entrainant des mises en vente des logements. En
Août 2007, on assiste à un effondrement de la valeur de ces titres ce
qui entraîne des pertes pour les établissements financiers ayant
achetés ces titres et de fortes baisses en bourse en conséquence.
C'est la crise des subprimes. L’ouverture financière et la globalisation
de l’économie ont fait que toutes les banques étrangères, notamment
européennes, possédaient des titres de subprimes qui ne valaient
plus rien. Tout le monde en avait mais personne ne savait vraiment
combien.
La panique gagne alors les marchés et les banques vont se méfier
les unes des autres et ne plus vouloir se prêter de l'argent entre elles.
Car souvent quand les banques n'ont pas les liquidités nécessaires
pour accorder des crédits, elles empruntent de l'argent à une autre
banque pour pouvoir verser la "réserve obligatoire" afin de pouvoir
accorder le crédit au client. C'est une pratique courante Cette crise
de confiance des marchés interbancaires va entraîner la faillite de
certaines banques. En 2008, Les pertes se sont avérées plus
importantes que prévu, la chute de l'immobilier, la crise des
subprimes, les soubresauts de la bourse ont fait chuter les cours. Les
pertes d'actifs se sont montées à plusieurs dizaines de milliards de
dollars pour certaines banques. C'est le cas de Citibank, qui était la
première banque mondiale jusqu'à cette crise. La crise bancaire
évolue alors en krach boursier. Certains établissements de crédit ont
vu leur valeur boursière chuté en quelques semaines. Par exemple,
Lehman Brothers, la quatrième banque d'affaires de Wall Street, a
perdu 45% de sa valeur en une seule journée et 94% sur un an.
Les banques centrales et les Etats tentent alors d’intervenir pour
sauver le système. Des solutions ont été préconisées :
Les banques centrales injectent de nouveau des liquidités pour
que ces banques puissent emprunter, mais cette solution a des
limites car la création monétaire pouvait dégénérer sur une inflation
qui affectera l'économie réelle ; Les banques centrales récupèrent à
leur compte les titres dépréciés, comme les subprimes1. Là encore,
cette solution a des limites. Il faut dire que l’expansion du marché de
l’immobilier est due à l'expansion de crédit et de la hausse des prix
des actifs et non à la confrontation de l’offre et de la demande sur le
marché de logement. Les marchés ont donc permis l’expansion de
l’immobilier qui suite à sa chute a entrainé leur chute. La crise
immobilière s'est transformée en crise financière et bancaire, elle-
même entraînant une crise économique mondiale.
La crise des Subprimes explique en partie les origines des crises
bancaires et montre les modalités de l’intervention publique dans le
secteur bancaire. Deux points qu’on développera dans les deux 9 et
10.
Encadré 15
Au Royaume-Uni, l'endettement des ménages s'envole...
(...) Face aux prix qui flambent dans les magasins et avec des
salaires qui stagnent, ils (les Britanniques) choisissent de plus
en plus de compenser en s'endettant. Plutôt que de réduire
leur consommation, ils préfèrent recourir à leur béquille
préférée : cartes de crédit, découverts bancaires, prêts à la
consommation... Sur les douze mois menant à juin, les crédits
à la consommation tout confondu (hors prêts immobiliers) ont
fait un bond de 10%, un taux de croissance qui n'avait pas été
vu depuis 2005... Le spectre de la bulle de crédit ressurgit.
... La Banque d'Angleterre s'est pourtant voulue rassurante...
La situation n'est pas comparable aux années folles d'avant la
crise... Seuls 1,5% des Britanniques dépensent aujourd'hui
plus de 40% de leurs revenus à rembourser leurs dettes ; au
pire de la crise, le taux était deux fois plus élevé, à 2,5%.
En clair, les Britanniques ont redressé leurs comptes pendant
dix ans et peuvent se permettre de se desserrer la ceinture...
