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© Yannick Clavé. Toute reproduction non autorisée est un délit. SUJET : DISSERTATION CORRIGÉE Concours commun LES ÉTATS-UNIS DANS LES RELATIONS INTERNATIONALES DEPUIS 1945 Remarques et conseils pour aborder le sujet Ce sujet, plus large que le précédent, est quasiment identique, la seule différence étant les bornes chronologiques puisque la formulation « depuis 1945 » implique de traiter le sujet jusquà nos jours, donc dy intégrer des éléments géographiques et géopolitiques actuels. Mais la démarche et la logique sont identiques : rôle des États- Unis dans les relations internationales et plan chronologique. Lintroduction doit donc reprendre les mêmes éléments que dans le précédent sujet, mais en y ajoutant quelques lignes sur laprès-guerre froide pour souligner que les États-Unis sont les grands vainqueurs de la guerre froide, ce qui renforce leur position mondiale, surtout dans les années 1990, mais quils doivent aussi compter avec un monde très multipolaire et de plus en plus instable, surtout dans la décennie 2000. CORRIGÉ INTRODUCTION [Problématique] Comment la volonté d« endiguer » le communisme devient-elle la principale ligne de conduite des États-Unis à travers le monde, et contribue-t-elle à entretenir la guerre froide ? Depuis la fin de cette dernière, pourquoi la puissance des États-Unis apparaît-elle contrastée ? DÉVELOPPEMENT I. 1945-1962 : laffirmation de la puissance américaine dans le contexte de la guerre froide a) 1945-1955 : la puissance américaine à son apogée dans le monde 1945 : vainqueurs de la guerre, les États-Unis réorganisent lEurope et le monde. 1946-1947 : début de la guerre froide et mise en place de la stratégie du containment. La « pactomanie » : multiplication des alliances pour se constituer un bloc. Deux premières grandes crises : le blocus de Berlin (1948-1949) et la Corée (1950). b) La poursuite de la stratégie dendiguement du communisme pendant la « coexistence pacifique » Définition de la « coexistence pacifique ». Le maintien des tensions et les crises de l’année 1956. Le renforcement de l’arsenal nucléaire et la théorie des « représailles massives ». c) Les États-Unis au cœur des deux plus graves crises de la guerre froide (1961-1962) La stratégie du « bord de gouffre » adoptée par l’URSS. La crise de Berlin (1961) : la construction du Mur. La crise de Cuba ou crise des missiles (1962).

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SUJET : DISSERTATION CORRIGÉE

Concours commun LES ÉTATS-UNIS DANS LES RELATIONS INTERNATIONALES DEPUIS 1945

Remarques et conseils pour aborder le sujet

● Ce sujet, plus large que le précédent, est quasiment identique, la seule différence

étant les bornes chronologiques puisque la formulation « depuis 1945 » implique de

traiter le sujet jusqu’à nos jours, donc d’y intégrer des éléments géographiques et

géopolitiques actuels. Mais la démarche et la logique sont identiques : rôle des États-

Unis dans les relations internationales et plan chronologique.

● L’introduction doit donc reprendre les mêmes éléments que dans le précédent

sujet, mais en y ajoutant quelques lignes sur l’après-guerre froide pour souligner que

les États-Unis sont les grands vainqueurs de la guerre froide, ce qui renforce leur

position mondiale, surtout dans les années 1990, mais qu’ils doivent aussi compter

avec un monde très multipolaire et de plus en plus instable, surtout dans la décennie

2000.

CORRIGÉ INTRODUCTION [Problématique] Comment la volonté d’« endiguer » le communisme devient-elle la principale ligne de conduite des États-Unis à travers le monde, et contribue-t-elle à entretenir la guerre froide ? Depuis la fin de cette dernière, pourquoi la puissance des États-Unis apparaît-elle contrastée ?

DÉVELOPPEMENT I. 1945-1962 : l’affirmation de la puissance américaine dans le contexte de la guerre froide a) 1945-1955 : la puissance américaine à son apogée dans le monde 1945 : vainqueurs de la guerre, les États-Unis réorganisent l’Europe et le monde. 1946-1947 : début de la guerre froide et mise en place de la stratégie du containment. La « pactomanie » : multiplication des alliances pour se constituer un bloc. Deux premières grandes crises : le blocus de Berlin (1948-1949) et la Corée (1950). b) La poursuite de la stratégie d’endiguement du communisme pendant la « coexistence pacifique » Définition de la « coexistence pacifique ». Le maintien des tensions et les crises de l’année 1956. Le renforcement de l’arsenal nucléaire et la théorie des « représailles massives ». c) Les États-Unis au cœur des deux plus graves crises de la guerre froide (1961-1962) La stratégie du « bord de gouffre » adoptée par l’URSS. La crise de Berlin (1961) : la construction du Mur. La crise de Cuba ou crise des missiles (1962).

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II. 1962-1991 : l’hégémonie des États-Unis devient davantage contrastée dans un monde de plus en plus multipolaire a) La détente : un nouveau contexte international qui oblige les États-Unis à repenser leur stratégie Le contexte nouveau de la détente et ses manifestations (« diplomatie du sourire », voyage de Nixon en Chine en 1972). Le désarmement nucléaire (TNP en 1968, SALT I en 1972). Les États-Unis confrontés à d’importantes difficultés internes (contestations sociales, question noire, tensions politiques) et dans leur bloc. b) Les années 1970 : l’affaiblissement des États-Unis sur la scène internationale La guerre du Vietnam et ses conséquences : défaite militaire (1975) et perte du prestige international. La présidence de Jimmy Carter (1976-1980) : une action jugée trop faible face à l’agressivité soviétique. 1979, année d’une double crise internationale : invasion soviétique de l’Afghanistan et révolution islamique en Iran. c) Les années 1980 : le « retour de l’Amérique », un facteur explicatif de la fin de la guerre froide Le président Reagan, en relançant la course aux armements, aggrave la crise interne de l’URSS, et cherche à mettre un terme à la guerre froide. 1979-1985 : la « guerre fraîche » tourne à l’avantage des États-Unis (exemple de la crise des « euromissiles »). Vers la fin de la guerre froide à partir de 1985 (arrivée au pouvoir de Gorbatchev en URSS, et politique conciliante de Reagan). La fin de la guerre froide (1989-1991). III. Depuis 1991 : les États-Unis, une « hyperpuissance » ? a) La fin de la guerre froide renforce la puissance mondiale des États-Unis dans les années 1990 Les États-Unis sont les gagnants de la guerre froide et sont les organisateurs du nouvel ordre mondial des années 1990 (rôle de G. Bush et de B. Clinton). La première guerre du Golfe (1990-1991). Les États-Unis deviennent les « gendarmes du monde » : rôle prépondérant à l’ONU, multiplication des interventions, rôle de médiation dans le conflit israélo-arabe. b) Les années 2000 : le tournant géostratégique américain après le 11 septembre 2001 Le choc des attentats du 11 septembre et la réaction des États-Unis : réorientation de la politique étrangère vers la « lutte contre le terrorisme » (rôle de G.W. Bush). Multiplication des terrains d’intervention, essentiellement dans le monde arabe (Afghanistan en 2001, deuxième guerre du Golfe en 2003). La tentation de l’unilatéralisme, ce qui crée des tensions avec leurs alliés et avec l’ONU. c) Une puissance contestée dans un monde multipolaire voire éclaté Les États-Unis confrontés à des contestations très violentes, liées à la progression du terrorisme islamiste depuis les années 2000. L’obligation accrue de tenir compte des alliés occidentaux et des puissances émergentes : un rôle nouveau dans la gouvernance mondiale. Une hégémonie géoéconomique et géostratégique menacée (cf. la Chine, devenue 1re puissance économique mondiale en 2014).

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SUJET : DISSERTATION CORRIGÉE

Concours commun L’URSS DANS LES RELATIONS INTERNATIONALES PENDANT LA GUERRE

FROIDE (1945-1991)

Remarques et conseils pour aborder le sujet

● Ce sujet classique invite explicitement à analyser la place de l’URSS dans la guerre

froide, et le rôle, évidemment déterminant, qu’elle y a joué. Les bornes

chronologiques sont clairement indiquées et ne posent aucun problème : 1945

correspond à la fin de la Seconde Guerre mondiale et au début des tensions avec

les Occidentaux, tandis que 1991 correspond à la démission de Gorbatchev et à

l’implosion de l’URSS, ce qui marque symboliquement la fin de la guerre froide.

● Étant donnée l’amplitude du sujet, c’est un plan chronologique qui s’impose,

l’objectif étant de montrer une évolution du rôle de l’URSS en lien avec l’évolution

même de la guerre froide.

CORRIGÉ INTRODUCTION [Accroche] Dans son rapport qui définit la doctrine officielle de l’URSS en politique étrangère, en 1947, Jdanov écrit que l’URSS doit « élaborer sa tactique contre le camp impérialiste » c’est-à-dire les États-Unis et leurs alliés : en définissant la « doctrine Jdanov », l’URSS vient de répondre à la doctrine Truman, et pose ainsi les bases de sa confrontation avec les États-Unis partout à travers le monde. [Analyse du sujet] L’URSS (Union des Républiques socialistes soviétiques) est un immense État de type fédéral fondé en 1922 par les bolchéviks (communistes) alors au pouvoir (dirigés par Lénine), qui regroupe la Russie et plusieurs États qui ont été absorbés par la Russie (Ukraine, Biélorussie, Géorgie, États baltes, etc.). C’est aussi un régime de type totalitaire fondé par Staline à partir de 1928, renforcé après 1945 et jusqu’à sa mort en 1953 : une dictature fondée sur l’idéologie communiste, un parti communiste unique et tout puissant, le culte de la personnalité, la répression. Le modèle stalinien connaît cependant des évolutions après 1953, sous ses différents successeurs jusqu’en 1991 (essentiellement Khrouchtchev, Brejnev, Gorbatchev). Alliée aux États-Unis et au Royaume-Uni, l’URSS sort victorieuse mais épuisée de la Seconde Guerre mondiale en 1945 : son territoire est ravagé par quatre longues années de guerre (à partir de juin 1941) qui ont entraîné la destruction de plus de 70 000 villages et la mort de plus de 24 millions d’individus dont 16 millions de civils. Cependant, à l’échelle mondiale, elle commence à devenir une puissance géopolitique non négligeable, à la fois parce qu’elle bénéficie d’un grand prestige lié à son statut de vainqueur mais aussi parce que, ayant libéré toute l’Europe de l’Est, Staline y maintient son armée et commence à satelliser cette partie du continent européen, et enfin parce qu’il participe aux grandes conférences chargées de réorganiser l’Europe et le monde. Les tensions deviennent ainsi de plus en plus palpables avec les Occidentaux, notamment les États-Unis, et provoquent une rupture définitive en 1947 avec le début officiel de la guerre froide.

