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MAI 2016 VOLUME 13 N° 116 12 e DPC Développement Professionnel Continu SARCOPÉNIE ET RHUMATISMES INFLAMMATOIRES Que sait-on actuellement ? Dr Anne Tournadre, Stéphane Walrand, Christelle Guillet, Pr Yves Boirie, Dr Clément Lahaye www.rhumatos.fr • www.rhumatoaccess.fr la Pratique quotidienne en RHUMATOLOGie avis d’experts Résultats de l’étude EXXELERATE : première étude comparative en face-face de deux anti-TNF dans la polyarthrite rhumatoïde Pr Alain Cantagrel et Pr Roland Chapurlat le coin des jeunes rhumatologues Rhumatismes et activité physique : objectifs et recommandations focus sur La Main rhumatologique : doigt à ressaut, sclérodermie, arthrose digitale... Dr Virginie Pécourneau et Dr Olivier Fogel Dr Michel Bodin Rhumat o s N o 1 première revue en audience hôpital + ville (étude CESSIM, IPSOS 2015)

(étude CESSIM, IPSOS 2015) Rhumatos · 2019-11-26 · LE COIN DES JEUNES RHUMATOLOGUES 98 Rhumatos • mai 2016 • vol. 13 • numéro 116 *Service de médecine du sport, CHU Toulouse

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MAI 2016 • VOLUME 13 • N° 116 • 12 eDPC

DéveloppementProfessionnelContinu

SARCOPÉNIE ET RHUMATISMES INFLAMMATOIRES

Que sait-on actuellement ?

Dr Anne Tournadre, Stéphane Walrand, Christelle Guillet, Pr Yves Boirie, Dr Clément Lahaye

www.rhumatos.fr • www.rhumatoaccess.fr

la Pratique quotidienne en RHUMATOLOGie

avis d’experts

Résultats de l’étude EXXELERATE : première étude comparative enface-face de deux anti-TNF dans la polyarthrite rhumatoïde

Pr Alain Cantagrel et Pr Roland Chapurlat

le coin des jeunes rhumatologues

Rhumatismes et activité physique : objectifs et recommandations

focus sur

La Main rhumatologique : doigt à ressaut, sclérodermie, arthrose digitale...

Dr Virginie Pécourneau et Dr Olivier Fogel Dr Michel Bodin

RhumatosNo1 première revue

en audience hôpital + ville (étude CESSIM, IPSOS 2015)

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L’équipe de rédacteurs scientifiques intégrée à la rédaction et la validation systématique par les auteurs et le rédacteur en chef garantissent la qualité des articles de la revue Rhumatos. Rhumatos répond aux critères d’exigence de la presse :- Distinction des espaces publicitaires et des publirédactionnels par rapport aux articles scientifiques.- Déclaration des liens d’intérêts demandée aux auteurs.- Membre du SPEPS (Syndicat de la presse et de l’édition des professionnels de santé).- Accréditation par la CPPAP (Commission paritaire des publications et agences de presse).

Directeur de la publication : Dr  Antoine Lolivier • Rédactrice : Gaëlle Monfort • Secrétaire de rédaction : Christelle Destombes • Directrice des opérations : Gracia Bejjani • Assistante de production : Cécile Jeannin • Rédacteur graphiste  : Élodie Lecomte • Directrice de clientèle/projets : Catherine Patary-Colsenet • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne - 2 Av Berthelot - ZAC de Mercières - BP 60524 - 60205 Compiègne cedex

e RÉDACTEUR EN CHEF

Dr Dominique Clerc (Paris) et Pr Thierry Schaeverbeke (Bordeaux).

