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IUFM DE BOURGOGNE CONCOURS DE RECRUTEMENT DES PROFESSEURS DES ECOLES TRAVAILLER L’ORAL EN MATERNELLE Auteur : MARTIN Philippe Directeur de mémoire : M. ALCANTARA 2003 02STA03759

TRAVAILLER L’ORAL EN MATERNELLE · lesquels porte l’activité : moments de langage, groupes conversationnels, séances de langage… Je distinguerai, moi, trois domaines d’activités

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IUFM DE BOURGOGNE

CONCOURS DE RECRUTEMENT DES PROFESSEURS DES ECOLES

TRAVAILLER L’ORAL EN

MATERNELLE

Auteur : MARTIN Philippe Directeur de mémoire : M. ALCANTARA

2003 02STA03759

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SOMMAIRE

Introduction page 1 I - Les situations de langage dans une classe maternelle page 2

A - Instructions officielles ”

1 - « La communication avec les adultes, comme avec les autres enfants, perd l’évidence attachée au milieu familial. » I.O. ” 2 - « [ La pédagogie du langage] vise à accompagner l’enfant dans ses premiers apprentissages, à l’aider à franchir le complexe passage d’un usage du langage en situation (lié à l’expérience immédiate) à un langage d’évocation des événements passés futurs ou imaginaires , …» I.O. ” 3 - « … à lui permettre de se donner enfin tous les moyens nécessaires à une bonne entrée dans l’écrit. » I.O. page 3

B - Lieux et temps de communication page 4

1 – Les situations de communication dans la classe ” 2 – Les ateliers de langage page 5

a ) un domaine transdisciplinaire ” b ) le travail de la langue page 6

3 – L’approche de la langue écrite en Grande Section page 8 C - Les capacités langagières de l’enfant de cycle 1 page 9

1 - Qu’est-ce qui change pour un enfant du point de vue de la langue et de la communication orale lorsqu’il entre à l’école maternelle ? page 10 2 – Les principales étapes de l’acquisition du langage ” 3 - Différencier conversation enfantine et langue parlée adulte ” 4 - Les capacités langagières page 11 5 - Le rapport au groupe page 13

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6 - La construction du discours et du récit ” II – Enrichir l’apprentissage de la langue page 15

A – Quelques variables pédagogiques pour un enseignement riche du langage ”

1 - Le langage offert par l’enseignant ” 2 - La taille et la nature du groupe page 16 3 - La richesse des supports page 17 4 - Des objectifs langagiers diversifiés page 18

B – Evaluer pour mieux repérer les difficultés page 19 1 - Comment repérer les difficultés ? ”

a ) Les « gros parleurs » ne sont pas forcément les bons parleurs ” b ) Quelques indices pour repérer les difficultés ” c ) Les difficultés nécessitant une prise en charge extérieure page 20

2 - L’évaluation nationale Grande Section – Cours préparatoire ” 3- Programmation et évaluation page 21

C – Analyse de pratique page 22 1 – Présentation de la séquence de langage ” 2 – Analyse de la première séance page 23 Conclusion page 26 Références bibliographiques page 27

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INTRODUCTION « C’est dans les premières années que se joue en partie l’avenir d’un enfant et que s’impriment les inégalités.[…] Nous savons aussi qu’à l’entrée au cours préparatoire, le vocabulaire des uns est très pauvre, tandis que d’autres disposent d’une langue riche de mots et de tournures. »

Préface de Jack Lang, ministre de l’Education nationale, Qu’apprend-on à l’école maternelle ?

Les propos du ministre de l’Education nationale de l’époque illustrent de manière très

forte l’enjeu que représente l’apprentissage de la langue en maternelle. On savait déjà que l’oral constituait une des bases de la socialisation, objectif majeur de l’école maternelle. Mais aujourd’hui, le rôle de l’école a beaucoup évolué, les enseignants sont devenus aussi des éducateurs. Et la maîtrise de la langue est devenue l’élément moteur de l’intégration sociale. L’orientation des nouveaux programmes va donc dans ce sens, la plus large part des contenus d’enseignement sera destinée à l’apprentissage de la langue, aussi bien d’ailleurs, à l’école maternelle qu’à l’école élémentaire. Néanmoins, l’école maternelle a ceci de particulier qu’elle est le lieu de travail de l’oral; elle constitue, en quelque sorte, une période charnière où l’on va apprendre à parler pour mieux entrer dans l’écrit. L’objectif n’est donc pas des moindres quand on sait que l’oral joue un rôle essentiel dans la construction des savoirs.

Beaucoup de théoriciens de l’éducation et de la langue se sont d’ailleurs penchés sur la

question. J’ai retenu, pour illustrer mon propos, le constat d’Agnès Florin qui est professeur en psychologie de l’enfant : « La participation de l’enfant à la conversation scolaire en maternelle est l’un des principaux prédicteurs du niveau de réussite ultérieur. » Le problème se pose alors de savoir comment optimiser la participation des enfants. Au cours de mes différents stages en maternelle, j’ai souvent été confronté à ce problème. Comment faire parler les enfants qui ne parlent pas ? Comment les amener à s’investir d’avantage ? Mais aussi comment répartir la prise de parole sans se laisser envahir par les plus bavards, et sans pour autant les décourager ? Autant de questions auxquelles il n’est pas aisé de donner des réponses stéréotypées tant les pratiques, les registres de langue et leurs fonctions sont diverses.

J’ai décidé de présenter dans ce dossier quelques éléments de réflexion centrés autour

de la question suivante : comment favoriser le développement des capacités de communication de tous les enfants, et notamment des plus démunis ? Cela suppose, au préalable, une réelle connaissance des nouveaux programmes et des capacités langagières des enfants de cet âge (entre 2 et 6 ans). Alors, on pourra mettre en place des activités d’apprentissage de la langue qui seront le plus possible diversifiées. Puis, on examinera à travers l’apport des théoriciens et de ma pratique personnelle quelques axes de travail basés sur le choix de variables pédagogiques permettant d’enrichir l’apprentissage de la langue. Cette réflexion amènera à la question des enfants les plus démunis. Et, pour clore ce dossier, je présenterai une analyse de pratique de classe. Face à la multiplicité des cas, l’analyse de l’apprentissage de la langue doit être basée sur la pratique de classe.

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I - Les situations de langage dans une classe maternelle A - Instructions officielles.

« Avant tout, l’attention portée à la maîtrise de la langue française. » Jack Lang, ministre de l’Education nationale, préface des nouveaux programmes.

Les nouveaux programmes de l’Ecole maternelle consacrent une place des plus importantes à l’apprentissage de la langue . C’est le premier thème abordé et le plus abondant : « le langage au cœur des apprentissages ». La finalité de l’apprentissage de la langue est de passer d’un usage du langage en situation lié à l’expérience immédiate à un langage d’évocation d’événements passés, futurs ou imaginaires qui permet de mettre en pratique, chez l’enfant, tous les moyens nécessaires pour entrer dans l’écrit. Sans paraphraser de manière exhaustive les contenus de ces nouveaux programmes, nous pouvons néanmoins en distinguer quelques axes de travail :

1 - « La communication avec les adultes, comme avec les autres enfants, perd l’évidence attachée au milieu familial. » I.O.

Le principal objectif de l’apprentissage du langage est de permettre à l’enfant de communiquer. Des actions précises de la part du maître sont attendues :

• Expliciter le vécu quotidien de la classe. • Installer des échanges verbaux de qualité. • Respecter une organisation rigoureuse de l’espace et du temps dans la classe car les

gestes et les attitudes répétés sont des actes de communication qui ont du sens. • Pour les 2 – 3 ans, multiplier les moments de langage en situation qui donne un sens à

l’énoncé qui se réfère à une situation précise, à un comportement précis. • Solliciter personnellement l’enfant pour échanger sur son vécu ce qui produira un

langage couvert de sens. • Faire parler les plus timides en installant une situation d’échange privilégiée avec une

marionnette ou une marotte. Ces consignes visent, pour la plupart, à donner du sens à toutes les situations de communication vécues dans la classe. L’apprentissage de la langue ne peut être envisagée sans une phase d’appropriation du sens.

2 - « [ La pédagogie du langage] vise à accompagner l’enfant dans ses premiers apprentissages, à l’aider à franchir le complexe passage d’un usage du langage en situation (lié à l’expérience immédiate) à un langage d’évocation des événements passés futurs ou imaginaires , …» I.O.

La maîtrise de la langue constitue un deuxième pan de ces nouveaux programmes. Il

s’agit de construire chez l’enfant une culture littéraire de base qui lui permettra d’enrichir ses échanges langagiers. En voici les principales pistes de travail :

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• Développer le lexique, les structures syntaxiques, les formes linguistiques adaptées. • Donner des repères essentiels qui permettent de comprendre un événement : sa

localisation dans le temps et dans l’espace, présentation des objets ou des personnes qui lui sont liés, utilisation des pronoms de substitution dans la reformulation, etc.

• Faire le rappel d’une activité qui vient de se dérouler. • Etablir des situations d’échange avec la famille (livre de vie par exemple), de

correspondance intra- ou extra-scolaire (courriers électroniques par exemple). • Construire des repères temporels pour situer le présent, le passé et le futur quand on

parle (par exemple utilisation des mots-outils : maintenant, hier, demain, etc. et les temps de conjugaison appropriés).

• Etablir un répertoire des traditions orales comportant les grands thèmes (la vie, la mort, la misère, la peur, etc.) et les personnages classiques de la littérature de jeunesse (bestiaire traditionnel, héros).

• Travailler la lecture avec des supports – images. • Donner des repères dans l’espace et décrire des objets ordonnés (éléments de

structuration : ici, là, près de, etc. et verbes d’action : s’éloigner, se rapprocher, monter, descendre, etc. auxquels il faut ajouter le lexique approprié : le sol, le plafond, les murs, etc.).

3 - « … à lui permettre de se donner enfin tous les moyens nécessaires à une bonne entrée dans l’écrit. » I.O.

La maîtrise de la langue permet de découvrir le fonctionnement du code écrit. Différentes activités sont attendues partant de situations de découverte en Petite Section jusqu’à la manipulation des mots en Grande Section :

• Découvrir les principales fonctions sociales de l’écrit : signalisation, affiches, livres, presse, informatique, à travers des activités de tri et de comparaison.

• Activités de dictée à l’adulte. • Lectures d’œuvres littéraires qui permettent, à partir d’images successives de relater

des récits. • Travail sur les sonorités de la langue : syllabes (signifiantes ou non) , rimes, différents

jeux de substitution.

Trois axes de travail sont plus particulièrement abordés en Grande Section :

• Faire un rapport entre le mot écrit et le mot oral (par exemple un petit mot à l’écrit correspond à un mot court à l’oral).

• Faire émerger le fait que l’écrit est composé de mots distincts et séparés contrairement à l’oral où tout est attaché.

• Etablir la correspondance entre les unités écrites et les unités orales.

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B - Lieux et temps de communication. Les situations de langage sont multiples à l’Ecole maternelle puisque l’oral constitue le pilier de tous les apprentissages. Agnès Florin distingue deux types de situations d’apprentissage de la langue : - Les moments multiples d’expérimentations, au cours desquels les enfants doivent rendre

compte de leur expériences, moments qui ont leurs propres finalités en dehors des acquisitions langagières proprement dites ;

- les moments dans lesquels les acquisitions langagières constituent les matériaux sur

lesquels porte l’activité : moments de langage, groupes conversationnels, séances de langage…

Je distinguerai, moi, trois domaines d’activités. Le premier concerne toutes les situations de communications où le langage est traité en tant qu’acte de verbalisation . Le deuxième concerne les activités de travail de la langue où le langage est considéré comme un outil de la langue. Le dernier concerne l’entrée dans l’écrit et sera donc plus spécifique au travail de la langue en Grande Section. Les exemples d’activités cités ci-après illustrent mon expérience vécue en maternelle depuis l’an dernier . Bien qu’ayant eu à charge tous les niveaux de maternelle, ces périodes de stages ont été pour moi des périodes d’essais et de tâtonnements. Je n’ai donc pas la prétention de présenter ici une liste de toutes les activités « types » qui permettent de travailler efficacement le langage. Il s’agit simplement de formaliser les bases d’une réflexion sur son apprentissage.

