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ÉTHIQUE Les limites de la recherche in vitro toujours repoussées La Croix du 5 juillet 2016 par Denis Sergent Des chercheurs anglo-saxons ont réussi à cultiver in vitro des embryons humains jusqu’à 13 jours. Des biologistes et médecins français plaident de leur côté pour repousser la « limite française » des 7 jours, ce qui pose de nombreux problèmes éthiques. Début 2016, une équipe de biologistes des universités Rockefeller (New York) et de Cambridge (Royaume-Uni), co-animée par Magdalena Zernicka-Goetz, est parvenue à développer des embryons humains, in vitro et pendant une durée de 13 jours – on savait le faire jusqu’à neuf jours. Selon eux, cette expérience permet d’améliorer les chances de réussite de fécondation assistée (PMA) et aider à comprendre les fausses couches, c’est-à-dire l’impossibilité pour un embryon de s’implanter dans l’utérus*. Cette étude a été interrompue au bout de 13 jours, délai maximal autorisé pour expérimenter sur un embryon en Grande-Bretagne, car le système nerveux embryonnaire, précurseur du cerveau, se met en place à partir du quatorzième jour. En France, la loi ne donne pas de limite, mais le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) recommande que la recherche in vitro sur l’embryon soit arrêtée au septième jour (avis 112, octobre 2010). « Il s’agit là d’une marque minimale de respect pour l’embryon en tant que personne humaine potentielle, c’est-à- dire d’être en devenir », estime le CCNE. En Grande-Bretagne, durant ces 13 jours, les embryons sont restés dans des boîtes de culture, sans aucun contact avec des cellules de l’utérus maternel, « ce qui montre la possibilité d’un auto-développement de l’embryon humain », a expliqué la chercheuse. Sans toutefois avoir la certitude que les embryons étudiés présentent un développement similaire à ceux qui sont implantés dans l’utérus d’une femme. 1

ÉTHIQUE - Erelim | · Web viewLes solutions de Google et IBM n'arrivent pas sur un territoire vierge : d'autres acteurs commercialisent déjà des logiciels pour aider les professionnels

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ÉTHIQUE

Les limites de la recherche in vitro toujours re-pousséesLa Croix du 5 juillet 2016 par Denis SergentDes chercheurs anglo-saxons ont réussi à cultiver in vitro des embryons humains jusqu’à 13 jours. Des biologistes et médecins français plaident de leur côté pour repousser la « limite française » des 7 jours, ce qui pose de nombreux problèmes éthiques. Début 2016, une équipe de biologistes des universités Rockefeller (New York) et de Cambridge (Royaume-Uni), co-animée par Magdalena Zernicka-Goetz, est parvenue à développer des em-bryons humains, in vitro et pendant une durée de 13 jours – on savait le faire jusqu’à neuf jours. Se-lon eux, cette expérience permet d’améliorer les chances de réussite de fécondation assistée (PMA) et aider à comprendre les fausses couches, c’est-à-dire l’impossibilité pour un embryon de s’implan-ter dans l’utérus*.

Cette étude a été interrompue au bout de 13 jours, délai maximal autorisé pour expérimenter sur un embryon en Grande-Bretagne, car le système nerveux embryonnaire, précurseur du cerveau, se met en place à partir du quatorzième jour. En France, la loi ne donne pas de limite, mais le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) recommande que la recherche in vitro sur l’embryon soit ar-rêtée au septième jour (avis 112, octobre 2010). « Il s’agit là d’une marque minimale de respect pour l’embryon en tant que personne humaine potentielle, c’est-à-dire d’être en devenir », estime le CCNE. En Grande-Bretagne, durant ces 13 jours, les embryons sont restés dans des boîtes de culture, sans aucun contact avec des cellules de l’utérus maternel, « ce qui montre la possibilité d’un auto-développement de l’embryon humain », a expliqué la chercheuse. Sans toutefois avoir la certitude que les embryons étudiés présentent un développement similaire à ceux qui sont implantés dans l’utérus d’une femme.

Si plusieurs scientifiques ont salué ce travail comme une « étape majeure », d’autres restent pru-dents. « La prolongation de la culture de l’embryon in vitro devrait faciliter la compréhension du développement embryonnaire, notamment la cause de la majorité des échecs procréatifs (80 %) », observe Patrick Gaudray, professeur de génétique à l’université de Tours et ancien membre du CCNE. « Mais quand on réfléchit plus avant, on observe que d’un côté on prolonge la vie extra-utérine, tandis que de l’autre on fait naître les bébés de plus en plus tôt. Bref, progressivement, on se rapproche de “l’utérus artificiel” imaginé par le médecin, biologiste et philosophe Henri Atlan. Une évolution qui soulève de nouvelles questions éthiques », poursuit-il.

D’autres scientifiques sont encore plus perplexes. « Si l’étude apporte des informations sur les mé-canismes de fausse couche, il ne s’agit que des mécanismes liés à l’embryon  ; or la fausse couche peut aussi être le fait de la plus ou moins bonne préparation de l’utérus de la femme qui le porte  », réagit Marie-Jo Thiel, médecin et professeur d’éthique à la faculté de théologie de Strasbourg. De plus, continue-t-elle, « pourquoi faut-il faire ces études sur l’embryon humain et non sur l’embryon de mammifère (souris) ? Plus l’embryon est développé, plus il se pose de questions éthiques et il est certain que demain on va vouloir aller au-delà des 14 jours. »

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Mais pouvoir cultiver des embryons jusqu’à 13 jours, plaident certains, pourrait aussi présenter des avantages médicaux. « Ainsi, on pourrait traiter des embryons malades in vitro plutôt que de les sé-lectionner par diagnostic préimplantatoire (DPI) », observe Hervé Chneiweiss, membre du CCNE et président du comité d’éthique de l’Inserm. Le 12 mai dernier, des chercheurs ont publié dans Na-ture un appel à revoir la recommandation du CCNE sur les sept jours. Une réflexion que, de son cô-té, le CCNE s’apprête à engager.

*Publié le 4 mai 2016 dans Nature et Nature Cell Biology.

Belgique : une maison de repos condamnée pour avoir refusé une euthanasie dans ses mursInstitut Européen de Bioéthique du 29 juin 2016 par Carine Bro-chierCe mercredi 29 juin 2016, la maison de repos Sint-Augustinus, de Dienst, a été condamnée par le tribunal de première instance de Louvain pour avoir refusé qu'une euthanasie soit pratiquée en son sein. Il a condamné la direction de la maison de repos et de soins (MRS) à verser un dédommage-ment de 6000 € aux membres d'une famille pour le préjudice qu’ils ont subi pour avoir dû déplacer leur mère afin que celle-ci puisse être euthanasiée.

Mariette Buntjens, âgée de 74 ans et en phase terminale d'un cancer métastasique, avait formulé sa demande d’euthanasie en 2011. C'est un médecin extérieur à l'institution qui a décidé de répondre à sa demande. Le médecin coordinateur dit avoir été mis devant le fait accompli et affirme que lui-même et l'équipe soignante ont été laissés à l'écart et n'ont pas  pu s'entretenir avec Mme Buntjens de sa demande d'euthanasie. La direction aurait alors refusé que l'acte soit pratiqué dans ses murs car les conditions requises par la loi n'étaient pas remplies. En effet, la loi dépénalisant l'euthanasie pré-voit dans son article 3, alinéa 4 que le médecin pratiquant l'euthanasie doit  « s’il existe une équipe soignante en contact régulier avec le patient, s’entretenir de la demande du patient avec l’équipe ou des membres de celle-ci. »

La famille a donc décidé de ramener la patiente chez elle pour qu'elle puisse y être euthanasiée. Ses enfants ont ensuite saisi la justice, au motif que le refus de l’établissement de faire euthanasier leur mère dans la structure aurait aggravé ses souffrances physiques et psychiques. Lors de l’audience le 18 mai 2016, la direction de la maison de repos s’est défendue d’avoir refusé l’euthanasie pour mo-tifs religieux ou par conviction. Selon elle, les conditions légales n’étaient pas remplies pour que la femme soit euthanasiée car elle n’avait pas confirmé sa demande d’euthanasie auprès du médecin coordinateur. L’équipe médicale de l’établissement n’aurait pas été contactée non plus.

Euthanasie dans l’Aveyron : soupçonné d’avoir empoisonné sa mère centenaireInfos-h24.fr du 1er juillet 2016 par Jean-Marc Aubert

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Le procureur de la République du pôle criminel au tribunal de grande instance de Montpel-lier, Christophe Barret a livré des informations ce vendredi après-midi, lors d’un point presse sur une affaire judiciaire qui a pour cadre l’Aveyron, plus précisément à Nant, à la limite de l’Hérault.Un septuagénaire de Millau a été mis en examen en début de semaine pour être soupçonné d’avoir empoisonné sa mère, une centenaire décédée en 2014, à Nant. A-t-il voulu abréger les souffrances de cette vieille dame infirme depuis des années, ou a-t-il agi pour de plus sombres raisons liées no-tamment à une mise sous tutelle ? Le procureur de Montpellier a évoqué ce vendredi un geste d’eu-thanasie : le fils aurait décidé de donner la mort à sa maman dans le seul but d’abréger ses souf-frances. C’est ce qu’il ressortirait des investigations judiciaires en cours. Le fils, âgé de 73 ans et un complice de 35 ans ont été mis en examen pour « assassinat et complicité d’assassinat » par un juge d’instruction du pôle criminel de Montpellier. Il a été laissé libre sous contrôle judiciaire eu égard à son âge et à son état de santé. Le fils est un ancien restaurateur de la Côte d’Azur ayant pris sa re -traite à Millau. L’autre est un professionnel de la santé de 35 ans.

Tout est parti d’une rumeur persistante dans l’entourage de la victime évoquant un décès suspect et non une mort naturelle, comme le médecin l’avait indiqué à l’époque, lors du constat de décès à la maison de retraite de Nant. Le permis d’inhumer avait été délivré. Les gendarmes ont eu vent de cette rumeur et, sur ordre du parquet de Rodez ont convoqué le septuagénaire. Au cours de sa garde à vue, lundi, le fils a alors reconnu avoir « aidé à faire mourir sa mère » en mélangeant à ses plats du poison à fortes doses. Un produit mélangé à de la purée qui, selon lui, aurait été fourni par son complice.

Le mobile de cet assassinat serait lié à la décision de retirer la mise sous tutelle de la centenaire à son fils. Tutelle qui allait lui être retirée le 10 novembre 2014, comme la juge des tutelles l’avait in -formé. La centenaire est morte la veille… Mais, pour le procureur de la République de Montpellier, c’est la piste de l’euthanasie qui serait retenue au début de cette instruction qui va notamment être marquée par des actes d’expertises médicales.

Les dilemmes de la recherche sur l’embryonLa Croix du 5 juillet 2016 par Marine LamoureuxLa recherche sur l’embryon suscite encore de nombreux espoirs théra-peutiques. Certains, cependant, redoutent qu’il ne devienne un simple matériau de laboratoire.Il y a trois ans, par la loi du 6 août 2013, la France autorisait la recherche sur l’embryon et les cel-lules-souches embryonnaires. À l’époque, le passage d’un régime d’interdiction (des dérogations étant néanmoins accordées) à un régime d’autorisation encadrée, avait suscité des craintes. « En re-nonçant au principe d’interdiction, on opère une rupture fondamentale, s’était alarmé Bertrand Ma-thieu, professeur de droit à la Sorbonne. L’embryon devient un simple matériau de laboratoire, au-trement dit, on ne lui reconnaît plus la dignité qui justifiait sa protection. »

Depuis, certaines avancées scientifiques ont approfondi les dilemmes autour de l’utilisation de l’embryon humain. En tête, le fameux « Crispr-Cas9 ». Cette technique de modification génétique permet de découper l’ADN avec précision pour supprimer ou remplacer un ou plusieurs gènes défi-cients. Mis au point en 2012 par deux chercheuses, Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier, ces « ciseaux génétiques » suscitent l’intérêt de nombreuses équipes dans le monde, qui espèrent des résultats en matière de thérapie génique et de médecine régénérative. Problème : Crispr-Cas9 a déjà été utilisé à titre expérimental pour modifier le génome d’embryons (voués à la destruction).

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En avril 2015, des chercheurs chinois ont ainsi annoncé avoir eu recours à ces « ciseaux géné-tiques » sur des embryons atteints d’une grave maladie du sang. L’expérience ne s’est pas révélée concluante mais a suscité l’émoi car de tels essais reviennent à toucher au patrimoine héréditaire de l’espèce humaine (via les cellules reproductrices de l’embryon en devenir). De quoi renforcer les in-quiétudes. « Cette technique peut relever du pire comme du meilleur », souligne Tugdual Derville, d’Alliance Vita*. Avec Crispr-Cas9, poursuit-il, « un pas de plus peut être franchi par l’intrusion des chercheurs au cœur de l’ADN, au stade le plus précoce de l’existence humaine ». Et conduire, par une approche « des petits pas » à des formes d’eugénisme, que la découvreuse Jennifer Doudna elle-même envisage. « La question éthique est de savoir qui veut appliquer ces techniques, qui y a accès, qui décide de les employer et dans quel but. Est-ce acceptable si c’est uniquement à visée thérapeutique ou aussi pour répondre au désir de parents d’avoir des enfants plus grands, aux yeux bleus ? », déclarait-elle dans Le Monde du 23 mars.

Nous n’en sommes pas là. Mais déjà, la Grande-Bretagne a autorisé l’utilisation de Crispr-Cas9 sur les embryons, à condition que ceux-ci soient détruits au bout de deux semaines. En France, l’enca-drement juridique est strict. Même depuis que le principe d’interdiction a été levé, assure Anne Courrèges, la directrice générale de l’Agence de la biomédecine (ABM). « Avec la loi de 2013, la recherche sur l’embryon reste très encadrée, l’agence assurant un contrôle scientifique, technique et éthique. Pour être autorisé, le projet de recherche doit être scientifiquement pertinent et s’ins-crire dans une finalité médicale », rappelle-t-elle, ajoutant qu’« à ce stade, l’agence n’a pas été sol-licitée concernant Crispr-Cas9 ». Sans attendre, l’Académie de médecine, elle, s’est dite favorable à son utilisation, « y compris » sur l’embryon humain et les cellules reproductrices. Tout en préci-sant qu’il lui paraissait en revanche « inconcevable que les techniques de modification du génome soient utilisées (…) avec comme perspective de faire naître un enfant ».

C’est dire que la recherche sur l’embryon ne sera pas abandonnée de sitôt. D’autant que, selon l’ABM, les techniques alternatives n’ont pas le même potentiel de recherche. Ainsi des iPS (indu-ced pluripotent stem cell), ces cellules adultes qui sont reprogrammées pour qu’elles retrouvent un état de pluripotence**. « On oblige ces cellules à régresser, à remettre leur horloge à zéro, sou-ligne Anne Courrèges. Mais cette reprogrammation forcée produit de l’instabilité et d’éventuelles mutations que les chercheurs ne maîtrisent pas encore complètement ». La directrice indique d’ailleurs que certaines équipes utilisent les deux types de cellules – iPS et embryonnaires – car elles présentent un intérêt scientifique différent. Quoi qu’il en soit, 37 équipes en France sont au-jourd’hui autorisées à procéder à ce type de recherches sur l’embryon. Certaines travaillent sur les pathologies du foie, d’autres sur la drépanocytose (maladie du sang) ou encore la dégénérescence maculaire liée à l’âge.

L’un des projets les plus avancés concerne le traitement d’insuffisants cardiaques : un essai clinique de phase 1 est en cours, associant le service de chirurgie cardio-vasculaire du professeur Philippe Menasché (hôpital européen Pompidou) et le département de biothérapies cellulaires de Saint Louis, dirigé par le professeur Jérôme Larghero. En octobre 2014, une patiente de 68 ans a ainsi été greffée avec des cellules cardiaques dérivées de cellules-souches embryonnaires. Un an et demi après, elle va bien. Depuis, quatre autres malades ont bénéficié d’une telle greffe. Difficile, compte tenu de ces perspectives, de poser d’intangibles garde-fous. Dans certains pays, comme la Grande-Bretagne, il est déjà possible de fabriquer des embryons pour la recherche, tandis que fin mai, le ministère de la santé des Pays-Bas a annoncé vouloir modifier la loi dans ce sens (une telle fabrication est prohibée en France). « Le risque d’instrumentalisation est réel, davantage qu’en 1994 au moment des pre-mières lois de bioéthique, souligne Jean-François Mattei, qui en fut l’un des principaux artisans. Il est crucial d’éviter toute banalisation. Certes, la médecine doit progresser, mais la fin ne justifie pas les moyens. L’embryon ne devrait jamais être considéré comme un matériau de laboratoire uti-lisable et jetable. »

Quels embryons utilise-t-on dans la recherche ?

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En France, seuls les embryons conçus dans le cadre d’une Aide médicale à la procréation (AMP) peuvent être utilisés pour la recherche. Trois types d’embryons sont concernés : des embryons sains mais ne faisant plus l’objet d’un projet parental (avec l’accord du couple)  ; des embryons porteurs de maladies congénitales identifiées lors d’un diagnostic préimplantatoire ; enfin, des embryons écartés de l’AMP car l’on redoute un mauvais développement.*« Le temps de l’homme », Plon, 320 p. **Capacité d’une cellule à se différencier en plusieurs types de cellules.

Intelligence artificielle : la santé attire les géants de la techLe Figaro du 6 juillet 2016 par Lucie RonfautL'analyse de données pour aider au diagnostic et aux traitements est investie par de nom-breuses entreprises, dont les géants Google et IBM.

La vidéo est réalisée sans effets spéciaux. Un homme diabétique prend rendez-vous chez son méde-cin traitant. Après un court entretien, le docteur prend une photo de son œil avec son smartphone. Quelques secondes lui suffisent à obtenir un diagnostic : l'homme n'est pas atteint de rétinopathie, une maladie qui touche une majorité des diabétiques et qui peut provoquer la cécité si elle n'est pas traitée. Derrière cette démonstration, il y a l'expertise de DreamUp Vision. Cette entreprise française développe une intelligence artificielle capable de détecter des maladies de l'œil à l'aide de simples photographies. La machine donne un diagnostic quasi immédiat, en comparant les yeux du patient à une banque de plusieurs milliers d'images. À l'origine de cette idée, des employés d'une autre socié-té spécialisée dans l'analyse de données dans l'assurance-santé (DreamQuark) qui ont participé à un hackathon dédié au diabète. « Nous avons réalisé que ces problématiques pouvaient être résolues avec notre technologie », résume Ekaterina Besse, désormais à la tête de ce nouveau projet.

L'intelligence artificielle a fait des progrès spectaculaires ces dernières années. On a vu des ma-chines battre des humains au jeu de go, reconnaître des personnes sur des photos Facebook ou aider à la prédiction des marchés financiers. Elles sont désormais prêtes à enfiler une blouse blanche. Start-up et géants de la Silicon Valley développent des solutions pour seconder les médecins, en les aidant à diagnostiquer rapidement une maladie ou en leur proposant des parcours de soin adaptés. Ces logiciels complexes sont capables de prendre des décisions en brassant les millions de données produites par les hommes et recueillies par les personnels soignants ou les appareils connectés. Elles analysent notre poids, notre rythme cardiaque, nos antécédents familiaux, voire notre ADN. Là où un médecin peut mettre des semaines à établir un diagnostic, elles promettent des résultats en quelques minutes. « On observe un mouvement double : la digitalisation croissante des données ré-coltées par les hôpitaux et les progrès dans l'apprentissage automatisé », explique Jurgi Camblong, fondateur de Sophia Genetics, une entreprise suisse spécialisée dans l'aide au diagnostic de mala-dies liées aux génomes. Ses algorithmes analysent les données de plus de 160 établissements de santé dans le monde, dont une trentaine en France. Un diagnostic coûte entre 50 et 250 euros par pa-tients. Ils devraient être plus de 80 000 à bénéficier de la technologie de Sophia Genetics cette an-née.

Un marché lucratifLa santé est un marché propice au développement des intelligences artificielles. Il est aussi très lucratif. Aux États-Unis, il est valorisé à un peu plus de 100 milliards de dollars. De quoi développer un écosystème de start-up et intéresser les grosses entreprises du Web. Deux géants

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américains se sont emparés du sujet: Alphabet, la maison mère de Google, et IBM. La première gère plusieurs initiatives dédiées à la santé, comme Calico, dont les recherches ont pour but d'aug-menter la durée de vie des hommes. Elle a aussi investi dans une entreprise d'analyse du code géné-tique, 23andMe. Ses derniers efforts tournent autour de l'intelligence artificielle. Alphabet est pro-priétaire de DeepMind, l'entreprise anglaise connue pour avoir construit un robot capable de battre des joueurs humains au go. En février, la filiale a annoncé la création d'une initiative dédiée à la médecine. Elle s'est associée au système de santé britannique (NHS) pour développer une applica-tion de traitement du cancer du foie. Mardi, DeepMind a annoncé une nouvelle collaboration autour des maladies de l'œil. Comme pour DreamUp Vision, la plateforme rend ses diagnostics en compa-rant les photos d'un patient avec une banque d'images composés de plus d'un million de sujets.

L'entreprise la plus en avance en la matière reste néanmoins IBM et son intelligence artificielle Watson. Cette dernière, jusqu'ici surtout exploitée dans les entreprises et la finance, dispose d'une initiative de santé depuis avril 2015. La société informatique a investi près de 4 milliards de dollars dans le rachat de start-up spécialisées dans la médecine connectée. Il existe aujourd'hui plusieurs éditions de Watson dédiées à certains secteurs de la médecine, comme l'oncologie. IBM préfère par-ler d'une aide au traitement, plutôt que de diagnostic. Watson suggère aux médecins plusieurs par-cours de soin selon la maladie et les antécédents du patient. « Nous avons commencé par démontrer les capacités de Watson en le faisant jouer à Jeopardy (un jeu télévisé américain, NDLR) », ex-plique Pascal Sempé, responsable de l'unité Watson Health en Europe. « La santé repose sur les mêmes principes : identifier des éléments importants et établir des priorités. » Ces solutions sont déjà utilisées par plusieurs hôpitaux dans le monde. En France, IBM est en discussion avec des éta-blissements de santé publics et privés.

Les promesses sont belles, mais le marché encore balbutiant. La plupart des intelligences artifi-cielles pour la santé sont encore à l'état de test. En France, Watson et DreamUp Vision ont entamé des démarches pour faire reconnaître leurs solutions comme des dispositifs médicaux, étape indis-pensable afin de prendre part à des actes remboursés par la Sécurité sociale. L'exploitation d'une in-telligence artificielle a par ailleurs un coût pas forcément prévu dans le budget des établissements de santé. Les entreprises du Web doivent surtout affronter de nombreuses réticences des médecins et des patients, notamment sur la protection de leurs données. En mai, Google a été accusé d'avoir exploité abusivement les informations de 1,6 million de patients anglais. « Se distinguer de Google est très important. Les gens ont peur de perdre le contrôle de leurs données de santé, comme ils ont perdu le contrôle de leurs données sur le Web », analyse Jurgi Camblong. « Il est primordial qu'on nous fasse confiance pour protéger ces informations, tout en permettant leur mutualisation entre les hôpitaux partenaires. Lorsque l'on diagnostique un type de cancer à une personne, et que 30 000 autres patients dans le monde ont eu le même, cela permet de la traiter plus efficacement. C'est terrible de se dire qu'une personne peut recevoir un moins bon traitement car le savoir nécessaire à son soin se trouve dans un autre hôpital. L'intelligence artificielle, c'est aussi la démocratisation de la médecine. »

En France, des données de santé très sécuriséesLa loi santé de Marisol Touraine, promulguée au début de l'année, devrait rendre accessibles, sous certaines conditions, les données des patients enregistrées au sein de l'Assurance-Mala-die.

Les données sont la richesse du Web. Mais dans le domaine de la santé, elles sont un trésor bien verrouillé. En France, les données personnelles enregistrées au sein de l'Assurance-Maladie sont uniquement accessibles aux organismes de recherche publique. Pour le moment.La loi santé de Marisol Touraine, promulguée au début de l'année, devrait bousculer les choses. Elle prévoit l'ouverture des informations de santé ne mettant pas à mal la vie privée des patients en open-data, c'est-à-dire accessible et exploitable par tous gratuitement. Les données à caractère personnel, elles, pourront être exploitées sous plusieurs conditions, notamment celle d'en faire une exploitation

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d'« intérêt public ». Lundi, Marisol Touraine a par exemple déclaré qu'elle ne souhaitait pas ouvrir ces données aux assureurs santé. La ministre répondait à un article publié par Le Parisien, qui affir-mait que l'assureur Generali voulait proposer à ses clients français un contrat moins cher à condition d'accepter la surveillance de leur hygiène de vie, et donc de leurs données de santé. « Il n'y a pas là des enjeux d'intérêt public », a-t-elle tranché. La loi interdit en effet d'« utiliser les données dans le but de promouvoir des produits, d'exclure de garanties des contrats d'assurance ou de modifier les cotisations ou les primes d'assurances d'un individu ou d'un groupe d'individus présentant un même risque ».

Autre spécificité du marché français, la nouvelle loi reprécise le statut des hébergeurs de données de santé à caractère personnel. Toute information médicale stockée en ligne doit l'être dans un data-center situé en France et ayant reçu un agrément spécial, valable pour trois ans. Cette disposition est valable pour les entreprises françaises comme internationales. Ces mesures sont accueillies avec en-thousiasme mais prudence de la part des start-up de la santé, dont le travail est souvent ralenti par le cadre législatif français. DreamUp Vision, qui se spécialise dans l'intelligence artificielle appliquée aux maladies de l'œil, a dû entraîner son algorithme sur des photos récupérées à l'étranger, faute d'accès en France. « Les données sont difficilement accessibles. Les patients peuvent penser que c'est une bonne chose, mais cela empêche paradoxalement de développer des outils pour les aider sur le long terme », estime Ekaterina Besse, dirigeante de DreamUp Vision et administratrice du groupe France eHealth Tech, qui représente une centaine de start-up françaises dans la santé connectée. Entre vie privée et efficacité, l'équilibre est difficile à trouver.

Pour 200 euros vous pourrez bientôt tester le « stress énergétique » de vos embryons in vitroLe Blog de Jean-Yves Nau du 5 juillet 2016Brexit ou pas, l’Angleterre continue à faire la course en tête dans l’expérimentation sur l’embryon humain. L’annonce vient d’être faite à Helsinki lors du congrès annuel de la Société européenne de reproduction humaine et d’embryologie (ESHRE). Encore non traitée par les médias français elle est reprise par la BBC : « Fertility boost through ‘energy test’ ». C’est un travail mené par des cher-cheurs de l’Université d’Oxford sous l’autorité du Pr Dagan Wells. Il concerne l’évaluation de la « qualité énergétique » des embryons conçus par fécondation in vitro et, à ce titre, pouvant être ana-lysés avant d’être implanté dans l’utérus des futures mères. Tout, ici, est centré sur les mitochon-dries, organites intracellulaires (d’origine maternelle) généralement présentés comme les « cen-trales énergétiques » du métabolisme de la cellule. Le travail présenté a été mené sur 111 embryons humains âgés de cinq jours et obtenus par fécondation in vitro. Il établit une corrélation entre le ni-veau de l’activité mitochondriale et l’aptitude de l’embryon à se développer, une fois transplanté, jusqu’à la naissance.

Embryons « stressés »Une trop grande activité énergétique refléterait un « stress » embryonnaire. A l’inverse un embryon « calme » serait un gage de bon développement. C’est là une « fenêtre ouverte » sur les « compé-tences fonctionnelles » de l’embryon. Pour les auteurs une telle observation pourra conduire à une augmentation notable des taux de succès des fécondations in vitro. Leur rendement pourrait aussi dépasser celui observé lors des fécondations naturellement obtenues à partir de relations sexuelles. Dans un premier temps les applications envisagées concerneront les ovocytes des femmes les plus âgées engagées dans un programme de procréation médicalement as-sistée. Pour l’heure la sélection des embryons conçus in vitro se fait, pour l’essentiel, sur des cri-

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tères visuels ou chromosomiques. On peut aisément prévoir, à court terme, une automatisation de ce processus de sélection – une pratique qui pourrait conduire des couples féconds à avoir recours à des techniques jusqu’ici réservées (en France du moins) à des couples hétérosexuels souffrant de stérilité ou à risque de transmettre une maladie génétique d’une particulière gravité.

Pragmatisme roi« Notre résultat est passionnant, il apporte quelque chose de nouveau et nous espérons que nous se-rons en mesure de l’utiliser cliniquement » a déclaré à la BBC le Dr Elipda Fragouli. Le Pr Dagan Wells précise que le taux d’embryons « énergétiquement déficient » est faible (environ 10 %) mais que tout ce qui peut aider dans la sélection embryonnaire est une bonne chose. Cette sélection per-met notamment de prévenir les « montagnes russes émotionnelles » des couples confrontés à la né-cessité de réaliser de multiples tentatives pour pouvoir procréer. Les chercheurs britanniques pré-cisent qu’il ne s’agit là que d’un test et non d’une technique qui permettrait d’ « améliorer » les em-bryons si ces derniers sont de « mauvaise qualité ». La BBC précise quant à elle que ce test est d’ores et déjà proposé sur le marché aux États-Unis. Au Royaume-Uni la Human Fertilisation and Embryology Authority s’interroge sur l’intérêt qu’il y a à l’autoriser.  Ce test augmenterait d’envi-ron 200 £ (265 $) pour le coût des examens déjà effectués – mais les chercheurs estiment qu’il pour-rait aisément être réalisé sans frais supplémentaires. Qu’en sera-t-il en France ?

De l’autre côté de la Manche et au-delà des menaces eugénistes, Brexit ou pas, le pragmatisme de-meure roi.

Le parlement irlandais examine un texte sur l’avortementAFP du 5 juillet 2016Un projet de loi pour légaliser l'IVG en cas de malformation grave du fœtus sera examiné jeu-di au Parlement irlandais.

Actuellement, l'avortement n'est permis dans la catholique Irlande que si la vie de la mère est en danger. Il est en revanche interdit en cas de viol, de malformation du fœtus ou de risques pour la santé de la mère, le 8ème amendement de la Constitution irlandaise donnant des droits égaux au fœtus et à la mère. Le projet de loi veut permettre "un traitement médical en vue de mettre fin à la gros -sesse dans les cas où le fœtus souffre d'une malformation incompatible avec la vie hors utérus".

Enda Kenny, chef du parti de centre droit Fine Gael, qui a appelé à rejeter le texte, a déclaré mardi qu'il ne pouvait pas empêcher les trois ministres, membres de la formation Independent Alliance, dont le ministre des Transports Shane Ross, de voter pour. Face à la pression de l'opinion publique qui réclame un changement de la législation sur l'avortement, le gouvernement irlandais a décidé de réunir une commission composée d'une centaine de citoyens d'ici à la fin de l'année, pour discuter d'une réforme. Si, comme attendu, la commission réclame l'organisation d'un référendum sur la question, M. Kenny a promis de laisser ses députés voter librement sur la question.

Début juin, le comité des droits de l'Homme de l'ONU, dans une décision sans précédent, avait de-mandé à l'Irlande de modifier sa loi sur l'avortement, après avoir étudié le cas d'une jeune femme privée d'une interruption volontaire de grossesse alors qu'on lui avait appris que le fœtus qu'elle por-tait présentait une malformation mortelle. Le comité a estimé que les lois irlandaises soumettaient les femmes à un "traitement cruel, inhumain et dégradant".

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La jeune femme avait dû se rendre au Royaume-Uni pour mettre fin à sa grossesse, et était rentrée 12 heures plus tard, parce qu'elle ne pouvait pas se permettre de rester plus longtemps pour des rai-sons financières.

« Dura lex, ergo non lex est »L’Opinion du 6 juillet 2016 par Antoine Beauquier, avocat à la CourJusqu’au 31 mai 2016, l’application du droit obéissait à un principe simple : « dura lex, sed lex ». Désormais, si la loi est trop dure, le juge ne l’applique pas.Ainsi vient d’en décider le Conseil d’Etat. Une ressortissante espagnole et son mari italien, vivant en France, voulaient un enfant. Mais le mari est tombé gravement malade et son traitement risquait de le rendre stérile. Il a donc déposé des gamètes dans un centre spécialisé à Paris, afin que le couple puisse, le moment venu, bénéficier d’une assistance médicale à la procréation. Le mari est mort en juillet 2015. La veuve a regagné l’Espagne où la loi autorise l’insémination des gamètes d’un conjoint décédé dans les douze mois suivant le décès. Mais les seuls gamètes disponibles étaient en France, où la loi interdit l’utilisation et l’exportation des gamètes d’un mort. La demande tendant à exporter les gamètes du défunt mari ne pouvait donc être accueillie, comme l’avait consta-té le juge des référés.