De plus l'envolée du crédit ne concerne que les prêts à la
1C'est ce qu'a fait la banque centrale américaine en mars 2008 pour sauver la banque d'investissement Bear Stearns. La banque centrale américaine a récupéré 29 milliards d'actifs toxiques (dépréciés et peu surs) et facilité la reprise de Bear Stearns par une autre banque JP Morgan.
consommation, qui ne représentent que 10% de l'endettement
des ménages, le gros venant de l'immobilier. Pour autant, la
Banque d'Angleterre surveille le sujet comme le lait sur le feu.
D'abord, malgré sa baisse, l'endettement des ménages est
resté élevé outre-Manche : il tourne autour de 140% du
revenu disponible, nettement plus qu'en France (110%) ou en
Allemagne (90%), même si c'est moins que dans les pays
comme la Norvège, les Pays-Bas ou le Danemark (presque
300% pour ce dernier).
Ensuite, tous les signaux passent à l'orange. Après avoir
longtemps baissé, le nombre de Britanniques qui peine à
rembourser leurs dettes augmente depuis un an... Près de 2,2
millions de personnes sont en difficultés financières à cause
de leur endettement.
Laxisme des banques
... Attitudes de plus en plus laxiste des établissements
financiers qui reviennent, eux aussi, à leurs mauvaises
habitudes. Ces derniers deviennent moins exigeants pour
accorder des crédits. Ainsi jamais un prêt de 10 000 livres (11
000 euros) n'a coûté aussi peu cher : son taux d'intérêt atteint
en moyenne 3,8%, deux fois moins qu'avant la crise.
...
L'Agence de notation Moody's a tiré le signal d'alarme (...),
elle a abaissé la perspective sur certains produits structurés
qui agrègent des prêts britanniques (des outils financiers
proches de ceux qui avaient provoqué la crise de 2008).
Conscientes des crises, et voulant éviter les dérives des
années 2000, les autorités financières britanniques ont décidé
d'intervenir en juillet, la Banque d'Angleterre a demandé aux
principales banques des informations supplémentaires sur les
risques contenus dans leurs portefeuilles de prêts.
(...) La financial conduct Authority (FCA), le régulateur
financier...comptent mieux encadrer les taux d'intérêt
excessifs qui pèsent sur certains produits.
La FCA était déjà intervenue en 2015 sur une catégorie de
prêts ultraflexibles appelés payday loans ("prêts pour attendre
le jour de paie). Ces emprunts de quelques centaines d'euros,
pour quelques jours, pouvaient vite devenir incontrôlables
avec un taux d'intérêt qui dépassent les 1000% dans certains
cas. Face aux dérives, le régulateur a imposé un taux
maximum de 0,8 % par jour. Depuis le marché payday loans à
fortement rétréci ... Preuve qu'il est possible d'agir en amont et
que les autorités financières britanniques semblent
déterminés pour ne pas laisser une nouvelle bulle apparaître.
Journal Le Monde Samedi 15 août 2017
8. Quelles sont les conséquences de la crise financière au
niveau des pays d'Afrique
Du fait de la déconnexion de leur système financier par rapport au
système mondial, la non convertibilité intégrale des monnaies pour
certains pays et grâce à leurs réserves de change dues à des
facteurs exogènes notamment les hydrocarbures, les pays d’Afrique
ne semblaient pas impactés par la crise au début et les autorités
monétaires africaines notamment celles de la zone franc se
montraient optimistes. Ceci est vrai d’un point de vue strictement
financier et à court terme. Mais depuis la fin du premier semestre
2009, les pays d’Afrique commençaient à ressentir les effets néfastes
sur leurs économies : baisse des échanges commerciaux ; baisse
des transferts des migrants à leurs familles ; baisse des
investissements étrangers ; diminution de l'aide publique au
développement et l’aggravement des problèmes de la dette du fait
d’un taux d’intérêt en hausse surtout pour les pays partisans du
rééchelonnement. Les secteurs essentiellement financés par des
ressources gouvernementales et des fonds extérieurs ont subi de
manière plus accentuée les effets de cette situation. C’est le cas de
l’éducation et de la santé notamment. La demande de matière
première recule à cause du ralentissement de l’activité économique
dans les pays industrialisés. La chute du dollar risquerait de faire
baisser également les revenus des entreprises productrices et qui
sont en général publiques, car les matières premières sont cotées en
dollar.