1 – Les situations de communication dans la classe.

J’ai décidé de présenter ici quelques petits moments de la journée de classe qui sont propices à l’élaboration d’un langage en situation qui constitue un aspect non négligeable de l’apprentissage de la langue. Denise Durif fait d’ailleurs état dans son livre Quel langage en maternelle de bon nombre d’anecdotes à ce sujet. Ces petits moments de communication sont le plus souvent de courte durée mais ils sont riches de sens ; c’est pour cela qu’il faut y prêter une attention toute particulière. On y trouve des situations liées à l’emploi du temps : - l’accueil (dire bonjour, demander des nouvelles, etc.), - l’habillage / déshabillage (nommer les vêtements, utiliser les verbes d’action, etc.), - le goûter (nommer les différents aliments, demander les goûts de chacun, etc.), - le passage aux toilettes (utiliser les verbes d’action liés à l’habillage, le déshabillage, etc.), - la sieste en Petite et Moyenne Sections (présenter son doudou, présenter le dortoir, etc.).

Mais ils concernent aussi tous les incidents, imprévisibles, qui sont souvent des moments forts du point de vue émotionnel et donc au niveau de la communication. C’est le cas des multiples conflits qui jalonnent les journées en maternelle mais aussi des moments inattendus où certains enfants éprouvent de la tristesse, de la nostalgie, un manque d’affection passager ou un besoin soudain d’attention. Ce sont, pour les enfants, des occasions d’entrée dans la communication (qui ne sont d’ailleurs pas toujours verbales ; Jean-François Simonpoli note à ce propos que l’enfant utilise souvent d’autres moyens d’expression que le langage en

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adoptant certains comportements d’expressions de leurs sentiments : apaisement, colère, menace, etc.) qu’il faut exploiter au maximum en essayant de leur faire verbaliser leurs émotions.

De plus, il est nécessaire de prévoir dans l’emploi du temps des moments où les

enfants ont la possibilité de s’exprimer librement. Lors de mon dernier stage en Petite Section, j’ai remarqué de nombreuses fois pendant des séances de langage des enfants qui se mettaient à parler inopinément et en dehors du contexte. Par exemple, alors que l’on était en train de décrire une photo de la classe en atelier de langage, une élève s’est mise à me parler de sa maman qui lui avait acheté un doudou rose qu’elle aimait bien, etc. Dans ce cas, la première réaction de l’enseignant est de couper la parole à l’enfant pour recentrer le propos. On assiste alors à un paradoxe significatif, l’enseignant attend des enfants qu’ils parlent dans un atelier de langage et l’enfant qui se met à parler se voit interdire d’ouvrir la bouche. Bien sûr, l’objectif visé n’était pas simplement de s’exprimer à tout propos mais de réinvestir un lexique très précis. Ce genre de réaction est très courant en maternelle. Et le phénomène s’explique aisément : inutile de rappeler les difficultés qu’éprouve un enfant à concentrer son attention sur un objet autre que son vécu d’être humain égocentrique. Ainsi l’enfant peut ressentir le besoin urgent de partager, à tout moment, sa douleur ou son enthousiasme. Et même s’il s’agit là davantage de monologues que de conversations, il serait dommage de ne pas saisir cette occasion pour lui montrer l’utilité du langage en matière de communication de ses émotions. Aussi, pour ne pas brimer les enfants, il est souhaitable de leur accorder un espace de parole le plus infime soit-il. Les rituels et regroupements collectifs constituent des bonnes occasions pour ce genre de prise de parole. L’enseignant y acceptera toutes les interventions des enfants.

2 – Les ateliers de langage

a ) Un domaine transdisciplinaire : De part son aspect transversal, la séance de langage aborde tous les domaines disciplinaires. Pendant mon stage en Petite Section, j’ai travaillé le langage en demi-classe (avec 10 élèves) tous les matins en alternant deux domaines, la géographie et les sciences de la vie et de la terre. Chaque séance durait 20 minutes. J’ai effectué les trois premières séances de la progression prévue dans chaque domaine.

Pour illustrer mon propos, je présenterai les deux premières séances de biologie où

l’objectif principal était de discerner ce qui est vivant ou non. Les enfants devaient nommer les différents objets que je leur présentais sur un plateau : il y avait des graines (de radis, de flageolets, de potirons et de lentilles), des petits cailloux, des trombones, des morceaux de tissus, de carton, de papier, de bois, des bouchons en plastiques (bouchons de stylos ou de bouteilles), des clous et des punaises. Après avoir nommé, décris et défini chaque objet, les enfants ont planté l’objet de leur choix dans le but d’obtenir une plante telle que celle que je venais de leur présenter. La semaine suivante, toutes les graines ayant germé et poussé, les conclusions ont été celles attendues : nous avons trié les objets vivants et les non-vivants dans un tableau à deux colonnes . Dans la première colonne intitulée « ça pousse » (un dessin représentant une plante dans un pot figurait aussi en haut de la colonne), nous avons scotché les graines et écrit le mot. Dans la deuxième colonne intitulée « ça ne pousse pas » (un dessin

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représentant un pot sans plante y figurait de-même), nous avons scotché les autres objets en les nommant. Au cours de ces deux séances, les objectifs de langage visés étaient :

- L’acquisition de vocabulaire de biologie (plante, graine, tige, feuille), d’objets

courants (punaises, bois, plastique, etc.). - L’ utilisation du langage d’évocation : rappel de la séance précédente, rappel de la

transformation de la graine que les enfants avaient plantée la semaine précédente en plante avec une tige et des feuilles, suivi de la germination tout au long de la semaine.

- L’argumentation : dire dans quelle colonne nous devions placer les différents objets plantés suivant qu’ils avaient poussé ou non.

- La conceptualisation de l’écrit : dictée du titre « les graines » .

Cet aspect transversal du langage ne se réduit pas évidemment aux seuls domaines des sciences de la vie et de la terre ou de la géographie. D’autres domaines d’activités présentent aussi de bons supports à des ateliers de langage. J’ai eu l’occasion de travailler l’an dernier en Grande Section, sur un thème de sciences physiques : les transformations de l’eau. Nous avons effectué différentes expériences dont certaines ont donné lieu à un atelier de langage. Il s’agissait, par exemple, de faire un bilan de l’observation de la fonte de glaçons dans des conditions de températures différentes. Ce travail s’est effectué en classe entière (27 élèves). Chaque groupe devait décrire son expérience, puis toute la classe décidait des conclusions que l’on pouvait en tirer. Les conclusions étaient notées dans un tableau où des dessins schématisaient chacun les conditions dans lesquelles s’étaient déroulées les expériences. Cette situation constituait tout à fait une situation d’oral puisque :

- les élèves étaient amenés à utiliser un lexique approprié aussi bien pour décrire leur expérience que pour la relater aux autres,

- l’activité comportait une dictée à l’adulte, - les conclusions étaient débattues par l’ensemble de cette communauté scientifique

qui s’était installée dans la classe. Enfin, il faut noter que les situations d’apprentissage que je viens de citer précédemment peuvent amener les enfants les moins bavards à s’exprimer. En effet, si les thèmes sont variés et riches, ils sont susceptibles de recouvrir un domaine très familier chez chaque enfant. Cela peut amener chacun à pouvoir s’exprimer sur un thème qu’il connaît bien, facilitant d’autant plus l’envie de s’investir dans la langue.

b ) Le travail de la langue:

Les compétences de maîtrise de la langue varient suivant que l’on se trouve face à un public dont le niveau langagier est plus ou moins élaboré. Ce niveau est en général assez restreint à l’entrée de la Petite Section. Alors qu’en Grande Section, les enfants ont déjà acquis un certain niveau de lexique et de formulation. Les objectifs seront donc différents dans la programmation des séquences de langage.

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• Développer le lexique :

Cet objectif est commun à tous les niveaux de la maternelle mais l’approche en est différente. En Petite Section, j’ai beaucoup travaillé sur l’acquisition de vocabulaire se rapportant aux objets que les enfants sont amenés à utiliser quotidiennement. Le jeu du Tacto est pour cela bien approprié. On peut le pratiquer en demi-classe avec une douzaine d’élèves. Ce jeu consiste à faire découvrir aux enfants différents objets les plus courants que l’on peut traiter par thème : les fruits et les légumes (souvent présents au coin dînette), les objets pour travailler dans la classe (crayons, stylos, feuilles, carton, etc.), la vaisselle (présente aussi au coin dînette) ou tout autre objet que l’on peut reconnaître sans le voir. En effet, on place tout d’abord les objets dans un grand sac poubelle opaque où les enfants vont venir un par un les piocher pour les décrire et les nommer. Puis, ils devront ensuite nommer l’objet qu’ils auront pioché les yeux bandés. Cette manipulation de l’objet permet de le conceptualiser et donc de se l’approprier. A noter que lors des premières séances, des enfants vont s’opposer au fait de se faire bander les yeux. Cette difficulté va s’estomper avec une pratique régulière du jeu. Ce jeu du Tacto présenté ici peut très bien être utilisé en Grande Section, cela dépend du niveau des enfants, mais sa portée est limitée. En effet, le vocabulaire étudié se limite à l’univers des enfants dans la classe ou à la maison. Ce jeu a aussi vocation à être le plus souvent répété pour les plus petits. D’autres stratégies permettent l’élargissement du champ lexical.

L’élargissement du champ lexical sera traité à travers l’étude d’objets divers souvent

en lien avec un thème étudié en même temps. En effet, le travail par thème en maternelle est propice à l’introduction de vocabulaire spécifique, le principe étant toujours de manipuler pour apprendre (selon le concept de Piaget qui consiste à « mettre en relation action physique et opération mentale »). L’enfant enregistre un mot parce qu’il lui a donné une référence, qu’elle soit tout simplement visuelle ou affective.

Un exemple assez représentatif est la découverte du milieu extérieur lors des

changements de saisons. En effet, on s’appliquera à nommer tous les éléments qui caractérisent la saison lorsque l’on peut les manipuler. Et j’ai remarqué, notamment en Grande Section, que leur présentation était très productive au niveau des discussions. Pour être plus précis, je vais décrire une séance de langage en Grande Section où l’objectif était de présenter le champ lexical lié aux fleurs et au bourgeonnement. J’ai donc apporté des rameaux d’arbres en bourgeons et d’autres en fleurs. Tout d’abord, il faut dire que les enfants sont toujours émerveillés et enthousiasmés quand on apporte en classe des objets qui viennent de l’extérieur (et qui, en fait, sortent de l’ordinaire). Leur première réaction, après un temps d’étonnement, a été de toucher les objets. Après une phase qui consistait à nommer ce que l’on voyait (les fleurs, les pétales, la tige, les feuilles, les bourgeons, la branche, l’arbre), j’ai conduit la conversation vers une phase de réflexion. Il s’agissait d’émettre des hypothèses sur le passé et l’avenir des fleurs et des bourgeons. Sont alors apparues les notions de saisons (températures, ensoleillement, pluie), de fruit et de graine. Le réinvestissement du lexique s’est fait lors des séances suivantes où nous avons comparé les branches des arbres sous la neige l’hiver (description d’images), et les branches dont nous disposions dans la classe.

Des sujets d’étude et de manipulation du vocabulaire comme celui présenté ci-dessus

sont divers et variés. Le champ d’investigation est très vaste et peut aller de la description des phénomènes de neige et de glace l’hiver à celle du mécanisme d’un vieux moulin à café mécanique récupéré dans une brocante (travail sur le moulin et les engrenages en physique, sur la farine, le blé et la fabrication de pain en cuisine, etc.).

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L’imprégnation du lexique s’opère aussi par l’écoute. La lecture régulière des œuvres classiques pour enfant (les contes de Perraud, d’Andersen ou de Grimm par exemple) permet pour certains la découverte, voir l’imprégnation de nouveaux mots, éveille chez d’autres la compréhension d’un mot qu’ils connaissaient sans pouvoir lui attribuer un sens. Ces moments de « bain de langage » participent à aider les enfants à développer leurs capacités lexicales. En outre, ces moments de langage apportent aux enfants des références culturelles de bases et peuvent être prétexte à un travail sur le récit ou la chronologie.

