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DES MARAIS MARITIMES SUR LA COTE SUD DE KALIMANTAN (INDONESIE) Olivier SEVIN Chargé de Recherche à I'ORSTOM 223 rue La Fayette 75480 PARIS CEDEX 10 Mots clés : Transmigration, terres neuves, riziculture, Javanais, Banjar, Indonésie, Kalimantan. Key-words : Transmigration, pioneer front, rice growing, Javanese, Banjarese, Indonesia, Kalimantan. TRANSMIGRATION ET AMENAGEMENT Résumé : Pour faire faceau dks6quilibre démographique qui oppose l'île de Java surpeuplée aux Provinces Extérieures sous-peuplées, le gouverne- Tent indonésien est engage depuis de longues années dans un pro- gramme de redistribution vo1ontaix-e de la population. L'aménagement des marais maritimes de la côte sud de Kalimantan durant les années 70, constitue Sun des grands moments de l'histoire de cette colonisation dirigée appelée Transmigration. La "bonification" des terres maréca- geuses du delta de Barito entreprise apr& les "kvénements" de 1965 témoigne en effet dela foi des ingknieurs indonésiens lancés 9 la conquête des "terres-neuves", dans une politique de rupture avec un passé récent teintédenationalisme romantique. Cependant, malgréla priseencompte du savoir-faire traditionnel des populations Banjar tant par les concep- teurs des projets que par Ia paysannerie javanaise qui a su faire preuve d'inghiosité, les résultats ne sont pas 9 la hauteur des espgrances. Deux saisons de culture par an ne suffisent pas ?a assurer le décollage écono- miquede villages dont I'int6gration au sein de l'espace régional se réalise tr2s mal. Abstract: Thedemographicimbalance between theowr-crowded island oflnva and the so-called "Outer-Provinces", has long obliged theIndonesian Government to

TRANSMIGRATION ET AMENAGEMENT DES SUR …horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_5/... · La "bonification" des terres ... la volonté clairement marqu6e

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DES MARAIS MARITIMES SUR LA COTE SUD DE KALIMANTAN (INDONESIE)

Olivier SEVIN Chargé d e Recherche à I'ORSTOM

223 rue La Fayette 75480 PARIS CEDEX 10

Mots clés : Transmigration, terres neuves, riziculture, Javanais, Banjar, Indonésie, Kalimantan. Key-words : Transmigration, pioneer front, rice growing, Javanese, Banjarese, Indonesia, Kalimantan.

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TRANSMIGRATION ET AMENAGEMENT

Résumé : Pour faire faceau dks6quilibre démographique qui oppose l'île de Java surpeuplée aux Provinces Extérieures sous-peuplées, le gouverne- Ten t indonésien est engage depuis d e longues années dans un pro- gramme de redistribution vo1ontaix-e de la population. L'aménagement des marais maritimes de la côte sud de Kalimantan durant les années 70, constitue Sun des grands moments de l'histoire d e cette colonisation dirigée appelée Transmigration. La "bonification" des terres maréca- geuses du delta de Barito entreprise apr& les "kvénements" de 1965 témoigne en effet dela foi des ingknieurs indonésiens lancés 9 la conquête des "terres-neuves", dans une politique de rupture avec un passé récent teintédenationalisme romantique. Cependant, malgréla priseencompte d u savoir-faire traditionnel des populations Banjar tant par les concep- teurs des projets que par Ia paysannerie javanaise qui a su faire preuve d'inghiosité, les résultats ne sont pas 9 la hauteur des espgrances. Deux saisons de culture par an ne suffisent pas ?a assurer le décollage écono- miquede villages dont I'int6gration au sein de l'espace régional se réalise tr2s mal.

Abstract: Thedemographicimbalance between theowr-crowded island oflnva and the so-called "Outer-Provinces", has long obliged theIndonesian Government to

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carry out a policy of population redistribution. During the seventies, the huge tidal-swamps reclnmation project on thesoutheni coast ofKalimantan appearcd as thegreat moment of this so-named Transmigration resettlement policy. The Darito delfaic fida1 swamps reclamation &gun a few years laferafier the 1965 "evenfs" and was presenfed as the symbol of fhe new priorities, fuming away from the too romantic fing& past. However, despite the banjarese agricultural pattern was taken intoaccount whilethisgigantic pioneerfront wasplanned, the resulfs are quite disappointing. The cleverness of the javanese peasant who succeedsin obtaining twori~ha~ff i tsayearisnotenough tosupport thetaking- oflof colonization villages whose regional integrafion suflers many dilficulties.

Le déséquilibre démographiquc qui oppose Java, Madura, Bali aux provinces dites "Extérieures" oblige depuis de longues années les autorités politiques néerlandaises, puis indonfsicnncs, 1 procéder il une redistribution de la population sur l'enscmble de l'archipel. Java fait vivre 91 millions d'habitants, soit plus de 60 % de la population du pays sur moins de 7 % du territoire national, tandis que Kalimantan, partie indonésienne de Bornéo,

La Transmigration avec un 'T" se singularise des simples migrations spontanéesinter-ilesparl'organisationauniveau gouvernemental dela migra- tion. L'autorité administrative sélectionne, transporte, prend cn charge le migrant de son lieu de départ 1 son lieu d'arrivée, où elle lui affecte une maisonnette ainsi qu'un lot dc terres il mettre en valeur.

Le point de départ de la Transmigration, appelée il l'époquc Kolonisnfic, remontea l'année 1905 lorsque 1SSfamillcs javanaises furent installéesdans Ics Districts de Lampung, dans le sud de Sumatra a Bagelen. Les considérations d'ordre moral visant il améliorer le sort dcs indigenes nkessiteux préoccu- paient alors les colons édairés, partisans de Ia politique dite "éthique". La grande dépression des années 30 va lancer la Kolonisatie, considérée comme le remede il la paupérisation du monde rural, mais ce n'est qu'apres I'indépen- dance des Indes Néerlandaises que la Transmigration qui lui succede va connaître un véritable essor.

LaTransmigrationcessedeslorsdeseréduireaunesimplecolonisatioll agricole. L'obsession sécuritaire de la fin des années SO, la réinstallation de nombreux vétérans et soldats démobilisés, une fois réglé le Probleme de la guerre d'indépendance, vontélargir le champ d'action de la Transmigration au maintien de la securité: sécurité aux frontieres apres la confrontation avec la Malaisie, sécurité intérieure en réponse aux tentatihs Gcessionnistes qui fleurissent il Aceh, il Kalimantan,voire dans leNord-Sulawesi. La Transmigra- tion devient ainsi un moyen de garantir la cohésion de l'archipel.

