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Thème 3 : Dynamiques géographiques des grandes aires continentales Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement 1 I. Le Sahara, ressources et conflits Les événements les plus récents qui ont touché le Sahara (en 2011-2012, avec en premier lieu la crise libyenne et ses conséquences dans la déstabilisation des États au sud du Sahel, comme le Mali) interrogent, à plusieurs échelles, sur la structure et le futur du Sahara. - À l’échelle continentale, il est à la charnière entre : o un monde méditerranéen, marqué par l’Islam, engagé dans un processus de développement, sous l’impulsion d’une jeunesse éduquée, o et un monde africain subsaharien encore touché par les guerres ethniques, des régimes dictatoriaux ou de semblants autoritaires ne donnant que l’apparence de la démocratie. - À l’échelle nationale, de nombreuses questions se posent lors de ces dernières années : qui sont les possesseurs des ressources : les Etats ou les FTN comme la crise libyenne l’a mis en lumière - À l’échelle locale, la sécession militaire du Nord du Mali montre que des groupes armés ont les moyens de s’approprier par la force ces ressources. Difficile donc de parler de « désert » au sens strict pour le Sahara, puisqu’un désert est considéré comme un espace vide d’hommes. Cette situation a pu être un atout voilà plusieurs décennies : le Sahara algérien a été à la fin de la colonisation française un centre d’essais nucléaires (sites de Reggane et du Hoggar). Traversé depuis l’Antiquité, peuplé de populations nomades, le Sahara est aujourd’hui bien plus qu’un simple support de flux de marchandises. Renfermant des ressources minières et des hydrocarbures hautement stratégiques dans le monde actuel, devenu lieu de tourisme qui s’accordent aux désirs des sociétés occidentales de se ressourcer dans la « vraie nature », le Sahara montre combien ses nouvelles activités peuvent induire un développement. L’organisation géographique et humaine du Sahara A. Un désert habité et parcouru 1) Le plus grand désert au monde : un ensemble contraignant

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Thème 3 : Dynamiques géographiques des grandes aires continentales Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement

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I. Le Sahara, ressources et conflits Les événements les plus récents qui ont touché le Sahara (en 2011-2012, avec en premier lieu la crise libyenne et ses conséquences dans la déstabilisation des États au sud du Sahel, comme le Mali) interrogent, à plusieurs échelles, sur la structure et le futur du Sahara.

- À l’échelle continentale, il est à la charnière entre : o un monde méditerranéen, marqué par l’Islam, engagé dans un processus de

développement, sous l’impulsion d’une jeunesse éduquée, o et un monde africain subsaharien encore touché par les guerres ethniques, des

régimes dictatoriaux ou de semblants autoritaires ne donnant que l’apparence de la démocratie.

- À l’échelle nationale, de nombreuses questions se posent lors de ces dernières années : qui sont les possesseurs des ressources : les Etats ou les FTN comme la crise libyenne l’a mis en lumière

- À l’échelle locale, la sécession militaire du Nord du Mali montre que des groupes armés ont les moyens de s’approprier par la force ces ressources.

Difficile donc de parler de « désert » au sens strict pour le Sahara, puisqu’un désert est considéré comme un espace vide d’hommes. Cette situation a pu être un atout voilà plusieurs décennies : le Sahara algérien a été à la fin de la colonisation française un centre d’essais nucléaires (sites de Reggane et du Hoggar). Traversé depuis l’Antiquité, peuplé de populations nomades, le Sahara est aujourd’hui bien plus qu’un simple support de flux de marchandises. Renfermant des ressources minières et des hydrocarbures hautement stratégiques dans le monde actuel, devenu lieu de tourisme qui s’accordent aux désirs des sociétés occidentales de se ressourcer dans la « vraie nature », le Sahara montre combien ses nouvelles activités peuvent induire un développement.

L’organisation géographique et humaine du Sahara

A. Un désert habité et parcouru 1) Le plus grand désert au monde : un ensemble contraignant

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Le Sahara couvre une superficie de 8,5 millions de km² (plus de 15 fois la France). Des rives de l’Atlantique à celles de la mer Rouge d’ouest en est, il s’étend sur 5000 km. Ses limites nord et sud sont plus complexes à définir et elles font appel à des données climatiques, liées à une moyenne des pluies annuelles, l’isohyète (ligne imaginaire du niveau des précipitations) des 100 mm marquerait la limite au nord contre celui des 150 mm au sud. Le Sahara central est marqué par une aridité importante, nommée aussi hyperaridité, où les précipitations sont presque nulles et la chaleur difficilement supportable :

- Les températures y sont très élevées (entre 40 et 50 °C à l’ombre en été), - Les précipitations sont rares avec des années sans pluies et des vents desséchants

permanents font que la végétation ne peut survivre en dehors des quelques points de résurgence de l’eau.

Le Sahara (le nom provient de la couleur rouge des sols) est hostile à la présence permanente des hommes en dehors des zones d’oasis ou d’accumulation des eaux au pied des montagnes. Aujourd’hui, le Sahara connaît le comble de l’aridité avec les prélèvements d’eau fossile accumulée depuis 15 000 ans dans le sous-sol. Au Nord et au Sud, des sahels (rivages en arabe) servent de liaison avec le monde tropical au sud et méditerranéen au nord. Ces zones de transition sont plus humides et traditionnellement utilisées par les éleveurs (dromadaires, moutons, chèvres au nord et bovins au sud) et par des paysans cultivant des céréales grâce à l’irrigation.

2) Un désert humain et une absence de villes ? La population saharienne a connu une forte croissance en l’espace d’un demi-siècle. Elle comptait près de 2 millions de personnes au milieu des années 1950, pour plus de 6 millions aujourd’hui. Les villes sahariennes témoignent aussi de cette augmentation de la population, notamment au Sahel :

- Nouakchott, capitale de la Mauritanie, certes située au bord de l’océan mais sur des terres sahariennes, a été fondée en 1956. Elle est passée de 135 000 habitants en 1977 à plus de 850 000 en 2008.

- N’Djamena, capitale du Tchad, est passée de près de 20 000 habitants en 1950 à 127 000 en 1970 et à 995 000 en 2010.

D’une manière plus générale, on ne comptait en 1950 qu’une seule ville saharienne de plus de 50 000 habitants, Biskra, au pied de l’Atlas algérien et donc aux limites du désert. En 2010, une trentaine de villes dépassent les 100 000 habitants. Cette croissance influe sur le poids de la population saharienne dans la population totale, sans être dominante : en Libye, la population saharienne représentait 4,5 % de la population totale du pays en 1964, 5,9 % en 1984 et 6,5 % à la fin des années 1990. Véritables villes-champignons, les villes sahariennes doivent leur exceptionnelle vitalité à la croissance de la population, l’augmentation de l’espérance de vie et la réduction de la mortalité infantile, dans un contexte de maintien de la fécondité à des niveaux élevés. Cette croissance urbaine influe sur la hausse de la population totale des États sahariens. Cette augmentation de la population est due d’abord à

- un niveau élevé de la fécondité : La Mauritanie montre bien ce phénomène commun à tous les États du Sud : 4,5 enfants par femme en 2010, au lieu des plus de 6 dans les années 1960. Ce chiffre est de 6,2 en 2010 au Tchad.

- une augmentation des populations migrantes qui ont convergé vers ces centres urbains depuis les années 1960. La croissance de Nouakchott s’explique en grande partie par ce phénomène, tout comme celle des villes sahéliennes qui ont vu converger dans les années 1970 des populations touchées par la sécheresse et la famine et qui se sont ensuite sédentarisées.

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- la volonté des États sahariens de mieux contrôler leur territoire entraîne la présence croissante de militaires et de fonctionnaires vivant en ville en famille.

- l’exploitation des ressources du sol et du sous-sol saharien en raison de la nécessité de main d’œuvre. La ville algérienne d’Hassi R’Mel, fondée sur l’exploitation du gaz naturel, est passée de 12 000 habitants en 2002 et à 22 000 en 2008.

Peut-on pour autant limiter la population saharienne à une seule population d’urbains ? Les taux d’urbanisation des États partiellement sahariens sont faibles (40 % en Mauritanie, 20 % au Niger, 33 % au Mali…). Il reste encore une importante population rurale

3) Un monde de flux (humains et commerciaux) en recomposition Les pratiques nomades ont provoqué des déplacements dans tout le Sahara, notamment dans sa partie sud, à la recherche de pâturages d’été. Les Touaregs (1,5 millions de personnes) sont le peuple nomade le plus connu. Peuple d’éleveurs, ils sont organisés en clans guerriers et sont de culture berbère. Leurs déplacements couvrent un espace de plus de 2 millions de km², à cheval sur six États (Libye, Algérie, Niger, Burkina-Faso, Mauritanie et Mali). Sous l’effet d’une sédentarisation contrainte par la conjugaison des effets des sécheresses et de la volonté des autorités politiques, le nombre de nomades au Sahara a été divisé par 4 entre la fin des années 1970 et 2000. Si le commerce caravanier, avec la figure de la ville caravansérail comme relais, a disparu, les trafics de marchandises transitant par un Sahara aux voies de communication modernisées, a explosé. L’exportation des produits miniers et des hydrocarbures nécessite des infrastructures nouvelles :

- Le chemin de fer est rare au Sahara : il n’existe que pour mettre en relation un gisement et le port d’exportation lié, à la manière des mines de fer de Zouerate au nord de la Mauritanie, directement reliées au port de Nouadhibou par un train minier.

- Les oléoducs et gazoducs font aussi partie de ces équipements de transport, qu’il s’agisse de l’Algérie, ou du Soudan avec le conduit de quelque 1200 km entre les gisements pétroliers au sud du pays et Port-Soudan sur la Mer Rouge.