En cassation, le Conseil d’Etat en a décidé autrement. Il a jugé que, si la loi française interdisant l’utilisation et l’exportation des gamètes d’un défunt n’est pas contraire à l’article 8 de la conven-tion européenne des droits de l’homme qui proscrit toute atteinte disproportionnée au droit au res-pect de la vie privée et familiale, cela « ne fait pas obstacle à ce que, dans certaines circonstances particulières, l’application de dispositions législatives puisse constituer une ingérence dispropor-tionnée dans les droits garantis par cette convention ». Donc, l’office du juge ne consiste plus à ap-pliquer la loi, mais à « apprécier concrètement si (…) l’atteinte aux droits et libertés protégés par la convention qui résulte de la mise en œuvre de dispositions par elles-mêmes compatibles avec celle-ci, n’est pas excessive ». De ces prémisses, le Conseil d’Etat a déduit que l’application de la loi française porterait à la requérante une atteinte manifestement excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale.

Cette décision appelle deux séries de commentaires. En premier lieu, le Conseil d’Etat s’affranchit de son rôle de gardien de la loi. Alors que le « gouvernement des juges » est pointé du doigt, il s’ex-pose à de vives critiques de la part de ceux qui se demandent à quoi servent encore la loi et le Parle-ment qui la vote. Est-ce bien le moment ? En second lieu, le Conseil d’Etat ne se montre pas plus habile avec la vie qu’avec la mort dans l’affaire Vincent Lambert.

« Le plus important, c’est qu’on me respecte moi », a déclaré la requérante. C’est bien à cette de-mande qu’a accédé le juge, au mépris de l’intérêt de l’enfant, orphelin avant même d’être conçu. Puisqu’il n’est plus nécessaire qu’un homme et une femme soient vivants pour engendrer, on est prié d’admettre, au nom du respect de la vie familiale (?), qu’on puisse être le fils d’un mort. Gou-vernement et Parlement peuvent bien se cabrer contre la gestation pour autrui, gageons que le juge ne tardera pas à écarter cette interdiction. Après avoir décidé la mort du fils, puis celle du père, le juge décidera bientôt celle de la mère, puisque la filiation est devenue un archaïsme scientifique. Il est affligeant que, par effet de mode ou par conviction, le Conseil d’Etat porte un coup aussi sévère à l’armature juridique et morale de notre pays.

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La majorité des Français serait favorable à l’ouverture de la PMATêtu du 8 juillet 2016 par Julie Baret Un récent sondage révèle que la majorité des Français serait favorable à la PMA pour toutes, c’est-à-dire ouverte aux femmes célibataires et aux couples homosexuels.

Hier, Le Figaro dévoilait un sondage Odaxa sur « Les Européens et l’infertilité ». Celui-ci a été réa-lisé à la demande de la clinique Eugin, un centre de fertilité de Barcelone qui pratique la procréation médicalement assistée (PMA) et qui compte notamment des Françaises parmi ses patientes. 1020 Français et 2986 Européens ont ainsi été interrogés sur leur opinion concernant la PMA : 60 % de population française serait favorable à l’ouverture de la PMA pour les femmes célibataires, et 54 % pour les couples de femmes ; une légère disparité qui s’explique par le « regard bienveillant » de la France sur la monoparentalité, là où l’Allemagne et la Grande-Bretagne sont davantage favo-rables à la PMA pour les couples homosexuels. En France, cette acceptation de la PMA fut pourtant fortement bousculée par les débats autour du mariage et de l’adoption pour tous : si en 2004 un son-dage Ifop révélait que 51 % des Français étaient favorables à l’ouverture de la PMA, ce chiffre tom-bait à 47 % en janvier 2013 ; il n’a cessé de croître depuis l’adoption de la loi Taubira, qui semble avoir familiarisé la population française avec les familles homoparentales. Néanmoins, 72 % des sondés français se disent encore mal-informés au sujet de la PMA, 2/3 estimant que la sélection des embryons peut s’avérer contraire à l’éthique, et 36 % y décelant une technique contre nature.

Un feu vert partagé par la plupart des pays voisinsD’après le sondage, les Allemands, les Anglais et les Espagnols se démarquent aussi par une majo-rité de « oui » en faveur de l’égalité d’accès à la PMA pour toutes les femmes. Seule l’Italie reste majoritairement opposée (60 %) à l’ouverture de la PMA pour les couples homosexuels. Se-lon Laurent Brunet, juriste et chercheur à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne), ces résultats suivent les contours de « deux groupes en Europe » : D’un côté, le Royaume Uni et l’Espagne, qui considèrent la PMA comme un mode autonome et alternatif de reproduction, avec la femme qui choisit à sa guise. De l’autre, la France, l’Italie, l’Allemagne qui ont en tête un modèle naturaliste, l’idée que la PMA répare un dysfonctionnement de la nature, et s’adresse à un couple « naturel » composé d’un homme et d’une femme. Le sondage Odaxa se penchait également sur d’autres as-pects de la procréation médicalement assistée, comme le don de gamètes auquel les Français sont majoritairement opposés. Enfin, concernant la possibilité pour les femmes de conserver leurs cel-lules reproductrices (la vitrification des ovocytes), une légère majorité y serait favorable en France mais le sujet fait encore débat en Europe. Dans la clinique Eugin, 35 à 40 % des congélations d’ovules concernent des patientes françaises. Aujourd’hui en France, la PMA n’est autorisée qu’aux couples hétérosexuels infertiles malgré la promesse de François Hollande formulée en 2012. Pour autant, le chef de l’État et son gouvernement ont récemment assuré l’abrogation d’une circulaire sanctionnant les gynécologues qui dirigent leurs patientes vers des solutions de PMA à l’étranger. En outre, l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), auquel François Hollande avait conditionné sa décision et qui a été mainte fois reporté, devrait être rendu à l’automne.

Après l'affaire Vincent Lambert, où est donc passé le Comité Consultatif National d'Ethique?

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Huffington Post du 10 juillet par Philippe Petit* L'UNAFTC (Union Nationale des Associations de Familles de Traumatisés crâniens et de Cérébro-lésés) est une fédération nationale représentative des blessés crâniens et de leurs familles. A ce titre, elle accompagne de nombreuses familles de personnes en état végétatif chronique ou en état pauci-relationnel. Ce sont des personnes en situation de grande vulnérabilité, dont la conscience reste alté-rée après des lésions cérébrales graves. Elles sont accueillies et prises en charge par des profession-nels compétents dans des unités spécialisées créées pour elles en 2002. Ces personnes ne sont pas en fin de vie et notre association s'était sentie peu concernée par le débat de société sur les droits des malades en fin de vie et le rapport Sicard.

Aussi avons-nous été violemment percutés par les déchaînements médiatiques autour de l'une de ces personnes: M. Vincent Lambert, pour qui un médecin avait décidé d'interrompre l'alimentation et l'hydratation. De nombreuses familles se sont retrouvées terrifiées à l'idée de se voir un jour impo-ser une telle décision. La saisine du Conseil d'Etat, début 2014, nous a poussés à réagir et nous sommes intervenus volontairement devant le Conseil d'Etat pour faire part des craintes des familles de personnes en situation comparable à celle de Vincent Lambert, de se voir imposer des décisions médicales d'arrêt de la nutrition et de l'hydratation artificielles de leur proche, sans qu'il soit en fin de vie. Notre intervention ayant été reconnue légitime par le Conseil d'Etat, nous avons été présents à toutes les audiences et entendus par la mission d'experts. Le Conseil d'Etat, puis la Cour Euro-péenne des droits de l'Homme, ont confirmé la légalité de la décision du médecin. Pourtant cette dé-cision, qui repose sur une initiative médicale et des interprétations d'un désir de mourir de M. Lam-bert, dont les experts ont établi le caractère erroné, n'a pu à ce jour être mise en œuvre, en raison du conflit familial qui trouve sa source dans l'échec de la procédure collégiale initiale. Il y a donc une faille que ni la loi, ni la justice n'ont permis de combler.

Simultanément, le processus législatif de révision de la loi de 2005, dite loi Leonetti, a été engagé par la mission parlementaire Claeys-Leonetti. Dans le contexte de l'affaire Lambert où nous étions intervenus, nous avons engagé une réflexion éthique, d'autant plus nécessaire que le Conseil d'Etat, dans sa décision d'assemblée du 24 juin 2014, pose que la nutrition et l'hydratation artificielles sont des traitements que l'on peut interrompre comme tout traitement, et que la loi de 2005 est de portée générale et s'adresse à toute personne, même si elle n'est pas en fin de vie. Par ailleurs le médecin est seul décideur. La loi ne lui impose qu'une procédure consultative, à laquelle doit être associé au moins un autre médecin n'ayant pas de lien de subordination avec lui. Cela nous a amenés à préciser notre position à propos de ces situations, largement inspirée par l'avis du Comité Consultatif Natio-nal d'Ethique au Conseil d'Etat dans l'affaire Lambert, qui énonce, pour les situations d'incertitude maximale où les personnes ne sont pas en fin de vie et sans qu'on puisse connaître leur volonté : « [...] Le CCNE considère souhaitable la mise en place d'un véritable processus de délibération et de décision collective, qui permette de faire émerger au mieux, au cas par cas, dans la pleine conscience de l'incertitude, la meilleure réponse possible dans la radicale singularité de chaque si-tuation. »

Nous sommes porteurs de toutes les sensibilités et de toutes les souffrances des blessés et de leurs proches confrontés à ces situations, et nous considérons que toutes les décisions individuelles doivent pouvoir se prendre, au cas par cas, sous réserve que le processus de décision soit respec-tueux et associe tous les proches souhaitant y participer.

Nous sommes convaincus que la véritable collégialité décisionnelle est le meilleur rempart contre les abus et les dérives, et la seule façon pour les proches de pouvoir accepter la décision et de lui survivre. Peu importe que l'alimentation et l'hydratation soient considérées, ou non, comme des trai-tements, ce qui compte c'est la façon de prendre la décision quand on se demande s'il ne faudrait pas les arrêter. Nous avons porté cette revendication à tous les stades du processus législatif, d'abord en demandant vainement d'être auditionnés par la mission parlementaire, puis par les commissions chargées d'étudier le projet à l'Assemblée Nationale et au Sénat. Faute d'être entendus, nous avons

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publié plusieurs communiqués, adressé une lettre ouverte au président de la République, au député Leonetti, et lancé une pétition qui a recueilli près de 2000 signatures en quelques jours. Au final, la loi promulguée début 2016 semble avoir tenu compte de notre revendication puisqu'elle renvoie dé-sormais à une procédure collégiale définie par voie réglementaire, et non plus par le seul code de déontologie médicale.

Encore faudrait-il qu'un décret d'application redéfinisse cette procédure collégiale et instaure une véritable délibération collective, qui ne soit plus dans la main du seul médecin, ni régie par le seul code de déontologie médicale. Par un courrier adressé au président du CCNE dès le 25 novembre 2015, et donc avant même que la loi ne soit définitivement adoptée, nous avons appelé le Comité Consultatif National d'Ethique à faire des recommandations en ce sens. Ce courrier est resté sans ré-ponse bien qu'il ait été envoyé à de multiples reprises, y compris en RAR, et doublé d'envois élec-troniques. Pire, nous avons appris récemment, par un de ses membres, que le CCNE a cessé de se réunir sine die, plusieurs de ses membres devant être renouvelés, le gouvernement ayant actuelle-ment d'autres priorités.

A un moment où notre société est secouée par des questions éthiques majeures, où les amalgames et les idées reçues font florès, et alors que l'affaire Lambert connait de nouveaux développements judi-ciaires, il est troublant, pour ne pas dire plus, de constater la vacance de l'instance qui devrait don-ner du sens et élever la réflexion.

*Médecin et père d’un jeune homme de 28 ans en état pauci-relationnel depuis 14 ans

La Corée autorise un protocole recherche utili-sant des cellules souches embryonnaires hu-mainesThe Korea Herald du 11 juillet 2016Le ministère de la santé de Corée du Sud a autorisé une équipe de recherche de l’Université CHA à utiliser des cellules souches embryonnaires humaines pour ses recherches. L’équipe, dirigée par le professeur Lee Dong-Ryul, en avait fait la demande il y a sept ans. Le gouvernement a donné cette autorisation « à condition que l’Université respecte des normes éthiques élevées », c'est-à-dire à condition qu’elle se conforme à la règlementation sur la collecte des embryons et limite leur utilisa-tion « à des fins cliniques ». Un comité d’éthique de l’Etat surveillera de près l’avancée des re-cherches et veillera au respect de l’interdiction de clonage.

L’équipe utilisera 600 embryons dans les cinq prochaines années, « dans le but de développer des traitements pour les maladies rares ». Toutefois, « des inquiétudes subsistent sur les effets secon-daires des cellules souches embryonnaires », a déclaré Lee Dong-Wook du ministère de la Santé.

SOCIÉTÉ

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Le glyphosate à nouveau autorisé en Europe pour dix-huit moisLe Monde du 1er juillet 2016 par Rémi Barroux

C’est la conclusion de quinze mois de bataille. La Commission européenne a annoncé, mercredi 29 juin, le renouvellement de l’autorisation en Europe du glyphosate, principe actif controversé du célèbre Roundup et d’un grand nombre d’herbicides, pour une période de dix-huit mois au maxi-mum. Les commissaires ont pris cette décision malgré la résistance de certains Etats membres.

Après plusieurs reports, les Etats n’avaient toujours pas réussi à se mettre d’accord lors d’une der-nière réunion d’experts le 24 juin. Dix-neuf pays avaient voté en faveur de la proposition de la Commission de renouveler provisoirement le glyphosate. Mais l’abstention de sept Etats (Alle-magne, Italie, Portugal, Grèce, Autriche, Bulgarie, Luxembourg) et le vote contre de la France – qui fait évoluer sa position de l’abstention vers un vote négatif – et de Malte ont bloqué toute décision, empêchant de trouver une majorité qualifiée. Celle-ci est atteinte lorsque 55 % des Etats membres, représentant 65 % de la population européenne, votent une proposition. Mercredi, l’exécutif euro-péen a expliqué, dans un communiqué, avoir « décidé de prolonger l’autorisation du glyphosate pour une période limitée, jusqu’à ce que l’Agence européenne des produits chimiques publie son avis, au plus tard à la fin de 2017 », rendant responsables de cette décision les Etats membres qui n’ont pas été capables de « prendre leurs responsabilités ». Le commissaire européen à la santé, Vytenis Andriukaitis, avait annoncé cette décision dès mardi, à l’occasion d’un sommet des mi-nistres de l’agriculture. L’autorisation du produit arrivant à échéance jeudi, la Commission devait trancher, au risque de voir cet herbicide, le plus utilisé dans les champs européens, interdit de fait dans l’Union européenne.

« Cancérogène probable »Les commissaires ont toutefois proposé aux Etats membres des restrictions sur l’usage de cette sub-stance, notamment dans les jardins publics et les parcs, et comme traitement préalable à la récolte pratiqué sur des cultures destinées à la consommation. Un adjuvant utilisé avec le glyphosate, le POE-tallowamine, a été interdit. Ces restrictions ne donnent que plus de poids à ceux qui dénoncent la dangerosité de ce produit, considéré comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé, l’Autorité européenne de sécurité des aliments ayant quant à elle estimé « improbable que cette substance soit cancérogène ».

Dès la décision européenne confirmée, les protestations se sont multipliées. « La Commission aurait dû interdire cette substance (…) et ainsi faire prévaloir la santé des Européens sur les préoccupa-tions strictement pécuniaires de l’industrie chimique », a déclaré Michèle Rivasi, la vice-présidente écologiste du Parlement européen. La ministre de l’environnement française, Ségolène Royal, rap-pelle de son côté que « le travail a été fait, la France a voté contre ». « Le glyphosate a quand même du plomb dans l’aile, et son autorisation n’est plus que de dix-huit mois, au lieu de quinze ans [comme le prévoyait à l’origine la Commission] », a ajouté la ministre. Cette réduction de la durée d’autorisation irrite d’ailleurs les professionnels regroupés dans le Groupe de travail sur le glyphosate, qui dénonce des « considérations politiques ».

PMA : Rossignol confirme l'abrogation d'une circulaire punissant les gynécologuesLe Parisien du 4 juillet 2016La ministre des Familles, Laurence Rossignol, a confirmé lundi la prochaine abrogation d'une circulaire punissant les gynécologues orientant leurs patientes vers l'étranger pour y subir

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une PMA (procréation médicalement assistée), promise jeudi par le président de la Répu-blique aux associations LGBT.

François Hollande « a fait cette proposition à la demande des associations », « c'est une proposi-tion qui est juste par ce qu'il n'y a aucune raison de compliquer la vie » des couples lesbiens, a dé-claré la ministre sur Public Sénat et Sud Radio. « Le président de la République n'a fait que dire ce que nous pensons les uns et les autres, c'est qu'il n'y a aucune raison de discriminer les couples ho-mosexuels, les couples lesbiens (...) en leur refusant l'accès à une technologie qui est ouverte aux couples hétérosexuels », a-t-elle déclaré. 

L'accès à la PMA des femmes lesbiennes était une promesse de campagne du président Hollande, une « ambition » qui, reconnaît Mme Rossignol, a été « freinée par la violence des réactionnaires et des conservateurs ». « A titre personnel » et « comme de nombreux membres du gouvernement », la ministre a réitéré son souhait que l'interdiction de PMA pour les couples de jeunes femmes « soit le-vée, pour qu'elles puissent accéder aux mêmes techniques que les couples hétérosexuels ». 

La circulaire en question punit depuis 2013 les gynécologues de 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende s'ils orientent leurs patientes à l'étranger pour y subir une PMA. Cette mesure a conduit de nombreux praticiens à refuser de suivre des patientes, les mettant médicalement en danger, selon Virginie Combe, vice-présidente de SOS Homophobie. Une vraie ouverture pour les couples les-biens en quelque sorte. 

La bataille pour la présidence de l’INRA se durcitLe Monde du 2 juillet 2016 par Hervé MorinAlors que l’actuel président de l’Institut agronomique souhaite un second mandat, le direc-teur de cabinet de Stéphane Le Foll est sur les rangs

« Une affaire de principes, pas de personnes. » Dans l’entourage de François Houllier, président de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) depuis 2012, l’idée que Philippe Mauguin, actuel directeur de cabinet du ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, puisse lui succéder, ne passe toujours pas. Alors que les deux candidats devaient être auditionnés, vendredi 1er juillet, par une première commission d’experts chargée d’examiner les profils et projets des deux postulants, @INRAlerte, un collectif de chercheurs et de personnels favorables à une « nomination transpa-rente » à la tête de l’établissement public, se mobilise.

Le candidat retenu sera ensuite auditionné par une commission parlementaire, qui votera sur son nom (à une majorité des trois cinquièmes) avant qu’il ne soit nommé en conseil des ministres par décret du président de la République durant l’été. Hervé Guyomard, directeur de recherche INRA, qui anime @INRAlerte, dénonce dans un document la candidature du directeur de cabinet de Sté-phane Le Foll.Conflit d’intérêtsPhilippe Mauguin, par sa position éminente au sein du ministère de l’agriculture, cotutelle de l’IN-RA, serait en position de conflit d’intérêts, selon une analyse juridique produite par le collectif. Ce-lui-ci souligne que la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires définit le conflit d’intérêts comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exer-cice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions ».

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Le dossier d’@INRAlerte fait aussi état de propositions de postes qui auraient été faites à François Houllier, alors que celui-ci avait indiqué souhaiter poursuivre son action à la tête de l’INRA. Sté-phane Le Foll a déclaré devant le Sénat le 12 mai que de telles propositions avaient été adressées au président en poste, soulignant que de tels égards n’avaient pas toujours eu cours par le passé. Pour la garde rapprochée de François Houllier, cette déclaration est un aveu maladroit de la volonté de parachutage de l’exécutif. Le collectif @INRAlerte demande donc à Philippe Mauguin de retirer sa candidature, et menace de saisir le Conseil d’Etat s’il était retenu in fine. Philippe Mauguin n’a ja-mais fait mystère de l’intérêt qu’il porte de longue date à l’INRA. En 2012, il avait hésité à se pré-senter à la présidence de l’établissement, mais il avait choisi de rester auprès de Stéphane Le Foll, dont il venait de rejoindre le cabinet.

Du côté syndical, Pascal Tillard (CGT-INRA) insiste pour que la procédure de nomination prévue par la loi Fioraso de 2013 soit « entièrement respectée ». Il juge « essentiel que l’institut reste arri-mé au ministère de la recherche, car sa mission première, c’est de produire de la connaissance ». Patrick Lemaire, animateur du collectif Sciences en marche, estime que le profil « très marqué poli-tiquement » de Philippe Mauguin et son manque d’expérience de la pratique de la recherche risquent de desservir l’institut. Xavier Beulin, président de la FNSEA, principal syndicat agricole, qui a eu l’occasion de batailler avec le gouvernement socialiste, dit sa préférence, « à titre person-nel », pour François Houllier. Le député Jean-Yves Le Déaut (PS, Meurthe-et-Moselle), vice-pré-sident de l’Office parlementaire pour les choix scientifiques et technologiques (Opecst), ne fera pas partie de la commission parlementaire appelée à voter sur le candidat retenu. Mais il insiste sur deux critères décisifs, selon lui, dans son choix : « Il devra bénéficier de la confiance des agents de l’INRA » et la règle devrait être qu’« à la tête des établissements de recherche publique soient nom-més des titulaires d’un doctorat, le plus haut diplôme académique en France, afin que des cher-cheurs dirigent la recherche ».

Procédure confidentielleFrançois Houllier, spécialiste de la modélisation des plantes et des systèmes écologiques, répond à ce critère, mais pas Philippe Mauguin. Ingénieur agronome, diplômé d’AgroParisTech et des Eaux et forêts, il a passé l’essentiel de sa carrière dans la fonction publique et les ministères en lien avec les questions agricoles et agroalimentaires. Mais il n’est pas titulaire d’un doctorat. C’était aussi le cas de Paul Vialle, qui a dirigé l’INRA à la fin des années 1990 – sous la présidence du biophysi-cien Guy Paillotin. Paul Vialle est l’un des six experts de la commission d’examen présidée par l’économiste Laurence Tubiana. Philippe Mauguin, contacté par Le Monde, n’a pas répondu à nos sollicitations. Le ministère de l’agriculture insiste sur la confidentialité de la procédure.

PMA : le petit pas très symbolique du gou-vernement Libération du 4 juillet 2016 par Virginie Ballet

La circulaire rappelant les sanctions qu'encourent les gynécologues qui aident les Françaises ayant recours à la PMA à l'étranger sera bientôt abrogée. Une annonce encore loin de l'ouver-ture de la PMA à toutes les femmes, réclamée par les associations et promise par François Hollande en 2012.

Il n’y a « aucune raison de compliquer la vie » des couples lesbiens, a jugé ce lundi sur Sud Radio Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes. « Aucune raison », non plus, de « discriminer les couples homosexuels, les couples lesbiens […] en leur refusant

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l’accès à une technologie qui est ouverte aux couples hétérosexuels ». Le gouvernement s’apprête-t-il à permettre, enfin, l’accès à la PMA aux couples lesbiens et aux femmes célibataires, comme le candidat Hollande s’y était engagé en 2012 ? Que nenni. Au lieu de cela, Laurence Rossignol a confirmé l’abrogation prochaine d’une circulaire rappelant les sanctions encourues par les gynéco-logues français qui orientent leurs patientes vers un pays étranger.

Dans le viseur de la ministre : un texte, adressé en janvier 2013 aux gynécologues français, par la Direction générale de la santé (qui dépend du ministère de la Santé) et selon lequel un médecin français qui transmettrait à ses patients des informations sur la Procréation médicalement assistée (PMA) « même sans obtenir un paiement ou un avantage de la part de la clinique ou de l’orga-nisme étranger, peut être poursuivi » et risque « cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ».  Révélée à l’époque par le Parisien, cette circulaire, envoyée en plein bouillonnement autour du mariage pour tous, avait suscité l’ire du Syndicat des gynécologues, obligeant la ministre des Droits des Femmes de l’époque et porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, à préciser que ce rappel à l’ordre visait en réalité les médecins acceptant une rémunération de cli-niques étrangères en échange de l’envoi de patients, pratique « ultra-minoritaire » de l’aveu même de la ministre. Bertrand de Rochambeau, président du Syngof, précise d’ailleurs n’avoir eu vent d’aucune procédure engagée à l’égard d’un médecin pour ces motifs.

« Symbolique mais pas suffisante »La promesse d’abroger ce texte a d’abord été émise par François Hollande, jeudi dernier, au cours d’une rencontre avec trois associations de défense des droits LGBT (SOS Homophobie, l’Inter-LGBT, le Centre LGBT Ile-de-France). « Cette annonce est symbolique, mais pas suffisante », es-time Virginie Combe, vice-présidente de SOS Homophobie, selon qui la circulaire visée « rendait certains gynécologues réticents à assurer le suivi de femmes ayant eu recours à la PMA à l’étran-ger, ce qui pouvait les mettre en danger. L’abroger permettra au moins de lever cette menace ». François Hollande « a fait cette proposition à la demande des associations », a pour sa part assu-ré Laurence Rossignol ce lundi. Ce qui est certes exact, mais largement incomplet. Car leur revendi-cation principale n’est autre que l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, comme c’est le cas no-tamment en Belgique, au Danemark (pour les femmes mariées uniquement), en Espagne, en Fin-lande, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Suède et, depuis peu, au Portugal. Plusieurs militants ont dénoncé la « trahison » du gouvernement sur ce point au cours de la Marche des fiertés, samedi. Sur certains panneaux, on pouvait ainsi lire « Pour Mamans Amoureuses », « Promesse Mal Appliquée » ou encore « Parole Manquée Assez ! ».

Pour l’heure, la PMA reste donc réservée aux couples hétérosexuels confrontés à des problèmes d’infertilité. Evaporée de la loi sur le mariage pour tous, reportée à une « loi famille » jetée aux ou-bliettes, puis renvoyée comme une patate chaude en 2013 au Comité consultatif national d’éthique (CCNE), la PMA pour toutes attend toujours que ce dernier se prononce. « Le gouvernement actuel, tétanisé par la Manif pour tous, ne bougera pas d’un iota », anticipe, pessimiste, Caroline Mecary, avocate au barreau de Paris et spécialiste des droits des homosexuels, pour qui « attendre les tergi-versations du CCNE n’est qu’un prétexte pour ne pas prendre une position politique claire ». Car d’autres instances ont émis des recommandations on ne peut plus explicites : le Haut conseil à l’Egalité, dénonçait ainsi en juillet dernier une « double discrimination », et le Défenseur des droits, la « méconnaissance du principe d’égalité » de la législation actuelle. Et ? Rien n’a bougé. « Il n’y a rien à attendre de cette fin de quinquennat sur ce dossier », souffle Virginie Combe de SOS Homophobie. Sauf, peut-être, que la France soit acculée par la Cour euro-péenne des droits de l’homme, auprès de qui une requête a été déposée en mai 2015 par un couple de lesbiennes françaises contestant qu’on leur refuse l’accès à la PMA. Alors, peut-être, une femme pourra y recourir, « soit parce qu’elle ne peut pas avoir d’enfant, soit parce qu’elle ne souhaite pas avoir une relation avec un homme », dixit François Hollande, en février 2012.

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Fœtus opéré in utero : première au CHRU de Nancy Le Républicain Lorrain du 1er juillet 2016 par Laurence SchmittPour limiter les conséquences du spina-bifida, malformation de la colonne vertébrale et de la moelle épinière, six spécialistes du CHRU de Nancy se sont alliés pour opérer in utero un fœ-tus. Le bébé va aussi bien que possible.

Il leur a fallu six ans pour se former avec des allers-retours à Nashville (Tennessee) auprès d’une équipe universitaire en pointe sur la chirurgie fœtale. En février dernier, au CHRU de Nancy, une équipe pluridisciplinaire opérait une maman et son fœtus atteint de spina-bifida. Le bébé est né le 16 avril dernier, certes prématuré et dans des conditions difficiles. Mais aujourd’hui, la petite Lucie se porte aussi bien que possible. Elle gardera des séquelles de la malformation, mais de façon atté-nuée. « La fillette pourra marcher et ne devrait pas souffrir d’hydrocéphalie, sa situation est jugée pour l’instant stable », révélait hier le Pr Olivier Klein, neurochirurgien, au CHRU de Nancy. Le spina-bifida est une malformation congénitale grave. En cause, une ouverture de la moelle épinière qui baigne dans le liquide amniotique et s’endommage. « D’où la nécessité de fermer cette ouver-ture pour ralentir les risques de lésion des tissus neuronal et cérébral, explique aussi simplement que possible le Dr Jean-Michel Hascoët, néonatalogue. La chirurgie fœtale permet de limiter le sur-handicap. »

L’opération est à haut risque et nécessite une technicité d’un niveau élevé. L’utérus de la maman doit être ouvert et demeurer aussi souple que possible pour éviter les contractions et le manque d’oxygénation du fœtus. Vient ensuite l’intervention sur un fœtus d’à peine 500 g, la dissection des nerfs de la moelle épinière malformée et son replacement dans sa gouttière. Le tout sous microscope opératoire.

Technicité et acceptabilitéEn France, jusqu’à présent, seuls les hôpitaux Necker et Trousseau à Paris étaient capables de prati-quer ce type d’opération. Désormais, avec cette première régionale, le CHRU de Nancy s’inscrit comme hôpital de référence. « Toute une équipe s’est mobilisée croisant la technicité de cinq spé-cialités, insiste le Pr Olivier Morel, chirurgien en gynécologie et obstétrique. Nous nous sommes for-més ensemble, avons aussi harmonisé nos protocoles et nos traitements. Les infirmières ont été très impliquées. » L’équipe médicale était composée du Pr Olivier Klein, du Dr Delphine Herbain, anes-thésiste, du Dr Estelle Perdriolle, médecine fœtale, du Pr Jean-Michel Hascoët et du Pr Olivier Mo-rel. Sans oublier le Pr Jean-Pierre Kahn, psychiatre. Car l’élément psychique d’une pareille inter-vention est fondamental et son acceptabilité indispensable. « La famille doit comprendre les enjeux pour la maman et pour le bébé », explique-t-il. « Ce qui nécessite de nombreux entretiens dans un temps imparti puisque l’opération doit avoir lieu avant la 24ème semaine de grossesse. Puis se met en place un suivi du développement psychique et moteur de l’enfant. »L’acceptabilité de l’opération in utero est encore faible en France. « Parce que les risques sont grands, analyse le Pr Olivier Klein. Mais aussi parce que la France est le seul pays au monde à pro-poser une interruption médicale de grossesse jusqu’au 9ème mois. Aujourd’hui, on rencontre de plus en plus de parents qui refusent cette intervention médicale de grossesse, même après connaissance du handicap de leur enfant. D’où notre volonté de développer les possibilités d’interventions in ute-ro. »

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20 ans après Dolly, de la viande clonée dans nos assiettes ?Le Point avec AFP du 5 juillet 2016Le clonage à des fins agricoles est pratiqué dans plusieurs régions du monde, mais l'Europe résiste, malgré des problèmes d'étiquetage.

C'est la plus célèbre des brebis. Le 5 juillet 1996, Dolly, premier mammifère à avoir été cloné à par-tir d'une cellule adulte, voyait le jour en Écosse. Révélé en février 1997, le clonage de Dolly, réalisé par l'institut Roslin d'Édimbourg, est salué à l'époque comme une avancée scientifique majeure. Il provoque aussi une vive polémique sur son éventuelle application à l'être humain. Pour Dolly, la vie n'est pas un long fleuve tranquille. La brebis vieillit prématurément. Elle souffre d'arthrite puis dé-veloppe une maladie des poumons, qui lui vaut d'être euthanasiée en 2003. Sa dépouille naturalisée trône à présent au musée national d'Écosse. Le clonage est une technologie lourde. Pour Dolly, les chercheurs ont transféré le noyau d'une cellule de glande mammaire prélevée sur une brebis adulte dans un ovocyte énucléé. Ils ont ensuite implanté l'embryon obtenu dans l'utérus d'une brebis « por-teuse ».