e COMITÉ DE LECTURE

Dr Didier Alcaix (Le Havre), Pr Yannick Allanore (Paris), Dr Laure Artru (Le Mans), Dr Laurence Bellaïche (Paris), Dr Michel Bodin (Griselles), Pr Valérie Bousson (Paris), Dr Olivier Brocq (Monaco), Dr Agnès Chabot (Paris), Pr  Gérard Chalès (Rennes), Pr  Arnaud Constantin (Toulouse), Dr Philippe Dieudé (Paris), Dr Patrick Djian (Paris), Dr Hang-Korng Ea (Paris), Dr Olivier Fichez (Saint-Raphaël), Dr  Gilles Hayem (Paris), Pr  Éric Houvenagel (Lomme), Dr Frédéric Jacq (Paris), Dr Alain Karneff (Versailles), Pr Isabelle Koné-Paut (Le Kremlin- Bicêtre), Dr Frédéric Lavie (Le Kremlin-Bicêtre), Pr Thierry Lequerré (Rouen), Pr Frédéric Lioté (Paris) , Dr Bernard Maillet (Moulins), Pr  Yves Maugars (Nantes), Pr Bernard Mazières (Toulouse), Dr Henri Nataf (Mantes-la-Jolie), Pr Souhaïbou Ndongo (Dakar), Dr Édouard Pertuiset (Pontoise), Dr Éric Roulot (Paris), Dr Didier Rousseau (Paris), Dr  Philippe Thelen (Paris), Dr  Philippe Thomas (Metz), Dr Anne Tournadre (Clermont-Ferrand), Dr Jean-Marc Ziza (Paris).

e COMITÉ SCIENTIFIQUE

Pr Bernard Bannwarth (Bordeaux), Pr Thomas Bardin (Paris), Dr Karine Briot (Paris), Pr Alain Cantagrel (Toulouse), Pr  Bernard Cortet (Lille), Pr Valérie Devauchelle-Pensec (Brest), Dr  Henri Dorfmann (Paris), Pr Jean- Denis Laredo (Paris), Pr Frédéric Lioté (Paris), Dr Catherine Marty (Garches), Pr Bernard Mazière (Toulouse), Pr Thao Pham (Marseille), Pr Pierre Quartier (Paris), Pr Anne Redondo (Clichy), Dr Jacques Rodineau (Paris), Pr Christian Roux (Paris), Pr Alain Saraux (Brest), Pr Richard Trèves (Limoges), Pr Daniel Wendling (Besançon) Pr Pierre Youinou (Brest).

Rhumatos est une publication ©Expressions Santé SAS

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Les articles de Rhumatos sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

SOMMAIREmai2016

Vol. 13N° 116

RENDEZ-VOUS DE L’INDUSTRIE ..................... P. 113 BULLETIN D’ABONNEMENT .............................. P. 121

LE COIN DES JEUNES RHUMATOLOGUES .... P. 98Rhumatismes et activité physique : objectifs et recommandationsDr Virginie Pécourneau (Toulouse), Dr Olivier Fogel (Toulouse)

AVIS D’EXPERTS .................................................. P. 104Premiers résultats de l’étude EXXELERATE : anti-TNF et polyarthrite rhumatoïde Pr Alain Cantagrel (Toulouse), Pr Roland Chapurlat (Lyon), Dr Michel Bodin (Griselles)

FOCUS SUR............................................................ P. 122La Main rhumatologique : journée scientifique du 3 octobre 2015Dr Michel Bodin (Griselles)

www.rhumatos.fr

sarcopénie et rhumatismes inflammatoires

éditorial : de l’importance du muscle dans les rhumatismes inflammatoires . . . . p. 108Dr Anne Tournadre (Clermont-Ferrand)

1/ Comprendre les mécanismes de la sarcopénie : modèle du sujet âgé . . . . . . . p. 109Stéphane Walrand (Clermont-Ferrand), Christelle Guillet (Clermont-Ferrand), Pr Yves Boirie (Clermont-Ferrand)

2/ Sarcopénie et cachexie : comment en faire le diagnostic ? Pourquoi ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 114Dr Anne Tournadre (Clermont-Ferrand), Dr Clément Lahaye (Clermont-Ferrand)

3/ Sarcopénie et rhumatismes inflammatoires : que sait-on actuellement ? . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 117Dr Anne Tournadre (Clermont-Ferrand)

DOSSIER

en audience* (hôpital + ville)*Étude 2015 IPSOS-CESSIM (Centre d’études sur les supports de l’information médicale)N°1

Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages chacun) Crédit de couverture : DR - © leonello - iStock.

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LE COIN DES JEUNES RHUMATOLOGUES

98 Rhumatos • mai 2016 • vol. 13 • numéro 116

*Service de médecine du sport, CHU Toulouse**Centre de rhumatologie, CHU Toulouse

aborderons les deux principaux rhumatismes : polyarthrite rhuma-toïde (PR) et spondyloarthrite.