L'apparition des plans quinquennaux en 1969, sansgommcr totalcmen t cequc d'aucuns appellent la volonté dc javanisation de I'archipcl, témoigne dc

' peuplé de 6,7millions d'habitants rcprésente 28 % de la superficie du pays !

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312 Olivier SEWN

la volonté clairement marqu6e de mettre cette fois l'accent sur le dévelop- pementéconomiquedupays,surI'augmenhtiondela richessenationaleetsur l'autosuffisance alimentaire. Les transmigrants sont présentés au monde comme des pionniers lancés B Ia conquête des terres neuves. C'est la grande époque des projets gigantesques lancés pour produire du riz et noumr Java, dont notamment la "bonification" des terres marécageuses du delta du Barito sur la côte sud de Kalimantan.

Cecontexte tr&sparticulier(climat politique et économiquequi prévalait lorsdelamise en valeurdu Sud-Kalimantan,milieu particulierement difficile), a conditionné les solutions techniquesretenues parles ingénieurs indonésiens, Elles témoignent, par leur originalité, des difficultés rencontrées, mais soulignent aussi malheureusement les limites du rôle de la Transmigration dans l'aménagement regional.

I - L'ORIGINALITE DE LA TRANSMIGRATION DANS LE SUD-KALIMANTAN

Les opérations de Transmigration sur la côte sud de Kalimantan sont originales B bien des égards, lorsqu'on les compare aux programmes réalisés A Sumatra ou bien 3. Sulawesi : la mise en valeur des plaines périphériques de Boméo est une op6ration relativement récente qui s'est opérée dans un milieu naturel ethumain tres différent de Java et surtout tres contraignant (fig. 1).

A - Une colonisation relntivettiml récenle

Bienqueles premiers transmigrantssoientarrivésdans leSud-Kaliman- tan il ya une trentaine d'années, legros descolons nes'es tins tallé que beaucoup plus récemment. Le premier centre de Transmigration a été ouvert en 1953 B Takisung, pres de Pelaihari, puis le second en 19573. Tamban, bientat suivi de deux autres projets en 1959 et 1961 A Marabahan et ?i Balendean; mais seules 13 O00 personnes ont été déplacées avant le démarrage des plans quinquen- naux. Sur un total de 106 O00 personnesen 1982,93 O00 (soit pr6s dc 90 %) sont arrivéesdc 1969 a 1982,avccunenetteaccélération3. partirde 1979 (tableau I). A titre de comparaison, 67 % des500 O00 transmigrants envoyés au Lampung l'ont été avant 1968 ! Ce décalage temporel a son importance, car lorsque la decision d'investirmassivementleSud-Kalimantan a été prise, la Transmigra- tion s'était déjB structur6e autour de deux grands types de projets : les projets de terre &che et les projets dits pasang-surut utilisant !a force marémotrice commeinshumentdedrainageetd'irrigation. Lcs projets du premier typesont localisés sur la cate est en bordure 'du détroit de Macassar, tandis que les secondsse conccntrent dans Ie delta du Barito.

313 Marais mantimes en Indo&k

Tableau I - LaTransmigration dans le sud de Kalimantan

Transmigrants PCriode

d'installation Nombre I du total

13617 12.75 Pra Pelita(1) 1953-1968 .

Pelita I 10 145 930 1969-1974

27089 2535 Pelita II 1975-1979

Pelita III(2) 55973 52,40 1980-1982

106824 100 TOTAL

(1) Pelita =Plan quinquennal ; (2) : Seules les données concernant les trois premières années du plan sont disponibles.

Source : Buku Dala Transmigrasi - Proyek Bim- bingnn Tehnis OperasioniI Proyek. Dalum Ling- kungan - Dit. Jen Transmigrasi Jakarta, mars 1983.

. On m'peut comprendre l'aménagement du delta du Barito saw le replacer dans le' climat politique et économique qui prévalait au début des ann&s70. Les événementsde 1965 etcepassagedeI'ORLABI'ORBA'marquent une franche rupture avecun passé teinté de nationalisme romantiqueet delutte

,

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anti-impérialiste, qui ap rb avoir eu son heure de gloire, avait mené le pays au bord du gouffre. La nouvelle equipe qui se met en place, composéede mili taires et de technocrates résolument pro-occidentaux, épaulée par les organisations internationales telles le FMI et la Banque Mondiale, doit faire face B une situation économique tres dégradée : l'inflation atteint 650 % en 1966, la croissance moyenne du PIB n'est qu'A peine supérieure A 2 % sur la période 1960-1966, la balance des paiements est perpétuellement en déséquilibre ... et surtout le pays doit importer chaque année plus de 1 million de tonnes de riz2.

Le premier plan quinquennal élaboré avec l'aide de la Banque Mondiale en 1969: a pour objectif principal I'autosuffisance rizicole pour 1974, ce qui nécessiteuneaugmentationdelaprod~ctionde50% en5ans! Peu Apeugermc alors I'idéequeiaTransmigration pourrait bienStre unelément décisif de cette stratégie.

Au même moment, l'appareil $Etat se structure, tandis que s'affirment les corps techniques et parmi eux le corps des ingénieurs des Travaux Publics dont le poids ne cesse de croître au fur et il mesure que IC pays s'engage sur la voie du développement. Ce corps trouve dans le Sud-Kalimantan, dont le milieu ingrat est resté longtemps inexploité, un terrain de predilection où démonstration pourra être faite de SES capacités ; et voilA Ies transmigrants lancés A la conquête des terres vierges du delta du Barito !

B - Uti milieu tmfurcl frèspnrficulier

La cate méridionale de Kalimantan, basse plaine édifiée par le Barito et ses affluents Kahayan et Kapuas, se divise grossihment en trois sous- cnscmbles régionaux; successivement du nord au sud : "la région des lacs" de Kclua A Negara dont les altitudes sont comprises entre 1 et 2 m et où les dCfluviations donnent naissance A des lacs aux contours mobiles ; la plaine marécageuse proprement dite de Negara il Marabahan, A une altitude de quelques dizaines de centimetres au-dessus du niveau de la mer, recouverte d'une épaisseur de tourbe qui varie selon les endroits de 1 B 5 m ; et enfin les marais maritimes, de Marabahan A la mer, auxquels s'intéresse plus pr6cisCmcnt cette étude (fig. 2).