- Les routes ont acquis un rôle majeur pour le contrôle des territoires dont l’importance revêt un caractère symbolique, à la manière de la Route de l’Espoir en Mauritanie, créée et asphaltée durant les années 1980 pour nourrir les populations de l’est du pays touchées par la sécheresse.

Hommes et marchandises transitent à travers le Sahara. La période actuelle voit renaître le commerce nord-sud saharien. Une part importante réside dans la contrebande, à travers ces espaces mal contrôlés. Ce type de commerce concerne des produits de première nécessité, alimentaires, dont les prix varient et sont très divers en fonction des subventions étatiques. Les types de produits échanges sont par exemple :

- le lait en poudre algérien, les boîtes de concentré de tomates tunisiennes. - Les cigarettes sont aussi une marchandise échangée selon un flux sud-nord, qualifié de

« Marlboroconnexion » ! - La drogue trouve dans le Sahara et le Sahel de vastes espaces de transit non gardés : le

haschich marocain est pour partie dirigé dans un premier temps vers le Mali et le Niger, pour remonter vers la Libye et l’Egypte et ainsi gagner l’Europe.

- La cocaïne américaine provenant des ports du Golfe de Guinée transite maintenant vers la Méditerranée via le Sahara.

Les frontières du sud des États du Maghreb sont poreuses et aisées à franchir pour nombre de migrants sahéliens. Le Maroc, a été le principal pays de transit vers l’Europe par le détroit de Gibraltar ou par les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, mais le renforcement des contrôles par les autorités marocaines a fortement limité ce transit de clandestins. La Tunisie puis la Libye sont des zones de départ vers les îles italiennes. L’Égypte est une terre de

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passage vers le Proche-Orient. Ces désirs de terre promise européenne, d’eldorado, entretiennent une économie locale clandestine, faite de passeurs de frontières dans des régions mal surveillées. C’est maintenant sur la côte méditerranéenne que s’arrête le plus souvent l’aventure de ces migrants, dans le cadre d’accords avec l’Union européenne. Et cette nouvelle main-d’œuvre est alors exploitée dans des conditions de quasi esclavage.

B. Des ressources diverses, stratégiques et exploitées

1) Le pétrole subsaharien, une ressource convoitée Le pétrole saharien résulte d’une exploitation majoritairement onshore (différente de l’exploitation offshore exploité au fond des océans par des plates-formes pétrolières). Ces gisements de pétrole saharien peuvent se situer soit au cœur du Sahara soit sur ses marges, comme au Sahel au sud. L’exploitation ne s’en trouve pas nécessairement facilitée et les forages restent une entreprise difficile et coûteuse. L’ampleur des champs pétroliers dans la région nord et celle plus réduite au sud rappellent que c’est au Maghreb qu’a débuté cette exploitation, par les autorités coloniales françaises d’abord, en plein conflit algérien. C’est depuis une dizaine d’années que les États sahéliens connaissent un essor de l’activité d’extraction pétrolière. Cette dernière doit se doubler d’une activité de raffinage, pour transformer le pétrole en carburant par exemple. Les sites d’extraction sont reliés aux unités de raffinage par des oléoducs. L’activité de raffinage est localisée sur les côtes, loin du Sahara. D’autres raffineries sont situées dans des centres urbains (Zinder, N’Djamena). Récemment une activité pétrolière offshore s’est développée avec des plates-formes en mer, en Mauritanie sur l’Océan Atlantique et en Méditerranée en Tunisie, Libye. L’Egypte exploite du gaz et du pétrole en Méditerranée, dans le golfe de Suez et en Mer Rouge. Le devenir de ces pays gaziers passe par la délivrance de nouveaux permis

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d’exploitation offshore. Plusieurs types d’acteurs sont à l’origine de l’exploitation de la ressource pétrolière :

- Les entreprises publiques : o celles appartenant aux États sahariens o celles, comme la CNPC, d’États totalement extérieurs à la région. La Chine

fait, par ses compagnies d’État, une entrée fulgurante dans la région, s’accommodant ainsi du régime dictatorial soudanais en fermant les yeux sur les atrocités dénoncées par l’Occident, au Darfour.

Les tentatives déçues de plusieurs pays émergents indiquent l’importance du besoin en pétrole pour leur économie, encore pour partie encadrée par leurs administrations.

- Deux États sahariens seulement sont membres de l’OPEP et peuvent donc peser sur les cours mondiaux du pétrole.

- Les acteurs privés se partagent en deux catégories : o Les plus grandes compagnies pétrolières occidentales voient leurs intérêts

encadrés et soutenus par les États. o La multitude de petites sociétés, à l’existence liée au démarrage de

l’exploitation, relève de pratiques du népotisme (lorsque les dirigeants encouragent leurs proches ou leurs parents à se lancer dans des affaires qu’ils jugent profitables).

Les conflits sont évidents à propos du pétrole subsaharien et relèvent de la concurrence entre acteurs. En Afrique du Nord, Sonatrach en Algérie, ETAP, Sotrapil, Sergaz en Tunisie, NOC en Libye, EGPC en Egypte sont gérées et dirigées par des cadres, des ingénieurs et des techniciens nationaux. Ces compagnies signent des joint-ventures (accords de prospection, exploitation et partage des bénéfices) avec des majors (grandes compagnies internationales). Au Sahel, qui en est aux débuts de l’exploitation du gaz et du pétrole, l’encadrement technique est encore expatrié. Les compagnies étrangères assurent l’ensemble de la chaîne technique de l’exploration à l’exportation. Les États sahéliens se contentent de toucher des royalties (pourcentage sur les ventes) sans que la population n’en bénéficie en totalité. Si le pétrole entre dans la logique du développement économique des États sahariens, il n’est pas encore entré dans une logique du développement durable. Le pilier social est déséquilibré, les populations sahariennes sont réduites, au mieux, à des emplois de techniciens. Beaucoup vivent de petits métiers du service et du commerce dans les sites pétroliers. Le pilier économique montre que développer des projets au Sahara n’est pas la priorité des retombées

L’exemple de l’enjeu pétrolier : la révolution en Libye : Privés comme publics, tous sont soutenus par des acteurs soucieux d’obtenir et de protéger cette ressource hautement stratégique pour le fonctionnement de l’économie. Les grandes puissances sont en conflit pour les contrats d’exploration, la mise en route de l’exploitation et l’acheminement des hydrocarbures. La vente du pétrole rapporte des sommes très importantes qui peuvent être versées à l’étranger. Ces ressources permettent de soutenir des partis politiques au pouvoir, des clans, des groupes armés. L’argent du pétrole devient l’un des enjeux du pouvoir au Sahara et au Sahel. La guerre civile en Libye en 2011 est née du fait que le pétrole provient de la Cyrénaïque dont la capitale est Benghazi, ville qui, la première, s’est révoltée. Benghazi ne voyait pas les retombées économiques du pétrole, alors que les raffineries, les emplois et les revenus étaient gérés par Tripoli, la capitale politique du pays. Le développement désigne la capacité à améliorer les conditions de vie des populations et le niveau de l’économie d’un territoire.

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de l’argent du pétrole. Le pilier environnemental est le plus malmené, le Sahara contient une multitude de sites pollués sur les zones d’extraction.

2) Les ressources naturelles : encore une part d’inconnu Comme les hydrocarbures (gaz naturel et pétrole,) d’autres ressources minières comme le fer, le phosphate… sont présents partout au Sahara. Les découvertes les plus récentes donnent désormais à tous les États sahariens des perspectives d’exploitations minières ou de forages positifs d’hydrocarbures. Plusieurs pays sahariens figurent dans les palmarès mondiaux. Algérie et Libye sont respectivement à la 17e et à la 18e place mondiale pour la production de pétrole, grâce à des gisements exclusivement sahariens : elles représentent chacune 2 % de la production mondiale en 2010. Des perspectives heureuses s’ouvrent encore pour la Libye qui possède 3,4 % des ressources mondiales en 2010, soit plus de 75 ans de réserves. Les gisements algériens de gaz naturel représentent 2,5 % des réserves mondiales et un niveau équivalent de la production mondiale annuelle. Mais l’Algérie fonde de grands espoirs dans l’exploitation future des gaz de schistes. Les exploitations d’hydrocarbures débutent au Sahel, d’où des chiffres et des parts minimes à l’échelle mondiale pour une région qui ne peut rivaliser face aux ressources du désert arabique. Au Mali et au Niger, les premières productions d’hydrocarbures sont prévues pour 2012. Des ressources minières permettent des résultats encore meilleurs, à l’image du phosphate, dont le Maroc est, grâce à ses gisements sahariens, le troisième producteur mondial. Des ressources autres sont mises en valeur. Les paysages et le cadre environnemental sont aussi des ressources. Le tourisme pratiqué au Sahara se fonde pour partie ou en totalité sur un cadre naturel recherché. Il en va ainsi de la fréquentation de certains massifs, comme le Hoggar en Algérie ou l’Akakus en Libye, pour des activités de trekking, de visite des canyons, des fresques néolithiques. Le tourisme « de masse » développé dans le Sahara tunisien joue lui aussi sur les images du désert, comme dans l’oasis de Tozeur, véritable concentration d’hôtels luxueux. Ce tourisme est une activité en pointillés, en fonction des aléas politiques et militaires. Mais ce tourisme saharien est au point mort en 2012 suite à des enlèvements de touristes et à la multiplication des groupes armés par la guerre civile en Libye.

3) Ces ressources induisent-elles pour autant un véritable développement pour les États concernés ?