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Dès lors, face à la stratégie américaine d’« endiguement » du communisme, l’URSS se donne au contraire comme rôle d’étendre le communisme dans le monde, et d’abord en Europe, tout en servant ses propres intérêts géopolitiques et stratégiques. Aspirant à faire jeu égal avec les États-Unis (acquisition de l’arme nucléaire en 1949), l’URSS est ainsi un acteur majeur dans la bipolarisation de l’Europe et du monde, et participe pleinement à la dynamique de la guerre froide, souvent en provoquant des crises diplomatiques majeures, par exemple à Berlin (en 1948 puis en 1961) ou à Cuba (1962), mais aussi de véritables guerres comme en Corée (1950-1953) ou en Afghanistan à partir de 1979, mais sans jamais affronter directement les États-Unis. Chef de file d’un bloc qui agrège des alliés (comme Cuba ou l’Égypte) et des pays satellisés de force (les « démocraties populaires » d’Europe orientale), elle soutient également la plupart des mouvements communistes à travers le monde, et intervient de plus en plus dans le tiers-monde à partir des années 1960 en finançant et armant les guérillas communistes. Les rapports de force internationaux sont donc largement structurés par la confrontation américano-soviétique, en alternant des phases très tendues (notamment entre 1945 et 1962) et des périodes d’apaisement (coexistence pacifique, détente). Cependant, l’URSS se fait assez rapidement distancer par les États-Unis, et est confrontée à un certain nombre de difficultés structurelles qui ne font que s’aggraver avec le temps. La politique expansionniste de la fin des années 1970 parvient difficilement à masquer l’état de décomposition économique et sociale dans lequel se trouve le pays, tandis que les années 1980 sont celles du déclin inexorable de l’URSS dans les relations internationales : l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev en 1985 ne parvient pas à enrayer la crise. L’« empire » soviétique s’effondre à la fin des années 1980 : après la perte des démocraties populaires en 1988-1989, c’est l’URSS elle-même qui disparaît, en 1991. [Problématique] Comment l’URSS, par ses visées expansionnistes et sa volonté de diffuser le modèle communiste dans le monde, contribue-t-elle à entretenir la dynamique de la guerre froide face aux États-Unis ? Pourquoi cette évolution conduit-elle à sa propre perte ? [Annonce du plan] L’évolution de la place de l’URSS dans les relations internationales et dans la guerre froide peut se découper en trois grandes phases. Tout d’abord, entre 1945 et la crise de Cuba en 1962, période la plus tendue de la guerre froide, l’URSS joue un rôle moteur dans les débuts puis la mondialisation du conflit (I). Ensuite, de 1963 jusqu’en 1975, l’URSS est à la recherche d’un nouvel équilibre international, adhérant à la détente et participant donc à l’apaisement des relations internationales (II) ; elle rompt cependant la détente au milieu des années 1970, mais en relançant la confrontation avec les États-Unis elle précipite en réalité sa propre fin (III).

DÉVELOPPEMENT I. 1945-1962 : le rôle déterminant de l’URSS dans le début puis la mondialisation de la guerre froide a) L’URSS stalinienne comme acteur essentiel des débuts de la guerre froide (1945-1953) 1945-1947 : l’attitude intransigeante de Staline conduit à la rupture avec les Occidentaux (« soviétisation » de l’Europe orientale, tensions lors des conférences de 1945, revendications exagérées en Allemagne et à Berlin, multiplication des foyers de tensions en 1946, rupture en 1947 avec la doctrine Jdanov qui répond à celle de Truman). L’URSS prend la tête du bloc communiste face au bloc occidental et américain (CAEM, pacte de Varsovie, intense propagande anti-américaine). Staline responsable de la première crise de Berlin en 1948-1949 (mais il échoue à communiser entièrement l’Allemagne, et devra se contenter de l’Allemagne de l’est). Les ambitions soviétiques entraînent la mondialisation de la guerre froide : en Asie orientale, le soutien à Mao (Chine devient communiste en 1949 et s’allie à l’URSS en 1950), puis à la Corée du

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Nord (guerre de Corée en 1950-1953). L’URSS stalinienne réussit ainsi à mettre en échec la stratégie américaine de l’« endiguement » en Asie orientale. b) Un tournant après 1953 : la « coexistence pacifique » et ses limites La mort de Staline en 1953 et ses conséquences ; un apaisement à l’initiative de Khrouchtchev (qui est lui-même à l’origine de l’expression « coexistence pacifique » en 1956). Khrouchtchev ne compte cependant nullement sortir de la logique de guerre froide : il veut poursuivre l’affrontement avec les États-Unis (course aux armements, course à l’espace, crises de l’année 1956). c) 1961 et 1962 : les deux plus grandes crises de la guerre froide, provoquées par l’URSS La seconde crise de Berlin débutée dès 1958 et qui atteint son sommet avec la construction du Mur en août 1961 décidée par Khrouchtchev. La crise de Cuba d’octobre 1962 : le « monde au bord du gouffre » à cause des provocations de Khrouchtchev vis-à-vis de Kennedy. II. 1963-1975 : l’URSS à la recherche d’un nouvel équilibre international dans le contexte de la détente a) L’URSS dans la détente à partir de 1963 Définition de la détente. La normalisation des relations Est/Ouest, symbolisée par la « diplomatie du sourire » : Brejnev, au pouvoir à partir de 1964, renoue le fil du dialogue avec les États-Unis. Les débuts du désarmement nucléaire (TNP en 1968, SALT I en 1972). L’implication de l’URSS dans la détente en Europe (conférence d’Helsinki en 1973-1975). b) Les raisons qui poussent l’URSS à recherche l’apaisement L’URSS recherche l’apaisement dans les relations internationales car elle fait face à des difficultés internes (c’est d’ailleurs la même chose pour les États-Unis). L’URSS doit faire face à la montée de la dissidence mais aussi, dans les démocraties populaires, à des vagues de contestations (cf. le « printemps de Prague » en 1968). Plus globalement, l’URSS est confrontée à l’éclatement de la bipolarité et à la déstabilisation des relations internationales. c) Une confrontation moins directe avec les États-Unis : le déplacement des tensions vers le tiers-monde URSS et États-Unis continuent malgré tout d’être dans une logique de guerre froide, mais la confrontation est moins brutale car les tensions se déplacent vers le tiers-monde, la situation en Europe apparaissant figée depuis la construction du mur de Berlin. L’URSS s’implique ainsi dans les conflits « périphériques ». En Asie, la guerre du Vietnam est au cœur de la guerre froide car l’URSS soutient discrètement la guérilla communiste contre les États-Unis. Au Proche-Orient, le conflit israélo-arabe est lui aussi rattrapé par la guerre froide : tandis qu’Israël est soutenu par les États-Unis, l’URSS soutient l’Égypte, adversaire historique de l’État hébreu. III. 1975-1991 : l’URSS relance la guerre froide et court à sa perte a) L’URSS responsable du retour des tensions à partir de 1975 Brejnev tente de profiter des difficultés que rencontrent les États-Unis. Volonté de reprendre une politique expansionniste, notamment en Afrique et en Amérique latine (appui des guérillas communistes). 1979 : le déclenchement de la guerre d’Afghanistan par l’URSS ; fin définitive de la détente, et début de la « guerre fraîche », nouvelle phase de la guerre froide. b) Les difficultés de l’URSS dans la « guerre fraîche » (1979-1985)

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Définition de la « guerre fraîche », menée par le président Reagan pour pousser l’URSS dans ses derniers retranchements et provoquer son déclin définitif. L’URSS a ainsi de plus en plus de mal à suivre les États-Unis, car elle est dans une situation intérieure catastrophique. L’URSS est ainsi incapable de répondre au projet d’IDS (« guerre des étoiles ») imaginé par Reagan. Elle tient malgré tout encore tête aux Occidentaux dans la dernière crise de la guerre froide (crise des « euromissiles » en 1983). c) Du retour de la paix à l’écroulement du bloc soviétique : la fin de la guerre froide (1985-1991) Tournant en 1985 avec l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev, qui engage d’importantes réformes (glasnost, perestroïka) mais qui arrivent trop tard et ne font qu’aggraver le chaos soviétique. Apaisement des relations internationales : fin de la « guerre fraîche » (traité de Washington en 1987), que l’on voit aussi lors de la guerre du Golfe où États-Unis et URSS sont alliés (pour la première fois depuis 1945). Mais le bloc soviétique s’écroule, d’abord avec la disparition du communisme dans les démocraties populaires, ensuite avec l’implosion de l’URSS qui conduit Gorbatchev à démissionner de ses fonctions le 25 décembre 1991.

CONCLUSION [Idée d’ouverture] la Russie connaît une phase de transition économique et politique très douloureuse dans les années 1990, car il faut absorber le choc de la fin du communisme et de la conversion au capitalisme libéral. La Russie subit aussi un important déclin dans les relations internationales, car elle a perdu la guerre froide face aux États-Unis et n’est plus capable d’intervenir dans les dossiers internationaux comme elle le faisait encore dans les années 1980. Les années 1990 sont incontestablement celles de l’« hyperpuissance » américaine.

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SUJET : DISSERTATION CORRIGÉE

Concours commun L’ANNÉE 1968 DANS LE MONDE

Remarques et conseils pour aborder le sujet

● Ce type de sujet, rare, est un sujet « tableau » qui consiste à brosser le portrait d’un

moment spécifique – en général une année – car révélateur de transformations

d’ampleur importante. Par définition, le jury ne peut choisir qu’une année pour

laquelle il y a suffisamment d’éléments à utiliser pour pouvoir construire un devoir

argumenté ; donner « l’année 1967 » ou « l’année 1969 » n’aurait ainsi par exemple

aucune pertinence.

● Un sujet tableau se traite toujours avec un plan thématique, ce qui n’empêche

pas de faire apparaître des évolutions. Il faut aborder ce type de sujet en se plaçant

à l’année que l’on étudie, et en ne prenant pas en compte ce qui se passe après

car cela est, par définition hors sujet : évoquer 1969 ou 1970 dans le développement

serait une erreur ; le seul moment où l’on peut évoquer ce qui se passe après

l’année en question est en conclusion, dans l’ouverture. À l’inverse, il est

indispensable d’aborder ce qui s’est passé avant, car l’année étudiée est le résultat

d’évolutions ultérieures : il faut le faire de manière habile, en prenant comme point

de départ l’année que l’on étudie, et en remontant progressivement en arrière, sans

remonter trop loin bien évidemment.

CORRIGÉ INTRODUCTION (SIMPLIFIÉE) [Accroche] L’année 1968 s’incarne sans doute le mieux dans une image très médiatique qui a fait le tour du monde : c’est celle où, lors des Jeux olympiques de Mexico d’octobre 1968, les deux athlètes américains vainqueurs de l’épreuve du 200 mètres, Tommie Smith et John Carlos, tous les deux noirs, sur le podium, détournent ostensiblement leurs regards du drapeau américain, tout en levant leur poing ganté de noir vers le ciel, en signe de solidarité avec le mouvement des « droits civiques » aux États-Unis, alors à son apogée, incarné par Martin Luther King assassiné quelques mois plus tôt (avril 1968), mais aussi avec le mouvement radical des « Black Panthers », qui, tous, dénoncent la persistance de la ségrégation raciale contre les noirs aux États-Unis. Cela montre au monde entier les profondes tensions mais aussi les paradoxes de la société américaine, qui reflètent un peu aussi le paradoxe de la situation internationale. [Analyse du sujet] 1968 apparaît en effet comme une année de nombreux changements à travers le monde et d’événements dont certains sont passés à la postérité : élection du président Nixon aux États-Unis, début des négociations américaines au Vietnam, assassinat de Martin Luther King aux États-Unis, « printemps de Prague » violemment réprimé par l’URSS de Brejnev,

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mouvements de contestation dans les sociétés occidentales notamment en France (mai 68), accélération des négociations nucléaires (premier grand accord signé en juillet), amplification des tensions au Proche-Orient (guerre des Six jours l’année précédente)… Tous ces événements semblent à première vue ne pas avoir de rapport les uns avec les autres, mais ils sont en réalité liés car chacun, à des degrés divers, traduit la situation paradoxale dans laquelle se trouve le monde : à la fois au cœur de la détente entre l’Est et l’Ouest, mais aussi traversé de multiples tensions politiques, sociales, culturelles… [Problématique] Pourquoi l’année 1968 est-elle révélatrice d’une situation paradoxale au sein d’un monde encore profondément marqué par la logique de guerre froide mais animé aussi par une volonté de détente et par des tensions sociales ? Comment le monde est-il en train de devenir de plus en plus multipolaire ? [Annonce du plan] I. Une année au cœur de la détente entre les deux Grands II. Mais des tensions qui se maintiennent : le monde est toujours plongé dans la guerre froide III. Une année phare pour la contestation sociale à travers le monde occidental

UN EXEMPLE DE PLAN DÉTAILLÉ I. Une année au cœur de la détente entre les deux Grands : apaisement et affaiblissement de la logique bipolaire a) Des tensions apaisées depuis la crise de Cuba : la normalisation des relations Est/Ouest b) Négociations nucléaires et rapprochements diplomatiques c) Les facteurs explicatifs : les deux Grands face à leurs propres difficultés internes et face à l’émergence de nouveaux acteurs II. Mais des tensions qui se maintiennent : le monde est toujours plongé dans la guerre froide a) L’ampleur des conflits « périphériques » : le tiers-monde au cœur des affrontements de la guerre froide b) Les tensions en Europe de l’Est : le « printemps de Prague » et son écrasement c) La poursuite de la course à l’armement et à la conquête spatiale III. Une année phare pour la contestation sociale à travers le monde occidental a) Aux États-Unis : la « question noire », médiatisée par le mouvement des droits civiques et l’assassinat de Martin Luther King b) Une vague de contestations sans précédent : « mai 68 » en Occident et en France c) Dans le monde communiste : le développement de la dissidence

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SUJET : DISSERTATION CORRIGÉE

Concours commun LA GAUCHE EN FRANCE DE 1945 À 2002

Remarques et conseils pour aborder le sujet

● Il s’agit d’un sujet de synthèse portant sur l’évolution de la vie politique en France

dans la seconde moitié du XXe siècle, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale

au tout début du XXIe siècle. Le sujet porte donc presque entièrement sur la IVe et sur

la Ve République, et a la particularité d’être centré sur une famille politique, la

gauche. Une erreur serait donc de faire l’histoire politique des IVe et Ve Républiques

en oubliant de se centrer spécifiquement sur la gauche.

