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SYLLABAIRE MYCÉNIEN: PEUT-ON LIRE AU- POUR 85-? par MICHEL LE JEUNE 1. Entre autres valeurs suggérées pour le syllabogramme 85, une lec- ture IXU a été proposée, de façon indépendante, il y a quelques années, d'une part par M. D. Petrusevski et P. H. Ilievski \ d'autre part par H. D. Ephron 2. Cette suggestion n'a guère, jusqu'ici, recueilli d'adhésions; elle n'a pas, non plus, suscité beaucoup de critiques motivées 3. Il faut, d'ailleurs, reconnaître que les arguments qui ont été présentés à l'appui de cette thèse ne sont pas tous valables, non plus que ne sont valables toutes les objections qu'on y a faites. En sorte qu'il nous a paru utile de tenter un exposé objectif de la question, en l'état présent de notre information. a) Le " dossier" du syllabogramme, rappelons-le, est le suivant 4 : ]-85-a3-ta KN C 1582 85-de-pi PY Ta (scribe 2) 642.2; 707. l, 3; 7IO; 721. l, 2, 3, 4, 5 " 1 Ziva antika VIII, 1958, p. 265-278 (= MDP 3). Récemment, reprise de l'hypo- thèse par MDP dans" Contributions mycénologiques" (Annuaire de la Faculté de Philosophie de l'Université de XVI, 1964), pp. 152-160 et (résumé français) 198, et dans "Mykenaïka" (Ziva antika XV, 1965) p. 12. 2 Minos VIP (paru en 1961), p. 78-84. • A. SCHERER (Gnomon XXXV, 1963, p. 273, note) se borne à observer propos de la grammaire de Vilborg) le peu d'écho qu'ont eu les hypothèses de Petrusevski et Ephron, qui ont au moins le mérite de fournir les lectures a;ùÀ6ç et a;ù,o-. Critique d' Ephron chez L. R. PALMER, Interpretation . .. (1963), p. 481; voir ci-dessous, notes 7, 9, 30, 40, 45· , Différences avec les données du Lexique d'Anna Morpurgo (MGL) : élimination de a-85-66, p. 46 (voir § 1 cl) ; de ]to-85-a3-ta, p. 341 (voir § 2 a); de 85-ke-i-ja-te-we-i, p. 377 (fausse lecture pour ... te-we en PY An 1281.4) ; de 85-te[, p. 378 (fausse lecture pour za-we-te[ en KN Fh 5496); de 85-[to]-ja-te-wo, p. 378 (restitution erronée pour

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SYLLABAIRE MYCÉNIEN: PEUT-ON LIRE AU- POUR 85-?

par MICHEL LE JEUNE

1. Entre autres valeurs suggérées pour le syllabogramme 85, une lec­ture IXU a été proposée, de façon indépendante, il y a quelques années, d'une part par M. D. Petrusevski et P. H. Ilievski \ d'autre part par H. D. Ephron 2.

Cette suggestion n'a guère, jusqu'ici, recueilli d'adhésions; elle n'a pas, non plus, suscité beaucoup de critiques motivées 3. Il faut, d'ailleurs, reconnaître que les arguments qui ont été présentés à l'appui de cette thèse ne sont pas tous valables, non plus que ne sont valables toutes les objections qu'on y a faites. En sorte qu'il nous a paru utile de tenter un exposé objectif de la question, en l'état présent de notre information.

a) Le " dossier" du syllabogramme, rappelons-le, est le suivant 4 :

]-85-a3-ta KN C 1582 85-de-pi PY Ta (scribe 2) 642.2; 707. l, 3; 7IO; 721. l, 2,

3, 4, 5

" 1 Ziva antika VIII, 1958, p. 265-278 (= MDP 3). Récemment, reprise de l'hypo-thèse par MDP dans" Contributions mycénologiques" (Annuaire de la Faculté de Philosophie de l'Université de ~kopje, XVI, 1964), pp. 152-160 et (résumé français) 198, et dans "Mykenaïka" (Ziva antika XV, 1965) p. 12.

2 Minos VIP (paru en 1961), p. 78-84. • A. SCHERER (Gnomon XXXV, 1963, p. 273, note) se borne à observer (à propos

de la grammaire de Vilborg) le peu d'écho qu'ont eu les hypothèses de Petrusevski et Ephron, qui ont au moins le mérite de fournir les lectures a;ùÀ6ç et a;ù,o-. Critique d' Ephron chez L. R. PALMER, Interpretation . .. (1963), p. 481; voir ci-dessous, notes 7, 9, 30, 40, 45·

, Différences avec les données du Lexique d'Anna Morpurgo (MGL) : élimination de a-85-66, p. 46 (voir § 1 cl) ; de ]to-85-a3-ta, p. 341 (voir § 2 a); de 85-ke-i-ja-te-we-i, p. 377 (fausse lecture pour ... te-we en PY An 1281.4) ; de 85-te[, p. 378 (fausse lecture pour za-we-te[ en KN Fh 5496); de 85-[to]-ja-te-wo, p. 378 (restitution erronée pour

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10 Michel Lejeune

8s-de-we-sa PY Ta 7°9.2 (scribe 2) 8s-ja-to MY Au I02.5 (scribe 52) 8 s-ke-i-ja-te-we PY An 1281·4,IO 8 s-[ke-i]-ja-te-wo PY Fn 50.II (scribe 45) 8s-ke-wa PY An 192.2 (scribe 22) ; Ta 71!.1 (scribe 2) ; Jo

438.23 8s-ri-jo KN (scribe II7) Da I080; Da lII6 ; Dv II03 8 s-ri-mo-de KN Fp 13.2 (scribe 138) 8s-ro KN Sd 4402 (scribe 128) 8s-ta-mo PY Jn 658.4 (scribe 21); 725.2 (scribe 2) 8s-ta 2 KN Db II66 (scribe II7) 8s-te PY Ta 7°9.2 (scribe 2) 8s-te-ra MY Oe 128.1 (scribe 56) 8S-to-[ PY Cn 938.1 (scribe 21) 8 s-to-a 2-ta PY Cn 314.3 8s-to-a 3-ta KN X 972 (scribe IIO?) 8S-to-jo[ PY Eb 156.2 (scribe 41) 8 S-to-34-ta-ra PY Fn 187.10 (scribe 2) 8s-u-te KN Od 666 (scribe II5) 8 s-wi-ja-to MY Au 653-4 et 657.2 (scribe 62)

b) En aucun cas, nous ne possédons avec certitude le doublet d'un des mots ci-dessus, écrit autrement, et fournissant l'équivalent de 8S en signes (connus) du syllabaire fondamental. A Cnossos, surimo est un topo­nyme fréquemment attesté (ethnique: surimijo) dans des inventaires de troupeaux (séries D-) surtout, mais aussi dans des inventaires de personnel (As 821), de céréales (E 749), d'épices (Ga 418), de laine (Od 8202), etc. ; mais rien ne prouve qu'il soit identique au lieu de culte *8s-rimo de Fp 13; les relevés d'offrandes des séries F- contiennent, outre 8s-rimode, de nom­breuses indications de lieu qui ne se rencontrent pas hors de ces séries: dada­rejode, ramanade, 47-kutode, 47-sode, etc. Dans les inventaires de laine de Mycènes, on trouve d'une part (Oe 106.2; scribe SI) otera tukatere LANA l, d'autre part (Oe 128.1; scribe 56) 8s-tera LANA 1; le rapprochement des deux noms de femmes est tentant, mais rien ne prouve qu'il soit justifié. Encore plus incertain est le rapprochement à quoi on pourrait songer entre 8s-jato, nom d'homme à Mycènes (cf. § 2 d) et qijato, nom d'homme à Cnossos (Db II40) ou sujato, peut-être nom d'homme à Cnossos (M 7192); ou entre 8s-tamo, nom d'un forgeron pylien et retamo, nom d'un berger pylien (Cn 285.3). Encore plus ouvertes, et douteuses, sont les possibilités

85-[ke-i]-ja-te-wo en PY Fn 50. II) ; de ]-85-[, p. 386 (U no legible signs on KN 6008" : KT3, p. 209) ; considération de 85-to-a3-ta (p. 378) comme mot complet en KN X 972 (d'après KT3, p. 163).

