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TERTULLIEN CONTRE PRAXÉAS, ou SUR LA TRINITÉ. [Traduit par E.-A. de Genoude] I. Le démon s'y prend de plusieurs manières pour contrefaire la vérité. Il affecte quelquefois de la défendre pour mieux l'ébranler. Il prêche un seul Dieu, Père tout-puissant, Créateur de l'univers, afin de susciter une hérésie à l'occasion de cette unité. Il soutient, par exemple, que c'est le Père qui est descendu dans le sein d'une Vierge, lui qui est né d'elle, lui qui a souffert, en un mot, lui qui est Jésus-Christ. Le serpent s'est mis en contradiction avec lui-même. Il oublie qu'au moment où il tenta Jésus- Christ, que Jean venait de baptiser, il l'aborda comme Fils de Dieu, certain que Dieu avait un Fils, ne fût-ce que par les Ecritures, en vertu desquelles il essayait de le tenter: «Si vous êtes le Fils de Dieu, commandez que ces pierres deviennent des pains;» et encore: «Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous en bas, car il est écrit qu'il vous a confié à ses anges,» le Père apparemment, «pour qu'ils vous portent dans leurs mains, et de peur que votre pied ne heurte contre la pierre.» Ou bien, peut-être qu'il a reproché aux Evangiles leur mensonge, en disant: «Qu'importe Matthieu! qu'importe Luc! Quant à moi, |178 c'est Dieu lui-même que j'allai trouver; c'est le Tout-Puissant en personne que je tentai en face. Voilà pourquoi je l'abordai; pourquoi je le tentai. D'ailleurs, si Dieu avait un Fils, je n'aurais jamais daigné le tenter.» C'est le démon plutôt qui «est menteur dès l'origine,» lui est l'homme qu'il infecte de son poison, tel que Praxéas, par exemple. Praxéas, en effet, transporta le premier de l'Asie à Rome ce genre de perversité, homme d'un caractère inquiet, enflé par l'orgueil du martyre, pour quelques moments d'ennui dans une prison de quelques jours, a lors même que, s'il eût livré son corps aux flammes, il n'aurait rien gagné, puisqu'il n'a pas l'amour de Dieu, dont il a détruit les dons. L'évêque de Rome reconnaissait déjà les prophéties de Montan, de Prisca et de Maximilla, et par cette reconnaissance il donnait la paix aux Eglises d'Asie et de Phrygie, lorsque Praxéas, en lui rapportant des choses controuvées sur les Prophètes eux-mêmes et leurs églises, et en défendant l'autorité de ses prédécesseurs, le força de révoquer les lettres de paix qui étaient déjà parties, et le détourna du dessein qu'il avait de recevoir les dons nouveaux. Praxéas à Rome rendit donc un double service au démon; il chassa la prophétie et il introduisit, l'hérésie; il mit en fuite le Paraclet, et il crucifia le Père. L'ivraie semée par Praxéas avait fructifié; car «elle avait été jetée ici où nous sommes pendant que le grand nombre dormait,» dans la simplicité de la doctrine; dénoncée ensuite par celui qu'il plut à Dieu d'y employer, elle paraissait entièrement arrachée. En un mot, l'hérétique s'était précautionné contre le passé; il

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TERTULLIENCONTRE PRAXAS,ouSUR LA TRINIT.[Traduit par E.-A. de Genoude]I.Le dmon s'y prend de plusieurs manires pour contrefaire la vrit. Il affecte quelquefois de la dfendre pour mieux l'branler. Il prche un seul Dieu, Pre tout-puissant, Crateur de l'univers, afin de susciter une hrsie l'occasion de cette unit. Il soutient, par exemple, que c'est le Pre qui est descendu dans le sein d'une Vierge, lui qui est n d'elle, lui qui a souffert, en un mot, lui qui est Jsus-Christ. Le serpent s'est mis en contradiction avec lui-mme. Il oublie qu'au moment o il tenta Jsus-Christ, que Jean venait de baptiser, il l'aborda comme Fils de Dieu, certain que Dieu avait un Fils, ne ft-ce que par les Ecritures, en vertu desquelles il essayait de le tenter: Si vous tes le Fils de Dieu, commandez que ces pierres deviennent des pains; et encore: Si vous tes le Fils de Dieu, jetez-vous en bas, car il est crit qu'il vous a confi ses anges, le Pre apparemment, pour qu'ils vous portent dans leurs mains, et de peur que votre pied ne heurte contre la pierre. Ou bien, peut-tre qu'il a reproch aux Evangiles leur mensonge, en disant: Qu'importe Matthieu! qu'importe Luc! Quant moi, |178 c'est Dieu lui-mme que j'allai trouver; c'est le Tout-Puissant en personne que je tentai en face. Voil pourquoi je l'abordai; pourquoi je le tentai. D'ailleurs, si Dieu avait un Fils, je n'aurais jamais daign le tenter. C'est le dmon plutt qui est menteur ds l'origine, lui est l'homme qu'il infecte de son poison, tel que Praxas, par exemple.Praxas, en effet, transporta le premier de l'Asie Rome ce genre de perversit, homme d'un caractre inquiet, enfl par l'orgueil du martyre, pour quelques moments d'ennui dans une prison de quelques jours, a lors mme que, s'il et livr son corps aux flammes, il n'aurait rien gagn, puisqu'il n'a pas l'amour de Dieu, dont il a dtruit les dons. L'vque de Rome reconnaissait dj les prophties de Montan, de Prisca et de Maximilla, et par cette reconnaissance il donnait la paix aux Eglises d'Asie et de Phrygie, lorsque Praxas, en lui rapportant des choses controuves sur les Prophtes eux-mmes et leurs glises, et en dfendant l'autorit de ses prdcesseurs, le fora de rvoquer les lettres de paix qui taient dj parties, et le dtourna du dessein qu'il avait de recevoir les dons nouveaux. Praxas Rome rendit donc un double service au dmon; il chassa la prophtie et il introduisit, l'hrsie; il mit en fuite le Paraclet, et il crucifia le Pre. L'ivraie seme par Praxas avait fructifi; car elle avait t jete ici o nous sommes pendant que le grand nombre dormait, dans la simplicit de la doctrine; dnonce ensuite par celui qu'il plut Dieu d'y employer, elle paraissait entirement arrache. En un mot, l'hrtique s'tait prcautionn contre le pass; il devint docteur aprs sa rtractation; l'acte qui la constate est encore entre les mains des Psychiques, devant qui la chose eut lieu; depuis silence absolu. Quant nous, la connaissance et l'admission du Paraclet nous spara depuis des Psychiques. Mais cette ivraie avait rpandu sa graine. Aprs s'tre cache pendant quelque temps, par l'hypocrisie, sous une vitalit |179 qui chappait tous les regards, la voil qui fait invasion de nouveau. Mais elle sera de nouveau dracine, s'il plat au Seigneur, dans le temps prsent; sinon toutes les moissons adultres seront rassembles en leur jour, et brles dans des flammes inextinguibles avec tous les autres scandales.II.C'est donc le Pre qui naquit dans le temps, le Pre qui souffrit. Jsus-Christ, que l'on prche, n'est pas autre chose que Dieu lui-mme, que le Seigneur tout-puissant. Ainsi le veut Praxas. Quant nous, dans tous les temps, mais aujourd'hui surtout que nous sommes plus clairs encore par le Paraclet qui enseigne toute vrit, nous croyons en un seul Dieu, mais avec la dispensation ou l'conomie, comme nous l'appelons, que ce Dieu unique ait un Fils, son Verbe, procdant de lui-mme, par qui tout, a t fait et sans qui rien n'a t fait. Nous croyons qu'il a t envoy par le Pre dans le sein d'une Vierge, qu'il naquit d'elle tout la fois homme et Dieu, Fils de l'homme et Fils de Dieu, que son nom est Jsus-Christ, qu'il souffrit, qu'il mourut, et qu'il fut enseveli, selon les Ecritures, qu'il fut ressuscit par le Pre, et que, remont dans les cieux, il s'assied sa droite, pour en redescendre un jour afin de juger les vivants et les morts. Nous croyons que de l il a envoy ensuite, conformment sa promesse, l'Esprit saint, le Paraclet du Pre, pour sanctifier la foi de ceux qui croient au Pre, au Fils et l'Esprit saint. Que ce symbole nous ait t transmis ds le commencement de l'Evangile, mme avant les premiers hrtiques, plus forte raison avant Praxas, qui est d'hier, la postriorit des hrtiques aussi bien que la nouveaut de Praxas, qui est d'hier, va le prouver. De l donc il sortira contre toutes les hrsies la lgitime prsomption que ce qui est le premier est vritable; que ce qui est altr, c'est le second. Mais indpendamment de cette prescription, pour instruire comme pour prmunir quelques-uns, il faut |180 engager la discussion, ne fut-ce que pour empcher de dire que toute doctrine errone est condamne sur une simple prsomption, et non aprs avoir t examine, surtout la doctrine qui se vante de possder la vrit pure, en s'imaginant que la seule manire lgitime de croire l'unit de Dieu, c'est de confondre dans une seule et mme personne et le Pre et le Fils et l'Esprit saint; comme si un seul n'tait pas tout, quand tout drive d'un seul, en gardant nanmoins le sacrement de l'conomie qui divise l'Unit en Trinit, o nous distinguons trois personnes, le Pre, le Fils et l'Esprit saint. Ils sont trois, non pas en essence, mais en degr; non pas en substance, mais en forme; non pas en puissance, mais en espce; tous trois ayant une seule et mme substance, une seule et mme nature, une seule et mme puissance, parce qu'il n'y a qu'un seul Dieu duquel procdent ces degrs, ces formes et ces espces, sous le nom de Pre, de Fils et de Saint-Esprit. Comment admettent-ils le nombre en rejetant le partage? La discussion va le prouver mesure qu'elle avancera.III.Les esprits simples, pour ne pas dire les ignorants et les hommes sans instruction, qui forment toujours la plus grande partie de ceux qui croient, en voyant la rgle de la foi faire passer l'homme de la multitude des dieux du sicle au Dieu unique et vritable, oublient que non-seulement il faut le croire unique, mais avec son conomie tout entire, et se dconcertent l'aspect de cette conomie. Ils prennent pour la division de l'Unit le nombre et la disposition de la Trinit, tandis que l'Unit drivant d'elle-mme, la Trinit, loin de s'anantir ainsi, est administre par elle. Vous prchez deux et mme trois Dieux, nous crient-ils; quant eux, ils se disent les adorateurs d'un seul Dieu, comme si l'Unit, rduite elle-mme hors de toute raison, ne constituait pas l'hrsie, de mme que la Trinit, raisonnablement comprise, constitue la vrit. Nous sommes pour la monarchie, rptent-ils. Et |181les voil prononant ce mot en vritables Latins, en vritables Opiques, afin de nous convaincre sans doute qu'ils comprennent la monarchie aussi bien qu'ils l'articulent.Mais, Latins, ils s'appliquent prononcer monarchie; Grecs, ils ne veulent pas mme comprendre le sens d'conomie. Quant moi, si j'ai recueilli quelque notion des deux langues, la monarchie, mon sens, ne signifie pas autre chose que le commandement d'un seul. La monarchie, toutefois, n'exige pas imprieusement que, reprsentation du gouvernement d'un seul, celui auquel appartient le pouvoir n'ait pas de fils, ou devienne soi-mme son propre fils, ou enfin qu'il n'administre pas sa monarchie par qui bon lui semble. Il y a plus, j'affirme qu'aucune domination n'est tellement la domination d'un seul, tellement une domination singulire, tellement monarchie enfin, qu'elle ne soit administre par d'autres personnes, rapproches d'elle-mme, et dont elle fait ses auxiliaires. Mais si le matre de la monarchie a un fils, la monarchie ne sera point divise et ne cessera point d'tre monarchie, parce qu'il aura associ ce mme fils son pouvoir. Loin de l; elle appartient avant tout celui qui en dlgue une partie son fils, et en tant lui, la monarchie possde par deux personnes si uniques subsiste toujours. Consquemment, si la monarchie divine est administre par tant de lgions et tant, d'armes d'anges, ainsi qu'il est crit: Mille millions le servaient, et dix mille millions taient devant lui, sans toutefois avoir cess d'tre le pouvoir d'un seul ni avoir perdu le caractre de la monarchie, parce qu'elle a pour ministres tant de milliers de vertus, quelle absurdit de prtendre que la Divinit va