ACTIVITÉ PHYSIQUE

■■ DÉFINITION ET EFFETS POSITIFS DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUEL’activité physique (AP) se définit comme tout mouvement produit

Rhumatismes et activité physiqueObjectifs et recommandations

Dr Virginie Pécourneau*, Dr Olivier Fogel**

P ourtant, celle-ci est pertinente par ses effets généraux, mais

aussi pour son action sur le rhu-matisme lui-même. Quelles sont les recommandations actuelles ? Sur quelles données scientifiques s’appuient-elles ? Quels conseils faut-il délivrer au patient ? Quelles activités sont préconisées ? Nous

RésuméL’activité physique adaptée et encadrée est recom-mandée dans la prise en charge des deux princi-paux rhumatismes inflammatoires, polyarthrite rhumatoïde et spondyloarthrite. Elle doit com-prendre la pratique d’une activité d’endurance pendant 30 à 40 minutes, d’intensité moyenne, 2 à 3 fois par semaine ; même en cas d’ankylose rachidienne ou de déformations importantes. Elle doit être complétée par du renforcement musculaire et des étirements. Dans le cadre de

la spondyloarthrite, ces exercices sont axés sur le rachis avec notamment un travail des chaînes postérieures. Pour la polyarthrite rhumatoïde, ils sont adaptés selon les atteintes et les défor-mations, par exemple centrés sur les quadriceps et les ischio-jambiers en cas d’atteinte au niveau du genou. Le renforcement doit être isométrique en cas de déformations importantes. Dans tous les cas, l’activité physique est adaptée au goût du patient, pour favoriser son implication.

AbstractRheumatism and physical activityIn chronic arthritic disorders, especially rheumatoid arthritis and spondyloarthritis, exercises are recommended as comple-mentary treatment combined with pharmacologic drugs. Endu-rance exercise can be proposed, of moderate intensity, 30 to 40 minutes, 2 to 3 times a week. It must be supplemented with

musculation and stretching exercises. For spondyloarthritis, it will focus on the spine, including posterior chain whereas in rheumatoid arthritis, it will be adapted according to deformities. In all cases, muscle strengthening will be isometric for joints with significant deformations. Physical activity should be fit to the patient’s taste in order to improve his/her compliance.

Tout le monde s’accorde à reconnaître que l’activité physique doit être encouragée au vu de ses bienfaits. Beaucoup de croyances erronées et de peurs persistent chez les patients souffrant de rhumatismes.

par les muscles squelettiques, responsables d’une dépense énergétique (définition de l’OMS), en d’autres termes “bouger”. Tous les mouvements de la vie quo-tidienne ou professionnelle, les loisirs (jardinage, bricolage) sont donc des AP. Le sport, qui im-plique la notion de performance, n’est qu’une forme particulière d’activité physique (1). Les béné-fices de l’activité physique ont été

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démontrés à de nombreuses re-prises (expertise Inserm). La pra-tique régulière d’activité physique protège des maladies cardiovas-culaires, améliore la fonction res-piratoire et contribue au maintien du capital osseux (2). Elle est un facteur protecteur de certains cancers (côlon et sein), elle favo-rise un bon fonctionnement céré-bral et le bien-être, elle améliore la qualité de vie. Enfin, elle permet un meilleur contrôle pondéral et glycémique.

■■ RISQUES DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE ET PRÉCAUTIONSAu-delà de tous ces effets positifs, il existe deux risques principaux à la pratique d’AP : cardiaque et musculo-squelettique. Le premier sera recherché à l’interrogatoire en listant les facteurs de risques cardiovasculaires et, dans certains cas, un test d’effort à visée cardio-logique sera indiqué. Le second sera limité par une bonne hydra-tation, du matériel adapté (chaus-sures), un bon encadrement (mas-seur-kinésithérapeute, éducateur médico-sportif) et un bon entraî-nement pour éviter au maximum le risque d’accident.

■■ TYPES D’ACTIVITÉ PHYSIQUE SPÉCIFIQUESL’AP peut être aérobie, anaéro-bie ou comprendre des exercices d’assouplissement. L’AP aérobie concerne les activités d’endu-rance, de durée longue, comme la marche, la course à pied ou la natation. L’AP anaérobie implique des exercices de renforcement musculaire comme la gymnas-tique ou le tai-chi. Enfin, l’AP com-prend un travail d’étirement et d’assouplissement. Nous verrons que ces trois types d’activité sont recommandés, à des fréquences et des intensités différentes.