Dans le monde de l'élevage, « le clonage a été perçu comme un outil d'aide à la reproduction d'ani-maux », déclare Jean-Louis Peyraud, chercheur à l'Inra, l'institut français de recherche agrono-mique. La technique étant fort coûteuse – plus de 10 000 euros par animal –, le but n'est pas d'avoir des clones pour commercialiser leur viande mais pour améliorer les cheptels. Des sociétés privées américaines ont ainsi entrepris de cloner des animaux à forte valeur génétique : vaches donnant beaucoup de lait mais aussi des ovins et des porcins à haut potentiel. La Food and Drug Administra-tion (FDA) américaine a autorisé en 2008 la commercialisation des produits provenant d'animaux clonés et de leur progéniture, estimant qu'ils étaient « aussi sûrs que ceux des animaux convention-nels ».

En dépit d'un taux de succès relativement faible – de 15 % à 30 % selon Jean-Louis  Peyraud –, le clonage a poursuivi son chemin aux États-Unis. La société texane ViaGen s'enorgueillit sur son site d'avoir « développé des milliers d'animaux clonés en bonne santé et actifs », avec sa maison-mère Trans Ova Genetics. L'Argentine, le Brésil, le Canada, l'Australie pratiquent également le clonage d'animaux d'élevage. La Chine a fait sensation fin 2015 avec l'annonce de la construction d'une usine de clonage de divers animaux. La société Boyalife promet 100 000 embryons de vaches la première année et un million par an à terme.

Devant son opinion publique majoritairement hostile au clonage, l'Union européenne ne produit pas de clones pour l'élevage. Depuis 1997, elle impose une autorisation de mise sur le marché pour la vente de produits clonés. Jusqu'à présent, personne n'a déposé de dossier. Un rapport d'experts re-mis en novembre à la Commission européenne admet la « possibilité » que des aliments issus d'une progéniture de clones se retrouvent dans l'assiette des consommateurs européens. Cela en raison des importations de viande et de lait en provenance de pays tiers, mais aussi d'importation d'animaux vi-vants et de matériel génétique utilisé pour la reproduction animale dans l'UE.« Les Européens mangent sans doute à leur insu de la viande issue de descendants de clones en l'absence de traçabilité et d'étiquetage », déclare Pauline Constant, porte-parole du BEUC (Bureau européen des associations de consommateurs). « Ce n'est plus acceptable », dit cette fédération d'associations qui demande aux États de l'UE de presser la Commission européenne d'avancer sur ce dossier. L'agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) n'a pas d'inquiétudes pour la santé humaine. Mais elle pointe « les problèmes de santé animale et de bien-être des animaux » associés au clonage.

« La mortalité embryonnaire est élevée, la mise bas peut être difficile, certains animaux naissent trop gros ou avec des pathologies lourdes », note Jean-Louis Peyraud. Des cas de veaux à trois

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pattes ou d'animaux à deux têtes ont été rapportés, dit-il. En septembre, le Parlement européen a ré-clamé à une large majorité que non seulement les animaux d'élevage clonés soient interdits dans l'UE, mais aussi leurs descendants et les produits en étant issus. Une position plus stricte que celle prônée par la Commission qui souhaite ménager les États-Unis. Le rapport d'experts met en avant le coût très élevé d'un éventuel étiquetage des denrées alimentaires obtenues à partir d'animaux clonés, notamment pour le porc. Mais le BEUC plaide en faveur d'une telle mesure. « Les consommateurs ont le droit de savoir ce qu'ils mettent dans leur assiette », estime-t-il, en suggérant de commencer par étiqueter la viande bovine.

PMA : la circulaire qui relance le débatLe Figaro du 5 juillet 2016 par Agnès LeclairLa ministre Laurence Rossignol confirme l'abrogation d'un texte menaçant les médecins. La Manif pour tous dénonce une « instrumentalisation politique ».

Mesure d'affichage, ou amorce de promesse de campagne ? Le débat sur l'ouverture de la PMA « pour toutes » revient en tout cas par la petite porte. Laurence Rossignol, la ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, a confirmé lundi la prochaine abrogation d'une circulaire ve-nue rappeler en 2013 aux gynécologues qu'ils risquaient de lourdes peines - 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende - s'ils orientaient leurs patients vers un établissement étranger dont les pratiques de PMA (procréation médicalement assistée) n'étaient pas conformes à la législation française. En France, la PMA est réservée aux couples hétérosexuels infertiles, et le don de gamètes est anonyme et gratuit. Jeudi dernier, François Hollande s'était engagé à retirer ce texte administratif lors d'un rendez-vous avec trois associations de défense des droits des homosexuels à l'Élysée.

« Le président de la République n'a fait que dire ce que nous pensons les uns et les autres, c'est qu'il n'y a aucune raison de discriminer les couples homosexuels, les couples lesbiens (…), en leur refu-sant l'accès à une technologie qui est ouverte aux couples hétérosexuels », a commenté Laurence Rossignol, interrogée sur la chaîne Public Sénat. Autrement dit, l'annulation de ce texte administra-tif remet sur la table la prise de position de François Hollande en faveur de l'ouverture de la PMA aux couples de femmes. Cette « ambition » du chef de l'État a été « freinée par la violence des réac-tionnaires et des conservateurs », a-t-elle estimé.

À dix mois de l'élection présidentielle, la Manif pour tous voit dans l'abrogation de cette circulaire un premier pas vers la « PMA sans père » et « une instrumentalisation politique hypocrite ». « On voit bien que François Hollande prépare ses nouveaux engagements en faveur de la PMA pour toutes. Il multiplie les promesses démagogiques quitte à céder à une ultraminorité. Les associations LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) s'apprêtent à jouer le rôle d'“idiot utile” de sa campagne pour lui permettre de rassembler la gauche », dénonce Ludovine de La Rochère, la présidente du mouve-ment. « La Manif pour tous est prête à mobiliser une nouvelle fois dans la rue à la rentrée », aver-tit-elle.De son côté, l'inter-LGBT, a pointé « la faiblesse de la position de la présidence de la République » sur la PMA. Si le collectif se réjouit du retrait d'un texte administratif « qui a eu comme consé-quences d'entraîner une frilosité des gynécologues à suivre des couples lesbiens et femmes céliba-taires pratiquant une PMA à l'étranger », il ne manque pas de souligner que « les articles du Code pénal ne sont pas abrogés pour autant et menacent toujours potentiellement les gynécologues».

Premiers intéressés par cette annonce, des gynécologues et spécialistes de la reproduction saluent ce geste du gouvernement. Il faut dire qu'en 2013 la circulaire du ministère de la Santé qui visait à les mettre en garde contre les rétrocommissions proposées par des cliniques étrangères désireuses de se voir adresser des clients français avait passablement agacé le corps médical. « Cela nous avait pro-

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fondément choqués. Nous avions dénoncé avec fermeté et une grande indignation ce texte complète-ment à côté de notre réalité, rappelle le Pr Bernard Hédon, président du Collège national des gyné-cologues et obstétriciens français (CNGOF). Comment imaginer que l'on va abandonner au milieu du gué un couple que l'on a suivi ? » Cela dit, cette annulation arrive bien après le coup de sang des médecins, « alors qu'aucun d'entre nous ne craint d'être mis en prison pour avoir aidé des patients », précise-t-il.

« Cette circulaire relevait de la politique de l'autruche. Nous ne pouvions pas laisser nos patientes, faute d'information et d'accompagnement, se diriger vers des cliniques aux pratiques douteuses. Il y a eu des catastrophes avec des patientes prises en charge dans des centres archaïques ! » renchérit le Pr Michaël Grynberg. Comme 130 médecins et biologistes spécialistes de la médecine reproduc-tive, ce dernier a reconnu dans un manifeste, paru en mars dans Le Monde, avoir aidé des couples homosexuels à avoir des enfants en infraction avec la loi et dénoncé les « incohérences » de la poli-tique d'aide à la procréation en France. L'abandon de cette circulaire est non seulement une forme de « reconnaissance » de l'existence de ce tourisme procréatif, selon le Pr Grynberg, mais elle dé-note aussi « une volonté du gouvernement d'ouvrir les portes ».

Un plan « e-santé 2020 » pour mettre le numé-rique au service du suivi des patients Opticien-presse.fr du 6 juillet 2016 par Anne-Sophie Crouzet

La ministre de la Santé a présenté le 4 juillet les axes stratégiques de son plan en faveur de l’e-santé à l’horizon 2020. Elle entend notamment encourager la coopération entre acteurs écono-miques et professionnels de soins pour développer la santé connectée. Avec des limites impo-sées aux Ocam*

Présente dans les locaux de la start-up BePatient pour présenter la « stratégie nationale e-santé 2020 », Marisol Touraine en a profité pour désapprouver le principe d’« assurance au comporte-ment », tel le programme Vitaly de Generali, déjà testé en Allemagne et annoncé en France l’an prochain. Elle a également mis son veto à un accès sans condition aux données de santé par les Ocam : «  L’open data impose des règles précises et j’ai fait le choix de ne pas permettre aux assu-reurs d’accéder de manière simple, sans filtre à ces données. Accéder aux données de santé doit être fait pour faire progresser la recherche, faire progresser des programmes de soins », a com-menté la ministre. Elle souhaite en revanche mettre « le citoyen au cœur de l’e-santé », grâce au dé-veloppement de la télémédecine et de plates-formes d’échange en ligne, dans la continuité du dos-sier médical partagé. 

Renforcer la sécurité des systèmes d’information en santé, question devenue sensible ces dernières années, est d’ailleurs l’un des axes défendus par la ministre. Une fonction d’administrateur en charge de la sécurité de ces données sera créée au sein du ministère. Autre priorité : développer la médecine connectée grâce à la numérisation des informations dans une logique d’innovation tech-nologique et de valorisation des données. Mesure phare du plan, l’édifice « big data », qui sera mis en chantier à la rentrée, doit favoriser l’émergence de nouvelles applications de suivi à distance ou de systèmes d’aide à la décision médicale. Des données interdites aux Ocam mais qui pourront être exploitées par les chercheurs et les pouvoirs publics dans un but d’intérêt général.

Autre axe de la stratégie « e-santé 2020 », l’innovation numérique appliquée à la santé. Marisol Touraine souhaite faciliter la coopération entre usagers, industriels et médecins. Ceci afin de déve-

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lopper les outils de santé connectés, des applications mobiles jusqu’aux imprimantes 3D. « Les dis-positifs médicaux sont de plus en plus souvent connectés, comme les pacemakers, les glucomètres et bientôt les prothèses », a développé la ministre qui entend également mettre sur pied des appels à projets dédiés à l’e-santé, des laboratoires d’innovation au sein des établissements de soins ou la formation numérique des professionnels de santé.

Pour faire avancer ce plan « e-santé 2020 », doté d’un premier budget de 750 millions d’euros, un conseil stratégique sera créé à l’automne 2016. Placé sous la tutelle du ministère de la Santé, il re -groupera des professionnels et des usagers de santé, des acteurs économiques et des institutions pu-bliques.

*Organisme complémentaire d’assurance maladie : organisme de protection complémentaire assurant la prise en charge, à titre individuel ou collectif, pour une personne ou sa famille, de tout ou partie des frais de santé, en complément ou en supplément des prestations de l’assurance maladie obligatoire. Il existe trois types d’organismes d’assurance maladie complémentaire : -les mutuelles : organismes à but non lucratif, régis par le code de la Mutualité, dans lesquels les adhérents participent directement ou par l’intermédiaire de leurs représentants élus au fonctionnement et aux décisions de la mutuelle ; -les institutions de prévoyance : organismes à but non lucratif régis par le code de la Sécurité sociale, gérés à parité entre les représentants des employeurs et des salariés, destinés à couvrir les salariés et anciens salariés dans le cadre de la branche professionnelle ou de l’entreprise ; -les sociétés d’assurance : organismes régis par le code des Assurances, qui peuvent être soit des sociétés anonymes, soit des sociétés d’assurance mutuelle.

Quand l'ordinateur inquiète les médecinsLe Figaro du 6 juillet 2016 par Cyrille VanlerbergheLes longues années d'études médicales pourraient se révéler inutiles face aux progrès rapides de l'informatique, estiment certains professionnels de santé.

« Les médecins sont un peu circonspects face à l'approche des géants de l'Internet comme Google qui semblent chercher à les court-circuiter, pour soigner les gens avec des approches disruptives et par des techniques d'intelligence artificielle », témoigne un médecin. Les longues années d'études médicales vont-elles se révéler inutiles face aux progrès rapides de l'informatique ? C'est en tout cas ce qu'annonce le très polémique Dr Laurent Alexandre, président de l'entreprise DNAvision dans la revue What's up Doc : « Le médecin sera l'infirmière de 2030 : subordonné à l'algorithme, comme l'infirmière l'est aujourd'hui au médecin. » « De tels propos quelque peu inquiétants, de même que l'intitulé du livre du Pr Guy Vallancien,  La médecine sans médecin ?,  ne font rien pour aider les médecins à voir d'un bon œil l'intérêt des lo-giciels d'aide à la décision », analyse le Dr Jacques Lucas, vice-président du Conseil national de l'ordre des médecins, qui travaille sur un livre blanc sur la médecine, les banques de données et l'in-telligence artificielle. « L'intelligence artificielle ne cherche pas à remplacer l'expertise clinique d'un médecin, rassure Philippe Cinquin, médecin et mathématicien, directeur d'une unité de re-cherche sur les applications de l'informatique à la médecine à Grenoble (CNRS Université Joseph Fourier). On n'en est pas là, même si on a pu penser un moment dans les années 1980 que les sys-tèmes experts allaient être capables de faire des diagnostics et de proposer des traitements tout seuls. »

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Trouver la meilleure stratégie thérapeutique Les solutions de Google et IBM n'arrivent pas sur un territoire vierge : d'autres acteurs commercia-lisent déjà des logiciels pour aider les professionnels de santé à donner à leurs patients les meilleurs traitements possible. « Les systèmes d'aide à la décision que nous avons vendus à cinq CHU en France servent tous les jours à des internes qui veulent savoir, une fois le diagnostic posé, quelle est la meilleure stratégie thérapeutique pour leur patient », explique le Dr Thierry Mitouard, conseiller médical chez Maincare Solutions. Ce type de logiciel toutefois ne fait pas appel à l'intelli-gence artificielle. Il s'appuie sur des bases de données des recommandations de « bonnes pratiques » établies par des spécialistes et des organismes comme la Haute Autorité de santé (HAS) en France. Mais comme le remarquait un rapport de 2011 de cette même HAS, même ces systèmes d'aide à la décision médicale peinent à s'imposer en France. Seuls, pour le moment, les États-Unis les utilisent très largement et, à un moindre degré, les pays du nord de l'Europe et le Royaume-Uni. En re-vanche, les médecins ne s'en sont peut-être pas inquiétés, mais l'aide des logiciels s'est déjà rendue indispensable dans le domaine toujours plus complexe de l'imagerie médicale. « Les systèmes comme les IRM ou les scanners intègrent aujourd'hui des logiciels d'analyse des images qui per-mettent de bien mettre en valeur les points importants et de quantifier des paramètres précis », ex-plique Philippe Cinquin. De la même manière, dans les robots chirurgicaux, les logiciels permettent d'améliorer la précision des gestes du chirurgien. « La question n'est pas de savoir si l'informatique va remplacer les médecins, mais de voir comment cela peut aider à améliorer la qualité de leurs actes », assure le spécialiste grenoblois.

La contraception prise en charge à 100 % pour les mineuresMarie Claire du 5 juillet 2016 par Chloé MarriaultDepuis le 1er juillet, les consultations médicales liées à la prescription de la contraception sont gratuites et anonymes pour les 15-17 ans. Le but : faciliter l’accès à la contraception.

Alors que les 15-18 ans pouvaient obtenir une contraception gratuitement depuis 2013, elles peuvent désormais avoir, en amont, une consultation médicale ou des examens biologiques gratuits et anonymes. La gratuité s'applique aussi lors d'une consultation médicale de suivi par un médecin ou une sage-femme la première année d'accès à la contraception et pour des actes relatifs à la pose, au changement ou au retrait de certains contraceptifs comme l'implant. Seule condition pour avoir accès à la gratuité : être âgée de 15, 16 ou 17 ans.

Moins de 1% des contraceptifs délivrés aux mineurs anonymement

Depuis la loi de 2013, la contraception pouvait ne pas apparaître sur le relevé des remboursements mais la loi n'était pas bien appliquée. "Moins de 1% des contraceptifs délivrés à des mineures de  15  à 17  ans  en  2014" se sont faits de manière anonyme, note un rapport de l'IGAS (Inspection gé-nérale des affaires sociales). La principale cause : "ni le pharmacien ni la jeune fille mineure ne connaissent cette possibilité". En outre, les rendez-vous médicaux n'étaient pas anonymes ni gra-tuits. La mineure qui ne souhaitait pas dire à ses parents qu'elle s'était fait prescrire une contracep-tion chez son médecin devait "ne pas utiliser leur carte vitale et payer l’intégralité de la consulta-tion" ou le médecin devait "émettre, en plus de l’ordonnance contraceptive, une ordonnance autre pour permettre à la mineure de justifier de la consultation auprès des parents", précise le rapport de l'IGAS. La seule option gratuite et anonyme restait alors le planning familial.

"Une absence de contraception en raison de difficultés financières"

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Désormais, l’ensemble du parcours devient gratuit et protégé par le secret. "Si la mineure le de-mande, aucune mention de son identité ne sera divulguée et il ne sera pas fait mention des actes et consultations, contraceptifs sur les relevés de remboursement de l’assurance maladie", précise la di-rection de la sécurité sociale du ministère des Affaires sociales et de la Santé qui espère ainsi "lever les freins financiers éventuels d'accès à la contraception des mineures qui ne bénéficient pas d'une autonomie financière vis-à-vis de leurs parents." Car chaque année, "environ 11 000 jeunes filles mineures ont recours à une IVG. De nombreuses études montrent que l'une des causes de ces gros-sesses non désirées est l'absence de moyen de contraception notamment en raison de difficultés fi-nancières."

PMA : le « oui mais » des FrançaisLe Figaro du 7 juillet 2016 par Agnès LeclairAlors que le sujet de la PMA devrait s'inviter dans la campagne présidentielle, un sondage ré-vèle que les Français approuvent à 54 % son ouverture aux couples de femmes et à 60 % aux célibataires. Une opinion favorable qui ne les empêche pas d'émettre des réserves sur cette technique médicale de procréation.

Les Français favorables à la PMA « pour toutes »

Alors qu'en France la PMA est réservée aux couples hétérosexuels infertiles, 60 % de Français sont favorables à l'ouverture aux femmes célibataires. Trois ans après la loi sur le « mariage pour tous », ils approuvent également à 54 % son autorisation aux couples de femmes homosexuelles, selon un sondage Odoxa sur « Les Européens et l'infertilité », dévoilé par Le Figaro. Ce dernier a été réalisé sur un échantillon de 1020 Français et 2986 Européens (Allemands, Britanniques, Français et Ita-liens), pour la clinique Eugin, un centre de fertilité privé de Barcelone qui pratique la PMA et compte des Françaises pour clientes. L'approbation plus importante de la PMA pour les célibataires que pour les couples de lesbiennes indique que la monoparentalité est mieux acceptée en France que l'homoparentalité. « En France, la cellule monoparentale bénéficie d'un regard bienveillant, pointe Laurence Brunet, juriste et chercheuse à l'Université Paris I Panthéon Sorbonne. Il faut également souligner qu'aucun pays n'a ouvert la PMA aux couples de femmes sans l'ouvrir aux femmes seules».

...mais émettent des réserves

Ce « oui » à la PMA pour toutes les femmes n'exclut pas des réserves et des craintes.

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Car si cette technique médicale est vue par une écrasante majorité de sondés (89 %) comme « un vrai progrès pour les couples infertiles », les trois quarts d'entre eux (77 %) estiment également que concevoir un enfant de cette manière « peut être difficile pour le seul parent biologique ou le parent qui n'est pas le géniteur ». Deux Français sur trois jugent de surcroît que la PMA peut conduire à une sélection des embryons contraire à l'éthique. Enfin, 36 % d'entre eux vont jusqu'à évoquer une technique contre nature.

Des Français peu enclins à donner leurs gamètes

Si les Français disent « oui » à la PMA, ils disent « non » au don. Peu enclins à « faire cadeau » de leur patrimoine génétique, 58 % des Français ne sont pas prêts à donner leur sperme et 67 % des Françaises ne s'imaginent pas permettre à une autre femme d'utiliser leurs ovocytes. « Les Français ne sont pas prêts au don car ils disent qu'ils connaissent mal le sujet. Les jeunes sont néanmoins plus ouverts à cette idée », relève Céline Bracq, directrice générale de l'institut Odoxa. Le sondage laisse d'ailleurs entrevoir la méconnaissance des Français sur le sujet de l'infertilité. 72 % d'entre eux ainsi se disent mal informés sur la PMA.

L'opinion a varié au rythme des débats

En janvier 2013, au plus fort de la contestation de la loi Taubira, 53 % des Français se disaient op-posés à la PMA pour les couples de femmes, selon un sondage Ifop. Un pourcentage qui s'est inver-sé dans les mois suivants pour revenir à une tendance favorable, proche de celle des années précé-dentes. « Depuis l'adoption de la loi Taubira qui a ouvert le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, l'opinion favorable à l'élargissement de la PMA reste relativement stable », estime Cé-line Bracq, qui date le basculement de l'opinion au moment des évolutions législatives de pays voi-sins de la France pour autoriser le mariage homosexuel. « En 1990, seuls 24 % des Français se di-saient favorables à la PMA pour les couples de femmes selon un sondage de l'Ifop », rappelle-t-elle.

En Europe, l'Italie reste hostile à la PMA pour les lesbiennes

Allemands, Anglais et Espagnols penchent également tous en faveur de l'autorisation de l'insémina-tion artificielle pour les couples de femmes. Seule l'Italie fait de la résistance avec un taux d'opposi-tion de 60 %. Quant à la différence d'acceptation entre PMA pour célibataires et lesbiennes en couple, elle varie d'un pays à l'autre. « En Allemagne et en Grande-Bretagne, c'est la notion de couple qui prime avec un pourcentage de sondés plus important en faveur de la PMA pour les couples de femmes que pour les célibataires », relève Céline Bracq.

Un débat toujours vif en France

En France, le débat est loin d'avoir été éteint par l'adoption de la loi Taubira, véhicule législatif qui aurait pu accueillir cette réforme comme le souhaitaient nombre de députés socialistes. Le sujet n'a cessé de refaire surface ces dernières années, notamment lors des discussions chaotiques sur la loi « famille » fin 2013 et courant 2014. Il faut dire que cette promesse de campagne de François Hol-lande a suscité à la fois beaucoup d'espoir chez les associations LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) et de grandes craintes chez une partie des Français qui, avec la Manif pour tous, dénoncent une ré-volution de la filiation et une « fabrication délibérée d'orphelins de père ».

Dernier épisode de ce feuilleton : la promesse faite par François Hollande aux associations LGBT, le 30 juin, d'abroger une circulaire punissant les gynécologues orientant leurs patientes vers l'étran-ger pour réaliser une PMA. Le chef de l'Etat a lié son avis sur l'évolution de la législation à un avis du CCNE (Comité consultatif national d'éthique) sur « les indications sociétales de la PMA ». Ce dernier, reporté à de nombreuses reprises, est désormais attendu à l'automne. Avec 51 % de « pour » et 49 % de « contre », les Français sont très partagés sur cette possibilité de conservation des cellules reproductrices pour les femmes qui veulent devenir mères plus tard. Une révolution parfois qualifiée d'aussi importante que celle de la pilule. Aujourd'hui, en France, la vitrification des ovo-cytes n'est autorisée que pour raisons médicales, avant une chimiothérapie susceptible de rendre in-fertile par exemple.

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La crainte d'une exploitation commerciale de la détresse des femmes est le premier motif invoqué par les Français hostiles à cette nouvelle possibilité de contrôle des naissances. D'autres redoutent que cette vitrification « de convenance » conforte l'idée que la maternité nuirait à la carrière tandis que les troisièmes pointent une technique « contre nature ». Ses défenseurs invoquent pour leur part « un progrès de la médecine auquel il ne faut pas s'opposer » ou une nouvelle solution pour les femmes en mal de prince charmant de « ne plus craindre leur horloge biologique ». Cette machine à remonter le temps de la fertilité a fait l'actualité en octobre 2014 quand Apple et Facebook avaient annoncé qu'ils proposaient à leurs salariées américaines de financer la conservation de leurs cellules reproductrices pour leur permettre de mener leur carrière sans se soucier de leur horloge biologique. Une pratique jugée sévèrement dans l'hexagone par 6 Français sur 10.

Une Europe partagée

En Europe, les Allemands et les Italiens sont de leur côté hostiles à la congélation d'ovocytes pour raisons non médicales tandis que les Espagnols et les Britanniques y sont favorables. La clinique Eugin, qui pratique la vitrification d'ovocytes, indique en avoir réalisé 450 depuis 2011, dont 35 à 40 % pour des patientes françaises. « Ces femmes ont 37 ou 38 ans en moyenne et ne le font pas pour décaler une maternité en raison de leur travail, mais le plus souvent parce qu'elles n'ont pas encore trouvé de partenaire », précise le docteur Amélia Rodriguez, directrice médicale de l'établis-sement.

Affaire Vincent Lambert : la justice confirme la tutelle de sa femmeLe Monde du 8 juillet 2016 par François BéguinEstimant que « Rachel Lambert n’a pas failli et a rempli ses devoirs d’épouse », la cour d’appel de Reims (Marne) a confirmé, vendredi 8 juillet, qu’elle était bien la tutrice principale de son mari, Vincent Lambert, en état végétatif depuis un accident de la route en 2008. Un premier jugement en ce sens, désignant également l’Union départementale des associations familiales de la Marne comme « subrogé tuteur », avait été rendu le 10 mars par le juge des tutelles de Reims. Il avait aus-sitôt été contesté par les parents, un frère et une sœur de Vincent Lambert, opposés à un arrêt des traitements et partisans de son transfert dans un autre établissement que le centre hospitalier univer-sitaire (CHU) de Reims.

Alors qu’une nouvelle procédure collégiale en vue d’un arrêt des traitements de Vincent Lambert avait été lancée en juillet 2015, l’équipe médicale avait annoncé à la surprise générale qu’elle allait saisir le procureur de la République pour déterminer qui était le plus apte à représenter les intérêts du patient. Dans son arrêt du 8 juillet, la cour d’appel de Reims estime que cette demande de protec-tion par mise sous tutelle « apparaît difficilement compréhensible alors qu’il appartenait au service hospitalier de mettre en œuvre la procédure [d’arrêt des traitements] que le médecin avait initiée et alors que la décision avait été jugée régulière par le Conseil d’Etat et non contraire aux disposi-tions de la Cour européenne des droits de l’homme ».

Les parents veulent se pourvoir en cassationEn confirmant le rôle de Rachel Lambert, la cour d’appel de Reims a choisi de ne pas suivre les pré-conisations de l’avocate générale qui, le 9 juin, à huis clos, avait préconisé la mise en place d’une double tutelle, estimant qu’accorder la tutelle principale à Rachel Lambert conduirait à entamer une nouvelle procédure d’arrêt des soins. Dans les faits, un tuteur extérieur à la famille aurait été amené à se prononcer sur l’opportunité d’un transfert vers un autre établissement, demandé par les parents.

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Se disant « très surpris », de cette décision « ahurissante », Me Jean Paillot, l’un des avocats des pa-rents du patient, a annoncé vendredi à l’Agence France-Presse qu’il allait se pourvoir en cassation. « C’est un revers grave, car on voit des juges qui s’attachent à trouver une solution qui sera uni-quement l’immobilisme », a-t-il fait valoir. Les parents du patient devraient également prochaine-ment se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat pour contester la décision rendue le 16 juin par la cour administrative d’appel de Nancy ordonnant au CHU de Reims de donner au médecin de Vincent Lambert les « moyens de poursuivre le processus de consultation » pouvant mener à un ar-rêt de l’hydratation et de la nutrition artificielles qui maintiennent en vie Vincent Lambert.

Si ce pourvoi n’est pas suspensif, ils pourraient néanmoins obtenir un sursis à l’exécution du juge-ment, le temps que le Conseil d’Etat se prononce. Sans plus de détails, le CHU de Reims avait an-noncé le 17 juin qu’il se conformerait à « l’injonction » qui lui avait été faite la veille par la cour ad-ministrative d’appel de Nancy.

Marisol Touraine réaffirme le droit au suivi médical pour les femmes enceintes ayant béné-ficié d'une AMP à l'étrangerLe Quotidien du Médecin du 8 juillet 2016 par Coline GarréAprès l’annonce de François Hollande, reprise par Laurence Rossignol, ministre des Familles, la ministre de la Santé Marisol Touraine affirme dans un communiqué ce 8 juillet avoir abrogé le courrier de la direction générale de la santé envoyé en janvier 2013 aux gynécologues et obstétri-ciens, leur rappelant les sanctions qu’ils encourent lorsqu’ils orientent des femmes vers un centre d’AMP (aide médicale à la procréation) à l’étranger ne respectant pas la législation française sur le don (anonyme, gratuit et bénévole). « Ce texte avait été interprété comme pénalisant les gynéco-logues prenant en charge les patientes ayant bénéficié d’une PMA [procréation médicalement assis-tée, NDLR] à l’étranger », se justifie la ministre.

Code pénal toujours en vigueur« Rien ne peut faire obstacle à la prise en charge des femmes », même en cas de recours à une PMA hors de France, dit-elle avoir écrit au président de l’Ordre des Médecins. « Toutes les femmes en-ceintes, quel que soit le mode de conception auquel elles ont eu recours, ont dans notre pays le même droit : celui de bénéficier d’un suivi médical de qualité, partout sur notre territoire », insiste-t-elle.

Pas un mot en revanche de la ministre sur la portée des articles du code Pénal, toujours en vigueur, qui stipulent que le « fait d'obtenir des gamètes contre un paiement (...) est puni de cinq ans d'em-prisonnement et de 75 000 euros d'amende ; est puni des mêmes peines le fait d'apporter son entre-mise pour favoriser l'obtention de gamètes contre un paiement, quelle qu'en soit la forme, ou de re-mettre à des tiers, à titre onéreux des gamètes provenant de dons ». 

PMA et GPA : toujours plus loinLe Figaro Magazine du 8 juillet 2016 par Guillaume Roquette

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Ils avaient promis. En octobre 2014, à la veille d’une mobilisation de la Manif pour tous, Manuel Valls et François Hollande s’étaient engagés à prendre une initiative afin que la gestation pour au-trui soit combattue dans le monde entier. Le message était clair : ce n’est pas parce qu’on légalise le mariage homosexuel qu’il faut autoriser les mères porteuses. Non à la marchandisation du corps hu-main ! Le Premier ministre en profitait pour rappeler que la procréation médicalement assistée était réservée aux couples hétérosexuels, dans l’attente d’un avis du Comité consultatif national d’éthique.

Presque deux ans après, l’avis se fait toujours attendre. Mais la PMA est désormais ouverte aux couples lesbiens. A la demande des associations homosexuelles, cette « technologie » (c’est le mot employé par la ministre en charge du dossier) est accessible à toutes les femmes souhaitant y recou-rir à l’étranger, avec ou sans père. Du côté de la GPA, le business prospère tranquillement ; pour 25 000 euros, vous pouvez louer une mère porteuse. Pas en France certes, mais ce n’est pas grave : l’état civil donne la nationalité française aux enfants faits à l’étranger. Avec la bénédiction de l’As-semblée nationale, qui a encore rejeté la semaine dernière une proposition de loi demandant l’inter-diction de cette pratique. Il est vrai que nos parlementaires étaient occupés par une affaire autrement plus sérieuse : l’abolition de la fessée, qui elle, a été adoptée sans coup férir.

Comme l’expliquait Nicolas Sarkozy en 2014, « cela ne sert à rien de dire qu’on est contre la GPA ou contre la PMA si l’on n’abroge pas la loi Taubira, puisque la loi Taubira justement condui-ra à cela ». Et nous y sommes : les deux technologies sont désormais largement employées pour ré-pondre au désir d’enfant des couples homosexuels. Pour leurs associations, ce sont des droits acquis et elles en réclament déjà de nouveaux comme la « pluriparentalité », permettant la filiation d’un enfant avec un nombre non limité de parents.

