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SUR LA TABLE
Murièle Modély
illustrations Maxime Dujardin
2016Éditions QazaQ
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ÉDITIONS QAZAQ
Site : Éditions QazaQ
Mail : [email protected]
Site : Les Cosaques des Frontières
Twitter: @Le_Curator
Facebook: Les Cosaques des Frontieres
Couverture : Maxime Dujardin et Jan Doets
Dessins : Maxime Dujardin
ISBN : 978-94-92285-31-7
Tous droits réservés
2016 © Murièle Modély, Maxime Dujardin & Éditions QazaQ
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MURIÈLE MODÉLY
Je suis née en 1971, à l'île de la Réunion. Je vis aujourd'hui à Toulouse où j'exerce la profession de bibliothécaire. J'ai publié trois recueils et participe régulièrement à des revues numérique ou papier.
Je tiens également un blog : L'oeil bande depuis 2008.
Mon blog se nomme L'oeil bande, parce que "l'oeil bande avant le sexe et il arrive même que l'oeil bande seul", pour reprendre les mots du poète Paul Nougé. C'est en efet sur la toile l'efervescence de la langue et du regard. Je cherche dans le trou, sous la peau, dans les abysses du corps les traces d'un récit premier. Mais je cherche aussi dans les images, les photos, les tableaux, des rebonds qui feraient surgir un sens nouveau et une cohérence dans ma dispersion poétique assumée. J'envisage l'écriture dans une tension et pratique une poésie métaphorique, mais également une poésie plus sèche et tranchée. Mes poèmes sont parfois catégorisés comme poèmes du quotidien, et bien que je ne sois pas adepte des étiquettes, mes écrits se concentrent efectivement sur l'humain ; j'écris volontiers sur les hommes, les femmes, la relation à l'autre... J'explore également l'environnement urbain souvent anxiogène dans lequel nous vivons.
Le blog a été une étape importante dans mon processus d'écriture. Il me permet d'explorer la non linéarité de la lecture/écriture sur le net. Il est à la fois un cahier de brouillon, et une construction très réféchie dans ce maillage de mes mots et des productions plastiques de peintres, photographes que je glane au fl de mes vagabondages sur la toile. J'élabore le blog comme un tableau où les mots et les images fonctionneraient en étoile.
Est-ce que mon écriture est marquée par mon identité d'ilîenne ? Sans nul doute. J'ai quitté mon île natale un peu avant mes dix-huit ans, et même si je dois aujourd'hui davantage me considérer comme une métropolitaine vu les années passées sur le continent, l'île fantasmée et réelle continue de m'habiter. Elle continue d'alimenter et de travestir ma mémoire. J'écris pour retisser une histoire. Une histoire qui m'échappe, qui vient de très loin, qui se cache et s'exprime viscéralement. Mon écriture se situerait alors dans un entre deux, dans le balancement entre le noir et le blanc, entre la mer et l'océan, entre l'homme et la femme, entre le corps et la tête.
Je déroule une langue, qui est mienne et bancale, où le créole ne peut se dire et doit être dans le corps fouaillé. Je n'écris pas pour dire quelque chose mais pour trouver les mots qui me diraient, moi.
Chaque poème est la butée grâce à laquelle je peux polir ma langue... tenter, échouer, recommencer. Je n'ai pour avancer que mon œil (qui bande) et mon ventre, plus encore que ma tête.
Pour ce recueil, il s'agissait de se mettre à la table, de tout mettre sur la table. La table comme motif récurrent. Le lieu de l'enfermement entre les quatre lignes du plateau, de la répétition dans l'écriture, mais aussi du renouvellement par le poème à venir.
J'ai cherché à tisser du lien entre les facettes de toutes mes identités... Et cette quête se ponctue ici de trois illustrations anatomiques de Maxime Dujardin... qui montrent ce que les mots ne disent pas.
Bibliographie :Penser maillée, éditions du Cygne, 2012A la lettre, Mi(ni)crobe 38, 2012Je te vois, éditions du Cygne, 2014Rester debout au milieu du trottoir, photos de Bruno Legeai, éditions Contre-Ciel, 2014Murièle Modély & compagnie, mgv2 publishing, avril 2016Publications en revues papier ou numérique : L'autobus, Ce qui reste, Charogne, La Piscine, Les tas de mots, Nouveaux Délits, Poème sale, Realpoetik, Terre à ciel, Traction Brabant, Verso etc.