Une portiondela plainemarécageusequis'étendsuruneprofondeurde 30 A50 km B partir de la cate et de part et d'autre des fleuves jusqu'A 5 km sur l'interfluve, est rythmee par les marées. A marée haute, l'onde de marée bloque les eaux du fleuve dont le plan d'eau s'éleve fortement avant de redescendre A marée basse. L'amplitude de ce mouvement, de l'ordrg de 230 m en aval de Banjarmasin, reste supérieureà 2 m B 100 kmB I'intérieufdes terres. L'altitude

2. MaurcrJean-Luc:Mod~~af~nagr;wlc, dtocloppement t!commiqueet changmmt socid. Le riz, la letrecl l'hommed]uw. P.U.F.,1986, pp. 23,24,25. 3.MaurcrJ.L:op.cit.,p.25.

Marais irtaritimes en lndonbie 315

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Figure? - t e s centres de Transmigation de type "Pasang Surut" * 'sur la côte sud de Kalimantan - .

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316 Olivier SEVIN

moyenne tr&s faible, voire négative de la plaine (Marabahan et Margasari respeclivcment h 70 et 95 km de la cate sont s i t u k s sous le niveau des plus hautes eaux : - 0,24 et - OJO m) renforce ce phénomene. Le courant du fleuve s'inverse en fonction du rythme des marées de maniere tres sensible jusqu'a Marabahan, et un phénomene de mascaret x fait sentir dans les divers bras et digitations du delta du Barito.

Ce monde amphibie tres arrosé (2 823 mm de pluviométrie annuelle à Teluk Dalam, Banjarmasin) souffre parfois paradoxalement de sécheresse ; le rythmepluviométriquesecaractériseparun maximum denovembrea mars et un minimum tres marqué de juin h septembre. L'indice de Baagnouls et Gausxn'

.ne fait apparaître aucun mois strictement sec (fig. 31, mais des lors que l'on retient une valeur d'Evapo-Transpiration Potentielle de 1 300 h 1 400 mm par an, soit environ 100 B 110 mm mensuels, les mois d'aoG t et de septembre sont secs d'un point de vue agricole. Pour pallier cet inconvénient tout en assurant le drainage dece milieudeltaïquesi particulier,les populations Banjar ont misau point, depuisdes sieCles, des systemesde cultures originaux,qui vont dérou ter dans un premier temps les transmigrants javanais avant d'étre assimilés, puis réin terpiétés.

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Souce : Fon1aml.J - Chanlsbi1.A - B#ocl t&~s c4 monde nd&:,icn - lnsl~lul F r w a i r ds Pondichiry - IQ78

Figure 3 -Diagramme ombrothermique

4. Pm e 2 T.

317 Marais maritimes en Indonésie

C - Des terroirs d "submersion contr616e"

Les premiers transmigrantsinstallhsau Lampungdu début du siecleh la fin des annks 60, ont pu sans trop dc difficultés recréer les terroirs rizicoles auxquclsiIsétaienthabitu6sh Java.Lemilieu naturelnelesdépaysait gubre,et presquepartou t, au prixde quelques aménagements, il étai t possible d'irriguer par simple gravite. La mise en valeur rizicole du delta du Barito déconcerte au contraire profondément les transmigrantsconfrontés hune civilisation agraire tres différente de la leur qui, pour irriguer, substitue la force marémotrice la gravité et façonne des terroirs h "submersion contralk".

Ayant B mettre en valeur un milieu submergé deux fois par jour et souvent inondC par les crues des fleuves, les Banjar ont élaboré une grande variété de formes pour exonder les cultures et jouer sur des différences de niveauxdel'ordre de quelques dizaines de centim6tres. Les Banjar construisent des planches et des billons par apports de terre issue de surcreusements latéraux, donc toujours surélevés et entourés de fossés. Les planches sont destinCes.aux cultures sèches et les fossés B la riziculture. Tout l'art consiste a construire des planches dont l'altitude est sup%" B celle des plus hautes eaux, et des fossésdontla profondeur est toujourscompriseentrele niveau des eaux les plus basses et les plus hautes, l'ensemble planches et fossés devant toujours étre perpendiculaire au cours d'eau. Lorsque la marée descend, le niveau du cours d'eau s'abaisse et les eaux acides des tourbieres qui ruissellent entre les planches sont évacuées par gravité, lorsqu'au contraire vient le flot, l'onde de marée bloque les eaux du fleuve, le plan d'eau s'éleve, le courant s'inverse et les eaux douces envahissent les fossés ! (fig. 4).

Un type de paysage très particulier, tres ordonné, organisé pcrpendicu- lairement au fleuve, voit ainsi progressivement le jour car, peu h peu, tout un réseau de canaux est mis en place par la jonction des fads les plus importants qui cessent d'être mis en culture ; un véritable maillage est Cré¿?. C'est ce type de paysage originalque lesingénieurs chargés demettre au point le programme de Transmigration ont tenté de recrkr dans le delta du Barito.

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La Transmigration a permis la bonification de 140 O00 ha, dont 130 O00 , irrigués dans le delta du Barito, de Marabahan au nord, A la cate de la mer de

Java au sud. Tous les projets d'amenagement des maraisiTlaritimes' ont été

5. Voir3 ce sujet : Sevin Olivier: Migrations et mise en valeur d'une basse plaine markageuse : I'exemple des cbcoteraies de la basse Mentaya. (Kalimantan-IndonQie). Cah. ORSTOM, Sirie Sci. Irum., VOL XVI, n 4; 1985, pp. 481496. 6. Ditsp&tg-suruf.

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Olivier SEVIN 318

convssuivant lemêmeschéma qui,vu d'avion,faitpcnscrA une fourche,garpu en indonésien, d'oh le nom de sistint garpu. .