● Le plan doit être impérativement chronologique car il s’agit de mettre en

évidence les évolutions significatives dans l’attitude de la gauche vis-à-vis du

pouvoir et dans son exercice du pouvoir.

CORRIGÉ INTRODUCTION (SIMPLIFIÉE) [Accroche] 1er exemple : les élections présidentielles de 2002, qui créent la stupeur car, pour la première fois depuis 1965 (première élection présidentielle de la Ve République au suffrage universel direct), le candidat de la gauche (en l’occurrence le Premier ministre sortant, Lionel Jospin) est éliminé à l’issue du 1er tour, la deuxième place étant prise par le candidat de l’extrême-droite, Jean-Marie Le Pen. Cette date reste encore aujourd’hui un traumatisme pour le parti socialiste en particulier et pour la gauche en général, et montre que l’accession au pouvoir de la gauche n’est pas toujours acquise d’avance. 2e exemple : 1981, année de « l’alternance » car pour la première fois dans l’histoire de la Ve République la gauche parvient au pouvoir grâce à l’élection de François Mitterrand, qui sera en outre le Président à exercer le mandat le plus long dans l’histoire de la République (deux septennats consécutifs jusqu’en 1995). 3e exemple, sur l’actualité récente : depuis le retour au pouvoir de la gauche en 2012 (élection de F. Hollande), après dix ans d’absence, les divisions en son sein sont particulièrement nombreuses, reflétant ainsi une de ses caractéristiques fondamentales depuis le XIX

e siècle, à savoir la division vis-à-vis de l’exercice du pouvoir. [Analyse du sujet] La gauche désigne l’ensemble des mouvements politiques qui se reconnaissent dans la défense de certains principes (égalité, libertés individuelles…) hérités de 1789 puis des combats menés tout au long du XIX

e siècle (révolution de 1848 ou Commune en 1870) et dans la première moitié du XX

e siècle (Front populaire en 1936). À la différence de la droite, qui met l’accent d’abord sur la liberté et la libre capacité des individus à évoluer dans la société, avec une faible intervention de l’État, la gauche, elle, privilégie au contraire l’égalité, avec l’idée que c’est à l’État d’intervenir pour aider les individus et corriger les inégalités sociales. La principale composante de la gauche est le socialisme, apparu au XIX

e siècle en lien avec la

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révolution industrielle car il s’agissait alors de défendre les ouvriers au nom de l’égalité et de la justice sociale. Le socialisme commence à s’institutionnaliser au début du XX

e siècle avec la création de la SFIO (premier parti socialiste) en 1905 par Jean Jaurès, puis avec l’expulsion des communistes de la SFIO en 1920 (création du parti communiste français). Socialistes et communistes s’opposent alors régulièrement, mais ont tenté, parfois, de gouverner ensemble, comme au temps du Front populaire. C’est également le cas dans les années de libération et de refondation républicaine en 1944-1945, avec le « tripartisme » c’est-à-dire une vaste coalition qui associe les trois grandes forces politiques issues de la Résistance (communistes, socialistes et MRP). Socialistes et communistes jouent ensuite un rôle de premier plan sous la IVe République, mais seuls les socialistes se maintiennent durablement dans les gouvernements puisque les communistes en sont exclus dès 1947 (contexte de guerre froide). La gauche est cependant éclipsée du pouvoir par la droite gaulliste à partir de 1958 (fondation de la Ve République) et connaît une longue traversée du désert, ponctuée par quelques tentatives de revenir sur le devant de la scène (mai 68, fondation du Parti socialiste en 1971, programme commun en 1972). L’élection de F. Mitterrand à la présidence de la République en 1981 marque un tournant dans l’histoire de la gauche au XX

e siècle. Dès lors, dans les deux décennies qui suivent, la gauche exerce régulièrement le pouvoir, dans le contexte d’une bipolarisation croissante de la vie politique française, jusqu’à son éviction brutale lors de l’élection présidentielle de 2002. Il existe aussi une composante très minoritaire, mais active, qui refuse l’exerce du pouvoir : l’extrême-gauche, éclatée en de multiples composantes d’inspiration trotskiste ou maoïste voire anarchiste. [Problématique] Pourquoi le rapport au pouvoir de la gauche a-t-il été complexe ? Comment la gauche participe-t-elle à la bipolarisation croissante de la vie politique, surtout à partir des années 1970 ? [Annonce du plan] I. De 1945 à 1968 : d’un rôle politique central à une marginalisation durable par le gaullisme II. De 1968 à 1986 : vers la reconquête du pouvoir III. De 1986 à 2002 : la gauche face à l’usure du pouvoir

DÉVELOPPEMENT I. De 1945 à 1968 : d’un rôle politique central à une marginalisation durable par le gaullisme a) Une gauche hégémonique dans les années d’après-guerre (1945-1946) Gouvernement d’union nationale, poids de la SFIO et du PC, popularité du PC. Le « tripartisme ». Rôle central dans la mise en place des nouvelles institutions et création de la IVe République. b) La gauche, élément central de la vie politique sous la IVe République Le fonctionnement de la IVe République favorise les partis politiques ; forte présence de la SFIO et du PC à l’Assemblée nationale. Évolution spécifique du PC : alors que la SFIO participe à presque tous les gouvernements, les communistes en sont définitivement exclus dès 1947 (jusqu’en 1981). Quelques exemples de gouvernements et d’hommes de gauche : Guy Mollet, François Mitterrand, Pierre Mendès-France… c) L’arrivée au pouvoir des gaullistes marginalise durablement la gauche à partir de 1958 La crise de mai 1958. L’écroulement électoral de la SFIO et du PC sous de Gaulle. L’emprise du pouvoir gaulliste sur les médias.

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II. De 1968 à 1986 : vers la reconquête du pouvoir a) Les tentatives de la gauche pour se réorganiser et retrouver le chemin du pouvoir Mai 68, mais sans lendemains (victoire écrasante des gaullistes en juin 1968, puis élection de Pompidou en 1969). L’agitation sociale du début des années 1970. La réorganisation politique du début des années 1970 : parti socialiste en 1971, programme commun en 1972. b) Les hésitations des années 1970 La gauche reste très divisée : socialistes / communistes, extrême-gauche trotskyste… L’échec de la gauche à la présidentielle de 1974, mais une progression régulière dans les élections intermédiaires sous le mandat de Valéry Giscard-d’Estaing. c) « L’alternance » en 1981 : le retour de la gauche au pouvoir (1981-1986) L’élection de F. Mitterrand le 10 mai 1981 : le retour de la gauche au pouvoir après près d’un quart de siècle d’éclipse. Le premier septennat de F. Mitterrand, jusqu’à la défaite aux législatives en 1986. Des réformes sociales rapidement arrêtées (tournant de la rigueur dès 1982). III. De 1986 à 2002 : la gauche face à l’usure du pouvoir a) Les difficultés liées à la première cohabitation (1986-1988) La cohabitation, une « anomalie » des institutions de la Ve République. Le duel au sommet de l’exécutif entre F. Mitterrand (Président) et J. Chirac (Premier ministre). b) Le second septennat de François Mitterrand (1988-1995) L’accumulation des difficultés économiques et politiques. Une volonté réformatrice moins marquée qu’en 1981. c) La cohabitation (1997-2002) : de la victoire de la « gauche plurielle » à l’élimination en 2002 Le retour au pouvoir en 1997 : 3e période de cohabitation de la Ve République. L’élection présidentielle de 2002, un choc pour la gauche.

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SUJET : COMPOSITION CORRIGÉE

Sciences Po Paris L’ALLEMAGNE NAZIE : UN RÉGIME TOTALITAIRE (1933-1939)

Remarques et conseils pour aborder le sujet

● Ce sujet, qui se rattache à la thématique des totalitarismes du XXe siècle, est de

formulation classique et porte sur un seul de ces totalitarismes, le nazisme en

Allemagne. Les bornes chronologiques sont sans ambiguïté : 1933 correspond à la

mise en place du régime nazi avec l’arrivée au pouvoir de Hitler comme chancelier

le 30 janvier, tandis que 1939 correspond au début de la Seconde Guerre mondiale

en Europe, mais pas à la fin du régime nazi puisque celui-ci se maintient jusqu’en

1945. Si l’intitulé s’arrête en 1939, c’est pour ne pas prendre en compte la période

très spécifique de la Seconde Guerre mondiale.

● Le plan peut difficilement être chronologique dans la mesure où les évolutions

entre 1933 et 1939 sont peu significatives car le totalitarisme est mis en place très

rapidement, dès 1933-1934. Il faut donc plutôt s’orienter vers un plan thématique,

d’autant plus qu’il faut mettre au cœur du raisonnement la notion de totalitarisme.

● Faire des comparaisons avec les autres régimes totalitaires (Italie fasciste, URSS

communiste) est possible, mais à condition de ne pas développer ces autres régimes

car cela deviendrait alors hors sujet.

