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Traités bilatéraux d’investissement du Sénégal Mouhamadou Madana KANE ACILP Country Bilateral Investment Treaties Assessment Reports Issue No. 1, March 2016

Traités bilatéraux d’investissement du - ACILP · place aux cinq premières places respectivement la France, le Maroc, lIndonésie, les Etats-Unis et lIle Maurice. Sur la totalité

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Traités bilatéraux d’investissement du

Sénégal

Mouhamadou Madana KANE

ACILP Country Bilateral Investment Treaties Assessment Reports

Issue No. 1, March 2016

MENTIONS ÉDITORIALES

Publication par

African Center of International Law Practice (ACILP)

Villa No. 45 Yoff Layenne BP 6170

Dakar étoile, Sénégal

Tel : +221 33 820 14 92 – Email : [email protected] – Website : www.acilp.org

Éditeur: Mouhamadou Madana Kane, Directeur exécutif de l’ACILP

Notice éditoriale

Ce rapport a été produit par le Programme Droit international économique de l’ACILP dans le cadre du Projet Droit

des investissements et arbitrage.

Mouhamadou Madana Kane, l’auteur du rapport, peut être contacté directement par email : [email protected] ou

[email protected].

Citation

Kane, Mouhamadou Madana, Traités bilatéraux d’investissement du Sénégal, ACILP Country Bilateral Investment

Treaty Assessment Reports, Issue No. 1, March 2016.

Les points de vue exprimés dans ce rapport sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement ceux de l’ACILP.

Droits d’auteur

Copyright ©ACILP, 2016. Les lecteurs sont autorisés à citer le présent rapport à toutes fins éducationnelles et non

commerciales, à condition d’en indiquer la source.

RÉSUMÉ

Le présent rapport établit un diagnostic détaillé des traités bilatéraux d’investissement (TBIs) conclus par

le Sénégal avec des pays tiers, et présentement en vigueur. Se basant sur une approche comparative des

différentes dispositions de ces traités, l’étude met en exergue les forces et faiblesses, formelles et

substantielles, de la pratique sénégalaise en matière de conclusion de TBIs.

En particulier, le rapport procède d’une analyse des dispositions portant promotion, protection,

traitement et garantie des investissements ; des dispositions dérogatoires aux obligations de traitement ;

et des clauses de règlement des différends entre Etats et investisseurs étrangers. A cela s’ajoutent une

analyse du contentieux sénégalais devant le Centre international pour le règlement des différends en

matière d’investissements (CIRDI) sur le fondement de TBIs, une présentation de la relation entre les TBIs

en vigueur et le Code sénégalais des investissements de 2004, une présentation de la durée de validité

des TBIs en vigueur, et enfin une présentation de la corrélation entre TBI et attraction des

investissements, au regard de l’origine des principaux investissements étrangers au Sénégal.

Sous l’angle formel, l’étude souligne l’absence d’un « modèle » sénégalais d’accord de promotion et de

protection des investissements étrangers en raison d’un manque d’uniformité dans la structure

rédactionnelle des TBIs en vigueur, faisant alors constater que l’approche sénégalaise en matière de

conclusion de traités d’investissement repose généralement sur l’appropriation des modèles des pays

cosignataires.

Sous l’angle substantiel, on a pu également relever à plusieurs égards un manque d’uniformité, et parfois

un manque de précision et de cohérence du contenu des différentes dispositions analysées. S’y ajoute

une quasi-absence de dispositions consacrant le droit de l’Etat de réguler les investissements admis sur

son territoire et prescrivant des obligations de comportement aux investisseurs étrangers. Il en résulte

que l’Etat encourt le risque de s’exposer à des litiges coûteux et la réduction de sa marge de manœuvre

dans la poursuite de ses objectifs et politiques publiques de développement.

A la lumière des conclusions générales du rapport, ce dernier s’achève avec la formulation d’un certain

nombre de recommandations pratiques visant à pallier les insufissances notées.

TABLE DES MATIÈRES

Introduction 1

TBI et investissements directs étrangers au Sénégal 1

Promotion des investissements 2

Protection des investissements 3

Traitement des investissements 4

Dérogations aux obligations de traitement 5

Garantie des investissements 7

Règlement des litiges État – investisseur 8

Affaires CIRDI sur le fondement des TBI 11

TBI et Code sénégalais des investissements 15

Durée de validité des TBIs sénégalais 17

Conclusions générales 18

Recommandations pratiques 19

TABLE DES ABRÉVIATIONS

AGCS Accord général sur le commerce des services de l’OMC

IDE Investissements directs étrangers

OMC Organisation mondiale du commerce

CCJA Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA

CIRDI Centre international pour le règlement des différends en matière d’investissements

CNUCED Conférence des Nations Unis pour le commerce et le développement

CNUDCI Commission des Nations Unies pour le droit commercial international

OHADA Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique

TBIs Traités bilatéraux d’investissement

UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine

1

Introduction

Le Sénégal est le pays de la zone UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) qui a signé

le plus de traités bilatéraux d’investissement (TBIs) avec des pays tiers. Il a, à ce jour, signé au total 28

TBIs, dont 21 avec des pays non-africains, en majorité européens1 ; 14 de ces TBIs sont entrés en vigueur,

mais celui avec l’Ile Maurice est le seul en vigueur ayant été signé avec un pays africain2. Les autres TBIs

avec des pays africains (6 au total) sont restés à l’état de signature, et n’ont donc pas de force juridique

contraignante. Le TBI sénégalais le plus ancien a été signé avec la Suisse en 1962 (entré en vigueur en

1964), et le plus récent avec le Canada en 2014 (non encore en vigueur).

L’objectif du présent rapport est de faire un état des lieux des TBIs conclus par le Sénégal pour en faire

ressortir les forces et les insuffisances tant d’un point de vue formel que substantiel. Pour ce faire, l’étude

se focalise sur les 14 TBIs en vigueur3, lesquels représentent un échantillon plus que significatif pouvant

permettre de dégager les tendances dans la pratique sénégalaise en la matière. Les résultats de l’analyse

permettront de formuler des recommandations pratiques pour pallier les insuffisances relevées.

Dans cette optique, l’étude porte successivement sur 10 points essentiels à savoir : la contribution des

TBI au flux des investissements directs étrangers (IDE) au Sénégal ; la promotion des investissements ; la

protection des investissements; les obligations de traitement ; les dérogations aux obligations de

traitement ; les clauses de garantie des investissements ; les clauses de règlement des litiges entre Etats

et investisseurs ; les affaires CIRDI sur le fondement des TBIs impliquant le Sénégal ; les rapports entre

les TBIs et le Code sénégalais des investissements ; et enfin la durée de validité des TBIs sénégalais.

TBI et Investissements directs

étrangers

A la fin 2014, le flux des IDE au Sénégal a été chiffré à deux milliards quatre cent vingt-six millions de

dollars américains (US$2.426 milliards)4. Le classement des 20 premiers pays d’origine des IDE au Sénégal

place aux cinq premières places respectivement la France, le Maroc, l’Indonésie, les Etats-Unis et l’Ile

Maurice. Sur la totalité des 20 pays classés, on remarque que seulement 5 d’entre eux bénéficient de

TBIs en vigueur avec le Sénégal. Il s’agit de la France, les Etats-Unis, l’Ile Maurice, l’Inde et les Pays-Bas.

1 Source: http://investmentpolicyhub.unctad.org/IIA/CountryBits/186#iiaInnerMenu. 2 Source: http://investmentpolicyhub.unctad.org/IIA/CountryBits/186#iiaInnerMenu. Le chiffre de 14 TBI en vigueur est exact à

la date de publication de ce rapport.

3 Cf. page 17 du présent rapport pour une liste des 14 TBIs sénégalais en vigueur, leur date de signature, d’entrée en vigueur et

durée de validité. 4 Source: FMI, Coordinated Direct Investment Survey.