A - Le rêve syncdtique de I'Uitiversit6 Gadjah Mada

L'idée d'une "bonification"du del ta du Barito est relativement ancienne. Durant l'entre-deux-guerres les autorités coloniales avaient élaboré un vaste plan d'aménagement de la gouttiere marécageuse qui s'étend aux pieds des Monts Meratus, de Tanjung au nord, i la mer de Java au sud. Les études de reconnaissance avaient condu qu'il s'agissait la de la portion la plus aisément amfnageable de Ia côte sud de Bornéo. LCS Néerlandais avaient fortement marqué les esprits enentreprenant la construction de polders, dontdeux étaient cn cours d'achevement lors de l'Indépendance.

LCS ingénieurs indonésiens, fascines par la technique néerlandaise, mais rapidement confrontés au Probleme des coûts de construction de tels périmetres; n'ontd'au tre choix, dans l'Indonésie indépendante, que d'élaborer

. un modele original, fruit de la Synthese entre le savoir-faire des populations indigenes et la tyhnicité européenne. Ainsi naît cn 1969, A la Faculté d'agri- culture de l'Universit6 Gadjah Mada de Yogyakarta, le village typt de pion- niers, cn arête de poisson.

Le plan massedesdifférentsprojets comporte toujoursun canal primaire perpendiculaire au fleuve d'une largeur de8 A 9 met d'une profondeur de 2 à 3 m, scindé endeux branches secondaires a unedistance de23 A 3 km des berges du flcuvc. Chaque branche secondaire, d'unelongueur de6 A 7 km, se termine par un réscrvoir,véritablelacartificiel rectangulaire d'uncsupcrficie moyenne del2 ha. Cescanauxprincipauxserventiiafois alacirculation, audrainageet i l'irrigation.

Sur les canaux secondaires, i 5 km de la jonction avec IC canal primaire, sont branchés des canaux tertiaires, puis quaternaires, qui desservent Ies parcelles rizicoles et neservcntplus cette fois qu'au drainage eta l'im'gation, la fonction de circulation étant dorénavant absente (fig. 5).

Le moded'u tilisationestinspiré desméthodcsdecontrôiedcI'eau banjar mais l'influence nferlandaise se traduit par quelques amfliorations de détail. Un Systeme de vannes sommaires en bois, installees transversalement sur Ics canaux tertiairesetquaternairesainsi quesur le bassin réservoir,permet, sinon d'obtenir une parfaite maîtrise de l'eau, du moins de régulariser le drainage et de retenir un minimumd'eau ensaison &che, de façon i epvisager uneseconde saison de culture lors du minimum pluviométrique.

C'est ainsi que les transmigrants javanais qui découvrent ces nouveaux "Pays-bas"géométriques, conscients de ne pouvoir recrfer le paysage qui leur était familier3 Java, mais incapablcs pourautant de s'abstraire de lcurculturc et de renier la civilisation agrairequi Ics impregnedcpuisdcssi~cles, vontg leur tour IC réintcrprétcr ct surtout élaborer un systhme dc culture original.

Marais maritimes en Indonésie 321

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Figure 5 -Le centre de Transmigration de Barambai (Kolam Kiri)

B - Barambai e t Sei Luaiig:deuxvillages de colonisation javanaise en Pays Banjar

1. Dffi Javanais en Pays Banjar.

Les deux centres de transmigration sont situés sur la rive droite du Banto :BarambaiASOhetSeiLuang880 kmau suddeMarabahan. Lecentre deBarambaiaétéouvertde1969 A1973 tandisqueSei Luang,plusrécent,date des années 1980-1981. Dans leur totalite, les familles transmigrks sont java- naises, A l'exception d'une minorité de %undanais ct de Banjar'. Au total le village de Barambai Kolam Kin compte 3 410 habitants (1984) ct celui de Sei Luang 2 239 (1981) (tablcau II).

Tableau II - Origine des transmigrants

Barambai Kolani Kiri - août 1984

Province d'origine

Java Ouest Java Centre DI Yogyakarta Java Est Kalimantan Sud Divers

TOTAL

Nombre de familles

26 262 76

195 83 1

643

Sei Luang 1980-1981

Province d'origine

Java Ouest Java Centre D I Yogyakarta Java Est Locaux

TOTAL

Nombre de familles

100 200 50 100 . 50

500

Chaque famille a reçu une allocation en terres de 2 ha A Barambai et de 525 ha A Sci Luang. A Barambai, les 2 ha sont composés de 0,25 ha de jardin autour de l'habitation et d'une parcelle de 1,75 ha de rizieres, tandis qu'il Sei

7. Dans lecadydcla politiqued'assimilationdtudiverspcuplesdel'archipe~ 10 Zdnplacncn ccntrcdc transmigration wnt r6scrv6cs aux habitanls du lieu.

322 O&kr SEVIN

Luang, outre les 025 ha de jardin, sont venues s'ajouter deux parcelles d'un hectarechacune.Apr6s 75ansB Barambai, lasituation fonci&reest trbévoluée, puisque les terres allouees par la Transmigration B l'origine ne représentent plus que 44 % environ des superficies cultivées (tableau III). De nouvelles rizieres ont ét6 acquises, provenant pour une faible par tie de Ia réserve fonciere du projet etsurtou tdéfrich~esauxalentoursducentre(37838 %dela superficie des terres actuellement cultivées proviennent de tels défrichements); 50 % des famillespos9den t pIus de4 ha de terres, etla moyenne parexploitation s'6tabIi t B 455 ha.

Tableau III - Barambai : rfpartition des surfaces cultivfes

a - Pourcentage de la superficie totale cultivée

Allocation en terres de la Transmigration Jardin RkiEre suppl. Riziere suppl.

Jardins RiziEres

supplfmen- dffrichfe au hors projet taire sein du projet

5s 38,46 4,03 1424 37'67

b -par classes d'exploitation

Surface cultivfe % des par famille (ha) familles

I Superficie moyenne par exploit. : 4,55 ha I

. .

. .

.... . .

Marais marìtitns en Indo&ie

2. Un syslème de cullure qui fait la part enlre lesavoir-faire banjar et la civilisation agraire javanaise

Les Banjar ont depuis des lustres m i s au point une riziculture adaptée auxvarialionsbrusquesdu niveaudeseauxquisesingularkcpar I'adoptionde variétés aux caractéristiques tr&s spécifiques et surtout par la mise au point d'une technique de multiples repiquages t r b originale.

Les Banjar affectionnent particulierement les variétés de riz dont I'élongationdela tige est importante (c'est-B-direrarement inférieure3 1,40 m) et dont la période de tallage est longue, ce qui leur permet de différer, voire de multiplier les transplantations,doncde jouer sur la longueur ducycle végétatif compris gén6ralement entre 6 et 8 mois !