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MAXIME DUJARDIN
Maxime Dujardin est né en 1980 à Seclin. Il vit à Hellemmes, près de Lille. Sa pratique du dessin noir et blanc oscille entre le portrait, le paysage, les scènes du quotidien et l'anatomie interne. Il dessine parfois pour des couvertures de livres de poésie contemporaine écrits par des auteurs tels que Jean-Marc Flahaut, Sébastien Doubinsky, Sophie G. Lucas, Murièle Modély… Dans un atelier de l'asso Métalu à Chahuter, il travaille à l'encre de Chine sur papier de plus ou moins grande taille, mais aussi en gravure sur linoléum et en couture. Quand il ne dessine pas, il assure des ateliers pédagogiques d’arts-plastiques au sein de l’association La Fabric’ à Brac, créée à Roubaix en août 2006. Son site : www.dujardindrawings.blogspot.fr
Bibliographie :Illustrations de couvertures de livres : Aliéné(s), de Jean-Marc Flahaut, éditions Les États Civils, 2010.Âmes inquiètes et J'entends des voix, éditions Les États Civils, 2011.Danmark, de Sébastien Doubinsky, éditions Les États Civils, 2011.Des fois des regrets comme, de Romain Fustier, éditions Les États Civils, 2011.À la lettre de Murièle Modély, revue Mi(ni)crobe 38, 2013.Notown, de Sophie G. Lucas, éditions Les États Civils, 2013.L'amour de l'île de Jean-Marc Flahaut, éditions Les États Civils, 2013.Stockholm de Jean-Marc Flahaut, éditions Les États Civils, 2014.Pleines lucarnes, de François-Xavier Farine et Thierry Roquet, éditions Gros textes, 2016.
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… qu’au dehors sombre au fond du puits
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Tu répètes à qui veutl’entendrequ’il s’agit de noyer- l’image est éculéele chagrin dans le boire
mais tu menstu ne bois que pour la giclée ardente contre la languedans les verresentre les doigts
sur la table entre nous la rondeur ambrée du momentla lumière tamisée de l'instant
et la fièvre et les cris et le monde au dehors dont on se contrefout
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À peine la porte pousséele lambris te le dit
icile vertical
les jambes sont des arbresles reflets déformés, des racinestordues hors du miroir
les bras se lèvent, s'abaissentcontre les cuisses lassesdans l’inox tout passe
les gorges se détendentlignes droites vivacestu ris
il rit on boit
et ça flamboie, ça mordle corps de haut en bas
icile viscéral
la glottel’œsophageles panses
les traits tirésbien droitdu point b au point a
les lignes parallèlesles essais vers le ciel
le boire les déboires
tout ça écrit d’un jetsur le lambris épais
la porte du barà peine poussée
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Il te dit tu vois la Hommel, c'est ma préféréeelle a du goût, de l'amertume, elle te fait voyager
Il ne dit pas en faitil te raconte
le voyage
un putain de rêve qui glisse sur le zincboire des bières, se faire des histoires
tu prends la Hommel bien sûrpour les deux bras tendus, le visage penchérentre direct dans ton sourire percépour les épaules et les dents de travers
ses dentsfalaises escarpées que tu escalades dans les ronds de fuméel’écume contre son palais, la mer, ses amers baisers
tu prends la Hommel bien sûr
tu l'avales
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Dans le café miteux, les coudes tâtonnententre les verres pleins, les verres vides
et vous êtes tous les deuxni tristes ni heureuxdans l’attente imprécisedu soir
il fautque l’heure fondeque les voix grincentque le noir nous inondeque les corps avachisdans la mollesse moites’emmêlent
dans le ventrela nuitgénéreuse femellecontre les lèvresbaisele mondele seul qui vaillefaille
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Dans le café, la première foistu vois sur le comptoir s'agiter l'araignée
l'homme est accoudé, tu es là par hasardtu vois sa main plantée sous ton regard
sa main, ses doigts noueux, ses doigts veineuxses doigts couleur de terre, la monotonie de ses doigtssur le verre lumineux, ses doigts raides, ses doigts roidesses doigts nerveux, l'idée de ses doigts, en toi, liquide
la première fois, tu n'aslui le hasard, toi le désirrien trouvé de mieuxpour entrer tout son corpsdans l'espace minusculeentre ta paume et la bouteille
rien de mieuxque de lui demanderdu feu
aux jouesaux lèvresau fond des yeux
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L’œil
sa dilatationquand on entre
quand la porte du barse referme en grinçant
qu'au dehors sombre au fond du puitsle trou rond de la pupille
et des chevaux galopent sur l'écrandes chaises raclent les carreauxdes rires glairent, des voix rocaillentdes percolateurs sifflentdes hommes sifflenton se retourne
et l’œilvoitces autres chosessentces autres odeurs
est le corps entierensemble et à moitié
le sexe qui palpites'ouvre, se ferme
entre les cils, l’espace qui fibrille
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Un peu après minuit, on se retrouve moitescorps démantibulés, ceintures défaitesles jambes écartées contre les pieds de chaise
la lune nous bascule, nos yeux s'écarquillentet nos rires grondent comme des fauves dans nos cheveux