2

Ainsi, l’Indonésie et le Maroc qui figurent dans le top 5 ne sont pas liés par un TBI avec le Sénégal5. Il en

ressort que 15 pays figurant sur le classement des 20 premières sources d’IDE au Sénégal n’ont soit pas

conclu de TBI avec le Sénégal (c’est la majorité des cas), soit le TBI qu’ils ont conclu avec ce dernier n’est

pas entré vigueur.

Par ailleurs, on peut souligner que sur les 14 TBIs sénégalais en vigueur à ce jour, 9 l’ont été avec des

pays ne figurant pas dans le top 20 des pays de provenance des IDE au Sénégal.

Ainsi, d’un point de vue purement factuel, il semblerait au regard de ce qui précède que la corrélation

entre le flux des IDE au Sénégal et les TBIs ne soit pas évidente.

Promotion des investissements

Les dispositions des TBIs relatives à la promotion des investissements sont celles qui visent à encourager

l’admission des investisseurs d’une partie contractante sur le territoire de l’autre partie contractante en

créant les conditions favorables à l’admission des capitaux et à la réalisation des investissements. Le

principe général en droit des investissements est que l’admission des investissements étrangers est un

droit souverain de l’Etat d’accueil, qui dispose de la latitude de réguler les conditions d’admission des

investissements. C’est à ce titre que les clauses de promotion des investissements prévoient

systématiquement que l’admission de ces derniers se fera conformément aux lois et régulations du pays

d’accueil. La conséquence est que la protection du traité n’intervient en pratique qu’à posteriori, c’est-

à-dire une fois les investissements admis. De ce point de vue, la revue des TBIs sénégalais n’appelle pas

de commentaire particulier. La référence à l’admission des investissements « conformément aux lois et

régulations du pays d’accueil » est présente dans tous les traités en revue.

S’agissant de la définition du terme « investissement », l’ensemble des TBIs sénégalais ont opté pour

une approche énumérative6 et générale consistant à énumérer une liste non exhaustive d’actifs qui, pris

individuellement ou collectivement, pourront constituer un investissement protégé par le TBI. Un

exemple de l’approche générale et énumérative est fourni par l’article 1 du TBI avec la France.

Enfin, s’agissant du terme « investisseur », il est défini dans l’ensemble des TBIs Sénégalais comme

incluant aussi bien les personnes physiques que morales, à l’exception du TBI avec les Pays-Bas qui

textuellement définit le terme « ressortissant » de l’autre partie comme n’incluant que les personnes

physiques à l’exclusion des personnes morales. Cependant, il semblerait qu’il s’agisse plutôt d’une

omission, ce qui avait d’ailleurs poussé le tribunal arbitral dans l’affaire Millicom c. Sénégal à interpréter

5 Note : aucun TBI avec l’Indonésie n’a été répertorié, alors que celui avec le Maroc n’est pas encore en vigueur. 6 Par opposition à l’approche descriptive et restrictive, consistant à décrire l’activité d’investissement par sa principale

caractéristique, notamment sectorielle. Par exemple, l’article 1 de la Charte de l’énergie qui définit le terme investissement

comme toute activité économique dans le secteur de l’énergie.

3

la disposition comme renvoyant également aux personnes morales7.

Protection des investissements

Les TBIs conclus par le Sénégal contiennent tous des dispositions visant à accorder aux investisseurs

étrangers une certaine protection en incorporant l’obligation de l’Etat d’accueil de l’investissement

d’accorder un traitement juste et équitable et une protection et sécurité pleines et entières. Toutefois,

ces obligations ne sont pas rédigées de manière uniforme dans les TBIs sénégalais. On note, par exemple,

que les clauses du traitement juste et équitable et/ou de protection et sécurité intégrales sont absentes

dans certains TBIs. C’est le cas notamment des TBIs avec les Pays-Bas, la Roumanie8 et la République de

Corée. De plus, on note que TBIs sénégalais prévoient tantôt, de manière alternative, l’une ou l’autre

disposition9, tantôt les deux en même temps, soit dans le cadre du même article10, soit dans le cadre

d’article distincts11.

Ce manque d’uniformité se retrouve également dans le fond, s’agissant du contenu des dispositions de

protection. Par exemple, certains TBIs renvoient explicitement au principe du droit international pour

préciser le standard du traitement juste et équitable et/ou la protection et sécurité intégrales. C’est le

cas du TBI avec la France dont l’article 4 dispose que chacune des parties au traité accordera aux

investisseurs de l’autre partie un traitement juste et équitable « conformément aux principes du droit

international ». D’autres TBIs renvoient, au contraire, exclusivement au droit national. Ainsi en est-il du

TBI avec l’Inde dont l’article 3 précise que les investissements devront être traités de manière juste et

équitable, et devront jouir d’une protection et sécurité pleines sur le territoire de l’Etat d’accueil en

conformité avec ses lois et régulations (« in accordance with its laws and regulations »). Enfin, une

troisième catégorie de TBIs fait référence aussi bien aux lois nationales qu’au droit international. C’est le

cas, par exemple, des TBIs avec la Suisse et la Suède qui soulignent l’obligation d’accorder un traitement

juste et équitable aux investisseurs étrangers « conformément au droit des gens et aux dispositions des

législations nationales ». De manière moins neutre, le TBI avec les Etats-Unis semble installer une

hiérarchie entre lois nationales et droit international. En effet, l’article 2 de ce traité indique dans un

premier temps que le traitement, la protection et la sécurité des investissements doit être en conformité

avec les lois nationales (« shall be in accordance with applicable national laws »), avant de préciser que

les standards prévus par les lois nationales ne devront pas être inférieurs à ceux prévus par le droit

7 Voir supra, les affaires CIRDI sur le fondement de TBI.

8 Sans doute parce que ces accords datent.

9 Par exemple, les TBI conclus avec l’Allemagne et les Pays-Bas respectivement en 1964 et en 1979 se réfèrent uniquement à la

« protection et à la sécurité pleines et entières ». A l’inverse, les TBIs conclus avec la République de Corée, la Suède et la Suisse

ne se réfèrent qu’au traitement juste et équitable.

10 Par exemple, les TBI conclus avec les Etats-Unis, la Grande Bretagne, l’Inde, l’Ile Maurice et la Turquie prévoient dans le même

article aussi bien le traitement justice et équitable que la protection et sécurité intégrales.

11 Cf. le TBI conclu avec la France dont les articles 4 et 6 prévoient distinctement le traitement juste et équitable et la protection

et sécurité intégrales.

4

international ( « … and shall in no case be less than that required by international law »).

Toujours sur le fond, on note que certains TBIs renvoient explicitement au principe général de non-

discrimination pour préciser le standard de protection requis de l’Etat d’investissement, alors que

d’autres se contentent d’énoncer vaguement l’obligation de protection12. Le principe général de non-

discrimination est énoncé explicitement dans les TBIs avec l’Argentine, les Etats-Unis, la Grande

Bretagne, l’Inde, l’Ile Maurice et la Turquie, et implicitement dans les TBIs avec la Suisse et la Suède. En

revanche, il est absent des TBIs avec l’Allemagne, la France, la République de Corée, et les Pays-Bas.

Traitement des investissements

Les obligations relatives au traitement des investissements sont celles qui exigent de l’Etat d’accueil

d’accorder aux investisseurs étrangers, d’une part, un traitement similaire à celui accordé aux

ressortissants nationaux (traitement national) et, d’autre part, un traitement non moins favorable que

celui accordé aux ressortissants de pays tiers (traitement de la nation la plus favorisée). Ces obligations

sont prévues dans tous les TBIs sénégalais en vigueur, à l’exception des TBIs avec la Roumanie, la Suède

et la Suisse qui ne contiennent qu’une clause de la nation la plus favorisée et pas de clause de traitement

national. Dans les cas où les deux standards de traitement sont prévus, ils sont, de manière uniforme,

consignés dans un seul et même article dédié au « traitement des investissements ». Par ailleurs, il arrive

que les obligations de traitement et les obligations de protection soient indistinctement rédigées dans

le même article : c’est le cas des TBIs avec l’Argentine et les Etats-Unis.