Face à cette offensive en règle, on attendait avec intérêt la publication du projet des Républicains pour 2017. Peine perdue. Sur les 369 pages de programme, hormis quelques généralités oiseuses (« la famille, c’est une institution clé et un repère dans cette période charnière que nous traver-sons »), pas un mot sur le sujet qui avait mobilisé des millions de Français dans la rue il y a trois ans. Rien sur la protection de l’enfant, et son droit à avoir, à chaque fois que cela est possible, un père et une mère. Parmi les candidats en situation de remporter la primaire de la droite et du centre, seul François Fillon a indiqué clairement sa volonté de modifier la loi Taubira pour fermer l’adop-tion plénière aux couples homosexuels. Selon un sondage récent, plus des deux tiers des électeurs de droite sont pourtant favorables à cette réécriture, mais, par tactique ou par conviction, les autres principaux leaders de l’opposition adoptent la posture de la gauche : pas de limite aux droits indivi-duels. Personne ne sait encore si le sujet sera un enjeu de la primaire.

Avortement : L’Irlande rejette le projet de loiLe Figaro avec AFP du 7 juillet 2016Le Parlement irlandais a rejeté sans surprise aujourd’hui le projet de loi pour légaliser l'avortement en cas de malformation grave du fœtus, se conformant ainsi à la ligne du premier ministre Enda Kenny, résolument opposé à une réforme. Actuellement, l'avortement n'est permis dans la catho-lique Irlande que si la vie de la mère est en danger. Il est en revanche interdit en cas de viol, de mal-formation du fœtus ou de risques pour la santé de la mère, le 8ème amendement de la Constitution ir-landaise donnant des droits égaux au fœtus et à la mère. Trois ministres du gouvernement de coali-tion d’Enda Kenny ont décidé d'aller à l'encontre de la consigne du premier ministre et chef du parti de centre droit Fine Gael, qui avait appelé à rejeter le texte. Mais cela n'a pas suffi à faire pencher la balance, les députés se prononçant massivement contre le projet de loi, par 95 voix contre 45.

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Ce coup d'arrêt ne marque cependant pas la fin des espoirs des pro-avortement. Le Parlement doit en effet débattre prochainement d'un autre projet de loi sur la tenue d'un référendum sur la question, face à la pression de l'opinion publique qui réclame un changement de la législation sur l'avorte-ment.

Début juin, le comité des droits de l'Homme de l'ONU, dans une décision sans précédent, avait de-mandé à l'Irlande de modifier sa loi sur l'avortement en estimant qu'elle soumettait les femmes à un "traitement cruel, inhumain et dégradant".

Procréation assistée Le retour à l’insémination maison ?Le Devoir du 1er juillet 2016 par Simon Van VlietCourante depuis des décennies dans les communautés LGBTQ, l’insémination maison, dite artisanale, demeure relativement taboue dans la communauté médicale. Elle reste aussi mar-ginale chez les couples hétérosexuels infertiles, qui lui préfèrent généralement la procréation médicalement assistée. La fin du programme de procréation assistée signera-t-elle le retour de cette façon de concevoir ?

Avant le début des années 2000, les couples de femmes et les célibataires se voyaient encore refuser l’accès aux cliniques de fertilité et n’étaient pas autorisés à adopter au Québec, se souvient Mona Greenbaum, directrice de la Coalition des familles LGBT. Elle-même lesbienne et mère de deux en-fants, elle explique avoir eu recours au sperme d’un donneur inconnu, commandé à une banque de sperme californienne. « Ils ont livré ça chez nous au Québec par Fedex », raconte-t-elle en riant. « On a fait des inséminations maison, et puis ça a marché. »« Une pratique « normale » ?Depuis quelques années, la pratique de l’insémination artisanale a gagné en notoriété au Québec. On trouve, notamment sur Internet, des annonces où des hommes offrent leurs services aux femmes à la recherche de sperme de donneur. « Ce n’est pas ce qu’on conseille », indique cependant Mona Greenbaum. Selon elle, le recours à des donneurs inconnus rencontrés en ligne est beaucoup moins commun - et souvent plus risqué - que le don dirigé de sperme, soit celui provenant d’une personne connue et avec qui il existe déjà une relation de confiance mutuelle. « Je pense vraiment que ce n’est pas la norme », dit-elle au sujet du recours aux donneurs trouvés sur Internet. « La norme, c’est de demander à un ami ou à un membre de la famille. » « C’était vraiment très courant, très commun dans [mon] milieu », confirme Helen Hudson, une mère monoparentale par choix qui a eu recours à un don de la part de son ami Aaron Lakoff, en 2011. « Pour moi, c’était une façon de fon-der une famille qui était bien connue », explique la mère célibataire, qui se présente comme femme queer. (Le terme queer, qui n’a pas d’équivalent en français, est utilisé par des personnes qui re-fusent de s’identifier exclusivement à une catégorie de genre ou à une orientation sexuelle précise.) « Ce n’était pas quelque chose d’étrange », dit-elle. « C’est quelque chose qui est tout à fait nor-mal », renchérit Aaron Lakoff, qui compare son don de sperme à un don de sang ou de moelle épi-nière. « J’étais juste content d’aider une amie », affirme-t-il. Comme de nombreux donneurs de sperme, il souhaitait simplement permettre à son amie de réaliser son projet parental.

Le tabou persisteCette pratique, pourtant bien documentée par la recherche, demeure assez peu mise en avant dans le milieu des cliniques de fertilité et de la périnatalité.

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« C’est encore tabou », avance une sage-femme qui a demandé à demeurer anonyme. Selon elle, peu de professionnels de la santé seraient portés à recommander l’insémination artisanale par peur d’être tenus responsables en cas de problèmes durant la grossesse ou après la naissance. En effet, même si elle n’implique aucun rapport sexuel avec le donneur, l’insémination comporte tout de même des risques de transmission d’une infection transmissible sexuellement (ITS) à la mère ou d’une maladie héréditaire à l’enfant. Des poursuites contre des banques de sperme ont déjà été in-tentées pour moins que ça…

« J’aurais très peur qu’on se mette à faire des dons dirigés comme ça, sans savoir dans quoi on s’embarque », s’inquiète pour sa part la psychologue clinicienne Susan Bermingham. Elle soutient que l’insémination artisanale avec un donneur connu soulève des enjeux psychologiques pour toutes les parties impliquées. Lorsqu’un couple hétérosexuel a recours à un don de la part d’un proche qui sera présent dans la vie de l’enfant, des questions complexes se posent, par exemple au sujet du rôle du donneur et de sa relation avec l’enfant et les parents, avance la psychologue. Affiliée à la cli -nique Procréa depuis 1992 et auteure du livre Vivre avec l’infertilité, elle reconnaît toutefois être peu exposée à cette pratique. Elle dit être parfois consultée par des patientes qui souhaitent avoir re-cours à un don dirigé d’ovule (impossible sans intervention médicale), mais il est « très rare » qu’on la consulte en vue d’avoir recours au don dirigé de sperme.

Le don de sperme : option de dernier recours ?Si le don dirigé suscite effectivement des questions d’ordre psychosocial, tant pour l’enfant que pour les parents d’intention ou le donneur, certains cas de procréation médicalement assistée (PMA) soulèvent des questions éthiques et juridiques encore plus épineuses. Or, ce n’est souvent qu’après avoir épuisé toutes les autres options médicales que les couples hétérosexuels infertiles sont dirigés vers l’insémination artificielle avec donneur. Sans égard à la recommandation formulée par le com-missaire à la santé et au bien-être en 2014, la RAMQ ne rembourse d’ailleurs que les dons ano-nymes provenant des banques de sperme. L’impossibilité pour l’enfant d’avoir accès à ses origines peut pourtant être une source de stress psychologique important, comme l’a démontré récemment la réalisatrice Marie-Hélène Grenier dans son documentaire Nés de sperme inconnu.

En clinique, le don dirigé n’est donc pratiqué qu’au privé et coûte environ 4 000 $ (2 768 €). Par comparaison, l’insémination artisanale ne coûte pratiquement rien. Étant donné qu’elle ne nécessite ni intervention médicale ni traitement en laboratoire, mis à part les nécessaires tests de dépistage d’ITS chez le donneur ou d’éventuelles consultations psychologiques, les coûts de l’insémination maison sont à peu près nuls pour le système de santé comme pour les parents d’intention.« C’est possible de démédicaliser beaucoup de choses », assure Mona Greenbaum. Si elle reconnaît que certaines personnes ont besoin d’aide médicale pour concevoir un enfant, elle constate que le « modèle hétéroprocréatif naturaliste », qui prévaut dans les cliniques de fertilité comme dans la so-ciété, entretient cependant une conception « essentialiste » de la famille. Ceci pourrait expliquer, en partie, pourquoi les couples infertiles ont peu tendance à recourir à l’insémination maison.Par ailleurs, la Commission de l’éthique, de la science et de la recherche du Québec relevait dans son avis sur la procréation assistée en 2009 que le perfectionnement des techniques de procréation médicalement assistée tend à renforcer l’importance accordée au lien génétique par rapport au lien social. Alors que la prévalence de l’infertilité a triplé entre 1984 et 2010 chez les couples hétéro-sexuels canadiens, Statistique Canada rapporte en effet avoir constaté durant la même période une augmentation de la demande pour la procréation médicalement assistée.

Repenser la famille« Je vois dans mon entourage des gens qui ont de la difficulté à avoir un enfant », relate Helen Hud-son, qui s’estime chanceuse d’avoir conçu un enfant sans aide médicale avec le simple apport d’un donneur et le soutien de sa communauté, qui l’a accompagnée dans le processus. Elle précise que la démarche n’a rien de facile et compare son « cheminement émotionnel » à celui d’un couple infertile qui doit passer par plusieurs étapes dans l’espoir de concrétiser son projet parental.

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« Il existe dans le monde beaucoup, beaucoup de types de familles », fait-elle valoir. Le modèle nu-cléaire hétéroparental est loin d’être le seul ou le meilleur, ajoute-t-elle. À ce chapitre, « les per-sonnes queer sont vraiment à l’avant-garde », souligne Aaron Lakoff, qui estime que les trajectoires familiales atypiques contribueront éventuellement à faire évoluer les mentalités dans la société. Alors que les réalités familiales contemporaines font que de plus en plus d’adultes élèvent des en-fants avec lesquels ils n’ont aucun lien biologique, le fait qu’un enfant soit lié génétiquement aux deux parents est encore présenté comme l’idéal à atteindre, souligne Mona Greenbaum : « Toutes les autres façons de fonder une famille sont un peu perçues comme [étant] inférieures. » Ainsi, des femmes qui n’ont aucun problème de fertilité sont parfois soumises à des traitements très médicali-sés et onéreux, comme la fécondation in vitro avec stimulation ovarienne, pour concevoir des em-bryons avec le sperme de leur conjoint. « Ce n’est pas parce que tu partages un ADN avec quel-qu’un que c’est ta famille. La famille, c’est beaucoup plus que ça  ! » plaide Aaron Lakoff, qui s’est marié l’an dernier et envisage d’avoir des enfants avec sa conjointe. « C’est l’amour qui fait une fa-mille, c’est la communauté qui fait une famille. »

Les usagers plaident pour un processus d’accès indépendantLe Regroupement provincial des comités d’usagers s’inquiète du nombre important de demandes refuséesLe Devoir du 7 juillet 2016 par Isabelle Paré Inquiets du nombre important de refus et de demandes d’aide à mourir non administrées en raison de délais, les représentants des usagers du réseau de la santé pressent les hôpitaux d’instaurer des processus neutres et limpides pour protéger des pressions indues les personnes en fin de vie souhai-tant obtenir l’aide à mourir. À la lumière des chiffres publiés mercredi par Le Devoir démontrant que plus du tiers des demandes sont refusées ou non administrées, le Regroupement provincial des comités d’usagers (RPCU), porte-parole des usagers du réseau, dit voir ses pires craintes se réaliser. « L’un des pires scénarios que nous avions envisagés lors de l’adoption de la loi semble être en train de se concrétiser. Qu’est-ce qui justifie que certaines régions refusent la majorité des de-mandes ? Les usagers concernés, des personnes extrêmement vulnérables, ont-ils été l’objet de pressions ? La question, très inquiétante, se pose avec acuité. Pire encore, la loi ne prévoit aucune disposition visant à évaluer le respect des droits des usagers dans les cas où une demande d’aide médicale à mourir est refusée ou écartée », déclare M. Pierre Blain, directeur général du RPCU.

Statistiques alarmantesMercredi, Le Devoir révélait que contrairement aux demandes d’aide à mourir qui suivent leurs cours, les demandes refusées ou non administrées ne font l’objet d’aucun examen systématique. La semaine dernière, Le Devoir a appris que le CUSM* s’est doté d’une politique interne restrictive, exemptant l’unité des soins palliatifs d’offrir l’aide à mourir et excluant tous les patients admis de-puis plus de six mois. « Le Québec a trouvé un consensus derrière les principes de la Loi concer-nant les soins en fin de vie. Or, non seulement des établissements comme le CUSM peuvent adopter des politiques scandaleuses à l’égard des soins de fin de vie, mais les statistiques dévoilées aujour-d’hui font sursauter », affirme Pierre Blain.  L’organisme avait sonné l’alarme dès 2013, lors de la commission parlementaire tenue pour élabo-rer la loi sur les soins de fin de vie, quant au risque que des pressions soient exercées sur les usagers

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par des médecins ou du personnel opposés à l’aide à mourir. En plus de l’obstruction claire rappor-tée au CUSM, Pierre Blain s’inquiète du taux massif de demandes rejetées ou qui ont avorté dans les régions de Laval, de Lanaudière, des Laurentides et à l’Institut de cardiologie et de pneumologie à Québec (de 52 % à 71 % de demandes non administrées). Ces chiffres prouvent qu’il faut revoir les façons de faire, estime le RPCU. Dans la plupart des établissements, il faut obligatoirement pas-ser par un médecin pour obtenir un formulaire d’aide à mourir. « Il faut apporter des corrections à cela pour qu’on dépasse les convictions personnelles des gens. L’État doit être neutre, les établisse-ments aussi, pour s’assurer que le suivi soit fait et le service offert librement aux usagers. Les gens ont maintenant un droit reconnu par la loi et la Cour suprême, et ils doivent pouvoir l’exercer », dit-il.

L’aide à mourir, une commodité ? Malgré le grand nombre de demandes d’aide à mourir non administrées (34 %), le ministre de la Santé, Gaétan Barrette ne juge pas pertinent d’exiger un examen des cas refusés ou qui ont échoué, comme le réclament le RPCU et plusieurs médecins. « Aujourd’hui, on dit qu’on ne va pas assez vite. Je suis un peu déçu de voir qu’on s’émeut avec le fait qu’on n’analyse pas les délais  », a-t-il dit lors d’un impromptu de presse à Québec. Le ministre soutient qu’avant que la loi soit adoptée, plusieurs craignaient qu’on précipite indûment les mourants vers l’aide à mourir, sans leur consen-tement. Les délais observés démontrent plutôt le contraire. « Je ne vise pas à ce que l’aide médicale devienne une commodité. La distributrice de l’aide à mourir, ce n’est pas ça qu’on doit viser. Si ça demande un excès de prudence, je préfère l’excès de prudence », a-t-il invoqué. « Même si la Cour suprême dit que c’est un droit, la Cour a aussi dit qu’il fallait des garde-fous. […] Faisons atten-tion, c’est comme ça […] qu’on garantit qu’on n’aura pas de dérapages. »

Gaétan Barrette milite plutôt en faveur d’« interventions mesurées et appropriées » pour garantir que tout soit fait pour le bien-être des patients. À cet égard, il a rencontré le directeur du CUSM et a reçu la confirmation que la politique « obstructive » sur l’aide à mourir était levée depuis mercredi, et qu’une nouvelle politique s’appliquant à l’unité des soins palliatifs soit sanctionnée dans quelques jours par le conseil d’administration.

*Le Centre universitaire de santé McGill est un centre hospitalier universitaire associé à l'Université McGill et situé à Montréal.

Avortement : le retour des « Survivants »Famille Chrétienne du 11 juillet 2016 par Hugues Lefèvre et Pierre ErceauCe mouvement entend dénoncer la banalisation de l’avortement par des actions fortement médiatisées. Explications d’Émile Duport, l’un des organisateurs. Pourquoi le mouvement « Les Survivants » resurgit-il tout d’un coup sur la scène médiatique ?

Ce mouvement, créé en 1998, rassemblait des jeunes nés après la loi Veil, qui n’avaient logique-ment pas pu s’exprimer au moment du vote de la loi dépénalisant l’avortement. « Survivants », car nous estimons que nous avions 1 chance sur 5 de ne pas voir le jour : chaque année en France, 200 000 avortements sont pratiqués pour 800 000 naissances. Aujourd’hui, nous sommes 200 jeunes, animés par le désir de dénoncer les dégâts causés par la loi de 1975. Par des actions radicales, surprenantes et inattendues, nous voulons faire prendre conscience à la so-ciété de ce que représente réellement un avortement, et que des alternatives à l’IVG doivent être dé-veloppées.

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Qu’entendez-vous précisément par « actions radicales » ?Nous pouvons nous définir comme un mouvement d’« agit-prop » mettant en œuvre des actions à fort potentiel médiatique. Nous développons trois types d’action, à commencer par les opérations de type événementiel. Nous sommes là sur le même registre que les Femen ou bien Act Up. Nous nous en différencions par deux principes : la non-violence et la joie de vivre. Nous ne cherchons évidem-ment pas à choquer les personnes, tout en sachant bien que, de nos jours, être opposé à l’avortement suscite déjà le scandale. Ensuite, nous mettons en œuvre ce qu’on peut appeler une « guérilla marketing », en travaillant sur des actions de détournement, soit de publicité, soit de mobilier ur-bain. Enfin, nous mettons l’accent sur le digital et la créativité graphique et visuelle. Nous voulons créer des codes visuels qui soient beaux graphiquement afin que notre message soit pris au sérieux. Et il l’est déjà : des blogs qui ont pignon sur rue dans le milieu de la publicité reconnaissent – sans forcément nous approuver – le fait que nous avons renouvelé les codes graphiques des « pro-life ».

Des actions du même type que les Femen n’engendrent-elles pas des crispations, et, au final, ne risquent-elles pas de devenir contre-productives ?Nous sommes dans le combat d’opinion et nous voulons le gagner. Cela explique notre radicalité. Pour l’instant, vu l’omerta ambiante de la classe médiatique et politique, l’argent qu’on investit contre nous, nous ne pouvons pas nous contenter de messages passant par des canaux habituels. Il nous faut aller plus loin.

Des personnes ont-elles été touchées par votre message ?Notre vocation est avant tout de relancer le débat sur l’IVG et de rappeler que la question de l’avor -tement ne concerne pas que la femme, mais toute la société. Quelques personnes qui ont pratiqué un avortement et qui ont vécu une expérience de guérison viennent nous faire partager leur histoire, sans pour autant devenir militantes.

Vous dites que la question de l’avortement ne concerne pas que la femme. Pourquoi ?La baisse du nombre d’avortements est un défi collectif. Nous dénonçons en premier lieu le fait que notre société empêche les femmes qui ont pratiqué un avortement d’exprimer leur culpabilité. Elles en sont rendues à se sentir coupables de ressentir une culpabilité, à cause du discours ambiant expli-quant que l’avortement est un droit fondamental. Mais les souffrances existent. Elles restent ca-chées, car les laisser s’exprimer risquerait de remettre en cause ce « droit ». Elles sont la preuve que l’avortement fait resurgir un manque dont la source provient de la forme d’existence – l’embryon – que l’on a supprimée. Reconnaître ces souffrances serait reconnaître ce qui se cache derrière l’acte d’avorter.

Comment votre mouvement compte-t-il se déployer ?Nous voulons accueillir tous les jeunes, croyants ou non, politisés ou non, qui souhaitent mettre à disposition leurs compétences pour atteindre notre objectif. Nous organisons un week-end d’inté-gration et de formation les 2, 3 et 4 septembre prochains. Nous y serons formés aux méthodes d’ac-tion médiatique, en travaillant notre discours et nos arguments. Des équipes seront également constituées, en fonction des talents de chacun.

Ouverture du don du sang aux gays : ce qui change Libération du 11 juillet 2016 par Charlotte Belaich L'interdiction de donner son sang pour un homme ayant eu une relation sexuelle avec un autre, a été levée sous condition.

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Voilà une promesse de campagne de François Hollande respectée. Annoncé en novembre dernier, le décret qui autorise les gays à donner leur sang est entré en vigueur dimanche.

De quand date l’interdiction ? Il y a un peu plus de trente ans, en 1983, une circulaire adressée aux médecins des établissements de transfusion sanguine recommandait « d’écarter du don du sang les personnes considérées comme étant à risque de transmettre le VIH » et parmi elles, « les personnes homosexuelles ou bisexuelles ». Deux ans plus tôt, le sida était identifié aux Etats-Unis « chez des hommes jeunes ayant eu des re-lations sexuelles non protégées avec des hommes », rappelle un rapport du Comité consultatif natio-nal d’éthique (CCNE) publié en 2015. En 1989, la Société nationale de transfusion sanguine va plus loin en recommandant « une abstention du don du sang pour les sujets ayant un comportement à risque, c’est-à-dire les hommes ayant ou ayant eu des relations sexuelles, même occasionnelles, avec un ou plusieurs partenaires masculins ». La recommandation se transforme finalement en « application stricte et systématique de la contre-indication pour les hommes » en 1997.

Qu’est ce qui la justifie ?Malgré toute une série de tests biologiques qui visent à détecter une éventuelle infection dans le sang récolté, persiste un angle mort. On l’appelle la « fenêtre silencieuse », une période de douze jours, à partir de la contamination, pendant laquelle le virus ne peut être détecté. C’est cette période qui explique que les populations jugées à risque soient écartées du don du sang. Or, les hommes ho-mosexuels ont plus de chances de contracter le virus. En 2008, l’incidence moyenne, soit le nombre de nouveaux cas d’infection qui surviennent pendant l’année, a été évaluée à près de 7 000 per-sonnes. Parmi eux, 48 % seraient des hommes ayant eu au cours des douze derniers mois des rela-tions sexuelles avec des hommes. Un chiffre qui s’explique par la pratique sexuelle (les rapports anaux sont plus contaminants) mais aussi par les statistiques. La probabilité de contracter le virus augmente mécaniquement quand vos partenaires font partie d’un groupe plus touché.

Existe-t-il d’autres restrictions ? Oui. D’où le long formulaire à remplir avant de donner son sang, qui, sous forme de questions, tra-duit en fait des restrictions. Ainsi, il est par exemple impossible pour une personne ayant reçu une transmission sanguine de donner son sang. Plus étonnant, les personnes ayant séjourné (plus d’un an cumulé) au Royaume-Uni entre 1980 et 1996 sont également privées de don. Il s’agit en fait de pa-rer au risque de contamination lié à la vache folle. Il existe également des motifs de restriction tem-poraires. Une personne ayant changé de partenaire ou eu une relation sexuelle avec un(e) partenaire occasionnel(le) se voit par exemple écartée de la liste des donneurs pour une période de quatre mois, le temps de s’assurer que le virus soit détectable, s’il était contracté. 

Pourquoi la mesure était jugée discriminatoire ? Parce que l’exclusion était définitive. Peu importe qu’un homme ait eu, une seule fois dans sa vie, il y a des années, une relation sexuelle avec un homme, qui plus est protégée. Dans son rapport, le CCNE pointait d'ailleurs le fait que « d’autres conduites à risque notoire n’entraînent qu’une exclu-sion temporaire » pour les hétérosexuels. « Les restrictions doivent être pensées en fonction des pratiques et non des groupes, explique pour sa part Virginie Combe, vice-présidente de SOS Homo-phobie. On aimerait avoir des chiffres sur les risques de contamination pour un couple d’hommes fidèles, par rapport à un couple hétéro ». 

Qu’est ce qui va changer ? 

Depuis dimanche, un homme ayant eu une relation sexuelle avec un homme n’est plus exclu défini-tivement du don de sang mais pendant douze mois. Une période d’abstinence d’un an qui pourrait être réduite à l'avenir. « Il y a d’autres étapes qui forment un processus, explique Dominique Ga-raye, vice-président de la fédération LGBT chargé des questions de santé et membre du groupe de négociation sur le sujet. Il va y avoir une phase d’étude d’un à trois ans pour collecter les données.

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En fonction des résultats, on pourrait passer à un délai de quatre mois, comme tout le monde. On pourrait aussi rallonger le délai à six mois pour tout le monde ».

Les médecins des établissements de don du sang, qui interrogent les candidats au don une fois le questionnaire rempli, ont également reçu une formation, explique l’Etablissement français du sang. « Ce moment permet de réaliser qu’on peut être porteur d’un risque. Or pendant la fenêtre silen-cieuse, c’est la confiance qui joue ».  

Un fauteuil pour Vincent !Agoravox du 12 juillet 2016 par Sylvain Rakotoarison (son site)« Reims, 29 avril 2013. Le plus gros choc de ma vie. Je suis au chevet de mon fils. (…) Vincent n’a rien mangé depuis vingt jours. (…) Il est là, devant moi, dans un lit d’hôpital à Reims, amai-gri, affaibli, et il va mourir. Dans un jour ? Dans cinq jours ? Je ne sais pas… Mais il va mourir parce que quelqu’un l’a décidé. Un médecin lui a supprimé toute nourriture, presque toute hy-dratation, pour le mettre sur un chemin de "fin de vie". Je parle à Vincent, mais il ne peut pas me répondre : il est en "état de conscience minimale" (…). Il peut ressentir des émotions, mais il est incapable de s’exprimer. Il me regarde, et il pleure. Des larmes coulent le long de ses joues. Il va mourir. Il souffre, je le sais : je suis sa mère ! » (Viviane Lambert, le 7 mai 2015).

L’actualité judiciaire n’en finit pas d’étoffer une affaire qui ne devrait pas être une "affaire" mais une personne humaine avant tout. Vincent Lambert vit. Il vit mal mais il vit. Il n’est pas en fin de vie. L’arrêt des soins a initialement démarré le 10 avril 2013. Après l’interruption de la procédure d’arrêt de soins commandée par le tribunal administratif de Reims le 11 mai 2013, Vincent Lambert a continué à vivre, s’accrochant à la vie pendant un mois sans nourriture et avec très peu d’hydrata-tion. Cela fait plus de trois ans qu’il a survécu à ce choc. Il n’est pas non plus malade. Il a un très lourd handicap. Que personne en bonne santé ne voudrait avoir ou ne souhaiterait à d’autres. Il n’est pas seul. Pas le seul. Environ mille cinq cents personnes ont le même type de handicap. Une très forte dépendance. Une capacité de ressentir des émotions mais une incapacité de les exprimer.

Pas à "débrancher"Vincent n’est pas à débrancher pour la simple raison qu’il n’est pas "branché" ; il respire seul, sans dispositif artificiel. Parce qu’il ne peut pas déglutir (comme des dizaines de milliers de personnes, et j’en ai connu au moins deux dans mon environnement proche), il a besoin d’une aide pour manger et boire, qu’on appelle alimentation et hydratation artificielles. Par ailleurs, Vincent n’a donné au-cune indication formelle sur ses volontés en pareille situation. Il était infirmier et connaissait forcé-ment l’existence des directives anticipées, mais n’en a rédigé aucune. Personne ne le lui reprochera d’ailleurs, car les rédiger nécessite beaucoup de réflexion, beaucoup de philosophie, une disposition d’esprit solide et surtout, la conscience aiguë que l’on est mortel. Or, c’est un peu l’absence de cette conscience, l’insouciance, qui permet de vivre, de vivre sereinement, de vivre légèrement.

Quatre ans et demi après l’accident de son mari, Rachel, l’épouse de Vincent, commença à militer pour l’arrêt des soins. Concrètement, ne plus donner à manger ni à boire à son mari. Ce qui signifie, à brève échéance, le laisser mourir. La justice a été saisie par les parents de Vincent dès que la pre-mière procédure d’arrêt de soins a été mise en œuvre. Les parents vivaient eux-mêmes un moment difficile (le père était hospitalisé) et étaient éloignés géographiquement de leur fils ; ils n’ont pas été informés de cette procédure qui a été suivie sans les avoir consultés et c’est la mère, Viviane, qui a appris par hasard cette procédure alors qu’elle s’était rendue au chevet de Vincent.

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Les "détracteurs" (comme s’il devait y avoir des "pour" et des "contre", dans un pays certes si échaudé par l’affaire Dreyfus) des parents insistent beaucoup sur leur supposé "intégrisme catho-lique". C’est possible qu’ils soient "catholiques traditionalistes", je n’en sais rien et je m’en moque, c’est leur affaire, mais ce qui m’écœure, c’est que la religion soit mise ainsi en avant, montrée du doigt, dans un sens comme dans un autre, dans un pays laïc qui garantit la libre pratique de toute re-ligion. D’ailleurs, il est probable que si la mère de Vincent ne devait pas être objective au sujet de son fils, ce ne serait pas en raison d’une quelconque religion, ce serait plus pour son amour maternel qui pourrait balayer n’importe quel principe. La mère de Vincent veille sur lui depuis plus de trois ans maintenant. Les parents ont déménagé de la Drôme pour être près de lui. Ils ont bouleversé leur vie pour aider leur fils le mieux possible. Elle affirme aussi que la déglutition pourrait revenir et qu’il faisait quelques progrès dans cette voie. La famille de Vincent est profondément divisée. On pourrait comprendre que parmi les "protagonistes" se trouvent l’épouse et la mère. Ce sont sans doute les deux personnes les plus importantes. On peut aussi imaginer que l’épouse corresponde au choix conscient de la personne et devrait être, en principe, plus proche que la mère, plus à l’écoute de sa réalité psychologique. Néanmoins, on pourrait se demander ce qui motive par exemple un ne-veu à vouloir renforcer la division familiale par des actions judiciaires supplémentaires.

Deux décisions judiciaires très inquiétantes Ces dernières semaines, deux décisions de justice ont été rendues publiques. La première décision émane de la cour administrative d’appel de Nancy. L’audience s’est tenue le 26 mai 2016 et la déci -sion rendue publique le 16 juin 2016. Sollicitée par le neveu en question, la cour lui a donné raison et a ordonné au CHU de Reims de reprendre la procédure d’arrêt de soins par la consultation d’ex-perts. L’hôpital avait, prudemment, le 23 juillet 2015, suspendu la procédure, considérant que celle-ci mobilisait trop de passions et de polémiques. Cette décision s’oppose à la décision du tribunal ad-ministratif de Châlons-en-Champagne qui avait rejeté le 9 octobre 2015 en première instance la de-mande du neveu, à la suite de l’audience du 29 septembre 2015. Sur France Inter, la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine avait pourtant déclaré, le 6 octobre 2015 : « Aucune cour de jus-tice n’impose à un hôpital d’arrêter des traitements. La CEDH a dit que c’était possible et l’hôpital a choisi jusqu’à maintenant de prendre un peu de temps. C’est cette situation difficile et doulou-reuse dans laquelle nous sommes ». La décision du 16 juin 2016 à Nancy remet en cause l’indépen-dance professionnelle et morale des médecins. Elle aura des conséquences ultérieures peut-être dé-vastatrices.

La seconde décision concerne la mise sous tutelle de Vincent. Le 10 mars 2016, Rachel avait été dé-signée tutrice par un juge des tutelles de Reims. Cette mesure avait ému dans la mesure où le tuteur aurait dû être une personne neutre (ni les parents, ni l’épouse) qui devait veiller, avant tout, à l’inté-rêt de Vincent. Or, l’épouse de Vincent veut justement arrêter les soins et donc le mettre en danger de mort. La nouvelle loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 a cependant établi l’indépendance, par rapport à son tuteur sur les questions traitant de leur fin de vie, des personnes faisant l’objet d’une mesure de tutelle, au sens du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil. Ce vendredi 8 juillet 2016, la cour d’appel de Reims a confirmé la désignation de Rachel comme tutrice de son mari. Les deux avocats des parents de Vincent ont annoncé leur intention de déposer un pourvoi devant la Cour de cassation.

Des familles très inquiètes voire terrifiées...Philippe Petit, médecin et père d'un jeune homme en état pauci-relationnel depuis quatorze ans, est membre du conseil d'administration de l'Union Nationale des Associations de Familles de Traumati-sés crâniens et de Cérébro-lésés (UNAFTC). Il a lancé un appel ce 10 juillet 2016 pour mieux prendre en compte la protection de ces personnes en situation de grand handicap : « Ce sont des personnes en situation de grande vulnérabilité, dont la conscience reste altérée après des lésions cérébrales graves. Elles sont accueillies et prises en charge par des professionnels compétents dans des unités spécialisées créées pour elles en 2002. Ces personnes ne sont pas en fin de vie (...). Aussi avons-nous été violemment percutés par les déchaînements médiatiques autour de l'une de ces per-

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sonnes : M. Vincent Lambert, pour qui un médecin avait décidé d'interrompre l'alimentation et l'hy-dratation. De nombreuses familles se sont retrouvées terrifiées à l'idée de se voir un jour imposer une telle décision. (...) Cette décision, qui repose sur une initiative médicale et des interprétations d'un désir de mourir de M. Lambert, dont les experts ont établi le caractère erroné, n'a pu à ce jour être mise en œuvre, en raison du conflit familial qui trouve sa source dans l'échec de la procédure collégiale initiale ».