CORRIGÉ INTRODUCTION [Accroche] « La pensée ne vit pas dans les masses. […] À la place de la masse, il y a maintenant la communauté du peuple dont nous faisons l’éducation ». Cette phrase prononcée par Hitler lors d’un discours en 1937, donc à un moment où il est devenu le maître absolu de l’Allemagne, montre clairement le rejet de la démocratie par les nazis mais aussi l’ambition de contrôler entièrement les individus au sein d’un système que l’on peut qualifier de totalitaire. [Analyse du sujet] Employé pour la première fois en 1924 par l’Italien Giovanni Amendola pour dénoncer le gouvernement de Mussolini, l’adjectif « totalitaire » est repris à son compte par Mussolini mais aussi par les nazis qui parlent fréquemment d’un « État total ». Développé dans les années 1950 par la philosophe allemande Hannah Arendt (Les origines du totalitarisme, 1951), le concept de totalitarisme est ensuite repris par les historiens qui ont multiplié les études à son sujet. Un régime totalitaire désigne une nouvelle forme de régime politique qui se développe en Europe dans les années 1920 et 1930, en marquant une rupture brutale et profonde avec la démocratie et ses valeurs libérales. Reposant sur une idéologie globalisante, dans laquelle l’individu doit s’effacer devant la toute-puissance de l’État, le totalitarisme repose également sur l’omniprésence d’un chef charismatique, sur l’influence d’un parti politique unique, sur une

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répression féroce pouvant déboucher sur une terreur de masse, sur la suppression de toutes les libertés publiques et sur l’embrigadement de la population à travers une propagande intensive. Ces caractéristiques s’appliquent sans conteste à l’Allemagne des années 1930, ce que montrent les travaux des historiens spécialistes comme ceux, récents, de Johann Chapoutot (La loi du sang, 2014 ou Le meurtre de Weimar, 2015). L’Allemagne est le troisième État en Europe à basculer dans le totalitarisme, après l’URSS communiste et l’Italie fasciste. Les nazis, c’est-à-dire les membres et les soutiens d’un parti politique extrémiste (antisémite virulent et antidémocratique), le NSDAP (parti national-socialiste et ouvrier), dirigé par Adolf Hitler depuis 1921, profitent du traumatisme de la société allemande après la défaite de 1918 et des nombreuses difficultés auxquelles se confronte la jeune république de Weimar pour s’imposer progressivement dans le paysage politique. L’ascension de ce petit parti est fulgurante à partir de 1930, lorsque le pays sombre dans une grave crise. Arrivé en deuxième position lors de l’élection présidentielle de 1932, Hitler finit par être nommé chancelier, c’est-à-dire chef du gouvernement, par le président Hindenburg le 30 janvier 1933. Immédiatement, les nazis détruisent en seulement quelques mois la démocratie et s’emparent de tous les leviers du pouvoir pour fonder un régime totalitaire, violemment répressif et fondé sur une idéologie radicale, définie dès 1923 par Hitler (ouvrage Mein Kampf) qui fait de l’antisémitisme une politique d’État. Lorsque le pays entre dans la Seconde Guerre mondiale en 1939, le régime nazi et son Führer sont au sommet de leur popularité, et le pays semble entièrement « nazifié ». [Problématique] Comment les nazis parviennent-ils à instaurer une dictature violente qui met au pas l’ensemble de la société allemande et qui la soumet à une idéologie radicale ? Dans quelle mesure le nazisme est-il un totalitarisme spécifique ? [Annonce du plan] L’arrivée au pouvoir des nazis se fait dans un contexte de crise profonde et puise ses origines dans les difficultés auxquelles fait face l’Allemagne depuis la fin de la Première Guerre mondiale (I). Le régime nazi se caractérise par une dictature violemment répressive dès le début (II), et ambitionne de transformer en profondeur la société allemande qui est très étroitement encadrée voire endoctrinée (III).

DÉVELOPPEMENT I. 1933 : l’arrivée au pouvoir des nazis [Exemple d’introduction pour cette partie] L’arrivée au pouvoir des nazis en 1933 résulte d’une lente évolution du contexte qui débute dès l’après Première Guerre mondiale. Hitler définit en effet très tôt ce qu’est le nazisme, c’est-à-dire l’idéologie nazie, très inspirée du fascisme, et transforme le NSDAP dont il prend la tête en 1921 en véritable « machine de guerre » pour conquérir le pouvoir, profitant d’un contexte de crise et d’instabilité politique. a) 1933 : l’arrivée au pouvoir de Hitler dans un contexte de crise profonde pour l’Allemagne C’est un contexte de tensions extrêmes, ajouté à diverses manœuvres politiciennes, qui conduisent le vieux président Hindenburg à nommer Hitler chancelier le 30 janvier 1933. Persuadé qu’il pourra facilement le manœuvrer, Hindenburg confie au chef des nazis les clefs du pouvoir. Le retour d’un contexte de crise en 1930, après plusieurs années de prospérité, a permis en effet aux nazis de refaire surface dans la sphère politique et de renouer avec les succès électoraux du début des années 1920. L’Allemagne est en effet touchée de plein fouet par la crise économique mondiale de 1929 : le nombre de chômeurs double, passant à 6 millions à l’été 1932 soit plus de 30 % de la population active. La république de Weimar connaît de nouveau des sommets d’impopularité, tandis que les nazis intensifient leur propagande et reprennent le contrôle de la rue en y faisant régner la terreur. Les troupes de choc nazies, les SA (sections d’assaut) et les SS

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(sections de sécurité), qui sont au total 500 000, affrontement les milices communistes, avec régulièrement des blessés et des morts. En même temps, le parti nazi débute une ascension électorale fulgurante : 18 % des voix lors des élections législatives de 1930, 37 % des voix pour Hitler au second tour de l’élection présidentielle d’avril 1932 puis 37 % des voix de nouveau pour les législatives de juillet 1932 ; avec 230 sièges, le parti nazi obtient la majorité absolue et devient le premier parti du pays. L’arrivée des 230 députés nazis en uniformes SA pour la première séance dans l’enceinte du Reichstag frappe les esprits et montre que la république de Weimar est en réalité déjà virtuellement morte. b) L’arrivée des nazis au pouvoir est le résultat d’une lente ascension entreprise dès la fin de la Première Guerre mondiale Sans le choc de la défaite de 1918 et la crise qui mine la république de Weimar et la démocratie tout au long des années 1920, le parti nazi n’aurait sans doute pas survécu. La défaite, suivie de l’humiliant traité de Versailles en 1919 (surnommé le « diktat » en Allemagne), créent en effet un traumatisme durable pour un peuple qui en tient alors largement pour responsable la jeune démocratie qui vient d’être créée à Weimar et qui doit signer, contrainte et forcée, le traité de paix. Le petit NSDAP, qui vient d’être créé à Munich en 1919, dénonce alors le « coup de poignard dans le dos » qui vient d’être porté selon lui par la république de Weimar à l’Allemagne et aux Allemands. À ses yeux comme à celui de nombreux Allemands, le régime est discrédité avant même d’avoir pu se développer. Les nazis cherchent également à s’imposer en faisant usage de la violence : ils entretiennent en effet une violence de rue, en affrontement physiquement leurs adversaires communistes. Hitler tente même de prendre le pouvoir par la force par un coup d’État à Munich en 1923, mais qui échoue et le conduit pour quelques mois en prison. L’année 1923, où le pays sombre dans une violente crise économique, lui semblait en effet particulièrement propice pour abattre la République. Hitler en prison et la prospérité revenue dans le pays, le NSDAP connaît alors une période de reflux, une « traversée du désert » en quelque sorte. Sorti de prison, Hitler en profite pour continuer à transformer son parti et à renforcer ses propres pouvoirs. c) Hitler et les fondements de l’idéologie nazie L’idéologie nazie est définie par Hitler dès la rédaction du programme du NSDAP en 1920, puis surtout avec le livre Mein Kampf qu’il rédige durant son séjour en prison après sa tentative de coup d’État raté en 1923. Publié à partir de 1925 en deux volumes, le livre se présente à la fois comme un document autobiographique retraçant la naissance et les premières années du NSDAP et comme la tentative par Hitler de constituer une idéologie cohérente pour renforcer la structuration de son parti. La force de cet ouvrage est de formuler des idées simples, donc compréhensibles par le plus grand nombre, et de les mettre en lien les unes avec les autres ce qui donne l’apparence d’une cohérence et d’une logique. Le fondement de la pensée hitlérienne est le racisme, ce qui en soi n’est pas une nouveauté pour l’époque ; en revanche, ce racisme est beaucoup plus radical puisqu’il est polygénique c’est-à-dire qu’il assigne des origines biologiques aux diverses « races ». La seule « race » qui mérite de se développer est selon Hitler la « race » aryenne, dont les Allemands seraient les dignes héritiers. Au nom du darwinisme social, seuls les plus forts, donc les Aryens, peuvent vivre, tandis que les autres « races », jugées « inférieures », ne méritent pas de vivre, qu’il s’agisse des Noirs assimilés à des « demi-singes » ou, pire aux yeux de Hitler, des Juifs, véritables ennemis mortels pour l’Allemagne et la « race » aryenne. La « pureté du sang allemand » devient une véritable obsession pour Hitler. Les nazis revendiquent ainsi clairement la formation d’un État raciste, qui doit se préoccuper de la sauvegarde de la « race » allemande et qui devra éliminer non seulement les « parasites », surtout les juifs, mais aussi les plus faibles (handicapés). Cela est jugé indispensable pour que l’Allemagne puisse s’étendre vers l’est de l’Europe, au détriment des Slaves, où l’attend son « espace vital ». L’idéologie nazie se fonde également sur un rejet virulent de la démocratie et des libertés individuelles : la philosophie des Lumières et les valeurs de 1789 sont considérées comme

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périmées, et doivent être remplacées par une dictature forte incarnée par un chef charismatique, le Führer. Les racines du totalitarisme apparaissent ainsi dès les premières années du nazisme. II. Une dictature violemment répressive a) La destruction de la démocratie Les nazis s’emploient à détruire la démocratie et à instaurer un régime autoritaire immédiatement, dès février 1933. En seulement quelques mois, ils prennent le contrôle du pays et des différentes institutions de l’État. Deux textes fondamentaux, qui créent le IIIe Reich et le régime totalitaire nazi, sont immédiatement adoptés : le décret « pour la protection du peuple allemand » le 28 février, qui suspend toutes les libertés individuelles et la Constitution de Weimar, et la « loi d’habilitation » votée le 23 mars qui accorde les pleins pouvoirs à Hitler. D’autres mesures complètent ces deux textes : suppression de tous les syndicats, suppression de tous les partis politiques sauf le NSDAP qui devient le seul autorisé (juillet 1933), création de tribunaux spéciaux, censure de la presse, interdiction des livres jugés dangereux (écrits par des juifs ou des communistes). Une véritable chape de plomb s’abat sur le pays en seulement quelques mois. Hitler donne également l’ordre d’éliminer physiquement les principales oppositions qui subsistent : assassinat du chef des SA ainsi que d’une centaine de personnalités politiques au cours de l’été 1934. L’emploi de la terreur dès le début permet de briser d’éventuelles résistances et de mettre plus facilement au pas la société. b) Hitler, un chef charismatique et un guide Le Führer devient l’homme le plus puissant du pays, selon un système pyramidal qui converge vers lui. Hitler cumule en effet les pouvoirs : à la mort du président Hindenburg en 1934, il devient à la fois chancelier et président. Il place aux postes clefs ses plus fidèles soutiens, comme Goering à l’armée et à l’économie ou Goebbels à la propagande. Chef incontesté, le nouveau guide de l’Allemagne est magnifié par une propagande obsédante qui vise à entretenir sa popularité au sein des masses. De grands rassemblements sont organisés par Goebbels, au cours desquels Hitler prend la parole pour galvaniser voire fanatiser les foules ; c’est par exemple le cas lors du congrès annuel du NSDAP, à Nuremberg, qui draine des centaines de milliers de spectateurs. Le salut « Heil Hitler ! » devient obligatoire au fil des années. Des artistes se mettent au service du régime, comme le sculpteur Joseph Thorak ou la cinéaste Léni Riefenstahl qui réalise entre autres un film resté célèbre sur les jeux olympiques de Berlin de 1936 (Olympia). c) Répression et terreur de masse La répression et la terreur de masse sont au cœur du fonctionnement d’un régime totalitaire tel que le régime nazi. Hitler instaure un véritable État policier, dans lequel les forces policières de l’État deviennent des polices politiques au service du régime. C’est ainsi qu’est créée dès 1933 la Gestapo (« police secrète d’État »), dirigée par Himmler, chargée de traquer tous les ennemis politiques, qui s’intègre ensuite au sein de la Sipo (« police de sécurité ») à partir de 1936. Ces forces répressives sont complétées par la SS, dont les effectifs grimpent à 200 000 hommes dès 1933. Les opposants politiques arrêtés sont souvent torturés, et peuvent être emprisonnés dans des camps de concentration dont le premier ouvre ses portes dès mars 1933, à Dachau (Bavière), tandis que d’autres seront créés plus tard comme Buchenwald en 1937. Contrairement à une idée reçue, l’existence de ces camps n’est pas tenue secrète, les nazis en font au contraire une grande publicité car il s’agit de dissuader les opposants et de montrer comment ces camps peuvent « rééduquer » les récalcitrants à l’ordre nouveau. La terreur de masse passe aussi par l’application des théories darwiniennes du nazisme selon lesquelles il est nécessaire d’éliminer les plus faibles. Hitler lance ainsi en 1939 l’« opération T4 » qui vise à euthanasier de force, c’est-à-dire assassiner, plus de 70 000 handicapés et malades mentaux. Cette opération est menée dans le plus grand secret, Hitler craignant les réactions négatives de l’opinion publique.