Sur le fond, il faut souligner qu’en général les TBIs en vigueur du Sénégal se contentent d’énoncer

vaguement l’obligation d’accorder un traitement national et un traitement de la nation la plus favorisée,

sans en préciser le contenu précis. Les seules exceptions notées concernent quelque peu les TBIs avec

l’Allemagne et les Etats-Unis. Dans le cas du TBI avec l’Allemagne, c’est par le biais d’un protocole

additionnel annexé à l’accord, qu’il est précisé, à l’article 2 additionnel dudit protocole, que seront

considérées comme ayant été édictées dans des « conditions moins favorables » que les investisseurs

nationaux et ceux ressortissants de pays tiers, les mesures restrictives « touchant à l’acquisition de

matières premières et de matières auxiliaires, de force motrice, et de combustibles ainsi que de moyens

de production et d'exploitation de tout genre, toute entrave à la vente de produits à l'intérieur du pays

et à l‘étranger, ainsi que toutes autres mesures ayant des effets analogues"13. Plus loin, il est précisé que,

« en revanche, les mesures prises pour des raisons de sécurité, de santé et d’ordre publics, ou de moralité

12 Il faut noter toutefois que, en principe, l’absence de référence explicite au principe de non-discrimination ne signifie pas que la

non-discrimination est exclue du champ de l’obligation de protection incombant à l’Etat d’accueil. Il est admis en doctrine comme

en jurisprudence que l’obligation de protection renvoie à la norme minimale de traitement des étrangers en droit international,

laquelle inclut naturellement l’obligation de ne pas discriminer.

13 Ad Article a) aa)).

5

dont l’intervention s’avérerait nécessaire, ne sont pas considérées comme ‘conditions moins favorables’

au sens de l’article 2 »14, de même que les mesures « tendant à la réorganisation fonctionnelle de certains

secteurs particuliers de l’économie nationale » 15 . Les alinéas suivants de l’article 2 additionnel du

protocole contiennent des dispositions supplémentaires délimitant le champ d’application des

obligations de traitement national et de la nation la plus favorisée.

Alors que les précisions supplémentaires dans le cadre du TBI avec l’Allemagne tendent à cerner de

manière limitative le champ d’application des obligations de traitement national et de la nation la plus

favorisée, il semblerait en revanche que les précisions contenues dans le TBI avec les Etats-Unis tendent

plutôt vers une extension du champ d’application desdites obligations. En effet, l’article 2.2 du traité

dispose que celles-ci s’étendent non seulement aux investissements réalisés, mais en plus aux activités

qui y sont associées (« associated activities »), et énumère plus loin une liste d’activités considérées

comme des activités « associées à l’investissement ». De surcroît, le TBI avec les Etats-Unis est le seul des

TBIs en revue qui contient une disposition interdisant l’imposition par l’Etat d’accueil des prescriptions

de résultat ou contraintes d’exploitation (« performance requirements »). En effet, l’article 2.8 du TBI

dispose que : « Aucune des Parties ne devra imposer des prescriptions de résultat (ou contraintes

d’exploitation) (…) qui exigent ou imposent l'obligation d'exporter les marchandises produites ou qui

disposent que des biens ou services doivent être achetés sur place, ou qui établissent d'autres

obligations analogues »16. Cette disposition constitute sans nul doute un frein au droit de l’état de

poursuivre certaines politiques publiques car lui interdisant notamment d’imposer des obligations par

exemple en matière d’emploi, de recrutement ou de formation des nationaux, d’implantation de projets

dans des zones ciblées, d’exportation de produits fabriqués etc.

Enfin, si presque tous les TBIs en vigueur du Sénégal édictent une obligation générale pour l’Etat

d’accueil d’accorder aux investisseurs étrangers un traitement non moins favorable que celui accordé

aux ressortissants nationaux (traitement national) et aux ressortissants de pays tiers (traitement de la

nation la plus favorisée), ceux conclus avec la Turquie et les Etats-Unis contiennent une précision de

taille à savoir que ces obligations ne s’appliquent qu’aux investissements effectuées dans les

circonstances similaires (« like situations » ou « like circumstances ») à celles des investissements

effectués par les investisseurs nationaux et ceux ressortissants de pays tiers. Cette stipulation exclut ainsi

du champ de l’obligation de traitement non discriminatoire les investissements ayant été réalisés dans

des conditions non analogues.

Dérogations aux obligations de traitement

14 Ad Article 2 a) bb).

15 Ad Article 2 a) cc). 16 Notre traduction.

6

Il est de coutume que les parties à un TBI prévoient des dérogations ou des exceptions aux obligations

de traitement auxquelles elles s’engagent. Il s’agit en général de préserver certaines politiques publiques

en les soustrayant des obligations de non-discrimination résultant des clauses du traitement national et

de la nation la plus favorisée. Les TBIs conclus par le Sénégal ne dérogent pas à cette pratique, et

contiennent tous une clause de dérogation ou d’exception, bien que le contenu de celle-ci varie d’un

TBI à un autre. Sur le fond, la plupart des TBIs sénégalais (à l’exception de ceux avec l’Allemagne et les

Etats-Unis) ont en commun le fait qu’ils prévoient que l’obligation de traitement national et/ou de la

nation la plus favorisée ne s’étendra pas aux avantages accordés à un investisseur national ou tiers en

vertu d’une union douanière, d’une zone de libre échange, d’une union économique ou d’un accord

international, y compris en matière d’imposition. Les TBIs avec la France et l’Ile Maurice excluent

également du champ de l’obligation de traitement non discriminatoire les avantages accordés aux

institutions financières de de développement17.

De manière surprenante, le TBI avec les Etats-Unis ne contient pas d’exception relative à une union

douanière, une zone de libre échange ou un espace économique commun. En revanche, l’article 2.3(a)

de ce traité prévoit la possibilité pour chaque partie d’indiquer des exceptions sectorielles, c’est-à-dire

les secteurs pour lesquels elles ne seraient pas tenues d’accorder un traitement national ou un traitement

de la nation la plus favorisée. A cet égard, il résulte de l’annexe au TBI que le seul secteur exclu par le

Sénégal est celui des petites et moyennes entreprises, alors que les Etats-Unis ont, pour leur part,

entendu exclure 14 secteurs. Chaque partie garde cependant la possibilité de notifier d’autres secteurs

après l’entrée en vigueur du TBI, sachant néanmoins que leur exclusion ne vaudra que pour les

investissements futurs dans ces secteurs18.

Le TBI avec l’Allemagne ne contient pas non plus d’exception portant sur une union douanière, une zone

de libre échange ou un espace économique commun19. En revanche, le protocole additionnel au traité

a entendu exclure l’entrée, le séjour et l’emploi salarié du champ l’application de la clause du traitement

national et de la nation la plus favorisée 20 . Il prévoit également la possibilité pour chaque partie

contractante, « dans l’intérêt de son économie nationale » de notifier à l’investisseur de l’autre partie

contractante, par le biais de l’agrément ou de l’autorisation d’investissement, des conditions spéciales

pour la réalisation et le déroulement de l’investissement, auquel cas l’article 2 du TBI (traitement national

et traitement de la nation la plus favorisée) ne serait pas opératoire21. En d’autres termes, l’obligation

d’accorder un traitement non discriminatoire ne s’appliquera pas aux mesures prises par l’Etat d’accueil

dans l’exercice de son droit de réguler l’admission des investissements étrangers.