Il a souhaité que tous les proches puissent participer à la décision : « Nous sommes porteurs de toutes les sensibilités et de toutes les souffrances des blessés et de leurs proches confrontés à ces si -tuations, et nous considérons que toutes les décisions individuelles doivent pouvoir se prendre, au cas par cas, sous réserve que le processus de décision soit respectueux et associe tous les proches souhaitant y participer ». Enfin, il a reproché au Comité consultatif national d’éthique (CCNE) de ne plus travailler : « Nous avons appris récemment, par un de ses membres, que le CCNE a cessé de se réunir sine die, plusieurs de ses membres devant être renouvelés, le gouvernement ayant actuelle-ment d'autres priorités. À un moment où notre société est secouée par des questions éthiques ma-jeures, où les amalgames et les idées reçues font florès, et alors que "l'affaire Lambert" connaît de nouveaux développements judiciaires, il est troublant (...) de constater la vacance de l'instance qui devrait donner du sens et élever la réflexion. » (Huffington Post, le 10 juillet 2016).

Le niveau de protection d’une personne vulnérableLes deux décisions judiciaires (16 juin 2016 et 8 juillet 2016) peuvent donc avoir des conséquences graves sur la vie de Vincent. Alors que ses soins, actuellement, ne sont pas du tout adaptés à son état (il n’a aucun exercice de kinésithérapie, par exemple, et il est enfermé en permanence dans sa chambre), on voudrait résoudre le "problème" carrément en arrêtant les soins, ce qui signifie aban-donner Vincent à la mort. Cinq juges de la Cour européenne des droits de l’Homme, faisant partie de "l’opinion dissidente", s’exprimaient ainsi le 5 juin 2015 : « Nous posons donc la question : qu’est-ce qui peut justifier qu’un État autorise un médecin (…), en l’occurrence non pas à "débran-cher" Vincent Lambert (celui-ci n’est pas branché à une machine qui le maintiendrait artificielle-ment en vie) mais plutôt à cesser ou à s’abstenir de le nourrir et de l’hydrater, de manière à, en fait, l’affamer jusqu’à la mort ? (…) Une personne lourdement handicapée, qui est dans l’incapacité de communiquer (…), peut être privée de deux composants essentiels au maintien de la vie, à savoir la nourriture et l’eau, et, de plus, la Convention [européenne des droits de l’Homme] est inopérante face à cette réalité. Nous estimons non seulement que cette conclusion est effrayante mais de plus, nous regrettons d’avoir à le dire, qu’elle équivaut à un pas en arrière dans le degré de protection que la Convention et la Cour ont jusqu’ici offerte aux personnes vulnérables ».

Améliorer les conditions d’existencePourtant, une autre solution existe. Transférer Vincent dans une structure médicalisée adaptée à sa douloureuse situation. Plusieurs établissements, qui sont compétents à ce sujet, ont déjà annoncé qu’ils étaient prêts à l’accueillir. Et déjà, grâce à la solidarité et à Internet, un collectif a réussi à réunir assez d’argent pour acheter à Vincent un fauteuil roulant adapté qui lui permettrait de sortir enfin de sa chambre et de se promener dehors, à l’air libre, au contact avec la nature. Cette généro-sité pourrait également financer des séances de kinésithérapie qui seraient indispensables dans son état (notamment pour éviter qu’il ne souffre). À ce jour, la directrice du CHU de Reims n’a apporté aucune réponse à cette proposition. Pour -quoi ? Pourquoi Vincent est-il confiné dans un hôpital qui n’a pas la capacité à apporter les soins adaptés que sa situation exige ? Pourquoi cet acharnement à vouloir arrêter des soins sur une per-sonne alors qu’un millier et demi de personnes en France sont dans la même très difficile situation et sont accompagnées par des proches et des professionnels dévoués et pleins d’humanité ?

Une société avancée se juge par sa capacité à prendre en charge les personnes les plus fragiles, les plus faibles. Le manque de dignité ne viendra jamais de ces personnes qui, en tant qu’êtres humains, sont dignes par essence, quel que soit leur état, mais d’une partie de la société prête à les rejeter, voire à les …éliminer. Attention à la société du futur qui ne voudrait plus que conserver en son sein

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des individus utiles et productifs. Cette tentation, qu’on retrouve aussi dans le pronostic prénatal que combat très fermement une personnalité comme le professeur Jacques Testart (dont on ne pour-ra pas reprocher un quelconque "intégrisme catholique", lui, l’athée et promoteur de la laïcité), est pourtant le risque permanent d’une société sans éthique et sans morale. « Redonnons un peu de fraî-cheur au mot de dignité, ne réduisons pas la dignité à la dignité d’apparence. (…) La dignité est le respect dû à la personne : ne touchez pas l’Intouchable ! » (Philippe Pozzo di Borgo).

« La Dépakine a rendu mes enfants malades, personne ne m’avait rien dit »Libération du 13 juillet 2016 par Eric FavereauRencontre avec des victimes de ce traitement antiépileptique, toujours en vente alors qu’il provoque de graves séquelles sur le fœtus quand il est pris par des femmes enceintes.

C’est un moment à part. Dans ce lieu singulier qu’est La Chapelle-Montligeon, un hameau perdu dans le Perche où se croisent une énorme basilique et de longs bâtiments sur les côtés, ils sont envi-ron 300 à se retrouver. Un groupe de familles et d’enfants victimes du Depakote (ou Dépakine), ce médicament certes efficace contre l’épilepsie, mais qui se révèle un véritable poison pour le fœtus si la femme est enceinte. Depuis les années 80, plusieurs milliers d’enfants sont ainsi nés en France at-teints plus ou moins lourdement. Ce week-end, ces victimes étaient réunies pour l’assemblée géné-rale de l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac).

L’ambiance était unique, magnifique aussi. Voilà une petite foule aux visages particuliers. C’est si rare que la maladie marque les visages. « Quand on nous dit que ce n’est pas sûr que nos enfants sont atteints par la Dépakine, regardez-les ! Ils se ressemblent tous », lâche Marine Martin, la pré-sidente de l’association, dans un geste de tendresse. « Nous, on le sait, on le voit, et ce n’est pas un vain mot quand on dit que l’on forme une famille. On est pareil. » A certains moments, cela peut laisser pantois. Ces enfants ou adolescents se ressemblent, en effet. Ils ont un regard plus sombre, un nez un peu plus vaste et légèrement écrasé, la lèvre supérieure très fine. Sans compter, surtout, des troubles du comportement, plus ou moins sévères. Mais là, durant ce week-end, tout s’est effa-cé, comme dans une parenthèse. Ils étaient ensemble et nul ne s’offusquait de leurs bizarreries. Ils sont entre eux, ils sont chez eux, familles et enfants. Lorsqu’un ado pousse un grand cri lors d’un discours, nul ne se retourne, tout le monde est habitué à ces grains de sable de la vie sociale. Il y a quelque chose d’unique à les voir ainsi : nul ne les exclut, ne les rejette.

« Ça me met en colère »Quand on interroge Salomé, 17 ans, sur son handicap, tout n’est pas simple. Elle réfléchit un mo-ment, puis lâche : « C’est compliqué. » Salomé est légèrement atteinte : elle a eu des difficultés de langage et d’apprentissage, mais est au-jourd’hui en première S. « C’est compliqué, répète-t-elle. Ça me met en colère quand j’essaye de faire quelque chose et que je n’y arrive pas. » Parfois elle s’isole un peu plus. D’autres enfants sont, eux, beaucoup plus atteints, et un grand nombre d’entre eux sont placés dans des centres spécialisés, les instituts médico-éducatifs, comme Patrick. Il est là dans le jardin, en train de jouer avec sa petite sœur. Leurs parents les regardent tendrement. L’un est né en 2005, l’autre en 2009.

A cette époque, les neurologues comme les pédiatres savaient que la Dépakine était lourdement dé-conseillée aux femmes enceintes. « Ce n’est qu’en 2015 que j’ai compris. C’était en regardant un reportage à la télé sur l’association et sur Marine Martin. C’est là que j’ai découvert que c’était la

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Dépakine qui avait rendu mes enfants malades, personne ne m’avait rien dit. » Le père, à ses côtés, ne décolère pas : « C’est dingue, quand même, si on avait su, ma femme aurait arrêté la Dépakine, mais non. » Il poursuit : « Quand on a décidé de porter plainte, on nous a dit "ah, vous voulez de l’argent". Non, ce n’est pas de l’argent que l’on veut, on veut savoir ce qu’on fera avec nos enfants quand on sera vieux. »

HésitationsQuelques repères dans ce drame massif, l’un des plus importants de ces cinquante dernières années : le valproate de sodium - molécule de base de la Dépakine - a été commercialisé en 1967 comme an-tiépileptique par Sanofi, puis son indication s’est élargie au traitement des phases maniaques des troubles de l’humeur. A la différence du Mediator, le valproate a une bonne efficacité. Pour autant, très vite, sont apparus des risques pour le fœtus. « Chez la femme enceinte, les effets tératogènes [produisant des malformations, ndlr] du valproate sont connus depuis le début des années 80, a noté l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport rendu public il y a deux mois sur cette affaire. Dans le courant des années 80 et 90, les publications scientifiques documentent de plus en plus précisément ces malformations congénitales… » D’autres effets graves sur le fœtus vont surgir, notamment des retards mentaux. Mais ces derniers sont détectés plus tardivement, et au début, certains les mettent en doute, prétextant l’état de santé de la mère.

Aujourd’hui, ce sont ces effets neuro-comportementaux qui sont massifs. Dans son rapport, l’Igas s’est montrée sévère sur la gestion des autorités sanitaires, pointant des retards en série. « Dans les années 2000, en France, la doctrine implicite en matière de notice est de ne pas alarmer les pa-tientes par un message pouvant les conduire à arrêter leur traitement. » Plus loin : « Quand on compare avec les autres pays européens, la France n’est pas au nombre des pays les plus réactifs. » Enfin, « un rôle trop important est laissé aux firmes, à Sanofi en l’occurrence, qui considère encore en mars 2014 qu’aucune mesure de minimisation du risque n’est nécessaire, y compris en matière d’information ». Le bilan de ces hésitations est dramatique. Mais le plus inquiétant est de constater que cette histoire aurait pu rester clandestine sans Marine Martin. « Cela est certain, affirme Hubert Journel, médecin à Vannes, qui travaille sur ce domaine depuis trente ans. C’est elle, avec son asso-ciation, qui a tout fait basculer en le rendant public, autrement cela serait resté un monde invisible. »

Marine Martin est infatigable. Elle court dans tous les sens, dévorant une énergie peu commune. Elle ressemble à Irène Frachon, ce médecin qui a dévoilé le scandale du Mediator. Toutes les deux se connaissent, s’apprécient, s’épaulent aussi. « C’est en voyant Irène se battre que je me suis convaincue que l’on pouvait s’attaquer à un laboratoire pharmaceutique », lâche Marine Martin, que rien ne prédestinait à être une lanceuse d’alerte. Cadre à la SNCF, elle ne connaît rien du monde médical. Epileptique depuis l’âge de 6 ans, elle a suivi un traitement au valproate. Pendant ses deux grossesses, elle l’a continué sans qu’aucun médecin ne lui parle des effets secondaires. Ses deux en-fants sont nés avec un spina-bifida occulta, une imperfection de la colonne vertébrale. Nathan, l’aî-né, est le plus atteint. « Je voulais avoir un troisième enfant, mais j’avais peur d’être atteinte d’une maladie génétique. J’avais lu des articles sur des pesticides qui avaient rendu malades des fœtus. J’ai regardé sur Internet, en tapant "médicament dangereux et la grossesse". On était fin 2009, et là est apparue la Dépakine. » Le choc. « J’ai compris aussitôt. » Comme une évidence que l’on ne voulait pas voir. Sa réaction ? Une colère sans faille. « Pourquoi m’a-t-on menti ? Pourquoi ne m’a-t-on rien dit ? Mon fils est né plus de vingt  ans après les premières alertes sanitaires. » Elle décide alors de créer, en 2011, l’as-sociation qui va tout bouleverser.

Autre lieu, autre combat. Celui de Hubert Journel, pédiatre et généticien à l’hôpital de Vannes. Il a fait sa thèse de médecine sur le spina-bifida en 1984. « Les premiers papiers sur le valproate et la grossesse sortent en 1984, je les lis, mais j’étais un peu seul, cela restait quelque chose de peu connu. Et puis cela tombait comme dans un trou, entre pédiatres, neurologues, généticiens. » Le Dr Journel ne désarme pas, se spécialise sur la question, mais rien ne bouge. « En 2005, j’ai fait un

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topo sur les liens très forts entre valproate et atteintes fœtales devant des responsables de l’Afssaps [l’ex-Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé], qui allait devenir l’agence du médicament. On me répond :"C’est intéressant, mais vous n’avez pas de preuves." » Il en sort ahuri. «S’il n’y avait pas eu Marine, cela aurait pu continuer comme cela, dans l’indifférence. »

Aujourd’hui, tous deux forment un duo de choc. « Maintenant on en parle, c’est ma plus belle vic-toire », lâche Marine Martin. Au point que ce week-end, le directeur général de la santé, le profes-seur Benoît Vallet, est venu à l’assemblée générale. Il a écouté, entendu les difficultés de ses fa-milles - par exemple beaucoup ne sont pas même prises en charge à 100 % par l’assurance maladie -, il a parlé de la mission confiée à deux magistrats pour, éventuellement, créer un fonds d’indemni-sation, comme ça s’est fait pour le Mediator. Il a évoqué les études en cours, et le lancement d’un protocole national de diagnostic et de soin, pour arriver à normaliser les diagnostics et les prises en charge. Car dans ce dossier, la grande difficulté est la très grande variété des atteintes. « On dit que 30 à 40 % des enfants nés de mère Dépakine ont des atteintes neuro-comportementales. C’est déjà énorme, mais moi je suis sûr que c’est 100 % », tranche Marine Martin.

ResponsabilitéSanofi, le fabricant français de la molécule, dégage toute responsabilité dans le drame. « En France, il y a une chaîne d’acteurs. Nous ne pouvons pas décider de notre propre chef », nous avait déclaré son directeur médical. « Sanofi bloque toutes les procédures », rectifie l’avocat Charles Joseph-Ou-din, qui a plus de 800 dossiers. Quatre plaintes ont été déjà déposées au pénal, et dans plusieurs pro-cédures. Les expertises ont reconnu clairement le lien entre l’atteinte sur l’enfant et la prise de val-proate. Se pose également la question de la responsabilité de ces médecins qui ont continué à pres-crire la molécule à des femmes en âge de procréer, et qui continuent encore. Fin juillet, par le biais d’une étude de l’assurance maladie, on devrait connaître les chiffres exacts des prescriptions du val-proate depuis vingt ans, ainsi que le nombre d’enfants atteints. Des données qui devraient faire fré-mir.

PMA : l’illusion d’une irresponsabilité pénaleJournal International de Médecine du 9 juillet 2016 par Adeline Le Gouvello, avocateAu cours de la campagne électorale de 2012, François Hollande s’était prononcé en faveur de l’accès des couples de femmes à la procréation médicalement assistée. Cependant, à l’heure du débat autour de l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, le gouvernement avait fina-lement renoncé à défendre une telle évolution en raison de l’âpreté des polémiques. Puisqu’il est exclu que de nouvelles discussions s’ouvrent sur le sujet, à moins d’un an des nouvelles élections, tout en louant le courage et l’audace politique de ses anciens (tel Michel Rocard), le gouvernement a décidé d’user d’une technique bien moins frontale pour faire aboutir ses « idées ». Ainsi, le ministre des Familles a cette semaine annoncé l’abrogation d’une circulaire interpré-tant la loi de bioéthique de 1994 et rappelant que les médecins soutenant et accompagnant les personnes ayant recours à l’étranger à des techniques de PMA interdites en France étaient passibles de sanctions pénales. Cette annonce vaut-elle abrogation des dispositions ? Certaine-ment pas, rétorque l’avocat Adeline Le Gouvello qui s’insurge contre un tel dévoiement de la logique légale et pénale et qui affirme que l’avenir pourrait au contraire voir la loi plus fré-quemment invoquée.

Une loi en 1994, une circulaire pour l’expliquer et en diffuser l’information en 2013, une promesse d’abroger ladite circulaire en 2016… Où en est-on désormais de la responsabilité  des gynécologues

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qui orienteraient les femmes souhaitant avoir recours à la PMA à l’étranger en contournement de la loi française ? A la suite des déclarations de la ministre Laurence Rossignol, la presse relaie actuel-lement l’information selon laquelle ils ne seraient plus menacés de sanctions. La ministre a indiqué vouloir abroger la circulaire de 2013 qui, d’après elle, aurait prévu des sanctions à l’égard de gyné-cologues. Ces affirmations sont à prendre avec la plus grande prudence. La responsabilité pénale encourue des médecins reste toujours d’actualité et il semble, au contraire, que sa mise en jeu ne soit plus théorique.

Des dispositions pénales ne peuvent être faites et défaites par circulaireLa circulaire dont fait état la ministre n’avait nullement prévu de sanctions pénales lesquelles, lors-qu’il s’agit de délits et de crimes, relèvent de la compétence du législateur. Le principe constitution-nel de la légalité des délits, qui offre ainsi au justiciable les garanties nécessaires en matière de ré-pression, ne peut en rien permettre à un gouvernement d’édicter par "circulaire" des infractions et les peines qui y correspondent. Seule la loi, votée par le parlement, offre cette possibilité. La note de 2013 ne faisait que rappeler aux médecins les règles applicables en vigueur, et indiquait quelles pouvaient en être les conséquences à l’égard des gynécologues orientant les patientes vers des cli-niques étrangères en contrariété avec la loi française. Il est donc dans un premier temps assez éton-nant, pour ne pas dire consternant, de voir une ministre prétendre qu’une peine d’emprisonnement a pu être prévue par une simple circulaire et qu’abroger celle-ci mettra fin aux peines encourues...

La loi pénale est toujours en vigueurLes dispositions relatives aux infractions en matière de procréation médicalement assistée ont été insérées dans le code pénal par la loi de 1994. Ce qu’une loi a fait, une décision d’un ministre ne peut le défaire. Le code pénal est toujours en vigueur quand bien même une note en interprétant cer-taines dispositions serait abrogée. Ce n’est donc pas l’abrogation d’une circulaire qui empêchera dé-sormais toute poursuite à l’encontre des médecins. Chacun sait que la PMA n’est ouverte qu’aux couples formés d’un homme et d’une femme, vivants tous deux, en âge de procréer, afin de remé-dier à une infertilité pathologique ou dans le but d’éviter à l’enfant la transmission d’une maladie d’une particulière gravité. Lorsque ces conditions ne sont pas respectées, la PMA est interdite, sanc-tions pénales à l’appui. Les personnes qui procèdent à une PMA, en dehors des conditions ci-dessus rappelées, encourent ainsi cinq ans de prison et 75 000 € d’amende (article 511-24 du code pénal). Le fait d’apporter son entremise pour favoriser l’obtention de gamètes contre un paiement, ou de re-mettre à des tiers, à titre onéreux des gamètes provenant de dons, est puni des mêmes peines (article 511-9 du code pénal). La tentative d’entremise est également punissable (article 511-26 du code pé-nal). Ces règles s’appliquent à tous les couples, toutes les personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle : femme célibataire, couple trop âgé, souci de confort… La loi est démocratiquement vo-tée. Aujourd’hui, si certains souhaitent la voir évoluer, il leur appartient d’en faire voter une autre. Mais en l’absence d’une loi abrogeant l’ancienne, les peines encourues sont toujours en vigueur, en dépit des déclarations de la ministre.

La loi française peut s’appliquer, même lorsque l’insémination a lieu à l’étranger

Actuellement, l’entremise entre une patiente et une clinique qui favorise l’obtention de gamètes contre un paiement est passible de 5 ans de prison et 75 000 € d’amende. C’est l’entremise elle-même qui est visée, le fait d’être l’intermédiaire. Or, même si le médecin dirige la patiente vers des cliniques étrangères où les règles diffèrent, l’entremise, elle, a lieu sur le territoire français. Dès lors, les peines encourues trouvent directement à s’appliquer au gynécologue qui oriente sa patiente à l’étranger. Par ailleurs, avoir recours à des techniques accessibles à l’étranger mais illégales en France ne garantit pas l’impunité. Le code pénal prévoit en effet que toute infraction est réputée commise sur le territoire français dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire (ar-ticle 113-2 du code pénal). Par conséquent, si un médecin français effectue des actes pour sa pa-tiente en vue de la réalisation d’une PMA à l’étranger parce qu’illégale en France, la loi française trouverait à s’appliquer.

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La mise en jeu de la responsabilité en pratiquePourtant, des médecins croient pouvoir passer outre le risque pénal et l’ont d’ailleurs revendiqué par voie de presse en signant un manifeste. Certains estiment en outre que la loi ne serait que très rare-ment appliquée et que le suivi des patientes nécessiterait des médecins une orientation vers des cli-niques étrangères. L’ambiance générale porterait ainsi à une dépénalisation de ces pratiques dans les faits.

Il convient de tempérer le propos et, au contraire, d’alerter sur les risques importants encourus. Si les poursuites n’ont été que peu nombreuses, c’est pour des raisons évidentes de partage d’intérêts communs et, en conséquence, une absence de remontée des faits délictueux. Tant le médecin que la patiente se trouvent satisfaits d’une PMA réalisée en France ou réalisée à l’étranger en lien avec le médecin français. Les attentes de la patiente ont été comblées et le médecin perçoit des honoraires (même s’il oriente gratuitement vers une clinique étrangère pour l’insémination proprement dite, le suivi pourra s’opérer en France, ainsi que l’accouchement). Les acteurs premiers de ces pratiques seront donc bien les derniers à s’en plaindre. Il est ainsi parfaitement logique qu’il n’y ait eu que peu d’affaires en la matière jusqu’à maintenant.

Cependant, actuellement, un autre mouvement s’initie. L’information de la commission des délits par certains médecins commence à être relayée. Le manifeste des 130 médecins a donné lieu à di-verses plaintes devant des conseils départementaux de l’ordre des médecins ainsi qu’à une plainte pénale. En outre et surtout, les enfants issus de ces pratiques, réalisées en contournement de la loi française, grandissent et vont être en mesure de réaliser que la loi dont ils bénéficiaient, n’a pas été appliquée à leur égard. Aux Etats-Unis, précurseurs de quelques années, un mouvement d’enfants issus d’IAD pour des femmes seules ou en couple, commence à réclamer des comptes.

La loi pénale française a été édictée dans un souci de respect du corps humain mais aussi de l’intérêt supérieur de l’enfant : l’article 7 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant garantit à l’enfant de connaître ses parents et, sauf accident de la vie, d’être éduqué par eux. Or, lorsqu’il est procédé à une PMA pour une femme célibataire, ou un couple de femmes, le père a été délibéré-ment écarté de la vie de l’enfant. L’argument selon lequel ces enfants seront aimés par ces mères qui les auront désirés ne résiste pas à l’analyse et à l’expérience : certes, ces enfants n’auront pas manqué d’amour de la part de leur mère. Mais ils auront manqué de père. Ce qui n’est pas un détail de la vie et ce que la loi leur garantissait pourtant. Sauf cas exceptionnel, ils n’agiront pas en justice contre leur mère, qu’ils aiment et dont ils sont aimés. Il leur sera en revanche aisé d’agir tant humai-nement que juridiquement à l’encontre des établissements et des médecins qui auront violé la loi et leur auront causé un préjudice irrémédiable. La preuve de la faute sera plus que simple : inobserva-tion des règles légales ; le préjudice : être orphelin de père.

Avortement : Vers une plus grande protection des objecteurs de conscience aux Etats Unis ?Washington Examiner du 13 juillet 2016 par Paige Winfield Cun-ninghamAux Etats-Unis, la Chambre des représentants a approuvé mercredi, par 245 voix contre 182, un projet de loi « controversé » qui renforce l'interdiction de discrimination des objecteurs de conscience face à l’avortement. Ces mesures réaffirment que « ceux qui fournissent des soins de santé et la couverture sanitaire doivent pouvoir continuer à le faire sans être forcé de coopérer à l’avortement ».

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Actuellement, les fournisseurs de soins de santé peuvent déposer une plainte auprès du département de la santé et des services sociaux des États-Unis s’ils ont été contraints de pratiquer un avortement. Le nouveau projet de loi permettra aux particuliers de déposer des poursuites civiles sans passer par le département en premier lieu. Les démocrates et la Maison Blanche s’opposent au projet de loi, déclarant qu'il existe des protections de conscience déjà suffisantes, mais les républicains ont répli-qué qu'il était nécessaire de prendre ces mesures face à l’Obamacare, qui oblige toute institution à couvrir l'avortement par les régimes d'assurance offerts aux employés. Le projet de loi a d’ailleurs été rédigé en réponse à un mandat récent de Californie qui exige que toutes les assurances de l'État couvrent les avortements. « Je pense que nous pouvons tous convenir que, dans ce pays, personne ne devrait être obligé de pratiquer un avortement », a déclaré le président de la Chambre Paul Ryan, un républicain du Wisconsin.

Le Cardinal Timothy Dolan et Mgr William Lori, en tant que présidents de la Conférence américaine des évêques catholiques et du Comité ad hoc pour la liberté religieuse, ont félicité la Chambre des représentants pour ce vote. « Même ceux qui sont en désaccord sur la question de la vie devrait être en mesure de respecter les droits de la conscience de ceux qui souhaitent ne pas être impliqués dans le soutien de l’avortement » ont-ils déclaré. « La grande majorité du personnel médical, et 85 % des gynécologues en particulier, ne veulent pas être impliqués dans l'avortement. Que leurs mo-tifs soient religieux ou non, leur objection de conscience est digne du plus grand respect et de la plus haute protection ». Ils exhortent le Congrès à faire avancer ce « projet de loi vital ».

Mais la Maison Blanche ayant publié une menace de veto, la mesure est peu susceptible de devenir loi.

RECHERCHE

L'INSERM réaffirme sa position sur CRISPR-Cas9Encourager la recherche y compris chez l'em-bryon

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Le Quotidien du Médecin du 4 juillet 2016 par le Dr Irène Drogou Lors de sa journée annuelle, le Comité d'éthique de l'INSERM a réaffirmé les recommanda-tions émises en février 2016 sur l'utilisation de CRISPR-Cas9 dans l'édition de génome lors de la journée annuelle de son comité d'éthique.

Le 13 juin dernier, le Comité d'éthique de l'INSERM a rassemblé plus d'une centaine de personnes à l'occasion de sa journée annuelle. Parmi les problématiques posées par la recherche biomédicale, un éclairage éthique particulier a été apporté à la technologie CRISPR-Cas9. Alors que les National Institutes of Health (NIH) viennent d'obtenir un premier feu vert pour un essai d'immunothérapie anticancéreuse, le Comité d'éthique a réaffirmé les axes proposés en février 2016 suite à la saisine par le Pr Yves Lévy, PDG de l'INSERM.

Cette technique d'édition de génome, qualifiée de révolutionnaire et simple d'utilisation, est à l'ori-gine de controverses dans la communauté scientifique. L'application potentielle aux gamètes et à l'embryon soulève de nombreuses questions de sécurité (mutations « off target ») et d'éthique. Un sommet international s'est tenu à Washington fin décembre 2015 sans que l'idée d'un moratoire soit retenue. L'édition de génome est devenue un sujet de société un peu partout, y compris en France.

Le seul texte contraignant est la convention sur les droits de l'homme et de la biomédecine établie en 1997, dite convention d'Oviedo. L'article 13 indique deux principes clefs pour les cellules germi-nales : toute modification doit profiter à la santé humaine (prévention, diagnostic, thérapeutique) et l'intervention ne doit pas introduire de modification dans le génome de la descendance. Si la France a ratifié le texte, comme 28 autres pays, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine ne l'ont pas fait. Certains pays de l'Est affichent une position très ambiguë sur la question. Pour le Co-mité d'éthique, il apparaît important de distinguer « trois domaines aux enjeux différents » : l'appli-cation à l'homme qui soulève la question des modifications de la lignée germinale ; l'application à l'animal, en particulier aux « espèces nuisibles », qui soulève la question d'un éventuel transfert laté-ral de gènes et l'émergence de dommages irréversibles à la biodiversité ; des risques d'atteinte à l'en-vironnement.

Le Comité a émis 5 types de recommandations : encourager une recherche pour évaluer l'efficacité et l'innocuité de la technique CRIPSR, y compris sur des cellules germinales et de l'embryon  ; les effets indésirables du guidage de gènes doivent être évalués dans des laboratoires respectant les règles de confinement, suffisamment longtemps et avec des mesures de réversibilité ; respecter l'in-terdiction de toute modification du génome nucléaire germinal à visée reproductive dans l'espèce humaine ; participer à toute initiative nationale ou internationale sur la question de la liberté de la recherche et d'éthique médicale, en particulier dans les pays émergents ; attirer l'attention sur la question philosophique de la plasticité du vivant. 

Recherche de thérapie cellulaire en cardiologieLe CHU de Toulouse au centre d'un ambitieux programme européenLe Quotidien du Médecin du 4 juillet 2016 par Béatrice GirardLe Pr Jérôme Roncalli cardiologue toulousain coordonne trois études sur les thérapies cellulaires pour les pathologies cardiaques. Il a lancé en début d’année la phase 2 de l’étude MESAMI, 100 % française et espère développer un nouveau médicament de thérapie innovante en 2020. 90 patients seront recrutés dans les 18 mois.

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En matière de recherche d’excellence en cardiologie, le Pr Jérôme Roncalli n’en est pas à son coup d’essai. En 2005, sous la direction des Prs Fauvel et Galinier, il a réalisé la première injection de cel-lules souches de la moelle osseuse par voie intracoronaire au CHU de Rangueil (Toulouse). En 2009 c’est encore lui qui est le premier à réaliser cette opération directement dans le cœur par les ar-tères périphériques. Aujourd’hui en pointe sur les thérapies cellulaires pour les pathologies car-diaques, le CHU toulousain est l’investigateur coordonnateur du plus important programme d’Eu-rope à travers trois études dont l’étude MESAMI.

Il s’agit d’un programme académique institutionnel qui a reçu début 2016 l’autorisation de l’ANSM et l’ouverture au recrutement. Il associe le CHU de Toulouse et l’Établissement Français du Sang pour les phases 1 et 2. La phase 3 prévoit ensuite le transfert de technologie à la plateforme indus-trielle cell4cure (filiale du laboratoire du fractionnement du sang). Elle sera soutenue notamment par la BPI à hauteur de 7 millions d’euros. « L’étude MESAMI a pour but de traiter les patients souffrant d’une insuffisance cardiaque d’origine ischémique », explique le Pr Roncalli. À travers cette étude, les équipes du CHU de Toulouse ciblent les patients âgés de 75 ans au moins et qui res-tent symptomatiques malgré un traitement médical optimal et des techniques de revascularisation. « Nous leur proposons alors la thérapie cellulaire pour retarder la transplantation cardiaque », ex-plique le cardiologue.

Dans le cadre de MESAMI, le CHU souhaite ainsi recruter 90 patients dans les 18 prochains mois, dont une trentaine à Toulouse, ainsi qu’à l’hôpital Henri Mondor de Créteil, à la Pitié Salpétrière, et dans les CHU de Nantes, Lille et Grenoble. La méthodologie prévoit une étude randomisée versus placebo. Un patient sur deux recevra donc un médicament de thérapie innovante (MTI) suite à un prélèvement de cellule souche par ponction de moelle osseuse. Cette moelle osseuse sera d’abord adressée à l’EFS qui fera une culture des cellules adhérentes pour sélectionner les cellules mésen-chymateuses autologues de la moelle osseuse.

«  Au bout de 17 jours de culture, nous obtenons le MTI que nous injectons dans les 24 heures dans le muscle cardiaque du patient par voie percutanée en passant par une artère périphérique. Nous aurons au préalable réalisé une cartographie du ventricule gauche en 3D », détaille le Pr Roncalli. Deux à trois mois après l’injection, les médecins évaluent la capacité d’exercice à l’effort des pa-tients dans le cadre d’un suivi qui dure un an. À Toulouse, les patients sont de plus en plus adressés par les cardiologues de ville et repérés dans la file active des consultations pour bilan d’insuffisance cardiaque.

