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THEME 3- CORPS HUMAIN ET SANTE
THEME 3-A : LE MAINTIEN DE L’INTEGRITE DE l’ORGANISME : QUELQUES ASPECTS DE LA REACTION IMMUNITAIRE
CHAPITRE 4 : Antibiorésistance et sélection naturelle
La découverte des antibiotiques a révolutionné la médecine au
XXe siècle. L’humanité dispose alors de nouvelles armes pour
lutter contre des maladies bactériennes mortelles comme la
tuberculose, la peste ou la syphilis. En conséquence,
l’espérance de vie moyenne des êtres humains a fortement
augmenté.
Cependant, aujourd’hui, environ 33 000 personnes meurent
chaque année en Europe d’infections résistantes aux
antibiotiques. Les maladies infectieuses d’origine bactérienne
pourraient redevenir en 2050, une des premières cause de
mortalité dans le monde.
Comment lutter efficacement et durablement contre les infections bactériennes ?
I/ Découverte des antibiotiques et structure des bactéries
A) Les travaux de Fleming
Si les moisissures sont utilisées depuis l’Antiquité pour soigner des blessures, le premier antibiotique
a été découvert par Alexander Fleming en 1928. En revenant de vacances, il trouva une de ses boîtes
de culture de staphylocoque contaminée par un champignon Penicillium notatum étudié par son voisin
de paillasse.
Alexander Fleming
Penicillium notatum sur une
boite de pétri
Penicillium notatum vu au microscope
Quand il voulut stériliser les boîtes, il remarqua que ce champignon avait provoqué la disparition des
bactéries en culture dans cette boîte. Il a donc émis l’hypothèse que le champignon avait libéré dans
le milieu une substance qui détruisait les bactéries.
B) Action des antibiotiques sur les bactéries
Les bactéries sont des êtres vivants unicellulaires procaryotes c’est-à-dire sans vrai noyau. Elles
possèdent du matériel nucléaire mais pas de membrane nucléaire. Leur unique chromosome est
circulaire et mesure 1 mm de long.
Structure d’une bactérie :
Les bactéries peuvent posséder des ADN de petite taille et circulaires, non indispensable à la vie.
On les nomme plasmides.
Ces plasmides se répliquent indépendamment et plus rapidement que le chromosome bactérien. On les
détecte quand les gènes qu’ils possèdent, confèrent à la bactérie des caractères nouveaux. Les
plasmides peuvent être échangés entre deux individus, c’est le phénomène de la conjugaison
bactérienne. Une bactérie va se connecter à une autre en produisant un pili par lequel une réplique du
plasmide va pouvoir circuler. La bactérie recevant le plasmide développera ainsi de nouveaux
caractères identiques à ceux de la première.
Conjugaison chez les bactéries :
source: Conjugative plasmids.png
II Action des antibiotiques et antibiogrammes
A/ Les types d’actions
Les antibiotiques sont des substances produites par des bactéries et des champignons et qui ont pour
but à l’origine de les aider à protéger leur territoire. Les antibiotiques agissent à différents niveaux :
- inhibition de la fabrication de la paroi bactérienne et/ou destruction de la membrane
plasmique : famille des bêta-lactamines comme la pénicilline, l’amoxicilline ou la polymyxine
- inhibition de la réplication : famille des quinolones
- inhibition de la transcription : la rifampicine
- inhibition de la traduction : famille des tétracyclines
- actions antimétabolites en empêchant les réactions enzymatiques.
B/ Les antibiogrammes : principe et lecture
Pour tester l'action d'un antibiotique sur une population bactérienne, on réalise un antibiogramme
: c'est une culture de bactéries sur une gélose nutritive versée dans une boîte de pétri et sur laquelle
on dispose des pastilles d'antibiotiques.
Photo d’un antibiogramme :
source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Antibiogramme.jpg
Tous les antibiotiques n’agissent pas forcément sur toutes les bactéries.
L’institut Pasteur est chargé de les tester et définit ainsi leur spectre d’action. Certains
antibiotiques agissent sur plusieurs catégories de bactéries et seront qualifiés d’antibiotiques à large
spectre alors que d’autres n'agissent que sur une seule catégorie de bactéries.
Pour chaque antibiotique, et ce pour chaque espèce bactérienne, il est défini une concentration
critique inférieure CCI et une concentration critique supérieure CCS. Ces deux concentrations
correspondent aux concentrations minimales et maximales efficaces contre les bactéries en question
et que l’on peut donner à un patient sans danger.
Si la concentration en antibiotiques donnée au patient est plus importante que la concentration
critique supérieure alors l’antibiotique présentera une toxicité pour l’individu.
La concentration en antibiotique donnée au patient pour qu'elle soit efficace sur les bactéries qui
l'infectent doit être au moins égale à la CCI mais dans tous les cas inférieure à la CCS.