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Syllabaire Mycénien: 85 = au? II

qu'offrent les similitudes partielles entre les noms d'hommes 85-ta2 d'une part, et, d'autre part, putija (PY An 340.10; Qa 1294), pu2tija (PY An 656.13; Jn 601.3), qatija (KN As 1519.4; Fh 355), etc.; ou entre les noms d'hommes 85-riio d'une part, et, d'autre part, kuro 2 (KN U 4478.17; PY Ea 814), qerijo (KN Ag 1654), sirijo (PY Eb 159.2; Ep 617.10), tirijo (PY Cn 4,5), torijo (PY Jn 605.2), turijo (PY Jn 693.8), uro 2 (KN Db 5367), etc.

c) Dans la mesure où l'on croyait, en PY Ma 397 (scribe 2), lire a-85-ta2, on avait un point de départ valable pour l'identification de 85: les rubriques des tablettes Ma sont constituées par les noms de chefs-lieux des districts des deux provinces, que l'on connaît par ailleurs, et Ma 397 ne peut concerner que asijatija. Mais le signe médian est mutilé, et, à un exa­men attentif, il est apparu à E. L. Bennett comme à J. Chadwick que ce qui en subsiste est inconciliable avec le tracé de 85; il faut donc reconnaî­tre là un hapax, de valeur sja, et de tracé partiellement inconnu (auquel on devrait réserver 5 le nO d'ordre *92), et lire a-*92-ta2' non a-85-ta2, pour a-sja-tja.

d) Faute d'un tel recours, on est réduit, pour toute hypothèse sur la valeur de 85 (ici, en l'espèce, pour l'hypothèse d'une valeur cxu): d'une part (§ 2), à voir si la lecture proposée convient aux conditions d'emploi 6

du signe (position et environnement dans les mots); d'autre part, à éprou­ver les résultats d'une substitution de cxu à 85, essentiellement dans les élé­ments de vocabulaire (§§ 3-5), où l'on peut espérer un contrôle de la signi­fication par le contexte, accessoirement (§§ 6-7) dans les noms propres.

2. Indépendamment de l'interprétation individuelle des mots qui le constituent, le dossier 85 conduit aux observations suivantes:

a) Le signe 85 s'emploie en début de mot. Le seul texte où l'on pour­rait avoir 85 en position intérieure est KN C 1582; la tablette est mutilée à gauche et à droite; KT2 donne ]to-85-ai-ta avec l'observation: " ~9 doubt­fui; no divider, but spacing may imply beginning of the new word with 85" ; KT3 donne seulement ]-85-ai-ta. Ou bien donc on a un mot 85-a3ta où 85 est, comme partout ailleurs, initial. Ou bien on a to-85-a3ta; en ce cas, compte tenu de la position de 85 dans les autres mots, et compte tenu de l'exis­tence à Cnossos d'un nom 85-to-a3-ta (X 972), on peut, comme le fait par

• Si l'on réserve le nO 9I au signe two, distingué de 66 (ta.). • La forme du signe (en l'espèce, tête de porc, identique, au cou près [c'est à dire

à l'emplacement graphique des indices de sexe], à l'idéogramme sus) n'a pas à inter­venir dans la discussion. Jamais on ne peut arriver à la valeur d'un syllabogramme en partant de l'interprétation de son tracé. On laissera donc de côté l'idée de MDP que 8S représenterait non un porc mais un chien, et que au en noterait l'aboiement (cf. tlO, tlO, réponse aboyée du Kua",67JvtlLE:uç Kuwv chez Aristophane, GuêPes 903).

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12 Michel Lejeune

exemple HDE, supposer sans arbitraire 7 un lapsus du scribe (interversion des deux premiers éléments du mot).

La position, toujours, donc, initiale, de 85 constitue une présomption pour que 85 représente une syUabe à consonne zéro, c'est à dire que 85 soit un doublet spécialisé de l'un des signes vocaliques a, e, i, 0, u.

En cas d'hypothèse d'une valeur, pour 85, qui ne serait pas vocalique 8,

il appartiendrait donc à celui qui la propose de faire la preuve préalable que la séquence CV en question ne se rencontre, effectivement, en grec, qu'en position initiale.

b) Encore que la notation d'un second élément de diphtongue i, dans le corps du mot, soit le plus souvent omise (notamment à Pylos), celle d'un second élément u au contraire, régulière, rien n'interdit de penser 9 que le syllabaire mycénien, qui possède un doublet a3 de a valant IXL-, puisse possé­der, parallèlement, un autre doublet de a valant IXU-; on observera d'ailleurs, en passant, que le syllabaire est particulièrement riche en signes accessoires (doublets et complexes) de vocalisme IX 10.

c) De même que l'existence de a3- rend compte de l'absence quasi­totale de mots mycéniens commençant par a-i-, l'existence d'un signe va-

7 Palmer reproche à Ephron une attitude au moins cavalière (les faits le gênent? il les modifie: "Ephron simply proposes to alter th3 facts "). La forme sous laquelle est présentée cette critique est-elle tout à fait loyale? Pour supposer une erreur de scribe en C 1582, on peut s'appuyer sur X 972 (et, accessoirement, sur PY Cn 314) ; ce n'est donc pas de façon gxatuite et arbitraire (comme on le croirait, à li~e Palmer), qu'Ephron (comme plus d'un autre mycénologue) a ici soupçonné une faute. Lorsque Palmer (s'appuyant sur sarinuwote en PY An 424, Mn 456 et peut-être Xa 1094) non seulement accepte mais propose (Minos IV, 1956, p. 138) de lire sarino(wo)te au lieu de sarinote en PY Vn 130, - et, d'ailleurs, avec vraisemblance -, procède-t-il autre­ment qu' Ephron ici? Bien entendu, le recours à une correction du texte risque d'être une solution de facilité, de manière générale; l'hypothèse d'un lapsus de scribe doit toujou. s être étayée d'arguments qui la rendent vraisemblable. Ce peut être le cas ici.

8 Notamment, pour les valeurs (par ailleurs proposées) qui impliquent un signe CV à sifflante initiale s- ou z-.

• Toute théorie relative aux signes accessoires du syllabaire doit, bien entendu, se plier aux faits, et ne peut leur être opposée. Dans celle que nous avons présentée en 1965 au Colloque de Cambridge, un des éléments de notre définition des " doublets" était qu'à chacun d'eux ne peut être substitJé qu'un signe fondamental; le jour où il serait prouvé que 85-est à lire ~u- et que a-u- peut y être substitué, c'est la théorie ci-des­sus qui appellerait des retouches. Nous considérons que l'observation de Palmer (cf. note 3) : "The new value introduces a new principle into the sillabary: there are no signs for u- diphthongs ", ne saurait constituer une objection valable; semblable attitude a priori eût exclu, dans le passé, la reconnaissance de 43 comme ai et de 33 comme rai, car jusque là on pouvait affimer " there are no signs for i- diphthongs ".

10 Timbre a pour 25 (a. = ha), 43 (a. = ai), 48 (nwa), 76 (ras = rja), 33 (ra. = rai), 66 (ta. = tja), et sans doute aussi dans 34, 35, 56; autres timbres pour 7I (dwe) , 90 (dwo) , 62 (pte), 29 (pu.), 68 (1'0.), et sans doute aussi pour 65, 83, 87. Timbre a, donc, {:our la moitié des syllabogrammes accessoires identifiés à ce jour.

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Syllabaire Mycénien : 85 = au? 13

lant (XU- rendrait compte de l'absence quasi-totale de mots mycéniens commençant par a-u-.

Seul exemple sûr 11 pour a-i-: l'anthroponyme pylien 12 aïqeu (Eb 895.I et Ep 30I.I4; génitif aïqewo En 659.I2 et Eo 47I.I; datif aïqewe Eo 47I.2), d'interprétation incertaine, et où, par conséquent, une lecture di­syllabique Ah~- reste, a priori, aussi possible 13 qu'une lecture monosylla­bique A~-.

Exemples pour a-u- 14 : aüpono (KN U 4478.4, dans la mesure où la première lettre, mutilée, est bien a-, non ta-; scribe 202); aüqe (KN Sd 4402; scribe I28) ; aütana (KN X 7649 + 7886, raccord récent; scribe' I24 '). En Sd 4402 (iqiia araromotemena ponikija ouqe anija posi / aüqe aretato ouqe pteno ouqe 8s-ro ouqe peqato " char, muni de ses roues, de couleur pourpre, à quoi ne sont pas affixées de rênes ni divers autres accessoires") on a, dès longtemps, supposé que aüqe est un lapsus du scribe pour ouqe, inter­venant au changement de ligne, au moment où le scribe pensait déjà au mot suivant aretato, lequel commence par a-. Il y a peu de chances que nous ayons ici authentiquement un (Xù-rE: intercalé dans la série des ou-rE: 15,

et, par conséquent, un témoignage valable de diphtongue (XU- écrite a-u-. S'il faut lire aüpono en U 4478, l'anthoponyme comporte une interprétation plausible comme sobriquet *"A-huTCVOC, "Sans-sommeil ", et, en ce cas, présente à l'initiale Ahu-, non Au- diphtongue. Rien d'autre ne subsiste du début de tablette X 7649 + 7886 que le mot aütana, d'interprétation

11 Sont de lecture douteuse les exemples cnossiens de As 5524.2b et de X 134.a , et l'exemple d'une amphr,re de Tilynthe, mentionnés par A. MORPURGO (MGL, P.5-6).

12 Scribe 41 pour Eb et Eo, scribe 1 pour En et Ep. 11 Si le nom n'était pas" égéen" (et dépourvu de toute explication par le grec),

si, de plus, il était trisyllabique (Ahi-), plutôt que d'imaginer, comme on l'a fait, un élargissement par -zuç d'un sobriquet *aïqo (*&-(h)m;;:oç, privatif? *&-(h)m1toc;, avec *s1[l-? mais iqo comportait-il une aspiration en mycénien ?), ne pourait-on aussi bien songer à l'hypocoristique en -zuç d'un composé tel que *aïqota (vel sim.) ? [Nous n'osons aller plus loin, et suggérer, pour aï- un premier terme identique à celui de latin ensi­skr. ahi- Le. *ttsi- " épée", que le grec du premier millénaire n'a pas conservé, et auquel on hésite généralement à apparenter &op. Dans cette hypothèse, le -qota supposé serait, bien entendu, -tpovTiiçJ .