• Le métalangage en Grande Section :

Remarque : Ce travail sur la structure de la langue doit être fait spontanément tout au long de la journée et à tous les niveaux. Il consiste alors à reformuler une phrase mal construite par un enfant. Il est évident que ce n’est pas suffisant en terme de remédiation mais c’est nécessaire, ne serait-ce que pour montrer à l’enfant que, justement, la langue se construit en respectant certaines contraintes. Mais la manipulation de la syntaxe linguistique est particulièrement rattachée aux ateliers de langage en Grande Section.

Le travail consiste à manipuler et mettre en évidence toute l’organisation syntaxique

liée à notre langue. Le jeu des devinettes permet de travailler les principaux types de phrases (interrogatives, affirmatives, négatives). Sous une forme ludique, les enfants sont amenés à poser des questions à propos d’un objet caché par un camarade. Toutes les interventions doivent respecter la morphologie du type de phrase employé. Ce jeu permet aux enfants de distinguer la différence qui existe entre le langage parlé et le langage écrit (utilisation du « ne…pas » dans les phrases négatives, mise en évidence des transformations possibles des formes interrogatives et affirmatives). Deux autres jeux permettent de travailler cet objectif :

- Le jeu du magicien qui consiste à substituer les différents éléments de la phrase par

d’autres ayant la même fonction (par exemple remplacer les groupes nominaux par des noms ou par des pronoms).

- Le jeu du jongleur qui consiste à déplacer les groupes non essentiels de la phrase

(les compléments circonstanciels par exemple) On se trouve alors déjà dans une perspective de l’apprentissage du langage écrit.

3 - L’approche de la langue écrite en Grande Section :

Le travail de la langue orale en Grande Section prend une dimension disciplinaire tant il est lié à l’apprentissage du langage écrit. L’objectif principal mis en œuvre est, en quelque sorte, de permettre, à partir de l’étude de la langue orale, le passage à l’écrit. La maîtrise de l’oral devient le connecteur de l’entrée dans l’écrit. Cette remarque permettant de distinguer les deux domaines d’apprentissage oral et écrit (même s’ils sont fortement imbriqués l’un dans l’autre), il ne me semble pas opportun de développer ici les situations liées au travail de l’écrit. La phonétique tient une place des plus importantes dans la progression. Voici les domaines abordés le plus souvent dans les ateliers de lecture :

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a ) Discrimination auditive de sonorités caractéristiques de la langue. Cela consiste à distinguer les différents phonèmes ou tout du moins les principaux utilisés :

- Dans un premier atelier, les enfants doivent repérer le son étudié dans une liste de mots ou

un texte (par exemple une poésie où le son apparaît nettement dans les rimes). Puis, ils utilisent ensuite le son dans d’autres mots. Enfin, ils doivent le reconnaître parmi une liste de mots. Dans ce cas, l’évaluation est très simple, à l’aide d’un système de signes (par exemple, on lève la main si l’on entend le son), on distingue immédiatement les enfants en difficultés.

- Dans un autre atelier, ils doivent créer une chanson à partir d’un modèle : « Les souris

multicolores » en respectant les rimes en fin de vers (voir annexe n° 1). C’est un travail très enrichissant car très ludique.

b ) Repérage visuel des graphèmes correspondants, travail sur fiche :

La plupart des exercices consistent à repérer (entourer, découper, colorier, etc.) parmi plusieurs images celles qui correspondent à un mot où l’on entend le son recherché. Un exemple est donné en annexe n° 2.

c ) Découverte et apprentissage des lettres minuscules, majuscules, bâtons et cursives à travers :

- la dictée à l’adulte : bilan d’activités, résumé d’une histoire, rappel d’un événement, d’une

sortie, etc. - la recopie des prénoms des enfants de la classe, de poésies, de consignes, de titres, etc. - la recopie de mots ou de phrases en graphisme. - La discrimination visuelle des différents signes abordés (l’annexe n° 3 en présente un

exemple). C – Les capacités langagières des enfants de cycle I. L’objectif de cette partie est de dresser un état des lieux des conduites typiques de l’enfant en matière de langage. Le propos étant très vaste, je me limiterai à répertorier les caractéristiques les plus marquantes classées en différentes catégories. De plus, la tranche d’âge prise en compte est elle-même très (trop) vaste puisqu’il s’agit de présenter les capacités langagières d’enfants de 2 à 6 ans. Dans cette tranche d’âge, les stades de développement psychologique sont nombreux. Il faut donc bien prendre en compte le fait que certaines capacités langagières ne correspondent qu’à une tranche d’âge et donc qu’à un seul niveau. C’est pourquoi j’ai présenté un petit résumé rapide de ces capacités auquel on pourra, à chaque fois, se référer (deuxième paragraphe : les principales étapes de l’acquisition du langage). Le langage enfantin a comme double caractéristique d’être à la fois très riche mais aussi en pleine construction.

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1 - Qu’est-ce qui change pour un enfant du point de vue de la langue et de la communication orale lorsqu’il entre à l’école maternelle ?

Tout d’abord ses partenaires conversationnels : il a affaire à des personnes nouvelles. S’il a eu une expérience en crèche, il est déjà plus familiarisé avec la dimension collective des échanges. Mais c’est la première fois qu’il se retrouve dans un groupe aussi large dans lequel il doit faire sa place. Chez lui, il utilise souvent un langage de « connivence » avec sa famille, c’est-à-dire un langage non explicite ; son entourage le comprend à demi-mot. Alors qu’à l’école, il va devoir utiliser un langage de verbalisation. En Petite Section ou avec des tout petits, c’est-à-dire avec des enfants de 2 ou 3 ans qui fréquentent l’école pour la première fois, l’enseignant doit le plus souvent possible reformuler ses propos car tout n’est pas compris d’emblée. L’école remplit une mission d’apprentissage d’un langage de verbalisation dans une mise en mots des expériences, des émotions, des connaissances correspondant à la langue en usage. Cela signifie que l’enfant est obligé de faire des efforts pour se faire comprendre et pour comprendre les autres.

2 – Les principales étapes de l’acquisition du langage. - Au niveau du lexique : on considère que vers un an, l’enfant a acquis environ 20 mots. Il a

acquis 300 mots vers deux ans, plus de 1000 mots à trois ans et plus de 6000 à six ans. - Au niveau de la syntaxe : entre trois et quatre ans, l’enfant perçoit l’ordre des mots et

maîtrise des petits mots tels que les prépositions, les pronoms, les déterminants et les adverbes.

- Au niveau des temps verbaux : les plus petits maîtrisent tout d’abord l’infinitif et

l’impératif puis viennent le présent et le passé composé vers deux / trois ans et enfin le futur périphrastique (« je vais faire quelque chose »).

- Au niveau des types de phrases : les phrases interrogatives (sous la forme « est-ce-que »)

et négatives apparaissent vers quatre ans ainsi que les subordonnées relatives puis circonstancielles les plus simples.

- La compréhension du schéma narratif apparaît vers quatre ans. - Enfin, le développement des capacités métalinguistiques se réalise à partir de 5 ans.

3 - Différencier conversation enfantine et langue parlée adulte.

Lorsque l’on tente d’analyser le discours d’un enfant de maternelle, il convient, dans un premier temps, de s’interroger sur la spécificité de celui-ci par rapport à une production orale d’adulte qui peut elle-même être remplie d’imperfections si l’on prend comme référence les productions écrites. En effet, il sera nécessaire de ne pas considérer comme forme significative du langage enfantin certaines caractéristiques de la langue parlée, par opposition à la langue écrite. Ainsi, l’une des caractéristiques des messages oraux selon C. Kerbrat-

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Orecchioni est la présence massive de « scories qui viennent encombrer le discours et entraver la communication » (baffouillements, bégaiements, euh, hein, etc.); cette abondance de ratées est due à la difficulté liée à la « quasi-concomitance de la planification et de la production discursive » ainsi qu’à « l’impossibilité de raturer ». De plus si l’on ne peut considérer comme typiquement enfantin l’emploi d’un registre familier ou encore l’emploi d’expressions liées à une région ou à une communauté, il sera cependant souhaitable de faire prendre conscience à l’enfant du caractère particulier de ces formes d’expression. Enfin, l’incohérence apparente est aussi l’une des caractéristiques de la conversation enfantine. On peut l’attribuer à plusieurs facteurs :

- L’enfant éprouve des difficultés à écouter ses camarades et à prendre en compte leurs

interventions. S’il a en tête une réflexion qui lui paraît pertinente, il n’hésitera pas à la faire, même si celle-ci vient complètement en contradiction par rapport à une précédente. On ne sera également pas surpris d’entendre différents enfants répéter à tour de rôle exactement la même chose.

- Une autre caractéristique contribue également à conférer à la conversation enfantine un

aspect désordonné : la difficulté de conservation du thème. Contrairement à l’adulte qui, lorsqu’il désire changer de sujet, prend le soin d’élaborer une stratégie lui permettant d’amener naturellement la conversation au thème qui l’intéresse, l’enfant, lui, introduit directement l’objet de son désir (« Moi, mon papa y m’a acheté un beau vélo bleu ! »). L’adulte a conscience lui de la nécessité d’un enchaînement logique entre les interventions et prend le soin d’expliquer comment, par association d’idées, il en arrive à penser telle autre chose. Dans l’esprit de l’enfant, les même associations d’idées se déroulent, aussi logiquement que chez l’adulte, la seule différence est qu’il nous manque les clés pour la comprendre. Il faut donc faire attention à ne pas brimer l’enfant qui intervient ainsi inopinément par une condamnation systématique de ses interventions sous prétexte qu’il ne « conserve pas le thème ». Il est délicat de trouver un juste équilibre entre une motivation constante de la parole et une exigence non moins constante quant aux qualités d’écoute et aux capacités à s’insérer logiquement dans une conversation en en conservant le thème, le registre et le ton.

4 - Les capacités langagières. La première caractéristique propre à l’enfant de maternelle, celle, en tout cas, que l’on détecte le plus aisément est sûrement le domaine des capacités langagières. La singularité du langage enfantin réside en effet dans l’abondance d’imperfections qui peuvent parfois prêter à sourire, même si celles-ci sont déjà le témoignage d’une bonne compréhension instinctive et maladroite des mécanismes du langage. Il faut signaler dans un premier temps que, d’une manière générale, l’enfant a une connaissance à la fois large et imprécise de sa langue maternelle, celle-ci varie en fonction du bain linguistique dans lequel il est plongé aussi bien dans son contexte familial, social, que scolaire. Il se trouve dans une phase de construction de ses outils langagiers, il manipule des outils souvent riches mais qu’il ne maîtrise pas toujours. Ainsi, si l’on peut observer dans le discours enfantin les mêmes formulations que chez un adulte, on peut cependant recenser des imperfections typiques dans plusieurs domaines de la langue.

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a ) Domaine de la phonologie :

L’enfant de maternelle ne maîtrise pas totalement la diction, il n’articule pas toujours correctement. On peut relever à ce propos différents types d’erreurs :

- l’omission de phonème, notamment le [r] et le [l]. - la confusion des phonèmes voisins.

Des erreurs du type inversion de syllabes et omission de syllabes sont, par contre,

beaucoup plus rares. Ces erreurs et difficultés de prononciation peuvent être liées à deux facteurs :

- soit l’enfant ne discrimine pas auditivement le mot dans tout son détail et ne peut donc

le reproduire correctement. - soit l’enfant perçoit distinctement chaque son mais son appareil phonatoire ne lui

permet pas de les reproduire. A moins que ces troubles du langage ne soient vraiment prononcés, auquel cas il convient de consulter un orthophoniste (ces difficultés ne seront pas du même ordre selon que l’on se trouve dans une classe de Petite Section ou de Grande Section), l’enseignant peut mettre en place des situations de langage dont l’objectif pourra être la discrimination auditive de tel ou tel phonème posant problème, ou encore la différenciation de deux phonèmes souvent confondus, ceci sous forme de jeu. Pour ce qui est des difficultés de prononciation, la poésie pourra elle aussi constituer un support intéressant.

b ) Domaine du lexique :

On peut remarquer que si le vocabulaire de l’enfant est à la fois intact et assez restreint, il est également en pleine construction. En effet, c’est à travers ses expériences langagières qu’il construit du sens et éprouve naturellement une plus grande aisance dans la compréhension que dans la production. On note à ce propos une utilisation imparfaite des prépositions et des adverbes, ainsi que du vocabulaire spécifique. Ce phénomène peut être expliqué notamment par le fait que cette partie du vocabulaire n’est que très peu usitée dans le langage de la vie courante.