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III. Une société étroitement encadrée et mise au pas a) L’imposition de l’idéologie nazie à la société allemande : l’exemple de la politique antisémite L’idéologie raciste et antisémite étant centrale dans le nazisme, Hitler met en œuvre dès 1933 un racisme d’État violent. Les nazis organisent à travers toute l’Allemagne un boycott des magasins juifs en 1933, et adoptent une première loi en avril 1933 qui exclut les Juifs de la fonction publique ainsi que de plusieurs professions libérales (médecins, avocats). Ces premières mesures coercitives entraînent une première vague d’émigration des Juifs : 35 000 d’entre eux quittent ainsi l’Allemagne pour la seule année 1933. Les lois de Nuremberg de 1935 marquent un deuxième moment important dans la politique antisémite. Ces lois excluent les Juifs de la citoyenneté allemande, et interdisent les mariages mixtes entre Juifs et non Juifs. Le dernier pic dans l’antisémitisme d’avant-guerre a lieu en 1938. Les pillages contre les magasins juifs se multiplient durant l’été, tandis qu’est décrétée l’« aryanisation » des biens juifs c’est-à-dire la confiscation de ces biens par l’État, puis que se déroule la « nuit de cristal » les 8 et 9 novembre 1938 ; des dizaines de synagogues sont brûlées dans tout le pays et une centaine de Juifs sont assassinés par les SA et les SS. 35 000 Juifs sont arrêtés dans les jours qui suivent. Ces événements provoquent le départ d’Allemagne de 120 000 Juifs. b) Forger l’« homme nouveau » et embrigader la jeunesse Le régime nazi, comme tout régime totalitaire, a eu l’ambition de forger un « homme nouveau » pour créer une société radicalement nouvelle (une « communauté du peuple » selon Hitler), d’où l’impérieuse nécessité de s’intéresser à la jeunesse qui représente l’avenir du pays. Hitler crée ainsi une organisation, la Hitlerjugend ou « Jeunesse Hitlérienne », à laquelle l’adhésion devient obligatoire dès 1936. Regroupant tous les jeunes entre 10 et 18 ans, aussi bien les garçons que les filles, elle se compose de diverses structures d’encadrement qui visent à inculquer aux jeunes l’idéologie nazie. Ce sont surtout les garçons dont s’occupe le régime nazi, car ils constituent de futurs soldats : ils reçoivent dans des camps de plein air, inspirés du scoutisme alors très en vogue en Europe depuis sa création en Grande-Bretagne en 1907, une éducation militaire (maniement des armes et entraînements sportifs). Hitler souhaite un endoctrinement total des jeunes, qui ne doivent être « plus jamais libres » d’après un discours prononcé en 1938. L’éducation nouvelle doit produire un « homme nouveau », un Aryen idéal selon l’idéologie officielle du régime. L’embrigadement est tel que se pose la quesion du degré d’adhésion de la population au nazisme. Cette question majeure, qui a fait beaucoup débattre les historiens spécialistes du nazisme depuis les années 1960, montre que le maintien du régime nazi ne s’explique pas uniquement par tout l’arsenal répressif et la contrainte, mais bien, aussi, par un soutien de la majorité des Allemands, certes conditionnés par une propagande active mais aussi car ils ont profité du nazisme. Un historien a même écrit que les Allemands ont été selon lui « achetés » par les nazis (Götz Aly, Comment Hitler a acheté les Allemands, 2008). Il est vrai que le régime nazi s’est montré généreux avec la majorité des Allemands, c’est-à-dire tous ceux qui n’étaient pas visés par les politiques d’exclusion mises en place par les nazis. Hitler a ainsi créé dès 1933 une grande organisation, la « Force par la joie » (KDF), destinée à développer les loisirs et le bien-être matériel pour les classes moyennes et ouvrières. C’est la KDF qui lance la célèbre « Volkswagen » (« voiture du peuple »), produite par l’ingénieur F. Porsche, en 1938, et surtout qui organise des vacances (croisières en mer du Nord) pour des millions d’Allemands. Les nazis ont contribué à faire entrer l’Allemagne dans l’ère de la société de consommation, même si l’arrière-plan idéologique était évidemment très présent. Cela se double d’une politique fiscale et sociale particulièrement généreuse pour les familles (diminution des impôts et augmentation des allocations familiales). c) Souder la communauté nationale autour d’une politique extérieure très agressive : la marche à la guerre des années 1930 Les nazis ont toujours violemment critiqué le traité de Versailles, et Hitler avait logiquement annoncé dans Mein Kampf son intention de revoir complètement la politique étrangère allemande

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et de prendre sa revanche sur les vainqueurs de 1918, notamment la France. Hitler s’emploie ainsi dès son arrivée au pouvoir à violer les dispositions du traité de Versailles, au nom de la nécessité de redonner sa puissance à l’Allemagne : il quitte ainsi la SDN dès 1934, recrée le service militaire obligatoire et une armée allemande puissante à partir de 1935 (la Wehrmacht et une aviation, la Luftwaffe), et remilitarise la Rhénanie en 1936. L’année 1936 représente quant à elle un tournant, car Mussolini, qui jusque-là était méfiant envers Hitler, change complètement de stratégie en rompant définitivement avec les démocraties (France et Royaume-Uni) pour se rapprocher de l’Allemagne nazie. Condamnée par la SDN et les démocraties pour l’invasion et la conquête de l’Éthiopie (1936), l’Italie quitte la SDN et signe un traité avec l’Allemagne : c’est l’« Axe Rome-Berlin », puis adhère en 1937 au pacte anti-komintern (contre l’URSS et le communisme) qui avait été conclu l’année précédente entre l’Allemagne et le Japon. Ce rapprochement entre les deux fascismes est scellé par la visite officielle de Mussolini à Hitler en 1937, puis par la venue de Hitler en Italie en 1938, mais aussi par leur participation commune à la guerre d’Espagne en soutenant Franco qui combat les forces républicaines et communistes (destruction du village basque de Guernica par l’aviation allemande en 1937, bombardement de Barcelone en 1938). Hitler a alors les mains libres pour mettre à exécution son projet de « Grand Reich » et d’expansion à l’Est, et pour pousser les démocraties à entrer dans une guerre européenne. Il multiplie ainsi les coups de poker à partir de 1938, en misant à chaque fois sur la faiblesse des réactions occidentales, et réalise l’annexion de l’Autriche en 1938 (« Anschluss »). Les démocraties organisent une conférence internationale pour éviter la guerre : c’est la conférence de Munich (septembre 1938), à laquelle participent Hitler, Mussolini, Chamberlain (Premier ministre britannique) et Daladier (président du Conseil français). Une fois de plus, Britanniques et Français cèdent à Hitler en l’autorisant à annexer les Sudètes, une région de Tchécoslovaquie abritant une importante minorité allemande : en faisant cette ultime concession aux nazis, ils pensent avoir ainsi évité la guerre, mais, comme l’écrira plus tard Churchill, « ils ont accepté le déshonneur pour avoir la paix ; ils auront le déshonneur et la guerre ».

CONCLUSION [Réponse à la problématique : bilan] L’Allemagne nazie des années 1930 est incontestablement un pays dominé par un régime totalitaire. Dès son arrivée au pouvoir comme chancelier le 30 janvier 1933, Hitler met en effet en place une dictature absolue qui balaie en quelques mois la république de Weimar et la démocratie et qui pose les conditions d’un totalitarisme qui sera particulièrement abouti : puissance absolue d’un chef charismatique conçu comme un guide suprême, autorité incontestée d’un parti unique gardien de l’idéologie officielle, propagande massive envers la population, suppression de toutes les libertés à commencer par celle de penser, développement d’organisations officielles destinées à encadrer les différentes catégories de la société notamment les jeunes. L’objectif central du projet totalitaire nazi est de créer une société radicalement nouvelle, fondée sur les principes du nazisme, par le biais d’un « homme nouveau » censé figurer l’Aryen idéal. [Ouverture] La réalisation de ce projet totalitaire ne peut pas se concevoir, d’après Hitler, sans une remise en cause des conditions imposées à l’Allemagne par le traité de Versailles, notamment parce qu’il est nécessaire de partir à la conquête de l’« espace vital » à l’Est, vers l’URSS. C’est pour cela que le conditionnement de la société allemande dans les années 1930 est aussi conçu comme une préparation à la guerre. Celle-ci éclate en 1939 et est d’abord un succès pour Hitler qui atteint sa plus grande popularité en 1940-1941, ce qui permet de renforcer le régime nazi. Cette guerre provoquera aussi cependant la perte du régime et de son chef, avec une conjoncture militaire qui devient défavorable à l’Allemagne à partir du tournant de 1942-1943 et qui provoque une défaite catastrophique en 1945 et la chute du régime (suicide du Führer le 30 avril 1945).

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SUJET : ÉTUDE CRITIQUE DE DOCUMENT

CORRIGÉE

Sciences Po Paris Consigne : Vous présenterez le document suivant de la façon la plus précise possible et vous montrerez son intérêt et ses limites pour la compréhension du génocide des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

DOCUMENT Le témoignage d’un survivant du camp d’extermination de Treblinka (1943)

Treblinka a été conçu de manière professionnelle. […] La chambre à gaz mesure sept mètres sur sept mètres. Au milieu de la pièce, il y a des pommeaux de douche, par lesquels le gaz arrive. […] Je regarde ces pauvres femmes et je n’en crois pas mes yeux. Chacune d’elles s’assied devant un coiffeur. […] Une vieille dame s’assied devant moi ; je coupe ses cheveux et elle me demande une dernière chose avant de mourir : couper lentement car après elle, devant mon camarade, se trouve sa fille et elle voudrait être avec elle pour aller à la mort. Je m’efforce de ralentir et je dis à mon voisin d’accélérer la coupe de la demoiselle, pour qu’elles puissent entrer ensemble dans la chambre à gaz. Je voudrais exaucer la dernière volonté de cette femme mais un assassin se met à hurler et le fouet cingle au-dessus de ma tête. Je dois me dépêcher et je ne peux pas la retenir plus longtemps. Elle part sans sa fille… C’est ainsi qu’ont défilé des centaines de femmes dans un vacarme de cris et de sanglots. […] Tout à coup, le flot des victimes s’interrompt : les chambres à gaz sont pleines. L’assassin qui se tient à la porte des chambres à gaz annonce une pause d’une demi-heure et s’en va. […] Une demi-heure passe ; un assassin vient informer que le travail reprend. Nous regagnons nos places afin d’accueillir de nouvelles victimes. Cris et pleurs se font à nouveau entendre et des femmes nues apparaissent ; le travail se poursuit. Au bout d’une heure, le convoi est expédié. Quelques milliers de personnes ont été gazées. […] Les tâches pour évacuer les cadavres étaient réparties en plusieurs groupes. […] Il y avait trente à quarante porteurs, six dentistes et […] une brigade de fossoyeurs. Parmi ceux-ci, une dizaine d’hommes disposait les cadavres dans les fosses tête-bêche afin d’en faire entrer le maximum.

Source : Chil Rajchman, Je suis le dernier Juif. Treblinka (1942-1943), Paris, Les Arènes, 2009.