sembler partage et dissmine dans le Fils et dans l'Esprit saint, qui obtiennent le second et le troisime rang, et d'ailleurs participent la substance du Pre, tandis qu'elle ne souffre ni partage ni dissmination dans cette multitude incommensurable d'anges, qui n'ont rien de commun avec sa substance! Les membres, les fils, les |182 instruments, la vertu elle-mme, toute la substance enfin de la monarchie, en sont l'anantissement, dis-tu. Erreur! J'aime mieux que tu t'exerces au sens de la chose qu' l'articulation du mot. Tu ne dois regarder la monarchie comme dtruite, que si on lui ajoute une domination d'une nature et d'une essence particulire, et qui consquemment devient sa rivale; que si on introduit un autre dieu oppos au Crateur. C'est un blasphme impie que de reconnatre plusieurs dieux avec les Valentin et les Prodicus. C'est dtruire la monarchie que d'anantir le Crateur.IV.Pour moi qui ne drive le Fils que de la substance du Pre, puisque le Fils ne fait rien sans la volont du Pre, et que le Pre lui a donn toute puissance, comment puis-je de bonne foi dtruire la monarchie que je conserve dans le Fils, dlgue au Fils par le Pre? J'en dis autant du troisime degr, parce que l'Esprit ne procde pas d'ailleurs que du Pre par le Fils. Prends garde plutt que ce ne soit toi qui dtruises la monarchie, toi qui en renverses la disposition et l'conomie tablies en autant de noms que Dieu l'a voulu. Mais elle demeure si bien indivisible, malgr l'introduction de la Trinit, que le Fils doit la rendre au Pre dans son inviolabilit. L'Aptre, en effet, dit de la fin des temps: Lorsqu'il aura remis son royaume Dieu son Pre. Car il doit rgner jusqu' ce que Dieu ait mis tous ses ennemis sous ses pieds; conformment ces paroles du Psalmiste: Asseyez-vous ma droite, jusqu' ce que je rduise vos ennemis vous servir de marche-pied. ---- Mais, lorsque toutes choses auront t assujetties au Fils, alors le Fils sera lui-mme assujetti . celui qui lui aura assujetti toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous. Nous le voyons; le Fils ne nuit pas la monarchie, quoiqu'elle soit aujourd'hui dans Je Fils, parce qu'elle est dans le Fils avec son essence fondamentale, et qu'elle sera remise au Pre par le Fils avec son essence fondamentale. Par consquent, ce |183 n'est point la dtruire que d'admettre le Fils qui il est certain que le Pre l'a transmise, et qui doit un jour la restituer au Pre. Par ce seul passage de l'ptre apostolique, nous avons dj pu montrer que le Pre et le Fils sont deux, sans compter que les noms de Pre et de Fils, et le fait de l'un qui transmet le royaume, et de l'autre qui il le transmet; de l'un qui substitue et de l'autre qui il substitue, prouve ncessairement qu'ils sont deux.V.Mais, puisque nos adversaires veulent que deux se confondent en un seul, de sorte que le Pre soit le mme que le Fils, il faut donc examiner fond si le Fils existe, qui il est et comment il est. C'est dclarer que la discussion devra emprunter ses rgles l'autorit des Ecritures et leur lgitime interprtation. On prtend que la Gense commence ainsi dans le texte hbraque: Dans le principe Dieu se cra un Fils. Mais cette leon n'est pas certaine, je l'accorde. Je tire mes arguments d'ailleurs, c'est--dire de l'conomie qui existait en Dieu avant la cration du monde, jusqu'au moment o il engendra un Fils. En effet, avant tout commencement Dieu existait seul; il tait lui-mme son monde, son espace, et l'universalit des tres. Il tait seul, dans ce sens qu'en dehors de lui il n'y avait rien de cr. Au reste, on ne peut mme pas dire qu'il ft seul. Il avait avec lui la personne qu'il avait en lui-mme, c'est--dire sa Raison, puisque Dieu est raisonnable; la Raison tait donc en lui auparavant, et ainsi tout mane de lui. Cette RAISON n'est pas autre chose que sa Sagesse. Les Grecs l'appellent du nom de , qui chez nous quivaut VERBE. De l vient que, parmi les ntres, il est en usage de dire par une interprtation simple et abrge; Au commencement le Verbe tait en Dieu, quoiqu'il soit plus convenable d'attribuer l'antriorit la Raison, puisque Dieu non-seulement produisit le Verbe ds le commencement, mais possda la raison avant le commencement, et que le Verbe lui-mme tant form de la Raison, ne doit venir qu'aprs la Raison, sa substance. |184 Toutefois, peu importe. Car, quoique Dieu n'et pas encore engendr son Verbe, il ne laissait pas de l'avoir au fond de lui-mme, avec et dans sa Raison, en mditant secrtement et en disposant avec lui-mme ce qu'il allait dire par son Verbe. En mditant et en disposant avec la Raison, il transformait en Verbe celle qu'il traitait par son Verbe. Et pour le comprendre plus facilement, image et ressemblance de Dieu, reconnais auparavant, d'aprs toi-mme, la Raison que tu portes au fond de toi-mme, puisque tu es un tre raisonnable, non-seulement cr par un tre infiniment raisonnable, mais anim par sa substance. Regarde! Lorsque tu t'entretiens silencieusement en toi-mme, cette opration intrieure n'a lieu que par la Raison, qui se prsente -toi en mme temps que le Verbe, chaque mouvement de ta pense, chaque impulsion de ton sentiment. Tout ce que tu as pens est Verbe, tout ce que tu as senti est Raison. Il faut que tu te parles ncessairement au fond de ton ame; et en te parlant, tu as pour interlocuteur le Verbe dans lequel rside cette Raison elle-mme, par laquelle tu parles, en pensant avec celui au moyen duquel tu penses en parlant. Il y a donc en toi-mme, pour ainsi dire, un second Verbe, par lequel lu parles en pensant, et par lequel tu penses en parlant. Ce Verbe est un autre Verbe. Mais combien Dieu, dont tu es l'image et la ressemblance, n'aura-t-il pas plus pleinement en lui-mme sa Raison, mme lorsqu'il se tait, et dans sa Raison son Verbe? J'ai donc pu tablir d'abord, sans rien hasarder, que Dieu avant la cration de l'univers n'tait pas seul, puisqu'il avait en lui-mme sa Raison par consquent, et dans sa raison son Verbe, qu'il engendrait le second aprs lui, en l'agitant au-dedans de lui-mme.VI.Cette vertu, cette disposition de la Sagesse divine nous est rvle par les Ecritures, sous le nom de la Sagesse. Quoi de plus sage, en effet, que la Raison de Dieu ou son Verbe? Ecoute donc aussi la Sagesse comme seconde personne cre. Je lis d'abord: Dieu m'a possde au |185 commencement de ses voies. Avant ses uvres j'tais: j'tais avant qu'il affermt la terre, avant qu'il post les fondements des montagnes, avant les collines, il m'a engendre; c'est--dire en me crant et en m'engendrant dans sa pense. Tu vas la voir ensuite assister le Seigneur, preuve qu'elle est distincte de lui. Lorsqu'il tendait les cieux, j'tais auprs de lui. Lorsqu'il entourait l'abme d'une digue; lorsqu'il suspendait les nues, lorsqu'il fermait les sources de l'abme; lorsqu'il donnait la mer des limites que les eaux ne dpasseront pas, j'tais l disposant avec lui; j'tais tous les jours ses dlices, me jouant en lui-mme. En effet, aussitt que Dieu voulut raliser dans leurs substances et dans leurs espces les choses qu'il avait disposes au fond de lui-mme avec sa Raison, sa Sagesse, son Verbe, il engendra ce Verbe infiniment bon, qui renfermait indivisibles en lui-mme la Raison et la Sagesse, afin que l'universalit des tres ft cre par celui en qui ils avaient t conus et disposs, disons mieux, en qui ils taient dj raliss dans la pense de Dieu. Que leur manquait-il rellement? Rien, sinon d'tre connus et visibles dans leurs substances ainsi que dans leurs espces.VII.Alors le Verbe lui-mme prend aussi sa forme et son ornement, c'est--dire le son et la voix, lorsque Dieu dit: Que la lumire soit! Voil donc que la naissance du Verbe est complte, maintenant, qu'il a t manifest par Dieu, cr d'abord dans la pense sous le nom de Sagesse: Dieu me cra au commencement de ses voies. Il est ensuite engendr effectivement: Lorsqu'il tendait les cieux, j'tais l. Consquemment il est l'gal de celui dont il procde, Fils premier-n, parce qu'il est engendr avant toutes choses; unique, parce que seul il est engendr de Dieu, et proprement parler, conu et engendr dans son cur, ainsi que l'atteste le Pre lui-mme: Mon cur a laiss chapper le Verbe excellent. Le Pre se complat ensuite dans la personne de celui qui |186 par consquent se complaisait dans la sienne: Tu es mon Fils; je t'ai engendr aujourd'hui. Et ailleurs: Je t'ai engendre avant l'aurore. De mme le Fils dclare en sa personne, sous le nom de la Sagesse, qu'il a un Pre: Le Seigneur m'a cr au commencement de ses voies, pour prsider ses uvres. Il m'engendra avant les collines. Car, quoique la Sagesse semble dire ici qu'elle a t cre par le Seigneur pour prsider ses uvres et ses voies; et qu'ensuite il nous soit montr que tout est fait par le Verbe, et que rien n'est fait sans le Verbe; de mme qu'ailleurs: Les cieux ont t crs par son Verbe, et l'arme des cieux par son souffle, c'est--dire par le souffle qui accompagnait son Verbe, il est manifeste que, tantt sous le nom de Sagesse, tantt sous la dsignation de Verbe, il s'agit toujours d'une seule et mme puissance, qu'elle prenne naissance au commencement des voies du Seigneur, qu'elle tende les cieux, ou que tout soit fait par elle et que rien ne soit fait sans elle.Je n'insisterai pas plus long-temps l-dessus, comme si la Sagesse, la liaison, la Vertu divine, l'Esprit n'taient pas, sous des dnominations diverses, une seule et mme chose avec ce Verbe qui est devenu le Fils de ce Dieu qui l'a engendr en le produisant hors de lui-mme.----Tu soutiens donc, me dis-tu, que le Verbe est une substance relle, forme de l'Esprit et de la Sagesse qui lui ont t communiqus.----Sans aucun doute. Pourquoi donc ne veux-tu pas qu'il existe rellement par la proprit de sa substance, afin qu'il puisse tre une personne et une chose vritables, et qu'ainsi cr le second aprs Dieu, il forme deux tres, le Pre et le Fils, Dieu et le Verbe? Mais qu'est-ce, poursuis-tu, que le Verbe, si ce n'est la voix et le son de la bouche; et, pour parler le langage des grammairiens, l'air qui en tant heurt, est rendu intelligible l'oue; mais d'ailleurs, un je ne sais quoi sans consistance, vide |187 et incorporel? Quant moi, j'affirme que rien de vide et d'inconsistant n'a pu sortir de Dieu, attendu que ce dont il procde n'est ni vide ni inconsistant, et que ce qui drive d'une substance infinie ayant fait soi-mme de si grandes substances, ne peut manquer de substance. Car il a cr personnellement tout ce qui a t cr par lui. Je le demande: Comment admettre que celui sans qui rien n'a t fait, ne soit rien; que l'inconsistant ait cr le solide; que le vide ait cr le plein, et l'incorporel le corporel? En effet, quoiqu'une chose puisse souvent diffrer de son auteur, toutefois rien ne peut tre produit par le vide et le nant. Est-ce donc une chose vaine et chimrique que ce Verbe de Dieu qui a t appel Fils, qui a t surnomm Dieu: Et le Verbe tait en Dieu, et le Verbe tait Dieu? Il est crit: Tu ne prendras point le nom de Dieu en vain. Le voil bien celui qui ayant en lui l'image de Dieu, n'a point cru que ce ft pour lui une usurpation de s'galer Dieu? Quelle image de Dieu? Une image distincte apparemment, mais qui ne laissait pas d'tre relle. Qui niera que Dieu n'ait un corps, quoique Dieu soit Esprit? Car l'Esprit est un corps d'une espce particulire, avec des formes qui lui sont propres. Les tres invisibles, quels qu'ils soient, ont dans Dieu leur corps et leur figure, par lesquels ils ne sont visibles qu' Dieu; plus forte raison, ce qui est engendr de sa propre substance ne sera-t-il pas dpourvu de substance. Quelle que soit donc la substance du Verbe, je la dclare une personne, et je revendique pour elle