U S'il était établi que 85 valût IXU (comme 43 vaut IXL), et si la translitération au était alors adoptée (comme est, souvent, utilisée la translitération ai), il devien­drait expédient, surtout dans les présentations translitérées qui font l'économie des traits d'union, d'écrire, en debut de mot, aü- pour a-u- en deux signes, distinct de au­en un seul signe (comme on écrit souvent aï- pour a-i- en deux signes, distinct de ai- en un seul signe).

16 Et avec quelle valeur, en ce cas? "N'y sont pas affixées les rênes, mais en 1'evanche est (ou sont) en place le (ou les) a1'etato; manquent aussi les pteno, etc. " ? Ou bien (en faisant participer IXÙTe: à la valeur négative du oi)-re: précédent): "N'y sont pas affixées les rênes, et pas davantage, d'ailleurs, les autres accessoires, a1'etato, ni pteno, etc. " ?

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Michel Lejeune

incertaine, et où, par conséquent, une lecture disyllabique Ahu- reste, a priori, aussi possible qu'une lecture monosyllabique Au-.

d) Les inventaires d'hommes Au de Mycènes mentionnent: en !O2,

un 85-jato (5) à côté, notamment d'un ekene (4), d'un moida (8), d'un nasuto (2), d'un terawo (3); en 653, un 85-wijato (4) aux côtés, notamment, d'un asiwijo (5), d'un ekene (3), d'un terawo (2); en 657, un 85-wijato (2) aux côtés, notamment, d'un asiwijo (II), d'un moida (3), d'un nasuto (8) .. Il est évident qu'il s'agit de groupements constitués, en partie, des mêmes hommes, et que le 85-jato de r02 est à identifier au 85-wijato de 653 et à celui de 657. Dès lors, comme l'a observé J. Chadwick dans MT3 (p. 54, n. 4), ou bien il faut restituer 85-<wi)jato en r02, ou bien il faut considérer les deux ortho­graphes comme des variantes, légitimes l'une et l'autre, usitées par deux scribes différents, ce qui impliquerait que l'élément terminal de 85 soit de timbre u (doublet graphique ... uja ... / ... uwija ... ). La seconde des deux hypothèses constituerait une présomption favorable, notamment 16,

pour une valeur exu de 85.

e) Inversement, une présomption défavorable 17 serait apportée par l'existence de 85-ute (cf. § 5 d) en KN Od 666. Présomption défavorable, non indice d'impossibilité. Car la difficulté pourait être levée:

ex) si l'on pouvait justifier une interprétation de 85-ute impliquant en grec exuhu- ou encore 18 exu(f)u-;

~) si l'on considérait (comme on l'a fait en d'autres cas) le syllabo­gramme -u- comme susceptible de suppléer à l'occasion un syllabogramme de la série W-, et si l'on pouvait justifier une interprétation de 85-ute impli­quant en grec, par exemple, exufs:-;

y) si l'on admet qu'un scribe a pu, par inadvertance, contaminer les deux graphies de la diphtongue exu, la graphie 85- (normale en début de mot, dans l'hypothèse ici discutée) et la graphie (normale dans le corps du mot) qui consiste à faire suivre de -u- un syllabogramme de vocalisme a.

3. En principe, l'essai d'une valeur phonétique pour un syllabogramme dans les éléments du dossier qui relèvent du vocabulaire est l'essai le plus probant, puisqu'on opère avec des mots dont le sens doit convenir au con­texte, ce qui n'est pas le cas pour les noms propres. Cette observation gé­nérale de méthode appelle cependant trois réserves.

a) Certains noms propres (toponymes, ou surtout anthroponymes) peuvent être signifiants par eux-mêmes dans la mesure où (dérivés, juxta-

10 Mais au même titre, pour des valeurs telles que su, zu, etc. 17 Et défavorable, au même titre, pour des valeurs telles que su, ZU, etc. 18 Puisqu'il n'y a pas de signe pour *wu.

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Syllabaire Mycénien: 85 = au? 15

posés, ou surtout composés) ils sont formés de constituants qui appartien­nent au lexique; à défaut d'une vraisemblance externe (convenance au con­texte), on peut alors atteindre, si l'essai est concluant, à une vraisemblance interne. Encore, dans le cas d'un juxtaposé ou d'un composé, ne pourra-t­on valablement exciper de cette vraisemblance que si l'un et l'autre des constituants, et leur articulation, se trouvent élucidés (cf. §§ 6 et 7e).

b) Il arrive, pour les mots qui relèvent du vocabulaire, qu'ils nous parviennent dans un contexte soit mutilé soit ambigu, dont le secours est, dès lors, illusoire.

c) Il peut exister des éléments du lexique qui, d'origine non indo-euro­péenne, et sortis de l'usage grec après le second millénaire, résistent à toute identification, qu'ils soient écrits avec des signes de valeur phonétique éta­blie, ou qu'ils comportent un syllabogramme encore litigieux. Dans ce der­nier cas, il est évident que tout essai de substitution d'une valeur phonéti­que au syllabogramme discuté est vain, quelle que soit la valeur essayée; évident aussi, qu'on ne saurait mettre au passif d'une hypothèse déterminée (ici, 85 = IXU) l'échec de l'essai tenté dans ces conditions.

Nous croyons pouvoir montrer (§ 4) qu'un des éléments du dossier 85 a chance d'être de cette nature.

4. Divers tabourets (taranuwe) du mobilier de luxe du Palais de Pylos (série Ta) sont décrits comme plaqués ou incrustés (ajameno) d'ornements en ivoire (erepatejo) , ces éléments décoratifs eux-mêmes étant exprimés par divers substantifs à l'instrumental (sg. ou pl.) avec lesquels erepatejo est en accord; on a ainsi: ., . ajameno erepatejo 85-depi (707.1,3; 721.5), ... ajameno erepatejo 85-depi sowenoqe (710; 721. 3, 4), ... ajameno erepa­tejo 85-depi sowenoqe toqideqe (721.2), ... ajameno erepatejo 85-depi toqideqe karuweqe (721.1). Une des tables (topeza) mentionnées dans l'inventaire est décrite comme plaquée ou incrustée d'ivoire (erepate ajamena) et comme ornée (qeqinoto) de divers sujets, exprimés par les instrumentaux 85-depi koruPiqe (642.2). Enfin, un brasier métallique (fém. ekara = ÈcrxOCpoc) est décrit, d'une part comme pourvu d'un montant et de pieds (itowesa pede­wesa: LO''t"6fe:cj(JlX, 1tÉ~fe:0'0'1X), d'autre part comme pourvu des ornements ail­leurs appelés (à l'instrumental) soweno et 85-depi: soweneja 85-dewesaqe (709.2). Les mots désignant des motifs décoratifs dans l'inventaire Ta ne se laissent identifier que dans la mesure où le grec ultérieur possède le mot (koruPi, instr. pl. de x6flUÇ "casque") ou le possède virtuellement (radical de 't"flÉ1tW et suffixe fém. -L~- 19 pour *'t"Ofl1tLÇ, instr. sg. toqide); on n'identi­fie pas karuwe, ni soweno, ni 85-dePi.

10 Sur cette suffixation (et, notamment, les dérivés de thèmes verbaux qu'elle fournit, généralement avec vocalisme radical 0 ou zéro), cf. P. CHANTRAINE, Forma­tion . .. , ch. XXX (et notamment § 271).

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16 Michel Lejeune

a) L'adjectif en -fE.v-r- 8s-dewesa laisse, par lui-même, possibles deux structures pour le substantif dont il procède 20: soit thème radical 8S-d . .. (avec -dewe- écrit pour -afe:- comme dans pedewessa PY Ta 709.2, temidewete PY Sa I266, toqidewesa PY Ta 711.3), soit thème dérivé 8s-de... (avec racine 8S-d . .. et suffixe à voyelle e: ou 1) suivie de consonne(s) ici implosi­ve(s) et non notée(s) en vertu des règles orthographiques mycéniennes). L'instrumental pluriel en -'In 21 8s-dePi oblige à opter pour la seconde hypo­thèse (car son vocalisme graphique e serait injustifiable dans la première).