L’institut Pasteur détermine sur un antibiogramme, les distances auxquelles on va retrouver la CCI et
la CCS dans une plage de lyse ou plage d’inhibition en se servant du principe de diffusion de
l’antibiotique dans la gélose : au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la pastille d’antibiotique, la
concentration en celui-ci diminue et est inversement proportionnelle à la distance à la source. On
parle de gradient de concentration. Ainsi le diamètre du cercle correspondant à la CCS sera
forcément plus petit que le diamètre du cercle correspondant à la CCI : la CCS sera forcément plus
proche de la pastille d’antibiotiques que la CCI.
Les deux associations de valeurs (diamètre et concentration critiques inférieures et supérieures)
permettent de tracer un graphique représentant l’évolution du diamètre de la plage de lyse ou de
la zone d’inhibition en fonction des concentrations en antibiotiques.
Pour déterminer donc quel antibiotique sera efficace sur une souche bactérienne, il faut réaliser un
antibiogramme et mesurer les diamètres des plages de lyse et les comparer avec les diamètres de la
CCI et de la CCS pour l'antibiotique testé.
La limite de la plage de lyse correspondra à ce qu'on appelle la CMI, la concentration minimale
inhibitrice en microgrammes par millilitres nécessaires à l’élimination de bactéries pour un
antibiotique donné. La CMI correspond à la plus faible concentration d’antibiotique qui inhibe la
croissance bactérienne. Elle définit la sensibilité de la bactérie. Le technicien mesure le diamètre
d’une plage de lyse et la reporte dans le graphique : la lecture de celui-ci lui donnera la valeur de la
CMI.
Si la CMI est inférieure à la CCI (diamètre de la plage de lyse plus grand que celui de la CCI, cas n°1
sur le document précédent) cela signifie que le traitement recommandé sera efficace car le patient
disposera dans son sang d’une concentration en antibiotique supérieure à la concentration nécessaire à
l’inhibition de la bactérie. La souche bactérienne est qualifiée de sensible.
Si le diamètre de la plage de lyse est tel qu’il indique une CMI supérieure à une CCS (diamètre de la
plage de lyse plus petit que celui de la CCS, cas n°2 sur le document précédent), alors le traitement
nécessitera des doses telles qu’elles en seront toxiques pour le patient. La bactérie est qualifiée de
résistante et il faudra envisager un autre traitement.
Si le diamètre de la plage de lyse indique une CMI comprise entre la CCI et la CCS (diamètre de la
plage de lyse plus petit que celui de la CCI et plus grand que celui de la CCS, cas n°3 sur le document
précédent), la souche bactérienne est dite intermédiaire : elle possède à la fois des individus
sensibles et résistants. Il faudra alors être vigilant sur le choix du traitement.
Quand on prend un traitement antibiotique, c’est dans les quatre heures qui suivent la prise du
comprimé que l’on va mesurer la concentration maximale d’antibiotiques dans le sang. Au-delà de
quatre heures, le foie dégrade l’antibiotique et sa concentration sanguine diminue. Il faut donc
faire en sorte que la concentration sanguine en antibiotique soit suffisante pour limiter la
multiplication des bactéries.
Si la concentration en antibiotiques est inférieure à la CMI, le traitement n’aura pas d’effet sur la
population bactérienne.
B/ Rappels sur la sélection naturelle et application aux bactéries
Si la concentration maximale est supérieure à la concentration de prévention des mutants (CPM)
toutes les bactéries seront éliminées. Cependant cette CPM ne doit pas être supérieure à la CCS
sinon la molécule sera toxique pour le patient.
Si la concentration sanguine en antibiotiques est comprise entre la CMI et la CPM, les bactéries
sensibles seront éliminées et les bactéries résistantes vont être conservées. On va être confronté un
mécanisme de sélection « naturelle » provoquée par une action humaine. Ainsi les médecins vont
déterminer une fenêtre de sélection des mutants comprise entre la CMI et la CPM. Ainsi quand sur un
antibiogramme, on trouve une CMI intermédiaire entre une CCI et une CCS, c’est que l’on est en
présence d’une souche intermédiaire et il faut changer d’antibiotique.
Sélection de mutants résistants :
source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Antibiotic_resistance-fr.svg?uselang=fr
C’est pour cette raison que lors des prélèvements et des demandes d’antibiogrammes, le technicien de
laboratoire teste plusieurs antibiotiques simultanément pour déterminer lequel possède une CMI la
plus acceptable.
Le technicien dispose de ce que l’on appelle un abaque de lecture de résultats d’antibiogramme. Dans
ce tableau, sont répertoriés pour chaque catégorie de bactéries et pour chaque antibiotique testé à
des concentrations différentes, les diamètres critiques et les concentrations critiques.
Il suffit alors au technicien de comparer les diamètres des plages de lyse et de déterminer
rapidement le caractère sensible, résistant ou intermédiaire de la souche cultivée.