Les crues soudaines des fleuves, la faible altitude des bourrelets allu- viaux et la largeur de la plaine d'inondation font que les rizifires sont lrb souvent submergCes et ne s'exondent que tri% progressivement lors dc la décrue. Le probleme du repiquage des plants de riz se pose ainsi avec acuilé chaque saison, tant il est fréquent que seule une faible partie de la riziere soit horsd'eau lorsque les plants de la pépiniere sont âgés de 20 A 30 jours. Les Banjar n'ont alorsd'autre ressourcequede caler lecycle végétatifdupaddysur le rythme d'exondation des casiers, en procédant B deux lransplantalions intermédiaires avant le repiquage proprement di t. La premiere transplantation ou ampakan est une opération qui consiste B glisser une lame sous les pieds de rizensectionnant une partie du systemeradiculaireet 3. déposerles mottesainsi obtenues sur la partie exondfe de la riziere dans la h u e humide. Les plants restent ainsi généralement un mois, le temps pour les racines de repartir. Lors de la seconde transplanta tion (Iacakan), la rizierc doit être au moins aux dcux- tiers exondk. Les plants sont alors arraches, les Iallessont &parées, Icsyst6mc foliaire est sectionn6, et le tout est redisposé 3. même la bouc sur une surface beaucoup plus importante que précédemment. Ce n'est que lorsque Ia totalité des casiers est hors-d'eau que le repiquage est effectué au semoir, moyennant un espacement d'une trentaine de centimetres entre les plants.

Outre le fait que les Banjar réussissent ainsi B utiliser au maximum l'espace laissé libre par les eaux, cette technique de multiples transplantations offre l'avantage d'obtenir des plants plus résistants parce que plus âg6s au moment du repiquage. Ce ne sont d'ailleurs plus des brins maîtres, mais des talles qui sont repiquées, ce qui constitue une economic de semence d'autant plus apprkiable que les pépinieres sont toujours de dimensions restreintes.

Lagrande habilité des transmigrants,c'estd'avoirsu assimilercesavoir- faire!ndig&ne pour mieux le dépasser. En jouant simultanément de la brieveté du cycle vég6tatif des variétés de riz &lectionnées disponibles B Java, et de l'allongement artificiel, par le biais des multiples transplantations, du cycle vegétatif des variét6s locales, les transmigrants r6ussissent 3. obtenir deux récoltespar an; exploit inconcevable pour un Banjar (fig. 6).

324 I.

Olivier SEVlN

Figure 6 - Calendrier agricole associant variCtCs de riz traditionnelles et variétés sfilectionnées

Varilils traditionnelles : 1. Pépinière.- 2. lixe Transplantation.- 3.2e Transplan- tation.-4.Repiquage.- 5. R6colte au cou teau A panicu1cs.- ~a~étésse7ectio~~~ées : 6. Pépini&re.- 7. Epandage dcs engrais.- 8. Repiquage.- 9. Repiquage complémentaire.- 10. Desherbage.- Il. Pes1icide.- 12. Récolte A la faucille.- 13. Fauchageet préparationdu sol.-14.Fabricationdecompost.-15. Epandage du compost.

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La premierecultureestcelledu rizsélcctionnh. La rizi&rccst prfparfcen septembre, le sol est, soit retourné a la charrue tirée par des buffles ou dcs boeufs", soit travaillé 21 la houe. Seul l'horizon superficiel du sol (5 cm lorsque le travail est effectué 21 la houe, voire 10 cm lorsqu'une charrue est utilisée) est travaillé de maniere 8 éviter les remontées de sulfates acidess. Vers la fin septembre ou le debut octobre, la parcelle est hersée. La phpinierc est installée finoctobreoudébutnovembredemaniereconventionnelleen jetant8 Ia volée des semences germées sur un SOI préalablement-ameubli.

C'est le repiquage qui est original, car ce n'est ni le sysMme javanais de repiquage3 lamain,nilesyst&mebanjardesmultiples transplantationsqui est utili&. Les plants sontsimp1ementarrachés;puisrepiquésay semoir. Le rizcst

8. Les paysans de Barambai posddcnt 80 buffles et 40 bocufs. 9.AparfIrdessulfaln conlenusdansl'eau dcmcr.

... .

325 Marais maritimes en Indon&ie

alors âgé d'une vingtaine de jours et n'a pas encore tallé. II s'agit donc bien de brins maîtres qui sont repiqués 21 raison de 3 par trous espacés de 20 cm. Cest Ih un compromis entre la technique banjar de repiquage des talles au semoir sans préparation préalable du sol et les techniques javanaises qui consistent 21 repiquerdesbrinsmaîtres jeuncs,mais &Ia main etdanslaboue. Ce compromis est rendu indispensable par la faible profondeur dulabour, mais nécessite un nombre élevé de journées de travail li l'hectare (40 joumhs A l'hectare, tableau IV).

Tableau TV - Les temps de travaux surriziere A Barambai

Opfirations culturales

PCpini5rre Préparat. du sol ou de la parcelle

- Labour - Hersage - Dhsherbage -Fabric. Compost

16re transplantation (lacakan) Repiquage (au semoir) ler Désherbage 2e Desherbage Engrais (2 passages) Pesticide (2 passages) Récolte', --Faucille

Divers : entretien diguettes, canaux - Couteau !panicules

.TOTAL

Nombre de journks de travail A l'hectare

Varif tés sflect.

1

8 3

40 23 23 4 3 6

20

131

* Valeir très faible car rendements peu élcvhs.

Vari é tés locales

2

17 20 8

17 8

4 3

12 20

111 .

i

326 Olivier SEVIN

Les engrais, Urée etTSP*" sont utilisés par deux fois, 20 et50 jours aprB lerepiquage, tandisqueI'insectiade(Diasinon'ou Sumithion) estvaporisé trois fois, 70,80 et 90 jours après ce même repiquage. Le désherbage reste cependant manuel :deux passages sont nkessaires B un mois et ii 50 jours; ils requierent 40 B 45 journées de travail par hectare, ce qui représente des valeurs élevées en riziculture i m p & .