CRISPR/Cas9, la révolution qui supplante les OGMLe Figaro du 6 juillet 2016 par Pierre KaldyEn mutant un seul gène chez le concombre, des chercheurs ont rendu la plante résistante à des virus dévastateurs

La technique de modification génétique ciblée CRISPR/Cas9 permet de reproduire des mutations naturelles protectrices chez les plantes cultivées.

En mutant un seul gène chez le concombre, des chercheurs israéliens ont rendu la plante résistante à des virus dévastateurs de récoltes dans le monde, les potyvirus. « Ce résultat est très intéressant, souligne Christophe Robaglia, du Laboratoire de génétique et de biophysique des plantes (université Aix-Marseille), car beaucoup de plantes cultivées, dont la tomate, la pomme de terre, le melon et la courgette, pourraient à terme être protégées de ces virus très destructeurs. » Pour déjouer l'attaque virale dans les cellules, les chercheurs du ministère de l'Agriculture israélien au Volcani Center ont

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muté le gène d'un facteur cellulaire indispensable à ces virus appelé eIF4E. « En 2002, nous avons identifié ce facteur avec une équipe Inra d'Avignon et montré que sa mutation chez des variétés na-turelles de piment les protège des potyvirus », précise le chercheur.

Inactiver un gène d'une plante impliquait jusqu'à présent de soumettre à l'aveugle tout son génome à des agents chimiques mutagènes, puis d'isoler parmi les plants mutés ceux ayant la propriété dési-rée. Les chercheurs ont plutôt opté pour la technique CRISPR/Cas9, qui permet de modifier directe-ment et précisément un gène cible connu et a déjà servi à inactiver celui de la susceptibilité à l'oï-dium chez le blé tendre. Le concombre muté s'avère normal sauf qu'il ne produit plus la protéine eIF4E, indispensable aux virus mais secondaire pour la plante. Les chercheurs ont constaté qu'il ré-sistait désormais à au moins trois potyvirus, le ZYMV, le PRSV-W et le CVYV, qui détruisent les cultures de concombres, de melons et de courgettes. La même technique de modification ciblée du génome récemment appliquée par une équipe écossaise de l'université d'Édimbourg à la plante mo-dèle Arabidopsis thaliana l'a protégée d'un autre potyvirus, le TuMV, ce qui confirme l'efficacité de cette protection pour une large gamme de plantes. « La technique CRISPR/Cas9 permet de gagner beaucoup de temps, ajoute le professeur Christophe Robaglia, car il est désormais possible d'intro-duire les modifications choisies dans les variétés cultivées au lieu de les croiser avec les plantes sauvages où une mutation a été identifiée, ce qui imposait ensuite des années de sélection pour rete-nir les hybrides intéressants. Ce gain se compte en années pour les plantes annuelles et plus encore pour les arbres fruitiers. »

Aucun ADN étrangerMieux, à la différence des plantes transgéniques, ce type de plante ne possède aucun ADN étranger dans son génome et ne peut être distingué d'un mutant naturel ou d'une variété traditionnelle. Ne présentant de ce fait aucun danger pour les cultures et l'environnement, le Service d'inspection sani-taire des plantes et des animaux (Aphis) du ministère américain de l'Agriculture en autorise d'office la culture depuis 2010. En avril, le grand semencier américain DuPont Pioneer a ainsi annoncé qu'il comptait lancer sur le marché d'ici à cinq ans un nouveau maïs cireux produit avec CRISPR/Cas9.

Cet allégement des démarches, joint à la facilité de mise en œuvre de cette technique, sera peut-être l'occasion pour de petites sociétés de prendre leur revanche face aux gros producteurs mondiaux de semences, les seuls à pouvoir encore se permettre les longues démarches administratives et les coûts exorbitants liés aux autorisations de mise en culture et de commercialisation des plantes transgé-niques. En Europe, les discussions sur la nécessité ou non de réglementer la production de ces plantes ont déjà été repoussées à la fin de l'année par la Commission européenne, ce qui maintient les semenciers européens dans l'incertitude et retarde leurs efforts de recherche face à leurs concur-rents ailleurs dans le monde.

FIV : l'efficacité du « tout congelé » confirmée par une équipe américaineLe Quotidien du Médecin du 7 juillet 2016 par Betty MamaneLes études se suivent et le confirment : les taux de fertilité apparaissent plus élevés quand les em-bryons créés par fécondation in vitro (FIV) ne sont pas immédiatement implantés, mais congelés et réintroduits dans un cycle suivant. La dernière en date menée par une équipe américaine, et dont les résultats viennent d'être présentés lors du congrès de la Société européenne d'embryologie et repro-duction humaine, montre l'efficacité de cette méthode sur l'élévation du taux de grossesses, et tout particulièrement chez les femmes de plus de 35 ans. Cette nouvelle approche du transfert d'em-bryon, a été initialement développée pour limiter les risques de syndrome d'hyperstimulation ova-rienne (SHSO) ou l'impact négatif que peuvent avoir les traitements de stimulation sur le milieu uté-

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rin. Des travaux ayant notamment montré que les hormones utilisées dans ces traitements peuvent affecter la réceptivité de l'endomètre.

L'analyse de 16 000 FIV

L'étude, réalisée par l'équipe du Dr Éric Widra du centre de la fertilité Shady Grove de Washington en partenariat avec la société Celmatix spécialiste du traitement de données dans l'assistance médi-cale à la procréation, est la plus large menée à ce jour pour évaluer l'efficacité de cette pratique. Les chercheurs ont passé au crible plus de 16 000 FIV issues d'une douzaine de centres de traitement de la fertilité américains pour livrer leurs conclusions. Après analyse des données, parmi lesquelles l'âge des patientes, les chercheurs ont mis en évidence une nette augmentation du taux de grossesses chez les femmes pour lesquelles avait été employée cette technique du « tout congelé » comparées à celles pour lesquelles avait été suivi le protocole usuel (transfert d'embryons frais). À savoir : le taux de grossesses est ainsi passé de 33 à 46 % chez les femmes de plus de 35 ans et de 38 à 47 % chez les femmes plus jeunes.

De nombreuses indications cliniques« Il existe de nombreuses indications cliniques pour réimplanter des embryons congelés, explique le Dr Widra. Cela inclut les patientes à haut risque de SHSO, ou celles qui réalisent un diagnostic gé-nétique préimplantatoire, mais aussi les femmes chez lesquelles le taux de progestérone se trouve prématurément élevé au moment du prélèvement des ovules. Plusieurs études associent cette éléva-tion du taux de progestérone avec un faible taux de fertilité après l'implantation d'embryons frais. » Le transfert d'embryons congelés pourrait être une stratégie élective si se confirment les résultats néonatals non inférieurs, en termes de prématurité, petit poids de naissance, mortinatalité, mortalité néonatale et malformations majeures, par rapport au transfert d'embryons frais.

Téléphones portables, tablettes... : le cerveau des enfants en dangerLe Point avec AFP du 8 juillet 2016Les ondes électromagnétiques émises par ces appareils peuvent avoir des effets sur les fonc-tions cognitives - mémoire, attention, coordination - des petits.

Les ondes électromagnétiques émises par les téléphones portables, les tablettes tactiles ou les jouets connectés peuvent avoir des effets sur les fonctions cognitives - mémoire, attention, coordination - des enfants, indique vendredi un rapport de l'Agence sanitaire (Anses). Les experts, qui recom-mandent de limiter l'exposition des jeunes populations, ont également recensé des effets négatifs sur le bien-être (fatigue, troubles du sommeil, stress, anxiété), qu'ils attribuent non pas aux ondes elles-mêmes, mais à une utilisation intensive du téléphone portable. Dans son état des lieux des connais-sances, l'Agence nationale de sécurité sanitaire indique en revanche que « les données actuelles is-sues de la littérature internationale ne permettent pas de conclure à l'existence ou non d'effets chez l'enfant sur le comportement, les fonctions auditives, le développement, le système reproducteur ou immunitaire, ni d'effets cancérogènes ». Dans certains cas, comme pour le système reproducteur ou les cancers, « il n'y a pratiquement pas d'études disponibles pour les enfants », explique à l'Agence France-Presse Olivier Merckel, chef de l'évaluation du risque lié aux nouvelles technologies à l'Anses.

« Une santé mentale affectée »

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Pour d'autres cas de figure, comme les fonctions auditives, « il n'y a rien de flagrant en matière d'effet négatif », dit-il. Concernant les effets sur le bien-être (fatigue, anxiété), « l'effet observé pourrait être davantage lié à l'usage fait des téléphones portables plutôt qu'aux radiofréquences elles-mêmes », explique le spécialiste. Certaines études semblent aussi associer « un usage intensif du téléphone portable par des jeunes et une santé mentale affectée », qui se traduit par des compor-tements à risque, de la dépression ou des idées suicidaires, relève l'Anses en souhaitant que des tra-vaux complémentaires soient faits pour vérifier la relation de cause à effet. Sur la base de ces constats, l'Anses réitère sa recommandation de 2013 de s'en tenir à « un usage modéré » des télé-phones portables et d'utiliser le plus souvent possible le kit mains libres. « Le téléphone mobile reste la source majeure d'exposition aux radiofréquences, c'est la plus intense », souligne Olivier Mer-ckel. Cela est dû à la puissance intrinsèque des ondes émises par les téléphones et au fait qu'ils soient placés directement contre le corps (à l'oreille ou dans une poche).

Les enfants plus exposésCes conseils de modération, valables pour les adultes, ciblent particulièrement les enfants, qui sont plus sensibles aux ondes que leurs aînés pour des raisons physiologiques. « Nous sommes aujour-d'hui certains que les enfants sont plus exposés que les adultes du fait de leurs différences morpho-logiques et anatomiques », explique Olivier Merckel. « Ce ne sont pas de petits adultes », insiste-t-il. Au niveau du cerveau, en particulier, certaines zones encore en transformation sont plus sensibles aux ondes. Or, les très jeunes enfants - moins de 6 ans - sont aujourd'hui exposés très tôt - même in utero - à de plus en plus d'ondes en raison du développement tous azimuts des technologies sans fil (tablettes, jouets connectés, Wifi...). D'où les recommandations de l'Anses d'appliquer à tous les dis-positifs émetteurs d'ondes « les mêmes obligations réglementaires » que pour les téléphones. Princi-palement, la mesure du débit d'absorption spécifique (DAS), qui correspond à la quantité d'énergie absorbée par le corps, et la publicité de cette information. « Nous avons des interrogations sur les tablettes, notamment celles qui fonctionnent, non pas en Wifi, mais en 3G ou 4G  », confie l'expert de l'Anses.

L'agence sanitaire voudrait aussi que les conditions de ces mesures soient révisées pour être plus proches des conditions d'utilisation et que le niveau d'exposition générale aux ondes soit « reconsidéré » pour assurer des marges de sécurité plus importantes, en particulier pour les enfants. Les experts ont en revanche écarté une interdiction des téléphones portables aux moins de 6 ans, votée en 2010 mais dont le décret n'est jamais paru. « Il n'y a pas de données sanitaires pour justifier une telle mesure », affirme Olivier Merckel. Si l'utilisation à un si jeune âge des téléphones portables est « heureusement rare », il préconise de « retarder l'âge de la première utilisation ».

Améliorer les soins des bébés prématurésLe Figaro du 15 juillet 2016 par Pauline FréourEn suivant quatre recommandations, on peut réduire fortement la mortalité des enfants nés avant sept mois de grossesse, souligne une étude menée dans 11 pays d'Europe dont la France, qui n'est pas la mieux placée.

En France, près de 2 % des bébés naissent grands prématurés, c'est-à-dire avant 32 semaines d'amé-norrhées (sept mois de grossesse). L'augmentation de ces naissances à risque reflète tant l'améliora-tion de la prise en charge médicale que l'évolution du profil des mères (grossesses plus souvent tar-dives et multiples, précarisation sociale). Assurer une prise en charge optimale à ces tout petits très fragiles, qui risquent d'entrer dans la vie avec de lourds handicaps, est donc plus que jamais un en-jeu de santé publique. Sur ce terrain, où en est-on ? C'est la question à laquelle s'est attelée une

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équipe de chercheurs de 11 pays d'Europe, dont la France, qui publient leurs résultats dans le British Medical Journal (BMJ).

Les experts, qui ont analysé la prise en charge de 7336 bébés nés de 24 semaines à 32 semaines d'aménorrhées, se sont attardés sur l'application de quatre gestes médicaux dont l'utilité pour amé-liorer les chances de survie du nourrisson a été largement démontrée ces dernières années : le trans-fert de la mère vers une maternité possédant un service de réanimation néonatale (dite de « type 3 » en France) ; l'administration à la mère de corticostéroïdes avant l'accouchement pour favoriser la maturation des poumons de l'enfant à naître ; l'emmaillotage du bébé dans un sac en plastique ou son installation sur un matelas chauffant pour éviter l'hypothermie ; l'administration dans les pou-mons du bébé d'un médicament appelé surfactant et/ou la mise sous assistance respiratoire non in-vasive.

Si la totalité des couples mère-enfant bénéficie d'au moins d'une de ces mesures, seulement 58 % profitent de la panoplie complète. Pas de cocorico en vue pour la France, qui se place sous la moyenne dans deux des trois régions étudiées dans l'étude (Nord et Île-de-France autour de 47 %, 68,5 % en Bourgogne). « L'intérêt de cette étude, c'est de montrer que oui, ces gestes consensuels sont répandus, mais que le recours à l'éventail complet des mesures est moins fréquent que prévu », explique Jennifer Zeitlin, directrice de recherche à l'Inserm et coordinatrice de l'étude. L'application systématique sur le terrain des quatre mesures permettrait pourtant de réduire la mortalité ou la mor-bidité sévère de 18 %, estime-t-elle.

Obstacle humain et organisationnelComment expliquer que ces pratiques, dont l'intérêt est validé de longue date par les sociétés sa-vantes, ne soient pas appliquées par tous ? « Il existe effectivement une marge de progression. Pour lutter contre l'hypothermie par exemple, c'est simple, il suffit de placer l'enfant dans un sac en plas-tique », note le Dr Jacques Sizun, chef du service de néonatalogie au CHU de Brest. Pour lui, le plus grand obstacle est humain et organisationnel. « Pour implanter la nouveauté et bouleverser des ha-bitudes, il faut une vraie volonté des leaders. » Il relève aussi un facteur culturel. « Des études anté-rieures ont montré que les pays du nord de l'Europe s'appuient davantage sur les données scienti-fiques que ceux du Sud. » « Nous avons le devoir de faire circuler les connaissances, confirme le Pr  Élie Saliba, président de la Société française de néonatalogie. Mais pour que cela soit vraiment efficace, il faut que nous sachions si nos recommandations sont appliquées et avec quels résultats, en temps réel sur le terrain. Cela nous permettrait de nous comparer entre hôpitaux et avec les autres pays. Cela doit passer par la mise en place de registres anonymes et partagés en France, comme il en existe dans de nombreux pays européens », plaide-t-il de concert avec Jacques Sizun. Un argument conforté par une observation de Jennifer Zeitlin. « En Allemagne, dans la région de Hesse qui se distingue par un bon résultat avec 73 % d'applica-tion simultanée des 4 techniques de référence, l'hypothermie est un indicateur de santé qui est systé-matiquement mesuré et publié. Cela encourage les équipes à y prêter attention. »

Élie Saliba appelle aussi à une plus grande spécialisation de l'activité des maternités de niveau 3 dans la prise en charge des grossesses pathologiques. Quitte à ce que les grossesses non compli-quées y soient moins prises en charge. « Il n'est pas normal qu'encore 20 % des accouchements très prématurés n'aient pas lieu dans des maternités de niveau 3 », déplore-t-il. La profession poursuit par ailleurs sa réflexion sur la prise en charge des prématurés extrêmes, entre 24 et 26 semaines d'aménorrhées. « La France est traditionnellement moins interventionniste par rapport à d'autres pays, explique le Dr Saliba. Faut-il nous aligner sur leurs pratiques ? C'est un débat éthique en cours. Car si l'on agit médicalement pour préserver les fœtus à cet âge, par exemple en adminis-trant des corticostéroïdes à la mère en prévision de la naissance, on augmentera certes le nombre de naissances sans séquelles, mais aussi de naissances avec séquelles ».

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Prématurés : il faut « préserver l'attachement du bébé avec ses parents »

Charlotte Bouvard, présidente de l'association SOS Préma, insiste sur l'importance de main-tenir le lien entre le grand prématuré et sa famille à la maternité, à l'instar de ce qui se fait en Suède.

Comment les grands prématurés sont-ils pris en charge en France ?

On a beaucoup avancé. La réanimation néonatale est arrivée en France dans les années 1960. Au dé-but, on s'est concentré sur l'aspect médical technique pour sauver l'enfant. Dans un deuxième temps, on a essayé de limiter les séquelles pesant sur le bébé. La troisième phase doit s'attacher à préserver l'attachement du bébé avec ses parents. Il faut pour cela une réelle prise de conscience politique de l'importance pour la progression de l'enfant de maintenir le lien avec sa famille.

Y a-t-il un pays qui vous sert de modèle sur ce plan ?

La Suède ! Je me suis rendue là-bas dans des maternités et ce voyage m'a montré comment les choses devraient être. Non pas le monde médical autour de l'enfant seul, mais autour de la famille. Là-bas, la cellule familiale est maintenue. En soins intensifs, le bébé est installé dans un studio amé-nagé avec un canapé, un lit, une télévision… C'est un lieu de vie dans l'hôpital. Et les soignants « rendent visite » au bébé et à sa famille. En réanimation, c'est presque pareil : le plateau technique est séparé du studio par une vitre opaque, de sorte que les soignants puissent surveiller la couveuse collée à la vitre tout en laissant de l'intimité à la famille.

En France, comment ça se passe ?

Nous dénonçons des inégalités territoriales inacceptables quand on parle de la vie de bébés. Il existe encore parfois des heures de visites en néonatalogie ! Les parents sont des visiteurs ! C'est, heureu-sement, de plus en plus rare. Mais certains hôpitaux n'ont pas de salle pour les familles, ou pas suf-fisamment de matériel pour permettre aux femmes de tirer leur lait, alors qu'on prône l'allaitement maternel pour les prématurés. Du coup, les parents viennent peu. J'ai vu des établissements où pour s'asseoir près du berceau, on proposait aux parents des tabourets ! Imaginez passer vos journées dessus… On nous oppose le manque de moyens financiers mais en réalité, c'est un investissement car, à terme, la santé de l'enfant s'en trouvera améliorée. Ce qui est étonnant, c'est qu'en pédiatrie, ce n'est pas du tout comme ça. C'est comme si on pensait que le nouveau-né ne ressent rien.

Les perturbateurs endocriniens altèrent (aussi) l’émail dentaireLe Monde Science et Techno du 13 juillet 2016 par Pascale SantiDes substances toxiques (bisphénol A, mercure, biocide contenu dans certains dentifrices…) augmenteraient les pathologies liées aux dents

Présents dans de nombreux objets de consommation (plastiques, cosmétiques…), les perturbateurs endocriniens peuvent interférer avec le système hormonal (endocrinien) des êtres vivants et agir à des doses d’exposition très faibles. Ils sont soupçonnés d’augmenter de nombreuses maladies (cer-tains cancers, diabète, obésité, troubles de l’attention, autisme) et d’agir sur la fertilité. Le fait qu’ils altèrent l’émail des dents est beaucoup moins connu.

Le constat de la profession dentaire est unanime : les pathologies de l’émail sont de plus en plus fré-quentes. « Les perturbateurs endocriniens créent des pathologies dentaires, et des matériaux utili-sés peuvent contenir des substances toxiques, comme le bisphénol A (BPA) dans les composites ou

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le mercure dans les amalgames », explique la docteure Nathalie Ferrand, membre de Réseau envi-ronnement santé (RES) et présidente de la commission écoresponsabilité du Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes (SFCD). Cette lanceuse d’alerte est à l’initiative d’un colloque, « Vers une dentisterie sans perturbateurs endocriniens », organisé par RES au Sénat jeudi 23 juin.

Maladie émergenteQuasiment inexistante dans les années 1980, la MIH (hypominéralisation des molaires et des inci-sives), pathologie de l’émail décrite pour la première fois en 2001, peut être considérée comme une maladie émergente qui concerne 15 % à 18 % des enfants de 6 à 9 ans (âge moyen au moment du diagnostic). La MIH se révèle par des taches opaques, blanchâtres à brunâtres, qui touchent sélecti-vement les premières molaires permanentes et, souvent, les incisives permanentes, les premières à minéraliser, décrit Sylvie Babajko, du Centre de recherche des Cordeliers (Inserm, universités Pa-ris-V, Paris-VI et Paris-VII). Ses causes sont encore peu connues mais « des faisceaux d’arguments laissent penser que les perturbateurs endocriniens y contribuent certainement, dont le BPA, les PCB et la dioxine », explique Sylvie Babajko. La dernière partie de la vie in utero et la première an-née de vie sont des périodes de sensibilité maximale. « Les taux urinaires de BPA semblent plus éle-vés chez les enfants ayant de nombreuses dents restaurées », ajoute cette chercheuse.

« Un vrai problème de santé publique »Le lien entre un défaut de minéralisation de l’émail et une exposition à faibles doses au BPA lors d’une période du développement a été montré pour la première fois en 2013 et publié dans la revue American Journal of Pathology en juin de la même année. Deux groupes de seize rats mâles ont été étudiés par Katia Jedeon, du Centre de recherche des Cordeliers. Ces animaux ont été exposés par voie orale, dès la conception, à une dose quotidienne de cinq microgrammes par jour et par kilo de poids (5 g/j/kg) de BPA, soit la dose journalière autorisée. Au bout de trente jours, les trois quarts des rats exposés présentent des taches opaques sur les incisives, analogues au fameux MIH remar-qué ces dernières années chez les enfants. Aucun rat du groupe témoin n’a développé l’anomalie. Sensibles, parfois douloureuses et susceptibles aux caries, ces dents nécessitent un suivi particulier. « Il faut souvent dévitaliser voire couronner la dent, ou l’extraire, ce qui implique un traitement or-thodontique. Conséquence : un reste à charge important », alerte Nathalie Ferrand. « Le MIH est un vrai problème de santé publique, avertit Katia Jedeon. Les dents touchées par le MIH peuvent être soignées en utilisant des matériaux qui peuvent relarguer des monomères contenant du BPA, c’est un cercle vicieux. »

Résines, amalgamesAu-delà des pathologies dentaires, les matériaux utilisés dans les résines et composites peuvent contenir du BPA, ou les amalgames du mercure. Le dentifrice peut aussi contenir des biocides, dont le banal triclosan. Le bisphénol S, proposé en remplacement du BPA dans certains composites, doit aussi être regardé de près. Nombre de professionnels ne sont guère informés sur ce que contiennent les matériaux mis en bouche. D’autant plus que rien n’impose aujourd’hui aux fabricants de dé-tailler cette composition. Ces derniers restent d’ailleurs timorés. « Il faut raison garder et ne pas je-ter le bébé avec l’eau du bain, dit Arnaud Pemzec, trésorier du Comité de coordination des activités dentaires. On n’a pas aujourd’hui de matériaux de substitution. Des grandes sociétés y travaillent depuis quatre ans. »

« Sommes-nous assez informés sur la toxicité des matériaux ? », questionne la docteure Patricia Hueber-Tardot, présidente du Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes. « Il y a une prise de conscience de la filière dentaire, qui souhaite s’engager à réduire l’exposition de la population aux perturbateurs endocriniens, se félicite la docteure Nathalie Ferrand. C’est une première. » Des ac-tions concrètes ont été engagées à l’issue du colloque. Katia Jedeon a intégré la commission de la vigilance et des thérapeutiques du conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes. L’idée d’un registre du MIH a été émise par la professeure Ariane Berdal, vice-doyenne de la faculté de chirurgie den-

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taire (Paris-VII). Pour Sylvie Babajko, « on a une signature caractéristique d’exposition qui nous aide à cerner la dent comme un marqueur d’exposition ».

Le cerveau des enfants, au risque de la pollu-tion chimiqueLe Monde du 14 juillet 2016 par Stéphane FoucartUne cinquantaine de chercheurs américains demandent une réforme de la régulation des sub-stances chimiques

L’appel est sans précédent. Dans une « déclaration de consensus » publiée dans la revue Environ-mental Health Perspectives et présentée mardi 12 juillet, une cinquantaine de chercheurs et de clini-ciens américains, spécialistes du développement cérébral, établissent un lien entre polluants envi-ronnementaux et augmentation des troubles neuro-comportementaux constatée chez les enfants. Les auteurs, appuyés par neuf sociétés savantes représentant plusieurs dizaines de milliers de scienti-fiques et de soignants, demandent une révision profonde de la régulation des substances chimiques.

« Aux Etats-Unis, les enfants ont aujourd’hui un risque inacceptablement élevé de développer des troubles neurodéveloppementaux comme l’autisme, le déficit d’attention et l’hyperactivité, des défi-ciences intellectuelles et d’autres troubles de l’apprentissage ou du comportement », écrivent les auteurs. Les statistiques officielles américaines sont éloquentes. Outre-Atlantique, un enfant sur dix est considéré comme hyperactif ou frappé de déficit d’attention, et un enfant sur soixante-huit est porteur d’un trouble du spectre autistique (autisme, syndromes de Rett ou d’Asperger, etc.) – dans les années 1970, cette proportion était de l’ordre d’un enfant sur… 3 000. Au total, un enfant sur six est aujourd’hui touché par un trouble du développement, un taux en augmentation de 17 % au cours de la dernière décennie. « Ce sont des troubles complexes aux causes multiples, génétiques, so-ciales, environnementales, écrivent les auteurs. Mais la contribution des substances toxiques est réelle et peut être évitée. » Celles-ci, dont certaines peuvent « interférer avec le cerveau en dévelop-pement à des niveaux d’exposition extrêmement bas », agissent surtout au cours de certaines pé-riodes : période intra-utérine, petite enfance, adolescence.Or, notent les chercheurs, « l’exposition à ces substances est généralisée ». Aux Etats-Unis, les sub-stances les plus problématiques listées par les auteurs sont les pesticides organophosphorés, les re-tardateurs de flammes (des substances utilisées pour ignifuger les meubles rembourrés), la pollution atmosphérique (particules fines, oxydes d’azote, etc.), le plomb, le mercure (présent dans certains produits de la mer) et les PCB – des huiles initialement utilisées dans les transformateurs élec-triques, interdites, mais désormais omniprésentes dans l’environnement et l’alimentation.

Large consensus« Globalement, les niveaux d’exposition de la population sont mieux connus aux Etats-Unis qu’en Europe, mais il y a de grandes chances que les situations soient comparables, dit Rémy Slama, épi-démiologiste environnemental (Inserm). L’exposition aux retardateurs de flammes polybromés est vraisemblablement plus élevée aux Etats-Unis, la pollution atmosphérique est plus importante en Europe… » Pour la biologiste Barbara Demeneix (CNRS/Muséum national d’histoire naturelle), au-teure d’un ouvrage récent sur la question (Le Cerveau endommagé, Odile Jacob, 39,90 euros, 412 pages), « c’est la première fois qu’une déclaration de consensus sur le sujet rassemble un sou-tien aussi large ». Malgré le caractère consensuel du texte, les mots sont forts. « Sur les polluants environnementaux, notre système d’évaluation des preuves scientifiques et de prise de décision est fondamentalement cassé », écrivent les auteurs, appelant à une refonte de la réglementation améri-caine. A l’heure actuelle, la majorité des substances de synthèse mises en circulation aux Etats-Unis

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ne sont, en effet, pas testées pour leurs effets sur le développement du cerveau, et les plus probléma-tiques ne sont retirées du marché qu’après de longues années, le temps d’avoir commis des dégâts. Et encore, souvent sont-elles remplacées, déplorent les scientifiques, par d’autres tout aussi problé-matiques…

L’Europe plus stricte que les Etats-UnisSurtout destiné aux régulateurs américains, l’appel des chercheurs pourrait peser sur la réglementa-tion européenne, actuellement en évolution. La Commission européenne a en effet proposé, en juin, des critères controversés d’identification des perturbateurs endocriniens (capables d’influer sur le système hormonal) présents dans les pesticides et les biocides. Or, parmi les substances qui nuisent au cerveau en développement, on trouve de nombreuses substances appartenant à cette catégorie. « Cette déclaration montre qu’il est nécessaire d’agir par précaution, dès lors que des effets de per-turbation endocrinienne ont été détectés in vitro ou sur des animaux, estime Jean-Louis Roumégas, député (EELV) de l’Hérault. Or, la Commission européenne va à l’inverse de cette logique : selon les critères qu’elle propose, il faudrait attendre que les effets nocifs soient avérés sur l’homme avant de prendre des mesures. » Mardi 12 juillet, l’Assemblée nationale a voté une résolution contre la proposition de Bruxelles.

Cependant, l’Union européenne, avec son règlement Reach qui régule les molécules chimiques, de-meure plus stricte que les Etats-Unis. « Cette publication confirme que le système européen reste beaucoup plus protecteur de la santé et de l’environnement en appliquant une approche générale-ment basée sur la précaution, contrairement aux Etats-Unis, souligne David Azoulay, directeur du programme santé environnementale au Centre de droit international de l’environnement (CIEL). C’est la raison pour laquelle nous sommes très inquiets des effets que le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement [TTIP] pourrait avoir sur la protection des Européens, si les né-gociations continuent sur les bases actuelles. »

Des chercheurs israéliens utilisent des cellules souches pour traiter la cécité liée à l’âgeThe Times of Israel du 17 juillet 2016Les essais cliniques initiaux montrent que cette nouvelle thérapie pourrait traiter la dégéné-rescence maculaire et aider des millions de personnes à conserver la vue

Les chercheurs israéliens affirment avoir mis au point une thérapie prometteuse à partir de cellules souches pour traiter de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, ou DMLA, ce qui pourrait sauver la vue de millions de personnes. Cell Cure Neurosciences, basée à Jérusalem, signale que sa théra-pie par injection OpRegen a montré un potentiel encourageant dans la première phase de ses essais cliniques. La dégénérescence maculaire liée à l’âge est la principale cause de perte irréversible de la vision chez les personnes de plus de 60 ans, et on estime qu’elle affecte sous diverses formes près de 11 millions de personnes aux États-Unis selon un rapport de la Bright Focus Fondation.

Dans une rétine saine, le rôle de la couche de cellules épithéliales de pigment rétinien est d’aider à l’alimentation des photorécepteurs, cellules qui traitent la lumière pour assurer la vision. Lorsque les cellules RPE (épithélium rétinal pigmentaire) se détériorent chez les personnes atteintes de dégé-nérescence maculaire, les photorécepteurs perdent leur système d’approvisionnement et se dé-gradent, ce qui entraîne finalement la cécité. La thérapie de la firme israélienne consiste en une in-jection sous la rétine du patient de cellules RPE, dérivées de cellules souches embryonnaires hu-maines.

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Le Dr Eyal Banin, un des principaux développeurs de cette technologie et directeur des maladies dé-génératives au Centre de la rétine de l’hôpital Hadassah Ein Kerem, estime que l’injection OpRegen remplacera les cellules RPE dysfonctionnelles du patient. Cette injection peut également aider à renforcer les cellules saines restantes. « Le plus grand avantage de ce type de thérapie est sans doute son interaction avec les cellules environnantes », affirme-t-il. « Cette interaction bidirection-nelle peut aider les cellules restantes à survivre et à fonctionner correctement. »

Sur la base des résultats encourageants de la première phase, les chercheurs vont lancer un second essai dans lequel de nouveaux patients recevront une dose augmentée. Ces nouvelles ont été annon-cées par la Fondation de lutte contre la cécité de Colombia-Maryland, qui finance la recherche pré-clinique pour les essais.

Crispr, la molécule « couteau suisse » qui bou-leverse la génétiqueLe Monde du 20 juillet 2016 par Nathaniel HerzbergLa saga Crispr-Cas9 : Surnommé le « couteau suisse de la génétique », un nouvel outil molé-culaire permet de modifier les génomes à volonté, chez tous les êtres vivants. Donnant à l’hu-manité la faculté de changer son destin biologique, il fait naître les espoirs médicaux les plus fous et les cauchemars eugénistes les plus inquiétants. Premier volet d’une série sur cette dé-couverte révolutionnaire.