Ainsi, le lexique spécifique et éloigné du contexte de vie apparaît difficile à retenir et à

réinvestir pour lui. On ne peut cependant l’exclure sous ce prétexte. Il semble nécessaire au contraire de renforcer le travail dans un tel domaine, si l’on souhaite donner à l’enfant une chance d’élargir son langage à d’autres niveaux que celui, restreint, de ses besoins fonctionnels. Pour cela, il est primordial de chercher des situations au cours desquelles il pourra prendre conscience de l’utilité et du plaisir d’enrichir son vocabulaire.

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c ) Syntaxe et morphologie :

Les difficultés d’ordre morpho-syntaxique sont assez nombreuses et surtout très variées, du fait de l’évolution quotidienne de la construction du langage chez l’enfant. Il serait fastidieux d’en dresser une liste exhaustive. Cependant, on peut citer, à titre d’illustration, quelques types de fautes qui reviennent assez régulièrement :

On note, par exemple, la présence de nombreux pluriels irréguliers (des bocals), l’absence de contraction de l’article (pour mon goûter je mange de les gâteaux), des difficultés dans l’utilisation des pronoms relatifs (la maison où que c’est que ma grand-mère habite). Enfin, dans le domaine de la morpho-syntaxe verbale, on retrouve le même

phénomène que dans les autres domaines : l’enfant s’essayant à l’emploi de temps moins courants, moins bien connus de lui, échoue davantage. Ses erreurs se diversifient en même temps que sa pratique. Enfin, les temps plus fréquemment employés ne sont pas toujours maîtrisés lorsqu’il s’agit de verbes plus difficiles à conjuguer.

5 - Le rapport au groupe

Une caractéristique essentielle propre à l’enfant de maternelle est peut-être son rapport au groupe et sa façon de s’insérer dans une conversation. Il garde une attitude relativement égocentrique lorsqu’il se retrouve confronté au groupe classe. Il est d’ailleurs frappant de constater que certains enfants, si l’on n’emploie pas la deuxième personne du singulier, ne se sentent absolument pas concernés par ce que l’on dit au groupe. Ainsi, selon les différences de caractère et la timidité plus ou moins grande de chacun d’eux, on rencontrera aussi bien des enfants réfugiés dans un mutisme constant que des enfants qui s’exprimeront en permanence et sans aucun lien apparent avec le sujet de conversation du groupe. De plus, l’enfant a d’énormes difficultés à écouter les productions orales de ses camarades. Tout se passe comme si chaque enfant se sentait engagé dans une relation duelle avec l’enseignant sans avoir réellement conscience du groupe qui l’entoure, en particulier au cours des regroupements collectifs. Il n’est pas rare que plusieurs enfants s’expriment en même temps et ceci, de manière anarchique, sans que cela ne les gêne. Cette difficulté à prendre en compte le groupe est en corrélation directe avec l’incapacité à écouter l’autre et à se concentrer sur quelque chose d’extérieur, ce qui entraîne souvent une incohérence du discours enfantin. En travaillant cet aspect comportemental du rapport au groupe, on renforcera également le concept de socialisation, point fort de l’école maternelle.

6 - La construction du discours et du récit

Qu’il s’agisse de discours (où il met en scène sa propre vie, se raconte) ou de récit (où il rapporte des événements extérieurs à lui-même, qu’ils soient réels ou imaginaires), l’enfant éprouve un certain mal à organiser son propos et par-là, sa pensée. Le plus gros problème se posant à lui est celui de la restitution de la logique dans la chronologie. Ainsi, on observe,

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dans les récits d’enfants, une accumulation d’événements, avec reprise des éléments à chaque nouvelle phrase énoncée, d’où un grand nombre de répétitions.

Exemple : - « J’ai mangé un gâteau. »

- « Un gâteau au chocolat. » - « C’est ma maman qui l’a fait. »

Par ailleurs, on note la présence massive de connecteurs (et pis, après, eh ben), ceux-ci

ayant plus une fonction de ponctuation du récit, permettant à l’enfant de prendre son temps, de préparer ce qu’il dira ensuite, qu’une réelle fonction grammaticale. Il serait cependant faux de croire que l’enfant ne perçoit pas la chronologie d’une histoire : il est capable de comprendre une histoire assez complexe au niveau de sa structure, mais il ne la restitue pas dans sa totalité. On voit que, là encore, la compréhension dépasse largement la production. Ainsi, à cinq ans, l’enfant pourra raconter une histoire en en donnant le début, la fin, les événements et personnages principaux. Michel Fayol précise à ce propos dans une note de synthèse portant sur l’acquisition du récit que : « tout se passe comme si, dans l’impossibilité de traiter complètement le texte, ils ne s’attachaient qu’aux faits les plus répétitifs (la répétition des noms propres) et / ou saillants ».

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II – Enrichir l’apprentissage de la langue. La réflexion menée jusqu’à présent a mis en lumière diverses situations permettant de travailler les compétences de l’oral à l’école maternelle. Aussi, connaissant les principales capacités langagières des enfants, je vais maintenant essayer d’affiner cette réflexion afin de dégager quelques pistes de travail pour enrichir l’enseignement de l’oral. Un enseignement riche de la langue permet d’en favoriser l’accès à la plupart des élèves et notamment aux enfants les plus démunis. Il est évident que les propositions à venir sont des plus modestes. En effet, le mutisme de certains enfants peut avoir des causes très variables et multiples. On ne peut donc pas avoir la prétention de remédier à toutes les difficultés des enfants (notamment lorsqu’il s’agit de difficultés d’ordre médicales). Dans un premier temps, nous aborderons les variables pédagogiques qu’il est possible de mettre en place. Puis, nous verrons comment repérer les principales difficultés. Enfin, je présenterai une analyse de séance de langage. Les séances présentées dans cette partie ne concernent que l’apprentissage du langage oral. Nous avons déjà vu que les apprentissages du langage oral et du langage écrit sont intimement liés mais c’est bien la maîtrise de l’oral qui permet d’entrer dans l’écrit. Ma réflexion portera donc surtout sur les difficultés relevant de l’expression orale. A – Quelques variables pédagogiques pour un enseignement riche du langage.

1 – Le langage offert par l’adulte.

Tout d’abord, commençons par définir ce qu’est le langage offert. Voici une définition telle que la conçoit Denise Durif : c’est une pratique pédagogique qui vise à « élaborer le langage », l’adulte commente lentement et précisément l’activité tout en étant conscient d’être « modélisant » et accessible à tous. Il s’agit donc de commenter l’action (« Tu as fait ceci. »), de l’expliquer (« Tu l’as fait comme ça. ») ou tout simplement de mettre en mots les concepts que les enfants ne maîtrisent pas (par exemple, à un enfant qui dit : « J’y ai mis là ! », l’enseignant répondra en nommant ce « là »: « Tu l’as posé sur l’étagère. »). Le principal avantage de cet « étayage langagier » est de rendre le langage constructif aux yeux des enfants et c’est cette construction là qu’ils doivent appréhender pour progresser.

Quand l’enseignant intervient dans la classe, il doit pouvoir offrir un langage aussi

riche qu’attrayant et il aura le souci permanent de varier ses registres de langue en fonction de la situation. Ainsi, il est certain que dans certains cas il doit situer son langage au niveau des élèves à qui il s’adresse sous peine de rester incompris. De plus, un paramètre non moins important intervient, celui de l’intonation. Les capacités d’attention des enfants de maternelle sont assez réduites et donc, pour capter l’intérêt de son auditoire, l’enseignant doit utiliser sans cesse un registre de mimiques et d’intonations varié. L’enseignant, quel que soit le niveau d’enseignement d’ailleurs, est un acteur dans un jeu de théâtre.

L’objectif de cette variable pédagogique est bien de « plonger l’enfant dans un bain de

langage » pour reprendre l’expression de Denise Durif, où chacun peut puiser les informations qui lui convient et s’en imprégner. Mais, comme elle le dit d’ailleurs elle-même, il ne faut pas se limiter à cette méthode pourtant idéologiquement très égalitariste puisque elle s’adresse à

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tous. Tous les enfants ne pourront pas s’imprégner de ce bain de langage. En effet, certains y trouveront une source de connaissances inépuisable alors que d’autres « risquent de s’y noyer ». Nous avons vu que la construction du sens permet l’appropriation des connaissances. Or, cette construction intellectuelle met en œuvre des mécanismes complexes qu’il serait illusoire de considérer comme des modèles standards. Tous les enfants ne profitent donc pas de ces situations de langage offert.

2 – La taille et la nature du groupe.

a ) Groupe restreint, grand groupe.

Le travail en maternelle est organisé le plus souvent possible en groupes qui effectuent chaque atelier par roulement. Cette organisation permet à l’enseignant de travailler avec des groupes restreints (en général, un groupe compte entre 5 et 8 élèves), ce qui est plus efficace lorsqu’il s’agit d’aborder des notions importantes. Mais cela suppose aussi que les autres groupes travaillent en autonomie . Un groupe peut être pris en charge par l’ATSEM quand son emploi du temps le permet et à la condition que l’objectif fixé soit un objectif de réinvestissement des connaissances. L’organisation en ateliers doit donc être mise en place très tôt, c’est-à-dire dès l’entrée en Petite Section. Les enfants qui travaillent en autonomie doivent, en effet, apprendre à travailler seuls (sans demander d’aide) mais aussi en silence (en faisant le moins de bruit possible). Enfin, l’enseignant doit avoir mis en place un système d’organisation de la classe qui permette d’occuper les enfants qui ont terminé leur travail avant la fin du temps imparti (lecture d’album, jeux au coin dînette, légos, etc.).

Un groupe restreint présente des avantages pour travailler le langage. Le principal

avantage est mis en avant par Jean-François Simonpoli dans son livre Apprendre à communiquer. Les enfants sont plus proches de leur référent social dans la classe, l’enseignant. Cette proximité favorise la prise de parole de tous. L’enseignant qui parle devant la classe ne s’adresse à aucun enfant en particulier et on a déjà vu que cela troublait certains qui ne se sentaient pas du tout concernés par son propos. Le fait de se trouver devant une poignée d’élèves permet au contraire de s’adresser individuellement à tous, autrement dit, tous les enfants se sentent concernés par le propos. Simonpoli y voit d’ailleurs un objectif de socialisation très important, car l’enfant qui parle en groupe restreint exprime un travail scolaire. Il répond ainsi à l’attente de l’enseignant et devient par conséquent un élève de la classe : « Prendre la parole en fonction de la maîtresse, c’est se faire élève par sa parole » (Ateliers de langage pour l’école maternelle).

Un autre avantage est celui d’établir une ambiance plus intime. Les interventions étant

réduites du fait que les enfants sont moins nombreux, les petits parleurs ont donc le champ libre pour s’exprimer. Il est évident que les plus timides osent davantage parler devant un comité restreint. Mais il ne faut pas pour autant oublier la cohésion du groupe classe. Il me semble que ce serait une erreur de travailler le langage dans le seul cadre de groupes restreints, ne serait-ce que pour consolider la conscience du groupe classe chez les enfants. Enfin, il faut ajouter que l’enfant doit s’épanouir au sein de la classe et le travail en groupe doit justement apporter à chacun des outils pour arriver à ce but.

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b ) groupes homogènes, groupes hétérogènes.