CORRIGÉ Introduction Mis en service en juillet 1942, le camp de Treblinka fait partie des six camps d’extermination édifiés par les nazis pendant la Secode Guerre mondiale, tous situés sur le territoire polonais, là où les Juifs sont les plus nombreux : Belzec, Chelmno, Sobibor, Treblinka, Majdanek et Auschwitz-Birkenau, ces deux derniers étant mixtes, tandis que celui de Treblinka semble réservé aux femmes comme le suggère le document. Ce témoignage glaçant d’un survivant, appartenant aux sonderkommandos puisqu’en tant que prisonnier juif il est contraint de participer au processus d’extermination, fait plonger au cœur du système concentrationnaire nazi et de la logique génocidaire. En effet, avec le début de la guerre en 1939 en Pologne, les nazis ont progressivement transposé à l’ensemble des territoires occupés d’Europe leur politique antisémite. Avec le début de la guerre à l’Est en 1941, cette politique s’est radicalisée : multiplication des massacres à grande échelle comme celui de Babi Yar en Ukraine en septembre 1941, ouverture du premier camp d’extermination (Belzec) en octobre 1941, ouverture des premières chambres à gaz en décembre 1941, décision de la « solution finale » (conférence de Wannsee) en janvier 1942. Progressivement au cours des années 1942 et 1943 le processus d’extermination des Juifs s’industrialise et se

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perfectionne, ce dont fait état ce témoignage, corroboré par des milliers d’autres dont certains sont très célèbres (Si c’est un homme, de Primo Lévi). Conçu dans un premier temps pour exécuter les Juifs en provenance du ghetto de Varsovie, le camp de Treblinka s’agrandit de dix nouvelles chambres à gaz en octobre 1942 ce qui permet de tuer 3 000 Juifs par heure. C’est cet aspect industriel et entièrement déshumanisé, où seul comptent le rendement et l’efficacité, dont rend compte le texte. Ainsi, dans quelle mesure le fonctionnement du camp de Treblinka est-il une illustration de la logique génocidaire à l’encontre des Juifs ? I. Un camp au cœur du système européen concentrationnaire nazi C’est pour « améliorer » le rendement des massacres de Juifs commis en Europe de l’Est depuis 1939 que les nazis, sous l’égide de Himmler, puissant chef de la SS et responsable de tout le système concentrationnaire, décident d’industrialiser le processus et de le développer à plus grande échelle encore. Les camps de concentration et d’extermination sont en effet supervisés par les SS : ce sont eux qui sont évoqués dans le texte quand l’auteur emploie à deux reprises le terme « assassin » (l. 7 et 10). Le basculement dans cette phase ultime de la radicalisation se fait à l’automne 1941, lié à la radicalisation de la guerre elle-même pour l’Allemagne : le nombre de Juifs sous la domination nazie devient considérable au vu de l’extension des territoires occupés, tandis que la possibilité d’une victoire rapide contre l’URSS s’éloigne et que l’entrée en guerre des États-Unis mondialise le conflit et crée une menace supplémentaire pour les nazis. C’est donc à cette époque où les Juifs du Reich se voient imposer le port de l’étoile jaune (septembre 1941), où les premiers camps d’extermination apparaissent (Belzec en octobre 1941) et où le gazage des Juifs commence à être testé (au camp de Chelmno en décembre 1941). La conférence de Wannsee, en janvier 1942, organisée par Himmler et son bras droit Heydrich, officialise ce processus en décidant de mettre en œuvre la « solution finale » c’est-à-dire la planification de l’extermination des Juifs dans toute l’Europe. II. Un génocide entré dans sa phase industrielle À la date du document (1943), l’extermination des Juifs est entrée dans sa phase ultime et radicale, celle d’une logique industrielle. L’auteur utilise d’ailleurs le mot « travail » (sous-entendu à la chaîne) à deux reprises (l. 13 et 15), ce qui souligne encore davantage l’aspect industriel du processus, et évoque dès la première ligne un camp « conçu de manière professionnelle ». L’organisation du camp et le déroulement des exécutions en témoignent. L’auteur montre que les nazis recherchent avant tout la rentabilité, à la fois en termes de temps et de coût, en dehors de toute considération humaine. Le procédé de l’exécution semble en effet bien rodé et efficace, puisqu’« au bout d’une heure, le convoi est expédié » (l. 15-16) c’est-à-dire que l’ensemble des victimes ont été exécutées. Le mode d’exécution est par ailleurs clairement indiqué : « la chambre à gaz » (lignes 1 et 6). Après des premiers essais concluants en 1941, les nazis ont en effet décidé de généraliser ce procédé au cours de l’année 1942 et d’utiliser le Zyklon B, qui est le plus rapide et le plus rentable. Des prisonniers Juifs sont mis à contribution et sont donc de force intégrés au processus d’extermination : c’est précisément le cas de l’auteur, qui fait donc partie des « sonderkommandos ». Il fait partie de l’équipe chargée de préparer les victimes juste avant leur entrée dans la chambre à gaz en leur coupant les cheveux, et après leur passage dans la salle de déshabillage (« des femmes nues apparaissent ; le travail se poursuit », l. 14). Il montre, à la fin du texte, qu’il existe d’autres équipes chargées des tâches ingrates en aval : « évacuer les cadavres » (l. 16), récupérer les dents en or (« six dentistes », l. 17), enterrer les corps dans des fosses communes (« une brigade de fossoyeurs », l. 17). Même si l’auteur ne l’évoque pas, l’autre moyen couramment utilisé par les nazis pour se débarrasser des cadavres est de les brûler (fours crématoires).

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III. Quel bilan ? La « rentabilité » des exterminations semble être très élevée à Treblinka puisque l’auteur indique que « quelques milliers de personnes ont été gazées » (l. 14) en à peine une heure ; il est vrai que pour les années 1942 et 1943, les historiens ont calculé qu’en moyenne 3 000 Juifs étaient exterminés par heure dans ce camp. Et sans doute que ce sont au total 900 000 Juifs qui ont été tués à Treblinka en 1942 et 1943, ce qui en fait le deuxième camp le plus meurtrier juste derrière celui d’Auschwitz (1,1 million de morts, sur le 1,3 million de personnes qui y ont été déportées). Au total, ce sont trois millions de Juifs qui sont morts dans les camps entre 1941 et 1944. Le génocide, dans sa globalité, a fait entre cinq et six millions de victimes juives. Enfin, il est à souligner que le document n’évoque pas les Tsiganes, pourtant eux aussi victimes d’un génocide, mais dans d’autres camps (200 000 morts au total, soit un tiers de la population tsigane européenne).

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SUJET : ÉTUDE CRITIQUE DE DOCUMENT

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Sciences Po Paris Consigne : Vous présenterez le document suivant de la façon la plus précise possible et vous montrerez son intérêt et ses limites pour la compréhension de la dénazification de l’Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

DOCUMENT Extrait de l’éditorial du journal Le Figaro, 2 octobre 1946, le lendemain de l’énoncé

du verdict du procès de Nuremberg. Au moment où le lecteur aura ces lignes sous les yeux, le monde connaîtra le verdict de Nuremberg. […] Ce qui importe ici n’est pas tant le contenu même du verdict, le fait qu’un accusé de plus ou de moins sauve sa tête de la corde. […] Ce qui importe c’est le jugement lui-même. C’est le fait que les chefs civils et militaires d’un grand État, responsables non seulement d’une guerre qui a ravagé le monde […], mais encore du luxe incroyable d’atrocités dont cette guerre a été inutilement accompagnée, ont comparu pour la première fois devant le tribunal des nations assaillies et victimes, qui, au terme d’une lutte épuisante et d’affreuses vicissitudes, ont réussi à les terrasser. Nous croyons qu’il faut se défendre de deux attitudes d’esprit […]. La première est de penser que le procès de Nuremberg était injuste et arbitraire ; la seconde est de penser que ce procès était inutile, et qu’il convenait de livrer au bourreau les coupables, aussitôt pris, de les abattre comme des bêtes sauvages […] La première est sans doute celle des accusés eux-mêmes […]. Il est facile de soutenir que si les nations qui ont combattu l’Allemagne ont pu envoyer à Nuremberg leurs juges et leurs accusateurs, c’est seulement parce qu’en fin de compte elles ont été victorieuses, et non parce que leur cause était plus juste. […] Il n’y a rien à répondre à ceux qui soutiennent des arguments semblables, sinon qu’il leur manque cette appréciation de la dimension morale des actes humains, faute de laquelle tout dialogue avec eux devient impossible. […] Mais, chez d’autres, qu’ont indigné les lenteurs d’un procès de près d’une année, le temps passé à se réunir et à peser les chefs d’accusation contre des criminels dont la culpabilité paraissait évidente, la liberté de parole donnée aux accusés et à leurs défenseurs, il règne un état d’esprit qui n’est pas si différent de celui de leurs plus monstrueux adversaires. Si les Alliés vainqueurs avaient supprimé leurs ennemis sans autre forme de procès, ils se seraient mis sur le plan de ces ennemis eux-mêmes. Ils auraient montré qu’ils tenaient les principes et les garanties de la justice dans le même mépris que les inventeurs des camps d’extermination.

CORRIGÉ Introduction « La véritable partie plaignant à cette barre, c’est la civilisation ». Ainsi s’exprime Robert Jackson, le procureur américain du procès de Nuremberg, pour désigner le caractère hors norme de ce premier procès international de l’Histoire qui a duré un an et qui, comme le dit également l’éditorial du Figaro qui constitue le document à commenter, est un procès pour l’Histoire, avec une forte dimension morale. Le 8 mai 1945, l’Allemagne capitule, ce qui met fin à la Seconde Guerre mondiale en Europe mais aussi au régime nazi, qui s’était mis en place à partir de la nomination de Hitler à la chancellerie le 30 janvier 1933. La défaite de l’Allemagne entraîne la mise en œuvre d’une vaste réorganisation prévue par les Alliés, et définie notamment lors des conférences de Yalta (février 1945) et de Potsdam (juillet-août 1945). Si c’est la conférence de Postdam qui officialise la décision de « dénazifier » l’Allemagne (cela fait partie des « 5 D »), cette volonté d’extirper le nazisme du pays et d’en châtier les responsables avait été énoncée dès 1942 par Churchill et huit dirigeants de

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gouvernements en exil à Londres (parmi lesquels de Gaulle) puis en 1943 par Roosevelt, Churchill et Staline (déclaration de Moscou du 30 octobre 1943). Divisée en quatre zones d’occupation, l’Allemagne est immédiatement soumise à cette dénazification, car le nazisme s’était infiltré partout dans la société, à travers ses très nombreuses organisations à commencer par le parti NSDAP, qui compte encore huit millions d’adhérents au moment de la capitulation ; à Bonn par exemple, sur les 112 médecins de la ville, 102 sont membres du parti… La principale forme de la dénazification est le procès : ils sont des centaines à se tenir à travers l’Allemagne à partir de 1945, le plus important d’entre eux étant celui de Nuremberg qui s’ouvre le 20 novembre 1945 et s’achève par l’énoncé du verdict le 1er décembre 1946, énoncé qui fait la « Une » des journaux du monde entier le lendemain comme, en France, Le Figaro, dont un extrait de l’éditorial est ici donné à étudier. Il s’agira donc de s’interroger sur le rôle du procès de Nuremberg dans la dénazification de l’Allemagne, et sur la manière dont un grand quotidien français national en fait l’analyse. I. Un procès international spectaculaire, épine dorsale de la dénazification Crée le 8 août 1945, le Tribunal international militaire est installé à Nuremberg (la ville est citée à la ligne 2). Ce lieu n’a pas été choisi au hasard par les Alliés car il s’agit d’un haut lieu du nazisme, la ville dans laquelle se tenait chaque année le grand rassemblement du NSDAP et celle où ont été rédigées les fameuses « lois de Nuremberg » en 1935 qui avaient officialisé le racisme et l’antisémitisme d’État, au cœur de l’idéologie nazie définie par Hitler dès 1924 (publication de Mein Kampf). Les juges, quant à eux, sont Américains, Anglais, Français et Soviétiques : ils représentent les « nations assaillies et victimes » (l. 7). Ce procès se veut symbolique car il juge 24 hauts dignitaires du régime nazi, parmi lesquels Goering, Keitel (chef de la Wehrmacht), Frank (gouverneur de la Pologne) ou bien encore Ribbentrop (ministre des affaires étrangères). Comme le dit le texte, ce sont « les chefs civils et militaires d’un grand État, responsables non seulement d’une guerre qui a ravagé le monde […], mais encore du luxe incroyable d’atrocités dont cette guerre a été inutilement accompagnée » (l. 4-6). Seuls 21 sont toutefois présents (l’un a pris la fuite, un autre a été dispensé pour raison de santé et le troisième s’est suicidé). Tous les accusés sont suspectés de quatre chefs d’accusation : complot, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le procès de Nuremberg représente ainsi une innovation sur le plan du droit international, car il introduit dans celui-ci, pour la première fois, les notions de « crime contre la paix » et surtout de « crime contre l’humanité », ce dernier se définissant comme « l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout acte inhumain commis contre toutes les populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux ». Le texte y fait allusion à la dernière ligne, quand il parle des « inventeurs des camps d’extermination », en référence au système concentrationnaire développé par les nazis à vaste échelle à travers toute l’Europe occupée. Les premiers camps d’extermination étaient apparus dès la fin de l’année 1941 (Belzec en octobre 1941, Chelmno où sont expérimentées pour la première fois les chambres à gaz en décembre 1941), puis se développent à partir de la décision de la « solution finale » lors de la conférence de Wannsee en janvier 1942. II. Le verdict et les enjeux du procès Le « verdict de Nuremberg » (l. 1-2) prévoit douze condamnations à mort (par pendaison : « la corde », l. 3), trois peines de prison à perpétuité, quatre peines de prison comprises entre 10 et 20 ans, et trois acquittements. Mais au-delà de ce verdict, qui n’apparaît cependant pas dans le texte (le bouclage du journal a sans doute eu lieu avant la publication détaillée du verdict), ce qui est le plus important « n’est pas tant le contenu même du verdict » (l. 2) mais « le jugement lui-même » (l. 3-4). Le journal développe ici la vision des Alliés, qui considèrent ce procès comme juste et indispensable, surtout d’un point de vue politique et moral et balaient les critiques, pourtant nombreuses, qui ont été émises à l’époque. Le procès est en effet conçu comme une manière de