Les ressources minières et en hydrocarbures sont une rente, un bénéfice financier dont profitent inégalement les États. Au Maghreb et en Libye, les hydrocarbures ont donné lieu à des activités de raffinage qui traitent cette ressource brute et fournissent des emplois. L’activité pétrolière et gazière représente 30 % du PIB algérien. En revanche, plus au sud, les activités se limitent à la seule extraction : le fer mauritanien – dont le volume extrait met le pays à la 15e place mondiale en 2010 – n’est pas transformé dans le pays et donc exporté brut vers l’Europe et l’Asie. Les retombées de l’activité touristique sont tout aussi diverses et inégales. Les équipements mis en place (aéroports) n’ont pas dynamisé les régions concernées. Le coût environnemental du tourisme pratiqué dans les oasis tunisiennes est depuis longtemps dénoncé et les hôtels appartiennent pour la plupart à des compagnies européennes associées aux familles contrôlant l’économie du pays. Des ressources accaparées voire disputées par de nombreux d’acteurs La concurrence entre acteurs est partout présente dans les États sahéliens, à l’autorité incomplète et aux ressources financières ne permettant pas une mise en valeur publique. Le Tchad doit ainsi faire appel à la fin des années 1990 aux prêts de la Banque mondiale pour mettre en route l’exploitation des gisements situés au nord du pays, en partenariat avec des compagnies étrangères comme l’américaine Exxon. À la fin des années 2000, le Tchad se

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tourne vers des investisseurs nouveaux comme la Chine ; le pouvoir politique souhaite ne plus dépendre des conditions de remboursement fixées à l’État par la Banque mondiale dans la répartition à venir des revenus tirés du pétrole, cette dernière exigeant notamment une redistribution en faveur de secteurs comme la santé ou l’éducation. D’une manière plus générale, si les acteurs publics sont des régulateurs de l’activité, nombre d’entre eux doivent s’en remettre à des compagnies étrangères. Parmi ces dernières, les compagnies publiques d’Afrique du Nord ou de géants asiatiques (Chine, Inde…) sont des concurrentes acharnées de compagnies occidentales traditionnellement présentes (Total, Chevron…). Deux raffineries chinoises sont ainsi l’œuvre de la Chine pour le seul Tchad.

4) L’enjeu stratégique de l’eau L’eau est une ressource stratégique au Sahara de par sa rareté et par le poids des décisions politiques sur son usage. La pression sur cette ressource est ancienne dans les oasis, et les moyens de régulation et de partage entre agriculteurs et/ou habitants restent le fait d’approches anciennes et de techniques parfois archaïques. Les motopompes, qui prélèvent directement la ressource souterraine en eau, sont utilisées sans gestion concertée et soumises au seul pouvoir d’achat des agriculteurs. Les motopompes sont un outil de ségrégation sociale excluant les plus pauvres et créant rancœurs et jalousies à un niveau local. Surtout, cette technique individuelle accroît la pression sur l’eau, non renouvelable dans les conditions d’hyperaridité qui sont celles du Sahara. Les réalisations en Libye illustrent la manière dont un pays très riche a géré son alimentation en eau d’irrigation en provenant d’un aquifère saharien fossile et en créant des réseaux de conduites des eaux à l’échelle du pays.

C. Le Sahara, vers une explosion des conflits

1) La question du terrorisme islamiste Al-Qaïda au Maghreb islamique est une organisation terroriste née en Algérie, qui a pris ce nom en 2007 suite à sa reconnaissance par le groupe de Ben Laden. Sa référence à un islam radical est évidente, sa volonté de combattre les alliés des États-Unis et de l’Occident (comme le Maroc) tout autant. Aqmi étend son activité à l’ensemble du Sahara dans l’immensité incontrôlable devenue une zone de non-droit. Les principaux groupes armés terroristes se sont associés aux revendications traditionnelles des Touaregs maliens et se sont approprié un vaste espace dans le Nord du Mali en le nommant Aazawad. L’entrée d’Aqmi dans ce jeu diplomatique et militaire complexifie encore plus la situation. Cette action est d’abord destinée à déstabiliser l’Algérie. Le Front Polisario est un groupe politique armé, né dans les années 1970 de la lutte contre les occupants espagnols. Suite à la conquête du Sahara occidental par le Maroc, une partie des Sahraouis, soutenus par l’Algérie a combattu les forces armées royales, revendiquant l’indépendance du Sahara occidental face au Maroc. Les camps de réfugiés sahraouis sont situés en Algérie, à la frontière du Maroc où la population vit depuis 1976 dans des conditions de pénurie et de précarité extrêmes. Le Sahara occidental, dans la continuité sud du Maroc, est divisé en deux parties. 80 % du territoire est administré par le Maroc qui en a fait ses provinces méridionales, sous le contrôle de l’armée : c’est le Sahara « utile » avec le littoral atlantique, les villes, les ressources minières. A l’est du mur de défense établi par l’armée marocaine se trouve le territoire de la République arabe sahraoui démocratique (RASD). Un cessez-le-feu a été signé en 1991, sans grand effet sur les négociations entre les deux parties en présence. En dépit d’une volonté des États de contrôler au mieux leur territoire, force est de constater que le Sahara reste mal surveillé. L’immensité de ce désert permet à des groupes terroristes de

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s’y cacher, d’y implanter des camps d’entraînement à une époque où les nouvelles technologies mettent en relation des petits groupes entre eux. Vide et immensité sont donc bien deux « ressources », naturelles, utilisées à leur profit par les terroristes. Le Sahara, nouveau théâtre de conflits entre groupes armés.

2) Les conflits entre populations sahariennes : Le Sahara connaît une multitude de conflits entre les populations qui l’habitent. La période coloniale avait réprimé la pratique les raids armés des nomades contre les sédentaires. La sécheresse qui frappe le Sud du Sahara depuis les années 1970 a contraint les nomades à rechercher des pâturages dans des terres agricoles. Ce qui a à nouveau provoqué de nombreux conflits avec les sédentaires. Or, ce sont des familles de paysanneries qui sont aux commandes des États sahéliens, elles ont pour politique de sédentariser les nomades. Le statut des ex-nomades a évolué vers une marginalisation sociale et économique. Depuis les années 1980, des guérillas éclatent au Mali et au Niger, les accords de paix restent sans effet sur le terrain. Les années 2000 voient un regain de tensions, notamment au Mali et alors que les réfugiés s’installent dans les pays riverains comme le Burkina-Faso. Certains ont été expulsés d’Algérie. En 2011, les Touaregs de Libye ont combattu contre la révolution qui a chassé la famille Kadhafi et sont obligés à leur tour de trouver refuge dans les pays voisins. Des peuples nomades, moins nombreux numériquement, subissent une pression identique, souvent liée à des différences ethniques ou à des ressentiments anciens de la part des autorités au pouvoir. L’immensité saharienne favorise les attaques éclair sur des cibles fixes. Ainsi la ville de N’Djamena a été à plusieurs reprises la cible de raids de l’opposition armée au pouvoir. Ces convois de véhicules ont été détruits par l’aviation aux portes mêmes de la capitale, au moment où ils deviennent vulnérables en voulant se concentrer sur leur objectif. Cette tactique du raid s’est heurtée en Libye à la résistance des concentrations d’artillerie des troupes kadhafistes dans les villes et explique ces avancées et ces retraites sur des centaines de kilomètres en quelques jours. Les villes minières du Niger sont protégées contre ce genre de raids, laissant aux rebelles la libre circulation dans le désert.

3) Le Sahara comme base arrière : l’exploitation de la ressource du vide humain Les opposants politiques voient dans le Sahara un espace de repli, échappant au contrôle des autorités régulières. Le groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique est l’émanation la plus récente de ces implantations qui font du Sahara une base d’entraînement et un lieu de cache d’otages. Les enlèvements d’Occidentaux se sont multipliés, qu’il s’agisse de touristes, d’humanitaires ou d’employés de firmes étrangères. Les rançons versées pour les libérations d’otage représenteraient d’ailleurs plus de 80 % des revenus d’Aqmi, complétés par les bénéfices de trafics divers (drogues, armes, voitures volées, cigarettes…). Les événements de 2011 en Libye ont gonflé le nombre de combattants aguerris prêts à rejoindre d’autres groupes armés au Mali, en Mauritanie et au Niger. Si le Sahara représente un espace idéal pour ces groupes qui se développent aussi dans des régions arides et désertiques ailleurs dans le monde (Afghanistan), il devint le lieu de ripostes armées des États concernés. La création du Cemoc (Comité des États-majors opérationnels conjoints) en 2010 à Tamanrasset, regroupant les armées d’Algérie, du Mali, de Mauritanie et du Niger, organise la lutte contre le terrorisme. Mais les intérêts étatiques divergent. Cette initiative militaire n’a pu empêcher le nord du Mali de tomber entre les mains des groupes armés L’intérêt récent des États-Unis pour cette région confirme aussi son caractère stratégique. Le Sahara fait l’objet d’une IPS (Initiative Pan Sahel), d’abord élaboré avec les États sahéliens puis étendu au

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Maghreb. Il prévoit une coopération interétatique poussée dans la lutte contre le terrorisme et les bandes armées de la région. L’armée américaine prend progressivement la place de la France dans son ancien « pré carré » francophone. La formation de commandos au Mali n’a pourtant pas été concluante sur le terrain.