En fait, 8s-depi évoque pawePi (RN L 104: CjlOCpfe:mpL, de Cjlocpfoc;;) ou teukepi (PY Sb 1315: 't'EUXe:crCjlL, de 't'EÜxoc;;), et on a toujours pensé à un neutre *8S-aoc;; (instr. pl. *8S-ae:crCjlL; adj. dérivé *8S-8écrfe:crcr(J.). Mais on pour­rait, a priori, songer aussi à un thème à nasale (*8S-8~v) ou à liquide (*8S-8~p).

b) Ceci étant, il suffit de consulter un index inverse des noms grecs pour constater: 1°, qu'il n'existe aucun disyllabe en -8~p; 2°, qu'il existe un seul disyllabe en -8~v, à savoir &.a1jv "glande"; 30, que les disyllabes neutres en -aoc;; sont les suivants: &80c;; " satiété" 22, &80c;; (*crfoc80c;;) "décret ", xÀcf80c;; "branche" 23, fLoc8oc;;, nom de plante = afL7te:Àoc;; Àe:ux.~ 24, ~poc80c;;

" lenteur ", éaoc;; "siège ", *fLé80c;; (toujours pl.) "parties génitales ", crXé80c;; " devinette ", ~8oc;; (*crfiiaoc;;) "plaisir ", x~aoc;; (xiiaoc;;) " souci ", À~80c;; (Àii8oc;;) nom de vêtement, x.À~aoc;; "clôture ", *fL~8oc;; (toujours pl.) " desseins ", laoc;; (*crfe:î:8oc;;) "sueur ", d80c;; (* fE.ï:80c;;) "apparence ", fLe:ï:aoC;; "sourire ", xÀtaoc;; " délicatesse ", olaoc; "enflure ", crx(80c; "division ", x.ép8oc;; "gain ", uaoc;; "eau" 25, ~e:üaoc; nom de vêtement, tjJe:ü80c;; "tromperie ", xüaoc; "ruse ", *où8oc;; "sol" 26. La formation des adjectifs composés en -~c; ayant été lar-

.0 Sur la structure de ces dérivés, cf. Rev. Ét. Anc. LX, 1958, p. 5-26. U Sur la structure de ces fonnes casuelles, cf. Bull. Soc. Ling. LIl, 1957, p. 170-201

( = Mémoires, ch. VIII) . •• Hapax homérique, employé au nominatü (A 88: ... ééaoç Tf; fJ-LV tXe:TO 6UfJ-6v),

et dont on présume seulement qu'il s'agit d'un neutre sigmatique. '3 A côté du masculin thématique 0 XÀciaoç, la tradition fournit quelques fonnes

(dont aucune n'est antérieure au Ve s.) qui ressortissent à un thème *XÀo:a- (xÀciao:, xÀo:a(, XÀciao:ç) et à un thème *xÀo:aeç-: xÀciae:m dans un choeur d'Aristophane (Guêpes 239), XÀo:aée:crcn chez Nicandre, peut-être xÀo:a&WV chez le grammairien Philoxène: rien qui ga­rantisse vraiment l'authenticité et l'ancienneté d'un neutre xÀciaoç Il y a des composés en -xÀo:ai)ç mais seulement à partir du Ille s. (1toÀu-, Théophraste; 1te:PL-, Apollonios de Rhodes; ve:w-, Hérodien).

20 En fait, fJ-ciaoç est donné comme masculin thématique par Liddell-Scott-Jones d'après les textes des naturalistes (Dioscoride, Galien, Pline). L'index inver5e de Buck­Petersen cite comme neutre la mention du même mot chez Hésychius (fJ-ciaoç' TO 'jnÀci.8pLoV); sans doute par erreur: q,LÀG)8pwv " dépilatoire" est un substantif (comme chez Hip- · pocrate) et non un adjectif dont le genre neutre serait en accord avec fJ-ciaoç.

26 Le nominatü-accusatü n'est pas attesté avant Callimaque; mais, dès Hésiode et Théognis, il8e:L concurrence Mo:n comme datif de ilawp.

21 La flexion de oùao:ç comporte, dès Homère, un génitü oilae:oç et un datif Oilae:L (thème en -e:cr-).

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Syllabaire Mycénien: 85 = au? 17

gement productive, par delà la classe des neutres en -0<; qui lui a servi de point de départ 27, il serait aventuré d'allonger la liste ci-dessus en inférant, des adjectifs en -a~Ç, l'existence d'autres noms en -aoÇ 28.

Nous avons donné la liste entière; encore n'est-il pas certain que, parmi les syllabogrammes "complexes]" non encore identifiés, il en existe qui soient susceptibles de noter occlusive + liquide + voyelle (xMaoç, ~pcXaoÇ, xÀ!fjaoç, XÀŒoç) ou occlusive + sifflante + voyelle (o/€Uaoç). Mais le problème est avant tout sémantique: dans le groupe constitué par &.a~\I et les disyllabes neutres en -aoÇ, y a-t-il un terme (ou des termes) susceptible(s) de désigner au pluriel) des objets ou des tracés géométriques appartenant au répertoire de l'art décoratif mycénien? A moins d'acrobaties sémantiques risquées 29,

il semble que la réponse doive être négative. Dès lors, aucune valeur assignée à 85 ne permettra de lire 85-depi ou

85-dewesa comme des formes fléchies ou dérivées d'un mot grec connu. Quelle que soit la valeur de 85 qu'on propose, on sera amené à une forme qui n'existe plus dans le grec du premier millénaire 30.

Il n'y aura qu'à admettre cette forme, telle quelle, le jour où on saura lire 85. Il restera seulement alors à déterminer quel suffixe est en cause. A notre sentiment, les neutres grecs en -oç représentant une catégorie de dérivés en majorité héritée, et non productive 31, les noms (de genre animé) en -~\I incluant, en revanche, une notable proportion de mots empruntés 32, si le thème 85-de- demeure sans étymologie, il y a plus de chances qu'il s'agisse d'un 85-a~\I que d'un 85-aoç.

5. Outre 85-dePi, 85-dewesa qui sont donc (§ 4) "hors jeu", et dont tout essai d'interprétation grecque paraît vain 33, relèvent ou peuvent relever

27 Cf. P. CHANTRAINE, Formation . .. §§ 351-356. 28 Buck-Petersen citent trois douzaines de seconds termes disyllabiques en -/)~ç,

dont une douzaine seulement répondant à des simples en -/)o~ (-xÀot/)~ç, -e;/)~ç, -llB~ç,

Xll/)~~, -1.Lll/)~Ç, -e;~B~ç, -fLe;~B~ç, -o~B~~, -crX~B~ç, -xe;pB~ç, -<jJe;uB~ç, -xu/)~ç).

U Exempli gratia (mais qu'on comprenne bien que, loin de suggérer de telles solu­tions, nous en contestons d'avance la vraisemblance): des motifs circulaires qui seraient appelés "igouttes d'eau" (*{l/)e;ex), " ganglions" (&Béve;ç), etc.; on encore des entrelace­ments de lignes, évoquant des branches fourchues, qui seraient appelés *crx[/)e;:x; etc.

3D Aussi est-ce une objection non valable que d'accuser l'auteur de telle ou telle hypo­thèse sur 85 d'avoir ici inventé un mot (ainsi Palmer versus Ephron "a word *exOBoç had to be invented" ... ; on aimerait savoir quel mot non" inventé" L. Palmer propose de lire ici, à partir de l'hypothèse, qu'il retient comme probable, d'lm 85 = sa.). C'est pour d'autres raisons que les suggestions de Petrusevski et d'Ephron nous semblent à rejeter (note 33). Nous dirions même volontiers que leur tort a été trop de timidité dans l'invention, puisqu'ils n'ont pas voulu s'écarter de variantes de mots grecs connus.

'1 Cf. P. CHANTRAINE, Formation . .. §§ 343-347. 32 Cf. P. CHANTRAINE, Formation . .. §§ 351-356. 3. MDP s'évertue à accommoder à la sauce exu une vieille, et mauvaise, hypothèse

de V. GEORGIEV (Études mycéniennes, p. 68 sv.) reposant sur où/)exç (qui est incompa-

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du lexique: d'une part, en fonction du contexte, 8s-ro, 8s-te, 8S-tojo, 8s-ute; d'autre part, en tant que premier terme d'anthroponymes composés, 8S-to-(§ 6).

a) Personne n'a contesté que a.ùÀ6c, (ou duel a.ùÀw ou pluriel a.ÙÀOL), proprement "tube(s)", fournisse une lecture admissible pour 8s-ro, dans une liste d'équipements accessoires manquant à un char (KN Sd 4402), venant après anija (OC'.na.L "rênes "), aretato (lecture et sens incertains), pteno (7t't"Épv<ù "marchepieds? ") et avant peqato (composé en -~a.'t"ov; iden­tité du premier terme, et sens, discutés). Dans le détail, il est vrai, on s'est représenté diversement la nature et la fonction de cet accessoire: "mors " pour MDP 34; "guide-rênes" pour HDE 35; on pourrait aussi songer à une sorte d'étui vertical, affixé à la paroi du char, et servant de réceptacle au manche d'un fouet (ou à la hampe d'une lance ?) ; mais cette marge d'in­certitude "archéologique" n'infirme pas la vraisemblance de la lecture.