Concernant le Maroc, le risque financier est presque inexistant
étant donné la nature limité du marché boursier marocain.
L’hebdomadaire britannique Sunday Times a publié (en octobre
2008) une liste de six pays où les investissements seraient moins
risqués : la Jordanie, le Liban, le Sultanat d’Oman, le Qatar, le Maroc
et la Tunisie. Ces deux derniers font partie des pays qui ont le mieux
résisté à la crise financière internationale. Plusieurs raisons
expliquent ces performances : d’abord, la hausse des flux
d’investissements venant notamment des pays du Golfe. Ensuite,
dans le cas de la Tunisie, la faiblesse de la participation étrangère à
la capitalisation boursière. Elle en « représentait 25% fin septembre
2008, dont 22%, stable et durable, a été acquis dans le cadre d’un
partenariat et dans le but de prendre des positions stratégiques, aussi
bien dans les sociétés que dans les banques tunisiennes. Dans le
cas du Maroc, les raisons de la résistance à la crise financière sont
citées dans un article du Financial Times daté du 2 octobre 2008.
Les réformes initiées par le gouvernement auraient renforcé les
fondamentaux de l’économie du pays et permis de résorber le choc
engendré par la hausse des cours des produits pétroliers et agricoles.
Cette performance marocaine serait aussi expliquée par la
diversification des revenus du pays, écrit le Financial Times.
9. Banques et crises
Les crises bancaires sont généralement liées aux activités de
transformation des actifs liquides à court terme en actifs illiquides de
long terme ; à des retraits massifs de la part des clients et qui
dépasseraient les réserves des banques ; des périodes de récession
économique et des effets de contagions qui transmettent les
problèmes de solvabilité d’une banque à d’autres banques.
9.1. L’activité de transformation
Grâce au système de réserves fractionnaires, les banques
transforment des actifs liquides de court terme (les dépôts à vue, qui
peuvent faire l'objet de retraits à tout moment) en des actifs illiquides
de long terme (les crédits, qui sont difficilement cessibles et dont la
maturité est assez longue en moyenne). Certains économistes
renommés ont préconisé d'interdire cette transformation en obligeant
les banques à financer l'intégralité de leurs crédits par des
ressources à long terme et à investir l'intégralité de leurs dépôts à
vue dans des titres liquides et sans risque. Ceci ramène à la
séparation entre l'activité de dépôts réservée à des “banques de
dépôts” et l'activité d'investissement réservée à des “banques
d'investissements”. Mais cela risque de réduire le volume de crédit
offert par les banques et affectera les petites entreprises n'ayant pas
accès à un financement direct. Il devient donc indispensable de
mettre en place un ensemble de réglementations prudentielles et un
système d'autorités de surveillance destinés à limiter le risque de
faillite bancaire si l’on veut maintenir un tel système de
transformation.
9.2. Les paniques bancaires
Les déposants peuvent à tout moment demander le retrait de leurs
dépôts. Si tous les déposants le font en même temps, les retraits
seront massifs. Si le montant de ces retraits dépasse celui des
réserves, la banque est en effet obligée d'emprunter d'urgence, dans
des conditions généralement défavorables, auprès d'autres banques.
Sa situation devient difficile, ce qui accentue davantage les retraits
car la confiance est rompue entre la banque et les déposants. En
l'absence d'intervention extérieure, la banque fera faillite. Ceci était le
cas avant 1950. Le système d’assurance des dépôts par la suite qui
rembourse les déposants en cas de faillite bancaire dans les pays
développés a donné aux dépôts un caractère de placement sans
risque. Cette assurance sur les dépôts auxquels les banques cotisent
a largement modifié le comportement des banques face au risque.