L’instabilité au Sahara Trait d’union entre Afrique du Nord et reste du continent africain, le Sahara redevient un enjeu d’intérêts internationaux. L’époque où le désert était un simple espace de transit ponctué par quelques oasis et autres relais caravaniers est bien loin. Le Sahara est maintenant au cœur des enjeux stratégiques de premier ordre sur la scène mondiale. Il est devenu essentiel d’y contrôler ses ressources et de juguler l’expansion des groupes terroristes qui y trouvent refuge. Éradiquer les zones de non droit est devenu une priorité pour les États sahariens et pour leurs alliés occidentaux, États-Unis en tête. Le Sahara est-il pour autant un résumé d’Afrique ? Derrière les paysages se cachent de fortes disparités liées au niveau de vie de chaque État qui le compose. Les États maghrébins donnent le ton pour le contrôle de l’exploitation de leurs richesses, montrant ainsi une volonté politique de s’approprier les revenus de ces richesses nationales. Cette attitude nationaliste tranche avec le comportement de nombreux États subsahariens plus faibles, où la corruption et le clientélisme laissent encore le champ libre aux intérêts étrangers.

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Le Sahara manque aussi d’un leadership. Aucune puissance saharienne ne se dégage. L’Égypte la première puissance économique et militaire a les yeux fixés sur l’est du pays (Sinaï, Gaza et Israël) et la résolution de ses problèmes politiques internes. L’Algérie et le Maroc se tiennent mutuellement en respect. La Tunisie et la Libye sont à reconstruire et les États sahéliens luttent pour leur survie. L’Afrique du Sud est vraie la puissance africaine, mais elle est située à l’autre extrémité du continent. Après des siècles d’effacement et de désintérêt, le Sahara est devenu un espace de conflits dans la mondialisation. Doté d’immenses richesses et peu peuplé, le Sahara aurait pu rester une zone de paix. Pourtant, à l’échelle du monde, il représente sans doute l’une des terres d’affrontement du début du XXI° siècle, pour le contrôle de ses immenses ressources stratégiques. II. Le continent africain face au développement et à la mondialisation L’Afrique est souvent vue comme un continent en grande crise. Les années 1990 sont même désignées sous l’expression de « décennies du chaos ». Cependant, aujourd’hui, les contrastes sont beaucoup plus importants, certains pays étant même touchés par une forte croissance économique enviée par d’autres acteurs dans le monde. L’Afrique reste sans conteste le continent le plus pauvre. L’Afrique ne représente qu’environ 2 % dans les échanges mondiaux. Le continent est marqué par le poids des contraintes :

- poids de la dette, - économies sclérosées reposant sur quelques cultures de rente héritées de la période

coloniale, - infrastructures obsolètes ou hors d’usage.

Le continent est situé en bas du classement mondial dans les domaines de la santé, de l’éducation et des revenus tels que le Programme des nations Unies pour le Développement (PNUD) l’a défini avec son IDH (Indice de développement humain). L’Afrique est le continent qui a vu son environnement se dégrader le plus depuis un demi-siècle avec la désertification qui ronge les régions sèches, la déforestation, la destruction des zones humides. Le continent est désormais la destination des déchets toxiques ou radioactifs en provenance des autres continents. La corruption, le népotisme, l’accaparement des richesses naturelles, la confiscation de l’aide internationale détruisent les sociétés et les États, suscitant en retour la violence. Les conflits religieux qui avaient épargné l’Afrique font maintenant la Une des médias. Si les conflits étatiques sont moins nombreux et de plus faible intensité, les guerres civiles sont partout. Les braises des anciens conflits sont prêtes à se réveiller dans un continent où les trafics en tout genre pullulent hors de tout contrôle. A cet argent sale, s’ajoute la circulation des armes, les combattants potentiels ne manquent pas, en l’absence d’autres sources de revenus. Mais ce tableau initial doit être corrigé par une autre vision car l’Afrique suscite désormais un regain d’intérêt des grandes puissances face à l’arrivée des BRIC sur le continent :

- Pour des raisons économiques d’abord, car en Afrique la croissance économique ne cesse de progresser pour atteindre des taux proches de 5 % par an. En utilisant le vocabulaire des économistes, on constate maintenant que l’Afrique est bien engagée dans une phase de décollage économique. Le rattrapage à opérer avec les autres continents est pourtant grand, et ne concerne pas le seul domaine économique, l’Afrique est toujours dans l’incapacité de rivaliser avec l’Asie.

- La « décennie du chaos » qu’ont été les années 1990, marquées par des guerres multiples et des famines, semble aujourd’hui pour partie résorbée. Le fait le plus marquant de ces dernières années est la course aux richesses africaines, comme les terres agricoles, les ressources naturelles, les minerais et les hydrocarbures. Ces richesses attisent bien des convoitises, toujours de la part des anciennes puissances coloniales mais maintenant aussi des principales puissances émergentes. Pour

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Thème 3 : Dynamiques géographiques des grandes aires continentales Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement

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valoriser ces richesses, les nouveaux venus veulent un continent en paix et doté de solides infrastructures de transports.

- L’amélioration des conditions de vie va de pair avec la poursuite de la transition démographique et la baisse de la natalité se poursuit.

Certes le continent dans son ensemble ne se développe pas à la même vitesse. Des États réussissent à tirer leur épingle du jeu, d’autres restent dans une situation de pauvreté généralisée, famines et sécheresses frappent encore. Problématique : l’Afrique peut-elle donner du travail à sa jeunesse, trouver un modèle de développement urbain en insérant les populations les plus pauvres, nourrir enfin sa population rurale. Les héritages historiques, religieux, ethniques peuvent-ils être dépassés au profit d’une véritable intégration à l’échelle du continent ?

A. Le continent africain face au développement 1) Un continent en situation de mal-développement et marqué par des inégalités

Carte de l’IDH par État en Afrique

Le mal-développement souligne un manque de développement et un IDH des plus faibles, plus proche du 0 que du 1. La plupart des États africains relèvent de cette situation, avec des IDH parfois très faibles comme au centre du continent. L’IDH ne se résume pas aux seuls critères économiques et l’on voit qu’il n’est qu’un indicateur parmi d’autres pour apprécier le

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Thème 3 : Dynamiques géographiques des grandes aires continentales Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement

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niveau de développement d’un État. Le Botswana, pays dont près de 40 % du PIB est dû à l’industrie, est marqué par une espérance de vie devenue très faible, en raison des ravages causés par le Sida (plus de 23 % d’adultes contaminés dans la population totale). En revanche, la Tunisie est parvenue à assurer des conditions de vie et d’existence enviable au sein de l’Afrique, grâce à un enseignement élargi à la plupart des enfants et à une amélioration du système de santé. Cependant, les études des différents indices peuvent révéler, par Etat ou par secteur, un mal-développement généralisé. Dans le cas du Kenya, l’IDH de 0,470 place le pays dans le cadre des PMA. Le Sida fait des ravages. Le taux de fécondité est de 6,5 enfants par femme contre 3,5 enfants par femmes pour celles qui ont un niveau d’éduction secondaire ce qui montre l’intérêt du développement de l’éduction pour atteindre un niveau de fécondité plus bas, vu comme une marque de développement. Les dépenses publiques de santé ne représentent que 2 % du PIB au Kenya (contre 8,7 % en France) et celles de l’éducation 7,1 % qui est des plus forts taux du continent africain. Cela montre donc une volonté de l’Etat kenyan pour améliorer les conditions de vie de la population. Si on s’attarde sur le secteur de la sous-alimentation, on se rend compte que l’Afrique subsaharienne est touchée avec force et que cela concerne 62 % de la population du Burundi, 64 % de celle de l’Erythrée, 22 % de celle du Soudan. Le manque de moyens financiers dans l’agriculture est aussi pesant, puisque le volume d’engrais utilisé par hectare en Afrique subsaharienne ne représente que 10 % de celui utilisé au niveau mondial. Le secteur de la santé est aujourd’hui dominé par le drame du Sida. L’Afrique concentre 80 % des décès dus à ce syndrome et 75 % des nouveaux cas annuels. Le nombre de morts africains est de 25 millions depuis l’apparition du virus, pour un taux de prévalence moyen de 4,3 %. Cette pandémie est devenue la première cause de mortalité en Afrique, alors qu’elle n’est que la quatrième dans le monde.

2) Des dynamiques pourtant positives Les évolutions positives sont repérables. Le Kenya a été le premier État subsaharien à entreprendre une politique de contrôle des naissances : en 1967 est adopté le National Family Planning Program. Durant la décennie 2000, le pays compte 3500 centres (publics ou non) pour les soins maternels, à l’enfant et le planning familial. La stratégie mis en avant en 1996 (et valable sur la période 1996-2001) propose comme mesures pour y parvenir la promotion de l’usage de moyens de contraception modernes parmi les femmes à l’éducation la plus faible et la réduction de la fécondité à 2,5 enfants par femme et celle de la mortalité infantile aux alentours de 59 ‰ pour 2010. L’objectif n’a été que partiellement atteint. Le manque de moyens publics, dans un pays traversé par des luttes parfois sanglantes, freine ces initiatives qui, bien souvent, relèvent davantage d’ONG (Organisations Non Gouvernementales) et de fonds internationaux. La croissance encore importante de la population africaine est un défi. Multipliée par 2,2 depuis 1970, la population de l’Afrique n’est urbaine qu’à 36 %. Ce chiffre atteint les 80 % au Gabon, mais descend à 10 % au Rwanda et au Burundi. Les campagnes fournissent encore d’importants flux d’exode rural, pour des villageois attirés par la ville, les images positives et les représentations qu’elle engendre. C’est dans les villes que s’expriment les inégalités sociales comme les mesures mises en œuvre pour y remédier. Une véritable fragmentation urbaine est à l’œuvre entre les quartiers urbains, avec de gigantesques zones d’habitat informel et les zones hypersécurisées qui se mettent en place, autour de logements surprotégés contre une violence urbaine en augmentation. Ces mesures de protection vont des hauts murs surmontés de tessons de verre et de fils barbelés électrifiés aux gated communities. Près de 75 % de la population urbaine vit

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Thème 3 : Dynamiques géographiques des grandes aires continentales Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement

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dans des quartiers pauvres, construits sans planification à l’origine. Ces quartiers d’habitat précaire témoignent de la situation africaine :

- extrême pauvreté - le sous-équipement, soit faible ou absence d’accès à l’eau potable ou au réseau des

eaux usées, à l’approvisionnement en électricité, … - la fragilité du bâti (tôle généralisée, maisons en pisé à Brazzaville).