b) Personne non plus n'a contesté que a.ùCJ't"~p fournisse une lecture admissible pour 8s-te 1, dans une liste d'équipements d'un foyer (PY Ta 709), venant après poroeketerija l (idéogramme en forme de "ligula" ou de "simpulum" ; préverbe 7tpO- et suffixe -'t"YJPLOC; radical de lecture ambiguë : ex<ù, ~Àx<ù, etc.), koterija 6 (dérivé en -'t"YJPLOC; radical ambigu), et avant purau­toro 2 (7tUpa.UCJ't"p<Ù "pincettes"), qaratoro l (CJ7t&.Àa.6pov "tisonnier"?), eka­ra . .. l (ècrx&.poc " brasier "), .. " tiriPo l ('t"pL7tOC, " trépied "), etc, Opportu­nément, MDP et HDE invoquent le composé è1;a.uCJ~p (Eschyle), qui dési­gne un crochet avec lequel on retirait les viandes d'une marmite.

c) Il arrive, dans le cadastre des terres kekemena de Pylos, que la rédaction définitive (Ep, scribe 1) ne soit pas tout à fait conforme aux "fi­ches individuelles" (Eb, scribe 41) qui en ont constitué le "brouillon", parce que quelque changement est intervenu entre temps, dont le scribe l a pu tenir compte. On a plus d'un exemple de telles divergences; parmi eux, la mention Eb 156 / Ep 617.9 (septième kamaeu de la rédaction défi-

tible, pour le sens, avec nos contextes); il Y ajoute seulement une difficulté nouvelle, en inventant un doublet *a.Ma.ç, qu'il n'arrive pas à justifier. HDE part de *a.ù81) " parole" en inventant un doublet *a.i58oç qui signifierait" mot écrit" et suppose que les trois termes (à l'instrumental) toqide, karuwe (et karuPi), 85-depi (cf. 85-dewesa) se réfèrent tous trois à des inscriptions incluses dans le décor du mobilier, hypothèse qui nous paraît des plus invraisemblable.

3' Anglais " bit". Mais les a.ùÀCù't"ol qnfLoL d'Eschyle (glosés clairement par Hésy­chius), qu'il invoque, ne sont pas des mors, mais des accessoires pendus à la muselière en guise de clochettes; et les eIJÀT)pa.ja.IJ):"1Pa. qu'il invoque aussi sont des courroies, non des mors (et le mot, par surcroît, n'a rien à voir, étymologiquement, avec a.ùÀ6ç).

36 " Pipes or grooves, through which the (missing) reins and jor other leather would have gone".

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Syllabaire Mycénien: 85 = au? 19

nitive); et il se trouve que la portion du texte Eb 156 où figure 85-tojo n'est pas éclairée par l'autre version. Par surcroît, Eb 156 est mutilé; mais il est probable 36 que le fragment 157 (fin de tablette, de la main du scribe 41, jusqu'alors cataloguée Ec) nous donne la fin des deux lignes de 156, et établit que chacune des lignes constitue une rubrique complète, terminée par tosode pemo et l'indication d'une quantité déterminée de grain 37.

En regard de Ep. 617.9: [eu]ruwota teojo [doJero eke[qe ka]ma onato [wo]zeqe toso pe[mo] GR 1 T3

on lira donc 38 en Eb 156 + 157.1 : euruwota teojo doero kamaeu [ekeqe onato] / wozeqe / tosode pemo GR 1[

et en Eb 156 + 157.2 : a3tijoqo ekeqe tojoqe 85-tojo [ka]ma[eu toso]de pemo GR [

Entre la première et la seconde rédactions, un certain lot de terres, d'abord (Eb) partagé entre deux kamaewe, Eùpu(f)oh·aç et AL6LOIji89, passe (Ep) en entier entre les mains du seul Eùpu(f)OL'rOCc; ; plus précisément, ce lot avait dû être, primitivement, assigné, en totalité à AL6LOIji, qui, ensuite, en a rétro­cédé la plus grande partie à un 6vii'r~p en s'en réservant personnellement (85-tojo, voir plus bas) une petite fraction, puis qui a fini par tout abandon­ner à son 6vii-.f)p; que telle soit la position d'Eùpu(f)ohaç par rapport à AL6LOIji, est, précisément, indiqué par onato apposé à kama en Ep 617.9. - Ce que la "fiche" Eb nous révèle, c'est une situation analogue à ce qu'est en Eb et demeure en Ep la situation du neuvième kama (Eo 173 / Ep 617. II-12) partagé entre son titulaire (Parako) et un 6vii-.f)p (posoreja teojo doera), ou celle du dixième kama (Eb 839 et 1347 / Ep. 617.13-14) partagé entre son titulaire (koturo 2) et un 6vii'r~p (wera[ . .. , qualifié en Eb de [teojo ou potinija? doe]ro et en Ep de potinijawejo). - En revanche, ce que Ep 617.9 nous révèle,

31 C'est l'avis aussi (per litteras) de E . L. Bennett et de Mabel Lang. 37 On attend que la somme des volumes de grain Eb 157.1 + Eb 157.2 soit égale au

volume indiqué en Ep 617.9 (GR 1 T 3), c'est à dire qu'on attend soit GR 1 + GR [T 3J, soit GR 1 [T 1] + GR [T 2], soit GR 1 [T 2J + GR [T 1].

38 Il manque, à la 1. l, les mots ek~qe et onato après kamaeu (cf. Eb 862 ... ekeqe onato . .. kamaeu ... ; 842: . . . ekeqe onato kamaeu ... ); le scribe qui avait oublié wozeqe l'a rajouté en surcharge là où il restait de la place au-dessus de la 1. l, c'est à dire au-dessus des lettres basses ka et ma de kamaeu; wozeqe est à rétablir à sa place dans la phrase après ekeqe onato (cf. Ep 617-9).

39 Un autre euruwota est forgeron à akerewa (PY Jn 310.4). On a proposé diverses lectures pour ce nom; celle que nous suggérons ici a l'avantage de ne soulever aucune difficulté; un premier terme eùpu- est fréquent au premier millénaire, et attesté dans d'autres composés mycéniens; sur le second terme -wriiç, cf. BECHTEL, HPN., 346; il se retrouve sûrement dans piroita à Cnossos (<I>tÀ-oh·iXç). - Notre Atelo~ est, par ailleurs, dans le cadastre kekemena, un des douze kotonooko, le premier cité (et, sans doute, le premier en importance: président du collège ?) : Eb 846 / Ep 301.2 ; il est aussi, dans le cadastre kitimena, un des tereta (Eo 247 / En 74.II-18).

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c'est une situation analogue à ce qu'était déjà en Eb (et demeure en Ep) la situation du sixième kama (Eb 842 / Ep 617.8; entièrement rétrocédé par son titulaire, dont le nom n'est pas donné, à un ovii,,~p, nommé sasawo) et peut-être celle du huitième kama (Eb 159 / Ep 617.10; entièrement rétrocédé par son titulaire, sirijo, à un ovii,,~p, pereqota). - L'absence de fiche Eb cor­respondante nous empêche de savoir si le cinquième kama (en Ep. 617.7 entre les mains d'un ovii,,~p, [- -]kereu iierowoko) était déjà, lors de l'inventaire Eb, tout entier entre ces mêmes mains, ou était encore partagé entre titulaire et ovii,,~p.

Dans ces conditions, IXÙ"OL0 40 " ipsius " est, en principe, pour Eb 156, une leçon satisfaisante (marquant ce qui demeure propre à AL6lot.j;, par opposi­tion à l'onato retrocédé à Eùpu(f)ohiic;), à condition qu'elle puisse être arti­culée avec le reste de la phrase.

IX) Même en l'absence de la fin de tablette (fragment 157) qui indique que chacune des deux lignes renferme un énoncé complet, il serait malaisé de faire de a3tijoqo un génitif, qui alors ne pourrait dépendre 41 que du mot [onato] de la 1. l, tour étranger 42 à la rédaction des tablettes Eb, et, plus géné­ralement, de toutes les tablettes E- ; il faut donc, de toute façon, que a3tijoqo soit sujet du ekeqe 43 de la 1. 2 (où -qe, selon l'usage des tablettes Eb, n'est pas coordonnant, mais indéterminé, ou, comme dit Palmer, "prospectif ").

Même en l'absence de traces d'un e après [ka]ma] à la 1. 2, [ka] ma [eu] demeurerait la restitution la plus plausible, étant donné les usages du scribe de Eb; dès lors, s'il y a un ou des génitifs à la 1. 2, ce ne peut être comme détermination d'un [ka]ma exprimé dans la phrase. - Celle-ci donc a chance de se lire: AL6lot.j; ~X'Y)L 1t'Y) tojoqe IXÙ"OLO [ka]ma[Eùc; "ocr6V]aE cr1tÉPfLO, tojoqe admettant des interprétations diverses (ci-après: ~, y, a).