ACTIVITÉ PHYSIQUE ET RHUMATISMESIl y a quelques années, le travail musculaire isométrique seul était conseillé chez les patients souf-frant de rhumatismes, dans le but de protéger les articulations. Cela entraînait une importante séden-tarité, voire un déconditionnement à l’effort. Or, ces patients ont un risque cardiovasculaire plus élevé, une diminution de la fonction respi-ratoire (syndrome restrictif dans la spondyloarthrite) et une diminution de la densité minérale osseuse. D’ailleurs, la Haute autorité de santé (HAS) conseille l’AP (Guide médecin sur spondylarthrite grave, ALD 2008) chez les patients souf-frant de rhumatismes, pour entre-tenir la force musculaire, lutter contre la raideur et maintenir les capacités cardio-respiratoires.Des précautions spécifiques doivent cependant être prises. L’AP doit être réalisée à distance des poussées douloureuses et ne doit jamais entraîner ou aggraver les douleurs. Avant de débuter l’AP, un examen clinique précis doit être effectué pour évaluer les mobilités articulaires, les déformations, la force musculaire et la douleur. Cela permet d’orienter le type d’AP. Pour les patients très déconditionnés ou ayant arrêté l’AP depuis une longue période, il est préférable de débu-ter par une rééducation encadrée par un masseur-kinésithérapeute, qui aura pour but de maintenir les amplitudes articulaires et de réa-liser du renforcement musculaire spécifique. Par exemple, un pa-tient souffrant de spondyloarthrite pourra bénéficier de séances visant à le sensibiliser sur les exercices d’étirement spécifiques du rachis : chaînes postérieures, grands dor-saux, iliopsoas. Une patiente, qui présente une polyarthrite avec at-teinte des hanches et des genoux,

pourra bénéficier de renforcement musculaire spécifique, des quadri-ceps et des ischio-jambiers, ainsi que de gain des amplitudes articu-laires et de stabilisation articulaire.Dans tous les cas, la reprise doit être progressive et encadrée, en se fixant de micro-objectifs d’en-traînement précis, atteignables et quantifiables afin de suivre ses progrès. Il faut essayer d’adapter les AP tout en respectant la volonté et les goûts du patient, précaution gage d’une bonne compliance.

POLYARTHRITE RHUMATOÏDE (Fig. 1)

■■ POLYARTHRITE RHUMATOÏDE ET ACTIVITÉ PHYSIQUEOn sait que le repos n’est pas bé-néfique chez les patients souffrant de PR. L’activité aérobie et le ren-forcement musculaire dynamique améliorent la mobilité articulaire et la force musculaire  ; ils procurent le bien-être (3). Ils ont également un effet positif sur la douleur et la qualité de vie (4). S’ils sont réali-sés dans de bonnes conditions, ils n’aggravent pas les lésions radio-logiques (5). Deux méta-analyses en sont la preuve (6, 7). Les recom-mandations de la HAS (ALD  22, avril 2008) définissent les objectifs de la pratique de l’AP. Elle vise à diminuer la douleur, prévenir les déformations (ne pas les aggraver), maintenir la mobilité et la stabilité articulaires, entretenir les perfor-mances musculaires et la capacité aérobie et permettre une adapta-tion fonctionnelle au handicap.

■■ CONSEILS SPÉCIFIQUESL’AP aérobie doit être effectuée à intensité modérée, 2 fois par se-maine, 30 à 40 minutes (cyclisme ou natation). La marche peut être pratiquée, mais il faut être très vigi-

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Rhumatismes et activité physique

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lant sur le chaussage des patients et, si nécessaire, mettre en place un appareillage adapté (orthèses plantaires ou chaussures ortho-pédiques). L’économie de hanche est en général préconisée. Les AP doivent être adaptées à la présence de prothèses (hanche et genou) ou d’arthrodèses (poignets). Des exercices de renforcement musculaire peuvent être mis en place, mais en les adaptant au han-dicap fonctionnel, notamment au niveau des mains. La préhension étant parfois limitée, on peut alors s’aider d’élastiques placés au ni-veau des poignets. Le renforcement est orienté selon la topographie de l’atteinte : ischio-jambiers et qua-driceps en cas d’atteinte de genou, triceps et biceps brachial pour le coude.Des exercices d’étirement com-plètent l’AP avec pour objectif le maintien des amplitudes articu-laires, notamment au niveau des hanches, des genoux, des chevilles et des épaules. Un travail d’assou-plissement simple des doigts et des poignets peut être proposé. Un travail de proprioception visant à améliorer l’équilibre est nécessaire pour limiter le risque de chute chez ces patients à risque d’ostéopo-rose.