Les mutations existent néanmoins avec le temps : constructions en dur, équipements améliorant la situation sanitaire. Les villes sont enfin un cadre pour des actions pensées par les habitants eux-mêmes, pour améliorer leurs conditions de vie. On parle de dynamiques endogènes, mises en œuvre par des décideurs locaux et non impulsées par des acteurs extérieurs. Les manifestations sont nombreuses, du simple emploi pour survivre (vente de quelques légumes, livreur de fardeau sur les marchés…), à des modes d’organisation plus poussés (à l’image des « ngandas » de Brazzaville, ces restaurants développés à l’intérieur des habitations).

3) La pandémie sidéenne, un fléau pour l’Afrique La répartition du Sida en Afrique subsaharienne

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Thème 3 : Dynamiques géographiques des grandes aires continentales Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement

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L’Afrique australe est la partie du continent la plus touchée par le Sida, alors qu’elle est celle présentant les meilleurs indicateurs économiques. Trois États détiennent de tristes records mondiaux : Swaziland (26,1 % de prévalence chez les adultes), Botswana (23,9 %) et Lesotho (23,2 %). Une réduction de la population se profile d’ailleurs à terme. En Afrique du Sud, l’espérance de vie est passée de 59 ans en 1990 à 46 ans en 2007 en raison du Sida. L’Afrique du Nord s’individualise. Avec 0,4 % de prévalence en moyenne, soit moins que les chiffres mondiaux et que la moyenne africaine (4,3 %), elle forme un ensemble qui s’étend aussi au sud du Sahara, vers des États comme la Mauritanie ou le Niger. Des origines tant culturelles qu’économiques peuvent être pointées :

- La contamination n’est pas forcément liée aux disparités économiques : des conditions culturelles jouent comme un frein au Maghreb et dans les Etats marqués par l’islam. Le respect plus grand des principes de la religion, notamment ceux entourant le mariage et les interdits liés, est un puissant ralentisseur de la propagation de la maladie.

- Celle-ci se développe dans une Afrique australe dont les décideurs politiques ont longtemps nié la réalité de l’épidémie et tardivement mis en œuvre des campagnes d’information, de dépistage et de protection.

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- L’Afrique centrale, marquée par les guerres, a vu aussi un développement de la maladie, s’inscrivant désormais dans le cortège des fléaux associés aux combats : le viol est au Soudan une arme de guerre, la consommation de drogues impliquant l’utilisation de seringues en République Démocratique du Congo, un dopant pour les combattants…

Plusieurs Afriques peuvent donc être mises en évidence face à la pandémie du Sida : - L’Afrique australe, où le drame du Sida touche plus de 20 % de la population (24 %

au Botswana, 26,1 % au Swaziland), est la plus avancée sur le plan économique. - L’Afrique du Nord, marquée par les luttes engagées en 2011, conserve un niveau de

développement enviable, dopé par les bénéfices des hydrocarbures gérés par l’État, voire par le tourisme.

- A l’inverse, l’Afrique de l’Ouest, aux niveaux d’IDH majoritairement faibles, aux caractères culturels ayant limité l’avancée du Sida, connaît une croissance démographique forte qui induit des carences sanitaires accentuées et limitées par le manque d’argent.

- L’Afrique centrale, minée par les guerres durant la « décennie du chaos » (génocides au Rwanda et au Burundi, guerre civile en Angola, au Congo-Brazzaville et en RDC…), n’a pas encore renoué avec une croissance économique malgré son riche potentiel minier. Les pays marqués par le plus faible IDH relèvent de la catégorie des PMA (Pays les Moins Avancés), dont la plupart des représentants sont subsahariens.

B. Les conflits en Afrique, entre luttes latentes et conflits armés

Les conflits armés en Afrique

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Si 23 pays africains sont impliqués dans des conflits entre 1991 et 2011, tous n’appartiennent pas à un même ensemble :

- L’Afrique centrale est une terre majeure de conflits en Afrique. Depuis 1991 et la fin de la confrontation entre les deux Grands, plus d’une dizaine de conflits y sont repérables.

- La bordure littorale de l’Afrique de l’Ouest, avec la Sierra Leone ou le Libéria, sont une deuxième terre de conflits.

- Enfin, la Corne de l’Afrique (autour de l’Érythrée et de la Somalie) est un dernier ensemble majeur de conflits.

Plusieurs formes de conflits sont visibles : - Les premières semblent opposer des groupes à l’intérieur d’un pays. Il peut s’agir de

guerres civiles, comme au Rwanda, guerre qui a débouché sur un génocide. - Il peut s’agir aussi, à l’image de la question touarègue au Mali et au Niger, de conflits

qui opposent les armées régulières, à des groupes armés par des puissances étrangères et menant des guérillas.

- Le cas du Darfour montre lui un conflit entre les armées régulières qui, sur ordre du gouvernement en place, en viennent à attaquer des populations jugées ennemies ou concurrentes pour le pouvoir.

- Des conflits entre voisins apparaissent enfin, à l’image de celui entre l’Ethiopie et l’Erythrée.

Un conflit armé a toujours le même visage : destructions des biens, des équipements, des récoltes…, morts, enrôlement de populations en âge de travailler, veuves, orphelins, mutilés… L’enrôlement de jeunes enfants est devenu une réalité des conflits africains, avec la question des enfants soldats. Tout conflit est donc un frein considérable pour l’économie et influe sur la question du développement, en réduisant le nombre d’habitants, en déstructurant les cadres sociaux (éducation, santé…). Les conflits sont l’une des plaies africaines. Ils expliquent pour partie la régression et la marginalisation de certains États pour leur économie. Les raisons de ces conflits résident pour partie dans les héritages de la période coloniale. Certains groupes dominants, favorisés par les métropoles, se sont maintenus au pouvoir par la force, freinant un processus démocratique. Ce fonctionnement politique repose alors sur une corruption multipliée, un recours à la violence, une situation de mal développement. Des ressentiments sont fréquemment apparus et expliquent des conflits instrumentalisés par des puissances extérieures, armant des combattants pour étendre leur aire d’influence.

C. Un nouveau « pillage » des ressources de l’Afrique ? 1) La question des ressources naturelles

On a vu que les ressources naturelles renouvelables et minières sont immenses et loin d’être toutes exploitées. L’Afrique subsaharienne se distingue de l’Afrique du Nord et de l’Afrique australe par le manque d’implication des États dans leur gestion ou par la corruption élargie, fondée sur une redistribution inégale des bénéfices. L’Afrique est riche en ressources minières : elle possède 30 % des réserves métalliques mondiales (40 % de l’or, 60 % du cobalt, 80 % du chrome…) On parle de « scandale géologique » pour caractériser la situation de l’Afrique centrale, dotée en minerais multiples mais aux profits confisqués par des factions armées. En RDC, les différents groupes armés s’approprient les ressources naturelles pour les vendre au plus offrant et acheter ainsi des armes. Les « diamants de sang » de la Sierra Leone sont bien connus, ayant servi à l’achat d’armes pour les différentes factions en présence. Cependant, la vision du « pillage » s’inscrit dans l’afro-pessimisme. Elle est aujourd’hui en cours de redéfinition avec une montée du contrôle étatique et l’irruption de puissances

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Thème 3 : Dynamiques géographiques des grandes aires continentales Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement

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nouvelles qui poussent à reconsidérer le partage des ressources. Au Libéria, le fer exploité par le groupe indo-européen Arcelor-Mittal était acheté au pays selon le prix fixé par le groupe lui-même, aux activités exonérées d’impôts. En 2006, les autorités ont obtenu que ce prix soit fondé sur le cours mondial du fer. Il en va de même pour le pétrole au Nigeria, qui désormais associe une entreprise publique à des compagnies étrangères.

2) Un pillage des ressources humaines africaines ? Les migrations dirigées hors de l’Afrique ne sont plus seulement des migrations de la misère. Près de 200 000 personnes quitteraient le continent chaque année, se dirigeant en majorité vers l’Europe, plus secondairement vers l’Amérique du Nord. Les départs illégaux relèvent du désespoir et de la recherche d’une vie meilleure pour des populations peu qualifiées. Les départs légaux concernent eux des populations actives qualifiées, qui ne trouvent pas à s’employer en Afrique ou pour des salaires peu intéressants. Le brain drain concerne des secteurs comme la médecine, la gestion, le droit… 20 000 diplômés s’expatrieraient chaque année, privant le continent de forces vives, à l’image des médecins du Bénin, aussi nombreux en France que dans leur pays d’origine. L’émigration hors du continent est pourtant perçue comme un mal nécessaire par les Africains eux-mêmes. Les émigrés deviennent l’un des piliers du développement du continent en assurant le financement des familles restées au village, voire des infrastructures de base comme les écoles et les centres de santé. Ces sommes d’argent représentent 25 % du PIB pour le Mali, 19 % pour le Sénégal. Mais les départs d’actifs qualifiés ne débouchent que rarement sur un retour.