le nom de Fils, et en reconnaissant le Fils, j'en fais un second tre distinct du Pre.VIII.A qui s'imaginerait que j'introduis ici la probole, c'est--dire l'manation d'une chose sortant d'une autre, comme l'a fait Valentin quand il tire la multitude de ses Eons d'un Eon primitif, je rpondrais, pourquoi donc la vrit ne se servirait-elle pas d'un terme qui est elle et son patrimoine, par la raison que l'hrsie s'en sert, ou |188 pour mieux dire l'a emprunt la vrit pour btir l'difice de son mensonge? Le Verbe de Dieu a-t-il t engendr oui ou non? Combats avec moi sur ce terrain. S'il a t engendr, reconnais l'manation de la vrit, et qu'importe alors que l'hrsie ait contrefait la vrit?Il reste maintenant chercher comment chacun se sert de son bien et de son mot. Valentin distingue ses manations, et les spare du Pre; mais il les place un si long intervalle que le dernier Eon ne connat pas son Pre. En un mot, il dsire ardemment de le connatre, sans y parvenir toutefois; que dis-je? il se consume dans ses dsirs, et se dissout ou peu prs dans toute sa substance. Chez nous, au contraire, le Fils lui seul connat le Pre; il met nu le sein du Pre; il a tout entendu, tout vu dans le Pre; il ne dit que ce qui lui a t ordonn par le Pre. Ce n'est pas sa volont qu'il accomplit, mais celle du Pre qu'il connaissait de prs, ou pour mieux dire, de toute ternit. Qui, en effet, connat ce qui est en Dieu, sinon l'esprit qui est en lui? Or, le Verbe est form par le souffle, et le souffle, pour ainsi parler, est le corps du Verbe. Le Verbe a donc toujours rsid dans le Pre, ainsi qu'il le dclare: Je suis dans le Pre. Il a donc toujours t chez le Pre, ainsi qu'il est crit: Et le Verbe tait chez le Pre. Il n'a donc jamais t spar ou diffrent du Pre, puisqu'il dit: Mon pre et moi, nous ne sommes qu'un. Voil de quelle manire la vrit entend l'manation, gardienne de la vrit, et en vertu de laquelle nous disons que le Fils a t engendr, mais non spar. Dieu a produit le Verbe hors de lui, ainsi que l'enseigne le Paraclet lui-mme, comme l'arbre sort de la racine, le ruisseau de la fontaine, le rayon du soleil. Ces diffrentes espces sont les manations des substances dont elles drivent. Je n'hsiterai point dire que l'arbre, le ruisseau et le rayon sont les fils de la racine, de la fontaine et du soleil, parce que dans toute origine il y a paternit, et que tout ce qui dcoule de cette origine, |189 est postrit, plus forte raison le Verbe de Dieu qui mme a reu en propre le nom de Fils, quoique l'arbre ne soit pas spar de sa racine, le ruisseau de sa source, le rayon du soleil, de mme que le Verbe n'est pas spar de Dieu.Par consquent, d'aprs la nature de ces exemples, je dclare que je reconnais deux personnes, Dieu et son Verbe, le Pre et son Fils. Car la racine et l'arbre sont deux choses, mais unies; la source et le ruisseau sont deux espces, mais indivises; le soleil et le rayon son' deux formes, mais adhrentes. Toute chose qui sort d'une autre est ncessairement la seconde par rapport celle dont elle sort, mais sans en tre ncessairement spare. Or, il y a un second, l o il y a deux; il y a un troisime, l o il y a trois. Car le troisime est l'Esprit qui procde de Dieu et du Fils, de mme que le troisime par rapport la racine est le fruit sorti de l'arbre; le troisime par rapport la source est le ruisseau qui sort du fleuve; le troisime par rapport au soleil est la lumire qui sort du rayon. Aucun d'eux toutefois n'est tranger au principe dont il tire ses proprits. De mme la Trinit descend du Pre comme de sa source, travers des degrs qui s'enchanent indivisiblement l'un l'autre sans nuire la monarchie, disons mieux, en protgeant l'essence de l'conomie.IX.Ne perds jamais de vue le principe, tabli par moi, que le Pre, le Fils et le Saint-Esprit sont insparables, et par-l, tu reconnatras toujours dans quel sens on le dit. Car voil que je soutiens maintenant qu'autre est le Pre, autre est le Fils, autre l'Esprit saint. L'ignorant ou le pervers se scandalisent de ce mot, comme s'il signifiait diversit, et qu'il impliqut par suite de cette diversit la sparation du Pre, du Fils et de l'Esprit. Quand je dis que le Pre est autre que le Fils et le Saint-Esprit, je le dis par ncessit pour rpondre mes adversaires qui, partisans de la monarchie exclusive, confondent dans une seule et mme personne le Pre, le Fils et l'Esprit; toutefois |190 je le dis, non pour marquer la diversit, mais la distribution, non la division, mais la distinction, parce que le Pre n'est pas le mme que le Fils, diffrent en personne, mais non en substance. Le Pre est la substance tout entire- Le Fils est la drivation et la partie de ce tout, ainsi qu'il le dclare lui-mme. Mon Pre est plus grand que moi. Le Psalmiste lui-mme ne chante-t-il pas, que Dieu l'a abaiss un peu au-dessous des anges? Le Pre est donc autre que le Fils, en ce sens qu'il est plus grand que le Fils; en ce sens que celui qui engendre est autre que celui qui est engendr; en ce sens que celui qui envoie est autre que celui qui est envoy; en ce sens que celui qui produit est autre que celui qui est produit. Heureusement pour notre cause, le Seigneur lui-mme a employ ce mot l'occasion du Paraclet, pour marquer non pas la division, mais l'ordre et la distribution: Je prierai mon Pre, et il vous donnera un autre consolateur, qui est l'Esprit de vrit. Que fait-il par l? Il prouve que le Paraclet est autre que lui, de mme que nous soutenons que le Fils est autre que le Pre, afin de montrer le troisime degr dans le Paraclet, comme nous montrons ]e second dans le Fils, en respectant le principe de l'conomie. D'ailleurs, le nom de Pre donn l'un, le nom de Fils donn l'autre, ne prouvent-ils pas qu'ils sont distincts? Tout ce que reprsente leur nom, ils le seront; tout ce qu'ils seront, leur nom le reprsentera. La diversit de ces deux noms ne peut pas se confondre, parce que la diversit des choses, dont ils sont la signification, ne le peut pas. Oui, oui; non, non; car ce qui est de plus est mal.X.Consquemment Dieu est donc ou Pre ou Fils. Si le jour n'est pas le mme que la nuit, le Pre n'est pas le mme que le Fils, de manire tre rciproquement l'un ce qu'est l'autre, comme il a pl ces ridicules partisans de la monarchie exclusive de l'imaginer. Il est devenu lui-mme son propre Fils, disent-ils. Loin de l. Le |191 Pre suppose le Fils; le Fils suppose le Pre. Ceux qui naissent rciproquement l'un de l'autre ne peuvent en aucune manire, le Pre devenir lui-mme son propre Fils, le Fils devenir lui-mme son propre Pre. Ce que Dieu a tabli, il le garde. Il faut ncessairement que le Pre ait un Fils pour tre Pre; il faut ncessairement que le Fils ait un Pre pour tre Fils. Autre chose est avoir, autre chose tre. Pour tre mari, par exemple, il faut que j'aie une pouse; je ne puis tre moi-mme mon pouse. De mme pour tre Pre, je devrai avoir un Fils; je ne serai pas moi-mme mon propre Fils; et pour tre Fils, je devrai avoir un Pre; je ne serai pas moi-mme mon propre Pre. Voil ce qui me constitue tel si je le possde. Je serai Pre la condition d'avoir un Fils; je serai Fils la condition d'avoir un Pre. Or, si je suis moi-mme quelqu'une de ces choses, je n'ai plus ds-lors ce que je serai par moi-mme, ni Pre, puisque le Pre, c'est moi; ni Fils, puisque le Fils, c'est moi. Mais autant il faut que de ces deux choses j'aie l'une, et que je sois l'autre; autant, si je suis tout la fois l'une et l'autre, je ne serai plus l'une des deux, en n'ayant pas l'autre. Si, en effet, je suis le Fils, moi qui suis dj le Pre, ds-lors, je n'ai plus de Fils, puisque c'est moi-mme qui le suis. Or, n'ayant pas de Fils, puisque je suis moi-mme ce Fils, comment serai-je Pre? Je dois avoir un Fils pour tre Pre. Je ne suis donc pas Fils, puisque je n'ai pas de Pre, condition pour qu'il y ait un Fils. De mme, si je suis le Pre, moi qui suis dj le Fils, ds-lors je n'ai plus de Pre, puisque je suis moi-mme le Pre. Or, en n'ayant plus de Pre, par la raison que je suis moi-mme le Pre, comment serai-je Fils? Je dois avoir un Pre pour tre Fils. Je ne serai donc pas Pre, puisque je n'ai pas de Fils, condition pour tre Pre. Je reconnais bien ici l'adresse du dmon: il exclut l'un par l'autre, lorsque, confondant les deux en un seul, sous le prtexte de maintenir la monarchie, il fait que l'on ne garde ni l'un ni l'autre. En effet, il anantit le |192 Pre, puisque celui-ci n'a pas de Fils; il anantit le Fils, puisque le Fils n'a pas de Pre. Car du moment qu'il est Pre, il ne pourra tre Fils. Les voil ces rigides partisans de la monarchie qui ne savent pas mme garder le Pre et le Fils. Mais rien n'est difficile Dieu. La chose est incontestable. Ce qui est impossible au monde est possible Dieu, qui l'ignore? Dieu a choisi ce qui est insens selon le monde pour confondre la sagesse. Nous avons lu tous ces oracles. Par consquent, disent-ils, il n'a pas t difficile Dieu de se faire tout la fois et le Pre et le Fils, contrairement aux exemples qui rgissent les choses humaines; Dieu n'a-t-il pas renvers les lois de la nature, quand la Vierge et la femme strile ont enfant? Que rien ne soit difficile Dieu, je vous l'accorde; mais si nous voulons tendre ce principe tous les caprices de noire imagination, nous pourrons donc supposer que Dieu a fait tout ce qu'il nous plaira d'imaginer, parce qu'il l'aurait pu faire. Mais ce n'est point parce qu'il peut tout, que nous devons croire qu'il ait fait, mme ce qu'il n'a point fait. Il s'agit de chercher s'il l'a fait. Il aurait pu, je l'avoue volontiers, donner l'homme des ailes pour voler, comme il en a donn aux milans; mais parce qu'il l'aurait pu, l'a-t-il fait? Il aurait pu encore touffer leur naissance Praxas et tous les autres hrtiques. Mais parce qu'il l'aurait pu, les a-t-il touffs? Non, il fallait qu'il y et des milans et des hrtiques: il fallait que le Pre aussi ft crucifi. C'est dans ce sens qu'il y aura quelque chose de difficile Dieu, c'est--dire ce qu'il n'a point fait, non pas que la chose lui et t difficile, mais parce qu'il ne l'a pas voulu. En effet, le pouvoir de Dieu, c'est sa volont; ce qu'il ne peut pas, c'est ce qu'il ne veut pas. Tout ce qu'il a voulu, il le peut, et il le montre. Consquemment, comme il a pu devenir soi-mme son propre Fils, s'il l'a voulu, et comme il l'a pu, s'il l'a fait, avoir prouv qu'il l'a fait, se sera prouver qu'il l'a pu et l'a voulu. |193XI.Tu devras le prouver par les Ecritures aussi manifestement que nous prouvons nous-mmes qu'il s'est engendr un Fils, qui est le Verbe. S'il l'appelle son Fils, si le Fils n'est pas autre que celui qui est sorti de son sein, et si le Verbe est sorti de son sein, ce sera donc le Verbe qui sera le Fils, et non celui du sein de qui il est sorti. Car celui-ci n'est pas sorti de lui-mme. Or, toi qui confonds le Pre avec le Fils, d'aprs toi, c'est le mme qui engendre de lui-mme et qui sort de lui-mme ce qu'est Dieu. S'il l'a pu faire, il ne l'a pas fait nanmoins. Ou bien, fournis une preuve semblable la mienne, et telle que je la demande, c'est--dire que les Ecritures dmontrent que le Pre et le Fils sont une seule et mme chose, de mme que chez nous le pre et le fils sont distincts, entendons-nous bien, distincts, mais non spars, ainsi que je m'appuie sur cet oracle de Dieu: Mon cur a produit le Verbe excellent. Cite-nous par opposition quelque passage o il soit crit: Mon cur m'a produit moi-mme Verbe excellent, pour attester qu'il est tout la fois et celui qui engendre et ce qu'il engendre, et celui qui produit et ce qu'il produit, s'il est vrai qu'il soit tout la fois et le Verbe et Dieu le Pre. Voil que je te montre le Pre disant au Fils: Tu es mon