Les déposants, assurés contre le risque de faillite, ne sont pas incités
à surveiller l'activité de leur banque et n'exigent pas de rémunérations
plus élevées en cas de risque aggravé, comme le font par exemple
les prêteurs internationaux lorsque la notation d'un emprunteur
(entreprise ou pays) se détériore. Les banques sont donc
déresponsabilisées en matière de risque.
9.3. Les récessions économiques
Les crises bancaires se produisent généralement durant les
périodes de récession. Les actifs bancaires sont très sensibles aux
fluctuations macroéconomiques (notamment aux taux d'intérêt, aux
taux de change et aux cours boursiers). Pour cela une réglementation
et une supervision des intermédiaires financiers à travers notamment
une politique monétaire et une politique budgétaire s’avèrent
nécessaires pour contrecarrer les effets des chocs
macroéconomiques. Les banques centrales jouent dans ce cas un
rôle crucial même si leur actuelle activité ne se limite plus uniquement
à la stabilisation monétaire. C’est le cas par exemple du Système
européen de banques centrales (S.E.B.C.) où la politique monétaire
est dévolue à la Banque centrale européenne (B.C.E.) et non une
affaire nationale des différents pays ; c’est le cas également en
Grande Bretagne du Financial Services Authority (F.S.A.), régulateur
unique de l'ensemble du secteur financier, la Banque d'Angleterre ne
se voit plus attribuer qu'une mission de stabilisation monétaire.
9.4. Les crises systémiques
Le risque systémique désigne le risque d'une propagation à
l'ensemble du secteur bancaire de problèmes de solvabilité
rencontrés par une institution financière particulière.
Suite à de grosses pertes d’argent, de grands investisseurs sur
certains marchés se trouvent parfois obligés de solder leurs positions
sur d'autres marchés car leur capacité de prise de risque diminue
étant donné la réglementation ou parce qu'ils sont moins disposés à
prendre des risques. Les conséquences de cette situation sont une
chute des cours, une baisse de la liquidité des marchés et un
accroissement de la volatilité. C’est l’effet richesse.
Il existe un autre mécanisme de contagion lié aux effets externes
informationnels. Les estimations de la qualité des actifs d’une banque
par ces clients sont corrélées à celles des autres banques,
notamment la banque en faillite. Une fermeture d’une banque suite à
sa faillite pousse les clients d’une autre banque à retirer leurs dépôts
car ils craignent que la même situation ne se reproduise pour leur
banque. Ce comportement moutonnier est dû à l’absence d’une
information précise voire même un manque d’information.
Un troisième mécanisme de contagion est le marché interbancaire.
Le marché interbancaire permet aux banques de se refinancer entre
elles et de dépasser ainsi les problèmes de liquidité qu’elles peuvent
rencontrer. Cette pratique, même si elle est bénéfique pour les
banques car elle les met à l’abri des besoins de liquidité fragilise le
système bancaire dans son ensemble car elle crée une
interdépendance entre les banques et un risque certain de
propagation de leur problème de liquidité. Une façon naturelle d'éviter
ce risque systémique serait pour la banque centrale d'assurer les
prêts et les dépôts interbancaires, de la même façon que les dépôts
du public sont assurés par les organismes d'assurance des dépôts.
10. Les règles prudentielles
L'intervention publique dans le domaine bancaire prend trois
formes principales: les réglementations prudentielles ; l'assurance
des dépôts ; et les interventions de la banque centrale en tant que
prêteur en dernier ressort.