Christelle Gally consacre sa vie professionnelle à un ver. Un petit nématode transparent d’environ un millimètre, organisme modèle des biologistes : Caenorhabditis elegans. La chercheuse de l’Insti-tut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg en scrute les gènes, crée des mutants, observe les effets de ces manipulations, afin de mieux comprendre ce que l’on nomme la reprogrammation cellulaire : la transformation d’une cellule de la peau en neurone, par exemple. Désir de percer un mécanisme fondamental du vivant. Mais aussi espoir d’y trouver une application thérapeutique chez l’homme. « Faire remarcher les paralysés », avoue-t-elle.Dans cette quête, Christelle Gally a longtemps fait avec les moyens du bord. « On créait des mu-tants de façon aléatoire, on regardait ceux qui étaient paralysés et on cherchait quel gène avait changé. Ou alors on choisissait un gène que l’on modifiait et on en observait les effets. On avait in-venté une méthode, on en était fiers. Et puis Crispr-Cas9 est arrivé. Ce qui prenait des mois prend désormais une semaine, ce qui était approximatif est devenu fiable, ce qui était temporaire est deve-nu stable, ce qui était cher est bon marché. » Elle poursuit : « Quand je m’y suis mise il y a deux ans, j’étais une pionnière dans la communauté C. elegans. Aujourd’hui, je ne connais pas un labo qui ne fasse pas du Crispr. Pour nous, c’est une révolution. »

Le « nous », dans sa bouche, désigne sa « communauté ». Pourtant, c’est une révolution bien plus vaste qui se cache derrière ce mystérieux acronyme, Crispr-Cas9. Au-delà des adeptes de C. ele-gans, et d’autres animaux modèles, tous les biologistes se sont jetés sur l’invention. Mais aussi des médecins, et depuis peu, des philosophes et des juristes… Du secret des laboratoires, le « couteau suisse de la génétique » a gagné la tribune des académies scientifiques du monde entier, des réunions internationales ad hoc, des parlements nationaux… C’est que Crispr-Cas9 appuie là où ça fait mal. Qu’est-ce qu’un organisme génétiquement modifié ? Par sa simplicité et sa nature, le nou-vel outil moléculaire a d’ores et déjà rouvert le débat. Peut-on modifier ou éliminer l’ensemble d’une espèce (par exemple le moustique responsable du paludisme) pour sauver des centaines de milliers de vies humaines ? Par sa précision et son efficacité, il impose la réflexion. Mieux, ou pire :

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pour la première fois de son histoire, l’humanité va pouvoir modifier sa propre nature, réécrire l’ADN de notre espèce. Alors, tous grands, blonds aux yeux bleus ?

Dans son laboratoire de l’université d’Alicante, Francis Mojica ne cache pas son vertige. « Je pen-sais qu’il y aurait des applications à mon travail, en agriculture, peut-être en médecine , affirme le biologiste. Mais qu’il aboutirait à un outil d’édition du génome, presque universel, avec de telles implications, jamais je n’aurais pu l’imaginer. » Aurait-il affirmé l’inverse qu’on ne l’aurait pas cru. Car s’il est désormais de coutume d’attribuer à Mojica la pose des premières pièces du puzzle, c’est d’un morceau de ciel dans un vaste paysage qu’il s’agit alors. Ou plus exactement d’un coin de mer. Nous sommes en 1989. Tout juste sorti du service militaire, l’étudiant en thèse âgé de 26 ans s’attache à comprendre ce qui rend Haloferax mediterranei, un organisme unicellulaire de la famille des archées, si résistant aux hautes concentrations salines des marais voisins. Le séquençage du gé-nome en est alors à ses balbutiements, mais l’équipe d’Alicante se lance dans l’entreprise. Mojica découvre une particularité qui éveille sa curiosité : certes, il y a là des séquences d’ADN assez longues, correspondant à des gènes, comme dans tous les organismes ; mais aussi d’autres, beau-coup plus courtes, qui – là tient la nouveauté – se répètent plusieurs fois. A quoi correspondent ces répétitions ? « Nous n’en avions aucune idée, admet Mojica. Mais, en plongeant dans la littérature, je me suis aperçu que des Japonais avaient déjà fait la même observation sur la bactérie modèle E. coli. Une même structure chez deux organismes très éloignés : il y avait des chances que ce soit plus largement présent et que ça ne soit pas anodin. »

L’ADN des bactériophagesEt voilà Francis Mojica lancé dans l’œuvre de sa vie. Comme nombre de jeunes « docteurs », il se rend à Oxford pour une « parenthèse » de deux ans consacrée à l’étude d’une protéine d’E. coli. « Mais je ne supportais pas la pluie. » Retour à Alicante, donc. Et à Crispr. Qui ne s’appelle d’ailleurs pas Crispr. Lui a dénommé sa trouvaille SRSR (Short Regularly Space Repeat). Aux Pays-Bas, un autre jeune chercheur, Ruud Janssen, a fait des observations similaires. Il a baptisé la structure « Spider ». Les deux universitaires échangent des mails. Finalement, Mojica propose Cris-pr, pour « Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats », ce qui pourrait se traduire par « groupement d’éléments palindromiques courts répétés et régulièrement espacés ». « Ça son-nait bien, c’était complet, nous nous sommes mis d’accord », se souvient Mojica – ignorant alors que l’acronyme sonne encore mieux en anglais où il signifie « plus croquant », « précis », « net ».

Janssen publiera le nom en 2002. En passant en revue les génomes connus, l’Espagnol et le Hollan-dais découvrent des Crispr chez pas moins de quarante espèces de bactéries et d’archées. Une ap-proche bio-informatique que Francis Mojica n’a pas vraiment choisie. « En rentrant d’Oxford, mon labo avait déménagé. Il n’y avait ni argent ni vraiment de place pour moi. Juste un ordinateur. Alors, j’ai étudié le phénomène sur ce versant-là. » En 2002, avec le premier financement obtenu, il analyse les séquences répétées dans les Crispr de différentes souches de bactérie E. coli. Puis il s’at-taque aux groupes de bases qui les séparent. Et c’est en comparant ces « espaceurs » à l’ADN des bactériophages – ces virus qui attaquent les bactéries – qu’il fait « sa » découverte. « Je n’oublierai jamais. C’était en août 2003, il faisait horriblement chaud, je passais mon temps au labo, car c’était calme et climatisé. Dans une souche, j’ai vu un premier espaceur qui correspondait à un phage contre lequel la souche était justement résistante. Tout de suite, j’ai pensé que ça pouvait être un système immunitaire adaptatif. J’ai foncé à la plage dire à ma femme que j’avais découvert un truc incroyable. Je n’avais pas la preuve, mais j’en étais sûr. Je lui ai même parlé du Nobel. »

Immunité adaptativeIncroyable, en effet. Car si les mammifères disposent d’une telle immunité adaptative (les fameux anticorps), les organismes unicellulaires en sont, pense-t-on alors, dépourvus. Le scientifique espa-gnol passe en revue les Crispr disponibles et retrouve, à cinquante reprises, cette même « correspon-dance » entre un espaceur et une portion d’ADN phagique. Seul problème : ce que l’ADN suggère, il ne parvient pas à le reproduire en mettant en présence la bactérie et son phage. En no-

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vembre 2003, le journal Nature rejette son article. En janvier, Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) le repousse à son tour. Deux autres revues, à chaque fois un peu moins presti-gieuses, déclinent. « Un des reviewers m’a avoué plus tard qu’il ne pouvait simplement pas y croire »… Finalement, c’est dans une publication mineure, Journal of Molecular Evolution, et après moult corrections, que l’article est publié, le 1er février 2005. Il était temps ! Car deux autres équipes françaises planchent sur le sujet. A l’université d’Orsay, Gilles Vergnaud et Christine Pourcel pour-suivent de tout autres motivations. Vergnaud s’est vu passer commande par le ministère de la dé-fense du classement de bactéries de la peste, Yersinia pestis. « C’était après le 11 Septembre et les envois d’enveloppes d’anthrax, se souvient le chercheur. Il fallait se préparer à une attaque biolo-gique. On nous avait confié l’ADN de soixante et une souches, issues d’une épidémie au Vietnam entre 1964 et 1966. » La comparaison est rapide, les empreintes génétiques sont toutes identiques sauf sur une zone : les Crispr. Les deux scientifiques décident donc d’analyser en détail cette petite zone sur leurs soixante et un échantillons, toujours dans l’optique d’un classement.

« Chasse gardée »Mais c’est autre chose qu’ils découvrent : à savoir qu’avec le temps les séquences Crispr s’enri-chissent de nouveaux fragments d’ADN successifs et que ceux-ci correspondent à des bactério-phages répertoriés comme attaquant les bacilles de la peste. « Sous nos yeux, nous pouvions voir la construction de l’immunité des bactéries, même si l’expérience avait eu lieu quarante ans plus tôt », insiste Christine Pourcel. Leur enthousiasme sera douché. Eux n’ont pas visé Nature. « C’est la chasse gardée de quelques équipes bien connues », soupire Christine Pourcel. PNAS ne se montre pas plus accueillant. Trois autres revues rejetteront le texte. Avant que Microbiology n’accepte de le publier, le 1er mars 2005. C’est cette même revue qui, en septembre, publie le troisième article de la désormais fameuse trilogie de 2005. Il est signé par Alexander Bolotin et Dusko Ehrlich, deux cher-cheurs de l’Institut national de recherche agronomique (INRA). Leur objet d’étude : Streptococcus thermophilus, la bactérie du yaourt. Les premiers, ils en ont séquencé le génome. Puis l’ont étudié. Et, à leur tour, ils découvrent que les espaceurs des Crispr correspondent à des séquences de bacté-riophages. « On a alors étudié les génomes de bactéries déjà séquencés et on a retrouvé le même résultat, raconte Dusko Ehrlich. On s’est même rendu compte que plus il y avait d’espaceurs, plus la résistance aux phages augmentait… Nous avons donc écrit qu’il s’agissait probablement d’un système de protection. »

La bactérie « E. coli »Pour aller plus loin, il faut non plus seulement analyser l’ADN, mais mettre véritablement en pré-sence les bactéries et leurs virus. Tous y songent. Mojica a essayé, en vain. Il comprendra plus tard que, chez la bactérie E. coli, un autre système immunitaire domine Crispr. Vergnaud et Pourcel, de leur côté, demandent au ministère de la défense la possibilité de réaliser les expériences. « Mais on ne manipule pas la peste comme ça, dit Gilles Vergnaud. Il faut des installations spéciales. Le mi-nistère a refusé. » Leurs dossiers devant l’Agence nationale de la recherche connaîtront le même sort. Quant à l’équipe de l’INRA, elle dispose bien de quelques souches de S. thermophilus mais trop peu, et encore moins des collections de phages nécessaires pour conduire l’expérience. Elle fait alors appel aux industriels. Nestlé exige la propriété intellectuelle en cas de découverte ; son concurrent, le groupe de biotechnologie Danisco, refuse. « Nous avons donc renoncé. L’année sui-vante, nous avons compris », déclare Dusko Ehrlich.

En février 2007, une équipe franco-canadienne conduite par des chercheurs de Danisco publie dans Science un article, qui, cette fois, fait grand bruit : la démonstration expérimentale de l’existence d’un système immunitaire adaptatif chez les bactéries. Crispr-Cas9 sort de la préhistoire. Une nou-velle aventure commence.

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PERSONNALITÉS, FILMS ET OUVRAGES

Information médicale : « Le risque des fausses alertes est plus grand qu’avant »Le Figaro du 4 juillet 2016 par Soline RoyL’un des directeurs d’études du master de journalisme, culture et communication scientifique à l’université Paris-Diderot, l’autre pharmacienne en officine, et tous deux s’intéressent à l’histoire de la pharmacie. Dans Médicaments, polémiques et vieilles querelles (Ed. Belin), Thierry Lefebvre et Cécile Raynal nous racontent, en quinze exemples emblématiques, à quel point « tout ne va pas si mal qu’on veut bien le dire dans l’univers impitoyable du médicament ».

Comment vous est venue l’idée de ce livre ?Thierry Lefebvre : Nous voulions parler du médicament sous un angle un peu différent de ce qui

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se fait classiquement. Le sujet est habituellement traité de façon soit très promotionnelle, soit très critique. Ce livre est donc né d’un petit agacement : tous les ans sortent des ouvrages titrés « Le livre noir », Le scandale », etc. C’est parfois justifié, comme dans l’exemple du Mediator, mais souvent, c’est excessif. Nous avons voulu regarder les choses de manière un peu objective et loin du pessimisme ambiant.

Vous considérez que souvent, en matière de santé, nous avons la mémoire bien courte…Oui, et tous les exemples développés dans le livre le montrent. Les débats sans fin sur le cannabis thérapeutique oublient qu’il a été très utile dans le passé, la question de la vaccination est récurrente depuis des décennies et Pasteur lui-même a subi bien des attaques, les médicaments génériques ont existé bien avant d’en porter le nom… Trop souvent les journalistes oublient tout cela, entraînés par la dynamique de l’actualité. Pour bien maîtriser l’information dans les domaines de la santé, il faut avoir une bonne culture de l’histoire de la médecine et des médicaments. Pour mettre les choses en perspective et expliquer que, certes, il y a eu un accident, mais qu’il est certainement moindre que ce qu’il aurait été il y a quelques années. Les journalistes sont aussi soumis à un autre phénomène, l’accélération de l’information. Ceux qui traitent de sujets scientifiques sont globalement bien mieux formés qu’autrefois et disposent de sources d’information qui n’existaient pas auparavant, mais ils ont des contraintes de production de plus en plus importantes.

Notre époque est-elle avide de scandales sanitaires ?Il y a eu des scandales très significatifs dans les années 1980 et 1990, notamment avec le sang contaminé, les hormones de croissances… Un certain nombre de journalistes ont brillé à ce moment-là en déterrant ces affaires de grande envergure. Depuis, plusieurs failles dans le dispositif ont été colmatées, par exemple avec la création de l’Agence du médicament (aujourd’hui ANSM). Mais subsiste une sorte de « légende dorée » du journalisme médical, qui travaille un certain nombre de journalistes qui ont envie de trouver des histoires similaires. Les systèmes de contrôle s’étant renforcés, c’est beaucoup plus difficile, et le risque de tomber sur de fausses alertes est beaucoup plus grand. C’est l’exemple du furosémide de Teva : tout le monde a cru à un scandale sur les génériques, alors qu’en réalité il ne s’était rien passé d’autre qu’une erreur d’un patient. Or, à force d’entendre crier au loup, les lecteurs risquent de se dire que chaque affaire finira par se dégonfler.Mais tout de même, ce n’est pas parce que c’était pire avant qu’on ne doit pas faire mieux…L’idée principale de ce livre est de montrer que, certes, les systèmes de contrôle dans le domaine de la santé ne sont jamais suffisants et toujours perfectibles, mais qu’ils ont tout de même fait de beaux progrès et sont de plus en plus poussés. Il y a cinquante ans, quasiment aucun contrôle n’existait  ! Pour prendre un exemple récent, jusque dans les années 1980 les essais thérapeutiques n’étaient contrôlés que de façon totalement aléatoire, et il y a probablement déjà eu des décès, mais qui n’ont jamais été comptabilisés. On parle aussi beaucoup des conflits d’intérêts, qui ont toujours existé et existent dans toutes les professions. Mais de grands progrès ont été faits pour détecter les canards boiteux, par exemple avec la base de donnes publique Transparence-Santé. Celle-ci reste hautement perfectible, mais on ne peut pas éviter de se reposer sur les experts lorsqu’on traite de sujets très pointus.

Recherche sur l’embryon, « une législa-tion internationale est nécessaire »La Croix du 5 juillet 2016 par Nicolas Senèze

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ENTRETIEN : Père Bruno Saintôt, jésuite, directeur du département Éthique biomédicale du Centre Sèvres-Facultés jésuites de Paris.Les nouvelles techniques de recherche sur l’embryon humain changent-elles la réflexion éthique ?Oui, même si la référence fondamentale du statut éthique de l’embryon reste inchangée  : est-il éthique de détruire des embryons in vitro ? Avec d’autres, l’Église catholique répond négativement. Le droit français le permet pour certaines recherches autorisées par l’Agence de la biomédecine. Les recherches visent à prévenir des maladies génétiques (mucoviscidose, certains cancers, etc.) en réparant le gène responsable soit au niveau des gamètes soit au niveau du stade unicellulaire de l’embryon. Mais jusqu’où aller pour « tester » le développement des embryons modifiés in vitro ? Récemment, la limite technique du développement in vitro est passée de neuf à quatorze jours, et certains demandent déjà de franchir la barrière éthique de recherche fixée depuis plus de trente ans à 14 jours. Comme le « ciseau génétique » Crispr-Cas9 est très prometteur, moins coûteux, plus facile et plus précis, qu’est-ce qui arrêtera le franchissement d’autres barrières éthiques ?Mais l’utilisation de ces nouveaux outils n’est-elle pas légitime pour « soigner » des cellules malades ?La thérapie génique est à promouvoir mais à certaines conditions ! Les modifications sur les cellules somatiques ne concernent que la personne elle-même. Les règles éthiques sont celles de la re-cherche : validation scientifique et éthique du projet, évaluation du rapport bénéfices/risques pour la personne elle-même, consentement libre et éclairé. Le niveau de sécurité suffisant doit être détermi-né pour chaque type de modification en privilégiant d’abord les expérimentations animales. Les mo-difications sur les cellules germinales ou embryonnaires se transmettraient à la descendance. Le principe de précaution devrait donc être maximal. Or l’incertitude est ici la plus grande, d’une part parce qu’on ne connaît pas l’interaction de tous les gènes dans le développement embryonnaire, d’autre part parce que l’expression des gènes est conditionnée par des facteurs épigénétiques (envi-ronnement, conditions de vie, comportement, etc.).

Quels garde-fous faut-il mettre en œuvre ?

Le principe de précaution devrait conduire à un moratoire international comme l’ont réclamé Jenni-fer Doudna et Emmanuelle Charpentier après avoir mis au point la technique Crispr-Cas9. Mais un moratoire fondé sur un consensus scientifique n’est pas une loi. Certes, la Convention d’Oviedo ra-tifiée par la plupart des pays européens s’oppose à toute modification dans le génome de la descen-dance. Mais aucune règle juridique internationale ne peut contraindre la volonté de réaliser une prouesse scientifique et de se positionner sur un marché prometteur. De plus, si la technique deve-nait fiable, qu’est-ce qui pourrait limiter son utilisation pour diverses améliorations au gré des idéaux sociaux, et des pouvoirs politiques et financiers ? L’évaluation éthique ne relève pas que des scientifiques.

Santé : la médecine entre valeurs et financesLa Croix du 5 juillet 2016 par Bertrand GalichonBertrand Galichon est président du Centre catholique des médecins français (CCMF), ur-gences de l’hôpital Lariboisière

La richesse matérielle et les prouesses techniques ne disent que le visible d’une société. L’adhésion à des valeurs communes justifie la respiration de cette même communauté. Cette référence partagée

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fait autorité, elle autorise tel ou tel choix politique. Elle dessine les limites éthiques des choix finan-ciers politiquement déterminés.

La première question éthique qui s’impose à tout système de santé est le contrôle des dépenses dans une enveloppe supportable par la communauté nationale. Répondons-nous à cette première exi-gence ? N’avons-nous pas déjà pris une hypothèque sur l’avenir ? Mais passons… Tous les choix budgétaires sont autant d’indicateurs des mutations de notre échelle des valeurs.

Le soin aujourd’hui navigue entre un humanisme et un utilitarisme scientifiquement justifié. Nous sommes dans cet entre-deux, entre une culture hippocratique républicaine et une culture marchande utilitariste. La première a prévalu lors de la création de la Sécurité sociale. La seconde veut rationa-liser nos choix budgétaires. Nos formations exclusivement scientifiques ne vont-elles pas nous pousser à accepter sans critique éthique des thèses marchandes ? Désormais en France, trois valeurs partagées viennent justifier les choix politiques de santé : utilité, égalité et solidarité. Les soins aux plus démunis relèvent totalement de cette trilogie. Mais demain qu’en sera-t-il entre économie et in-dividualisme ? Les finances ne vont-elles pas faire plier nos valeurs pour garder l’utilité pour unique justification ?Notre pays a connu durant cette ère moderne trois modalités de financement des dépenses de santé  : le prix de journée, la dotation globale et la tarification à l’activité (T2A) aujourd’hui. On a accusé les deux premiers d’être très inflationnistes avec des dérives importantes et la création de rentes de situation transformées en bastions. Il a bien fallu imaginer un moyen de contrôle de l’évolution de ces dépenses. Ainsi est née la tarification à l’activité, outil strictement comptable de contrôle. Ce dernier-né des systèmes de régulation des dépenses n’est pas d’une efficience à toute épreuve. Beaucoup d’auteurs demandent un mode de financement adapté à chaque type de prise en charge. La T2A est globalement adaptée à l’exercice de la chirurgie et des activités bien normées. Elle l’est beaucoup moins pour la médecine et totalement hors sujet pour les soins palliatifs, les longs séjours. Le « prix de journée » est plus ajusté aux valeurs qui portent cet accompagnement tant souhaité par nos contemporains. La prise en charge des démunis, des précaires, n’est-elle pas financée par une dotation globale ? Elle vient rémunérer les 2,5 jours supplémentaires d’hospitalisation générés par les difficultés sociales rencontrées par ces patients démunis.L’avènement de traitements de plus en plus onéreux, comme celui de l’hépatite C ou les nouveaux anticancéreux, interroge avec plus d’acuité encore les politiques de santé publique. Ainsi, il est de notre responsabilité comme soignants ou associations de malades de suivre les évolutions des poli-tiques financières, d’y discerner les mutations des valeurs qui les portent et d’interroger notre socié-té à ce niveau. La démocratie sanitaire est à ce prix.

CRISPR/Cas 9: « Il faut absolument débattre de ces techniques dans la société »Le Figaro du 6 juillet 2016 par Marielle CourtINTERVIEW - Jean-Stéphane Joly, coordinateur de l'infrastructure Tefor (transgenèse pour les études fonctionnelles sur les organismes modèles) financée par les investissements d'avenir et du réseau Efor (études fonctionnelles sur organismes modèles), s'exprime à titre personnel. il estime que nous sommes « à l'aube d'une fantastique exploration du fonctionnement des génomes au cœur des mécanismes de la vie ».

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En quoi le système CRISPR/Cas9 permet-il d'obtenir des organismes différents des OGM « classiques » ?

Chez les OGM « classiques », on a introduit un gène qui n'est pas naturel. C'est par exemple un gène de résistance aux antibiotiques ou un gène d'une autre espèce tel qu'une hormone de croissance humaine introduite dans le saumon. Ce qui est révolutionnaire désormais, c'est que l'on peut, de fa-çon simple, faire des variations fines et ciblées chez un grand nombre de plantes ou d'animaux. On peut effectuer une délétion ou une variation sur une simple paire de bases. C'est comme dans un texte, on n'introduit plus par hasard une phrase entière qui a de bonnes chances de profondément changer le sens du texte sans que l'on puisse prédire jusqu'à quel point, mais on change une seule lettre. Cette technique est une révolution. On est à l'aube d'une fantastique exploration du fonction-nement des génomes au cœur des mécanismes de la vie.

Malgré tout, ce n'est pas neutre ?

Je ne peux pas dire qu'une lettre ne compte pas. Il y a des positions de lettres qui sont essentielles, celles qui changent le sens d'un mot et altèrent la santé humaine, des animaux ou des plantes. Toute-fois, on ne parle pas de faire des modifications aléatoires que l'on ne contrôle pas comme avant. On peut parfaitement reproduire chez une multitude d'animaux un événement naturel comme une varia-tion génétique chez l'homme qui prédispose parfois à de très graves maladies. On économise donc aussi fortement le nombre d'animaux ou de plantes utilisés ce qui est très positif éthiquement et fait chuter les coûts d'obtention.

Il n'y a plus de problème de passage de la barrière des espèces comme avec les OGM « classiques » ?

Le passage de la barrière des espèces ne sera plus le problème dans la plupart des cas, car cette tech-nique permet de réaliser des applications propres qui seront privilégiées. On préférera faire passer une petite variation intéressante et naturelle d'une lignée, race ou variété, à une autre. On accélérera ainsi la sélection animale ou végétale, et la connaissance des maladies humaines.

Et en termes de traçabilité ?

Il était facile de retrouver la trace de l'introduction d'un long morceau d'ADN par la méthode PCR. Avec cette nouvelle technique très fine, c'est beaucoup plus difficile. Ces modifications seront donc souvent non traçables car elles reproduisent un événement naturel, ce qui change radicalement la donne. Toutes ces questions font que l'on ne pourra pas se passer d'un véritable débat, avec des généticiens bien sûr mais aussi avec des philosophes, des sociologues. On visera une nouvelle perception de ces méthodes par le grand public et une nouvelle législation.

Plus question de brevetabilité du vivant ?

Non, cela va devenir très difficile de déposer un brevet, car il sera souvent très ardu de tracer les produits de ces plantes, et donc d'empêcher d'autres producteurs locaux de progresser avec leur va-riété favorite. Le prix exorbitant des mises sur le marché des plantes OGM faisait qu'un petit nombre de multinationales monopolisaient leur production. Cette technique d'édition du génome a conduit à une chute vertigineuse du prix des expériences. On peut introduire des variations à faible coût par de petites entreprises qui rendent des modifications acceptables. La pomme de terre est un bon exemple. Une entreprise française a ainsi trouvé comment en obtenir qui ne noircissent plus quand on les conserve au réfrigérateur. Les autres producteurs vont désormais pouvoir faire la même expérience avec leurs variétés.

Peut-on imaginer que cette technique soit utilisée par n'importe quelle entreprise voire n'im-porte qui dans un but moins bienveillant ?

Le risque existe bel et bien. C'est pourquoi il faut absolument débattre de ces techniques dans la so-ciété pour bien gérer cette innovation. Si on retombe dans une diabolisation comme pour les anciens OGM, on risque d'escamoter le débat et de passer à côté d'une très importante révolution. Nommer

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différemment ces organismes (par exemple, OMEGs, organismes modifiés par édition du génome) pourrait aider le public à les différencier des OGM.

Quelles sont les implications de cette technique pour l'homme ?

Ces techniques sont très importantes dans le domaine de la génétique et de la santé humaine. À terme, si on ne fait rien, c'est tout un pan de la médecine qui sera complètement dépassé en France. On partira à l'étranger pour se faire soigner. Je ne parle sûrement pas de travailler sur la modifica -tion de l'espèce humaine, mais il faut en revanche que l'on accélère l'expérimentation animale dans le meilleur cadre éthique possible. Le test animal est parfois essentiel car c'est le seul moyen de comprendre les causes de nombreuses maladies. On va par exemple pouvoir comprendre la maladie de Parkinson grâce à des petits singes ou encore inventer de nouvelles voies en médecine régénéra-tive cardiaque ou cérébrale grâce à un petit poisson d'aquarium très facile à élever, le poisson zèbre.

Cette technique nouvelle soulève de nombreuses questions éthiques ?

Il faut que le public comprenne que cette technique permet de réaliser des applications très posi-tives, y compris en alimentation, ce qui est crucial pour l'homme comme pour l'environnement. Au premier chef, on pourra corriger des maladies très graves. Mais ces techniques peuvent aussi provo-quer des manipulations catastrophiques et irresponsables. Que vont faire ceux qui fantasment sur le transhumanisme ou qui promettent la vie éternelle ? Ou encore ceux qui souhaiteraient soumettre l'accès à une police d'assurance ou à un emploi à la correction de défauts physiques chez un indivi-du ? Par ailleurs, et pour certaines applications cruciales qui consistent à éradiquer des vecteurs de maladies, comme certains moustiques, il existe un danger pour l'environnement dès lors qu'on mo-difie un gène afin d'empêcher la reproduction de l'animal modifié en souhaitant à terme la dispari-tion de l'espèce.

La France qui a abandonné sa recherche sur les OGM peut-elle reprendre le train en marche avec cette technique ?

Nous avons de très bons chercheurs dans ce domaine, même si certains sont partis à l'étranger, mais je suis très inquiet surtout en raison de la faiblesse des financements. Même par rapport à nos voi-sins allemands, la situation est vraiment catastrophique. Il n'y a pas de volonté politique de placer notre pays dans la course à l'innovation en biotechnologie, en soutenant de façon irremplaçable une solide activité en recherche fondamentale. Peu de do-maines biomédicaux sont soutenus correctement et les chercheurs s'épuisent. De plus, le sujet de l'édition du génome à fort impact sociétal n'est pas bien posé et réfléchi et on risque de prendre du retard sur ces technologies qui sont essentielles pour notre futur et qui sont la suite directe des ef-forts actuels en matière de séquençage de l'ADN.

Le Pr Joyeux radié de l'Ordre des médecinsLe Figaro du 11 juillet 2016 par Marielle Court Une décision prise en première instance en raison de ses positions sur la vaccination.

Le professeur Henri Joyeux sera radié de l'Ordre des médecins à partir du 1er décembre, selon le site d'informations APMnews.

Il y a un peu plus d'un an, le cancérologue de Montpellier a fait l'objet d'une plainte du Conseil de l'ordre. En cause, une pétition controversée sur les dangers des vaccins pour les nourrissons qu'il a lancée sur Internet. L'instance professionnelle lui reprochait des propos ne se fondant « sur aucune preuve scientifique » voire « alignant des contre-vérités » et « dangereux pour la population parce

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qu'il s'agirait de discréditer le mécanisme de vaccination préventive ». La pétition qui est toujours en ligne s'adresse à la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Elle a, à ce jour, recueilli un million de signatures.

Fort de sa notoriété, le professeur Joyeux y dénonce le recours quasi obligatoire pour les parents au vaccin hexavalent (DTPolio-Hib-Coqueluche-Hépatite B, appelé Infanrix Hexa), car il est le seul qui ne souffre d'aucune pénurie sur le marché, à la différence des vaccins tétravalents (DTpolio-Coqueluche) et pentavalents (DTPolio-Hib-Coqueluche). Or, affirme-t-il, l'Infanrix Hexa contient « de l'aluminium et du formaldéhyde, deux substances dangereuses, voire très dangereuses pour l'humain, et en particulier le nourrisson ».

« Une situation préoccupante »Marisol Touraine avait convenu en juin 2015 de la pénurie de certains vaccins évoquant une « situation préoccupante » et réclamant à l'industrie pharmaceutique que les Français puissent accéder au seul vaccin obligatoire (le vaccin DTP : diphtérie, tétanos, polio). Mais elle avait également vivement dénoncé l'initiative du médecin. La décision concernant le professeur Joyeux ayant été prise par la chambre disciplinaire du Languedoc-Roussillon, il n'est pas certain que l'affaire s'arrête là. Après toute condamnation en première instance, la personne « a trente jours à dater de la notification pour faire appel au niveau national », rappelle Bernard Decanter, secrétaire général du département du Conseil de l'ordre du Nord. Un appel qui suspend la condamnation. « À Paris, le tribunal qui est présidé par un magistrat essaie en général de faire assez vite  », poursuit le médecin. « Mais cela peut également durer entre un an et dix-huit mois », précise un autre spécialiste de ces parcours disciplinaires. La décision d'appel peut encore être contestée. Elle sera portée alors devant le Conseil d'État, mais ce nouvel échelon n'est plus suspensif.

Concrètement, une radiation se traduit par l'interdiction formelle d'exercer la médecine, ce qui dans le cas du professeur Joyeux devrait être sans conséquence, ce dernier étant à la retraite. Il y a en revanche une certaine ambiguïté dans la mesure où la personne condamnée ne perd pas son titre de docteur en médecine dont elle peut se prévaloir dans des écrits tels qu'un article ou un livre. Même s'il est vraisemblable que les maisons d'édition soient moins enclines à accueillir le manuscrit d'une personne radiée. La dernière grande radiation médiatique avait été celle du docteur Dukan, spécialiste des régimes amaigrissants. Une radiation à sa propre demande alors qu'il faisait l'objet de deux plaintes internes. « Mais ces procédures ne sont pas si fréquentes », rappelle Bernard Decanter, « sur quelque 16 000 médecins inscrits dans la région, il y a peut-être un cas ou deux, et pas tous les ans », souligne-t-il.

Dans leurs entrailles Libération du 9 juillet 2016 par Clémentine Mercier Laia Abril rend visible l’avortement et documente les risques encourus par les femmes qui se voient refuser un accès libre à l’IVG.

S’il y a une exposition qui remue, c’est celle-ci. Dans la catégorie « nouvelles approches documen-taires », l’enquête sur l’avortement de Laia Abril laisse une trace indélébile. Et c’est le but recher-ché par la photographe espagnole : rendre visible un sujet difficile, à la fois intime et social, poli-tique et émotionnel. Féministe, aussi.