Fils, je t'ai engendr aujourd'hui. Si tu veux que je croie que le Pre est le mme que le Fils, apporte-moi quelque texte s'exprimant ainsi ailleurs: Le Seigneur se dit lui-mme: Je suis mon Fils; je me suis engendr aujourd'hui, et consquemment: Je me suis engendr avant l'aurore. Ou bien encore: Moi, le Seigneur, je me suis cr au commencement de mes voies pour procder mes uvres; je me suis engendr avant toutes les collines, ou d'autres passages ainsi conus. Pourquoi donc le Dieu, Seigneur de l'universalit des tres, craignait-il de s'exprimer en ces termes, si la chose tait vritable? Apprhendait-il de n'tre pas cru, s'il dclarait simplement qu'il tait la fois Pre et Fils? Non; il n'apprhenda qu'une chose, c'est de mentir. Il |194 s'apprhenda lui-mme et sa vrit. Voil pourquoi, comme je crois la vracit de Dieu, je suis convaincu qu'il n'a point parl autrement qu'il n'a dispos, ni dispos autrement qu'il n'a parl. Toi, au contraire, tu fais de Dieu un fourbe et un imposteur, qui se joue de sa parole, si, lorsqu'il tait lui-mme son propre Fils, il imposait un autre ce rle, puisque toutes les Ecritures attestent la dmonstration et la distinction de la Trinit.De l se tire notre prescription que l'tre qui parle, celui qui il parle et de qui il parle, ne peuvent tre un seul et mme tre, parce que ce serait un renversement de toute logique et une imposture indigne de Dieu, que, se parlant lui-mme, il s'adresst un autre plutt que de s'adresser lui-mme. Ecoute maintenant comment le Pre parle de son Fils par la bouche d'Isae: Voici le Fils que j'ai choisi, mon Fils bien-aim dans lequel j'ai plac toutes mes complaisances. Mon esprit reposera en lui: il annoncera aux nations mes jugements. Veux-tu qu'il s'adresse la personne du Fils? C'est peu que tu me serves rparer les restes de Jacob et convertir les tribus d'Isral. Je l'ai prpar comme la lumire des nations et le salut des extrmits de la terre. Veux-tu savoir comment le Fils parle du Pre? L'Esprit du Seigneur repose sur moi, voil pourquoi il m'a marqu de son onction pour annoncer son Evangile aux hommes. Mme langage dans le Psalmiste: Ne m'abandonnez pas jusqu' ce que j'aie annonce votre puissance devant la gnration qui doit venir. De mme dans un autre psaume: Seigneur, pourquoi ceux qui me perscutent se sont-ils multiplis? Mais que dis-je? Presque tous les psaumes parlent au nom du Christ; partout le Fils s'y entretient avec le Pre, c'est--dire le Christ avec Dieu.Remarque de plus l'Esprit saint, parlant comme troisime personne du Pre et du Fils: Le Seigneur dit mon Seigneur: Asseyez-vous ma droite jusqu' ce que je rduise vos ennemis vous servir de marche-pied. |195 De mme, dans Isae: Le Seigneur a dit Jsus-Christ mon Seigneur. De mme encore l'Esprit saint dit au Pre, l'occasion du Fils: Seigneur, qui croira notre parole? Pour qui le bras du Seigneur a-t-il t rvl? Nous l'avons vu; il est semblable un jeune enfant; il est comme l'arbrisseau qui sort d'une terre aride; il n'a ni clat ni beaut.Voil quelques passages entre mille. Car nous n'avons pas la prtention de dvelopper ici toutes les Ecritures, puisque, dans chacun de nos chapitres, invoquant la plnitude de leur tmoignage et de leur majest, nous avons ouvert dans nos traits une discussion plus large. Mais ce peu de lignes suffit nanmoins pour tablir invinciblement la distinction de la Trinit. Qu'y trouvons-nous, en effet? Un Esprit saint qui parle, un Pre auquel il parl, un Fils de qui il parle. De mme les autres passages, qui tantt s'adressent au Pre ou au Fils, au sujet du Fils; tantt au Fils ou au Pre, au sujet du Pre; tantt enfin l'Esprit, constituent chaque personne avec sa proprit distincte.XII.Si le nombre de la Trinit te scandalise, comme tant oppos l'unit de l'essence divine, d'o vient, je te le demande, que Dieu, s'il est seul et unique, parle au pluriel: Faisons l'homme notre image et " notre ressemblance, tandis qu'il aurait d dire: Je fais l'homme mon image et ma ressemblance, puis-qu'il est seul et unique? Mais dans le passage suivant: Voil qu'Adam est devenu comme l'un de nous, n'est-ce pas me tromper ou se jouer de moi que de parler comme s'ils taient plusieurs, lorsqu'il est seul, et concentr dans l'unit? Est-ce aux anges qu'il s'adressait alors, ainsi que l'interprtent les Juifs, parce qu'ils ne reconnaissent pas non plus le Fils? Ou bien, est-ce parce qu'il tait tout la fois Pre, Fils, Esprit, que, se donnant comme pluriel, il s'adresse lui-mme au pluriel? Chimres que tout cela! Comme sa personne taient associes une seconde |196 personne, son Fils et son Verbe, puis encore une troisime personne, l'Esprit dans le Verbe, voil pourquoi il emploie le pluriel: Faisons.....Notre image..... L'un de nous. En effet, avec qui crait-il l'homme? A la ressemblance de qui le crait-il? Il s'entretenait dans l'unit de la Trinit, d'une part, avec le Fils, qui devait un jour revtir la chair de l'homme; de l'autre, avec l'Esprit qui devait un jour le sanctifier, comme avec autant de ministres et de tmoins.D'ailleurs, l'Ecriture ensuite distingue les personnes: et Dieu cra l'homme; il le cra l'image de Dieu. Pourquoi pas la sienne, si celui qui crait tait seul, s'il n'en existait pas un second l'image de qui il crait. Mais il existait quelqu'un l'image de qui il crait, c'est--dire l'image du Fils, qui, devant tre un jour homme plus rel et plus vritable, imposait dj sa ressemblance l'homme qui allait tre form du limon, image et ressemblance de l'homme par excellence.Jusque-l, dans les autres crations du monde, comment est-il crit? en premier lieu, avant que le Fils soit manifest, Dieu dit: que la lumire soit, et la lumire fut; c'est--dire le Verbe, lumire vritable qui illumine tout homme venant en ce monde, et par qui fut cre la lumire du monde elle-mme. Mais du moment que Jsus-Christ est prsent et assiste Dieu dans la personne du Verbe, c'est un Dieu qui commande et un Dieu qui excute: . Et Dieu dit: que le firmament soit. ---- Et Dieu cra le firmament. ---- Et Dieu dit: qu'il y ait dans le ciel des corps lumineux. ----Et Dieu fit deux grands corps lumineux, l'un plus grand, l'autre plus petit. D'ailleurs celui qui a fait les premiers est le mme qui a cr tous les autres, c'est--dire, le Verbe, par qui tout a t fait, et sans qui rien n'a t fait. S'il est vrai que ce dernier est Dieu, selon le tmoignage de Jean, Et le Verbe tait Dieu, ds-lors tu en as deux, l'un qui dit: que cela soit! l'autre qui excute. Mais dans quel sens |197 sont-ils autres? Je l'ai dj dclar; en personnes, mais non en substance; distincts, mais non spars.D'ailleurs, tout en gardant partout l'unit de substance dans ces trois personnes insparablement, unies, la ncessit du sens exige imprieusement que celui qui ordonne soit distinct de celui qui excute. En effet, il n'ordonnerait pas, s'il excutait par lui-mme ce qu'il ordonne son second d'excuter. Il ordonnait nanmoins; donc il ne se ft pas command lui-mme s'il et t seul; ou bien il et opr sans commandement, parce qu'il n'aurait pas attendu qu'il se commandt lui-mme.XIII.Eh bien, rpliques-tu, si c'est un Dieu qui a dit et un Dieu qui a fait, un autre Dieu qui a dit et un autre Dieu qui a fait, vous prchez donc deux dieux. Si tu as le cur si dur, crois-le pour un moment, et afin de t'aider encore le mieux croire, coute le Psaume dsigner deux dieux: Votre trne, Dieu, est un trne ternel; le sceptre de l'quit est le sceptre de votre empire. Vous aimez la justice et vous hassez l'iniquit; c'est pourquoi, Dieu, votre Dieu vous a sacr d'une onction de joie. S'il s'adresse Dieu et qu'il affirme qu'un Dieu a t consacr par un Dieu, il est donc vrai qu'il nous montre ici deux dieux. De l vient qu'Isae parle ainsi la personne de Jsus-Christ: Saba et ses habitants la taille leve viendront vers toi; ils seront en ta puissance; ils marcheront derrire toi les mains lies; on les verra t'adorer et le prier. Un Dieu est en toi, diront-ils; tu es vraiment notre Dieu et nous ne te connaissions pas, Dieu d'Isral! Ici, en disant: Un Dieu est en toi, et Tu es Dieu, le prophte nous montre encore deux dieux, celui qui tait et celui dans lequel il tait, le Christ et l'Esprit.Il y a plus; tu vas en trouver autant dans l'Evangile: Au commencement tait le Verbe; et le Verbe tait en Dieu, et le Verbe tait Dieu. Ici encore, un Dieu qui tait, un autre dans lequel il tait. En outre, j'en vois |198 deux investis du nom de Seigneur: Le Seigneur a dit mon Seigneur: asseyez-vous ma droite. Isae, de son ct, s'exprime en ces termes: Seigneur, qui a cru notre parole? Pour qui le bras du Seigneur a-t-il t rvl? Il aurait dit: ton bras,.... le nom du Seigneur,.... s'il n'avait voulu nous donner entendre le Seigneur pre et le Seigneur fils. Mais la Gense est encore plus ancienne: Le Seigneur fit donc pleuvoir au nom du Seigneur le feu du ciel sur Sodome et Gomorrhe. Nie que ces oracles soient crits, ou bien, qui es-tu, si tu ne crois pas devoir comprendre telles qu'elles sont crites des dclarations qui ont un sens prcis, dtermin, indubitable, que ne recouvre ni l'allgorie ni la parabole? Si tu es un de ceux qui n'attendaient point alors le Seigneur sous le nom de Fils de Dieu, et ne croyaient point lui titre de Seigneur, rappelle-toi encore qu'en outre il est crit: J'ai dit: Vous tes des Dieux et les Fils du Trs-Haut, et, Dieu se leva dans l'assemble des Dieux, afin que si l'Ecriture n'a pas craint d'honorer du nom de Dieux des hommes devenus enfants de Dieu par la foi, tu reconnaisses qu' bien plus juste titre, elle a pu donner ce nom au Fils unique et vritable de Dieu.---- Eh bien, dis-tu, je vous somme de prcher aujourd'hui encore d'aprs l'autorit de ces Ecritures deux Dieux et deux Seigneurs. A Dieu ne plaise! Car nous, qui examinons les temps et les motifs des Ecritures au flambeau de la grce de Dieu, nous, disciples du Paraclet et non des hommes, nous dclarons qu'il y a dans la Trinit deux et mme trois personnes, le Pre, le Fils, avec l'Esprit saint, suivant le plan de l'conomie divine qui admet le nombre, mais non de manire croire, avec votre doctrine errone, que c'est le Pre lui-mme qui s'est incarn, le Pre qui a souffert, ce qu'il n'est pas permis de penser, parce que la tradition ne nous l'a point transmise. Toutefois ce n'est jamais de notre propre bouche que nous nommons deux Dieux et deux Seigneurs, non pas que le Pre |199 ne soit pas Dieu, que le Fils ne soit pas Dieu, que l'Esprit saint ne soit pas Dieu, que chacun enfin ne soit pas Dieu, mais parce que dans le pass, deux Dieux, deux Seigneurs taient annoncs, afin qu' son avnement Jsus-Christ ft reconnu Dieu et proclam Seigneur, puisqu'il tait le fils de Dieu et du Seigneur. Si les Ecritures, en effet, ne mentionnaient qu'un seul Dieu et qu'un seul Seigneur en une seule personne, c'est avec justice que le Christ n'et point t admis au titre de Dieu et de Seigneur. Car elles ne prchaient aucun autre Dieu qu'un seul Dieu et qu'un seul Seigneur. Par l on aurait pu croire que c'est le Pre qui est descendu, puisque les Ecritures ne montraient qu'un seul Dieu et qu'un seul Seigneur, et son conomie tout entire, ordonne et dispose pour servir d'exercice notre foi, ne serait plus que confusion et tnbres.Mais aussitt que le Christ fut descendu, et qu'il eut t reconnu par nous comme l'un de ceux qui constituaient le nombre auguste, le second partir du Pre, et le troisime avec l'Esprit; lorsqu'enfin le Pre eut t plus pleinement manifest par lui, le nom de Dieu et de Seigneur put l'amen l'unit, afin que les Nations ayant pass de la multitude des idoles au culte du Dieu unique, il y et une diffrence entre les adorateurs d'un seul Dieu et les disciples du polythisme. Car