10.1. Les rations de solvabilité
La réglementation prudentielle oblige les banques à détenir
suffisamment de capital et à diversifier leurs actifs afin de limiter les
risques de la transformation de dépôts liquides en prêts illiquides. Les
banques doivent donc être solides financièrement pour éviter toute
faillite qui peut avoir des effets négatifs sur la stabilité du système
financier et de toute l'économie en conséquence. La solidité
financière d'une banque dépend de ses fonds propres qui feront face
à des risques liés à l'insolvabilité de ses clients ou à la perte de
valeur des actifs qu'elle détient. Une banque doit obligatoirement être
solvable pour maintenir la confiance de ses clients et éviter que ces
derniers ne retirent subitement leurs dépôts. Pour cela, la Banque
des Règlements Internationaux (BRI) a instauré le ration de
solvabilité. Ceci s'est fait dans le cadre des règles du comité de Bâle,
du nom de la ville suisse où la BRI a son siège. Ce comité a été créé
en 1974 par les gouverneurs des banques centrales du G10. Son
objectif est le renforcement de la sécurité et de la fiabilité du système
financier ; La diffusion et la promotion des meilleures pratiques
bancaires et de surveillance et la promotion de la coopération
internationale en matière de contrôle prudentiel. Parmi ses
réalisations l'instauration du premier accord, Bâle 1 (ou ratio Cooke)
en 1988 pour garantir la solidité financière des banques. Ce ratio se
mesurait en comparant le niveau des engagements d’une banque
(crédits et autres placements) au montant de ses fonds propres
(capital apporté par les actionnaires et profits de la banque). Il était
égal à 8 %.
Les accords dits de Bâle II en 2006, ont créé un ratio de
solvabilité fondé sur le même principe du rapport entre les fonds
propres et le montant des crédits distribués pondérés par les risques
associés. d'autres risques ont été pris en compte, risque de marché,
risque de crédit et risque opérationnel et les méthodes de calculs des
risques ont été améliorées. Le ratio global a été ainsi décomposé en
deux parties, le ratio Tier 1, de 4 % où le capital est 100% sans
risque et le ration Tier 2, de 4 % également sur lequel on a moins de
contraintes. Le Tier 1 est décomposé lui aussi en deux, le Core Tier
1 de 2 % où on retrouve uniquement les actions et les profits de la
banque réinvestis et l’autre partie du Tier 1 où des titres hybrides
(comme les obligations convertibles) étaient considérés comme des
fonds propres.
En 2010, a été créé Bâle III en réponse à la crise financière qui a
suivi la faillite de la banque américaine Lehman Brothers. Cette crise
a montré que les rations de solvabilité n'étaient pas suffisants. La
titrisation et les prises de risque excessives des banques les ont
dépassés. Le minimum de fonds propres que les banques doivent
détenir a été relevé. le ration global est resté à 8% mais le Core Tier
1 est passé de 2 % à 4,5 % du total des risques pondérés, en plus
d'un "coussin de sécurité" égal à 2,5 % qui est utilisé par les banques
en cas de besoin. Le ratio "Core Tier 1" minimal est-il fixé à 7
% (contre seulement 2 % sous Bâle II) et le ratio de solvabilité
minimal passe de 8 % à 10,5 %. Le "coussin de sécurité est alimenté
par les banques en période d'expansion économique. Bâle 3 a prévu
également l'instauration de coussin de risque systémique de 1 à
3,5% des fonds propres ainsi que des ratios complémentaires pour
limiter le levier d’endettement des banques et garantir qu’elles
détiennent en permanence des liquidités suffisantes en cas de
paralysie du marché du crédit interbancaire. Dans l’Union
européenne, les nouvelles règles conformes aux décisions sont
entrées progressivement en vigueur depuis 2013, d'autres ne
prendront effet qu'à partir de 2019.
l'instauration de ces règles prudentielles limite les prises de
risques de la part des banques mais en même temps augmente le
coût en capital de l’activité bancaire. Ceci renchérit le crédit et
impacte négativement la croissance. Ces règles doivent néanmoins
veiller à ce qu'elles ne soient pas contournées par de nouvelles
pratiques financières les rendant ainsi inefficaces.