Un groupe de langage homogène est un groupe où les enfants ont sensiblement les mêmes facilités à s’exprimer oralement, qu’il s’agisse de compétences linguistiques ou, plus souvent, de l’aisance face au groupe. La formation d’un tel groupe se fait de manière quantitative, c’est-à-dire que les enfants qui le composent ont sensiblement le même nombre de prises de parole. C’est l’occasion pour chacun de s’exprimer sans être systématiquement freiné, que ce soit par son appréhension face au groupe ou, au contraire, parce qu’habituellement il monopolise la parole. L’objectif est d’obtenir une participation également répartie de chacun. Mais il comporte un inconvénient qui est celui de manquer de dynamisme lorsque l’on regroupe ensemble les moins bavards.

Par contre, le groupe hétérogène, constitué d’enfants de « niveaux » très différents

(autrement dit dont le nombre de prises de parole est très différent), ne connaît pas cet inconvénient car il comporte toujours un ou plusieurs éléments moteur. Ces enfants qui dynamisent le groupe, d’une part constituent une source de richesse pour le propos, d’autre part favorisent la réflexion du groupe en créant un conflit socio-cognitif. L’organisation des ateliers de langage en groupes hétérogènes semble donc être la plus performante pour la classe. Mais le travail avec un groupe restreint constitué des enfants les plus démunis au niveau de la maîtrise de la langue s’avère être aussi efficace en terme de remédiation. En effet, Agnès Florin a démontré le monopole des bons parleurs et relativise donc l’intérêt des groupes hétérogènes lorsque des enfants sont en réelle difficulté. La mise en place de petits groupes conversationnels composés des enfants en difficulté vise justement à les aider à développer des compétences qui doivent être ensuite transférables dans le groupe classe.

3 – La richesse des supports.

Dans un premier temps, je rappellerai brièvement la richesse qu’apporte au niveau du langage l’interdisciplinarité. Il est très important de varier les thèmes des ateliers de langage afin que chacun puisse y trouver la source d’inspiration qui l’amènera à s’exprimer. Il est important de rappeler aussi qu’en verbalisant tout apprentissage, toute expérience, on donne la possibilité à chacun de construire des savoirs. Toutes les disciplines sont donc concernées. Je relèverai à ce propos les constatations que Denise Durif a pu faire sur le terrain, constatations mentionnées dans son ouvrage Quel langage en maternelle. Il s’agit du cas d’enseignants qui ont amené les plus timides à s’exprimer à propos d’une surprise qu’ils sortaient de leur poche (petits objets familiers ou insolites : cri-cri, bijoux, figurines, etc.). L’objet devient alors médiateur de l’échange. De telles interventions, de la part d’enfants timides, peuvent être provoquées spontanément par le recours à un album, un jouet, une image ou tout autre objet à manipuler.

De même, le support de l’imaginaire présente un éventail très riche de situations dans

lesquelles les enfants peuvent se projeter. Ces situations constituent un point de départ à la construction de récits dans lesquels les contraintes langagières sont réduites : liberté d’inventer des personnages, des lieux, des objets, etc. C’est l’occasion d’inventer une histoire ou d’en inventer la suite en Grande Section, d’exploiter le lexique d’une image ou travailler la chronologie d’une histoire en Moyenne ou Petite Section. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de travailler ce dernier objectif en Petite Section à l’aide de diapositives (Série Rose ; 6 contes

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pour enfants en 4 diapositives. Collection Caméléon. Sylemma Andrieu). Les enfants ont toujours été très enthousiastes lorsqu’ils découvraient la projection. C’était « comme au cinéma » et chaque séance se terminait par des applaudissements (les petits manifestent souvent ainsi leur enthousiasme). Autant dire que l’imprégnation de l’histoire en était d’autant plus facilitée.

4 – Des objectifs langagiers diversifiés

Les objectifs langagiers que l’on se fixe doivent être très variés, ils ne sont pas forcément exclusivement linguistiques ; on a pu voir à ce sujet l’importance des compétences transversales dans le domaine des interactions verbales. En ce qui concerne ces dernières compétences, l’accent sera mis sur celles se rapportant directement aux capacités à communiquer, notamment les capacités à s’exprimer oralement et de façon compréhensible, à écouter et savoir écouter les autres, et enfin à communiquer avec autrui. A propos de la diversification des objectifs, Gérard Kirady, dans son ouvrage La maternelle, école de la parole, a formalisé ceux qui étaient primordiaux pour entrer dans l’apprentissage de la langue :

- Apprendre les règles conversationnelles. - Aider l’enfant à s’engager dans la communication, même non verbale. - Eviter la surcharge cognitive. - Entraîner à la catégorisation et développer le lexique. - Se donner un minimum de langage commun au sein du groupe classe. - Familiariser avec les écrits et la culture écrite. - Participer à la production collective d’écrits. - Exercer la maîtrise métaphonologique.

Les domaines linguistiques sont très vastes et sans cesse en construction chez l’enfant. Chaque fonction linguistique se retrouve souvent mobilisée dès que l’on entre en communication. Il est donc impossible de travailler toutes ces compétences en même temps et il paraît souhaitable de fixer des objectifs très précis. Ainsi, lors d’une séance de langage, on ne relèvera pas toutes les imperfections des discours des enfants, mais seulement celles en contradiction avec les compétences visées.

Enfin, je mentionnerai un dernier point abordé par Frédéric François dans son ouvrage Pratiques de l’oral, les jeux de langage. Le langage, selon lui, est fait de telle façon que « l’on peut l’apprendre qu’en l’utilisant, on ne l’apprend pas d’abord pour l’utiliser ensuite ». Cela signifie que l’enfant utilise un langage dont il ne comprend pas forcément toute l’étendue sémantique d’où la nécessité de lui faire manipuler des fonctions et registres langagiers très diversifiés, notamment sous la forme de jeux.

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B – Evaluer pour mieux repérer les difficultés.

1 – Comment repérer les difficultés ?

a ) Les « gros parleurs » ne sont pas forcément les bons parleurs :

Elisateth Bautier donne une description des élèves qui réussissent à l’école (entretiens sur internet www. SNUIPP.fr). En résumé, ce sont ceux qui savent mettre en œuvre la capacité (apprise justement) à construire des liens entre les différents moments de leur expérience pour construire de nouveaux savoirs à l’école. Le « bon parleur » n’est donc pas seulement celui qui est capable de partager ou exprimer du « déjà là » vécu ou appris. C’est celui qui va réfléchir à partir des interventions de ses camarades ou de l’enseignant pour revenir, plusieurs minutes après, sur ce qui l’interroge dans le propos. Il y a eu une réflexion menée entre temps et donc une construction de la réponse. Cela les différencie des autres élèves qui interprètent la situation comme les obligeant à répondre à l’enseignant et comme offrant la possibilité de faire part de leur expérience. Leur participation se limite souvent à une seule intervention ; ayant répondu à la question de l’enseignant, ils ont le sentiment d’avoir répondu à ses attentes et de s’être acquittés de la tâche requise. Aider les enfants en difficultés ne se limite donc pas à les solliciter afin qu’ils évoquent des récits de leur vécu ou de leurs sentiments personnels. Il faut aussi les amener à construire du langage. Ainsi, ce n’est pas parce qu’un élève répond à l’enseignant qu’il entre forcément dans un processus d’apprentissage.

b ) Quelques indices pour repérer les difficultés :

L’observation dans le groupe classe ou dans le groupe conversationnel doit permettre

d’apprécier le langage de l’enfant à travers ses conséquences sociales et personnelles. Il s’agit, à ce niveau, d’entendre comment l’enfant parle, repérer comment il prend la parole de l’autre et, en retour, s’adresse à lui. Chaque action doit viser, notamment, à différencier trois types de difficultés dont chacune se réfère à une sphère particulière. A charge ensuite à l’enseignant de mesurer et comparer les difficultés observées afin d’établir un état des lieux pour chaque élève. Les résultats de cette observation doivent permettre d’effectuer un premier diagnostique des enfants relevant d’une prise en charge extérieure. - Difficultés au niveau de la communication : l’enfant peut-il, accepte-t-il ou refuse-t-il

d’entrer dans un processus d’échanges langagiers avec autrui ? A quelle fonction du langage a-t-il accès au cours de ces échanges ? (fonction instrumentale, personnelle, régulatrice, impersonnelle, heuristique, imaginative ou informative).

- Difficultés au niveau du langage : l’enfant présente-t-il un simple retard de langage

portant, soit sur la syntaxe, soit sur le lexique, ou s’agit-il d’un retard plus global ? - Difficultés au niveau de la parole : l’enfant présente-t-il un défaut articulatoire

(zozotement, bégaiement,…) ou s’agit-il d’un trouble affectant le phonème ? Ces premiers indices constituent une base pour la mise en place d’exercices de remédiation appropriés fondés à partir d’objectifs précis (voir 4 - Des objectifs langagiers diversifiés). Mais surtout, ils facilitent la mise en évidence des premiers signes de difficultés relevant d’une prise en charge extérieure.

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c ) Les difficultés nécessitant une prise en charge extérieure :

Les difficultés que l’on peut rencontrer dans une classe ne relèvent pas toutes d’une remédiation pédagogique. Voici quelques cas où il est nécessaire de faire appel à une prise en charge extérieure des élèves :

- enfant qui ne parle pas, ou très peu, aux adultes et / ou aux autres enfants ; - enfant qui parle sans s’adresser aux autres ; - enfant qui a un discours incohérent ; - enfant qui est incompréhensible (à quelque niveau que ce soit) ; - enfant qui refuse systématiquement les activités proposées ; - enfant qui reste en retrait et ne communique pas…

Un travail de dépistage doit permettre de différencier les causes des symptômes observés et de repérer les enfants présentant des troubles graves nécessitant une prise en charge médicale importante : autisme, aphasie (perte de la parole ou de la compréhension du langage suite à une lésion cérébrale), dysphasie (maladie neurologique), épilepsie, surdi-mutité, retard mental sévère. Ce dépistage se fait en lien avec la PMI (protection médicale et infantile), les différents intervenants de la petite enfance, les médecins scolaires et les médecins généralistes. Mais, fort heureusement, la majorité des troubles sont de moindre gravité :

- trouble de l’expression, du langage, de l’articulation ; - confusion de sons, absence de conscience phonologique ; - difficultés à entrer dans un circuit de communication ; - difficultés mnésiques ; - déficits de perception auditifs, visuels ; - troubles psychomoteurs ; - trouble de la personnalité et du comportement ; - déficit de l’attention, hyperactivité ; - précocité …

Dans ce cas-là, le dépistage et la prise en charge sont effectués par le RASED (réseau d’aide spécialisé aux enfants en difficultés). En résumé, trois catégories de difficultés apparaissent, qui ne sont plus du recours de l’enseignant :

- ceux dont les difficultés sont tellement lourdes qu’ils relèvent du secteur médical ; - ceux qui ont besoin d’aides rééducatives ou psychologiques, en petit groupe ou

individuellement (rééducateur ou psychologue) ; - ceux qui ont essentiellement besoin d’aides de type pédagogique sous la forme

d’ateliers, pour des temps de verbalisation ou de travail lexical (maître E).

2 – L’évaluation nationale Grande Section – Cours préparatoire

Introduite à la rentrée 2001-2002, cette évaluation, qui aborde d’autres domaines d’activité que la langue orale, vise essentiellement à recueillir des informations objectivées pour que la programmation des activités soit parfaitement adaptée aux besoins clairement identifiés des élèves, ainsi qu’à leurs acquis. Elle a lieu en début d’année et est centrée sur les compétences à acquérir. Elle permet alors d’établir un diagnostique portant sur :

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- les compétences maîtrisées , - les compétences en cours d’acquisition, - les difficultés qui font obstacles à ces acquisitions.

Elle met ainsi en évidence, pour chaque enfant, les besoins d’approfondissement, de consolidation ou de remédiation qui vont servir de base à l’enseignant pour établir sa programmation des activités et l’organisation de sa classe. Par conséquent, il s’agit bien d’identifier avec précision la nature des difficultés.