17 Article 5 dernier alinéa du TBI avec la France ; et Article 4 (5) du TBI avec l’Ile Maurice.

18 Article 2.3(b)

19 On peut le comprendre puisque la signature de ce traité est intervenue au lendemain des indépendances.

20 Article additionnel 2(b).

21 Article additionnel 2(c).

7

Garantie des investissements

Les dispositions des TBIs tendant à garantir les investissements étrangers sont principalement celles qui

sont relatives à l’expropriation/nationalisation, la compensation pour pertes, le libre transfert, et le

respect des engagements spécifiques.

1) Expropriation, nationalisation et mesures d’effet équivalent : les TBIs sénégalais contiennent le

principe de base du droit international coutumier en vertu duquel les investissements étrangers ne

doivent pas faire l’objet d’expropriation, de nationalisation ou de mesures d’effet équivalent, à moins

que ce ne soit pour des raisons d’utilité publique, conformément à la loi, sans discrimination et, enfin,

accompagnée d’une juste indemnisation22. Certains TBIs contiennent une condition supplémentaire à

savoir que l’acte d’expropriation/nationalisation ne doit pas constituer une violation d’une clause de

stabilité contractuelle ou d’un autre engagement spécifique 23 . Sont visées dans les clauses de

dépossession non seulement les mesures d’expropriation directe mais également les mesures

d’expropriation indirecte. Le TBI avec la Turquie précise cependant que les mesures non discriminatoires

prises pour protéger les intérêts publics légitimes de l’Etat, telles que la santé, la sécurité et

l’environnement, ne constituent pas une expropriation indirecte24. Enfin, les TBIs avec les Etats-Unis, l’Ile

Maurice et l’Inde visent également les expropriations d’entreprises de droit local dans lesquelles

l’investisseur ressortissant de l’autre partie dispose de certains avoirs. Dans ces cas, il est également

prévu que l’Etat d’accueil devra indemniser ce dernier dans les mêmes termes qu’une indemnisation.

2) Compensation pour pertes : les TBIs sénégalais (sauf ceux avec la Suède et la Suisse) prévoient

également des cas de compensation pour pertes dues notamment à une guerre, conflit armé, révolution,

émeute, état d’urgence national etc. Cette disposition est tantôt insérée au sein de la clause relative à

l’expropriation, tantôt dans une clause séparée intitulée « compensation pour pertes ». Dans les deux

cas, la disposition prévoit que l’Etat d’accueil dans lequel de tels évènements se sont produits devra

accorder aux investisseurs affectés un traitement non moins favorable que celui accordé à ses propres

nationaux ou aux investisseurs de la nation la plus favorisée. A la différence des cas d’expropriation,

nationalisation ou mesures d’effet équivalent, où le traitement prend nécessairement la forme d’une

indemnisation, dans les cas de compensation pour pertes une indemnisation n’est pas requise.

Seulement, tout traitement accordé aux investisseurs nationaux ou de pays tiers dans de telles

circonstances, quel qu’il soit (restitution, indemnité, dédommagement ou autre) devra également être

22 En revanche les TBIs avec la Suisse et la Suède ne prévoient comme conditions que la non-discrimination et le paiement

d’une indemnité prompte et adéquate. La condition de conformité à la loi n’est pas inscrite.

23 Cf. Les TBIs avec les Etats-Unis (Article 3(1)(d)), la France (article 6.2), la suisse (article 7 in fine) et la Suède (article 12 in fine)

disposent également que les mesures de dépossession ne devront pas être contraires à un engagement spécifique. 24 Article 5.2.

8

étendu aux investisseurs couverts par le TBI applicable.

3) Libre transfert : les dispositions des TBIs relatives au transfert garantissent aux investisseurs étrangers

la possibilité d’effectuer ou de recevoir librement et dans une monnaie convertible des transferts de

fonds relatifs à leurs investissements. Ce principe est réitéré dans tous les TBIs sénégalais en vigueur.

Certains TBIs assortissent ce principe de quelques atténuations d’ordre légal ou économique. D’un point

de vue légal, il est prévu dans certains cas que la liberté de transfert doit s’exercer dans les limites, y

compris procédures, fixées par la loi25. D’un point de vue économique, le TBI avec la France (article 7) et

la Grande Bretagne (article 6) prévoient la possibilité pour l’Etat d’accueil d’appliquer des mesures de

sauvegarde dans des circonstances exceptionnelles, notamment les mouvements de capitaux causent

ou menacent de causer un déséquilibre grave pour la balance des paiements de l’Etat d’accueil.

4) Respect des engagements spécifiques : la clause de respect des engagements, appelée également

« clause parapluie » oblige les parties à un TBI à se conformer à tous les autres engagements auxquels

elles ont souscrit à l’égard des investissements réalisés sur leur territoire par leurs ressortissants

respectifs, y compris les engagements contractuels. L’insertion de cette clause dans les TBIs permet aux

investisseurs de bénéficier de la protection du traité pour des engagements extérieurs au traité. Cette

clause se retrouve dans certains TBIs sénégalais en vigueur26. Le TBI avec la France contient un article 10

intitulé « Engagement spécifique », mais c’est pour préciser que les engagements particuliers pris par

l’Etat d’accueil à l’égard des investissements ne seront pas régis par le TBI sauf si les dispositions de ce

dernier sont plus favorables.

Réglement des litiges état-

investisseur

Il est frappant de noter que les clauses de règlement des différends entre Etats et investisseurs sont très

diversement rédigées dans les TBIs conclus par le Sénégal. Il est impossible de dégager une clause type

de règlement des différends. Il y’a uniquement deux éléments communs à toutes les dispositions sur le

règlement des différends. Le premier tient au fait qu’elles prévoient toutes une tentative de règlement

amiable (négociation ou consultation) préalablement au règlement du litige par voie arbitrale ou

judiciaire. Tous les TBIs prévoient un délai de règlement amiable de 6 mois. L’autre point de convergence

tient au fait que tous les TBIs prévoient la possibilité de soumettre le litige au Centre international de

règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), à l’exception des TBIs avec la Suisse27,

25 Cf. par exemple article 3 du TBI avec les Etats-Unis ; article 5.2 du TBI avec la Roumanie ; article 6 du TBI avec les Pays-Bas.

26 Cf. article 8 in fine du TBI avec les Pays-Bas ; article 4.6 du TBI avec l’Ile Maurice ; article 7 in fine du TBI avec l’Allemagne ;

article 3.3 TBI avec la Roumanie ; article 7 du TBI avec l’Argentine. 27 La conclusion de ce TBI a précédé l’adoption de la Convention de Washington créant le CIRDI.

9

l’Allemagne 28 , la Suède 29 et l’Ile Maurice 30 . Au-delà de ces points de convergence, certains TBIs

présentent des particularités.

La clause de règlement des différends du TBI avec les Etats-Unis (article 7) présente trois particularités.

D’abord, c’est le seul traité parmi ceux étudiés à définir ce qu’il faut entendre par « différend relatif à un

investissement » (« investment dispute »), en précisant qu’il s’agit de tout différend relatif à : (a)

l’interprétation ou l’application d’un accord d’investissement entre l’Etat d’accueil et l’investisseur

ressortissant de l’autre partie contractante ; (b) l’interprétation ou l’application d’une autorisation

d’investissement délivrée par l’Etat d’accueil ; (c) ou la violation alléguée d’un droit de l’investisseur en

vertu du TBI. Ainsi, au vu des points (a) et (b), on peut souligner que la clause de règlement des litiges

ne vise pas uniquement les différends résultant d’une violation du TBI. La deuxième particularité résulte

du fait que l’article 7 ne dicte pas aux parties les moyens de régler leur litige à défaut d’un règlement

amiable. En effet, la clause se contente de renvoyer aux modes de règlement des litiges préalablement

définis par les parties en litige31. De surcroît, en vertu de l’article 7.3, le recours à l’arbitrage ou la

conciliation CIRDI ne semble imposé que si, au-delà de la période de règlement amiable de 6 mois, les

parties au litige n’ont, d’une part, pas recouru au mode de règlement des litiges qu’elles ont souscrite

et, d’autre part, pas soumis leur litige aux juridictions nationales compétentes de l’Etat partie au litige.