on se retrouve unis et moiteschair contre chair dans le jeu descendant de la pendule
à chaque degrédes motsperdent la queue, la têtedes motsreptiles violents filent
au fond, c’est à cause de leur langue bifide que nos regards sont noirsque nos poings dans le bar s’acharnent sans raison
les motson ne les voit jaillirde l’intérieur des corpsque si l'on frappe
alors on frappeles lèvres pissent rougeleurs morsures au dehors
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Tu t'imaginesque personneavant toijamaisn'a pénétré le bar
tu te disquelle femmeoseraità part toidénuder la forêt, fendrel'écorce des arbres
quelle femmerisqueraitsur ses reins, le fouetdes branches, la gludu temps qui poisse
tu pensesêtrel'uniquela seuleà tenter l'aigrelettela brûlante aventuredes va-et-vient liquidesdes remontées acidesqui dilatent les culsqui dissolventles murs et les ventres
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Tu t'imagines puisla porte refermée
tu voison te regarde
les arbres n'en sont pasles branches sont des brasla table est une tabletu t'y assois et bois
jusqu'à sentirtes mâchoires se tendrel'espace se rétractersous ta cornée
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On entrede plein grédans la dissolutionla chemise tombele pantalon tombela culotte tombela robe tombela peau fileles seins cèdentle pénis romptles fesses fondentles muscles claquentla chair se dilateles poumons éclatentle sang gicleles os craquentreste le cœur chaud et frémissant
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On pénètrele ventre familierrond doux moite
nuimpatient de boirela tasse
tomber n'est pas sombrerton corpsballotte contre les rochers
chaque claquement de languesonne comme une victoire
le soirdehorsles cendrespleuvent
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Il fait froidtu sourisà l'intérieurles corps glissententre les gouttes de pluieà l'intérieur, ton corpsdéchiquette la nuit
tu aimes sentirla sève premièrele jet intenses'emballerdans tes veinesdans ton verreparfois la lune choit
son reflet découpésur tes crocs fracassésalors brille
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Rien n'existe vraimentavant le passage de la porteavant le tintement de la clochequand tu poussesdu bout du piedle battant
c'est icique tout débuteque tout s'achèvel'odeur bilieuse des nuits sans sommeilles vociférations dans le dosl'emballement des voitures dans la ruele souffle court, le pas pressé
tout finit et tout commencequand tu sors le premier billetpour boire
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La respiration de l'enfant endormiles jambes bizarrement pliées sur le tabouret haut
dans la salle, ça parle fort, ça boit cul sec, ça drague viteça agite des coudes à travers les halos, ça baise des joues, des cousdes nuques - comment s'y retrouver ? de corps à paupières lourdes
la musique grésille, te fait vacillersur des formes languides, sous des volontés molles
tu desserres ta ceinture, tu dégrafes un, deuxtrois boutons de chemise - quoi d'autre encore ?
l'enfant frémit ; tu vois son cœurpieuvre à la peau translucide
et tu agites tes lèvres, inspires, aspirest'accroches par à-coups aux courtes tentaculesaux corps désarticulésimmobile
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Sur le trottoir d'en facetu
attends qu'il sortequ'ils sortentlui et sa fillequ'il sorte luiles autres filles
tu esbouche serréejambes serréescuisses serréescoupe vide
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Un champ de possibles dans le losange doré de sa peau sa gorge renverséeta bouche grande ouverteofferte à la lumièrecrue
le premier rendez vousta moue joyeusetes dix sept anstes yeux s'affolent, s'emballentfranchissent le mentonl'ourlé des lèvresle fil des incisives
au fondtout au fondsa luette te guetteet ditviensplongeaime
bois moi
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Tu entendsencore ce chant sousla musique discordanteles fausses notesla voix qui se cassele tabac qui oxydeles cordes et les mots
tu le perçois àpeineil est là quelque partsous les grelots graisseuxd'un rire quand la serveuseverse le contenu du doseurjusqu'à la dernière goutte
dans le verre à whiskyque tu éraillesdéraillesun doigt lourdtapotant le comptoireh ! quelques gouttes encore
le chant estdoit êtrelàtu dis avec ton onglefluide et liquide
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Assise face au miroir, tu t'enfiles une kroil est trois heures, et personne à cette heureet dans ce café-là, ne boit autre chose
c'est l'ététu as le soleil en perfusion dans le ventresous ta robe grisele grain de peau bleu mordoré
tu ne parles à personne, tu écoutes vaguementdes hommes batifolent au bout du comptoirtu avales ta bière, tu bois ta propre histoire
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La robe remontée haut sur les cuissestes genoux écorchés contre le lambris tu lapes les gouttes au fond d'un verre
toutes les taches brunessur tes mains, tes paupières