Concernant la langue orale, l’évaluation est prévue en situation individuelle, de groupe ou collective (classe entière). En situation individuelle, elle permet d’éviter tous les phénomènes liés au groupe (que nous avons d’ailleurs déjà mentionnés) et qui pourrait fausser les données recueillies. Certaines situations permettent de déterminer dans quelle mesure l’enfant devient capable de s’affranchir d’un contexte familier, connu d’avance, induisant des réponses simples. D’autres situations le conduiront à comprendre et agir à partir d’informations essentiellement de nature linguistique. Une fiche individuelle d’évaluation est proposée en annexe n° 4. Chaque item renvoie à un objectif précis qui permet la mise en place d’ateliers de besoin :

- L’item A permet de mettre en place des groupes de besoin homogènes de petits, moyens

ou grands parleurs. - L’item B conduit à la mise en place d’ateliers de travail de la diction et du repérage de la

phonologie. - Les items C, H, I, K et L visent plus particulièrement la mise en place de situations

d’apprentissage de la prise de parole dans le groupe qui commenceront, on l’a vu, par des situations de prise de parole en groupes restreints.

- L’item D conduit à mettre en place des ateliers de jeux de théâtre et d’expression orale où l’on travaillera notamment l’intonation.

- Les items E et F conduisent à travailler les capacités d’écoute et d’attention. - Les items G et J visent la mise en place d’un climat de connivence entre l’élève et

l’enseignant. - Enfin, les items M et N conduisent à travailler les capacités d’écoute et d’attention ainsi

que la compétence à respecter le contexte langagier. Cette évaluation « diagnostique » est donc formative et constitue un apport très riche au niveau de la mise en place des apprentissages qui tiennent compte des difficultés de tous les enfants. Elle amènera à la construction d’une programmation des compétences sur l’année et même sur le cycle. Mais ces compétences doivent être cohérentes avec les programmes des Instructions Officielles. C’est pourquoi il m’a semblé nécessaire de présenter une programmation des objectifs langagiers sur l’ensemble du cycle.

3- Programmation et évaluation.

J’ai choisi de présenter une progression type proposée par Jean-François Simonpoli dans son ouvrage Atelier de langage pour l’école maternelle (voir annexe n° 5). J’ai choisi cette programmation parce qu’elle présente le double intérêt d’être à la fois concise et précise. En effet, des indicateurs précis sont indiqués pour chaque compétence et pour chaque cycle. Il

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ne s’agit pas pour autant d’imposer la conception de l’apprentissage de la langue d’un linguiste néanmoins très réputé. L’enseignant est aussi un autodidacte dans ses méthodes d’enseignement, il a donc tout le loisir d’adopter les références scientifiques qui lui conviennent le mieux. Et restant soucieux de ne pas trop m’éloigner du sujet, je pense qu’il serait hors de propos de comparer ici les différentes progressions présentées par les spécialistes de la langue. C – Analyse de pratique. Pour terminer ce dossier, je propose de faire une analyse critèriée d’un atelier de langage en géographie effectué en Petite Section pendant mon stage. Il s’agit là de répondre directement à notre question de départ : comment favoriser le développement des capacités de communication de tous les enfants, et notamment des plus démunis. Bien sûr, on se limitera aux objectifs langagiers mis en œuvre pendant la séquence et on envisagera les deux critères suivants :

- Les compétences visées ont-elles été atteintes par tous? - La séance a-t-elle été porteuse d’un véritable enrichissement langagier?

1 – Présentation de la séquence de langage étudiée.

Le principal objectif de cette séquence de géographie était de « rendre familier l’espace proche ». La séquence complète est présentée en annexe n° 6. Je n’ai effectué que les deux premières séances. En effet, la séance n° 1 était très longue à mener. Je l’ai donc découpée en deux parties : la première séance a consisté à décrire la photo de l’école et à réinvestir le lexique (1er et 2ème temps), la deuxième séance a consisté, elle, à décrire la photo de la classe et à en discerner les éléments intrus (3ème temps). La deuxième séance prévue initialement a remplacé la troisième et dernière séance du stage. A partir donc de photos illustrant de manière significative l’école (une vue de la cour avec les bâtiments, une photo de la classe), j’ai amené les enfants à décrire les éléments caractéristiques de leur école. Puis ils ont comparé ces éléments avec des objets intrus qui pouvaient ou non se situer dans l’école (les objets intrus étaient intégrés à l’image). Enfin, ils ont reconstitué des puzzles des photos étudiées (puzzles simples composés de quatre pièces rectangulaires) où chacun comprenait une pièce intruse qu’il fallait ou non écarter de la composition.

Ce travail a été très riche au niveau du lexique. Les enfants ont manipulé et acquis un

certain nombre de mots liés à leur milieu de vie quotidien . Outre tout le vocabulaire lié à la cour de l’école (l’herbe, le préau, le toboggan, les cailloux, etc.) et à la classe (les tables, le coin dînette, les différentes étagères, le tableau, etc.), certains mots étaient inattendus et d’autant plus enrichissants : la barrière et le grillage par exemple en ce qui concerne la vue de l’extérieur, les dalles du plafond ou le bureau du maître concernant la vue de l’intérieur.

La présence des intrus a soulevé tout une phase d’argumentation : les enfants devaient

décider de ce qui était familier ou étranger à la classe. Pendant la phase de travail où les intrus étaient intégrés à l’image, les avis étaient souvent contraires. Mais il fallait bien prendre une décision, elle se faisait le plus souvent en se déplaçant. Par exemple, un des intrus était un ours en peluche. Certains disaient que les « doudous » ne se trouvaient qu’à la maison ; d’autres qu’il y avait un endroit dans la classe où l’on pouvait en trouver. Nous nous sommes

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donc déplacés puis avons vérifié ensemble qu’il y avait effectivement une caisse, proche de l’entrée de la classe, où étaient rangés les nounours des enfants qui les avaient apportés à l’école. Cette démarche a permis de concrétiser, de définir ce qu’est l’argumentation : je dis que cet objet m’est familier car je sais que je peux le trouver dans la classe.

2 – Analyse de la première séance. Remarques préliminaires : - Premièrement, c’est une séance qui a été enregistrée et dont l’enregistrement m’a permis

d’établir un rapport assez représentatif de ce qui s’est dit. Les conversations qui ont eu lieu ce jour-là sont transcrites en annexes n° 7 pour la première phase de travail et en annexe n° 8 pour la deuxième phase.

- Deuxièmement, lorsque une majorité d’enfants parlaient en même temps, je ne les ai pas

distingués individuellement et j’ai nommé l’interlocuteur « Les enfants » même si tous ne parlaient pas.

- Troisièmement, les propos ne sont pas tous exactement transcrits. J’ai, en effet, éliminé les

paroles hors propos (qui n’entraient pas dans le cadre des compétences visées) du style « Maître, y m’a fait une grimace ! » ou même des bribes de chant.

- Enfin, Charlotte est une petite fille de trois ans qui est née sourde et muette. Elle a

recouvré l’ouie et la parole à la suite de plusieurs interventions chirurgicales. A l’heure actuelle, elle ne parle pas distinctement et ne fait qu’émettre des sons (transcrits sous la forme de « Aaaaah » dans le relevé de notes en annexe). Un contrat d’intégration est en cours de réalisation.

Afin d’analyser consciencieusement cette séance de langage, je vais reprendre une par une chaque compétence langagière visée :

- S’exprimer devant d’autres élèves.

Remarque : Les données concernant les temps de parole de chacun des intervenants de cette séance sont mentionnés en annexe n° 9.

Si l’on considère la prise de parole individuelle, il est évident qu’elle n’a pas été

également répartie ( cf annexe n° 9). On retrouve le schéma classique des grands parleurs qui monopolisent la parole : Ysolde totalise à elle seule presque un cinquième (17,4 %) du temps de parole total des enfants pendant l’atelier, soit plus que le temps de parole des trois enfants qui ont le moins parlé, Charlotte, Léa et Florian (14,4 % du temps de parole total à eux trois). Il s’agit donc là d’un groupe homogène où l’on retrouve 3 grands parleurs, Ysolde, Paul et Manon ; 3 moyens parleurs, Mahé, Charline et Laura-Héline ; 3 petits parleurs, Florian, Léa et Charlotte (si l’on peut considérer qu’elle parle).

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En tout cas tous les enfants sont intervenus au-moins 3 fois. L’objectif a donc été atteint. Par ailleurs, d’après les résultats d’enquêtes conduites par un groupe d’universitaires de Poitiers* « la maîtresse parle aux enfants qui parlent » et dans les séquences observées les auteurs font apparaître que 39 % des enfants ne participent pas à la conversation chez les petits (25 % chez les grands). Si l’on regarde les interventions sollicitées par l’adulte (voir annexe n° 9), on se rend compte que le schéma précédent a été reproduit au cours de cette séance puisque Ysolde, qui est l’enfant qui parle la plus, a été la plus sollicitée (3 interventions). Il faudra donc veiller ultérieurement à mieux répartir la parole.

Enfin, les temps de parole des enfants (56 %) et du maître (44 %) sont assez équilibrés. Ce qui semble correct pour un atelier de langage étant considéré le fait que les consignes sont prises en compte.

- Utiliser un lexique varié et approprié à des situations précises.

Dans le 1er temps, les enfants ont bien décrit et nommé les éléments de l’image. Tous

les éléments que j’avais prévu de leur faire découvrir sont sortis de leur bouche, même si parfois, ils étaient mal prononcés : « la pelousse, les abes, l’hebe ». Certains étaient plus difficiles à retrouver :

o le préau. Une seule enfant, Manon, semblait connaître le terme et sa fonction. o la barrière dont les enfants ne connaissaient pas le terme.

Lors de la deuxième phase de travail, les enfants devaient réinvestir le lexique utilisé

auparavant. Le toboggan a été reconnu à l’unanimité ; il faut dire que c’est l’élément le plus connu de l’espace proche des enfants. Puis, quand je leur ai posé la question de savoir à quoi servait le préau, ils ont répondu aussi à l’unanimité « C’est quand y pleut » alors qu’auparavant, le terme n’était connu que de Manon. Le terme de pelouse n’a pas été bien intégré puisque les enfants ne l’ont pas découvert. Peut-être est-ce parce qu’il fait office de double emploi. En effet, on a déjà dit qu’il s’agissait de la cour de récréation et j’ai rajouté qu’il y avait par terre de la pelouse. Les enfants n’ont peut-être pas compris pourquoi deux mots désignaient leur cour de récréation. Enfin, Mahé a bien reconnu les barrières qui séparent les deux écoles alors qu’auparavant elle avait utilisé le terme de « barres ».

Le lexique a donc bien été réinvestit si l’on considère l’ensemble du groupe. Mais

aucun élément ne permet de dire si tous ont intégré le vocabulaire voulu. Cela aurait été trop fastidieux de faire intervenir chacun pour vérifier ses compétences. La compétence « utiliser un vocabulaire approprié » ne peut donc se mesurer que dans le long terme. Par exemple, l’évaluation de cette compétence permet de dire que Mahé est capable de réinvestir un lexique approprié puisqu’elle est intervenue individuellement pour nommer l’objet caché. Mais, évidemment, cette compétence demandera à être confirmée, notamment à travers l’étude d’autres milieux. * Le langage à l’école maternelle

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- Répondre opportunément à la sollicitation de l’adulte / compréhension des

consignes.

Nous avons déjà mentionné cet état de faits : ce ne sont pas les plus grands parleurs qui donnent les réponses les plus pertinentes. Paul, le plus jeune de la classe, est beaucoup intervenu (13 % du temps de parole total) mais presque une intervention sur deux consiste à répéter des mots nouveaux : « la pelousse », « les abes » ou à donner son avis sur ce qui vient de se dire : « ben si ! », « ben non ! ». Quant à Manon (11,6 % du temps de parole total), elle a pris beaucoup moins la parole que Ysolde mais de façon plus pertinente : elle connaît certains termes inattendus, le préau par exemple ou indique un élément que l’on ne voit pas sur l’image comme les arbres. Cela montre que, pour elle, le paysage de l’école est déjà bien intégré.

