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Le rôle des facteurs génétiques de l’hôte dans la tubercu- lose est un concept ancien validé tout d’abord par des modèles expérimentaux chez l’animal, puis par des études chez l’homme de génétique mendélienne et de génétique épidémiologique. La variation de réponse interindividuelle à l’exposition à Myco- bacterium tuberculosis illustre cette notion. Elle dépend des fac- teurs d’exposition, du BK, et de l’hôte. L’âge représente le prin- cipal facteur non génétique avec une mortalité plus importante aux âges extrêmes (fig. 1). Les facteurs génétiques s’orientent selon un pôle mendélien (mutation rare avec des effets forts) et/ou complexe (polymorphisme commun aux effets beaucoup plus modérés). Symposium A 22 : Tuberculose chez l’enfant Susceptibilité génétique et infection tuberculeuse sévère Orateur : L. Abel Résumé rédigé par : C. Gut-Gobert et M. André Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, U550, Paris, France. Correspondance : [email protected] 65 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 65-66 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 60 50 40 30 20 10 0 Mortality per 100,000 0-1 1-2 3-5 6-10 11-15 16-20 21-30 31-40 41-50 51-60 61-70 over 70 Years generalized TB pulmonary TB Fig. 1. Mortalité aux âges extrêmes dans la tuberculose (d’après [1]). L’identification des facteurs génétiques suit une stratégie avec deux étapes principales. La première doit définir certains gènes candidats via soit une stratégie par hypothèses selon des connaissances antérieures acquises, soit une approche explo- rant l’ensemble du génome (analyse de liaison génétique, étude

Susceptibilité génétique et infection tuberculeuse sévère

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Page 1: Susceptibilité génétique et infection tuberculeuse sévère

Le rôle des facteurs génétiques de l’hôte dans la tubercu-lose est un concept ancien validé tout d’abord par des modèlesexpérimentaux chez l’animal, puis par des études chez l’hommede génétique mendélienne et de génétique épidémiologique.La variation de réponse interindividuelle à l’exposition à Myco-bacterium tuberculosis illustre cette notion. Elle dépend des fac-teurs d’exposition, du BK, et de l’hôte. L’âge représente le prin-cipal facteur non génétique avec une mortalité plus importanteaux âges extrêmes (fig. 1). Les facteurs génétiques s’oriententselon un pôle mendélien (mutation rare avec des effets forts)et/ou complexe (polymorphisme commun aux effets beaucoupplus modérés).

Symposium A 22 : Tuberculose chez l’enfant

Susceptibilité génétique et infection tuberculeuse sévère

Orateur : L. AbelRésumé rédigé par : C. Gut-Gobert et M. André

Institut National de la Santé et de la RechercheMédicale, U550, Paris, France.

Correspondance :[email protected]

65Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 65-66

© 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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Fig. 1.

Mortalité aux âges extrêmes dans la tuberculose (d’après [1]).

L’identification des facteurs génétiques suit une stratégieavec deux étapes principales. La première doit définir certainsgènes candidats via soit une stratégie par hypothèses selon desconnaissances antérieures acquises, soit une approche explo-rant l’ensemble du génome (analyse de liaison génétique, étude

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L. Abel

transcriptomique par expression différentielle, étude d’associa-tion du génome entier). Ces stratégies sont complémentaires.La deuxième étape vise à détecter le variant au sein des gènescandidats définis. En génétique mendélienne, l’identificationd’une mutation par séquençage conduit à sa validation par desétudes fonctionnelles. En génétique complexe, l’identificationd’un polymorphisme par étude d’association conduit à desétudes fonctionnelles qui sont plus difficiles, car l’effet biolo-gique de ce polymorphisme est beaucoup plus subtil.