tu lèves le brastu écartes les jambeson aperçoit
ton sein maigre, la découpe blanche de ta peaule triangle humide, crasseux de ta culotte
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Parfois un hommen'importe lequeloffre un rêve fugace
un dépaysement totalabdominal
dans le tranchantd'un plide pantalondans la surfaceécumeused'un verre
l'éclat violent de deux yeux pers
parfois le désir d'un hommen'importe lequelappuyé contre le barte tord le ventre
et te jettedehorscontre le métal froidd'une portière ou d'un coffrefébrile
un sexeentre les doigtsà tenter de mettre à nucorps contre corps
le ciel au-dessusle flux brûlant de la terreen dedans
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Souvent tu as la joie petitebornée par les arêtes de l’ardoiseappuyée contre le mur de briquesoù une craie souffreteusedans une main maladroitea écrit avec application- tirer à la ligneles Côtes d’inconnus, de verdoyants continents
souvent des hommes à la moustache roussie par le tabacn’ont en tout et pour tout à t'offrir dans les plis de leur peauqu'un voyage en low cost
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Mais cela n’est pas triste les sourires sonttoujours
- rouges- barges
les langues ramolliespar le poids des nuagesépaisses glissent
les têtes doucement flottentdans le coton
les mains caleusesdessinent dans la tourbela ligne d’horizon
rien n’est vraiment tristedis-tu
sous les yeux incrédulesqui recomposent le refrain des chansons
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Tu trempes tes lèvresdessines de la moussela ligne de ta bouche
tu sens la moiteur de ton culpénétrer le cuir de la banquette
c'est quand le noir opèreque la chaleur coule que l’alcool brûleà l’intérieurtout ce qui brûleà l’extérieur
salivelarmessueurfoutre
sous l’odeur de graillonquand même tenterles positions bancalesen bas des escaliers
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Tremper la langue ou l’œil
les histoires baliséesentre les mêmes murscontre le même dossierderrière la même table
jeter des regards lourds, tendussur l’étagère de verre
apercevoir (y croire)sur le percolateurun revolver
semblertremblerfrémirgémir
tu attends
que le canon inscrive une autre fente
au milieu du visagedans la pliure de l’aine
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On prend un sourirepar les deux boutson tireétirejusqu'àle plopdans la bouchesur la joue
l'olive doucement tombeau fond de l'océan
ça jaillit pétille crépite
voilà dans la gorgéel'univers engloutiles jambes étenduesla brise dans les jupesla raison à genouxtous les corps culbutés
il faut tu dois j'exige
sur la terrassetu n'as rien d'autre à faire qu'à grésiller figéequ'à regarder la pulpe des sourires couler
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Au bar le matintu prends un caféseule à tabletu lisen l'attendant
tu tournes machinalementlongtempsla cuillère dans la tassetu lisen l'espérant
autourd'autres hommesd'autres femmestu lisen le guettant
tu vois le vieux accotéau comptoir se réduireà sa bouche bruyante
tu vois son orifice fripéépouser goulûmentla courbe du ballon
couronnant ses lèvresdes ridules dessinentdes rayons
un petit astre brunirradie dans des bruitsde succion
tu le regardes, tu songesla fonte de l'attentedans le bruit des glaçons
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Il ne se passe pas grand-chosedes dos, des hanchesdes tee-shirts étroitsdes nuquesdes brins de cheveuxtout çaavalés d'un traitles liquides simulantsur tes lèvres des baisers
c'est l'happy hourton regard furètecherchejette son crochetsur des cils battantston bock de bièredescenddessineun nouveau sourireun nouveau nouveau moi
plus drôleplus d'ambreplus ambleune fillecheveux frisés& regard noirdans le miroirton reflet cisaillé
quelque chose se fendtu coulesrissur l'inox renouesla fois passéeà aujourd'hui
il ne se passe rientout peut arriver
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… où les filles enfermées t’invitent à danser
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Les filles à l'intérieur ne débordent jamaiselles chauffent, éclatent, on ne les entend pas
elles sont ceintes, tendues, droites, dans les nervures du cerveauelles explosent, l'une ou l'autre, l'une et l'autre, dans de tout petits pop
les filles du dedans sont solidement scellées aux os par des agrafeselles sont le continuum, les cris qui miaulent à l'envers de la peau
elles sont les acouphènes noyés sous le désordre du dehorsles claquements de talons qui cèdent et font si joliment tanguer
les filles à l'intérieur pourtant, ne sont rien, non vraiment rienque des petits bouts de métal qui rouillent, de la chair émiettée
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Mais dehorsle pied à peine posépointe talon talon pointe
dehorssous ton manteau noirta robe encore plus noireces étoffes de plombqui ne protègent rien
dehorsun éclair de soleil se plante dans ta jambe de rousseta frousse dehors ta peau ta peine léchéesmordues par le froid du matin
dis-moidis-moi dehors les entends-tu encore doucement grésiller ?