Dans l’ensemble, les consignes ont été bien comprises. Toutes les interventions des

enfants sont justifiées par rapport au contexte, même celles de Charlotte, dont je me demandais s’il était opportun de la faire participer à un atelier de langage. Lorsqu’elle a montré aux enfants les arbres en fleurs que l’on voyait derrière la baie vitrée de la classe (à la fin de la première phase, voir annexe n° 7), cela prouvait qu’elle avait déjà commencé à structurer l’espace de l’école. Elle rentrait donc bien dans le cadre de l’objectif fixé et démontrait que les consignes étaient intégrées.

Enfin, Charline qui m’a parlé hors contexte (de son doudou et de sa maman, voir

annexe n° 7), intervenait à priori dans le cadre de la conversation puisque l’association d’idée s’est établie à partir de l’évocation de la pelouse chez elle. A noter que je lui ai coupé la parole tout en reformulant le début de sa phrase, c’est-à-dire en prenant en compte le fait qu’elle désirait exprimer une pensée. Je pense qu’il était important de ne pas la laisser intervenir à tout propos tout en lui montrant que j’avais bien entendu ce qu’elle disait.

En conclusion, je peux dire que l’atelier a été enrichissant pour beaucoup d’élèves et même pour « la plus démunie », Charlotte, qui a été plusieurs fois amenée à participer à la conversation. Je pense que cette démarche d’analyse doit être conduite, ne serait-ce qu’une fois, lorsque l’on travaille le langage avec des enfants. Notre rôle de distribution de la parole, d’étayage de la parole pour reprendre l’expression de Jérôme Bruner, d’organisation des débats est primordial. Et on a vu qu’il était facile de se laisser entraîner par la conversation, même inconsciemment, en oubliant que l’atelier s’adresse à tous les enfants et non pas aux seuls bavards qui ont tendance à monopoliser les interventions. Ce n’est qu’avec un certain recul que l’on se rend compte de ce genre d’imperfections. Voici peut-être une des dernières variables pédagogiques à prendre en compte pour enrichir les apprentissages.

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CONCLUSION « Le simple goût de parler découle à la fois du désir de communiquer et de la capacité à mettre en mots son expérience, son appropriation de l’univers ».

Cette pensée de Jean-François Simonpoli ( in La conversation enfantine ) pourrait résumer assez précisément l’état d’esprit dans lequel j’ai mené cette réflexion. En effet, tout en proposant des activités qui motivent la parole de l’enfant, j’ai eu le soucis constant d’apporter un travail qui se veut enrichissant en terme d’outils langagiers. Après avoir constaté que chez l’enfant de maternelle le langage méritait d’être perfectionné aussi bien dans son aspect linguistique que dans sa dimension sociale, j’ai tenté de faire un inventaire de tous les outils pédagogiques aussi variés que complémentaires dont nous disposons pour en enrichir l’apprentissage.

Diversifier les objectifs langagiers et les thèmes de conversation, augmenter les temps

de parole de chacun en variant la taille des groupes conversationnels, travailler les différents domaines de la langue (prononciation, lexique, syntaxe) et ses différentes fonctions (récit et situations de communication conversationnelles), rester proche des situations réelles en diversifiant les supports d’approche de la langue sont autant de réponses en terme d’actions pédagogiques. De plus, le langage doit être abordé comme un objet de plaisir, de jeu, de curiosité et d’expression d’où la nécessité d’une mise en pratique efficace de la part de l’enseignant.

En effet, un enseignement riche du langage reste fondé sur une analyse de pratique de classe qui permet d’évaluer aussi bien les compétences langagières des enfants que la démarche de l’adulte. L’enseignant tient une part de responsabilité non négligeable dans la réussite des situations de langage. C’est lui qui enrichit l’apport langagier au quotidien (langage offert), qui organise la conversation et stimule l’investissement langagier de tous les élèves et c’est lui qui, enfin, induit l’opportunité des interventions des enfants. Il est donc aussi le garant d’une remédiation adaptée pour chacun. Néanmoins, on l’a vu, ses capacités d’action sont limitées, certaines difficultés ne relevant pas du domaine de la pédagogie.

Enfin, pour élaborer ce dossier, je me suis inspiré d’une large bibliographie très riche, elle aussi, qui m’a apporté un support de réflexion aussi vaste que varié, soutien indispensable à l’analyse des différentes situations pratiques et théoriques. Le domaine de l’apprentissage de la langue constitue à l’heure actuelle un des principaux axes de recherche des spécialistes de l’éducation. Chacun, à son niveau, pourra y puiser les ressources nécessaires à une bonne pratique de classe.

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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

- Référence des nouveaux programmes: Qu’apprend-on à l’école maternelle ?

CNDP / XO Editions, 2002.

- Ouvrages : Quel langage en maternelle ?

Durif, Denise Paris : Armand Colin, 1989

La maternelle, école de la parole

Kirady, Gérard Nantes : CRDP Pays de Loire, 2002

Parler ensemble en maternelle

Florin, Agnès Paris : Ellipses, 1995

Pratiques de l’oral.

François, Frédéric Condé-sur-Noireau : Nathan, 1993

Ateliers de langage pour l’école maternelle

Simonpoli, Jean-François Paris : Hachette, 1995

Maîtriser l’oral, cycle 1

Blochet, Patrick / Mairal, Chantal Luçon : Magnard, 2001

La conversation enfantine

Simonpoli, Jean-François Paris : Hachette, 1991

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Apprendre à communiquer Simonpoli, Jean-François Paris : Hachette, 1991

La conversation enfantine

François, Frédéric Paris : Hachette, 1991 - Revues:

Revue Française de Pédagogie:

• N° 62, 1983, L’acquisition du récit : un bilan des recherches (Michel Fayol) • N° 129, 1999, L’enseignement de l’oral et les interactions verbales en classe :

champs de référence et problématiques (Elisabeth Nonnon)

Education Enfantine :

• N° 2, octobre 1999, L’oral (dossier réalisé autour de Claude Le Manchec) • N° 5, janvier 2001, L’oral (dossier réalisé autour de Françoise Héquet)

- Sites internet : www.snuipp.fr : interviews d’Agnès Florin et Elisabeth Bautier dans un dossier intitulé Etat des lieux : Parole à l’oral. www.crdp.ac-versailles.fr : dossier (et bibliographie exhaustive) intitulé La langue orale. www.nathan.fr : compte-rendu des entretiens Nathan 2002 , Ecole et langage. www.cndp.fr : interview d’Agnès Florin dans un dossier intitulé La maternelle, un point d’appui pour l’enseignement de l’oral.

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ANNEXES

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ANNEXE N° 1

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ANNEXE N° 2

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ANNEXE N° 3

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ANNEXE N° 4

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ANNEXE N° 5

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ANNEXE N° 6

FICHE DE PREPARATION

• CHAMP DISCIPLINAIRE : découverte du monde – géographie

• NIVEAU : Petite Section

• TITRE DE LA SEQUENCE : Le paysage de notre école

• OBJECTIF DE LA SEQUENCE : rendre familier l’espace proche

DEROULEMENT

INTRODUCTION

Brève définition de la géographie.

Présentation rapide de la séquence : étude du paysage de l’école (brève définition du mot

paysage), observation et étude de photos de l’école, écoute des bruits familiers de l’école, de

la classe.

ORGANISATION

Toutes les séances se déroulent en demi-classe.

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SEANCE N°1 : « J’observe un espace proche. »

MATERIEL Une image de l’école (format A4)

Une image de la classe (format A4)

Caches en papier pour masquer les éléments caractéristiques des photos (post-it ou

découpes de papier que l’on positionnera avec des aimants)

Images d’intrus collées sur du papier « post-it » et adaptées à la taille de l’image de la

classe.

DEROULEMENT • 1er temps : affichage de la photo au tableau.

OBJECTIF : Déterminer les éléments caractéristiques du paysage qui permettent de dire que

c’est l’image de l’école.

CONSIGNES : Décrire ce que je vois. Nommer les objets / les éléments de l’image.

Eventuellement, sortir dans la cour ou vérifier par la fenêtre.

CONSIGNES : Décrire ce que je vois. Vérifier que c’est bien ce que je vois sur l’image.

VALIDATION

• 2ème temps : cacher, un par un, les éléments caractéristiques de l’image affichée au

tableau.

OBJECTIF : Réinvestir le vocabulaire utilisé. Structurer l’espace proche. CONSIGNE : Retrouver quels sont les objets que j’ai cachés.

• 3ème temps : afficher l’image de la classe. Sur cette image, coller les intrus un par un.

OBJECTIF : Comparer ; argumenter pour valider ce que je sais. Déterminer les éléments caractéristiques du paysage qui permettent de dire

que c’est l’image de la classe. CONSIGNES : Décrire l’image de la classe.

Décrire et nommer les intrus. Dire si l’intrus peut exister dans la classe et pourquoi.

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BILAN COMMUN

SEANCE N°2 : « Je reconstitue le paysage de mon école. »

MATERIEL Un puzzle (constitué d’une image A4 de l’école en noir et blanc * découpée en

4 parties, plus un morceau intrus en noir et blanc lui aussi *) par groupe

d’élèves.

En ce qui concerne les morceaux intrus, j’ai choisi ici une forêt, la mer et une vue de gratte-ciel (ou d’immeubles d’une grande ville).

* Remarque : Constituer des puzzles en noir et blanc pour éviter que les enfants différencient

les morceaux intrus par la différence de couleur. Choisir une bonne résolution et un nuancé de

gris clair pour obtenir une image très nette.

DEROULEMENT ⇒ Ce travail s’effectue en groupe de 3 / 4 élèves

• 1er temps :distribuer un puzzle (complet et sans la pièce intruse) à chaque groupe.

OBJECTIF : Reconstituer un paysage à partir de ses connaissances.

CONSIGNE : Reconstituer le puzzle de l’école.

• 2ème temps : afficher, une par une, les réalisations de chaque groupe et les commenter.

OBJECTIF : Argumenter sa démarche.

CONSIGNES : Valider la réalisation en commun. Expliquer son choix.

• 3ème temps : distribuer, à chaque groupe, les 4 pièces du puzzle complet avec la pièce

intruse.

OBJECTIFS : Connaître les éléments caractéristiques du paysage proche. Savoir distinguer les éléments qui y sont étrangers. Décrire une image / Argumenter. CONSIGNES : Reconstituer l’image de l’école.

⇒ Suite logique :

Une pièce ne va pas. Que représente-t-elle ? Fait-elle partie de notre paysage ? Pourquoi ?

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Remarque : Les enfants de Petite Section sont en pleine phase d’acquisition de lexique.

L’objectif n’étant pas l’acquisition de nouveaux mots liés à un paysage différent (il s’agit

simplement de dire que les éléments de l’autre paysage ne font pas partie du paysage de

l’école), il faudra bien veiller à :

• choisir des intrus faciles d’accès au niveau du vocabulaire descriptif ;

• les aider à décrire l’image intruse s’ils éprouvent des difficultés.

BILAN COMMUN

SEANCE N°3 : « J’écoute le paysage de mon école. »

MATERIEL Différents enregistrements des principaux moments de classe : l’accueil, le chant, la

poésie, un atelier, le goûter, la récréation, la sieste.

Enregistrements de sons intrus : différents sons susceptibles d’être les plus familiers

des enfants.

DEROULEMENT

• 1er temps : écoute des enregistrements de la classe.

OBJECTIFS : S’approprier l’espace sonore proche. Argumenter. CONSIGNES : Nommer les sons que l’on entend sur l’enregistrement. Situer ces sons dans les différents moments de la journée de classe.

Dire pourquoi on pense que le son correspond à cet instant là. • 2ème temps : jeu / écoute des différents enregistrements de la classe qu’il faut

reconnaître.

OBJECTIFS : Connaître l’espace sonore proche. Nommer ses composantes. CONSIGNES : Dire à quel moment de la journée correspond l’enregistrement.

Expliquer son choix. Valider le choix de l’élève en commun.

• 3ème temps : mixage des 2 types d’enregistrements, espace sonore proche et sons

intrus.