D. Une réelle intégration à la mondialisation ? 1) L’Afrique dans l’échange international : une place marginale

Plusieurs chiffres traduisent la situation marginale du continent : - L’Afrique représentait 3,1 % du commerce international en 1970, contre 1,5 % au

milieu des années 2000. - L’Afrique n’a toutefois reçu que 5 % des IDE (investissements directs à l’étranger) en

2009, proportion fluctuante durant la décennie 2000 mais toujours marquée par la faiblesse.

- 80 % de ces investissements sont liés au pétrole, ce qui tend à faire de l’Afrique un fournisseur recherché de matières premières, activités ne nécessitant que peu de main-d’œuvre.

Cependant, certains flux montrent une intégration nouvelle de l’Afrique dans la mondialisation. Les flux d’informations s’adressent à un grand nombre d’Africains. Près de 50 % de la population kenyane de plus de 15 ans est abonnée à la téléphonie mobile, 85 % de celle de la République de Maurice, mais 15 % de celle de la RDC. Le manque d’infrastructures pour la téléphonie fixe a été gommé par l’accroissement de la téléphonie mobile. Les disparités internes au continent se retrouvent à nouveau. L’île Maurice fonde ainsi une partie de sa croissance économique à venir sur ces échanges d’information, à travers les centres d’appel. Les câbles sous-marins de télécoms longent les côtes africaines et offrent une connectivité importante. L’Afrique s’intègre pourtant aux infrastructures d’échanges internationaux. Ses équipements sont performants, mais trop souvent fondés sur une seule activité et au seul service d’une marchandise. Les infrastructures au débouché des routes du fer ou des hydrocarbures en témoignent. L’Afrique du Sud fait figure d’exception (voir le III). Les implantations touristiques sont un appel à la venue temporaire de populations étrangères. Mais le continent ne représente que 4,7 % des arrivées internationales de touristes en 2009 ; les pays d’Afrique du Nord pesaient alors pour 1,7 % du total mondial, soit la moitié de toute

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Thème 3 : Dynamiques géographiques des grandes aires continentales Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement

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l’Afrique subsaharienne. L’instabilité et l’insécurité sont deux facteurs répulsifs pour l’industrie touristique.

2) La dynamique chinoise en Afrique Avec des échanges commerciaux qui passent de 91 à 166 milliards de $ entre 2009 et 2011, des investissements chinois qui montent de 9 à 14,5 milliards de $ sur la même période, la Chine devient le principal partenaire économique du continent. Alors même que les partenaires traditionnels se désengagent de l’Afrique. La Chine investit dans le long terme dans les secteurs miniers d’abord, on vient de le voir, mais maintenant dans l’industrialisation du continent. Si son intervention en Afrique est mal perçue de la communauté internationale, elle suscite craintes et critiques de la part des Africains qui se méfient d’une autre forme de colonisation. Mais si la Chine vend pour 73 milliards de $, elle achète toujours plus aux africains pour 93 milliards de $ toujours en 2011. Donc la balance commerciale reste toujours favorable aux africains, ce qui est loin d’être le cas dans les relations avec le monde occidental. La présence chinoise en Afrique

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Thème 3 : Dynamiques géographiques des grandes aires continentales Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement

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La présence chinoise s’exerce sous deux formes : - La participation à des entreprises d’exploitation de ressources minérales ou de

productions industrielles et maintenant dans le secteur bancaire. - La présence chinoise est le fait de petits entrepreneurs locaux, souvent propriétaires

d’une simple boutique, qui participent à un actif tissu économique local. La montée de la Chine dans la question africaine est une véritable source de développement. Elle induit en effet une concurrence avec les autres puissances qui pousse à un arbitrage de la part des pouvoirs étatiques qui retrouvent ainsi une légitimité et une autorité. Les équipements offerts par la Chine, soucieuse d’une image de marque, influent aussi sur le développement africain. En revanche, la Chine n’est pas regardante sur le critère démocratique, pensé comme un fondement du bien-être de la population, et s’implante là où d’autres pays ne le font pas en signe de protestation, à l’image du Soudan. Cette irruption chinoise inscrit un peu plus le continent africain dans la mondialisation et dynamise les niveaux de développement. La décennie 2000 semble au total marquée de nouvelles tendances. Alors que le néo-colonialisme, la présence d’entreprises européennes, étaient des marques d’un afro-pessimisme, la montée de la présence des puissances asiatiques permet un autre développement. Les actuels contrats sont toujours teintés d’iniquité, les ressources africaines étant toujours majoritairement destinées aux étrangers, en l’occurrence les populations asiatiques. Mais leur signature entraîne la construction par la Chine d’équipements multiples, pas seulement liés à l’exploitation des ressources. Ainsi la Chine construit des routes, contribuant à sortir de l’isolement des régions entières. D’autres acteurs apparaissent aussi, comme l’Inde, le Brésil ou la Malaisie, cherchant à se positionner dans la recherche de ressources naturelles. Mais les anciennes puissances coloniales restent présentes, qu’il s’agisse de la France (qui cherche à se désengager de la période de la Françafrique) ou du Royaume-Uni (et de son Commonwealth toujours très actif). Leurs ONG restent des relais actifs d’aide au développement ou interviennent dans un cadre humanitaire lié à l’urgence.

3) Une intégration biaisée ? Les produits exportés par le continent relèvent de ressources non transformées sur place (65 % du total, dont 40 % pour le pétrole) ; les produits manufacturés ont progressé, passant de 6 % du total des exportations à 35 % aujourd’hui. Certains États ont su diversifier leur économie, comme la République de Maurice, ou accroître leur secteur industriel, comme en Afrique australe. Les directions prises par les exportations révèlent les partenariats traditionnels. L’Europe reste la destination principale des exportations, à près de 40 % du total. L’Asie arrive en deuxième position, avec 22 %, suivie par l’Amérique du Nord (17 %). Surtout, les échanges vers d’autres pays africains ne représentent que 12 % du total. Les importations nécessaires traduisent une dépendance toujours importante. La part élevée de l’alimentaire montre que le continent n’arrive pas encore à être autosuffisant en nourriture. Surtout, ce sont les infrastructures qui manquent pour assurer une pleine intégration à la mondialisation. La révolution des conteneurs est saisie de manière incomplète et les ports du continent se dotent progressivement d’outils performants. Les transports intérieurs présentent des faiblesses notables. Au Gabon, les trains ne dépassent pas les 35 km à l’heure. La vétusté des réseaux de transport, leur manque d’entretien, représentent l’un des obstacles majeurs à une intégration de l’Afrique à la mondialisation. Les appels à des investissements étrangers sont nombreux, et les zones franches se multiplient sur le continent. Le Kenya en concentre près de la moitié, mais le total africain ne représente que 7,5 % du total mondial (contre 28,6 % pour l’Asie orientale).

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Thème 3 : Dynamiques géographiques des grandes aires continentales Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement

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Conclusion : De nombreux discours ont parlé d’un immobilisme africain, d’un continent plongé dans un chaos insurmontable. Cette situation ne caractérise pour autant pas l’ensemble du continent. L’Afrique possède des atouts pour l’avenir. Elle est en effet riche en ressources, mais les Africains restent pauvres, plus d’un demi-siècle après les indépendances. Des origines « naturelles » ont souvent été avancées, sans convaincre réellement quant on sait combien de famines ont été sciemment provoquées par exemple. L’Afrique manque encore d’infrastructures pour permettre une circulation facilitée des marchandises et des personnes dans la mondialisation. Le manque est tout aussi grand s’agissant des équipements de base (eau, électricité, assainissement…) qui eux participent du développement. Les domaines de la santé et de l’éducation, laissés pour compte des finances publiques dans la plupart des États, peinent à émerger. La redistribution des ressources est bloquée par des élites politiques et leur système clientéliste. Le niveau de croissance du continent provient essentiellement de la vente de ses ressources minières à des cours très élevés. Mais le continent n’est pas à l’abri d’un renversement de conjoncture avec une chute de la demande asiatique et une baisse des prix. Un immense effort de diversification doit être entrepris pour se désengager progressivement de cette dépendance minière. L’Afrique n’est pas uniforme. Les différences de niveaux de développement se lisent de manière criante. Les inégales réussites économiques ne jouent pas en faveur d’un regroupement des États africains. L’union des économies africaines ou la mise en place d’un vaste marché commun, présent sous des formes plus ou moins différentes et approfondies sur les autres continents (ALENA, Union Européenne, ASEAN…) n’est encore que du domaine de l’hypothèse, sauf à retenir des intégrations comme la CEDEAO (en Afrique de l’Ouest) ou la SADC (Afrique australe). La restauration du rôle et de l’autorité des États reste le défi à surmonter pour assurer le développement à venir. Même si le monde, et l’Europe notamment, a du mal à délaisser l’image de la « décennie du chaos », il faut notamment qu’avec son milliard d’habitants, l’Afrique compte six des dix pays dans le monde ayant eu la plus forte croissance économique en 2011. III. L’Afrique du Sud face aux défis de l’émergence Problématiques : Comment le fait d’être devenu le S de BRICS, donc l’un des leaders des émergents, s’exprime-t-il dans le développement de l’Afrique du Sud ? Quelle est son empreinte sur le continent africain et sur le plan international ? Et sur quelles limites bute le modèle sud-africain ? L’Afrique du Sud est le pays du continent africain dont l’économie apparaît comme la plus diversifiée et la plus puissante (en termes de résultats), mais son niveau de développement reste encore en deçà de certains États du Maghreb. Le potentiel de l’Afrique du Sud est immense, mais elle doit continuer à porter un lourd héritage historique. Le système de l’apartheid a dominé l’histoire du XX° siècle avec une minorité blanche ayant asservi dans tous les domaines la majorité noire et « colorée » (colored). Mais les fortes tensions ethniques n’ont toutefois pas dégénéré en conflits, à la différence d’une partie du continent. L’Afrique du Sud présente en effet un cas unique de réconciliation nationale, entre populations noires et de couleur brimées et déniées durant l’apartheid, et populations blanches anciennement à la tête de l’État. Mise au ban des nations, boycottée, l’Afrique du Sud blanche a été contrainte de céder le pouvoir politique à la majorité noire. La transition entre les deux systèmes politiques s’est faite en 1994 sans violences et l’Afrique du Sud est restée une démocratie. Le pays dispose à l’heure actuelle

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d’atouts nombreux qui lui assurent ce statut de pays émergent. Bénéficiant d’immenses ressources minières, d’une agriculture puissante, d’un encadrement de niveau international, de capitaux propres, l’Afrique du Sud peut prétendre à la première place sur le continent.