il fallait que les Chrtiens brillassent dans le monde comme des enfants de la lumire, en ne servant et en ne nommant qu'un seul Dieu et qu'un seul Seigneur.D'ailleurs si, connaissant au fond de nos consciences que le nom de Dieu et de Seigneur convient galement et au Pre et au Fils et l'Esprit, nous les appellions Dieux et Seigneurs, ce serait teindre nos flambeaux, devenus plus timides pour le martyre, puisque nous ouvririons par l une porte pour chapper la mort, en jurant aussitt par les Dieux et les Seigneurs, la manire de certains hrtiques qui admettent plusieurs Dieux. Je ne dirai donc jamais les Dieux ni les Seigneurs; mais je suivrai l'Aptre, |200 et s'il me faut nommer ensemble le Pre et le Fils, je m'exprimerai ainsi: Dieu le Pre, Jsus-Christ notre Seigneur. S'agit-il de Jsus-Christ seulement, je pourrai le nommer Dieu avec le mme Aptre: De qui est sorti selon la chair Jsus-Christ mme, le Dieu au-dessus de toutes choses, et bni dans tous les sicles. Que je parle du rayon lui seul, je l'appellerai soleil. Mais si je nomme le soleil dont il est le rayon, je ne donnerai plus au rayon le nom de soleil. Quoique je ne reconnaisse pas deux soleils, cependant je distinguerai aussi bien le soleil et le rayon, aussi bien deux choses et deux espces d'une seule et indivisible substance que Dieu et son Verbe, que le Pre et le Fils.XIV.Nous avons encore pour nous aider maintenir la distinction entre le Pre et le Fils le principe qui a dclar que Dieu est invisible. En effet, lorsque Mose dans l'Egypte dsire voir le Seigneur: Maintenant donc, si j'ai trouv grce devant vous, faites que je vous voie et que je vous connaisse, il lui est rpondu: Tu ne pourras voir ma face, car l'homme ne me verra point sans mourir. Qu'est-ce dire? Tout homme qui m'aura vu mourra. Nous trouvons cependant que beaucoup virent Dieu, et qu'aucun de ceux qui l'avaient vu n'tait mort. Oui, ils avaient vu Dieu selon la capacit de l'homme, mais non suivant la plnitude de la divinit. Il est rapport que, parmi les patriarches, Abraham et Jacob; parmi les prophtes, Ezchiel et Isae virent Dieu, et cependant ils ne sont point morts. Consquemment, ou ils auraient d mourir s'ils avaient vu Dieu, car personne ne verra Dieu sans mourir, ou bien, s'ils ont vu Dieu et ne sont pas morts, l'Ecriture est convaincue de mensonge, soit qu'elle affirme que Dieu est invisible, soit qu'elle dclare qu'il a t vu. Ce sera donc un autre qui tait vu, parce que de celui qui tait vu on ne peut dire qu'il tait invisible. La consquence veut que par celui qui est invisible, nous entendions le Pre, cause de la plnitude de sa |201 majest, et que dans celui qui est visible, nous reconnaissions le Fils, cause de la drivation qui tempre sa grandeur, de mme qu'il ne nous est pas permis de contempler le soleil, quant l'intgrit de sa substance qui est dans les d'eux, tandis que nos yeux supportent son rayon, cause de l'affaiblissement de cette parcelle de lui-mme qui s'abaisse vers la terre.Ici on nous opposera peut-tre que le Fils est galement invisible, puisqu'il est Verbe et Esprit, et en rclamant pour le Pre et pour le Fils une seule et mme nature, on en conclut que le Pre et le Fils ne sont qu'une seule et mme personne.Mais l'Ecriture, nous l'avons dit, rend tmoignage la diffrence des personnes, en distinguant celle qui est visible d'avec celle qui est invisible. Car nos adversaires insistent en ces termes: Si c'et t le Fils qui s'entretenait alors avec Mose, il et dclar lui-mme que personne ne pouvait voir sa face, parce que c'tait toujours le Pre qui tait invisible sous le nom de Fils. Par ce raisonnement, ils veulent que le mme ait t tout la fois visible et invisible, de mme qu'ils confondent le Pre avec le Fils, parce qu'un peu plus haut, avant que Dieu refuse Mose la facult de le voir, il est crit: Le Seigneur parlait Mose face face, comme un homme parle son ami; et que Jacob dit galement: J'ai vu le Seigneur face face. Le mme est donc tout la fois visible et invisible. Et parce que le mme est la fois l'un et l'autre, il est donc aussi invisible, en tant que Pre, et visible en tant que Fils. Comme si l'interprtation de l'Ecriture, sur laquelle nous nous appuyons, ne convenait pas aussi au Fils, en laissant le Pre dans son invisibilit! Nous dclarons en effet que le Fils tait galement invisible en son propre nom, comme Verbe et Esprit de Dieu, par la communaut de sa substance, en tant que Dieu, Verbe et Esprit, mais qu'avant de revtir la chair, il fut visible de la manire qu'il dit Aaron et Marie: Si |202 quelqu'un parmi vous est prophte du Seigneur, je lui apparatrai dans une vision ou je lui parlerai dans le sommeil. Mais il n'en est pas ainsi de mon serviteur Mose; car je lui parle bouche bouche, c'est--dire en vrit et non en nigme ou en image, ainsi que le dit l'Aptre: Nous ne voyons Dieu maintenant que comme dans un miroir et sous des images obscures; mais alors nous le verrons face face.Par consquent, puisqu'il rserve Mose l'honneur de sa prsence et de sa conversation face face pour l'avenir, car cet oracle s'accomplit plus tard la lettre sur la montagne carte, o nous lisons dans l'Evangile qu'il s'entretint avec Mose, il est vident que, par le pass, Dieu, c'est--dire le Fils de Dieu, ne se montra jamais, soit aux prophtes, soit aux patriarches, soit Mose lui-mme, qu'en image, en nigme, en songe ou en vision.D'ailleurs, si le Seigneur s'entretint avec Mose, de manire ce que Mose vt sa face de prs, d'o vient que, sur-le-champ et au mme passage, il dsire voir sa face, qu'il ne demanderait point voir s'il l'avait dj vue? Et puis, comment Dieu dclare-t-il que personne ne peut voir sa face, puisqu'il l'avait montre, si toutefois il l'avait montre? Ou bien, quelle est la face de Dieu dont l'aspect est refus, s'il y en a une qui a t contemple? J'ai vu Dieu face face, s'crie Jacob, et mon ame est sauve. Assurment la face qui tue, quand on la voit, doit tre diffrente. Ou bien, c'tait le Fils qui se montrait, tant ainsi la face du Seigneur, mais qui se montrait en vision, en songe, dans un miroir, en nigme, parce que le Verbe et l'Esprit ne peuvent tre visibles qu'a l'il de l'imagination. Son Pre qui est invisible, il l'appelle sa face. Quel Pre, en effet, ne sera la face du Fils, en vertu de l'autorit que le Fils tire de son Pre? Car il ne convient pas de dire de quelque personne suprieure: Cet homme est ma face; ou bien, il me sert de face. Mon Pre, dit-il, est plus grand que moi. Le Pre sera donc la face du |203 Fils. En effet, comment parle l'Ecriture? L'Esprit de sa personne, Jsus-Christ, notre Seigneur. Si donc Jsus-Christ est l'Esprit de la personne de son Pre, c'est bon droit qu'en vertu de l'unit il appela sa face, celui dont il tait l'Esprit et 'la personne, c'est--dire son Pre. Que le Pre, qui est la tte de son Fils, pt tre appel sa face, je m'en tonnerais. Dieu est la tte du Christ.XV.Si je n'ai pas russi prouver ce point par les textes de l'Ecriture ancienne, j'emprunterai au Testament nouveau la confirmation de notre explication, pour t'empcher d'attribuer au Pre ce que je revendique pour le Fils. Voil que je trouve dans les Evangiles et dans les Aplres un Dieu visible et invisible sous la distinction manifeste et personnelle de l'une et de l'autre nature. Jean s'crie en quelque faon: Personne n'a jamais vu Dieu. Dans le pass, non sans doute. Il a coup court toute discussion sur le temps quand il a dclar que personne n'avait jamais vu Dieu. L'Aptre confirme cette vrit: Dieu, dit-il, qu'aucun homme n'a jamais vu et mme ne peut voir; apparemment parce qu'il mourrait, s'il le voyait. Les mmes Aptres attestent solennellement qu'ils ont vu Dieu et qu'ils l'ont touch. Si Jsus-Christ est le mme que Dieu, et le Fils le mme que le Pre, comment peut-il tout la fois avoir t vu et n'avoir pas t vu?Pour rduire un seul tre la diversit de celui qui est vu et de celui qui n'est pas vu, j'entends mon adversaire me rpondre que les deux expressions sont justes, que Dieu fut visible quand il eut revtu la chair, invisible avant de l'avoir revtue, de sorte que le Pre, invisible avant la chair, est le mme que le Fils visible dans son humanit. Et moi je demande, si le Pre tait invisible avant d'avoir revtu la chair, d'o vient que l'Ecriture me dit qu'on l'a vu avant qu'il se ft incarn? De mme, s'il est visible une fois incarn, d'o vient que les Aptres le dclarent maintenant encore invisible? Pourquoi? Sinon parce qu'il en existe un autre, qui, aprs avoir t aperu autrefois en |204 nigme, s'est manifest plus pleinement par son humanit, et cet autre, c'est le Verbe qui s'est fait chair, et que personne n'a jamais vu, except le Pre, puisque c'est son Verbe.Enfin, examinons quel est celui qu'on, vu les Aptres? Ce que nous avons vu de nos yeux, dit Jean, ce que nous avons considr, ce que nos mains ont touch, la parole de vie. La parole ou le Verbe de vie, en effet, s'tant incarn, a t vu, a t entendu, a t touch, parce que celui-l s'est incarn qui, avant sa chair, tait Verbe au commencement dans Dieu le Pre, et non le Pre dans le Verbe. Car, quoique le Verbe soit Dieu, il ne laisse pas d'tre en Dieu, parce qu'il est Dieu de Dieu, avec le Pre dans le Pre. Et nous avons vu sa gloire, comme la gloire que reoit de son Pre le Fils unique; tu l'entends! la gloire du Fils unique, c'est--dire de celui qui est visible et qui a t glorifi par le Pre invisible. Voil pourquoi, ayant appel tout l'heure Dieu le Verbe de Dieu, pour ne pas venir en aide la prsomption de nos adversaires, comme s'il avait vu le Pre en personne, l'Aptre, afin de distinguer d'avec le Pre qui est invisible, le Fils qui est visible, ajoute comme par surcrot: Nul ne vit jamais Dieu. Quel Dieu? Le Verbe? Non sans doute. Il vient de dire: Ce que nous avons vu, ce que nous avons entendu, ce que nous avons touch. Mais quel Dieu, donc? Le Pre, en qui tait le Verbe, c'est--dire le Fils unique de Dieu qui rsidait dans le sein du Pre, comme il nous l'a manifest lui-mme. Voil celui qui a t vu, celui qui a t entendu, celui qui mme a t touch, de peur qu'on ne le crt un fantme. Voil celui qu'a vu Paul, qui cependant n'a pas vu le Pre. N'ai-je pas vu Jsus? dit-il. Mais Paul lui-mme proclame la divinit de Jsus-Christ: Qui ont pour pres les patriarches, dit-il, et de qui est sorti, selon la chair, Jsus-Christ mme, le Dieu au-dessus de toutes choses et bni dans tous les sicles. Il nous montre galement que le |205 Fils de Dieu, c'est--dire le Verbe, est visible parce que celui qui s'est incarn a t appel le Christ. Il parle ainsi Timothe du Pre: Qu'aucun homme n'a vu ni ne peut voir: puis, pour donner encore une plus haute ide de sa grandeur: Qui seul possde l'immortalit, qui habile une lumire inaccessible. Il avait dit plus haut: Au roi des sicles, au Dieu qui est l'immortel, l'invisible, l'unique, afin que nous attribuassions au Fils les qualits opposes, la mortalit, la visibilit. Ailleurs Paul dclare qu'il est mort selon les Ecritures, et enfin qu'il s'est fait voir lui, dans sa lumire accessible par consquent, quoique cependant il ne l'et pas contemple sans courir le risque de perdre la vue; ni Pierre, Jean et Jacques, sans pril pour leur raison et une dmence passagre. Si c'tait le Pre qu'ils eussent vu dans sa splendeur, et non la gloire du Fils qui allait souffrir, ils seraient morts sans aucun doute. Nul, en effet, ne verra Dieu sans mourir.S'il en est ainsi, il est certain que celui qui se montra vers la fin des temps se montra toujours ds le commencement, et que celui qui ne se montra point vers la fin des temps ne se montra point non plus dans le commencement; que par consquent il en existe deux, l'un qui