L a rkolte a lieu vers la fin février soit une centaine de jours ap rh le repiquage. Effectuée ?i la faucille, elle n'occasionne qu'une faible dépense en travail, de mGmeque le dépiquage réalisé B l'aide d'une machine rudimentaire B @dales et B tambour.

Durant ce temps, sur une étroite portion de la rizière, le cycle végétatif des variétés locales a ét6 profondément retardé par une ou deux kansplanta- tions successives, si bien que vers la fin mars, les plants sont tout juste en âge d'$tre repiqués.

Cette seconde saison culturale est tres inspirée des techniques rizicoles banjar. La @pinière est installée B peu près au même moment que celle des

. vanftésselech'onnCesversIcmoisdenovembre. Lesol n'estmemepasameubli et les semences sontenfouies 1 l'aide d'un simple bâton B fouir B raison d'une dizaine tous les 20 cm.

Quelques joursseulementapr~slarécoltederizsélectionn~,lariziereest fauchée, les chaumes sont ramassés, et soit constituent des tas dispods en lisierede la parcelle,soitsontdispodssur une ligne médiane. Ceschaumessont périodiquement aérés, mais Ia décomposition reste tres lentc. II est indispen- sable de proceder de la sorte de maniere B éviter la formation de tourbe. Les transmigrants estiment qu'il faut attendre 6 B 7 mois avant d'obtenir du compost, qui n'est donc réparti sur la totalité de la rizière que beaucoup plus tard, quelques jours seulement avant le repiquage du riz sélectionné.

CesontdesplantsdéjBâgésetrésistantsquisontrepiquCsau milieu des lignes de chaumes qui se décomposent. Ces plants ne craignent guere l'inondation;aussiIes transmigrantsn'hésitcnt-ilspash laisserl'cau envahir la rizihre dans l'espoir de réduire le désherbage B sa plus simple expression.

Apr~savoirutilis~IcsmSmescngraisetlesm~mesinsecticidesque pour les variétés sélectionnées, les paysans esfirent la récol te pour la fin juille t ou le débutaoGt,soitenmoyenne5moisapreslerepiquagc.Lesdates trèsincertaines dépendentdesvariétés utilisées. Le paddy n'estpas de taille homoghe;aussi,

. pour éviter les pertes, la r~oltes'effectue-t-ellecettc fois panicule par panicule. Pour les memes raisons, le paddy est dépiqué aux pieds sur une natte.

Le temps consacré B la culture d'un hectarede paddylocal est scnsible- ment moins important que celui consacré aux variétés sélectionnées. C'est le . désherbagequi fait ladifférence,ainsiqucIe repiquagebcaucoup moinssoignC '

que dans le premier cas.

10.TS.P. :TriSuper Phosphatcs. ) .

. .

.. .

Marnis marilintes en Indonésie 327

Cependant, malgréles capacitesd'adaptationetd'intégration des trans- migrants, malgré leur aptitude aux synthèses judicieuses, les résultats ne sont gube B la hauteur des espérances, et ii la'fin des années 70, la Transmigration a revu sa participation au programme d'aménagement de marais maritimes.

III - LES LIMITES DU ROLE DE LA TRANSMIGRATION DANS L'AMENAGEMENT REGIONAL DU SUD-KALIMANTAN

LaTransmigrationa subi deuxéchecs majeursdans le Sud-Kalimantan : d'une part, les centres de transmigration n'amvent pasa décoller pour dépasser le simple stade de l'agriculture d'auto-subsistance et alimenter des courants d'échanges, et d'autre part l'intégration dans l'espace regional s'effectue t r ? ~ mal.

A - Mnlgrb l'augnrenfafiorr des surfaces rizicoles, les rendemenfs deineurent nrbdiocres e t les centres de frarrsnrigmfion n'arrivenf

PRS d décoller

1. L'nuprenfafion des sur/aces rizicoles dans le Sud-Kalitnantarr

Il est indéniablcquelaTransmigrationaprovoquéunvéritableessordes surfaces rizicoles dans le Sud-Kalimantan. Le planimétragc des cartes topogra- phiques et le rapport rizieres sur superficie totale (fig. 7) fait ressortir le phénomène sans aucune ambiguïté. C'est bien le delta du Barito de Kuala Kapuas B la mer qui possede le plus fort taux de rizieres avec plus de 40 % des superficies consacrées au riz. La seconde grande région rizicole est la région d'Hulu Sungai", plus anciennement mise en valeur et partiellement poldéride durant l'entre-deux-guerres. Au contraire, les rbgions montapeuscs rcstcnt vides d'hommes et peu mises en valeur. C'est dans les environs de Delin~bing, Haraan, Mia ou bien Aranio au sud que l'on trouve les pourcentages les plus faibles.

2. La faiblesse des rendctnenfs cf les dé6oires des lrnnstnigralrts

Malgré tous leurs efforts, les transmigrants obtiennent des résultats décLvants (tableauV):BBarambai,66 % desparcellescultivCessuccessiven~c~~t

Il. On appelle HUIÜ Sungai, la rfgion siluh en amont de la rivikc Negara d e Margasari Amuntai

328 Olivier SEVIN

en riz sélectionné et en riz local ne parviennent a rendre que 13 t A 2 3 t ce qui, compte-tenu desaménagements réalisés,reste tres faible. Danslesenvironsde Banjarmasin, les Banjar, en une seulesaison deculture, ob tiennent des résul h ts plus élevés en ne disposant d'aucune assistance.

Tableau V - Les rendements A Barambai K o l a Khi

7- Rendemenfs VariCtCs

sCIectionnCes % des parcelles i

< 0,s 03-0,99

13-1,99 2- 2,49 23-2,99

I -1,49

536 1 16,66

27'78 38,88 536 556

I'OTAL 1 100

tendement noyen t/ha

I

Rendement annue Vari6 t 6s (2 cult. par an, locales Vari6t6s sClect.

% des parcelles % des parcelles puis IocaIes)

15 30 45 10

O O O

-

O O 5,556

22'22 44,44 536

2522

100 I 100

Et que dire de Sei Luang oh les résultats sont proprement catasko- phiques: sur deuxsaisonsdeculture,53 %des parcelles ne fournissent qu'entre 1 et 2 t de paddy A l'hectare (tableau VI) !