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réaffirmer solennellement les principes de l’État de droit, mais aussi les principes universels autour de la dignité humaine (« la dimension morale des actes humains », l. 17). Plus largement, la dénazification est conçue par les Alliés, surtout occidentaux, comme un moyen de refonder une véritable démocratie allemande mais aussi d’expliquer pédagogiquement à la population l’ampleur des crimes nazis (des visites des camps de concentration sont imposées aux populations vivant à proximité). La dénazification ne se limite donc pas au spectaculaire procès de Nuremberg. D’autres procès sont organisés pour juger des nazis de rang inférieur, donnant lieu à 5 000 condamnations, dont 800 à mort (486 exécutées), tandis que tous les Allemands de plus de 18 ans doivent remplir des questionnaires dont les réponses permettent aux autorités alliées de les classer en fonction de leur attitude face au nazisme. III. La dénazification présente cependant des limites La dénazification connaît cependant aussi des limites, que ce texte n’évoque pas, non seulement parce qu’il ne date que de 1946 mais aussi parce qu’il développe la vision des Alliés, une vision qui tend à occulter certaines réalités. Le procès n’aborde pas, par exemple, les crimes de guerre commis par les Soviétiques, comme le massacre de Katyn (Pologne) en 1940. En outre, la population allemande ressent durement ce processus qui tend à faire de tout Allemand un coupable en puissance. Le procès de Nuremberg a donc fait l’objet de nombreuses critiques, y compris chez les Occidentaux dont certains dénoncent la dureté du verdict, l’organisation d’une « justice de vainqueurs » ou le jugement par un tribunal d’exception et pour des crimes qui n’existaient pas en droit allemand. À l’inverse, par nécessité, les Alliés préfèrent laisser en place des milliers de fonctionnaires et de responsables, indispensables au redressement de l’Allemagne et au fonctionnement des zones d’occupation. Mais les insuffisances de la dénazification se déploient aussi sur une échelle de temps beaucoup plous longue, qui dépasse largement le cadre de ce texte. Partielle et inégale, la dénazification a en effet épargné des dizaines de milliers d’anciens nazis dont certains parviennent à vivre en Allemagne même sans être inquiétés ou arrivent à fuir, grâce à la complicité de véritables réseaux, vers le Moyen-Orient ou l’Amérique latine (ainsi, Klaus Barbie quitte l’Europe en 1951). D’autres criminels, comme Josef Mengele, médecin en chef du camp d’Auschwitz où il s’est livré à des expérimentations et des tortures sur les détenus, échapperont toute leur vie aux recherches et ne seront jamais ni arrêtés ni jugés. Par ailleurs, la dénazification est particulièrement brutale dans la zone d’occupation soviétique, ce que n’évoque pas le texte alors que cela fait plus d’un an et demi qu’elle est mise en œuvre. Les Soviétiques tendent en effet à remplacer le totalitarisme nazi par un autre, le leur, avec des vagues d’arrestations de dizaines de milliers d’individus envoyés dans les camps de concentration soviétiques. Enfin, dès l’année suivant le texte, donc en 1947, avec l’entrée officielle dans la guerre froide, la dénazification n’est plus la priorité ni pour les Occidentaux ni pour les Soviétiques. Les mesures de dénazification sont suspendues, si bien qu’au début des années 1950 beaucoup d’anciens nazis continuent à exercer comme en Bavière où cela concerne 94 % des juges et des procureurs.

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Sciences Po Paris Consigne : Vous présenterez le document suivant de la façon la plus précise possible et vous montrerez son intérêt et ses limites pour la compréhension de l’économie-monde britannique à la fin du XIXe siècle.

DOCUMENT Le port de Londres décrit par un voyageur français en 1872 Les navires, les magasins se multiplient ; on sent l’approche de la grande ville. Les petits ponts d’embarquement s’avancent à cinquante pas dans la rivière par-dessus la bourbe luisante que le reflux laisse à sec. À chaque quart d’heure, l’empreinte et la présence de l’homme, la puissance par laquelle il a transformé la nature, deviennent plus visibles : docks, entrepôts, bassins de construction et de calfatage, chantiers, maisons d’habitation, matériaux préparés, marchandises accumulées ; on voit sur la droite la carcasse en fer d’une église qu’on ajuste ici pour la bâtir dans l’Inde. L’étonnement finit par se changer en accablement. À partir de Greenwich, le fleuve n’est plus qu’une rue large d’un mille et davantage, où montent et descendent les navires entre deux files de bâtisses, interminables files d’un rouge sombre en briques et en tuiles, bordées de grands pieux fichés dans la vase pour amarrer les navires, qui viennent là se vider et s’emplir. Toujours de nouveaux magasins pour le cuivre, la pierre, la houille, les agrès, et le reste ; toujours des ballots qu’on empile, des sacs qu’on hisse, des tonneaux qu’on fait rouler, des grues qui grincent […]. La mer arrive à Londres par le fleuve, c’est un port en pleine terre ; New York, Melbourne, Canton, Calcutta abordent ici du premier coup […]. C’est là certainement un des grands spectacles de notre planète ; pour voir un pareil entassement de constructions, d’hommes, de vaisseaux et d’affaires, il faudrait aller en Chine. Cependant, sur le fleuve, s’élève une forêt inextricable de mâts, de cordages : ce sont les navires qui arrivent, partent ou stationnent, d’abord par paquets, puis en longues files, puis en amas continu, accrochés, mêlés contre les cheminées des maisons et les poulies des magasins, avec tout l’attirail du labeur incessant, régulier, gigantesque. Une fumée brumeuse, pénétrée de lumière, les enveloppe […]. On dirait l’air lourd et charbonneux d’une grande serre. Rien ici n’est naturel ; tout est transformé, violenté, depuis le sol et l’homme, jusqu’à la lumière et l’air.

Source : Henri Taine, Notes sur l’Angleterre, Paris, Hachette, 1872, p. 7-9.

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Sciences Po Paris Consigne : Vous présenterez le document suivant de la façon la plus précise possible et vous montrerez son intérêt et ses limites pour la compréhension de l’expérience combattante durant la Première Guerre mondiale.

DOCUMENT Le témoignage d’un ancien combattant de la Première Guerre mondiale Feu roulant, tir de barrage, rideau de fer, mines, gaz, tanks, mitrailleuses, grenades, ce sont là des mots, mais ils renferment toute l’horreur du monde. Nos visages sont pleins de croûtes, notre pensée est anéantie, nous sommes mortellement las. Lorsque l’attaque arrive il faut en frapper plus d’un à coups de poing pour qu’il se réveille et suive. […] Sont-ce des semaines, des mois ou des années qui passent ici ? De simples journées. Nous voyons le temps disparaître à côté de nous sur le visage des mourants. […] Nous voyons des gens, à qui le crâne a été enlevé, continuer de vivre ; nous voyons courir des soldats dont les deux pieds ont été fauchés ; sur leurs moignons éclatés, ils se traînent en trébuchant jusqu’au prochain trou d’obus ; un soldat de première classe rampe sur ses mains pendant deux kilomètres en traînant derrière lui ses genoux blessés ; […] le soleil se lève, la nuit arrive, les obus sifflent ; la vie s’arrête. Cependant le petit morceau de terre déchirée où nous sommes a été conservé, malgré des forces supérieures et seules quelques centaines de mètres ont été sacrifiés. Mais pour chaque mètre, il y a un mort. […] Personne ne croirait que dans ce désert tout déchiqueté il puisse y avoir encore des êtres humains ; mais, maintenant, les casques d’acier surgissent partout dans la tranchée et à cinquante mètres de nous il y a déjà en position une mitrailleuse qui, aussitôt, se met à crépiter. Nous reconnaissons les visages crispés et les casques ; ce sont les Français. Ils atteignent les débris des barbelés et ont déjà des pertes visibles. Toute une file est fauchée par la mitrailleuse qui est à côté de nous ; puis nous avons une série d’enrayages et les assaillants se rapprochent. […] Sous l’un des casques apparaît une barbe pointue, toute noire et deux yeux qui sont fixés droit sur moi. Je lève la main, mais il m’est impossible de lancer ma grenade dans la direction de ces étranges yeux. […] Nous sommes devenus des animaux dangereux, nous ne combattons pas, nous nous défendons contre la destruction. Ce n’est pas contre les humains que nous lançons nos grenades, car à ce moment-là nous ne sentons qu’une chose : c’est que la mort est là, qui nous traque sous ces mains et ces casques. La fureur qui nous anime est insensée ; nous ne pouvons que détruire et tuer, pour nous sauver […], pour nous sauver et nous venger.

Source : Erich Maria Remarque, À l’Ouest, rien de nouveau, Ullstein, 1928.

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Sciences Po Paris Consigne : Vous présenterez le document suivant de la façon la plus précise possible et vous montrerez son intérêt et ses limites pour la compréhension des régimes totalitaires des années 1930.