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Tu les entends chuchoter et rire dans ton oreilleles filles de l'intérieur sont fébriles et sauvageselles aiment à rejouer les scènes du passéla tragédie comique de tes airs compasséselles aiment, elles t'aimenttout tient en peu de lettrestu ne sais qui dehors souffle tous ces poèmestoute cette buée où les filles enfermées t'invitent à danser
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Les filles enclosess’excitent, toujours
sur le bleu de ta cuissepressent, polissent
trente-deux perles rondesblanches bien aiguisées
elles grattent, sculptentdes tatouages, des mots
trente-deux perles blondesqui crissent dans le dos
il fait froid, l’hiver enfonce ses couteaux
elles vont vite, la nuitle vent écarte ton manteau
voilà(regards furtifs)la danse de ta cuisse
la peau grenue orange sous l’œil qui plisse
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Dans ton sac tu asce miroirrondcomme une pupillede chatte
tu inscris en son cerclele refletde ton demi-visagele rouge cramoiside ta demi-pommette
et le monde à moitiése dilate, se contractepuis glisse à pas feutrésson velours sous l’iris
sous le pan de l’étoffetu regardes perplexedes filles feuler
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Les jours où tu es triste- il y en a, tu n’y coupes pas-elles glissent d’entre tes jambes vers tes chevilleselles descendent en rappel les parois raides des pensées- elles sont fines : elles savent parfaitement où se cachent les mots
les jours où tu te sens tristeelles tombent- tu ne peux rien y faireelles gémissent et tombentou le contraire
tu reconnais toujours leurs cris sous tes talonsles filles au dehors s’effritentcomme des feuilles mortes
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Elles ne craquent pas toutesquelques-unes en réchappent
elles s'agglutinent derrière des grillesnues, corps serrés, en grappe dans les arbres
parfois on aperçoit leurs hanches, leurs orteils crispésle vent souffle à la cime, leurs longs bras se balancent
elles guettent des fillettes aux jupes courtes qui dansentsur les visages, elles cherchent l'écorchure des écorces
de leurs ventres graciles, la pluie fécondedes averses épaisses sur leurs mollets faufilent
quand le fruit est mûr, jambes fléchies, trille en avantelles sautent
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Au-dedans de toi, des villesdes canaux, des réseaux s’agrègentdes flux filent, des artères dévientdes centres complexifient à la périphérie
des strates et des strates de feuilles s’empilentdessinent des contours, un peu flous, un peu mous, à ta chair citadelledes filles et des filles se construisent, se déconstruisent, depuis la nuit des temps
à l’intérieur, des villes meurenttu le sens jusque dans la pointe de tes cheveux.ce champ de ruine sous le chantier toujours renouvelé : les pagesqu’elles ou toi noircissent
les filles, tu dis, habitentles cités inachevées
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Dans la rue, tu t’arrêtesl’air ailleurs, elles passent
et voilà que tu froissesentre tes doigts les feuilles
tu songes à tous les mortsqui s’agitent au-dedans
tu casses des brins d’herbetu fais des nœuds coulants
des nœuds complexesde tes viscères
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En règle générale comme dans les cas particuliers, tu es seuleles filles ne quittent les coins obscurs que lorsque tu fermes les yeuxque lorsque le sommeil te happe dans ses doigts déformés
au réveil, évidemment, tu ne t’en souviens plusseule la phrase en boucle dans les flots de salivecontre ta langue roule
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Et chaque matin, tu butes sur les trous du trottoirces fissures minuscules qui gobent tes talons
la distance est minime, les obstacles profonds
entre les portes de l’immeuble et la bouche du métroil n’y a qu’une centaine de mètres
l’espace déroulé de ta langue qui tremble
le métro est en bas, tu voisses chères mâchoires
tu n’es pas seule, elles sontdes dizaines sur les voies
à plonger toutes en chœurô joie, dans le ventre du monde
elles et toi enchâsséestu es, vous êtes
des centaines d’étronsdans un corps singulier
47
Le monde est ce côlondans lequel tu poussestout est à sa placela merde tu la brasses
les yeux, le nez collésles orifices torpilléspar l’idiotie ultimede ce chemin
le trouest tout au boutc’est bêtemais c’est comme çales filles te le disent
il suffit de jouird’un motde se réjouird’être encore
dans le poèmela métaphore
couper et découperdes syllabes de corps
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Sur tes papillesça rouleça compteça énumère
que font-elles donc la nuit à l’envers de paupières ?