OBJECTIFS : Connaître les éléments caractéristiques de l’espace sonore proche. Savoir distinguer les éléments qui y sont étrangers. Reconnaître un son familier / argumenter. CONSIGNES : Dire quels sont les enregistrements que l’on peut entendre dans la classe. Nommer ces enregistrements.

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Distinguer, décrire et nommer (si possible) les enregistrements intrus. Valider en commun.

EVALUATION [ Principales compétences mises en œuvre lors de cette séquence ]

Compétences transversales ( liées au domaine de la langue ) :

EST CAPABLE DE : • S’exprimer devant d’autres élèves.

• Répondre opportunément à la sollicitation de l’adulte / compréhension

des consignes.

• Argumenter son propos.

• Utiliser un lexique varié et approprié à des situations précises.

Principales compétences disciplinaires :

EST CAPABLE DE : • Discerner les principaux éléments de son espace proche parmi

d’autres éléments intrus.

• Utiliser un lexique concret permettant d’identifier des éléments de son

espace proche.

Vue de l’école :

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Vue de la classe :

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Les intrus :

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Puzzle de l’école :

Les intrus :

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ANNEXE N° 7 Relevé de notes du 1er temps de la 1ère séance. L’enseignant : Alors aujourd’hui, nous allons faire de la géographie. Est-ce-que vous en avez déjà fait ? Est-ce-que vous savez ce que c’est ? Les enfants : Nooon ! L’enseignant : D’accord, alors je vous explique : on va décrire une photo de notre école (j’affiche en même temps l’image au tableau). Les enfants : Ohhhhh ! L’enseignant : Voilà, c’est ce que l’on appelle le paysage de votre école. Mais attention, on en voit seulement une partie ! On ne voit même pas l’entrée de l’école ! Sur notre photo, on ne peut pas tout voir ! Paul : Ben non ! L’enseignant : Le paysage de l’école, c’est tout ce que l’on peut voir ici quand on est à l’école. Et justement, vous allez me dire ce que vous voyez sur ce paysage…. Ysolde (qui me coupe la parole) : Le toboggaaaan ! L’enseignant : Oui, c’est vrai, mais attends, je finis ma phrase et après je vous laisse la parole ! Alors, je voulais juste vous dire que ce que l’on va faire maintenant, c’est de la géographie. On va décrire le paysage de notre école. Charline (incompréhensible) : Batifirafiii ! L’enseignant : Oui. Alors, dernière chose avant de commencer, lorsque l’on veut parler, on lève la main et on ne parle pas en même temps que les autres, on attend son tour, ainsi, tout le monde peut parler et dire ce qu’il pense. L’enseignant ( je montre l’image) : Alors, qu’est-ce-que c’est ? Léa : Y’a d’école. L’enseignant : Oui. Est-ce-que l’on voit toute l’école ? Ysolde : Ouiiiiiiii ! L’enseignant : Est-ce-que vous pouvez me dire pourquoi c’est l’école ? Laura-Héline : Parc’que y’a toboggan. Léa : Oui, y’a toboggan. L’enseignant : Montre-nous ! Léa montre le toboggan au premier plan à gauche. Florian : Y’a les deux voitures. Il montre les voitures - jouets qui sont rangées sous le préau. Charlotte montre du doigt le toboggan où elle a l’habitude de passer ses récréations. Florian : Y’a aussi ça. Il désigne la fenêtre de la classe des grands qui apparaît à droite tout au fond du bâtiment. L’enseignant : C’est quoi ce que tu nous montre ? Ysolde : C’est une fenêtre. L’enseignant : Laquelle ? Ysolde : De l’école. L’enseignant : Quelle classe ? Ysolde : Des grands. Laura-Héline : La route de voiture. Elle désigne ainsi, en le montrant du doigt, le chemin qui parcoure la pelouse et où les enfants peuvent faire du trotteur ou de la voiture – jouet. L’enseignant : C’est quoi ça ? Léa : Cailloux. Ysolde : C’est la récréation ! Paul : L’chemin dans la cour. L’enseignant : Approchez-vous et regardez le petit chemin où vous faites de la voiture. Les enfants (qui se penchent devant l’image) : Ah oui ! L’enseignant (Je désigne le préau) : Que peut-on dire d’autre ? Qu’est-ce que c’est ça ? Ysolde : On dirait une maison mais c’est pas vrai. Laura-Héline : Y’a pas d’fenêtre. Mahé : Si, c’est une maison. Laura-Héline : Non, c’est pas une maison.

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Ysolde : Si, c’est une maison. Confusion. Manon : C’est le préau ! L’enseignant : Oui, c’est çà.. Tu peux répéter ? Chut ! Manon : C’est le préau . L’enseignant : Et ça sert à quoi le préau ? Manon : C’est pour faire quand y pleut. L’enseignant : Oui, c’est pour s’abriter quand on va dehors et qu’il pleut. Les enfants : Ah oui ! L’enseignant (Je désigne l’école des grands , le bâtiment à l’arrière plan au fond à gauche) : Que voit-on là-derrière ? Manon : L’école des grands. L’enseignant (Je désigne la barrière en bois qui sépare les cours de récréation des deux écoles) : Et çà, qu’est-ce que c’est ? Les enfants : Euh ! Je montre à nouveau la barrière, les enfants s’approchent pour mieux voir. Mahé : Des barres. L’enseignant : Elles servent à quoi ces barres ? Les enfants : Euh Ysolde : L’école des grands. L’enseignant : Ca s’appelle une barrière. Elle sert à séparer les deux cours de récréation, celle des grands et la nôtre. Vous voyez la cour de récréation des grands ? Ysolde (montrant du doigt la cour de récréation des grands) : Là ! Charlotte (montrant la pelouse au premier plan) : Aaaaah ! L’enseignant : Ca, c’est notre cour et il y a quoi par-terre ? Paul : Y’a l’hebe ! L’enseignant : Oui, c’est de l’herbe. On appelle çà une pelouse. Manon : La plousse. Paul : La plousse ! L’enseignant : Non, la pelouse ! Paul : La pelouse. L’enseignant : Oui, c’est là où vous jouez l’été quand il fait beau. Charline : Ben tu sais, chez moi, y’a la pelousse et ma maman, eh ben elle m’a acheté le doudou rosse et etc… L’enseignant (je lui coupe la parole) : D’accord, il y a de la pelouse chez toi, c’est très bien ! Tu as de la chance ! Mais, attention, il faut finir le travail. Il y a encore une chose que l’on n’a pas vue. Qu’est-ce-qu’on voit ici dans la cour et dont on n’a pas encore parlé ? Je désigne les arbres (cela n’apparaît pas sur la photo, mais il y a beaucoup d’arbres dans la cour, notamment devant l’école, dont on aperçoit quelques branches à gauche et en haut à droite de l’image). Manon : Les abes. L’enseignant : Très bien, ce sont les arbres. Mahé : Les abes. Paul : Oh ! Les abes ! Charlotte (montrant les arbres en fleurs devant la fenêtre de la classe) : Aaaaah ! L’enseignant : Eh bien oui, regardez, on les voit bien les arbres ! Tous les enfants regardent en direction de la baie vitrée. Un se lève pour aller voir puis plusieurs le suivent. Nous nous déplaçons tous pour regarder par la fenêtre. Mahé : Y’a des abes ! Les enfants : Ah ouais ! L’enseignant : Allez, on retourne vite devant le tableau ! On va faire notre jeu.

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ANNEXE N° 8 Relevé de notes du 2ème temps de la 1ère séance : L’enseignant : Alors, je vous explique le jeu. Je vais cacher une partie du paysage et vous devez me dire quel est l’objet que j’ai caché. 1er cache : Le toboggan au premier plan. Florian : Toboggan ! Mahé : On l’voit pas ! L’enseignant : Ce n’est pas le toboggan qui est caché ! Paul : Ben si ! Charline: Y’a l’toboggan. Paul: Oh! L’enseignant : Vous êtes sûrs que c’est le toboggan ? Les enfants : Ouiii ! L’enseignant (j’enlève le cache) : Oui, c’était une blague, c’est bien le toboggan. 2ème cache : la pelouse. L’enseignant : Qu’est-ce-que j’ai caché cette fois-ci ? Les enfants : Euh! L’enseignant : Mais si, c’est l’endroit où vous aimez bien jouer l’été ! Les enfants : Euh! Ysolde : C’est le toboggan ! L’enseignant (je montre le toboggan sur l’image): Mais non ! Il est là, il n’est pas caché ! Personne ne trouve. L’enseignant (je retire le cache) : C’est la pelouse, l’herbe où vous jouez quand il fait beau. Les enfants : Euh! L’enseignant : C’est très bien ! On a découvert ce que c’est ! C’est la cour de récréation et par terre, il y a de l’herbe. Les enfants restent perplexes. 3ème cache : le préau. L’enseignant : Alors ? Mahé : préau L’enseignant : Oui. Vous vous rappelez à quoi ça sert ? Les enfants : C’est quand y pleut ! L’enseignant (je retire le cache) : Très bien. 4ème cache : la barrière. L’enseignant : Alors ? Mahé : Barrière. Charline : Pour pas sortir ! Florian : Y’a un trou pour sortir. Début de conflit entre les deux enfants. L’enseignant (je retire le cache) : Bravo ! C’est bien la barrière.

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5ème cache : l’école des grands. L’enseignant : Alors ? C’est un peu plus dur ! Ysolde : C’est une maison. L’enseignant : Laquelle ? Laura-Héline : La salle pour danser. L’enseignant : Quoi ? Manon : L’école des filles et des garçons. L’enseignant : Ici aussi, il y a des filles et des garçons ! Paul : C’est l’école des grands ! L’enseignant : Qu’est-ce-que tu en penses toi, Charline ? Charline : Sais pas ! L’enseignant (je retire le cache) : On vérifie ? Très bien ! C’est l’école élémentaire, l’école des grands! Les enfants sont de plus en plus énervés. 6ème cache : la baie vitrée de l’école des grands. L’enseignant : On fait le dernier ! Alors, qu’est-ce-que j’ai caché ? Manon : Sais pas ! L’enseignant : Et les autres ? Vous en pensez quoi ? Les enfants ne répondent plus et sont déconcentrés. Je décide d’arrêter l’activité. Retour au calme. Les enfants sont de nouveau attentifs. L’enseignant : Vous avez bien travaillé. Ca vous plaît la géographie ? Les enfants : Ouiii ! Regroupement de toute la classe dans le coin tapis.

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ANNEXE N° 9 Les prises de parole de chacun : Prises de parole Effectifs

1er temps

2ème temps

Total de la séance

Pourcentages

Interventions sollicitées par

l’adulte

YSOLDE 10 2 12 17,4 * 3 CHARLINE 2 3 5 7,2 * 1

PAUL 6 3 9 13,0 * 1 FLORIAN 2 2 4 5,8 * 1

LEA 3 - 3 4,3 * 2 LAURA - HELINE 4 1 5 7,2 * 1

MANON 6 2 8 11,6 * 2 MAHE 4 3 7 10,1 * 1

CHARLOTTE 3 - 3 4,3 * 1 TOTAL 40 16 56 - -

LES ENFANTS ENSEMBLE 6 7 13 18,8* - TOTAL (de tous les enfants) 46 23 69 56,1** 13

LE MAITRE 31 23 54 43,9 ** - * Pourcentage par rapport au total des prises de paroles des enfants. ** Pourcentage par rapport au total des prises de paroles (enfants + maître). Les grands parleurs Les petits parleurs La prise de parole du maître par rapport à celle des enfants

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TRAVAILLER L’ORAL EN

MATERNELLE

RESUME : Ce mémoire aborde l’apprentissage de l’oral en maternelle. Il présente, dans un premier temps, les principales compétences attendues dans les nouveaux programmes ainsi que de nombreuses situations d’apprentissage. Dans un deuxième temps, il propose toute une série de variables pédagogiques permettant d’enrichir l’apprentissage de la langue. Enfin, la dernière partie propose un dépistage de difficultés spécifiques et des situations de remédiation. MOTS CLES :

- Ecole maternelle - Expression orale - Langage - Apprentissage - Travail de groupe