Ainsi, à la différence des autres TBIs sénégalais, le recours au CIRDI n’est pas automatique. Enfin, la

troisième particularité de la clause de règlement des litiges du TBI avec les Etats-Unis tient au fait qu’elle

contient une disposition excluant son applicabilité à certains litiges, notamment ceux résultant des

activités de l’agence américaine d’import-export ou d’arrangements spécifiques en matière de prêts,

garanties et assurances en vertu desquels les parties ont convenu d’autres moyens de règlement des

différends (article 7.6). Cette disposition semble avoir été introduite au bénéfice exclusif des Etats-Unis.

Le TBI avec la Turquie présente également des spécificités. S’agissant de l’organe de règlement des

litiges, l’article 9 envisage non seulement l’option du CIRDI, mais aussi les juridictions étatiques

compétentes et l’arbitrage sous l’égide de la Commission des Nations Unies sur le droit commercial

international (CNUDCI)32. Au regard du paragraphe introductif de l’article 9.233, il apparaît que le choix

de l’une ou l’autre juridiction ait été laissé à l’entière discrétion de l’investisseur. L’autre spécificité

découle de ce que l’article 9 énonce le droit applicable au fond du litige en renvoyant aux dispositions

28 Idem. 29 Le TBI avec la Suède ne contient pas de clause de règlement des différends état-investisseur. Il ne prévoit que le règlement

des litiges entre les parties contractantes. 30 Le TBI avec l’Ile Maurice prévoit un recours aux juridictions étatiques, avec la possibilité d’un recours à l’arbitrage ad hoc pour

les différends portant sur les montants d’indemnisation consécutifs à une expropriation, nationalisation ou mesure d’effet

équivalent (article 8).

31 La clause stipule notamment que “If the dispute cannot be resolved through consultation and negotiation, then it shall be

submitted for settlement in accordance with the applicable dispute-settlement procedures upon which the parties have

previously agreed” (article 7.2, troisiéme phrase). 32 C’est le cas aussi du TBI avec l’argentine (article 9)

33 Cette indication découle de la référence à « as the investor may choose ».

10

du traité, aux lois et régulations de l’Etat partie au litige et aux principes pertinents de droit international

acceptés par les parties au TBI (article 9.3)34. Enfin, une dernière spécificité du TBI avec la Turquie découle

de ce que, en vertu de l’article 9.5, la Turquie a entendu encadrer son consentement à l’arbitrage. Ainsi,

il en ressort que le consentement de la partie Turque ne s’est exprimé qu’à l’égard des différends ayant

été valablement autorisés en vertu de la législation turque sur les capitaux étrangers et s’étant

effectivement matérialisés. De plus, il est prévu que les litiges portant sur les droits de propriété et autres

droits réels seront soumis à la compétence exclusive des tribunaux turcs. Ici également, ces limitations

ont été introduites au bénéfice exclusif de la Turquie.

La clause de règlement des litiges du TBI avec la Roumanie présente la particularité de ne pas contenir

de clause générale de règlement des litiges entre état-investisseur. La seule disposition relative au

règlement des litiges état-investisseur qu’on retrouve est celle prévue dans l’alinéa 2 de l’article 4

(expropriation) qui vise les différends résultant d’une contestation du montant de l’indemnisation

accordé par une juridiction nationale à la suite d’une expropriation ou d’une nationalisation. Il s’agit

alors d’une clause restreinte de règlement des litiges.

Le TBI avec l’Ile Maurice présente la particularité de privilégier le recours aux tribunaux compétents de

l’Etat d’accueil pour régler tout litige d’investissement entre ce dernier et l’investisseur ressortissant de

l’autre partie contractante (article 8.2). La possibilité de recourir à l’arbitrage semble avoir été envisagée

uniquement pour les différends résultant d’une contestation du montant de l’indemnisation

consécutivement à une expropriation, nationalisation ou mesures d’effet équivalent (article 8.3), à moins

que l’investisseur n’ait déjà opté pour le mécanisme de l’article 8.2 (tribunaux étatiques). S’agissant du

tribunal arbitral, la clause de règlement des litiges du TBI Sénégal-Ile Maurice prévoit un arbitrage ad

hoc, tout en se référant aux mécanismes de certaines institutions d’arbitrage. Ainsi, en même temps que

l’article 8 indique les modalités précises de constitution du tribunal arbitral par les parties (alinéa 4), il

prévoit par ailleurs, d’une part, la saisine du président de l’institut d’arbitrage de la chambre de

commerce de Stockholm au cas où les parties au litige s’abstiendraient de désigner leurs arbitres (alinéa

5) et, d’autre part, le devoir pour le tribunal arbitral constitué de déterminer sa propre procédure en se

référant à la convention de Washington créant le CIRDI (alinéa 6).

La clause de règlement des litiges du TBI avec l’Inde (article 9) est la seule qui prévoit trois niveaux

d’intervention. Le premier tient d’abord au règlement amiable dans un délai de 6 mois. Le deuxième, en

cas d’échec du règlement amiable, vise le recours aux procédures contentieuses ou administratives de

l’Etat d’accueil de l’investissement ou à la conciliation de la CNUDCI (alinéa 2). Enfin, le troisième niveau

est celui de l’arbitrage CIRDI ou CNUDCI (alinéa 3).

34 Une telle référence se retrouve également dans le TBI conclu avec l’Argentine (article 9.4).

11

La clause de règlement des litiges du TBI avec la France (article 8) est la seule qui prévoit, en plus du

CIRDI et de la CNUDCI, la possibilité de recourir à l’arbitrage de la Cour commune de justice et

d’arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA). Le

TBI avec la France est aussi le seul dont la clause de règlement des différends régit expressément les cas

où le litige implique les collectivités publiques ou émanations de l’une des parties contractantes au TBI,

en précisant que pour les besoins de l’arbitrage CIRDI et en vertu de l’article 25 de la Convention de

Washington, ces dernières devront accorder de manière inconditionnelle leur consentement à

l’arbitrage.

Enfin, il est intéressant de voir la question du partage des coûts de l’arbitrage règlementée dans certains

TBIs conclus par le Sénégal. On retrouve cette règlementation notamment dans les TBIs avec la

Roumanie (article 8.4), l’Ile Maurice (article 8.10), et l’Inde (article 9.4(v)).

Affaires CIRDI sur le fondement de

TBIs

Le Sénégal a été impliqué, à ce jour, dans 4 litiges arbitraux devant le CIRDI, dont trois sur le fondement

de TBIs35. Ces trois affaires sont: Millicom International Operations B.V. et Sentel GSM S.A. c. Sénégal ;

VICAT c. Sénégal ; et, Menzies Middle East et autres. c. Sénégal.

Affaire Millicom c. Sénégal (ARB/08/20)

L’affaire Millicom résulte de réclamations formulées à l’encontre du gouvernement du Sénégal par deux

filiales de Millicom International Cellular S.A., une société de télécommunications luxembourgeoise, à

savoir Millicom International Operations B.V (MIOB) et Sentel GSM S.A. ("Sentel"). Sentel est la filiale

sénégalaise de MIOB, société mère de droit néerlandais. En 1998, le gouvernement du Sénégal avait

accordé à Sentel une licence longue durée pour l'exploitation d'un réseau de téléphonie mobile au

Sénégal. Les termes de la licence étaient régis par une concession. Dix ans plus tard, le gouvernement

sénégalais a adopté un décret mettant fin aux droits de Sentel. Dans l'arbitrage du CIRDI qui a suivi,

Sentel avait réclamé des dommages pour violation de la concession, en se fondant sur les dispositions

de la concession de 1998 qui prévoyait l’arbitrage CIRDI pour le règlement des litiges résultant de la

concession. De son côté, MIOB, société mère néerlandaise de Sentel, s’était fondée sur le TBI Pays-Bas –

Sénégal pour affirmer devant le CIRDI que l'annulation de la licence constituait une expropriation et un

traitement injuste violant les dispositions du TBI.