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Derrière les barreaux, elles grouillentle noir hoquette, te basculed'un côté ou de l'autredu lit
tu rêvesles filles dans ton torse vibrentleurs corps fiévreux agitentpuissamment des élytres
tu sens ton cœurentre leurs mainsquitter la cagepour l’intestin
ce cœur posé précautionneusementsur le plat de leur paume
ce cœur qui vibrionnesourdement sous tes reins
tu ne sais pas vraimentà qui il appartient
50
Les filles toujours posent l’énigmeelles sont des sphinx sublimesdes silhouettes immobiles
marmoréennesfataleselles usent des filsles déroulent sans finentre ta vulve et ton vagin
il y a làquelque partune pièce du puzzle
les filles à l’intérieur sont futiles et joueuseselles s’amusent à cacher la découpe au hasard
tu cherches, grincesdes dentsécarquilles les yeuxtu tendsl’oreille à chaque indice
dans chaque cicatrice se cache un élément manquant
mais tout reste illisibleau fond de ta culottecar bien que sympathiquel’encre (tout comme les filles)se carapate
51
Quelque chose filesur la rétine
un traitun mot
difficile à cerneret pourtant familier
le frisson de la glottesous la langue empesée
tu ne comprends paspourquoialors qu’au fondelles sontsi pénétrantessi brillantessi spirituellessi pleinementprolixes
pourquoitoitu restes làà la surfacemuettestupideferméeaussi lividequ’un tableau effacé
52
Il y a ce verbe : carapater
tu l’as en bouchetu le disle redis
tes mouches bruissentcrissent puis claquentdes maxillaires
il y a tes lèvresces deux torduesen l'émoi fendillées
le ricochetsur la tableentre vos doigts posés
le verbecet insectesur la nappe froissée
qui s’affole(les filles rigolent)sur le papier
53
Selonqui parlequi espèrequi exigequi décidequi imposetu posestoutes les fillesbien à plat à l’intérieur
toutes les filles sont des volcans débordant tes oreillestoutes les filles sont des rivières en crue sur tes orteilselles sont le ciel d’orage pendu dans tes cheveux
le sourire largel’œil élastiquele sein flexiblesous la chair mollele cœur d’horlogesonne pour deux
toutes les filles sont des poupéesque tu emboîtes sous ta poitrine
54
Être entièrementemplie d’elles-mêmesvide de toi
55
Les filles rectifient(chuchotis faible au creux de ton oreille)
il n'y a pas de coque videta pulpe est grasse
elles surenchérissent(clapotis de leur langue au creux de ta glabelle)
ton ventre est un alcool de rizlisier fertile dans le pyrex
56
Les filles gloussentcomptent, énumèrent
tu ne comprends pasla langue d'araignée
son brusque dérouléla capture impavide
de pattesde mouches
les insectes dans ta bouche continuent de grouillertes mâchoires chitineuses ne font que striduler
la faune s'excitedans ta forêt de chaises
le rire des fillesdedans dehors
t 'empêche de t'entendret'empêche de l'entendre
57
La phrasela justela belle
que vient faire la beautédans ce jeu de phonèmes ?
l’adresseindirecteau borddes lèvres
quel baiser mordantpourra la dépiauter ?
quelle fille se fendraet tendra dans le motsa chairrosée
ta définition nettedans des vers ampoulés
58
Dans la cave de ta chambrel'angoisse tisse détissesa toile entre les draps
d'un battement de cilsles filles à l'intérieur(araneus quadratus)entourent tes côtesde mailles
tu en perds ton latinet ton sens de l'humour
tes quatre véritésentre les quatre pointstatoués sur leurs reins
59
Les filles à l'intérieur flottent dans les liquidesl'océan dilate les gorges, elles glissent vers le bas
elles agitent des bras, des jambes, de la tête, leurs écaillesscintillent, méduses aux corps blancs transparents
elles caressent de leurs doigts urticantsla joue, les yeux, le sexe brûlant
des filles allument dans le noir les irisations de ta chairles frémissements en eau trouble de tes démangeaisons
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Mais tout près de la surfacequelqu'un (tout corps subitun moment ou un autrela poussée vers le haut)rappelleque tu es
le bocalle poissonles mains au-dessusla paroi derrièrela secousse de l'air
autour
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Dans le banc de labres, toutes les filles accompagnent les ondulations
qui mènent de grottes en cavernesl'encre de la nuit est profonde
tu nages à contre-courantle sel de tes lèvres dessine au noir
les mots qui se disloquent, petites peauxdans les hésitations sur le cuir de tes os
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Tu ne te dissous pas dans l'éparpillementtu es au contraire pleine jusqu'à la glotte
c'est le retour des minuscules majuscules qui s'emballent
du fond de la trachéetous les sens te fuient
en voilà un, traînée de feuperdu sur ton pubis
et un autre, de salivequi file sur le drap
ou encore celui-ci plus indéfinissable
beurre ou crème de laitsur le bouton de verre
qui sert d’œilleton au milieu de ton con
te voilà contenu devenant contenantet le corps face à toi jouit du même sort
et sa pointe, ton dedanset ta conque, son dehorset les filles fruits mûrs décochant en tombant
63
Il y ac’est comme çasur la table toujoursune fille qui meurtsous l'autre qui revit