~) L. R. Palmer44 a supposé que *dhë- /*dhi5- aurait fourni, sous sa forme à timbre 0 et avec le sens de " payer", un aoriste radical (*~e(ùv ou *~e(ùXIX), dont d'autres textes pyliens nous fourniraient des formes 45, et sur quoi aurait

'0 MDP: " Eurywota keeps and works the fields of Aithiops as weil as his own" ; il considère l'ensemble de I56 comme une phrase unique terminée par un [kajma, dont dépendraient, coordonnés par -qe, les deux génitifs At6[o1toç et ,"OLO O:U,"OLO, ce der­nier groupe de mots signifiant simplement" ipsius " [?? ]. - HDE, sans le situer dans un contexte interprété ni dire de quoi ces génitifs dépendent, se bome à isoler le groupe tojoqe 85-tojo, où il se flatte de voir the earliest occurrence of 6 o:u,"6ç "the same ", ce dont L. R. PALMER (Interpretation, p. 48I) montre, à bon droit, l'invraisemblance. "

fi A moins de lire [kaJma, et non [kajma[euJ, à la 1. 2, comme le font Petrusevski (voir note 40) et Palmer (voir note 49). Mais cf. note 38 .

.. On a to~jours è:xz~v ova:.ov 1tiXpO + datif. '3 Par simple commodité, et sans certitude, on adopte ici pour le ekeqe ;.' prosp~êB.1·'

(Palmer) des tablettes (préliminaires) Eb et Eo (scribe 4I) la translitération !:X'1JL (subjonc­tif) + 1t1J (particule indéfinie, non coordonnante).

4' En dernier lieu, Interpretation, p. 206 sv. 46 Eb 842: sasawo ekeqe onato kamaezt ePiqe (" and, in addition ") toe (jussive

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Syllabaire Mycénien: 85 = au? ZI

été refait un présent * dhO-yo (cf. ~WCil < * gWyo-yo en regard de È~ (CiIV < * gWiyo_) ; c'est sur le nom d'action 6Ci1~ (de même structure 46 que ~CiI~) que sont bâtis les dénominatifs divers (6Ci1<XCiI, 6Ci1<X~CiI, etc.) attestés au premier millénaire; tojoqe serait 6W(L)OL '!€ (optatif du présent déverbatif *6w(t)CiI). Contrairement à ce qu'on a pu lui objecter parfois, cette hypothèse est d'une structure mor­Phologique parfaitement correcte; rien, d'ailleurs, à cet égard, n'empêche de la retenir pour tojo-, même si on révoquait en doute l'identification de toe et tome avec des formes d'aoriste de cette même racine, car rien n'empêche qu'un présent *6W(t)CiI, parallèle à ~WCiI, soit attesté en mycénien sans que le soit l'aoriste qu'il présuppose. Reste la difficulté (non insurmontable) de cet (unique) exemple 47 d' " optatif prescriptif" en mycénien. Restent aussi les problèmes d'interprétation: à quel titre et à qui Am(o~ aurait-il à "payer" 48 ? Mais ce sont des problèmes qui ne sont pas davantage résolus (ni peut-être susceptibles de solution) lorsqu'on a affaire aux autres obligations des kamaewe.

y) S'il est vrai que é aù'!oc; (article + pronom d'identité) est à peine homérique et n'est pas plausible en mycénien 49, tojo n'en pourrait pas moins être ici le génitif de l'anaphorique si la locution en cause (ici, au génitif) était TG CY.VTOLO "ipsius ager" : du terrain qui est à lui-même, AHHo~ conservera telle

subjunctive 6c!>1)~, " let him pay ") teraPike tosode pemo ... ; Ep 617.8 ; [sasawo] onato eke kamaeu ePiqe (" and, in addition ") tome (imperatival infinitive 6wl1.e:v "must pay H) teraPike tosode pemo ... A dire vrai, les autres explications de toe, tome (comme formes pronominales; en dernier lieu, C. MILANI, Aevum, XXXIX, 1965, p. 419 sv.) sont, en elles-mêmes, bien moins vraisemblables, et postulent un verbe teraPike (*6e:poc1!lcrxe:t) qui lui-même (en tant que dénominatif en -lcr.<w) n'est pas du tout plausible à date mycenienne. Palmer laisse teraPike de côté comme obscur (" instrumental dative of the form of pay­ment? "); entre autres possibilités, ne pourrait-on imaginer que le locatif sg. des noms thématiques presentât deux finales -Ot (pour les désignations de lieux) et -E:t (pour les désignations de personnes), et que le paiement allégué dût être fait "chez le O!:p<X1!lcrxoç (fonctionnaire subalterne local ?) ", de même que les jeunes apprenties de la série KN Ak sont" chez le 8tMcrxocÀoc; (didakare) " ?

4e Jusqu'au doublet ioniea 6w·'1] (Archiloque; inscription de Thasos, Ve s.), 6wtt1], (inscription de Milet, Ves.), dont on a le pendant ~(~l1) (inscription de Milet, Ille/Iles.) suspecté à tort.

47 Mais Palmer allègue des exemples (bien établis) du le millénaire, cités par Schwy­zer (Gr. Gr. II, p. 322: " In der ... 3. Pers. kann der Kupitiv aIs Bitte, Aufforderung, Vorschrift erscheinen "), et notamment, bien entendu, cypr. 8ufcivot vu, 8c!>xot vu.

41 En particulier, des deux personnages en cause (allocataire premier du kama, et ovëiTIjp), l'ovëiTIjp n'aurait-il à "payer" que lorsque tout le kama lui est venu en mains (ainsi sasawo en Eb 842 et Ep 617,8), et ce " paiement" resterait-il à la charge du kamaeu originel (ainsi a3tiioqo en Eb 156) aussi longtemps qu'il conserve une portion (si petite soit-elle) du kama ? On notera que dans leur Cadastre mycénien de Pylos (1965), L. Deroy et M. Gérard ont complètement escamoté les problèmes posés p J.r la tablette Eb 156, qu'ils n'interprètent pas, dont ils ne citent même pas le texte, et pour laquelle ils font seulement allusion (p. 55) au fait qu'elle contient, comme plusieurs autres, ekeqe wozeqe.

40 Voir note 45, sur l'objection de Palmer. Celui-ci, au reste, au cas où 85 serait ocu (ce qu'il n'admet pas), convient que ClU.O~O kama donnerait un sens acceptable.

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superficie. On voit que c'est le -qe qui suit toio- qui fait alors difficulté, puisqu'il ne peut, en ce cas, être coordonnant, et qu'il est risqué d'imaginer qu'il puisse (comme xoct) signifier "etiam".

~) Reste (il ne semble pas qu'on y ait songé) que toio puisse être 't'OLOV,

ici précisé par un 't'E "indéfini": AW(O~ conservera "ceci précisément" ('t'oL6v 't'E) "de son propre terrain" ou " à titre personnel" (OCÙ't'OLO) "com­me kama-EUt;, à savoir telle superficie ...

On a voulu montrer ici que la seule difficulté réelle concerne toioqe (non 8s-toio), et que, de quelque façon 50 ~, Y ou ~ qu'on la résolve, OCÙ't'OLO satisfait au texte.

d) KN Od 666 est une tablette inventoriant des laines, inscrite sur ses deux faces, et, de surcroît, sur un côté, et dont le texte 51 est, selon KT3:

recto ~ toso 0 LANA 14 ]kemeno 8s-ute apeisi

verso: ]-kerewa LANA 9 M l P 6 côté: omukara LANA 3 N 2 P 2

soit donc: au " recto" l'indication d'un" manque à livrer" (0 = opero) de 42 kg. ; au " verso" l'indication d'une livraison de 28 kg., 125; sur le côté, l'indication d'une livraison de 9 kg., 550.

La nature des mots ]kerewa et omukara, qui sont l'un et l'autre des hapax, est incertaine. Si ce sont des toponymes, et si l'ordre des faces est bien celui que donne KT3, le mot ]kemeno devra lui-même être considéré comme un toponyme, et il restera à chercher, pour apeisi (cX7tELO"L "est en partance ") un sujet, qui ne pourra être que 8s-ute. Si la face portant ]kerewa est en réalité le recto, et si ]kerewa est un toponyme, on pourra admettre que la face opposée porte la suite du mêm~ texte (le toponyme étant en fac­teur commun) et que la localité ]kerewa a, d'une part, fourni 28 kg, 125, d'autre part manqué à fournir 42 kg., ce manque s'expliquant par la phrase ]kemeno 8s-ute apeisi, dans laquelie, alors, ]kemeno pourrait être un anthro­ponyme, sujet de cX7tELO"L. Enfin, on peut supposer que les trois mots ]kemeno ]kerewa et omukara sont tous trois des anthroponymes. Dans la première

GO Dans l'hypothèse ~ (verbe M(L)OL), on devrait considérer tojoqe (comme, ailleurs, wozeqe) comme une sorte de parenthèse, n'empêchant pas ekeqe, verbe principal, de régir syntaxiquement les éléments de la phrase qui suivent. La dernière étude sur tojoqe (C. MILANI, Kadmos IV, 1965, p. 129 sv.), tout en suggérant comme solution de rechange to joqe (TO Il Te:) mais sans arriver à donner de verbe à la relative (H ... ha cio che (ha) ... "l. s'en tient à -roio "di lui ", et fait de 85-tojo un appellatif (au génitif) désignant une sorte de terrain: " Euronte, schiavo deI dio, e lavora come XCX{l.OL&Ve; di Etiope e ha l'usufrutto anche deI di lui terreno come XO'f.Lcxe:ve; ".