Après avoir donné lieu à une décision sur la compétence rendue par le tribunal arbitral CIRDI le 16 Juillet

35 L’affaire SOABI c. Sénégal est le premier litige d’investissement impliquant le Sénégal devant le CIRDI mais il s’agissait d’une

affaire sur le fondement de la violation d’un contrat, pas d’un TBI.

12

201036, l’affaire Millicom s’est finalement soldée par un règlement amiable des parties consigné dans

une sentence non publique du tribunal arbitral rendue le 27 Novembre 2012 en vertu de l’article 43(2)

du règlement d’arbitrage du CIRDI. Elle n’a donc pas donné lieu à une sentence au fond.

Cependant, certains éléments de la décision de compétence méritent d’être soulignés en cela qu’ils

mettent en lumière l’importance de rédiger soigneusement certaines dispositions des TBIs en accord

avec les intérêts poursuivis par l’Etat. Ainsi, pour contester la compétence du tribunal arbitral sur le

fondement de l’article 10 du TBI, le Sénégal avait soulevé, entre autres objections : a) l’absence d’un

consentement de l’Etat à l’arbitrage CIRDI ; b) la non-extension de la protection du TBI aux personnes

morales, en l’espèce la société MIOB ; et, enfin, c) l’absence d’un « investissement » au sens du TBI.

(a) L’absence d’un consentement à l’arbitrage CIRDI

L’article 10 du TBI dispose ce qui suit : « La Partie Contractante sur le territoire de laquelle un

ressortissant de l’autre Partie Contractante effectue ou envisage d’effectuer un investissement, devra

consentir à toute demande de la part de ce ressortissant en vue de soumettre, pour arbitrage ou

conciliation, tout différend pouvant surgir au sujet de cet investissement au Centre institué en vertu de

la Convention de Washington du 18 mars 1965 pour le règlement des différends relatifs aux

investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats ». Pour le Sénégal, l’expression « devra

consentir » devait être interprétée comme une proposition générale d’arbitrage et non comme un

consentement à l’arbitrage CIRDI. En d’autres termes, l’argument du Sénégal était de dire qu’un

consentement spécial de l’Etat devait être obtenu à la survenance de chaque litige. En outre, ce

consentement « spécial » n’ayant pas été donné, le Sénégal était d’avis que le tribunal arbitral devait se

déclarer incompétent.

Le tribunal arbitral rejeta cet argumentaire en procédant à une interprétation de l’article 10 à la lumière

des principes d’interprétation de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. A cet égard,

se basant sur le texte, l’origine et l’esprit de la règle, le tribunal arbitral conclût que « la République du

Sénégal, en ratifiant l’accord [le TBI] a de manière générale donné son consentement à tout arbitrage

qui pourrait être ultérieurement être introduit contre elle dans une procédure CIRDI aux conditions

prévues à l’article 10 »37.

L’enseignement à tirer de ce qui précède est la nécessité de rédiger de manière non équivoque les

clauses de règlement des différends à la lumière des intérêts de l’Etat. Si l’intention véritable du

Sénégal au moment de conclure le TBI avec les Pays-Bas était de conditionner l’arbitrage à un

consentement spécial, cette intention devait être clairement exprimée par les parties au TBI dans des

36 La décision peut être consultée à l’adresse suivante :

https://icsid.worldbank.org/apps/ICSIDWEB/cases/Pages/casedetail.aspx?CaseNo=ARB/08/20&tab=DOC

37 Ibid, para 66.

13

termes ne prêtant à aucune interprétation contraire. A défaut d’une rédaction précise, il semble difficile

de ne pas approuver l’interprétation du tribunal arbitral en l’espèce selon laquelle on ne saurait

présumer, à la lumière des objectifs poursuivis par le TBI, que l’application de la clause de règlement des

différends ait été laissée à l’entière discrétion de l’Etat. L’absence d’une intention clairement exprimée

laissera tout tribunal arbitral penser que l’argument de la nécessité d’un consentement spécial n’est en

réalité qu’un moyen de défense parmi d’autres pour renier la compétence du tribunal.

(b) La non-extension de la protection du TBI aux personnes morales

Un autre moyen d’incompétence soulevé par le Sénégal consistait à dire que le terme « ressortissant »

mentionné à l’article 10 du TBI incluait uniquement les personnes physiques et non les personnes

morales. Autrement dit, seules les personnes physiques pouvaient prétendre accéder à l’arbitrage CIRDI.

Pour soutenir ce point de vue, le Sénégal s’était basé sur la définition du terme « ressortissant » à l’article

1 alinéa 3 du TBI qui dispose que « le terme ‘ressortissants’ comprend à l’égard de l’une et l’autre des

Parties contractantes les personnes physiques ayant la nationalité de cette Partie contractante

conformément à la législation de celle-ci ». En conséquence, le Sénégal avait suggéré que la MIOB, en

tant que personne morale, ne pouvait pas se prévaloir de l’article 10 du TBI pour accéder au CIRDI.

Une lecture stricte du texte de l’article 1 alinéa 3 ne laisse aucun doute quant à l’exclusion des personnes

morales de l’offre d’arbitrage. Le tribunal arbitral le reconnaît d’ailleurs38. Cependant, pour en entériner

les conséquences en termes de compétence, encore fallait-il que l’intention de ne couvrir que les

personnes physiques eût été exprimée sans équivoque dans le TBI. Or, comme le tribunal l’a lui-même

noté, « toutes les dispositions matérielles [du TBI] affirment accorder une protection spéciale tant aux

ressortissants (au sens de l’article 1) qu’aux ‘sociétés de l’autre partie’ ; toutes placent donc sur le même

pied d’égalité personnes physiques et sociétés »39. A la lumière de cette observation, il semblait alors

impossible au tribunal de ne pas interpréter l’article 10 à la lumière de sa « fonction dans le système de

l’accord » et déclarer en définitive qu’on ne saurait renier à MIOB le droit d’accéder à l’arbitrage CIRDI

sur la seule base de la référence textuelle aux personnes physiques dans l’article 10.

L’enseignement que le Sénégal devrait tirer de la position finale du tribunal est la nécessité de

s’assurer de l’entière cohérence de toutes les dispositions d’un TBI. Indiquer une chose dans une

clause, et exprimer son opposé dans une autre ne peut légitimement que pousser un tribunal arbitral à

retenir une interprétation fonctionnelle favorable à l’investisseur.

(c) L’absence d’un investissement au sens du TBI

Dans son argumentaire contre la compétence du tribunal arbitral, le Sénégal avait également souligné

38 Para. 70(a) de la décision. 39 Para.71(b) de la décision.

14

que l’investissement de la MIOB à travers la Sentel ne s’apparentait pas à un « investissement » au sens

de l’article 10 du TBI. Pour rejeter cet argument, le tribunal arbitral avait noté, pour affirmer que la

condition de l’existence d’un « investissement » était remplie, que l’article 1 du TBI « donne de

l’investissement une définition extrêmement large (…) »40, en précisant notamment que « le terme

‘investissements de capitaux’ comprend toutes les catégories de biens, y inclus toutes les catégories de

droit ». Une telle définition rendait incontestablement l’activité d’exploitation d’un réseau de téléphonie

mobile directement éligible à la protection du TBI, et donc MIOB pouvait bien se prévaloir de l’article 10

pour accéder au CIRDI.

L’enseignement que le Sénégal devrait tirer de ce qui précède est la nécessité de définir

soigneusement le terme « investissement » dans ses TBIs. Une définition large pourrait conduire à

faire bénéficier certains types d’activités de la protection du TBI alors que peut-être ce ne fût pas

l’intention originelle de l’Etat. Il semble mieux indiqué, pour éviter une généralisation non voulue de

l’offre de protection de l’Etat, de procéder à une définition restrictive du terme « investissement »

inspirée des objectifs de développement économique de l’Etat. Pour ce faire, il semble pertinent de

mettre en cohérence la définition du terme « investissement » dans les TBIs avec l’article 2 (« secteurs

d’activités éligibles ») du Code sénégalais des investissements de 2004.