a t vu, l'autre qui n'a point t vu. C'est donc le Fils qui a toujours t vu, le Fils qui a toujours convers; le Fils qui a toujours opr, conformment l'autorit et la volont du Pre, parce que le Fils ne peut rien faire par lui-mme qu'il ne le voie faire au Pre, qui le fait en pense; car le Pre agit par pense. Quant au Fils, qui rside dans la pense du Pre, il excute en voyant. C'est ainsi que tout a t fait par le Fils, et que rien n'a t fait sans lui.XVI.Et ne t'imagine pas que le Fils ait prsid seulement la cration du monde: tout ce qui a t fait depuis l'a t par lui. Le Pre, qui aime le Fils, lui a remis en main toutes choses. Donc, il l'aime ds l'origine; donc |206 il lui a remis en main toutes choses ds le commencement. Depuis que le Verbe tait en Dieu et que le Verbe tait Dieu, toute puissance lui a t donne au ciel et sur la terre. Le Pre ne juge personne, mais il a remis tout jugement au Fils, ds le commencement toutefois. En disant que toute puissance et tout jugement lui ont t donns, que tout a t fait par lui, et que tout lui a t remis en main, il n'excepte aucune poque, parce que le mot tout serait une imposture, s'il y avait quelque temps d'except. Consquemment, c'est le Fils qui a jug ds le commencement, en brisant la tour de l'orgueil, en dispersant les langues, en chtiant l'univers par le dbordement des eaux, en faisant pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe le soufre et le feu, Seigneur du Seigneur. C'est encore lui qui descendit souvent jusqu' converser avec l'homme; lui qui, depuis Adam jusqu'aux patriarches et aux prophtes, prludant ds le commencement en vision, en songe, en image, en nigme, l'uvre qu'il devait poursuivre jusqu' la fin, apprenait ainsi tous les jours. Et quel autre Dieu a pu converser ici-bas avec les hommes, que le Verbe qui devait s'incarner? Mais pourquoi apprendre ainsi tous les jours? Pour nous aplanir les routes de la foi; pour nous incliner, plus facilement croire que le Fils de Dieu tait descendu dans le monde, quand nous saurions que le pass avait dj vu quelque chose de semblable; car tout ce qui a t crit, de mme que tout ce qui a t fait, a t crit et fait pour nous instruire, nous qui sommes la fin des temps. Voil pourquoi aussi il connat dj ds ce moment les affections humaines, puisqu'il devait emprunter l'homme sa double substance, sa chair et son ame. Regardez-le! Il interroge Adam, comme s'il ne savait pas o il est; il se repent d'avoir cr l'homme, comme si sa prescience ne l'avait pas averti d'avance; il prouve Abraham, comme s'il ignorait ce qui se passe dans l' homme; a-t-il t offens, il se rconcilie; et enfin les mille circonstances que les hrtiques |207 reprochent Dieu comme indignes de lui, afin de dcrditer le Crateur, ignorant sans doute que tout cela convenait au Fils qui devait passer par toutes les souffrances humaines, la soif, la faim, les larmes, la naissance et jusqu' la mort elle-mme. C'est dans ce sens que son Pre l'a abaiss pour un moment au-dessous des anges.Mais les hrtiques eux-mmes n'admettront pas que ce que tu attribues au Pre, c'est--dire ses abaissements pour nous, convienne au Fils, puisque l'Ecriture dclare que l'un a t abaiss par l'autre, et non le mme par lui-mme. Mais que diras-tu s'il y en avait un qui tait couronn de gloire et, d'honneur, et un autre qui couronnait, c'est--dire que le Pre couronnait le Fils?D'ailleurs, qui croira que ce mme Dieu tout-puissant et invisible que nul n'a jamais, vu ni ne peut voir; ce Dieu qui habite une lumire inaccessible, qui ne rside pas dans un palais bti de la main des hommes; devant la face de qui la terre tremble et les montagnes se fondent comme la cire; qui prend dans sa main l'univers comme un nid d'oiseaux; qui a le ciel pour trne, la terre pour marche-pied; dans lequel est renferm tout espace, sans que lui-mme soit born par l'espace; qui est la dernire ligne de l'univers; qui croira que ce Trs-Haut se soit, promen le soir dans le paradis, cherchant Adam; qu'il ait ferm l'arche aprs l'entre de No; qu'il se soit, repos chez Abraham sous le chne de Mambr; qu'il ait, appel Mose du buisson ardent; qu'il se soit montr, lui quatrime, dans la fournaise du roi de Babylone; (mais que dis-je? le Fils de l'Homme y est appel par son nom) si tout cela n'avait eu lieu en image, en nigme, et comme travers un miroir? En vrit, ce qu'il faudrait rejeter par rapport la personne du Fils, si cela 'tait crit, je ne le croirais pas, quand mme cela serait crit, par rapport au Pre, que ces hrtiques font descendre dans le sein de la vierge Marie, placent devant le tribunal de Pilate, et enferment dans le tombeau de Joseph. Par l |208 donc se manifeste toute leur erreur. Comme ils ignorent que ds le commencement l'ensemble des dispositions divines s'est accompli par le Fils, ils s'imaginent que c'est le Pre qui s'est montr, qui a parl, qui a opr, qui a endur la faim et la soif, (malgr cet oracle du prophte: Le Dieu ternel ne connat ni la faim, ni la soif, plus forte raison la mort et la spulture; ) par consquent qu'un seul et mme Dieu, c'est--dire le Pre, a toujours fait ce qui a t fait par le Fils.XVII.Ils ont trouv plus raisonnable de penser que le Pre avait agi au nom du Fils plutt que le Fils au nom du Pre, quoique le Seigneur lui-mme nous dise: Je suis venu au nom de mon Pre. Ailleurs, il parle ainsi son Pre: J'ai rvl ton nom aux hommes. Mme langage dans l'Ecriture: Bni, s'crie-t-elle, celui qui vient au nom du Seigneur; c'est--dire le Fils au nom du Pre. Ces noms donns au Pre, ne tmoignent-ils pas encore contre eux: Le Dieu tout-puissant, ---- le Trs-Haut, ---- le Dieu des armes, ---- le Roi d'Isral, ---- celui qui est? Nous soutenons, ainsi que l'enseignent les Ecritures, que ces mmes noms conviennent au Fils, que le Fils est venu sous ces noms, qu'il opra toujours en eux, et qu'il les manifesta aux hommes dans sa personne. Tout ce qui est mon Pre est moi, dit-il. Pourquoi pas les noms aussi? Lors donc que tu lis: Le Dieu tout-puissant, ---- le Trs-Haut, ---- le Dieu des vertus, ---- le Roi d'Isral, ---- celui qui est, prends garde que ces noms ne soient la dmonstration du Fils; Dieu tout-puissant par lui-mme, puisqu'il est le Verbe du Dieu tout-puissant, et que toute puissance a t remise entre ses mains; Trs-Haut, puisqu'il est exalt comme la droite de Dieu, ainsi que Pierre le dclare dans les Actes des Aptres; Dieu des armes, puisque tout lui a t soumis par son Pre; Roi d'Isral, puisqu' proprement parler, il a t la destine de cette nation; enfin, celui qui est, parce que beaucoup sont honors du nom de Fils sans l'tre rellement. En |209 attendant, que ma rponse serve aussi rfuter ceux qui allguent ce passage de l'Apocalypse de Jean: Je suis le Seigneur qui est, qui tait, et qui doit venir, le Tout-Puissant; et tous ceux qui ne pensent pas que la dnomination de Tout-Puissant puisse convenir au Fils, comme si celui qui doit venir n'tait pas aussi tout-puissant, puisque le Fils du Tout-Puissant est aussi bien Tout-Puissant que le Fils de Dieu est Dieu.XVIII.Mais ce qui les empche d'apercevoir dans le Fils la communaut des noms paternels, c'est que l'Ecriture proclame souvent l'unit de Dieu, comme si la mme Ecriture ne nous montrait pas souvent deux Dieux et deux Seigneurs, ainsi que nous l'avons prouv plus haut.---- Puisque nous lisons tantt qu'il n'y a qu'un seul Dieu, tantt qu'il y en a deux, rpliquent nos adversaires, il faut en conclure que l'un et l'autre sont le mme, tout la fois Pre et Fils.---- L'Ecriture ne court aucun pril pour que votre raisonnement lui vienne en aide, afin d'empcher qu'elle ne semble se contredire. Elle a ses motifs et se suffit elle-mme, soit qu'elle proclame l'unit de Dieu, soit qu'elle distingue le Pre d'avec le Fils. Il est certain qu'elle nomme le Fils. Elle a pu dclarer bon droit, et sans porter atteinte au Fils, que le Dieu qui a un Fils est un Dieu unique. En effet, celui qui tant lui-mme unique, a un Fils, ne laisse pas d'exister en son propre nom, toutes les fois qu'il est nomm sans son Fils. Or, il est nomm sans son Fils toutes les fois qu'il est dsign principalement comme la premire personne, qu'il fallait tablir avant le nom de Fils, parce que la paternit doit tre connue d'abord, et que le Fils n'est nomm qu'aprs le Pre. Par consquent, Dieu le Pre est le Dieu unique, et il n'y en a pas d'autre que lui. Quand il conclut ainsi, il ne nie pas le Fils, il nie seulement qu'il y ait un autre Dieu que lui, parce que le Fils n'est pas un autre Dieu que le Pre.Enfin examine ce qui suit ces dclarations, et tu |210 reconnatras que la plupart de leurs dispositions s'appliquent ceux qui fabriquent et honorent les idoles, afin que l'unit de la divinit bannisse la multitude des faux dieux, mais l'unit toutefois qui a un Fils aussi indivisible et insparable du Pre qu'il est exprim dans le Pre, quoiqu'il n'ait pas t nomm. Il y a mieux: si Dieu l'avait nomm, il l'et spar de lui-mme en disant: Il n'y en a pas d'autre que moi, except mon Fils. Excepter son Fils, c'et t le dclarer diffrent. Supposons que le soleil tienne ce langage: Je suis le soleil, d'autre que moi, il n'y en a pas, except mon rayon; n'aurais-tu pas cri la contradiction; comme si le rayon n'tait pas compris lui-mme dans le soleil! Dieu proclama donc qu'il n'y avait pas d'autre Dieu que lui-mme, soit cause de l'idoltrie des nations et d'Isral, soit cause des hrtiques qui, de mme que les nations se taillent des idoles de leurs mains, se forgent aussi en paroles un Dieu et un Christ chimrique. Ainsi, quand il rendait tmoignage son unit, le Pre agissait dans les intrts du Fils, afin que l'on ne crt pas que Jsus-Christ tait venu au nom d'un autre Dieu, mais au nom de celui qui avait dit d'avance: Je suis Dieu, et il n'y en a pas d'autre que moi, et qui se dclare le Dieu unique, mais dans la socit du Fils avec qui seul il a tendu les deux.XIX.Mais voil qu'ils s'emparent de cet oracle, J'ai tendu seul les cieux comme d'un tmoignage qui exclut la Trinit des personnes. Faisant ici le procs toutes les autres Vertus, le mol seul rfute d'avance les conjectures des hrtiques qui veulent que le monde ait t cr par les anges et les puissances ennemies, ou qui font du Crateur un ange envoy pour crer son insu le monde et tout ce qu'il renferme. Ou bien, si c'est ainsi que seul il a tendu les cieux comment ces hrtiques donnent-ils ce texte une interprtation errone, comme s'il rejetait la personnalit de cette Sagesse qui dit: Lorsqu'il affermissait les cieux, j'tais avec lui? Si l'Aptre a dit: |211 Qui connat les desseins de Dieu? Qui est entr dans le secret de ses conseils? il se repond lui-mme: except la Sagesse qui tait avec lui. Elle tait avec lui, mais dans lui et disposant toutes choses avec lui, toutefois sans qu'il ignort ce qu'il faisait. L'Aptre donc, en disant except la Sagesse, dit excepte le Fils, qui est Jsus-Christ, sagesse et vertu de Dieu, qui seul connat les desseins du Pre, ainsi qu'il le tmoigne encore: Personne ne connat ce qui est en Dieu, sinon l'Esprit qui est en lui. Tu l'entends, mais non celui qui est hors de lui. Il y avait donc en Dieu une autre personne en vertu de laquelle il n'tait pas seul, sinon qu'il tait seul par rapport toutes les autres Puissances.Eh bien! rcusez mme l'Evangile quand il dit: Dieu a tout fait par le Verbe, et sans lui, rien n'a t fait; la bonne heure! Mais, si je ne me trompe, il est crit galement ailleurs: Les cieux ont t crs par le Verbe ou la parole du Seigneur, et l'arme des cieux par le souffle de sa bouche. Ce Verbe, cette parole, cette vertu, cette sagesse, ce sera le Fils de Dieu en personne. Par consquent, s'il a cr toutes choses par