10.2. La supervision des banques
L'assurance des dépôts, qui couvre les petits déposants contre le
risque de faillite de leur banque doit être complétée par un
mécanisme de supervision adéquat pour protéger les intérêts des
petits déposants et de prendre en compte également l'intérêt des
créanciers et la stabilité du système financier. Sans cela, les
actionnaires des banques auront tendance à prendre des risques
excessifs, notamment quand la banque est en difficulté.
10.3. Le prêteur en dernier ressort
Les interventions des banques centrales auprès des banques
individuelles ont pour objectif d’assurer leur liquidité en cas de
besoin. C'est le rôle de prêteur en dernier ressort. Ces interventions
sont différentes des opérations de politique monétaire (open market,
prises en pension ou appels d'offre) visant à réguler la liquidité
globale du marché interbancaire (masse monétaire, taux d'intérêt à
court terme). Cependant, ces opérations sont souvent utilisées de
façon détournée pour aider discrètement des banques qui auraient dû
être fermées.
11. Banques, crises financières et Bâle III
Les banques de grandes tailles posent des risques considérables
qui étaient à l'origine de la crise financière de 2008. Ces crises
proviennent de l'absence d'une réglementation et d'un contrôle sur
les banques qui ont pris des dimensions mondiales et se livraient à
des pratiques dangereuses pour le système financier et pour
l'économie dans son ensemble. Le modèle traditionnel de collecte
des dépôts et d'octroi des crédits a été dépassé pour laisser la place
à la titrisation et au négoce pour compte propre sur les marchés
internationaux. les accords de Bâle III obligent les banques à
accroitre leurs fonds propres et à les solidifier. Cependant, ces
accords n'ont pas le même effet ici et là et aussi sur toutes les
banques. Les banques européennes et nord américaines sont les
plus concernées du fait de la plus forte concentration de banques
universelles. Les banques qui investissent beaucoup sont plus
concernées que les banques commerciales.
Les banques ajusteront également leur stratégie sur ces nouvelles
réglementations dans le but de maintenir leur rentabilité. Ceci pourra
créer de nouveaux risques dans les secteurs les moins réglementées
comme les fonds spéculatifs ou les fonds communs de placement à
court terme. Les règles de Bâle III tendent à réduire l'attractivité et la
rentabilité de la titrisation. Les dérivés seront touchés aussi. Les
banques devront déplacer certaines activités sur des produits dérivés
vers des filiales non bancaires capitalisées séparément. le coût et la
rentabilité du négoce seront impactés par la hausse des pondérations
des risques. Les banques universelles qui combinent les activités de
banques d'investissement et de banques commerciales seront
touchées aussi par une restriction de leur capacité à bénéficier de la
diversification et à compenser des activités à faible marge par un
revenu d'investissement. Ce qui réduit leur capacité à générer des
bénéfices non distribués et renforce leurs fonds propres.
Ces réformes poussent les établissements financiers à répercuter
les coûts sur la clientèle et les dividendes versés aux actionnaires.
Mais tout dépendra du modèle d'entreprise et de sa souplesse et sa
capacité à gérer le changement. les banques d'investissement
recomposeront leurs portefeuilles d'actifs au détriment des actifs les
plus capitalistiques par exemple.
Le coût du risque étant élevé, cela poussera les banques à
développer leurs activités dans des secteurs bancaires moins
réglementés. Les réformes ne sont pas généralisées ce qui
encourage les banques à s'installer là où la réglementation n'est pas
contraignante.