■■ SPORTS RECOMMANDÉSLes sports d’impact, notamment la course à pied, sont déconseil-lés, car ils sollicitent l’avant-pied de manière excessive. La marche peut être pratiquée avec un chaus-sage adapté, l’utilisation de bâtons de marche peut s’avérer utile si les mains le permettent. Les dis-ciplines aérobie conseillées sont le cyclisme et la natation. La gymnas-tique douce, le tai-chi et le pilates peuvent également être proposés. Ces activités sont à adapter en fonction des atteintes (localisa-

tions) et de leur sévérité. Malgré ces recommandations, le choix de l’activité physique revient au patient en accord avec le médecin afin d’obtenir une bonne compliance.

SPONDYLOARTHRITE (Fig. 2)

■■ RATIONNELLa HAS recommande la pratique d’activités physiques aérobie et anaérobie ainsi que des étirements spécifiques. Certaines études ont évalué l’effet d’une activité physique au domicile (8, 9), d’autres ont étu-dié l’effet d’une activité physique encadrée ou en groupe (10, 11). Elles ont démontré une améliora-tion de la douleur et une diminution de l’activité de la maladie évaluée sur des scores d’activité, de la mo-bilité rachidienne, de la qualité de vie, de la fatigue et de la dépression.

■■ RECOMMANDATIONSL’activité physique fait partie de la prise en charge non médicamen-teuse (ALD 27, HAS avril 2008). Elle permet l’entretien ou la récupéra-tion de la mobilité (rachidienne), l’entretien des performances mus-culaires, de la capacité respiratoire et la lutte contre la douleur. Elle comprend des exercices aéro-bie, d’étirement et du renforcement

musculaire. Ces derniers sont les seuls recommandés lorsque le pa-tient souffre d’une ankylose fixée. Ils doivent être pratiqués à intensi-té moyenne, 2 à 3 fois par semaine sur une durée de 30 à 40 minutes. La pratique du cyclisme ou de la natation peut être conseillée, mais il n’existe pas de contre-indication à la pratique des autres sports no-tamment la course à pied, si cela n’entraîne pas de recrudescence des douleurs.

Le renforcement musculaire inté-resse spécifiquement la sangle abdominale et les muscles dorsaux afin d’obtenir un meilleur gainage. Les différents chefs musculaires des membres inférieurs et supé-rieurs seront également renforcés. Enfin, les étirements sont indispen-sables chez les patients souffrant de spondyloarthrite, ils permettent un assouplissement rachidien. Ils doivent être réalisés plusieurs fois par semaine, si possible tous les jours. Ils concernent surtout les muscles paravertébraux, les muscles dorsaux, la sangle abdo-minale, les ischio-jambiers et les quadriceps.

■■ SPORTS RECOMMANDÉSLes torsions et compressions rachidiennes sont à éviter. Les

FIGURE 1 - Proposition d’exercices d’assouplissement dans la polyarthrite rhumatoïde.

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activités aquatiques peuvent être limitées par la présence de pso-riasis cutané étendu. Ces activités doivent être complétées systéma-tiquement par des exercices d’éti-rement et de renforcement muscu-laire spécifique.

QUE DIRE AUX PATIENTS ?L’AP doit être favorisée chez les patients souffrant de rhumatismes. Le patient doit être rassuré et conforté par ses progrès réguliers. La reprise se fera progressivement et doit être optimisée en fonction du suivi. Dans tous les cas, l’enca-drement par les professionnels de santé (médecin généraliste, rhu-matologue, kinésithérapeute), voire avec l’aide d’un éducateur médico-sportif est indispensable au début afin de personnaliser le programme de travail, vérifier les bonnes pra-tiques et s’assurer d’une bonne compliance. À terme, l’objectif est d’identifier l’activité qui convient le mieux au patient pour que celle-ci fasse partie intégrante de son quoti-dien et accompagne ou se substitue aux traitements pharmacologiques symptomatiques.