A. Une économie émergente : une identité de BRICS évidente L’acronyme de BRIC a été formé au début des années 2000 pour désigner les quatre pays émergents d’alors, à l’économie florissante malgré des inégalités sociales et des différences de niveaux de vie encore nombreux au sein de la population. Il faisait alors référence aux États suivants : Brésil, Russie, Inde et Chine. Récemment, l’acronyme BRICS lui a été substitué pour y ajouter l’Afrique du Sud (South Africa). Ce pays est désormais considéré comme émergent. Cette situation économique, aux conséquences sociales majeures, peut être identifiée à différentes échelles : l’Afrique du Sud se veut en effet la puissance du continent et mobilise des outils pour commander pour partie l’Afrique.

1) Les aspects d’une réussite économique : Les transports et l’économie sud-africaine

L’Afrique du Sud appartient à ces pays d’Afrique aux richesses minières nombreuses et d’une remarquable diversité : or, argent, diamant par exemple. L’Afrique du Sud est aussi riche en charbon ce qui apporte un atout à l’économie, même s’il ne s’agit pas d’une ressource aussi stratégique que le pétrole.

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Thème 3 : Dynamiques géographiques des grandes aires continentales Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement

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L’Afrique du Sud ne se contente d’exporter uniquement des produits bruts comme beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne. Elle exporte aussi des produits manufacturés produits pour l’exportation. Les infrastructures portuaires sont aussi le symbole d’une économie émergente avec des spécialisations de certains dans l’exportation de productions manufacturés. L’économie sud-africaine est celle d’un pays émergent. Son PIB se fonde à 3 % sur l’agriculture, à 31,1 % sur l’industrie et le reste sur les services. Cette répartition rappelle celle des pays du Nord. La croissance économique avoisine les 5 % par an durant les années 2000, avec une baisse autour de 2,3 % en 2010 (effet de la crise économique mondiale). Les produits miniers sont en plus gérés par des firmes sud-africaines à la différente d’autres pays d’Afrique subsaharienne qui dépendent des FTN des pays du Nord ou des puissances émergentes. Le pays est :

- le premier producteur mondial de chrome, de manganèse, de titane, - le deuxième de diamants, - le quatrième de charbon et de zinc. - Certains produits représentent même un quasi-monopole mondial (70 % du platine

mondial, 82 % du manganèse), alors que le chrome utilisé aux États-Unis provient à 90 % d’Afrique du Sud.

Ce secteur minier est géré par de grands groupes sud-africains, dominés par l’élite blanche. Nul conflit armé n’est apparu dans ce pays à propos de ses ressources minières. L’expression de « scandale géologique » ne semble pas s’appliquer à l’Afrique du Sud. Les régions d’industrie lourde (sidérurgie et métallurgie), comme le Gauteng, autour de Pretoria et de Johannesburg, se fondent sur l’exploitation des produits miniers. La population sud-africaine profite donc des retombées directes par les emplois que ces minerais procurent. Les exportations représentent de la sorte 15 % du PIB sud-africain, pour des produits tant bruts que manufacturés. La Chine est le premier partenaire extérieur du pays en termes d’échanges commerciaux. Le secteur des services comprend une diversité de réussites. Les activités financières connaissent une progression constante, autour de Johannesburg, capitale boursière africaine (16e bourse mondiale, première d’Afrique). Le tourisme est un secteur en expansion, tant pour des pratiques balnéaires que liée au patrimoine naturel de l’intérieur du pays. Le Drakensberg est une région de montagne aux réserves naturelles qui attirent chaque année des flux croissants de touristes. 300 000 touristes étrangers ont assisté à la coupe du monde de football en 2010.

2) Des initiatives largement sud-africaines La progression de l’économie sud-africaine est due à des choix politiques et à des stratégies d’acteurs économiques. Le secteur de la viticulture, qui profite du climat méditerranéen proche du Cap, en témoigne. Les productions de vin reposent sur des entrepreneurs formés aux méthodes de l’Europe, transposées pour partie dans ce pays avec la forte volonté d’en faire une culture d’exportation. Une vingtaine d’années après le lancement de cette production viticole, l’Afrique du Sud est parvenue à la sixième place mondiale pour les volumes produits et leur valeur. La présence d’acteurs économiques nationaux est forte aussi dans le secteur minier. Le groupe De Beers est bien connu pour sa gestion des mines du pays, et notamment de celles de diamants. Sa stratégie actuelle témoigne d’une transformation de la vision de son rôle dans la mondialisation, avec la vente par la famille dirigeante des parts à un groupe anglais et de la délocalisation de son siège social au Luxembourg. Cette entreprise, possédée à 15 % par les pouvoirs publics du Botswana, assure 35 % des ventes mondiales de diamants bruts, un secteur qui a perdu de son importance avec la crise de 2008.

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La volonté de l’Etat de faire du pays une puissance économique apparaît dans les équipements de transport dont dispose le pays. Financés par l’État, ils donnent à l’Afrique du Sud un réseau de qualité, si bien qu’elle comprend 60 % du réseau ferré de toute l’Afrique australe, 25 % de celui de toute l’Afrique. Ses infrastructures sont au débouché de l’Afrique, à proximité de grandes routes commerciales maritimes. Elles sont empruntées par les produits – notamment miniers – d’États voisins enclavés (Botswana) ou trop pauvres pour moderniser leurs équipements (Mozambique). Le littoral sud-africain fait de la sorte figure de véritable façade littorale avec sa succession de ports spécialisés et performants. La présence étrangère participe de cette économie florissante. L’Afrique du Sud bénéficie d’IDE (Investissements Directs à l’Étranger) nombreux avec 10 % de la totalité des IDE destinés au continent africain, portés vers le secteur industriel comme le secteur tertiaire.

B. Une affirmation politique et diplomatique à plusieurs échelles La présence de l’Afrique du Sud au sein du continent africain

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L’influence de l’Afrique du Sud semble concerner des aires successives. L’Afrique australe et les terres du sud-ouest de l’Océan Indien sont les premières concernées par une présence économique. La SADC (Southern African Development Community) est un pôle de coopération économique et offre donc un cadre privilégié pour y développer des activités et des partenariats. La présence économique et la capacité d’émettre des IDE ne se limitent pas aux seuls voisins. L’Afrique du Sud participe aux dynamiques du continent, avec la prise d’intérêts dans des États aux ressources majeures convoitées par d’autres puissances mondiales. Le cas des investissements au Nigeria pétrolier est en ce sens parlant. Cette affirmation reste liée pour l’essentiel à des intérêts économiques. L’Afrique du Sud cherche à s’ériger en puissance diplomatique africaine, comme en témoigne l’intervention en RDC, avec cette volonté d’apparaître comme un leader pour le continent. Sa participation à l’Union Africaine n’a que peu d’influence, pour une organisation peu dynamique. Surtout, d’autres États africains souhaitent se voir doter d’un rôle identique, comme l’Égypte et le Nigeria.

1) Un État leader en Afrique australe Le PIB de l’Afrique du Sud représente 75 % de celui de l’Afrique australe. C’est dire le poids d’un État qui bénéficie de l’intégration la plus aboutie du continent africain. La SADC créée en 1992, héritière de regroupements plus anciens mais liés à l’embargo frappant le pays. La finalité de cette communauté est de favoriser la croissance économique des membres en encadrant mieux les flux commerciaux. Il ne s’agit pas encore d’une intégration pour le libre-échange, l’Afrique du Sud dominant trop l’ensemble.

2) Un leader africain en cours de constitution La puissance économique de l’Afrique du Sud au sein du continent la pousse à intervenir diplomatiquement. Elle représente 25 % du PIB africain total et 36 % du PIB subsaharien. La diplomatie africaine doit désormais compter sur un État qui s’affirme depuis les années 2000. Le pays prend durant cette période l’allure d’un gendarme africain, avec des interventions militaires pour arbitrer et peser dans plusieurs conflits : Ethiopie/Erythrée, Sierra Leone, Côte d’Ivoire, Soudan. Le pays est doté d’une force militaire, la SANDF (South African National Defense Force). Elle est la première armée du sous-continent pour le nombre de soldats. Son rôle apparaît à partir de 2001, date à laquelle l’Afrique du Sud envoie 700 soldats au Burundi pour aider et surveiller la mise en œuvre de l’accord de paix. En RDC, l’Afrique du Sud s’est imposée en 2002 comme un des négociateurs de la paix avec une participation aux discussions pour résoudre le conflit. Bien qu’encore peu importante, l’Union Africaine a mis en œuvre une armée pour préserver la paix sur le continent ; l’Afrique du Sud en est l’un des principaux artisans et acteurs. Le pays consacre l’équivalent de 1,5 % de son PIB à son armée, part faible à l’échelle de l’Afrique mais volume plus important au regard des richesses produites. Dernier symbole de cette montée en puissance, l’élection en juillet 2012 à la tête de la présidence de la Commission de l’Union Africaine de Nkosazana Dlamini-Zuma. Première femme sud-africaine à diriger l’organisation panafricaine qui siège à Addis-Abeba (Éthiopie), elle a occupé des postes ministériels important et a été l’ex-épouse du président sud-africain Jacob Zuma. Pour l’Afrique du Sud, cette élection va bien au-delà d’une victoire de prestige, c’est la reconnaissance de la réalité de sa première place sur le continent.