Affaire Vicat c. Sénégal (ARB/14/19)

Cette affaire oppose la République du Sénégal à la société Vicat, une entreprise de droit français. Elle a

été portée devant un tribunal arbitral CIRDI sur le fondement du TBI France – Sénégal signé en 2007.

Vicat reproche notamment au Sénégal d’avoir accordé un traitement plus favorable à une société

d’origine nigériane, concurrent de Vicat dans le domaine de la production de ciment. Il est en particulier

reproché au Sénégal de n’avoir pas soumis la société d’origine nigériane à l’obligation de se conformer

à certaines régulations environnementales, ce au détriment de Vicat41.

L’affaire Vicat est encore pendante devant le tribunal arbitral constitué, et n’a pas encore donné lieu, au

jour d’aujourd’hui, à une décision ou sentence.

Affaire Menzies Middle East & Africa et AHSI. c. Sénégal (ARB/15/21)

L’affaire Menzies est la plus récente des affaires CIRDI impliquant le Sénégal. Elle a été portée devant le

tribunal arbitral conjointement par Menzies Middle East & Africa (MMEA), une société

luxembourgeoise, et Aviation Handling Services International Limited (AHSI), une société basée aux îles

vierges britanniques. La requête d’arbitrage est fondée sur : 1) le TBI Sénégal – Pays-Bas de 1979 ; 2) le

TBI Sénégal – Grande Bretagne & Irlande du Nord de 1980 ; 3) le Code sénégalais des investissements

40 Para.79(b) de la décision. 41 Source : www.Investmentpolicyhub.unctad.org

15

de 2004 ; et 4) l’Accord général sur le commerce des services de l’Organisation mondiale du commerce

(AGCS). L’investissement des demanderesses au Sénégal consiste en leur participation dans la société

Aviation Handling Services (AHS S.A), une société de droit sénégalais spécialisée dans l’assistance en

escale dans le secteur aéronautique. En l’espèce, les demanderesses reprochent à l’Etat du Sénégal

d’avoir porté préjudice à leurs investissements en ayant mis AHS S.A sous administration provisoire, les

demanderesses considérant cet acte comme une expropriation déguisée, ce que, de son côté, le Sénégal

conteste en soutenant que la mesure résultait d’une enquête judiciaire interne sur l'enrichissement illicite

contre un ancien ministre sénégalais pour le transport aérien.

L’affaire Menzies est encore pendante devant le tribunal arbitral constitué et a donné lieu, à ce jour, à

une Ordonnance de procédure portant décision du tribunal arbitral sur la demande de mesures

conservatoires par les demanderesses42.

TBIs et Code sénégalais des

investissements

La relation entre le Code sénégalais des investissements de 2004 et les TBIs conclus par le Sénégal est

spécialement régie par l’article 3 du premier (« Traités et accords conclus avec d’autres Etats ») qui

dispose que « les dispositions du présent Code ne font pas obstacle aux avantages et garanties plus

étendus qui seraient prévus par les traités ou accords conclus ou pouvant être conclus entre la

République du Sénégal et d’autres Etats ».

On retrouve le contenu de certaines dispositions des TBIs sénégalais dans le Code des investissements.

On peut citer l’article 4 (« Garanties et protection de la propriété ») qui prévoit une protection entière

de la propriété privée et la garantie contre toute forme de nationalisation, expropriation ou réquisition

sauf pour cause d’utilité publique, légalement prévue, auquel cas il est prévu que l’investisseur

bénéficiera d’une juste indemnisation. On peut aussi citer les articles 6 et 7 (« Garantie de transfert de

capitaux » ; « garanties de transfert des rémunérations ») ; les articles 9, 10 et 11 (« Egalité de

traitement ») qui prévoient que les investisseurs, personnes physiques ou morales, intervenant dans les

secteurs d’activités éligibles mentionnés à l’article 2 du Code, bénéficieront d’un traitement identique à

celui des personnes physiques ou morales de nationalité sénégalaise (traitement national), sous réserve

cependant de réciprocité, des dispositions des traités et accords conclus par la République du Sénégal

avec d’autres Etats, et des « Régimes privilégiés » prévus au Titre 3 du Code. Sur ce point précis, on peut

souligner d’ores et déjà que le principe de l’assujettissement du traitement national aux « régimes

privilégiés », pourtant bien présent dans le Code des investissements, ne se retrouve dans aucun

des TBIs Sénégalais étudiés dans le présent rapport. La principale conséquence que pourrait

42 Disponible à l’adresse :

https://icsid.worldbank.org/apps/ICSIDWEB/cases/Pages/casedetail.aspx?CaseNo=ARB/15/21&tab=DOC

16

engendrer une telle carence est le risque de rendre inopérant le Code des investissements si toutefois

l’Etat de nationalité d’un investisseur éligible au Code des investissements a par ailleurs conclu un TBI

avec le Sénégal. En effet, dans pareil cas, le jeu de l’article 3 du Code des investissements relatif aux

relations entre le Code et les traités conclus avec d’autres Etats, ferait immédiatement primer le TBI sur

le Code des investissements dans la mesure où le premier accorde des « avantages et garanties plus

étendues » en ne prévoyant pas de restrictions au principe du traitement national. Dès lors, il est urgent

de mettre en cohérence les TBIs avec le Code des investissements, qui est par essence l’instrument de

politique publique de l’Etat en matière d’investissements. Ne pas le faire conduirait à ignorer, voire

annihiler les objectifs économiques ayant présidé à l’adoption du Code des investissements.

Dans la même foulée, on peut noter que l’article 12 du Code (« Règlement des différends ») prévoit en

son paragraphe 1 que « tous les différends résultant de l’interprétation ou de l’application du présent

Code qui n’ont pas trouvé des solutions à l’amiable sont réglés par les juridictions sénégalaises

compétentes conformément aux lois et règlements de la République », avant d’ajouter au paragraphe 2

que « les différends entre une personne physique ou morale étrangère et la République du

Sénégal relatifs à l’application du présent Code sont réglés conformément à la procédure de conciliation

et d’arbitrage découlant : soit d’un commun accord entre les parties ; soit d’accords et traités relatifs à

la protection des investissements conclus entre la République du Sénégal et l’Etat dont l’investisseur est

ressortissant ». Cette disposition est ambigüe car elle laisse subsister un doute quant à savoir si les litiges

entre l’Etat et les investisseurs étrangers résultant du Code seront nécessairement et exclusivement

réglés devant les juridictions nationales ou si, au contraire, ces litiges seront exclusivement réglés par

voie d’arbitrage ou conciliation. D’une part, la mention « tous les différends » dans le premier

paragraphe de l’article 12, en opérrant pas une distinction entre les différends impliquant les

investisseurs nationaux et ceux impliquant les étrangers, peut faire supposer la compétence exclusive

des juridictions étatiques. D’autre part, la référence expresse aux différends entre investisseurs étrangers

et la république du Sénégal dans le paragraphe 2 peut tout aussi porter à croire que ces différends

seront exclusivement réglés par voie d’arbitrage ou de conciliation. En conséquence, la clarification de

la portée de l’article 12 est nécessaire et présente un enjeu crucial. En effet, il s’agit de savoir si un

investisseur étranger invoquant une violation du Code aura le choix d’aller à l’arbitrage, y compris sur le

fondement d’un TBI, ou s’il sera tenu de porter son litige devant les juridictions étatiques, ou s’il pourra

faire les deux à la fois. La réponse à cette question est un prérequis pour assurer une protection efficace

des intérêts de l’Etat et éviter les incertitudes juridictionnelles.