Quelques valeurs de concentrations critiques d’antibiotiques sur deux souches bactériennes (abaque
de lecture) : S = sensible, R = résistance
sources : Abaque de lecture : http://disciplines.ac-montpellier.fr/biotechnologies/sites/sti3/files/microbiologie/tableau_conc_critique_eucast_2018.pdf
Le technicien va ensuite transmettre au médecin uniquement l’état de sensibilité des bactéries du
patient face aux différents antibiotiques. Le médecin adaptera sa prescription en fonction de l’état
de santé du patient et de ses autres traitements.
Résultats d’un test transmis au médecin:
source : ECBU antibiogramme.jpg par Grook Da Oger via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-3.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ECBU_antibiogramme.jpg?uselang=fr
C/ Résistance aux antibiotiques
C’est important de respecter les prescriptions fournies par les médecins parce qu’aujourd’hui
nous sommes confrontés à des souches de plus en plus résistantes car nous avons par le
passé abusé de l’usage des antibiotiques.
Aujourd’hui en Europe, les pays qui présentent le plus de cas de résistance au staphylocoque
doré sont les pays qui ont le plus abusé des antibiotiques par le passé. En effet dans les
années 70 à 80, la production industrielle d’antibiotiques couplée à une absence d’anticipation
sur les conséquences de leur utilisation à grande échelle, a permis à un nombre considérable
de souches bactériennes de devenir résistantes.
Les gènes de résistance ne sont pas apparus suite à l’utilisation des antibiotiques. Pour la
plupart, ils existaient auparavant et correspondaient à des mutations spontanées. Utilisation
des antibiotiques a permis une sélection des bactéries présentant un gène de résistance.
Les populations sélectionnées se sont multipliées et ont été à l’origine de souches à 90 %
résistantes. Le problème est que les gènes de résistance ont été identifiés sur les
plasmides. De ce fait les gènes de résistance peuvent être transmis lors de la conjugaison
bactérienne au sein d’une même population bactérienne mais également avec les bactéries
d’espèces différentes. Ainsi depuis quelques années apparaissent de nombreuses souches
résistantes.
Les antibiotiques ne sont pas seulement à destination humaine : pendant longtemps ils ont été
utilisés en prévention dans les élevages intensifs ( il vaut éviter que des vaches ne tombent
malades, car une vache malade et c'est tout le troupeau qui est contaminé et la viande peut
être alors perdue !).
Cet usage abusif des antibiotiques a procédé à une sélection naturelle au sein du microbiote
de ces animaux, sélectionnant ainsi chez eux des mutants résistants. Ces mutants résistants
se retrouvent sur les produits dérivés de ces élevages et peuvent nous contaminer
provoquant ainsi chez nous des infections contre lesquelles nous ne pouvons lutter. De plus
l’accumulation d’antibiotiques dans les chairs fait que nous ingérons malgré nous de fortes
doses d’antibiotiques modifiant au passage notre microbiote et créant chez nous des mutants
résistants. De ce fait de plus en plus d’industriels retirent les antibiotiques de leur système
de production.
Apparition de l’antibiorésistance:
source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ar-infographic-950px.jpg
Et cela devient impératif car aujourd’hui nous sommes confrontés à une circulation de
l’antibiorésistance. Cette dernière est à l’origine des infections dites nosocomiales. Ces
infections représentent 5 à 10 % des infections déclarées en France chaque année et sont
responsables de 4000 décès par an.
Circulation de l’antibiorésistance:
source : TangledwebSaureus-gl.png par Tara C. Smith via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-4.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:TangledwebSaureus-gl.png
De plus on voit aujourd’hui apparaître des doubles résistants (résistants à 2 antibiotiques).
Ils ont été identifiés tout d’abord dans les hôpitaux puis quelques années après dans les
milieux naturels en raison de la circulation de l’antibiorésistance. La formation de doubles
résistants résulte une fois de plus d’un principe de sélection naturelle : une souche
sélectionnée par action d’un premier antibiotique peut très bien subir des mutations
spontanées qui lui confèrent une résistance à un deuxième antibiotique.
D’ici 2050, on estime à 10 millions le nombre de cas de décès dans le monde liés à une
antibiorésistance contre 700 000 aujourd’hui. Nous devons donc utiliser les antibiotiques
avec parcimonie et scrupuleusement respecter les traitements si nous ne voulons pas perdre
cette guerre invisible.
Statistiques liées à l’antibiorésistance (AMR):
source : AntimcrresUKreview2.jpg par Jim O'Neill Président de la Revue sur la résistance aux antimicrobiens via Wikimédia Commons, CC-BY-4.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:AntimcrresUKreview2.jpg
Transformer le schéma suivant pour être plus en accord avec vos connaissances sur l’acquisition de la résistance
bactérienne