Encadré 17
La régulation des marchés des capitaux
Les thèmes les plus discutés de la nouvelle régulation
financière au cours de 2010 ont concerné les banques :
prévention du risque systémique, mécanismes de résolutions
des faillites bancaires, nouvelles exigences prudentielles
rassemblées dans le régime Bale III, règle de Volcker…pour
limiter les implications des banques dans le financement des
opérations spéculatives à haut risque. Beaucoup de discrets ont
été les commentaires sur les dispositions adoptées en Europe
et aux Etats-Unis à l’égard de la nébuleuse des véhicules de
transfert de risque : dérivés de crédit, titrisation, fonds alternatifs
de gestion d’actifs (dont Hedge funds), agence de notation.
Pourtant c’est bien par les marchés que le scandale de la
crise est arrivé. Ce sont les entités qui y opèrent qui sont
apparues comme des banques fantômes (shadow banks) non
régulées, dont la fragilité des bilans a propagé le risque aux
banques. Il en a été ainsi parce que la quasi-absence de
contraintes prudentielles de ces entités a encouragé un
détournement massif du crédit en leur faveur à cause d’une
sous-évaluation grossière du risque qui rendait le crédit très bon
marché.
On peut craindre que la même erreur se produise à cause
d’une supervision très insuffisante des établissements
financiers autres que les banques, les non-banques.
Notamment la règle Volcker, cherchant à limiter les activités
de marché spéculatives des banques, pourrait amplifier le
transfert de risque dans le labyrinthe des marchés dérivés et le
concentrer sur des non-banques dont certaines seront créées
par les innovations à venir. C’est ainsi que les marchés à
termes des matières premières et de l’énergie et les nouveaux
marchés des droits à polluer sont devenus hautement
spéculatifs et que des firmes pétrolières y jouent le rôle de
banques d’affaires. On s’apercevra un jour, peut-être trop
tard, que le BP ou Total ont accumulé des pertes
gigantesques comme AIG en septembre 2008 ou comme
Enron en 2001.
Les avancées dans la régulation des marchés ont certes
réduit l’opacité de cette nébuleuse. Toutefois, beaucoup laisse
à désirer parce que les lobbies ont défendu bec et ongles leurs
privilèges, mais surtout parce que les régulateurs n’ont pas
abandonné leur présupposé sur l’efficience des marchés…
dans la gestion des risques. En outre, les dispositions
adoptées aux Etats-Unis et en Europe, sans parler de
l’absence de réformes dans les autres places financières du
monde, sont largement disparates.
Michel Aglietta, La régulation des marchés des
capitaux, Alternatives économiques, HS n°87, 1er
trimestre 2011, p 68
12. Détente monétaire et bilan des banques
La détente monétaire ou l'assouplissement quantitatif
(quantitative easing) est un outil dont dispose les banques
centrales pour mener leur politique monétaire. Son objectif est
d'encourager les banques à prêter. La banque centrale dans ce
cas baisse ses taux directeurs. Mais quand les taux sont déjà
proches de zéro, la banque centrale injecte directement de
l'argent dans le système financier. La banque centrale achète les
actifs financiers détenus par les banques (des obligations d'Etat et
d'entreprises...) avec de l'argent qu'elle créé ex nihilo. Avec cet
argent, les banques peuvent octroyer de nouveaux prêts, ce qui
accroît la masse de monnaie en circulation dans l'économie.
Conclusion
Le développement des marchés financiers à partir des années 70
a posé la question de la spécificité du financement bancaire par
rapport au financement direct et sur la survie des banques
traditionnelles. Actuellement les banques interviennent activement
sur le marché financier. Auparavant, elles faisaient le crédit en
prenant des risques. Dans le modèle actuel, essentiellement
américain, les banques font des crédit sans prendre de risque. Les
opérations de titrisation leur permettent de s'en débarrasser sur le
marché des produits dérivés. Certaines interventions publiques dans
le domaine bancaire tendent à faire face aux imprudences bancaires
et à limiter leurs implications dans le financement des opérations
spéculatives et dangereuses. Ces interventions se heurtent
cependant à des intérêts des lobbies qui détournent les
réglementations mises en place les rendant parfois inefficaces ou
insuffisantes.