Ancienne journaliste, résidente de la Fabrica en 2009, éditrice photo à Colors Magazine (créé par Oliviero Toscani, auteur des campagnes coup-de-poing de Benetton), Laia Abril, née en 1986, a toutes les clés pour mettre en images et vendre son sujet de façon efficace. Dans le Magasin élec-

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trique, elle expose le premier chapitre de son « Histoire de la misogynie », consacré à l’avortement. Après avoir travaillé sur les troubles alimentaires, elle a bien l’ambition de décrire, en textes et en images, le contrôle du corps des femmes. « C’est un parapluie conceptuel dans lequel je peux faire entrer les histoires que je veux. Nous vivons dans l’ère de la narration et du storytelling chapitré. Tout vient en forme d’épisodes, non ? analyse-t-elle en s’éventant. C’est aussi une façon de construire ma pensée. Je veux faire quelque chose de documenté et de puissant. »

A l’entrée, la photo d’un préservatif en vessie de poisson souhaite la bienvenue au visiteur. Cou-ramment utilisé jusqu’au XIXème siècle, il a accompagné les politiques malthusiennes et lancé l’ère moderne. Quand on le regarde de près, il n’a pas l’air fiable, et c’est là qu’intervient l’interruption de grossesse, pour les femmes qui ne souhaitent pas d’enfant. Au centre de l’expo, une vraie chaise d’obstétrique. Sur un mur, Laia Abril a recensé les moyens utilisés pour se faire avorter dans des photos en noir et blanc, à la fois sobres et dramatisées. En Inde, où une femme meure toutes les deux heures des suites d’un avortement de fortune, on utilise la vigne que l’on insère dans l’utérus. Dans les climats froids, on passe la nuit dans la neige. Certaines utilisent des pierres lourdes, du poi-son, des pesticides ou des infusions d’herbes. D’autres se jettent dans les escaliers ou se plongent dans des bains bouillants. Il y a, en photo et en installation, des cintres en fer blanc, matériel fin et pointu le plus utilisé pour se faire avorter. « Ce n’est pas un sujet qui me touche personnellement, mais je pense que cela concerne toutes les femmes. En Espagne, ils ont voulu faire passer une loi li-mitant l’accès à l’avortement. On ne peut plus le faire sans l’autorisation de ses parents si on est mineur. Ce ne sont pas des problèmes du passé. C’est nous aujourd’hui. »

Un peu à part, la photo d’un drone étonne. Il est utilisé par les associations militantes pour envoyer des pilules abortives en Irlande ou en Pologne, un pays qui figure dans la ligne de mire de l’artiste, et où elle fait témoigner Justyna, Marta, Alicja, en leur tirant le portrait. Elle a même demandé à une femme d’aller confesser son avortement à un prêtre et l’a enregistrée. Cette année, pour la première fois, le pape a autorisé les prêtres à absoudre les avortées. Dans le monde, 47 000 femmes par an meurent encore des suites d’interruptions de grossesse clandestines.

Soins palliatifs contre aide médicale à mourir Plaidoyer pour une coexistence pacifiqueLe Devoir du 8 juillet 2016 par Alain Legault* Depuis l’adoption de la Loi concernant les soins de fin de vie, et plus encore depuis son entrée en vigueur en décembre dernier, nous assistons régulièrement dans les médias à des levées de bou-cliers, quand ce n’est pas à des menaces, dirigées vers des professionnels de la santé, surtout des médecins, ou des maisons de soins palliatifs qui émettent des réserves sur le bien-fondé d’offrir l’aide médicale à mourir en contexte de soins palliatifs. Proposons une autre façon d’envisager la poursuite de la mise en place de toute la Loi concernant les soins de fin de vie, et pas seulement des articles sur l’aide médicale à mourir, dans un climat de dialogue constructif.

Je voudrais d’abord rappeler que cette loi a été adoptée après une large consultation publique qui a montré que les avis sur la pertinence de légaliser l’aide médicale à mourir étaient loin de faire l’una-nimité. D’ailleurs, le jour de son adoption, le 5 juin 2014, ce sont 94 députés qui ont voté pour la loi, et 22 qui ont voté contre. Sur le plan de la démocratie parlementaire, nous pouvons certes parler d’une large majorité, mais cette loi n’a pas été adoptée à l’unanimité comme il arrive encore de le lire dans certains médias. Depuis l’adoption de la loi québécoise, la Cour suprême a reconnu le droit de recevoir l’aide médicale à mourir. Là encore, la discussion qui vient de se terminer à Ottawa par l’adoption du projet de loi C-14 a montré que l’unanimité sur cette question était loin d’être faite. Les Communes ont adopté C-14 à 186 voix contre 137, tandis que le Sénat l’a adopté à 44 contre 28. Il est important de signaler que parmi les opposants à C-14, il se trouvait des députés ou séna-

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teurs qui jugeaient la loi trop permissive et d’autres trop restrictive. D’ailleurs, une première contes-tation juridique de C-14 a déjà été déposée en Colombie-Britannique pour élargir sa portée.

C’est justement cette dimension essentiellement juridique du débat que je nous appelle à dépasser. Transparence : je ne suis pas du tout gêné d’avouer que j’aurai préféré que l’aide médicale à mourir ne soit pas légalisée. Cependant, j’ajoute immédiatement que je reconnais totalement la légitimité des débats sur le sujet et des décisions prises par l’Assemblée nationale. Maintenant que la Cour su-prême a reconnu le droit de recevoir l’aide médicale à mourir et que la Loi concernant les soins de fin de vie est entrée en vigueur au Québec, serait-il possible de travailler à la mise en œuvre de tous les aspects de cette loi en dépassant condamnations et anathèmes envers ceux qui veulent continuer d’offrir des soins palliatifs de qualité sans offrir l’aide médicale à mourir ?

La loi québécoise sur la fin de vie contient déjà tout ce qu’il faut pour ouvrir un espace de dialogue. Tout d’abord, elle distingue clairement les soins palliatifs de l’aide médicale à mourir en définissant les « soins de fin de vie comme étant les soins palliatifs offerts aux personnes en fin de vie et l’aide médicale à mourir (art. 3) ». Dans le même article, elle définit les soins palliatifs d’une manière tout à fait classique en précisant même qu’ils ont pour but de soulager les souffrances des personnes en fin de vie « sans hâter ni retarder la mort ». Finalement, en définissant la sédation palliative, la loi précise qu’il s’agit d’un « soin offert dans le cadre des soins palliatifs », ce qu’elle ne fait pas lorsqu’elle définit l’aide médicale à mourir. Donc, selon la loi québécoise sur la fin de vie, les soins palliatifs sont une approche de la fin de vie complètement différente de l’aide médicale à mourir.

Encore plus fondamental : au moment d’offrir des soins palliatifs ou de répondre à une demande d’aide médicale à mourir, les personnes impliquées (personne en fin de vie, ses proches, profession-nels de la santé) sont des êtres humains réels, non des constructions juridiques. Certains artisans des soins palliatifs ont décidé d’offrir aussi l’aide médicale à mourir et c’est très bien ainsi. Cependant, d’autres sont réticents, en raison de convictions professionnelles ou personnelles, par respect pour les personnes en fin de vie et leurs proches qu’ils côtoient parfois depuis longtemps et à qui ils veulent offrir un sanctuaire en fin de vie dans lequel on ne vise ni à retarder ni à devancer le décès. En menaçant ces réticents, en leur reprochant de ne pas respecter les droits des patients, certains es-pèrent les faire changer d’idées à court terme. Est-ce éthiquement acceptable de contraindre une personne à poser un geste allant contre sa concep-tion des soins palliatifs ? Les lois n’éteignent que rarement les débats éthiques. On le constate dans les pays qui ont légalisé l’euthanasie ; mais aussi dans les débats autour du projet de loi C-14. La loi trace les lignes qui encadrent une pratique, mais laisse toujours des zones grises qui sont les lieux de l’éthique.

Rappelons que la loi québécoise et la loi fédérale depuis peu marquent un changement majeur dans les frontières qui existent dans toutes les sociétés humaines en regard de l’interdiction de tuer. Je comprends très bien que l’aide médicale à mourir ne peut être bêtement assimilée à un meurtre, mais elle remet tout de même en question les frontières entourant l’interdiction de tuer. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Pour le moment, il est difficile de se prononcer clairement sur cette question. Le temps nous permettra de juger de cette question fondamentale. En attendant, pourrions-nous inaugurer une période de coexistence pacifique et de dialogue entre les artisans des soins palliatifs qui ne se sentent pas capables d’ajouter l’aide médicale à mourir à leur « offre de services » et ceux qui sont prêts à le faire ? C’est le souhait que je formule et je suis prêt à participer à ce dialogue si d’autres personnes se sentent interpellées par ce texte.

*Docteur en philosophie et professeur agrégé en sciences infirmières à l’université de Mont-réal

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"La maladie de Lyme explose, c'est un scandale sanitaire"L’Obs du 14 juillet 2016 par Emmanuelle AnizonLe professeur Christian Perronne est chef de service en infectiologie à l'hôpital universitaire Raymond-Poincaré de Garches, et codirecteur d’un groupe de travail sur la vaccination à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Il est un des seuls médecins hospitaliers en France à dénoncer depuis plusieurs années l'absence de reconnaissance de la maladie de Lyme chronique. Sous-diagnostiquée, mal prise en charge par les autorités sanitaires, cette in-fection, transmise par les tiques, peut amener, si elle n’est pas soignée, à la paralysie et la dé-mence. Or, elle est en pleine expansion. "Il y a urgence", dit le professeur Perronne, qui, avec une centaine d'autres médecins, lance dans "l'Obs" un appel à la ministre de la Santé. Inter-view.

Le gouvernement annonce un plan d’action national contre la maladie de Lyme. C’est une bonne nouvelle ?C’est un premier pas timide. Toutes ces années, nos entrevues avec le ministère de la Santé ont tou-jours abouti à un déni de la pathologie. J’espère que ce ne sera pas le cas cette fois.

Comment vous êtes-vous intéressé à la maladie de Lyme ?Quand j’ai commencé à travailler à Garches, en 1994, j’ai vu arriver nombre de malades piqués par des tiques lors de leurs promenades dans les grandes forêts de l’Ouest parisien. Les tiques peuvent transmettre ce qu’on appelle la maladie de Lyme, due à une bactérie, la borrélie (Borrelia), elle-même souvent accompagnée d’autres bactéries et de parasites. J’ai soigné ces malades avec trois semaines d’antibiothérapie, selon le protocole officiel, mais beaucoup rechutaient. Je voyais bien que ça ne suffisait pas. La maladie nécessite des soins plus longs. Ce que j’ai fait. J’ai découvert alors que le corps médical ne voulait absolument pas entendre parler de la chronicité de cette maladie. J’ai été moqué, jusque dans mon propre service. Si les symptômes – articulaires, cardiologiques, neurologiques – reviennent, ce n’est plus du Lyme, on dit que c’est du "post-Lyme" et on envoie les gens en psychiatrie. C’est ahurissant ! Comme si on disait au bout de quinze jours de tuberculose : "Vous n’avez plus la tuberculose, si vous avez des signes, vous avez peut-être une dépression."

Pourquoi estimez-vous que les tests censés dépister la maladie ne sont pas efficaces ?

En plus de la borrélie responsable de la maladie de Lyme, il existe une vingtaine d’autres espèces de Borrelia. Le test Elisa, étape obligatoire pour les médecins français, n’en détecte que trois, avec de plus une proportion élevée de cas où ce test reste négatif malgré la maladie. Et pourtant, s’il est né-gatif, les médecins français n’ont pas le droit de poursuivre leur exploration, de compléter par un autre test plus précis, comme le Western-Blot. Même si leur patient a des signes cliniques significa-tifs. Les médecins peuvent être poursuivis par l’Assurance-Maladie s’ils le font  ! Le centre de réfé-rence de la borréliose à Strasbourg dit encore aujourd’hui que ce test est fiable à 100 %, alors que toutes les publications montrent l’inverse ! Comment peut-on continuer une telle aberration ? Sur-tout qu’il est prouvé depuis longtemps – ç’a été publié dans les plus grandes revues scientifiques – qu’une sérologie peut être négative malgré la présence de la bactérie Borrelia. Aux Etats-Unis, non seulement le médecin est libre de prescrire le Western-Blot malgré un Elisa négatif, mais il a même le devoir de dire à son patient qu’un test négatif, quel qu’il soit, n’est pas la preuve qu’il n’est pas infecté !Le sujet divise la communauté médicale. Que répondez-vous aux infectiologues qui disent que Lyme est une maladie fourre-tout ?

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Je suis d’accord. On ne devrait d’ailleurs pas dire "Lyme" mais "maladies vectorielles à tiques". Le Lyme et les maladies associées donnent des signes cliniques très divers, qui, en plus, peuvent ne se déclarer que des années après. D’où la complexité du diagnostic. Et la nécessité justement d’amélio-rer les tests ! Aujourd’hui, les patients atteints de maladies vectorielles à tiques sont renvoyés de service en service, traités pour des pathologies qui ne sont pas les leurs : fibromyalgie, sclérose en plaques, démence… Je ne vois que ça, des faux diagnostics ! Et, pendant ce temps, leurs symptômes s’aggravent. Ce sont des histoires terribles. Certains finissent par se suicider. J’ai sorti des gens de l’asile ou de leur brancard avec un traitement prolongé d’antibiotiques. Ils en étaient arrivés là parce qu’on avait nié leur pathologie. C’est un scandale sanitaire.

…que le professeur Luc Montagnier, découvreur du VIH, compare à celui du sang contaminé. Vous évoquez carrément une "épidémie" ?

Oui, la maladie explose. Les tiques ont toujours existé, on a retrouvé des borrélies dans une momie humaine congelée depuis plus de cinq mille ans. Mais les tiques sont de plus en plus nombreuses et surtout elles sont de plus en plus infectées. Les derniers chiffres américains sont très inquiétants : en quelques années, dans les Etats du Nord-Est, on a noté environ 300 % d’augmentation du nombre de comtés fortement infestés. En Europe, les données publiées dans Eurosurveillance (2011) montrent jusqu’à 350 cas pour 100 000 habitants selon les pays : les plus touchés sont la Slovénie, l’Allemagne, l’Autriche et certains pays nordiques. Une autre étude en cours basée sur le nombre de tiques infectées et la fréquence d’érythèmes migrants montre qu’un million de personnes supplé-mentaires sont touchées chaque année. Et, malgré cela, la France déclare 27 000 nouveaux cas par an ! C’est ridicule.

Comment expliquez-vous ce déni ?

Les raisons sont multiples, je ne veux pas parler de ce qui est hors de mon champ de médecin. Ce que je peux dire, c’est que, outre la complexité du diagnostic et du traitement, c’est un phénomène classique : en cas d’épidémie infectieuse, les autorités répugnent à reconnaître l’étendue des dégâts, et leur responsabilité. Généralement, elles s’arc-boutent, jusqu’à ce que les malades les obligent à basculer. Cela a été le cas pour le VIH.Est-ce ce qui est en train de se passer pour Lyme ? Des malades portent plainte contre des la-boratoires, un autre fait une grève de la faim et, hop, le gouvernement annonce précipitam-ment un plan…Il faudra qu’il le mène avec les associations de patients, en élargissant le cercle habituel des experts médicaux. Sinon, rien ne bougera ! Par ailleurs, c’est bien de proposer de revoir les recommanda-tions sur le traitement des formes avancées de la maladie, en saisissant la Haute Autorité de Santé (HAS), mais c’est très long et insuffisant : il est urgent de prendre des mesures plus rapides.

Quel type de mesures ?Celles que nous décrivons dans notre appel : mettre en place des tests de diagnostic fiables. Accor-der une vraie prise en charge aux malades et arrêter de poursuivre les médecins qui les soignent, créer des unités hospitalières spécialisées Lyme, et financer la recherche : jusqu’à aujourd’hui, je n’ai jamais réussi à obtenir un euro de subvention pour ce secteur !

« Madame la ministre, il y a urgence »

Vous annoncez un plan d’action national contre la maladie de Lyme pour septembre 2016. C’est un premier pas timide vers la reconnaissance officielle de la maladie de Lyme chronique. Mais il y a urgence. Nous, médecins soignants, généralistes et spécialistes, par la présente pétition, nous exi-geons :– Des financements publics pour améliorer les tests de diagnostic, actuellement non fiables. Des plaquettes officielles du gouvernement prétendent par exemple que le test actuel dépiste 100 % des maladies de Lyme dans leur forme articulaire. C’est faux.

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– La prise en compte de la détresse morale majeure mais aussi socio-professionnelle de ces patients en errance diagnostique pendant plusieurs mois ou années. Certains sont obligés de dépenser des fortunes pour se faire soigner à l’étranger. D’autres choisissent le suicide. Ces patients doivent pou-voir avoir accès au statut de l’affection longue durée (ALD) et au remboursement à 100% de leurs traitements.

– L’arrêt des poursuites contre les médecins qui ne suivent pas les recommandations officielles (consensus de 2006) pour soigner leurs patients.

– La prise en compte des récentes données scientifiques afin d’aboutir à un nouveau consensus thé-rapeutique adapté.

– La création d’unités hospitalières spécialisées Lyme avec, à terme, des instituts labellisés, aussi bien pour la recherche fondamentale que pour la recherche clinique.

– Des financements publics pour la recherche sur les maladies vectorielles à tiques.

Nous n’imaginons pas que ce processus se fasse sans la participation des associations de malades.

Fédération française contre les Maladies vectorielles à Tiques (incluant trois associations, des médecins et des chercheurs), Lyme sans Frontières et plus de 100 médecins.

« Monsieur Petit, la singularité de Vincent Lambert que vous réclamez de vos vœux, est ce dont vous voulez le priver »Huffington Post du 18 juillet 2016 par François Lambert, étudiant en droit et neveu de Vincent LambertJe réagis ici au point de vue en miroir du Docteur Petit. En miroir car ce point de vue semble construit non pas sur des considérations personnelles mais par rapport au point de vue qu'il attribue aux autres.

Cher Docteur, vous évoquez dès le début de votre tribune votre indifférence au débat sur la fin de vie jusqu'en 2014 et l'affaire Vincent Lambert. Ce débat ayant jusqu'alors concerné selon vous "les droits des malades en fin de vie". La loi de 2005, dite Leonetti, s'intitule pourtant "droits des ma-lades ET fin de vie". Des débats avaient eu lieu sur les patients à conscience altérée à l'Assemblée Nationale en 2008, après plusieurs précédents, notamment celui d'Hervé Pierra en 2006. Vous ne pouviez l'ignorer. Vous ajoutez ensuite qu'en 2014, "de nombreuses familles se sont retrouvées ter-rifiées à l'idée de se voir un jour imposer une telle décision." Vincent serait donc selon vous le pre-mier d'une longue série. Ce n'est évidemment pas le cas. Mais comment faire admettre la réalité de la catastrophe d'ampleur qui est annoncée si elle a lieu depuis 10 ans ?

Ce qu'a montré l'affaire Vincent Lambert, c'est bien qu'une décision d'arrêt de traitements n'est pas incontestable en justice. Elle peut être objectivée par d'autres personnes du monde médical et éven-tuellement du monde judiciaire. Et si déséquilibre il y a, il se trouve plutôt de l'autre côté. Vous par-lez ensuite "des interprétations d'un désir de mourir de M. Lambert" en leur donnant un poids qu'elles n'ont jamais eu. Ces refus de soins présumés ont été à l'origine de la réflexion de l'équipe médicale ayant la charge de Vincent. Mais ils n'ont pas été déterminants, loin s'en faut, dans la déci-sion d'arrêter ses traitements. Ce qui a compté, ce sont les souhaits de Vincent. Votre tribune n'en dit mot alors que cela a représenté une grande partie des débats juridiques auxquels vous avez pris

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part. La procédure collégiale a été ouverte au plus grand nombre pour se rapprocher au plus près de ce qu'aurait voulu Vincent. Les parents de Vincent n'ont nié ses propos, rapportés par des proches, qu'au moment de la procédure devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). Pas avant. La singularité de Vincent que vous réclamez de vos vœux, est ce dont vous voulez le priver en réalité.

Il semblerait que pour vous aussi, le regard que porte la société sur ces personnes vulnérables est ce qui mue tous les gens favorables à un arrêt des traitements. Mais quelles directives anticipées peuvent échapper à ce constat ? Vincent était infirmier, il avait vu cet état de plus près que la plu -part d'entre nous. Mais il était bien-portant quand il en a parlé. Était-il lui aussi victime de ce qu’au-cun n’appelle la "culture du déchet" ? Il s'agit toujours de la même façon de "faire penser" (par op-position à "penser") :

- On nie les souhaits du patient, qui sont nuls et non avenus.

- On fait systématiquement table rase de tout ce qui a été objectivé pour ramener de la subjectivité. On désigne ainsi un responsable (et au besoin un nouveau responsable) qui ne ferait que mettre en avant ses propres vues et que l'on décrira volontiers comme froid plutôt qu'objectif.

- On choque par une vidéo qui doit inciter à projeter sur le patient et à s'imaginer dépositaire de ce corps qui semble interagir avec son entourage et crier "au secours !", alors que la science a démon-tré que ce n'étaient là que des réflexes.

Il n'y aurait ainsi aucune responsabilité à maintenir en vie, et donc aucune question à se poser. Le questionnement, c'est pour les autres. Raison pour laquelle un juge des tutelles qui n'est pas saisi de l'application de la loi Leonetti pourrait ordonner son transfert. Les juges de Reims ont refusé cette toute-puissance qu'on a voulu leur imposer. Car le débat de l'acharnement thérapeutique a ceci de particulier qu'il ne peut être neutre et que la toute-puissance peut provenir d'un maintien en vie comme d'un arrêt des traitements. Sans débat, il y a toute-puissance. Et dans cette toute-puissance, vous choisissez la vie. Grand bien vous en fasse. Mais là n'a jamais été la question.

Ce glissement opéré depuis un an grâce à un certain manque de fermeté des principaux concernés (CHU et gouvernement en tête) nous a conduits à une situation ubuesque :

- Il y a conflit d'intérêt et plainte au pénal dès lors qu'un médecin veut prendre une décision d'arrêt des traitements.

- L'épouse qui participe à une procédure collégiale ne peut plus prétendre à quelque neutralité que ce soit, et s'expose même à un divorce imposé via la tutelle, en plus d'une plainte au pénal.

- Le patient est dilué dans l'avis de ceux qui veulent le maintenir en vie à tout prix. Ils se taisent sur ses souhaits, car ce ne sont pas les bons souhaits. Ils se définissent ensuite, non sans fierté, comme la raison pour laquelle le patient est encore en vie.

Vous vous plaignez d'être exclu du débat sur la fin de vie. Mais peut-être y a-t-il des raisons à cela ? Non seulement vous le rejetez, mais en plus vous ne vous élevez pas contre une volonté de le crimi-naliser pour mieux le rendre tabou. Vous demandez plutôt à ce que cette pratique soit actée par dé-cret, avec l'aide du Comité Consultatif National d'Éthique, dont vous semblez penser qu'il vous donne raison. Vous avez d'ailleurs prétendu la même chose devant le Conseil d'État et la CEDH. On a vu ce qu'il en était.

Vous évoquez enfin avec une certaine pudeur le "conflit familial" qui empêche d'appliquer la déci-sion. Il s'agit de menaces de mort postales et sur des blogs, de menaces de la part de membres de la famille opposés à tout arrêt de traitements, d'appels malveillants, de terrorisme judiciaire... Croyez-vous sérieusement que Vincent serait maintenu en vie si ses parents n'étaient pas soutenus par un lobby violent, dont les grands principes masquent tellement mal son irresponsabilité, et qui avance masqué pour imposer ses vues ? Ne serait-ce pas cela le plus choquant ?

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Prométhée ou le défi lancé aux dieuxLe Courrier du 18 juillet 2016 par Anne PitteloudFrankenstein ou le Prométhée moderne est devenu l’un des romans les plus renommés de la littéra-ture européenne moderne « tant pour ses qualités littéraires que pour la façon dont il exprime les inquiétudes de l’époque face au savoir scientifique, à la technologie et à leur influence sur les conditions de la vie et de la mort », écrit le professeur David Spurr dans Frankenstein créé des té-nèbres, le très beau catalogue qui accompagne l’expo de la Fondation Bodmer.Le début du XIXème siècle voit l’émergence de la médecine moderne, et Mary Shelley est au courant des découvertes qui bouleversent la vision de l’humain. Aux côtés des textes littéraires qui l’ont in-fluencée, le musée donne aussi un aperçu des avancées scientifiques discutées à la Villa Diodati et qui ont nourri son inspiration.

L’époque est aux recherches sur l’électricité et le magnétisme. On interroge les liens entre science physique et biologie, ainsi que l’essence de la vie. Benjamin Franklin mène ses expériences sur l’électricité, tandis que Luigi Galvani teste ses effets sur des corps vivants, tout comme Giovanni Aldini qui, en 1804, applique ses électrodes sur un condamné récemment pendu, faisant bouger ses membres au grand effroi du public présent. Dans son Histoire de l’électricité, Joseph Priestley évoque quant à lui la « fiole de Leyde », qui permet de transmettre des charges électriques aux êtres vivants. C’est ce genre d’« étincelle » qui donnera vie au corps inerte de la créature de Franken-stein. « On se demandait ce qu’était un être humain, d’un point de vue médical et philosophique », note Nicolas Ducimetière. Dans une approche matérialiste et athéiste, La Mettrie démontre dans L’Homme machine une vision mécanique du vivant, hors de toute transcendance : des idées reprises par Victor Frankenstein. Le nom de Frankenstein lui-même est inspiré par le château de Frankenstein, en Rhénanie : au XVIIème siècle y résidait le théologien, médecin et alchimiste Johann Conrad Dippel, qui menait des recherches sur la vie. Ces questions sur le corps et ce qui l’anime demeurent brûlantes. « Ce qui m’a intéressée dans Frankenstein, confie Laure Coulombel, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale français, c’est cette volonté d’étudier au plus près la décom-position et le fonctionnement du corps, avant d’aller plus loin en le modifiant, en le recréant. Ce mouvement est celui de la recherche scientifique. »

Mary Shelley transpose le mythe grec de Prométhée à ses intuitions scientifiques. Le Titan a créé les hommes à partir d’eau et de terre, puis vole le feu – le savoir – aux dieux afin de le leur donner. Pour le punir, Zeus le condamne à être enchaîné à un rocher, où chaque jour un aigle lui dévore le foie, qui repousse la nuit. « La science a toujours été habitée par un rêve prométhéen », remarque Hervé Chneiweiss, invité comme sa collègue dans le cadre de la série de débats autour de « Frankenstein créé des ténèbres » à la Fondation Bodmer. Directeur de recherche du laboratoire Neurosciences Paris Seine, il en veut pour preuve les recherches actuelles sur l’édition du génome – l’idée étant de modifier des organismes vivants minimaux, telles les bactéries, pour qu’ils pro-duisent par exemple du pétrole ou d’autres substances énergétiques à grande échelle. Et, à terme, de synthétiser le génome humain, tâche proprement titanesque. « Les 3 milliards de paires de base de notre ADN sont le résultat d’1,5 milliard d’années de vie sur Terre. Seuls 6 % des gènes codent les protéines: est-ce que ça veut dire que tout le reste est inutile? Pas sûr. Car la réalité est loin de la vision mécanique de Frankenstein. »

Etymologiquement, Prométhée c’est le prévoyant, le rusé, celui qui pense avant, relève-t-il. « Le danger, ce n’est pas lui, mais son frère, Epiméthée. » Prométhée a mis ce dernier en garde : il ne doit accepter aucun cadeau des dieux. Pourtant, quand Zeus lui offre une femme pourvue de tous les dons, il accepte. C’est Pandore : elle ouvrira la jarre où Prométhée avait enfermé les maux de la

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Terre, qui se répandent alors sur l’humanité. « Ce qui est dangereux, ce n’est pas de penser avant, mais après, conclut Hervé Chneiweiss. Frankenstein n’a pas réfléchi au devenir de sa créature. Les tenants du nucléaire non plus. » Les inquiétudes de Mary Shelley se posent toujours de la même manière, la technologie étant à la fois source de bénéfices et de dangers potentiels. Un exemple ? « Nous pourrions aujourd’hui stériliser les moustiques, qui causent 1 million de morts par an, dont 430 000 du paludisme, note Hervé Chneiweiss. Mais quel en serait l’impact sur l’environnement ? Cela resterait-il confiné aux moustiques ? Comment en serait modifiée la chaîne alimentaire ? Nous ne maîtrisons pas ces effets en chaîne. Aujourd’hui, nous avons la capacité de fabriquer des monstres dans à peu près toutes les directions... »

Laure Coulombel et Hervé Chneiweiss sont membres du Comité consultatif national d’éthique, dont la mission est d’évaluer les impacts des avancées scientifiques en concertation avec les instituts de recherche à l’échelle européenne. Tous deux soulignent l’importance d’informer de la complexité des enjeux et d’ouvrir le débat avec la société. « Beaucoup de peurs sont liées à un déficit de com-préhension », note Laure Coulombel. « Les sciences biomédicales sont devenues un enjeu pour l’humanité – y compris pour l’économie – qui mériterait d’être au centre de sommets internatio-naux », conclut M. Chneiweiss

PMA pour les homosexuelles, un enjeu politique Associations Familiales Catholiques du 11 juillet 2016 par Pascale Morinière*Le Président de la République et Madame Rossignol donnent des gages à leur électorat et prennent le risque de rouvrir un sujet qui a profondément divisé les Français.

La méthode est éprouvée : lorsqu’un sujet ne fait pas consensus, plutôt que de lancer un débat de société visant à atteindre une position partagée par une majorité de manière apaisée – ce qu’on pourrait attendre de ceux qui gouvernent notre pays, en particulier sur les sujets qui interrogent les consciences – on procède par glissements successifs qui rendent inéluctable la transgression finale. La circulaire Taubira du 25 janvier 2013 demandait qu’un certificat de nationalité française soit dé-livré aux enfants nés à l’étranger d’un père français et d’une mère porteuse. Première étape.

Aujourd’hui, Madame Rossignol annonce qu’elle va abroger une prétendue, circulaire du 21 dé-cembre 2012 rappelant les sanctions encourues par les gynécologues qui orientent les femmes vers l’étranger pour une PMA pratiquée en violation de la loi française : un risque de cinq ans d’empri-sonnement et de 75 000 € d’amende. On remarquera que les 130 médecins ayant publié le 19 mars dernier une tribune dans un grand quotidien pour clamer qu’ils contreviennent à la Loi ne sont visi-blement pas inquiétés. Ni par la Justice, ni par l’Ordre des Médecins, ni par l’opinion publique. Deuxième étape.

Les ressorts sont connus : victimisation « On complique la vie des couples lesbiens », dans le cas actuel ; « On prive un enfant de nationalité », dans le cas précédent. On fait pleurer dans les chau-mières, on fait honte à ceux qui discriminent - le grand mot est lâché - et la plupart des Français se disent : « en fait, ça ne me dérange pas ». Les chiffres des sondages évoluent doucement.L’autre ressort consiste à fustiger ceux qui pensent différemment et donc mal. Mais est-il encore dé-cent, au regard des dernières manifestations, de qualifier le mouvement d’opposition à la loi Taubira de « violent » ? Il est d’ores et déjà facile de tracer les étapes suivantes : si les couples lesbiens peuvent facilement pratiquer une PMA à l’étranger, pourquoi l’interdire en France ? Troisième étape.

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La dernière sera celle de la GPA : pourquoi serait-il juste de priver les couples homosexuels de ce dont bénéficient les couples lesbiens ? Dernière étape.

Nous ne pouvons pas jouer la surprise puisque cette attitude irresponsable s’inscrit en toute logique dans la perspective de 2017. A défaut de réflexion en vue d’un véritable projet de société, l’équipe au pouvoir utilise la transgression en guise de méthode de pensée et de programme. Où est le débat de fond sur ce sujet ? Où est la réflexion posée, honnête, ouverte, étayée, pluraliste ? Où est le débat démocratique ? Quelle que soit la manière dont on conçoit un enfant, il faut toujours à un moment donné un homme et une femme, un père et une mère qui permettent une nouvelle vie ; nouvelle vie qui va s’appuyer et s’enraciner dans la vie, la chair et l’amour de ceux dont il est issu. Oui, en pre -nant ces positions nous sommes « conservateurs », selon les propos de la ministre. Nous voulons conserver pour l’enfant ce qu’il y a de meilleur : grandir entre son père et sa mère. Qui se préoccu-pera des plus petits, des plus faibles, des « sans-voix » que sont les enfants ? Qui se demandera s’il est juste, de priver ainsi délibérément un enfant de son père ? N’est-ce pas là que réside vraiment la discrimination ?

*Vice-présidente de la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques

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