G1 Une lettre peut manquer au début de ]kemeno et de ]kerewa. Ces deux mots sont en caractères de grand format (à la différence des autres mots du "verso ").

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Syllabaire Mycénien: 85 = au? 23

hypothèse, 85-ute est sujet de IX7tELCn (anthroponyme? appellatif en -1:~p ?). Dans les deux autres, le sujet est Jkemeno, et 85-ute peut être soit une appo­sition au sujet (appelatif en -~p ?) soit un complément circonstanciel ou un adverbe.

On voit que le contexte nous laisse, a priori, dans l'embarras sur la nature du mot 85-ute, indépendamment de la valeur donnée à 85. Pour la lecture elle-même, on a vu (§ 2e) qu'une éventuelle séquence au-u-te com­porte elle-même a priori plusieurs justifications possibles. Dans l'état de notre information, cet exemple sera donc, de toute façon, difficilement pro­bant.

Ceci dit, les lectures impliquant une valeur exu de 85 ne mènent guère, à nos yeux, qu'à des explications de 85-ute comme adverbe, soit de temps (ex, ~), soit de lieu (y).

ex) Un adverbe composé dont le premier terme serait exù- (voir ci-des­sous, ~), et le second un nom de l' " année" mais sous forme *U1:EO'- (avec degré zéro radical, en regard de l'usuel fE1:EO'-) satisferait, pour justifier une séquence au-u-te, à l'hypothèse la plus séduisante (§ 2 e ex) ; mais une telle formation nous semble bien difficile à admettre. Dans l'ensemble des langues indo-européennes, le degré zéro *ut- de *wet- se rencontre uniquement dans la forme (non sigmatique !) du vieil adverbe signifiant" l'an dernier" : skr. parut, arm. heru, gr. 7tÉpU1:L, 7tÉpUO'L.

~) Admettant, avec d'autres, que -u- ait pu être écrit pour -we- (§ 2 e ~), MDps2 pose 85-ute = *au-we-te = *exùfe1:Éç "in this same year", en prenant un appui, qui est solide, sur la glose d'Hésychius exÙEnj' 1:CV exÙ1:0Enj 53.

y) Si, plutôt que d'admettre une graphie -u- pour -we-, on préfère (§ 2 e y) admettre une contamination 54 de a-u- et de 85- (et, donc, une lecture exu- de 85-u-), on pourra, en liaison avec la signification de IX7tELO'L (" est en partance "), songer à un adverbe de lieu de sens ablatif *exÙ6Ev, qui serait à exù1:66EV comme homo exÙ6L est à exù .. 66L.

6. En marge des éléments de vocabulaire proprement dits (§§ 4-5), nous avons signalé (§ 3 a) l'importance de ceux des noms propres qui se trouvent être "motivés", et en particulier des anthoponymes composés. On envisa­gera ici ceux des éléments du dossier qui peuvent manifester (soit immédia-

52 Quant à HDE, renonçant à expliquer sérieusement 8s-ute, il se borne à une plai­santerie (" a possibly facetious thought ") consistant à dire que, s'il manque de la laine, c'est que l'instrument avec lequel on la mesurait (ocùcrTIjp!) était en promenade (&7te~crd).

53 Mais MDP ne remet pas explicitement en cause l'étymologie traditionnelle (cf. § 6 el.

54 " In au-u-te, the scribe may have added u from force of habit of adding u's in diphthongs although it was not needed here" (HDE). En elle-même (et indépendam­ment de la lecture" facétieuse" qui en est tirée; voir n. 52), l'hypothèse est plausible.

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Michel Lejeune

tement, soit médiatement) un premier terme de composé 8S-to-, que l'hypo­thèse ici examinée conduit à lire IXÙ't"O- (comme l'ont proposé MDP et HDE).

a) On manque jusqu'à présent d'une étude de la composition nominale en mycénien. Dans le problème ici examiné, on est nécessairement amené à prendre position sur certaines questions de sandhi, concernant le sort d'un -0- final de premier membre, lorsque le second membre commence par une voyelle, aspirée ou ·non aspirée. Il nous a paru loyal d'expliciter notre posi­tion. Nous admettons qu'en fin de premier membre, un -0- était, en mycé­nien, susceptible d'élision, même devant voyelle aspirée. Mais nous admet­tons aussi que, dans une partie des cas, l'analogie a tendu à restituer au premier membre sa forme pleine c'est à dire antéconsonantique 55, même devant voyelle non aspirée; démarche qui se reproduira plus tard dans la langue philosophique (Aristote: lXù't"0IXyIX6ov, lXù't"0&.v6cpw7toç, lXù't"oe:ÀécplXC;, IXÙ't"O'C7t7tOç, etc.).

b) C'est dans ces conditions (avec hiatus restauré) que se présentent, dans nos textes, les anthroponymes 8s-toaJa à Pylos (Cn 314; et, à partir du 8S-to[ subsistant, restitution plausible du même nom en Cn 938) et 8S­toaata à Cnossos. Les seconds termes comportent apparemment un suffixe -'t"oc- de nom d'agent; il ne manque pas de racines 56 qui, pour la forme, per­mettent de rendre compte de -a 2- et de -aa- respectivement; encore convient-il que les hypothèses proposées 57 ou proposables conduisent, pour chacun des composés considéré dans son entier, à une signification défendable (compte tenu du caractère volontiers comique de tels sobriquets). A titre d'exemple, on pourra se référer à l'existence de noms d'hommes a 2numeno ' (PY Jn 839.12) et aanumeno (PY An 261.2) et supposer que 8s-toa 2ta et 8s-toaata fournissent, en regard des passifs en -fle:vOÇ, les réfléchis correspondants; alors, *'AVUfle:Vaç pourrait être "le vaincu" et *Aù't"oM't"OCç "celui qui se vainc

55 Le hasard seul est responsable de l'absence dans nos textes, jusqu'ici, de 8S-to­devant initiale consonantique de second membre.

os Dans les seconds termes de composés en -Téiç, la racine peut se présenter soit au degré plein, soit (comme pour l'adjectif verbal en -TO';) au degré zéro: P. CHANTRAINE,

Formation . .. , § 252. Si, par exemple, on voulait invoquer, pour 8s-toa.ta, la racine *seiJ.- (sobriquet: "celui qui se rassasie lui-même") on aurait choix entre -héiTaç et -hiiTaç (cf. -~1jTIJç et -~èiTIJç, de ~a(vCJl; -~CJlTI)ç et -~OTI)ç, de ~OOxCJl; etc.). De la racine *sen- de Q:VUCJl, on a, au degré zéro, un adjectif verbal *Stt-to- dans cl1v-iiToç (lv <X.V:iTO(~· b <x'1top(a(ç, Hésychius); on peut avoir un nom d'agent *-hèiTéic,; (on sait que le mycénien conserve trace de h- dans cette racine, alors que les formes du premier millénaire, sauf att. Q:VUCJl, sont psilotiques). La racine *il2ei- de a'(VU!LaL ne peut manifester, en grec, de degré zéro distinct du degré plein; adjectif verbal (hom.) ~1;-1XLTOÇ.

&7 MDP suggère * AÔToMÀ'T:aç "he who jumps at once" et ... Aô (cr) Toa(6aç [dont il ne se risque pas à proposer de traduction]. HDE se borne, pour les seconds termes, à invoquer l'existence à Pylos d'un anthroponyme A ,ta (An 209.2) et d'un . anthroponyme a3taro On 415.2).

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Syllabaire Mycénien: 85 = au ? 25

lui-même"; * AtvufLe'J6c;; pourrait être "le saisi" et * AÙ"t"OexL't"~C;; "celui qui se saisit lui-même", les deux couples de sobriquets ayant alors des signi­fications voisines, empruntées probablement au registre sémantique militaire.

Même premier teme de composé Aù't"o- dans 8s-to-34-tara en PY Fn 187 (longue liste de destinataires d'orge: datifs, masculins et féminins, de théonymes, d'anthroponymes et d'appellatifs). L'incertitude où l'on demeure de la valeur du syllabogramme 34 rend inutile un essai d'interprétation du second terme. La forme du suffixe y est, elle-même, ambiguë; on ne sait si le premier a est graphique ou non (masculin correspondant *-34-toro ou *-34-taro ?) ; on ne sait pas non plus si l'occlusive dentale appartient au suf­fixe ou à la racine.

c) En regard des formes où exù't"o- est en hiatus, on peut reconnaître avec vraisemblance un exù't"- avec élision dans 8s-tamo (nom d'un forgeron pylien), que HDE 58 propose de lire Aù6exLfLW'J ou Au6exLfLOC;;.

d) Les composés en Aù't"o- ont suscité un certain nombre d'hypocoris­tiques tels que Aù't"€~, AÙ't"L~, AÙ't"LW'J, Au't"w'J. Avec vraisemblance, MDP lit AÙ't"L~ le nom 8s-ta 2 d'un berger cnossien.

e) Il existe en grec 59 un certain nombre d'exemples de dissimilation régressive, intervenant entre deux syllabes, même . non contiguës, commen­çant par la même consonne, et entraînant la disparition de la première des deux syllabes en cause: wÀe('J6)xp~'Jo'J, etc. Encore qu'on explique tradition­nellement exùe't"~C;; par &.-fe~c;; (avec}psilose secondaire, pour &- < *s1fl), une explication par dissimilation à partir de exù('t"o)-fe't"~C;; nous paraît tout aussi plausible; et nous pensons qu'un premier terme (Y.ù- issu d'une telle dissimi­lation de exù('t"o)- pourrait être envisagé, non seulement pour 8s-ute dans l'hypothèse de MDP (§ 5 d ~), mais, éventuellement, pour deux noms pro­pres de notre dossier:

ex) Pour 8s-jato /8s-wijato à Mycènes (§ 2 d), en y lisant par exemple *AÙ-L~'t"Wp (" médecin de soi-même") pour *AÙ('t"O)-L~'T(.ùp 60.