le Fils, en tendant les cieux par le Fils, il ne les a point tendus seul, si ce n'est dans le sens qu'il n'a rien de commun avec les autres puissances. Aussi bien voil qu'il parle ensuite du Fils: Quel autre a rendu inutiles les prestiges des devins et insenss ceux qui prononcent des oracles? il renverse la science des sages et change leur sagesse en folie? Oui, en le nommant son Fils, en disant: Celui-ci est mon Fils bien-aim; coutez-le! Ainsi, parler immdiatement de son Fils, c'est nous expliquer lui-mme dans quel sens il a tendu seul les cieux, c'est--dire seul avec son Fils. De mme qu'il ne fait qu'un avec le Fils. De l vient que le Fils son tour dira: Moi seul j'ai tendu les cieux, parce que les cieux ont t affermis par le Verbe. Comme le ciel a t affermi par l'assistance de la Sagesse ou du Verbe, |212 et que tout a t fait par le Verbe, on peut dire lgitimement que le Fils seul a tendu les cieux, parce que seul il a t le ministre du Pre. Du mme il dira encore: Je suis le premier et le dernier. Oui, sans doute, le premier en qualit de Verbe: Au commencement tait le Verbe; dans ce commencement o le Pre l'engendra. D'ailleurs, le Pre n'ayant pas de commencement, on ne peut dire de lui qu'il a t engendr par qui que ce soit, puisqu'il est incr. Celui qui a toujours t seul n'admet pas de rang. Si donc les hrtiques ont cru que pour sauver le dogme de l'unit, de Dieu, il fallait que le Pre et le Fils fussent la mme personne, son unit est sauve, puisque, tout en tant seul, il a un Fils auquel rendent tmoignage les mmes Ecritures. S'ils ne veulent pas que le Fils soit regard comme une seconde personne, distincte du Pre, de peur que cette distinction n'ait l'air d'tablir deux Dieux, nous avons montr que l'Ecriture mentionne aussi deux Dieux et deux Seigneurs; et pour les empcher de se scandaliser, nous leur avons expos qu'il ne s'agit pas de deux Divinits diffrentes, de deux Seigneurs diffrents, mais seulement du Pre et du Fils, comme formant deux personnes distinctes, non pas en substance, mais en disposition, puisque nous reconnaissons le Fils insparablement uni au Pre, et semblable en essence bien que diffrent en degr. Quoique nous l'appellions Dieu quand nous le nommons seul, il ne fait pas deux Dieux, mais un Dieu unique, par la mme qu'il doit tre appel Dieu en vertu de l'unit du Pre.XX.Mais il faut encore rfuter les arguments de ceux qui empruntent aux Ecritures quelques passages pour appuyer leur opinion, faute de vouloir les comparer avec les autres textes qui maintiennent la rgle, et cela sans porter atteinte l'unit de Dieu et mme de leur monarchie. De mme que dans l'ancien Testament, ils ne gardent que cet oracle: Je suis Dieu, et il n'en est pas d'autre que moi, de mme dans l'Evangile, ils ne s'arrtent qu' cette rponse du Seigneur Philippe: Mon Pre et moi, |213 nous ne sommes qu'un. ---- Celui qui m'a vu, voit mon Pre. ---- Je suis dans mon Pre, et mon Pre est en moi. Ils veulent que l'instrument tout entier des deux Testaments le cde ces trois autorits, quoique la plus grande partie doive servir l'explication de la plus petite. Mais telle est la marche adopte par tous les hrtiques. Comme dans une multitude de textes ils ne peuvent en dcouvrir que quelques-uns, ils dfendent le petit nombre contre le grand nombre, et ce qui est postrieur contre ce qui est antrieur. Mais le principe de la vrit tablie ds le commencement prescrit partout en faveur de la priorit contre la postriorit, en faveur du grand nombre contre le petit nombre.XXI.Ecoute donc combien de fins de non-recevoir t'oppose l'Evangile avant toute argumentation. D'abord, Jean l'Evangliste commence par nous montrer dans sa prface ce qu'tait autrefois celui qui devait s'incarner: Au commencement tait le Verbe, et le Verbe tait en Dieu, et le Verbe tait Dieu. Il tait au commencement en Dieu; tout a t fait par lui, et rien n'a t fait sans lui. Si ces paroles ne doivent pas tre comprises autrement qu'elles ont t crites, il est indubitable qu'elles nous montrent qu'autre est celui qui fut ds le commencement, et autre celui dans lequel il fut; qu'autre est le Verbe et autre Dieu, quoique le Verbe soit aussi Dieu, mais en tant que Fils de Dieu, et non en tant que Pre; qu'autre est celui qui cre toutes choses et autre celui par lequel il cre toutes choses. Nous avons dj expos plus d'une fois dans quel sens nous disons qu'il est autre. Nous devons l'appeler ncessairement antre et non le mme, autre sans admettre aucune sparation, autre en disposition, mais non en division. Ce Verbe qui s'est fait chair n'est donc pas le mme que celui dont il est le Verbe. C'est sa gloire que nous avons vue, la gloire que reoit de son Pre le Fils unique; donc ce n'est pas la gloire du Pre. Le Fils unique qui est dans le sein du Pre nous |214 l'a manifest lui-mme; donc ce n'est pas le Pre qui s'est manifest lui-mme. Car il a t dit auparavant: Nul ne vit jamais Dieu. Jean le dsigne encore sous le nom d'Agneau de Dieu; mais non comme celui dont il est le bien-aim. Assurment il est toujours Fils de Dieu, mais il n'est pas celui dont il est le Fils. C'est ce qu'avait compris Nathanal, ainsi que Pierre ailleurs: Vous tes le Fils de Dieu. Et qu'ils l'eussent sagement compris, il le confirme lui-mme, ici, quand il rpond Nathanal: Si je te disais que je t'ai vu sous le figuier, ne le croirais-tu pas? et l, quand il proclame Pierre bienheureux, parce que ce n'taient ni la chair ni le sang qui lui avaient rvl ceci ( il avait confess le Pre ), mais le Pre qui est dans les cieux. Par ce mot, il tablit la distinction des deux personnes, du Fils qui tait sur la terre, et que Pierre avait reconnu pour le Fils de Dieu, et du Pre qui tait dans les cieux, et qui avait rvl Pierre ce que Pierre avait reconnu, c'est--dire la divine filiation de Jsus-Christ. Entre-t-il dans le temple? il l'appelle la maison de son Pre; c'est un Fils qui parle. Il en est de mme quand il dit Nicodme: Dieu a tellement aim le monde, qu'il lui a donn son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne prisse point, mais qu'il ait la vie ternelle. Et ailleurs: . Car Dieu n'a pas envoy son Fils dans le monde pour juger le monde, mais afin que le monde soit sauv par lui. Qui croit en lui ne sera point jug, mais qui n'y croit point est dj jug; car il ne croit pas au nom du Fils unique de Dieu.Jean lui-mme est-il interrog sur ce qu'il pensait de Jsus, . le Pre, rpondit-il, aime le Fils, et lui a remis toutes choses entre les mains. Qui croit au Fils, a la vie ternelle; qui est incrdule au Fils de Dieu, ne verra point Dieu; mais la colre de Dieu demeure sur lui. Pour qui se donne-t-il la Samaritaine? Pour le messie qui est appel Christ; par consquent c'tait montrer qu'il tait le Fils et non le Pre, puisqu'ailleurs le Christ est |215 appel Fils de Dieu et non son Pre. Il dit ensuite ses disciples: Ma nourriture est de faire la volont de celui qui m'a envoy, afin d'accomplir son uvre. Il parle ainsi aux Juifs, aprs avoir rendu la sant au paralytique: Mon Pre agit toujours et moi aussi. Mon Pre et moi, dit le Fils. Enfin, si les Juifs voulaient le mettre mort, ce n'est pas seulement parce qu'il violait la loi du sabbat, mais parce qu'il se disait Fils de Dieu, en s'galant Dieu. Alors, que leur rpondait-il? Le Fils ne peut rien faire par lui-mme qu'il ne le voie faire au Pre; quelque chose que celui-ci fasse, le Fils aussi le fait comme lui. Car le Pre aime le Fils, et lui montre tout ce qu'il fait, et il lui montrera de plus grandes uvres que celles-ci, afin que vous admiriez. Comme le Pre ressuscite les morts et les vivifie, ainsi le Fils vivifie ceux qu'il veut. Le Pre ne juge personne, mais il a donn tout jugement au Fils, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Pre; celui qui n'honore point le Fils, n'honore point le Pre, qui l'a envoy. En vrit, en vrit, je vous dis que celui qui coute ma parole et croit celui qui m'a envoy, a la vie ternelle et ne sera point condamn; il passe de la mort la vie. En vrit, en vrit, je vous dis que l'heure vient, et elle est dj venue, o les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l'auront oue vivront. Car, comme le Pre a la vie en soi, ainsi a-t-il donn au Fils d'avoir la vie en soi; et il lui a donn la puissance de rendre les jugements, parce qu'il est le Fils de l'homme, par la chair, de mme qu'il est le Fils de Dieu par son Esprit. Il ajoute encore: Mais moi, j'ai un tmoignage plus grand que celui de Jean; car les uvres que mon Pre m'a donnes accomplir, ces uvres que je fais, rendent tmoignage de moi que mon Pre m'a envoy. Et le Pre, qui m'a envoy, a lui-mme rendu tmoignage de moi. En ajoutant encore aussitt: Jamais vous n'avez entendu sa voix, ni vu l'clat de sa beaut, il |216 confirme que ce n'est pas le Pre, mais le Fils, qui a t vu et entendu autrefois. Enfin, il dit: Je suis venu au nom de mon Pre, et vous ne m'avez point reu; tant il est vrai que c'tait toujours le Fils sous le nom de Dieu, de Roi, de Seigneur, de Tout-Puissant, et de Trs-Haut. A ceux qui lui demandent ce qu'ils ont faire, il rpond: Croyez celui que Dieu a envoy. Il dclare plus bas qu'il est le pain que le Pre devait donner du haut des cieux: Tout ce que mon Pre me donne, poursuit-il, viendra moi, et je ne rejetterai point celui qui se prsentera. Car je suis descendu du ciel, non pour faire ma volont, mais la volont de celui qui m'a envoy. Or la volont du Pre est que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie et la rsurrection. Nul ne peut venir moi, si le Pre qui m'a envoy ne l'attire. Quiconque a ou le Pre et en a l'intelligence, vient moi. Non qu'aucun ait vu le Pre, ajoute-t-il encore ici, afin de montrer que c'est le Verbe du Pre qui les enseigne. Mais lorsque la multitude l'abandonne, et qu'il demande ses aptres s'ils veulent l'abandonner aussi, que rpondit Simon Pierre? O irions-nous? Vous avez les paroles de la vie, et nous croyons que vous tes le Christ. L'a-t-il nomm le Pre ou le Christ du Pre?XXII.De quelle doctrine, nous dit-il, que les auditeurs s'tonnaient? De la sienne ou de celle de son Pre? De mme, quand ils s'interrogent entre eux pour savoir s'il tait le Christ, ils ne se demandent pas s'il est le Pre, mais s'il est le Fils. . Vous ne savez pas, dit-il, d'o je suis; je ne suis point venu de moi-mme; mais celui qui m'a envoy est vritable, et vous ne le connaissez point. Mais moi je le connais, car je suis par lui, et c'est lui qui m'a envoy. Il n'a pas dit: c'est moi qui me suis envoy moi-mme, mais c'est lui qui m'a envoy. De mme quand les Pharisiens furent envoy pour mettre la main sur lui, il leur dit: Je suis encore un peu de temps avec vous, et je retourne celui qui m'a envoy. |217 Mais o nie-t-il donc qu'il soit seul? Mon Pre qui m'a envoy, et moi, dit-il. N'est-ce pas l dmontrer qu'ils sont deux, aussi rellement deux que rellement insparables? Je me trompe; sa doctrine tout entire consistait enseigner qu'ils taient deux insparablement unis. En effet, aprs avoir rappel la loi qui dclare que le tmoignage de deux hommes est digne de foi, il ajoute: Je rends tmoignage de moi-mme, et le Pre qui m'a envoy rend tmoignage de moi. S'il tait seul, tout la fois et le Fils et le Pre, il ne s'appuierait pas sur le patronage de la loi qui dclare lgitime le tmoignage, non pas d'un seul, mais de deux.De mme, quand on lui demande: O est ton Pre? il rpond: Vous ne connaissez ni moi ni mon Pre. Preuve qu'il y en a deux qu'ils ne connaissent pas; s'ils le connaissaient lui-mme, ils connatraient le Pre, non pas qu'il soit tout la fois et le Fils et le Pre, mais parce qu'en vertu de leur indivisibilit ils ne peuvent tre ignors ou connus