3) Quelle place de leader à l’échelle du monde ? Les prises de position de l’Afrique du Sud renvoient aussi à un regard porté à l’échelle du monde. Ce regard est d’abord économique, en lien avec cette identité de puissance émergente.

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Le NEPAD (New Economic Partnership for African Development) est un cadre de discussions pour promouvoir un développement équilibré et équitable entre les pays africains et entre les différents continents. L’Afrique du Sud est le pays qui, avec l’Égypte, l’Algérie, le Sénégal et le Nigeria, a poussé à sa mise en place. L’appel est aussi lancé aux acteurs du secteur privé pour soutenir ce développement. Surtout, la question de la « Renaissance africaine » apparaît comme un nouvel état d’esprit porté par l’Afrique du Sud. Le NEPAD en est l’expression sur le mode socio-économique. Au niveau diplomatique, il consiste à faire pression pour donner à l’Afrique un nouveau rôle dans l’ordre mondial. L’Afrique du Sud est ainsi souvent avancée au titre des candidats à un siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU. Ce cadre diplomatique s’inscrit aussi dans une participation à des regroupements pensés au niveau mondial. L’Afrique du Sud est un des 19 membres du Groupe de Cairns, dont l’objectif est de peser dans les accords internationaux à propos des échanges agricoles. Elle est un membre actif du G20, organisation réunissant les plus grandes puissances économiques mondiales, en ne les limitant aux membres du G8.

C. Une population qui souffre encore : un développement incomplet Carte des anciens bantoustans

Les bantoustans étaient des États théoriquement indépendants mais au statut seulement reconnu par l’Afrique du Sud. Ils étaient les territoires les plus visibles de la politique

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d’apartheid, avec l’obligation faite aux populations noires d’y résider. S’ils n’existent plus, ils continuent d’abriter une importante population noire. Les niveaux socio-économiques y sont toujours bas et faibles. Les inégalités sociales rappellent, malgré l’abolition de l’apartheid, les ségrégations imposées par la population blanche. Quels que soient les indicateurs pris en compte, tous révèlent les problèmes rencontrés par la population noire et, dans une moindre mesure, la population métisse. Seuls les Indiens forment une minorité à la situation plus favorable.

1) De profondes inégalités sociales dans un contexte de développement en cours Avec une population de 50 millions d’habitants, l’Afrique du Sud présente encore un niveau de développement moyen voire faible. Plusieurs indicateurs en témoignent :

- IDH de 0,59 (103ème place mondiale) - 30 % de la population à moins de 15 ans - Taux de fécondité de 2,4 enfants par femme - Mortalité infantile élevée de l’ordre de 46 ‰.

La croissance économique a dopé les finances d’État. Les dépenses publiques de santé représentent 3,6 % du PIB et celles en faveur de l’éducation, 5,1 %. 20 % de la population restent toutefois illettrées. Les aides sociales ont progressé et concernent 13 millions de Sud-Africains. Un indicateur comme le nombre de Sud-Africains possédant un téléphone portable montre que le chiffre monte à 95 % de la population adulte totale, le plus fort taux d’Afrique. Les améliorations sont visibles sur d’autres plans sans que tous les problèmes soient résolus :

- En 1995, 31 % de la population vivait avec un dollar par jour, contre 22 % en 2008. - 53 % des habitants vivaient en 1995 avec 2 dollars par jour, contre 49 % aujourd’hui. - La crise de la fin des années 2000 entraîne des suppressions d’emplois dans

l’automobile et les mines, dans des régions qui n’ont pas réussi à diversifier leur économie.

Les inégalités socio-économiques se calquent sur les différences entre groupes ethniques. Depuis la fin de l’apartheid, le revenu mensuel moyen de la population s’est élevé de 37,3 %, celui de la population blanche, de 83,5 %. Le chômage touche 50 % de la population noire, 30 % des Métis, 20 % des Indiens et 8 % des Blancs. La mortalité infantile est de 70 ‰ dans la population noire, contre 12 ‰ au sein de la population blanche. Cette dernière possède encore 80 % des terres agricoles, malgré les promesses étatiques de redistribution des terres dans les années 1990. L’essentiel de l’appareil économique reste aux mains de cette élite blanche. Un partage des responsabilités s’est produit lors de la remise du pouvoir à la majorité politique avec la fin de l’apartheid. L’élite noire s’est d’abord investie dans le pouvoir politique. Mais une génération après celle de N. Mandela, l’Afrique du Sud vit une autre mutation avec l’arrivée de cadres dirigeants d’origine noire dans le monde de l’entreprise. Certaines entreprises s’y sont rapidement adaptées, à l’image de la De Beers qui compte un vice-président noir ancien mineur ou des directeurs (voire directrices) de mines issues de populations soumises au régime de l’apartheid.

2) Une population confrontée à trois défis Le Sida reste une inconnue majeure pour l’avenir du pays. Les estimations les plus hautes font état de 6 millions de séropositifs dans un pays où l’espérance de vie a chuté de 59 ans en 1990 à 46 ans en 2008. 20 % des adultes de 15 à 49 ans sont contaminés. Le syndrome a pendant longtemps été nié par les plus hautes autorités de l’Etat et le président Jacob Zuma élu en 2009 est le premier à promouvoir des campagnes de dépistage à grande échelle. Mais les ressources financières et le nombre de séropositifs sont des freins à la mise en œuvre de traitements, dans un pays où la corruption ralentit parfois les actions.

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La violence est une autre plaie de l’Afrique du Sud, le pays reste l’un de ceux où la population subit les pires violences au quotidien. Les Sud-africains sont en effet confrontés à des faits multiples, comme les meurtres (20 000 par an à la fin des années 2000) et les viols (55 000 au milieu des années 2000). Ces derniers sont une source supplémentaire de diffusion du Sida. La crise de la fin des années 2000 touche l’Afrique du Sud plus durement que les autres États du continent. Elle paye ainsi paradoxalement sa place de leader économique, bien intégré dans les réseaux mondiaux.

3) Une fragmentation spatiale, reflet de la fragmentation sociale et des héritages de l’apartheid

Les villes d’Afrique du Sud sont les témoins du maintien d’inégalités sociales et de fractures socio-spatiales majeures. Les métropoles le port du Cap, et la région du Gauteng la plus urbanisée du pays avec la métropole économique Johannesburg et la capitale Pretoria, sont des centres de prospérité, mais le reste du pays demeure essentiellement rural et profondément marqué par l’apartheid. Les vastes townships des métropoles rappellent, par le nom de certains, les émeutes dont ils ont été le siège. Soweto, township de Johannesburg, avec 2 millions d’habitants, reste marqué par les émeutes de 1976 déclenchées à la suite de l’obligation pour les écoliers noirs d’apprendre l’afrikaans (langue héritée des premiers colons hollandais) en plus de l’anglais. La répression terrible qui s’en suivit décapita le mouvement mais précipita la coupure entre l’Afrique du Sud et le reste du monde. Le nouveau régime démocratique a d’ailleurs reconnu les langues de la population noire comme faisant partie des langues officielles à part entière, dans le système scolaire notamment. Le Cap symbolise les coupures au sein du tissu urbain. D’autres formes d’apartheid continuent à sévir en Afrique du Sud, et s’inscrivent dans le paysage urbain. La tendance actuelle est la généralisation des gated communities, véritables enclaves résidentielles surprotégées, aux murs surmontés de barbelés électrifiés, pour les populations blanches et les populations noires les plus riches. Les plus grandes peuvent rassembler jusqu’à 10 000 habitants, comme à Pretoria. La véritable rupture sociale n’est plus à chercher dans la couleur de la peau mais dans celle qui différencie riches et pauvres. En parallèle, les townships sortent progressivement de leur aspect de bidonvilles. Avec l’augmentation du niveau de vie, leur habitat s’améliore et ils accueillent une petite bourgeoisie noire qui a su cueillir les fruits de son accession au pouvoir. Mais les véritables bidonvilles continuent de se multiplier, ils s’installent plus loin des centres urbains et accueillent les victimes de l’exode rural et les immigrés venus d’Afrique australe. Le rêve de Nelson Mandela d’une Nation arc-en-ciel semble pour partie fonctionner. Le pays est en paix intérieure et aussi en paix avec ses voisins. Le fléau de la guerre civile et des guerres étatiques a épargné un pays qui dispose de forces de police et d’une armée puissantes. L’Afrique du Sud possède aujourd’hui les attributs des pays émergents. L’économie, en progrès et diversifiée, va de pair avec une intense activité diplomatique pour faire entendre sa voix dans le concert des Nations. Mais les bénéfices obtenus par la population restent inégaux. L’Afrique du Sud relève bien de cette situation de développement intermédiaire, avec une économie nationale florissante où la population reste à un stade de développement encore très éloigné de celui des pays du Nord ou d’Asie.