~) Pour 8s-aata à Cnossos, dans le cas où ce mot 61 aurait une exis­tence réelle (§ 2 a) : on aurait là le doublet dissimilé de 8s-toaata, égale­ment attesté, c'est à dire (§ 6 b) *AÙ(y'L't"~C;; à côté de *AÙ't"OexL't"~.

'8 Mais MDP: * AücrTO(PfLO~ . • 9 Cf. SCHWYZER, Gr. Gr. l, p. 262.

00 MDP lit au[toJjato en MY Au 102 en supposant un signe disparu dans la fracture qui sépare 85 deja (ce qui est difficilement soutenable) afin de pouvoir entendre *AùTo"to(­TO';; ou * AÙToL,hrop ou * AùTo"to()"o.;;; en Au 653 et 657, il lit auwijato et entend * AùfLo(VElOÇ(?). HDE n'en parle pas.

61 MDP et HDE doutent du texte, et n'essa:e.1t p~ s de se prononcer sur KN C

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7. Outre les anthroponymes où figure, de quelque façon, (xU't'oç (§ 6), les noms propres du dossier 8S comportent tous une lecture plausible avec 8S- = (XU, sauf, à nos yeux, un seul (e).

a) Pour le toponyme *8s-rimo-, on peut songer à un dérivé de (xùÀ~

employé comme nom propre: soit * AÙÀtO'fL6:; 62, soit * AIJÀtO'fLOV 63. Encore qu'un substantif (xùÀtO'fL6ç soit attesté (il est vrai, tardivement), et non un adjectif *(xIJÀtfLOÇ, ce qu'on sait de l'histoire des deux suffixes 61 nous fait préferer la seconde hypothèse à la première, pour des raisons chronologiques.

Les noms propres restants sont des anthroponymes.

b) Le nom de berger cnossien 8s-rijo peut se lire 6S sans difficulté AVÀLOÇ ou AÙÀLCùV ou AÙpLCùV" tous noms historiquement attestés.

c) Le nom de femme 8s-tera à Mycènes peut se lire 66 sans difficulté * AùO''t'~piX, sobriquet tiré de (xùO''t'"fJp6ç.

d) Pour le fonctionnaire pylien 8 s-kewa, la lecture * Aùye(f)fiiç 67 four­nit un nom, lui aussi historiquement attesté, sous la forme AùyéiXç 68.

e) Le nom d'homme pylien *8s-keijateu reste, pour nous, obscur. Ten­ter d'isoler un premier terme Aù_69 ou Aùyer- 70 demeure en l'air si l'on ne peut expliquer de façon plausible l'ensemble du mot. Au reste, il est possi­ble que nous ayons affaire à un ethnique en -euç devenu (comme si souvent) nom individuel, et impliquant un toponyme *8s-keijato (avec même suffixe que dans eromato, kutato, orumato, etc. ?); en ce cas, il est vain de vouloir l'identifier.

8. L'essai de telle ou telle valeur pour 8S (compte tenu des choix où conduisent les conditions générales d'emploi du signe, § 2), est la seule voie qu'on puisse suivre (§ l d) dans l'état présent de notre information .

.. Ainsi MDP. 03 HDE: Aulimos? 04 Voir P. CHANTRAINE, Formation . .. , §§ 106 et 109 (sur les substantifs en -Lcri'.6ç);

§ Il5 et addendum p. 441 (sur les adjectifs en -LflOÇ). 06 MDP se méprend sur les tablettes D, où figure 85-rijo (qui est sûrement un nom

propre), et voit dans ce mot un appellatif aüÀLov " sheep-fold ". HDE pense à une per­sonnification de aüpLov " demain".

00 Ainsi MDP et HDE. 07 Nous voyons, dans la suffixation des anthroponymes en ... ewa, un élargisse­

ment par -<X- de la suffixation en -eu,;;; à nos yeux, 85-kewa implique un *85-keu. 88 MDP et HDE s'y réfèrent; mais on regrettera que MDP (dans ses articles de

1964 et 1965; voir note Il ait cru devoir identifier notre 85-kewa à l'Augias de la légende d'Héraklès, et y voir le Grand-Balayeur (damokoro!) du royaume de Pylos.

8t Une dissimilation de AÎ)TO- (§ 6 el serait, ici encore, en théorie justifiable, puisque le mot comporte, plus loin, une syllabe en t-.

70 MDP: * Aùye:·L2v6euç. Pas de lecture chez HDE.

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Syllabaire Mycénien: 85 = au? 27

Pour compléter les vues exposées ci-après, il y aurait lieu de confron­ter dans le détail (ce que nous ne ferons pas ici) les résultats obtenus en essayant 85 = IXU, et les résultats obtenus en essayant chacune des autres valeurs jusqu'ici proposées. Disons seulement que l'hypothèse IXU nous paraît, à cet égard, l'emporter de loin sur les autres.

A s'en tenir au seul examen, ci-dessus présenté, des lectures par IXU, on est amené aux ' conclusions suivantes.

a) Pour des éléments de vocabulaire comme 85-1'0 (o:ùMç), 85-te (IXÙO'TI]p) 85-tojo (IXÙ'!O~o), 85-ute (lXùFe:'!éç? *lXù6e:v ?), IXU fournit des lectures qui conviennent aùx contextes.

Assurément on ne peut affirmer que, dans chaque cas, la lecture obtenue soit la seule qui convienne au contexte 71. La vraisemblance de l'hypothèse IXU tient à ce qu'elle fournit, dans tous ces cas, une lecture plausible.

Il est vrai que le substantif 85-de- résiste à l'interprétation. Mais nous pensons avoir montré qu'il s'agit d'un mot sans doute préhellénique, emprunté par le grec du second millénaire, disparu dans le grec du premier millé­naire, et dont aucune hypothèse sur 85 ne pourra, par suite, permettre de restituer la forme et de connaître le sens.

b) Il est des noms propres "motivés" (anthroponymes composés) pour lesquels on peut espérer atteindre une vraisemblance interne.

La lecture IXU satisfait à cette exigence pour les composés en Aù'!o-, Aù'!(o)-, Aù('!o)- que fournit le dossier si on interprète de cette façon 85-aata, 85-jato, 85-tamo, 85-ta 2, 85-wijato.

L'exigence en question comporte éclaircissement de chaque composé dans son ensemble. Le seul cas où il n'y soit pas satisfait est celui de 85-to-34-tara dont le second membre ne peut être, présentement, élucidé, faute de certitude sur la valeur de 34.

c) Dans les autre anthroponymes comme 85-kewa (Aùyéiiç), 85-rijo (AÜÀLOÇ? AÙÀLc.ùV? AÙpLc.ùV?), 85-tera (*AùO'TI]piX), IXU fournit des noms plau­si'Qles, dont la plupart se trouvent être historiquement attestés.

Même le toponyme 85-rimo- est intelligible, si l'on y voit le neutre subs­tantivé d'un adjectif *IXÜÀL!lOÇ (non attesté, mais de formation vraisemblable).

Un seul nom propre (à part le composé 85-to-34-tara, mentionné sous b) nous échappe; c'est *85-keijateu (où nous soupçonnons l'ethnique d'un toponyme *85-keijato dont la lecture reste incertaine).

71 Par exemple, pour 8s-te, Ventris-':hadwick (Documents, p. 337) ont songé notam­ment à un instrument avec lequel on secoue les braises (O'dw) , ou (Palmer) avec lequel on brosse le foyer (O',,;tpw); même s'11s n'existent pas en grec, des noms d'agent comme *O'~O'TIJP on *O'ocp'r1jp sont plausibles, et ne disconviennent pas au contexte.

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Michel Lejeune

d) En soi, un essai qui n'échoue que sur un appellatif de toutes façons impossible à identifier (85-de-) mais rend compte de tous les autres éléments lexicaux, un essai qui, même, a la bonne fortune de rendre compte claire­ment de tous les noms propres du dossier sauf deux (85-to-34-tara; *85-keijato; encore, dans le premier cas, notre ignorance sur 34 est-elle seule en cause), doit être considéré comme satisfaisant.

Il est plus d'un syllabogramme "fondamental ", de valeur connue, et non contestée, dont le dossier, si l'on avait la curiosité de l'examiner de ce point de vue, fournirait un pourcentage moindre de lectures probantes.

Paris, janvier I966.