Les études de génétique mendélienne ont permis d’impli-quer 7 gènes responsables d’infection disséminée à mycobac-téries peu virulentes chez l’enfant, notamment au BCG, enl’absence de tout déficit immunitaire. Ces gènes codent pourdes protéines du circuit de production de l’IL-12 et l’IFN-�(sous-unité p40 de l’IFN-�, récepteur (R) à l’IFN-�, R2 IFN-�,R β1 de l’IL-12, STAT 1, NEMO et gp 91phox). Ces décou-vertes ont des implications importantes au plan immunolo-gique pour la compréhension du mécanisme de réponse auxmycobactéries et au plan médical avec mise en route d’un éven-tuel traitement par IFN-� en cas de mutation responsable dedéfaut de production d’IFN-�. Dans un second temps, l’explo-ration des familles de ces patients met à jour les premièresformes de prédisposition mendélienne à la tuberculose, en par-ticulier les mutations du gène du R β1 de l’IL-12.

Ceci conduit à s’interroger sur la proportion de tuber-culose mendélienne, en particulier dans les formes graves del’enfant (jusqu’à 20 % des cas selon Alcais [2], calcul théoriqueréalisé en fonction de la fréquence de la maladie et de la péné-trance de la mutation), et sur la part de responsabilité de poly-morphisme plus commun de ces gènes dits candidats dans laprédisposition à la tuberculose.

El Baghdadi et coll. illustrent l’approche génétiquecomplexe par criblage du génome par analyse de liaison géné-tique [3]. Son étude de 96 familles marocaines présentantle phénotype de tuberculose du jeune adulte (confirmé parculture positive) avec deux enfants atteints par famille confirmeune liaison génétique avec la présence d’une région significativesur le chromosome 8. La cartographie par déséquilibre de liai-son pour identification des variants est en cours. Cette tech-nique s’est déjà avérée concluante avec mise en évidence dedeux loci sur le chromosome 6 intervenant dans le contrôle etla prédisposition à la lèpre [4].

L. Abel termine son exposé sur la notion de spectrecontinu de prédispostion génétique à la tuberculose fortementlié à l’âge des patients (fig. 2) :

– prédisposition mendélienne précoce grave dont la fré-quence réelle reste véritablement à quantifier ;

– effet intermédiaire des gènes majeurs chez l’adultejeune ;

– hérédité polygénique d’effet modéré plus tardif ; l’analysegénétique nécessitant la combinaison des différentes stratégies.

Cette prédisposition génétique mendélienne ou polygé-nique complexe en fonction de l’âge se superpose assez bien avec

la courbe de mortalité de Ranke [1] décrite en début d’exposé,renforçant la présomption de responsabilité de variants géné-tiques différents dans la genèse de la tuberculose selon que lepatient atteint soit un enfant ou un adulte d’âge mûr (fig. 3).

66 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 65-66

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Origin of

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Spectre de prédispostion génétique à la tuberculose en fonctionde l’âge des patients.

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Fig. 3.

Mortalité et susceptibilités génétiques en fonction de l’âge.

Références

1 Ranke K : Diagnose und Epidemiologie der Lungentuberculose desKindes. Archiv für Kinderheilkunde 1910 ; 54 : 279-306.

2 Alcaïs A, Fieschi C, Abel L, Casanova JL : Tuberculosis in children andadults: two distinct genetic diseases. J Exp Med 2005 ; 202 : 1617-21.

3 Baghdadi JE, Orlova M, Alter A, Ranque B, Chentoufi M, Lazrak F,Archane MI, Casanova JL, Benslimane A, Schurr E, Abel L : An auto-somal dominant major gene confers predisposition to pulmonary tuber-culosis in adults. J Exp Med 2006 ; 203 : 1679-84.

4 Alcaïs A, Alter A, Antoni G, Orlova M, Nguyen VT, Singh M, Van-derborght PR, Katoch K, Mira MT, Vu HT, Ngyuen TH, Nguyen NB,Moraes M, Mehra N, Schurr E, Abel L : Stepwise replication identifiesa low-producing lymphotoxin-alpha allele as a major risk factor forearly-onset leprosy. Nat Genet 2007 ; 39 : 517-22.