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… un vativien de mots dans la contraction nue
65
66
personne ne m'avait prévenu que cela arriverait d'un coupque le sol s'ouvrirait en deux que les montagnes surgiraient de terreque les failles seraient profondes et la lave brûlante tout au fond de la merque des plantes étranges des oiseaux inconnus offriraient à mes lèvres une îleneuve battue par les courants léchée par tous les vents personne ne m'avait ditqu'un jour j’ouvrirais la bouche je plongerais la langue dans le premier baiser qui divise le monde
mon corps scindé en deux dans le bruit magnétique du choc de ses dents contre mes dents
67
personne ne m’avait dit que je serais la bûche projetée dans le volcan que le feu me prendrait que la terre bruisserait de mes crépitements qu'il n'y aurait pas de cendres que des flammes sur la mer j’ignorais que ma chair embrasée fondrait dans le ciel bleu qu’il ne resterait rien
qu’un ventre constellé fendu à coups de hache
68
personne n'avait dit que j’engloutirais dans le même pas siècles passés et océan qu'il ne s'agirait pas de se laisser porter d'une cote à l'autre mais d'être la houle le vent personne ne m'avait dit que j’aurais à l’intérieur le flux le reflux l'écume de la vague le charbon des grands fonds personne ne dit jamais que l'enjambée ramène au commencement
l'écartement des cuisses sous la coulée qui recouvre le sable
69
personne n'avait dit que partir n'était pas se vêtir d'une autre peau qu'un jour ou l'autre la mue tomberait au sol que je resterais rouge et fol cardinal frétillant on ne m'avait pas dit que j’abritais dans la cage un oiseau un claquement de fouet à l'envers de barreaux
un vativien de mots dans la contraction nue du passereau
70
personne ne dit que la joie est à la hauteur de la désespérance de la course sans fin jambes nues à flanc de couteaux l'île est une blessure ronde mon ventre mon sexe coupent en leur jardin des racines et des reins on ne m'avait pas dit l'apaisement boisé du jouir la circularité terreuse du désir
dans le nœud au fond de l'œil un cri marron suinte son miel
71
personne ne dit que le mot est un os qui fore l'infection creuse son trou l'écorchure du genou l'escarre dans le cou personne ne soulève sous l'amoncellement d'os les charniers dans les odeurs putrides la boue les vieilles eaux qui évoque seulement cette maladie-là qui rampeentre les tempesla page noire
des os surnuméraires courant dans la poussière
72
personne ne dit personne n'avait personne a bon dos je répète en boucle le mot dans le miroir personne la même personne ne sait recommencer effacer le tableau réécrire mettre sous parenthèses
la petite effusion de grandes jutées lyriques
73
personne ne dit qu'à dix-sept ans le monde est rouge les mâchoires s'ouvrent la langue pointue lape que d'un coup d'elles on mange le ciel au-dessus la terre en dedans personne n'avertit seulement que rien ne dure qu'une poignée d'années après à peine
pèsent les lendemains de cuite au creux de l'estomac
74
jecrieécriechange les lettresla vieilleformulela vieille vieillecomme la nuit des tempsla vieille formuleremonte de quelque part
kissa i voi mon mémoir dann fénoir
75
tu s’installe elle aussi il n’en parlons pasprends la paire de ciseaux et coupeenfile la peau et jeremontele cours d’eauà belles brassesrentredans le corpsde sa mère
76
celle qui sent la glaisecelle à peau de basalteil en est tombé des motsdes mauxsur les côteset je et tu (toujours là)la mer sous les doigtsfile ou se tait
et je et tuse mettent à tablel’une écrit l’autre biaiseles deux en jouissentà la troisième personne du singulier
77
comment être totalement franchequand l’enveloppe de papillotetraîne comme une mueentre ma main(noire)et sa tasse(blanche)
78
intensément je le regardeet je bois son absence
j’envie son mystèreet sa bouche qui tait
j’envie ses pieds sous la table enfoncés
profondémentdans le sol du café
profondémentdans le présent
sa capacité à ne pas s’émietterà ne pas chercher sensà ce qui n’en a pas
79
j’envie son refus du ressassementj’envie son refus de la complaisance
j’envie
sa volumineuse vibrante présenceson corps dense de l’autre côté de la table
l'instant qui vient dansl’œil opaque plein
l’éblouissement concentrédans ses doigts qui tordent
le temps mon cher passédu jouir la puissance électrique
80
personne ne dit que c'est dans la baise et dans la baise seulement que tout est à sa placema langue sur le grain du papier mon cœur dévalisé l'encre qui colonise les plis sur mes fesses lascives et ta bouche et ta bouche et ta bouche et ta bouche comme une litanie dessine dans le ciel
les fontes de nuages après la forte averse
81
nonpersonne ne m'a ditsautene crains rienl'île flottetu ne couleras paspersonne n'évoquel'écheveau où la chair fuitl'angoisse séculaire
les seins sur les gravatsj'écoute sous le bléla tempête tropicale
trois mots enroulés au fond du pavillon
82
la jouissance ne dureque le temps d'un rire