l'un sans l'autre, Celui qui m'a envoy, dit-il, est vridique, et les choses que j'ai entendues de lui, je les dis au monde. L'Ecriture nous explique ensuite qu'ils ne connurent point qu'il leur parlait du Pre, quoiqu'ils eussent d savoir que les paroles du Pre taient dans la bouche du Fils, puisqu'ils avaient lu dans Jrmie: Et le Seigneur m'a dit: Voil que j'ai mis ma parole sur tes lvres; et dans Isae: Le Seigneur m'a donn la langue de la sagesse, afin que je sache quand il faut parler. Lui-mme ne s'exprime pas autrement: Vous connatrez alors ce que je suis, et que je ne fais rien de moi-mme, mais que je dis ces choses ainsi que mon Pre m'a enseign; car celui qui m'a envoy est avec moi. Voil un tmoignage qu'ils sont deux, quoique indivisibles. De mme, dans sa discussion avec les Juifs, quand il leur reproche de chercher le mettre mort: Je vous dis ce que j'ai vu en mon Pre; et vous aussi, faites ce que vous avez vu dans votre Pre. Maintenant, |218 vous cherchez nie faire mourir, moi qui suis un homme qui vous ai dit la vrit, que j'ai entendue de Dieu. Et encore: Si Dieu tait votre Pre, certes vous m'aimeriez. Car je suis sorti de Dieu, et je suis venu. Toutefois, quoiqu'il dise qu'il est sorti, ils ne sont pas spars, ainsi que l'affirment quelques-uns l'occasion de ce texte. Il est sorti de son Pre, comme le rayon sort du soleil, comme le ruisseau de la source, comme l'arbre de la semence. Je ne suis point possd du dmon, mais j'honore mon Pre. Si je me glorifie moi-mme, ma gloire n'est rien; c'est mon Pre qui me glorifie, lui que vous appelez votre Dieu. Si vous ne l'avez point connu, moi je le connais. Et si je disais que je ne le connais pas, je serais menteur, semblable vous; mais je le connais, et je garde ma parole.Mais quand il ajoute: Abraham a vu mon jour, et il s'en est rjoui; il prouve que c'est le Fils d'Abraham et non le Pre qui a t vu autrefois. De mme, s'agit-il de gurir l'aveugle? Il faut, dit-il, que je fasse les oeuvres de celui qui m'a envoy. Aprs qu'il lui a rendu la vue, il lui demande: Crois-tu au Fils de Dieu? Et comme celui-ci lui rplique qui est-il? en se montrant lui-mme, il attesta qu'il tait rellement le Fils auquel il avait dit qu'il fallait croire.Il dclare ensuite que le Pre le connat et qu'il connat son Pre. C'est pour cela que le Pre l'aime, ajoute-t-il, parce qu'il donne sa vie, selon qu'il en avait reu le commandement de son Pre. Interrog par les Juifs, pour savoir s'il tait le Christ (le Christ de Dieu, assurment, car de nos jours encore les Juifs attendent le Christ de Dieu et non le Pre, parce que nulle part il n'est crit que le Pre viendra sous le nom de Christ), il leur rpondit: Je vous parle, et vous ne croyez point: les uvres que j'ai faites au nom de mon Pre rendent tmoignage de moi. Quel tmoignage? Qu'il tait celui-l mme sur qui ils l'interrogeaient, c'est--dire, le Christ |219 de Dieu. Il dit ensuite de ses brebis que personne ne les arrachera de ses mains. Car mon Pre, qui me les a donnes, est plus grand que tous, et encore: Mon Pre et moi sommes une seule et mme chose.Les insenss veulent s'tablir sur ce terrain, ou, pour mieux dire, les aveugles qui ne voient pas, d'abord, que mon Pre et moi, signifient qu'ils sont deux; ensuite, que nous sommes, n'est par l'indication d'un seul, puisqu'il designe le pluriel; et enfin qu'il a dit, nous sommes une seule et mme chose, et non pas, nous sommes un. Si, en effet, il avait dit: Nous sommes un, il aurait pu fournir quelque appui leur opinion. Un, en effet, est l'attestation du singulier. En outre, deux rclamaient le genre masculin. Au lieu de cela il dit, une seule et mme chose, au neutre, comme pour affirmer non pas le nombre singulier, mais l'unit, la ressemblance, l'union, l'amour du Pre qui anime le Fils, et la soumission du Fils qui obit la volont du Pre. En disant: Mon Pre et moi nous sommes une seule et mme chose, il prouve qu'ils sont deux qu'il gale et associe l'un l'autre. Cela est si vrai qu'il ajoute encore: Je vous ai montr plusieurs uvres excellentes qui viennent de mon Pre, dont aucune ne mritait que vous me lapidassiez. Et afin qu'ils ne crussent pas devoir le lapider pour avoir voulu se faire regarder comme Dieu lui-mme, c'est--dire comme le Pre, parce qu'il avait dit: Mon Pre et moi nous ne sommes qu'une seule et mme chose, montrant par l qu'il tait Dieu, fils de Dieu, et non qu'il tait Dieu lui-mme, N'est-il pas crit en votre loi, poursuit-il: J'ai dit: vous tes des dieux? L'Ecriture ne peut tre vaine. Pourquoi dites-vous que je blasphme, moi que le Pre a sanctifi et envoy au monde, parce que j'ai dit: Je suis le Fils de Dieu? Si je ne fais les uvres de mon Pre, ne me croyez point; mais si je les fais, quand vous ne voudriez pas croire en moi, croyez aux uvres, afin que vous connaissiez et croyiez que le Pre est en moi et moi en lui. |220 Par les uvres, le Pre tait donc dans le Fils et le Fils dans le Pre; et c'est ainsi que nous comprenons que, par les uvres, le Pre et le Fils sont une seule et mme chose. Tant il est vrai qu'il continuait exposer cette doctrine tout entire, afin qu'on les crt deux en une seule et mme puissance, parce qu'il tait impossible de croire au Fils sans croire la distinction des deux personnes.XXIII.Ensuite vient Marthe, qui, en le proclamant Fils de Dieu, ne fut pas plus le jouet de l'erreur que ne l'avaient t Pierre et Nathanal; d'ailleurs, si elle s'tait trompe, elle l'et appris sur-le-champ; En effet, voil que le Christ, pour ressusciter d'entre les morts le frre de Marthe, lve les yeux vers le ciel et vers son Pre, eu s'criant: Mon Pre! (il tait donc Fils); mon Pre, je vous rends grces de ce que vous m'avez toujours exauc. Je l'ai dit cause de la multitude qui m'environne, afin qu'elle croie que vous m'avez envoy. Puis, dans le trouble de son ame: Et que dirai-je? mon Pre, dlivrez-moi de cette heure! Mais c'est pour cette heure que je suis venu. Toutefois, mon Pre, glorifiez votre nom, dans lequel tait aussi le Fils: Je suis venu, dit-il, au nom de mon Pre.Assurment, il suffisait que la voix du Fils invoqut le Pre. Voil que par surcrot le Pre, du haut du ciel, rpond au Fils pour lui rendre tmoignage: Celui-ci est mon Fils bien-aim, dans lequel j'ai plac toutes mes complaisances; coutez-le! De mme encore dans ce passage: Je l'ai glorifi et je le glorifierai encore. Dis-moi, insens Praxas, ne reconnatras-tu pas autant de personnes que de voix? Tu as le Fils sur la terre, tu as le Pre dans les cieux, non pas qu'il y ait ici sparation, mais seulement disposition divine.Au reste, nous savons que Dieu habite jusqu'au fond des abmes, prsent partout, mais par sa vertu et sa puissance. Quant au Fils, il est partout avec lui comme en tant insparable. Toutefois, dans cette conomie, le Pre |221 voulut que son Fils rsidt sur la terre et lui dans les cieux. C'est vers les cieux que le Fils levant ses regards, adressait son Pre de ferventes prires; vers les cieux qu'il nous enseignait lever nos regards et nos prires: Notre Pre, qui tes dans les cieux. Et quoique le Pre soit partout, le ciel est la demeure qu'il a choisie: Vous l'avez pour un peu de temps abaiss au-dessous des anges, en l'envoyant sur la terre, mais pour le couronner ensuite de gloire et d'honneur, en le recevant dans les cieux. Le Pre lui tenait dj parole quand il lui disait: Je l'ai glorifi et je le glorifierai encore. Le Fils demande sur la terre; le Pre promet du haut des cieux. Pourquoi donnes-tu au Pre et au Fils un clatant dmenti, si le Pre parlait du haut des cieux son Fils, pendant que c'tait lui-mme qui tait Fils sur la terre, ou si le Fils priait son Pre, tandis que c'tait lui-mme qui tait Pre dans les cieux? Ensuite, comment croire que le Fils s'invoqut lui-mme en implorant son Pre, s'il est vrai que le Fils ft le Pre; ou bien encore que le Pre se promt lui-mme en promettant au Fils, s'il est vrai que le Pre ft le Fils; de sorte que, quand mme nous prcherions deux Dieux diffrents, ainsi que vous le rptez, il serait plus tolrable de prcher deux dieux diffrents, qu'un seul Dieu si fantasque et si mobile. C'est donc pour ces hrtiques que le Seigneur pronona cet oracle: Ce n'est pas pour moi que cette voix s'est fait entendre, mais pour vous, afin que ceux-ci croient au Pre et au Fils chacun avec leurs noms, leurs personnes et leurs demeures. Mais Jsus s'crie encore et dit: Qui croit en moi ne croit pas en moi, mais en celui qui m'a envoy (attendu que c'est par le Fils que l'on croit au Pre, et que l'autorit qui fait croire au Fils, c'est le Pre,) et qui me voit, voit celui qui m'a envoy. Comment cela? Parce que je n'ai point parl de moi-mme; mais mon Pre qui m'a envoy m'a prescrit lui-mme ce que je dois dire, et comment je dois parler. Car le Seigneur m'a |222 donn la langue de la Sagesse, afin de connatre dans quel temps je dois dire ce que je dis. Ce que je dis, je le dis selon que mon Pre me l'a ordonn. Quel est le sens de ces paroles? Un vangliste et un disciple aussi illustre que Jean le connaissait un peu mieux sans doute qu'un Praxas. Voil pourquoi il ajoute de sa propre autorit: Avant la fte de Pques, Jsus qui savait que son Pre lui avait donn toutes choses entre les mains, et qu'il tait sorti de Dieu et qu'il retournait Dieu. Mais Praxas veut que le Pre soit sorti de lui-mme, qu'il soit retourn lui-mme, de sorte que le dmon mit dans le cur de Judas le dessein de le livrer, non le Fils, mais le Pre. An reste, cette nouvelle trahison ne russira pas mieux l'hrtique qu'au dmon, parce que de n'avoir livr que le Fils n'a pas tourn l'avantage du dmon. Le Fils qui a t livr, c'est le Fils du Dieu qui tait dans le Fils de l'Homme, ainsi que le dclare aussitt l'Ecriture: Maintenant le Fils de l'Homme est glorifi, et Dieu est glorifi en lui. Quel Dieu? Ce n'est pas le Pre, mais le Verbe du Pre qui tait dans le Fils de l'Homme, c'est--dire dans la chair, dans laquelle il tait dj glorifi, mais par la vertu et le Verbe, avant l'incarnation du Fils. Dieu, ajoute-t-il, l'a glorifi en lui-mme; c'est--dire que le Pre renfermant le Fils en lui-mme, quoique celui-ci ft descendu sur la terre, le glorifia bientt par sa rsurrection et son triomphe sur la mort.XXIV.Il s'en trouvait qui mme alors ne comprenaient pas: Thomas ne fut-il pas quelque temps incrdule? Seigneur, lui dit-il, nous ne savons o vous allez, et comment pourrions-nous en savoir la voie? Mais Jsus lui dit: Je suis la voie, la vrit et la vie; personne ne vient au Pre que par moi. Si vous me connaissiez, vous connatriez aussi mon Pre; mais vous le connatrez bientt et vous l'avez dj vu.Nous voici parvenus Philippe, qui, excit par l'esprance de voir le Pre, et ne comprenant pas dans quel |223 sens le Seigneur lui avait dit qu'il avait dj vu le Pre, s'crie aussitt: Seigneur, montrez-nous votre Pre, et il nous suffit. Jsus lui dit: Il y a si long-temps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas? Le connatre, leur dit-il, mais en quelle qualit? car voil seulement ce qu'il faut chercher. Est-ce comme Pre? est-ce comme Fils? Si c'est comme Pre, que Praxas nous montre que le Christ, qui vivait avec eux depuis si longtemps, a pu un seul moment, je ne dis pas tre regard par eux comme le Pre, mais mme tre souponn comme tel. Toutes les Ecritures anciennes ou nouvelles nomment clairement, les premires le Christ de Dieu, les secondes le Fils de Dieu. C'est ainsi que l'antiquit l'annonait; c'est ainsi que se proclamait Jsus-Christ lui-mme. Mais que dis-je? c'est ainsi que le proclamait le Pre, lorsque du haut des cieux il le dclarait son Fils et le glorifiait ce titre. Celui-ci est mon Fils; je l'ai glorifi et je le glorifierai enco