Lesraisonsdeces~hecssontmultiples. Onconshte toutd'abord quece sont les villages les plus anciennement créés qui obtienhcnt les "meilleurs" rendements. Barambai estainsi relativement privilégié par rapporta Sei Luang. La m'se en cul turc, le drainage et l'irriga tion avec la circula tion de I'eau qui en résulte, le "lavage" par les eaux du fleuve, bonifient progressivement les sols au pH élevP. Mais surtout, ce sont les erreurs techniques commises lors de l'ouverture des projets qui pEscnt le plus lourd.

12. Dc I'ordre dc 4 à 4.5.

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Marais marititnes en Indonkie 329

KbllMbNlAN ES1

VER OE JbVA \ b/ OElROlT OE MACASSbR

Figure 7 - Les rizicres du sud Kalimantan

- 330 Olivier SEVIN

Tableau VI - Les rendements A Sei Luang

sClectionnCes % des parcelles

O 0,1-0,49 Ol5-0,99

13-1,99 2-2,49 2,5-2,99 33

1-1,49

22,22 16,66 '

44'44 556 536 556 O O

I kndemen t 0,Gl noyen t/ha

I

1 Rendement annuel

VarietCs . (2 cult. par an, locales Varíktes select.

lo des parcelles puis locales) % des parcelles .

O O 35 O 30 20 I5 46/56 5 6,67

10 6,67 O 6,67

5 l I 1333

*

Barambai et %i Luang, a l'instar de l'ensemble des villages de transmi- gration, sont environnés par Ia même plaine amphibie et bénéficient du même phénom~nedemascaret,maisd'unexcmple&l'autre,la positiongéographique vane sensiblement. Si les centres de Transmigration de la région de Tabun- ganen, Tambang Luar, voire de Jalapa t, ne sont situés qu'A 20 ou 30 kilometres dela mer,lesviIlagesde BaramhietdeSei Luangont,eux,étéinstalICsB pr8s de70 kmde I'emboucliure. Comptetenude la Iongueurdescanauxqui partent dela rivedroitedu Barito,Iesparcellesrizicoiessontsituéesau minimum& a ou 9 km des berges du fleuve. Autant dire que l'amplitude de la marée ne s'y mesure plus qu'en centimhtres. La fonction drainage est relativement bien assurée, mais l'irrigation est W s aléatoire, notamment loqque la saison &che est tres marquée et que IC flcuvc est en étiage, c'est-&-dire juste au moment ob IC riz a besoin d'eau.

Les transmigrants s'en sortent tant bien que mal en altemant sur une meme parcelle, riz sélectionné de décembre A mars, c'es t-A-dire au moment de l'optimum pluviométrique,en pensan t qu'il sera toujours aisé d'évacuer IC trop

3. Les erreurs de conception des projets

331 Marais nradbi i fs en Indon&

plein d'eau lors du jusant, et varietCs locales plus résistantes d'avril A aoQt. Il n'empêche qu'il ne s'agit I& que d'un pis-aller, qui s'apuk aux difficultés rencontrées par les transmigrants & s'insérer dans l'économie régionale.

'

D - U m infkgmtiotl bien trop faible dans l'cspncc r6gional

L'intCgration des centres de transmigration dans l'cspaccrégional sc fai t mal, faute d'avoir été pensée lors de l'flaboration des projets. L'obsession des ingénieurs indonésiens était alors d'augmenter A tout prix les superficies rizicoles, le mythe des "terres-neuves" Ctait vivace et le culte de l'engin de travauxpublicsérigéendogme.Lesinfrashvcturesn'ont jamaissuivi,etaucun centre de transmigration n'a donné naissance A un petit pale économique - dynamique.

La Transmigra tion a créé une succession de clairiem isolksdont leseuI trai td'unionest IC fleuve. Hors du fleuve, point desa1ut:aucuncroute terrestre . -

ne relie les villages entre eux ou ne permet aux transm'grants de rejoindre le petit centre urbain IC plus proche. Les villageois n'ont d'autre ressource pour commercialiser leur production que d'effectua' une dizaine de kilom&tres 3 bicyclette le long du canal primaire, et d'attendre au bord du fleuve qu'un bateau veuille bien les prendre pour les mener au bout de plusieurs heures A Marabahan, &Kuala Kapuas, voire & Banjarmasin.

II existe bien un réseau de canauxqui rclien t lesdiversbras du delta, mais IC plan de circulation établi & l'époque coloniale ne ticnt absolument aucun compte de Ia Transmigration.

. Souffrant de leur isolement et de leurs pihtres résultats agricoles, les villagesnCsde laTransmigrationsontres~svillages20ansapresleurcrfation. Ils disposent tous d'une infrastructure scolaire satisfaisante, d'un dispensaire et de locaux administratifs, mais peu disposent d'un marché hebdomadaire B l'exemple de Barambai. Les commerces installés A demeure se limitent IC plus souvent & une petite échoppevendant les produi tsdeconsommationcourantc.

Les seules villes importantes, Marabahan, Kuala Kapuas et surtout Banjarmasin sont des villes historiques. Marabahan, ville assoupie, a long- temps tiré sa prospérité du commerce avec l'HuIu Sungai.Situé A la confluence du Barito et de la rivikre Negara, le port vivait de la rupture de charge. Les habitants du lieu, les Bakumpai, Dayak tres tôt islamisés, servaicnt d'intcrm6- diaires entreles commerçants chinois de la cate et les populations de l'intérieur. L'ouverture de fa route vers l'Hulu Sunga:, A la fin des annks IRnte, a sonné le glas de cette petite ville au charme suranné. . Kuala Kapuas a tiré s a n d bénbfice de l'ouverture du canal Serapat en 1889 et de la présence néerlandaise. Les missions y ont toupurs été trEs noni- breuses. C'est4 Kuala Kapuas, h la Iimitedu PaysDayak,que sont apparues les premieres écoles et les premiers hôpitaux. Les commerçanls n'ont pas tard6 suivre, mais ont toujours été fbroccment concurrencés par les entreprises

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332 ' 3 .

Olivier SEVIN

hollandaisksqui achetaientet traitaientlaproductiondecaoutchoucdes Dayak Ngaju.