tout s'écroule au boutd'un ou deux verres
ne dure
que le tempsd'un mot
hors de sa coqueminuscule peau
83
une parenthèse humide entre mes labialesl'illusion de la pieuvre en lettres capitales
84
on m'assène, un soir, mon enfance rieuse qui virevolte sur la table, sur des disques rayés, on me dit que je danse pieds nus, l'été moite et touffu, qu'un bracelet d'or à mes poignets cliquette, que ma voix haut perchée sous mes dents écartées cadence, on me dit que je chante et que mes notes tranchentles riresles gorgesmes tantes, mes oncles, mes aïeux, mes cadavres fiévreuxon me dit les feuilles de bananiers qui roulentsous mes orteils, on me dit la joie pure
je ne m'en souviens pasje suis adulte triste depuis bien trop longtempset l'enfance n'est pas et n'a jamais étéun âge d'or
c'est la toile fenduequ'il faut rentrer du poingdans le ventrede la terre
85
dans le côlon, je m'échineà ramener les mots à l'ordre
on me presse, on m'intime
il faut de fulguranceséclairer le marasme
exprimer par le prismedu tout tout poétique
(j'écris comme un chien pisse)
l'orange bleue vissée au culla vie qui va et vientdans ma penséeunique
86
je doisétreindre les bêtesemballées les penséesla course continuedes mots insolentsflatter du colles équidés sauvages
dompter ma main et l'équipée volagedes filles nues à la fenêtre
87
celle que je suiscelle que j'étaiscelle
l'embarrasséeque je vois danserla nuitque je vois plierle jourcelle qui ressembleà la mère de ma mèrequi hume sur ses doigts
l'odeur d'ailcelle qui dans tes brasrêvecelle qui dans des drapsbaiseque l'on attendque l'on n'attend pasque l'on repriseà petits points serrésqui un jour lâchententre mer et Garonnecelle en couleurs
en noir et blancl'enfant noyée d'abondancequi regardecellesque je deviens
88
je suis circonscriteentre les quatre mursles odeurs mâleset mes mains engourdiespar le froid du matinhésitent
mon cerveau est ouvertl'île y tourbillonne
je piochede longues traînées moitesde mots, de lettres
mes jeux de socle long de l’œsophage
l'ivre correspondancedes phrases maladroitesde la fille rouge et vieille
les radotagesde celle la bancale
mes remous permanentsdans le cœur du cyclone
89
je piochedes filset une aiguille(mon cerveau est une commode)
je piochesurfilepoints en avant, points en arrière (la tâche est sans revers)
les chaudes humeursdans le gras de ma joue
90
la calotte dans une mainune cuillère dans l’autreje fouille en mon crâne
je voisma mère
91
maman et moi sommes au chevet d’une tanteà deviser du sort du monde
elles parlentje tais
il y a l’œil en l’oreillej’écoute
l’horloge qui tic et tac par toutes les lézardesla lymphe de ses lèvres qui figent sur le litsa bouche en mon cachot au bord du cimetière
et ma têtema tête vague
à chevalsur nos silencesfugaces
ma têtema tête vaque
l’été ramène au sein de la pièce ses rouleauxle sel de la mer sur les galets de motscette fadeur de mort qui s’avance hoquettedans les flacons rangésbien droitsur la table
92
l’été dans mon cou rampecomme un margouillat au plafondle piment dans le ciel excite ma mangue
je voismon père
93
mon singe appuyé contre un mur hume par la fenêtre des fillesla gouache safranée sur leurs fesses torrides
un singe aux yeux qui roulent lèche les filles tangues
la pluie toque contre la vitre nos dents claquent des cercueilsle singe chaloupe le rire des femelles
en cage dans la chambre toutes les bêtes s'aimentle singe aux poils longs et soyeux se penche à la fenêtre
sous ses yeux fabuleux tout se fait se défaitles pigments dans la coupe boivent l'eau et les doutes
et j'entends dans sa bouche les bambous se heurterson visage tourné vers l'intérieur me dire
je sauten'aie pas peur
94
il sautej'ai peur
de l'homme fou de rage entré dans la maison un sabre à la mainson koup koup furieux vers la tête de mon père
de l'homme mouvement vif l'espace paralyse mon cœur l'odeur le flamboyant sur mes cuisses mes yeux dans l'aquarium l'impulsion électrique
je doiscalmerle tracé du graphiqueralentirl'imagepar le mot
pour qu'il sauteque nous soyonsdedans dehorstrois points de suspensionla phrase inachevée
95
personne ne m'avait dit que j'entendrais cela du matin jusqu'au soir cela du soir jusqu'au matin la déchirure
non pas le mot
le corps fendu de haut en bas sous les syllabes le clac clac continu de la paire de ciseaux l'écho confus et bref de la chair et des os qui aurait pu me rentrer dans la caboche la prescience des déflagrations mon écartèlement sur la table mon poitrail grand ouvert la douleur sous les trous qui m'aurait dit à moi la pénélope tous les travaux d'aiguilles des sexes apaisants
de mes flapi flapa lèvres prenant le vent comme la toile l'océan
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le bateau morne et douxnos copulations fauves
qui dira à personne
les filles s'abandonnentje suis seule à la table
ne reste que ces mots
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la chaleur de nos corpsl'île dans la dentellemon fil à l'intérieur
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