DOCUMENT La définition du fascisme par Mussolini (1934) On ne comprendrait pas le fascisme dans beaucoup de ses manifestations pratiques comme parti organisé, comme système éducatif, comme discipline, si l’on ne l’envisageait pas à la lumière de sa conception générale de la vie. […] Le fascisme n’est pas seulement le créateur des lois et le fondement des institutions. Il est aussi l’éducateur et le promoteur de la vie spirituelle. Il peut renouveler non pas les formes extérieures de la vie humaine, mais son essence même. Et dans ce dessein, il exige une discipline, une autorité dominant les esprits pour y régner sans conteste. […] La base de la doctrine fasciste est la conception de l’État. Pour le fascisme, l’État est un absolu en face duquel l’individu et les groupes sont le relatif. Sans l’État, il n’y a pas de nation. Il n’y a que des groupes humains susceptibles de toutes les désintégrations que l’histoire peut leur infliger. Pour le fascisme, tout est dans l’État et rien d’humain et de spirituel n’existe hors de l’État, pas d’individus, pas de groupes (partis, associations, syndicats, classes). C’est pourquoi le fascisme s’oppose au socialisme, qui durcit le mouvement historique de la lutte des classes et ignore l’utilité de l’État qui fond les classes dans une seule réalité. […] Le fascisme s’oppose à la démocratie qui rabaisse le peuple au niveau du plus grand nombre ; il nie que le nombre puisse gouverner grâce à une consultation périodique. […] C’est pourquoi le fascisme s’oppose à toutes les abstractions individualistes à fondement matérialiste type XVIIIe siècle. […] Le fascisme repousse le pacifisme. Seule la guerre porte au maximum de tension toutes les énergies humaines et imprime un sceau de noblesse aux peuples qui l’affrontent. […] Le fascisme veut l’homme actif, engagé dans l’action de toutes ses énergies : il le veut virilement conscient des difficultés et prêt à les affronter. Il conçoit l’existence comme une lutte, convaincu qu’il appartient à l’homme de se conquérir une vie véritablement digne de lui en créant en lui-même d’abord les instruments (physiques, moraux et intellectuels) nécessaires à cette édification […]. D’où la valeur suprême de la culture sous toutes ses formes (art, religion, sciences) et l’importance primordiale de l’éducation. […] L’État fasciste s’attribue aussi le domaine économique. Le corporatisme dépasse le socialisme et dépasse le libéralisme, il crée une nouvelle synthèse où tous les intérêts sont conciliés dans l’unité de l’État. Il diffère du syndicalisme rouge parce qu’il ne tend pas à porter atteinte au droit de propriété. Le fascisme est universel. On peut donc prévoir une Europe fasciste, une Europe s’inspirant des doctrines et de la pratique du fascisme pour ses institutions, une Europe capable en somme de résoudre dans le sens fasciste le problème de l’État moderne, de l’État du XXe siècle. Source : Benito Mussolini, article « Fascisme », dans Enciclopedia italiana, 1934, tome 14, repris dans Œuvres

et discours, Flammarion, 1938.

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Sciences Po Paris Consigne : Vous présenterez le document suivant de la façon la plus précise possible et vous montrerez son intérêt et ses limites pour la compréhension des régimes totalitaires des années 1930.

DOCUMENT Une comparaison du fascisme et du communisme au milieu des années 1930 Les dictatures qui se sont développées en Russie, en Italie et en Allemagne après la Première Guerre mondiale n’ont pas grand-chose en commun avec les formes traditionnelles de despotisme et d’autocratie. Par rapport aux despotes du passé, les dictateurs modernes exercent un pouvoir bien plus large et étendu à des champs beaucoup plus vastes de la vie individuelle et sociale. […] Sans commune mesure avec celles du passé, les dictatures contemporaines cherchent à obtenir un soutien de masse, à influencer les masses et à susciter leurs enthousiasmes. Elles utilisent des méthodes modernes pour faire appel à l’imagination. Le mouvement, la couleur et le son, combinés avec les compétences expérimentées de l’artiste et du technicien contemporain, ont été mis au service de la propagande […]. Le fascisme mobilise les couches inférieures des classes moyennes, mais il ne s’identifie pas, sur le plan idéologique ou politique, avec leur montée. Il est nationaliste et militariste ; son État totalitaire vise l’intégration complète de tous les individus d’une race ou d’une nation dans une communauté qui, consciente de sa force disciplinée et de sa supériorité, considère l’expansion de la nation comme une manifestation essentielle de vitalité, et tient la préparation à la guerre, l’éducation militaire et l’acceptation volontaire des risques liés à la guerre comme une façon noble de vivre. […] Le communisme mobilise le prolétariat et s’identifie idéologiquement et politiquement avec son mouvement. Il est supranational et cosmopolite ; il croit en l’égalité du genre humain, des races et des nations ; il aspire ou dit aspirer à la création d’une société d’individus libres, vivant en sécurité et dans la coopération pacifique. Ces deux types de dictatures sont antinomiques aussi bien pour leurs visées que pour leur philosophie de la vie. Ils sont similaires (et différents en cela de toute autre forme de dictature) car ils proclament le caractère absolu de leur philosophie et ils déploient des efforts pour endoctriner les masses et la jeunesse avec leur conception de la vie. Source : Hans Kohn, Les dictatures dans le monde moderne, 1935. Hans Kohn (1891-1971), d’origine juive allemande, est un politologue qui enseigne à New York.

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Sciences Po Paris Consigne : Vous présenterez le document suivant de la façon la plus précise possible et vous montrerez son intérêt et ses limites pour la compréhension de la situation de Berlin pendant la guerre froide.

DOCUMENT Discours du président des États-Unis J. F. Kennedy à Berlin-Ouest, le 26 juin 1963

Je suis fier d’être venu dans votre ville, invité par votre bourgmestre régnant1. Votre bourgmestre symbolise aux yeux du monde entier l’esprit combattant de Berlin-Ouest. Je suis fier d’avoir visité la République fédérale avec le chancelier Adenauer, qui durant de si longues années a construit la démocratie et la liberté en Allemagne. […] Il ne manque pas de personnes au monde qui ne veulent pas comprendre ou qui prétendent ne pas vouloir comprendre quel est le litige entre le communisme et le monde libre. Qu’elles viennent donc à Berlin. D’autres prétendent que le communisme est l’arme de l’avenir. Qu’ils viennent eux aussi à Berlin. Certains, enfin, en Europe et ailleurs, prétendent qu’on peut travailler avec les communistes. Qu’ils viennent donc ceux-là aussi à Berlin. Notre liberté éprouve certes beaucoup de difficultés et notre démocratie n’est pas parfaite. Cependant, nous n’avons jamais eu besoin, nous, d’ériger un mur pour empêcher notre peuple de s’enfuir. Je ne connais aucune ville qui ait connu dix-huit ans de régime d’occupation et qui soit restée aussi vitale et forte et qui vive avec l’espoir et la détermination qui est celle de Berlin-Ouest. Le mur fournit la démonstration éclatante de la faillite du système communiste. Cette faillite est visible aux yeux du monde entier. Nous n’éprouvons aucune satisfaction en voyant ce mur, car il constitue à nos yeux une offense non seulement à l’histoire mais encore une offense à l’humanité. La paix en Europe ne peut pas être assurée tant qu’un Allemand sur quatre sera privé du droit élémentaire des hommes libres à l’autodétermination. Après dix-huit ans de paix et de confiance, la présente génération allemande a mérité le droit d’être libre, ainsi que le droit à la réunification de ses familles et sa nation, pacifiquement et durablement. Vous vivez sur un îlot de liberté mais votre vie est liée au sort du continent. Je vous demande donc de regarder par-dessus les dangers d’aujourd’hui vers les espoirs de demain, de ne pas penser seulement à votre ville et votre partie allemande, mais d’axer votre pensée sur le progrès de la liberté dans le monde entier. Ne voyez pas le mur, envisagez le jour où éclatera la paix, une paix juste. La liberté est indivisible, en tant qu’un seul homme se trouvera en esclavage tous les autres ne peuvent être considérés comme libres. Mais quand tous les hommes seront libres, nous pourrons attendre en toute confiance le jour où cette ville de Berlin sera réunifiée et où le grand continent européen rayonnera pacifiquement. La population de Berlin-Ouest peut être certaine qu’elle a tenu bon pour la bonne cause sur le front de la liberté pendant une vingtaine d’années. Tous les hommes libres, où qu’ils vivent, sont citoyens de cette ville de Berlin-Ouest, et pour cette raison, en ma qualité d’homme libre, je dis : « Ich bin ein Berliner ».

1 Il s’agit du maire de Berlin-Ouest, Willy Brandt.

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SUJET : ÉTUDE CRITIQUE DE DOCUMENT

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Sciences Po Paris Consigne : Vous présenterez le document suivant de la façon la plus précise possible et vous montrerez son intérêt et ses limites pour la compréhension de la mise en place de la Ve République.

DOCUMENT Affiche élaborée lors de la campagne électorale du référendum à propos de

l’adoption de la nouvelle Constitution (septembre 1958)

Source : http://www.lelivrescolaire.fr/#!manuel/62/histoire-geographie-education-civique-3e/chapitre/804/de-gaulle-et-le-nouveau-systeme-republicain-1958-1969/page/694175/la-presidence-de-charles-de-gaulle-fondateur-de-la-ve-republique/image/716022

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SUJET : ÉTUDE CRITIQUE DE DOCUMENT

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Sciences Po Paris Consigne : Vous présenterez le document suivant de la façon la plus précise possible et vous montrerez son intérêt et ses limites pour la compréhension de la mise en place de la Ve République.

DOCUMENT Allocution radiotélévisée du général de Gaulle, le 23 avril 1961, lors du putsch des

généraux à Alger Un pouvoir insurrectionnel s’est établi en Algérie par un pronunciamento [coup d’État] militaire. Les coupables de l’usurpation ont exploité la passion des cadres de certaines unités spécialisées, l’adhésion enflammée d’une partie de la population de souche européenne qu’égarent les craintes et les mythes, l’impuissance des responsables submergés par la conjuration militaire. Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d’officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire expéditif et limité. Mais ils ne voient et ne comprennent la nation et le monde que déformés à travers leur frénésie. Leur entreprise conduit tout droit à un désastre national. Car l’immense effort de redressement de la France, entamé depuis le fond de l’abîme le 18 juin 1940, mené ensuite jusqu’à ce qu’en dépit de tout la victoire fût remportée, l’indépendance assurée, la République restaurée ; repris depuis trois ans, afin de refaire l’État, de maintenir l’unité nationale, de reconstituer notre puissance, de rétablir notre rang au-dehors, de poursuivre notre œuvre outre-mer à travers une nécessaire décolonisation, tout cela risque d’être rendu vain, à la veille même de la réussite, par l’aventure odieuse et stupide des insurgés en Algérie. Voici l’État bafoué, la nation défiée, notre puissance ébranlée, notre prestige international abaissé, notre place et notre rôle en Afrique compromis. Et par qui ? Hélas ! Hélas ! Par des hommes dont c’était le devoir, l’honneur, la raison d’être, de servir et d’obéir. […] Devant le malheur qui plane sur la patrie et la menace qui pèse sur la République, ayant pris l’avis officiel du Conseil constitutionnel, du Premier ministre, du président du Sénat, du président de l’Assemblée nationale, j’ai décidé de mettre en œuvre l’article 16 de la Constitution. À partir d’aujourd’hui, je prendrai, au besoin directement, les mesures qui me paraîtront exigées par les circonstances. Par là même, je m’affirme, pour aujourd’hui et pour demain, en la légitimité française et républicaine que la nation m’a conférée, que je maintiendrai, quoi qu’il arrive, jusqu’au terme de mon mandat ou jusqu’à ce que me manquent, soit les forces, soit la vie, et dont je prendrai les moyens d’assurer qu’elle demeure après moi. Françaises, Français ! Voyez où risque d’aller la France, par rapport à ce qu’elle était en train de devenir. Françaises, Français ! Aidez-moi !

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SUJET : ÉTUDE CRITIQUE DE DOCUMENT

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Sciences Po Paris Consigne : Vous présenterez le document suivant de la façon la plus précise possible et vous montrerez son intérêt et ses limites pour la compréhension de la place des femmes dans la société française au début du XX

e siècle.

DOCUMENT Les femmes au lendemain de la Première Guerre mondiale Il est difficile de fixer le nombre, même approximatif, des femmes que cette guerre nous a contraints d’employer dans les arsenaux, les usines, les entreprises de l’État, ou privées, les administrations, les ministères, les hôpitaux, les ambulances, les gares, les États-majors […]. Il atteignait plusieurs centaines de mille. Dès la signature de l’armistice, on songea à renvoyer cette armée de travailleuses […]. À l’heure actuelle, on évalue dans les usines, et en moyenne partout, à 80 % la diminution de la main-d’œuvre féminine. Mais celles qui ont quitté l’usine sur de belles promesses ne veulent plus reprendre les travaux féminins parce qu’ils sont incomparablement moins rétribués […]. De plus, la femme qui travaille chez elle le fait souvent dans de mauvaises conditions de confort et d’hygiène, en des logements étroits et malsains, mal éclairés. Elle regrette le mouvement, la gaîté de l’usine et du travail en commun. Elle veut donc y retourner. Mais les places sont limitées et les hommes sont là.

Source : Extrait d’un article du journal Le Figaro, 31 mars 191