Enfin, il est intéressant de noter que le Code des investissements contient un article 14 (« Obligations de

l’Entreprise »), article 22 (« Obligations de l’investisseur bénéficiaire d’un agrément »), et article 25

(« Obligations des entreprises agréées »), qu’on ne retrouve pas de manière systématique dans les TBIs

conclus par le Sénégal. L’inclusion de ce genre de clauses dans les TBIs permettrait de prendre en charge

17

les intérêts légitimes de l’Etat, et de favoriser un rééquilibrage des rapports Etat-investisseur qui, dans

les TBIs, sont déséquilibrées en faveur de l’investisseur.

Durée de validité des TBIs Sénégalais43

Le tableau ci-après indique la liste des TBIs sénégalais en vigueur, ainsi que la durée de leur validité. On

peut noter que 3 TBIs ont été signés au lendemain des indépendances, dans les années 1960 ; 5 dans

les années 1970/1980 ; 1 dans les années 90 ; et cinq dans les années 2000/2010.

Pays Date de signature Date d’entrée en vigueur Durée de validité

Allemagne 24/01/1964 16/01/1966 10 ans, puis pour une durée

illimitée sauf dénonciation.

Argentine 06/04/1993 01/02/2010 10 ans, avec tacite reconduction

sauf dénonciation.

France 26/07/2007 30/05/2010 10 ans, avec tacite reconduction

sauf dénonciation.

Gr. Bretagne et Irlande

du Nord

07/05/1980 09/02/1984 10 ans, avec tacite reconduction

sauf dénonciation.

Etats-Unis 06/12/1983 25/10/1990 10 ans, avec tacite reconduction

sauf dénonciation.

Inde 03/07/2008 17/10/2009 15 ans, avec tacite reconduction

sauf dénonciation.

Italie 13/10/2000 16/12/2008 10 ans, avec tacite reconduction

tous les 5 ans sauf dénonciation.

République de Corée 12/07/1984 02/09/1985 10 ans, avec tacite reconduction

sauf dénonciation.

Ile Maurice 14/03/2002 14/10/2009 15 ans, avec tacite reconduction

sauf dénonciation.

Pays-Bas 03/08/1979 05/05/1981 10 ans, puis pour une durée

illimitée sauf dénonciation.

Roumanie 19/06/1980 20/05/1984 10 ans renouvelables tacitement

pour une même durée sauf

dénonciation

Suéde44 24/02/1967 23/02/1968 1 année, avec tacite reconduction

sauf dénonciation

Suisse 16/08/1962 13/08/1964 2 ans renouvelables tacitement

pour une même durée sauf

dénonciation

Turquie 15/06/2010 17/07/2012 10 ans, avec tacite reconduction

sauf dénonciation.

La plupart des TBIs ont une durée de validité de 10 ans à compter de la date de leur entrée en vigueur,

et renouvables tacitement, sauf dénonciation. Ainsi, le Sénégal a aujourd’hui la possibilité de réévaluer

8 de ces TBIs en vigueur et de les moderniser. En revanche, les 6 autres traités, entrés en vigueur

récemment (2008, 2009, 2010 et 2012) n’ont pas encore atteint la période de maturité de 10 ans, et ne

peuvent donc pas être dénoncés. En revanche, ils pourraient être renégociés/amendés si une disposition

spécifique du TBI le permet.

43 Source : http://investmentpolicyhub.unctad.org

44 Cet accord s’apparent d’avantage à un accord commercial qu’à un TBI.

18

Conclusions générales

A l’issue de la revue des 14 TBIs sénégalais en vigueur, les conclusions suivantes semblent s’imposer :

Absence d’un modèle sénégalais de TBI : tant d’un point de vue formel que substantiel, il est

impossible de conclure à l’existence d’un modèle sénégalais de TBI, en raison d’un manque d’uniformité

tant dans la rédaction que le contenu des différentes dispositions.

Absence de lien évident entre TBI et flux d’investissements : les pays d’origine des principaux

investisseurs au Sénégal ne sont majoritairement pas ceux avec qui le Sénégal a conclu des TBIs. Sur 20

pays classés, seuls 5 bénéficient d’un TBI en vigueur avec le Sénégal.

Imprécision du contenu des obligations de traitement : les obligations de traitement sont

généralement énoncées de manière générique sans aucune précision ou délimitation de leur champ

d’application. Le caractère général des dispositions élargit les fondements d’engagement de la

responsabilité de l’Etat.

Non-généralisation des dérogations aux obligations de traitement : certains TBIs ne prévoient pas

de dérogation relative à la participation à une union douanière ou zone économique régionale. De plus,

très peu de TBIS prévoient explicitement la possibilité pour l’Etat de prendre des mesures

discriminatoires dans un but d’intérêt public (santé, sécurité, économie, ordre public, moralité publique).

Absence d’un droit pour l’Etat de réguler les investissements admis sur son territoire : seul le TBI

avec la Turquie consacre explicitement le droit pour l’Etat de réguler les investissements, notamment

dans un but de sécurité publique (article 4).

Absence de dispositions portant obligations de l’investisseur : aucun des TBIs étudiés ne consacre

expressément les obligations de l’investisseur. Les TBIs leur accordent beaucoup de droits, sans

consacrer leurs obligations.

Disparité des clauses de règlement des différends : il n’existe pas de clause type de règlement des

litiges dans les TBIs sénégalais, ce qui constitue une source d’insécurité juridique et juridictionnelle.

Plusieurs leçons à tirer des litiges sénégalais devant le CIRDI : l’imprécision de la rédaction des

clauses de règlement des différends, le manque de mise en cohérence de l’ensemble des dispositions

des TBIs et l’absence d’une définition soignée du terme « investissement » ont conduit les tribunaux

arbitraux à se déclarer compétents dans l’affaire Millicom c. Sénégal, alors que ce dernier avait soulevé

des moyens d’incompétence portant sur ces points.

19

Manque de cohérence avec le Code des investissements : sur certains points, l’intention du législateur

sénégalais, tel qu’exprimée dans le Code des investissements, n’a pas été reproduite dans les TBIs, ce

qui crée des incohérences à certains niveaux entre le Code et les TBIs.

Recommandations pratiques

Les 4 recommandations suivantes visent à pallier les faiblesses de la pratique sénégalaise en matière de

TBIs telles qu’identifiées dans les précédentes conclusions.

Recommandation 1 : Élaborer un modèle sénégalais de TBI à la lumière des conclusions du présent

rapport. Il s’agit, d’une part, d’essayer de corriger les incohérences et d’uniformiser les dispositions afin

d’atténuer les risques de litiges et, d’autre part, de consacrer expressément le droit de l’Etat de réguler

les investissements ainsi que les obligations de l’investisseur, afin de prendre en charge les intérêts

spécifiques de développement économique durable45.

Recommandation 2 : Envisager de renégocier les TBIs dont la première durée de validité de 10 ans a

expiré, afin de moderniser ces derniers à la lumière des conclusions du présent rapport et des nouveaux

enjeux de développement.

Recommandation 3 : Définir un cadre politique pouvant servir de feuille de route en matière de

conclusion de TBIs. Il s’agit d’identifier les critères précis, d’ordre économique, juridique et politiques

devant être remplis et mis en perspective à chaque fois que l’entrée en négociation d’un TBI est

envisagée par le Sénégal.

Recomendation 4 : Mettre en cohérence les TBIs avec le Code des investissements et les autres

législations nationales pertinentes (code minier, code pétrolier etc.). Il s’agit de s’assurer que les

politiques publiques nationales consignées dans des lois ou codes spécifiques, sont dûment prises en

compte dans les TBIs.

45 Il s’agira notamment de s’inspirer des propositions de politiques d’investissement de la CNUCED en matière d’accords

internationaux d’investissements, telles qu’énoncées dans le « Cadre pour les politiques d’investissement au service du

développement durable » adopté en 2015.