Banjarmasin est la ville du sultan déposé en 1860. C'est la capitale politique de la province de Kalimantan Sud, mais c'est surtout la capitale tkonomique du centre et du sud de l'île, tres loin devant Palangkaraya, ville nouvelle cr& en 1957 pour satisfaire les revendications dayak. Le port de Banjarmasin est en relation avec Ujungpandang, l'ancienne Macassar, et sur- toutSurabaya.Cest un port d'Cc1atement;nombreuxsont les petitscaboteurs qui y chargent les marchandises venues de Java B destination des différentes vallées de Bornb. La lut te est rudesur IC port entre lescommerçants chinois qui tiennent l'csxntiel du commerce inter-îles et les Banjar qui ont l'habitude de commercer avec les populations de l'intérieur. Lc rale dc Banjarmasin ne sc limitc d'ailleurs pas B la vie Cconomiquc, Banjarmasin est la capitale intellcc- tuelle de la partie méridionale de file. Nombreux sont les étudiank dayak qui dCscrtcnt IC campus de Palangkaraya pour venir y étudicr. Tous lisent IC BanjarmasinPost, quotidien d'informations, dont la zone d'influence d6bordc largement sur le centre et l'est de l'île.

CONCLUSION f

Le bilandeIaTransmigrationdansledeltaduBaritoestdoncmitigé.Ce n'estpasunecatastrophe,danslamesureoùlescentresnesontpasdésertéspar leurs habitants qui restent attachés B la possession des terres et de la maison- nette dont ils rsvaient B Java, mais ce n'est pas non plus la réussite espérée ; le Sud-Kalimantan ne s'est pas transformé en "grenier B riz".

Pourtant l'assistance gouvernementale n'a pas fait défaut. Outrelesaides de toutes sortes, les dons de materiel agricole, de semences sélectionnées, d'engrais, de pesticides ..., les transmigrants ont été encadrés durant5 ans par des vulgarisateurs agricoles. Mais c'est surtout la présence de paysans banjar, installbauseinmsmedesvillagesdepionniersa hauteurde 10 %des effectifs, qui a pem's aux Javanais d'assimiler en quelques années le savoir-faire des populations indigenes. C'est la confrontation joumaliere de deux civilisations agraires qui a seule permis la naissance d'un Systeme agricole cxtraordinaire- ment syncrétique.

Ilrestequedeseneursontetecommisesdanslechoix desimplantations etquedesleçonsontété tiréesau niveaugouvememental: lesprojetsd'amena- gement des marais maritimes, sans être totalement abandonnés, marquent IC pas au profit de la mise en valeur des terres hautes de l'intérieur de l'île et ce glissement de la cate vers le Pays Dayak est révélateur dbs nouveaux objectifs de la Transmigration. II ne s'agit plus dorfnavant d'assurer seulement une meilleure inscrtion des nouveaux villages dans IC tissu régional, mais de faire de la Transmigration le moteur de l'amfnagemcnt des provinces. C'est autour

Marais man'tinres en Indonffiie 333

de la Transmigration et des infrastructures qu'elle véhicule (Tou tes, dispensai- res, écoles...), que doivent être désormais bâds les schémas d'aménagement régionaux.

Plus encore,l'exp&rience du Sud-Kalimantanconstitue un toumant dans l'histoire de la Transmigration. Alors que jusqu'a présent, les paysans javanais quittaient leur île natale pour mieux rccollstituer de petites commullautés javanaises en terre Ctrangerc, le gouvernement se p r h c u p c dorenavant de favoriser les contacts inter-ethniques. Aprb avoirété accus&de"javanisation" del'archipel, IaTransmigrationa maintenant le souci de contribuer B I'unifica- tion du pays et de favoriser i'fmergcnce d'une culture commune. I1 s'agit 1?1 d'une mutation majeure : la Transmigration cesse d'êIre une simple colonisa- tion agricole assistée, pour devenir un moyen de forger des liens nouveaux entre la paysannerie et E t a t indonfsien qui se structure.

-:zg r< 'Directeur de la collection : .Monsieur le Professeur SINGARAVELOU

Comité de Lecture : M. Olivier BALAB'mIAN, Départemen t de Geographie, Univ. de Limoges. M. Jean-Pierre BESANCENOT, Directeur de Recherche au CNRS, Dijon. M. Francis CHAWELIER, Départemen t de Géographie, Universi té de Pau. M. Guy DI MEO, Département de Géographie, Universi té de Pau. M. Guy LASSERRE, Professeur émeri tc, Université de Bordeaux III. M. Jean-Claude MAILLARD, Professeur, Département de Géographie,

M. Serge MORIN, Département de Géographie, Universi té de Pau. M. Jean-Noël SALOMON, Professeur, Département de Géographie,

Universi té de Bordeaux III.

Universi té de Bordeaux III. 1

Secrétariat de redaction : Mark-France PERRIN, avec IC concours de Gilbert CABAUSSEL et

." *! Francoise PETIT. 5

REALISATION TECHNIQUE : Composition et mise en page :

Marie-Bcrnadct te DARIGNAC, Mane-France TRESARRIEU Illustrations .I

Jacqueline CATHALAA Travaux photographiques :

Alain VERGNES, Jean-Pierre VIDAL

Guy SALIGNIERE

H-B Impression, 19 rue de la Belle Etoile, 33000 Bordeaux

;

I Impression et reliure :

Impression de la couverture : '

1 8. @j, Definition de la maquette de mise en page : ?'- Marie-Bernadette DARIGNAC, Maggy SEURJN

$; Conception et réalisation de la maquette de couverture :

Photo de couverture : Cultures vivrières sur le périmEtre de Kongoussi (Lac de Bam, Burkina Faso) (cliché Pierre VENNETIER)

E; .%i ,

$'' $,, 8' ., Tous droifs de frrrduction, dc rcprohction ct d'ndapfation réservés pour fous'prrys. hi.

2, I.,. li'.

:' p. . ISSN 1147-3991

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Daniclle CASTEX , k; i;'

@ Centre d'Etudes de Géographie Tropicale, 1990

E ISBN - 2-906621-17-X

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EAU ET AMENAGEMENT DANS

LES REGIONS INTER-TROFICALES

soush direction de Pierre VENNETIER

Directeur de Recherche au CNRS

TOME 1 :.s

CENTRE D'ETUDES DE GEOGRAPHIE TROPICALE Centre National de la Recherche Scicntifiquc Domaine Universitaire de Bordeaux

33405 Talence Cedex, France I . . . , .

ESPACES TROPICAUX, no 2,1990 -- - T- O. R. S.T. O. !!. Fmds Documentalre . '