■■ PRESCRIPTION TYPE (12)• Activité aérobie : 30 à 45 mi-nutes à intensité modérée par jour, 2  jours sur 7. Natation, cy-clisme, marche (bon chaussage, bâtons de marche). La marche

pourra être également réalisée en milieu aquatique.• Renforcement musculaire des muscles périarticulaires au moins 2 fois par semaine, selon la règle des 8 à 10 exercices utilisant les principaux groupes musculaires avec 8 à 12 répétitions à chaque exercice. L’intensité est au départ modérée. Celui-ci ne devra pas se faire 2 jours consécutifs.• Exercices d’assouplissement et d’équilibre, centrés sur les articula-tions atteintes ; 5 fois par semaine, si possible tous les jours. ■

✖ Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Les auteurs remercient le Pr Constantin pour sa contribution dans ce travail.

Mots-clés Polyarthrite rhumatoïde, Spondyloar-thrite, Activités physiques et sportives, Déconditionnement à l’effort

Keywords Rheumatoid arthritis, Spondyloarthritis, Physical activity, Exercise

FIGURE 2 - Proposition d’exercices d’étirement pour le patient souffrant de spondyloarthrite.

1. Rochcongar P, Rivière D, Monod H et al. Médecine du sport pour le praticien. Elsevier Masson 2013 ; 592 p.2. INSERM. Activité physique : contextes et effets sur la santé - synthèse et recommandations. 2008 ; 170 p.3. Benhamou M. Recommandation à l’effort et polyarthrite rhumatoïde. Ann Phys Rehabil Med 2007 : 50 ; 377-81.4. Baillet A, Payraud E, Niderprim VA et al. A dynamic exercise programme to improve patients’ disability in rheumatoid arthritis: a prospective randomized controlled trial. Rheumatology (Oxford) 2009 ; 48 : 410-5.5. de Jong Z, Munneke M, Zwinderman AH et al. Is a long-term high-intensity exercise program effective and safe in patients with rheumatoid arthritis? Results of a randomized controlled trial. Arthritis Rheum 2003 ; 48 : 2415-24.6. Baillet A, Vaillant M, Guinot M et al. Efficacy of resistance exercises in rheumatoid arthritis: meta-analysis of rando-mized controlled trials. Rheumatology (Oxford) 2012 ; 51 : 519-27.7. Baillet A, Zeboulon N, Gossec L et al. Efficacy of cardiorespiratory aerobic exercise in rheumatoid arthritis: meta-analy-

sis of randomized controlled trials. Arthritis Care Res (Hoboken) 2010 ; 62 : 984-92.8. Aytekin E, Caglar NS, Ozgonenel L et al. Home-based exercise therapy in patients with ankylosing spondylitis: effects on pain, mobility, disease activity, quality of life, and respiratory functions. Clin Rheumatol 2012 ; 31 : 91-7.9. Yigit S, Sahin Z, Demir SE, Aytac DH. Home-based exercise therapy in ankylosing spondylitis: short-term prospective study in patients receiving tumor necrosis factor alpha inhibitors. Rheumatol Int 2013 ; 33 : 71-7.10. Ince G, Sarpel T, Durgun B, Erdogan D. Effects of a multimodal exercise program for people with ankylosing spondylitis. Phys Ther 2006 ; 86 : 924-35.11. Lubrano E, d’Angelo S, Parsons WJ et al. Effectiveness of rehabilitation in active ankylosing spondylitis assessed by the ASAS response criteria. Rheumatology (Oxford) 2007 ; 46 : 1672-5.12. Depiesse F, Coste O. Prescription des activités physiques. Masson ed 2016 ; 554 p.

Bibliographie

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AVIS D’EXPERTS

104 Rhumatos • mai 2016 • vol. 13 • numéro 116

*Griselles

Dr Michel Bodin : Vous avez été l’un des investigateurs de l’étude EXXELERATE, première étude comparative en face-face de deux anti-TNF, lancée par UCB. Les tout premiers résul-tats ont été annoncés en avant-première des congrès inter-nationaux. Pouvons-nous les évoquer avec vous ?

Pr Alain Cantagrel : Comme vous l’avez dit, c’est pour la pre-mière fois une étude comparative de deux anti-TNF en face-face et, comme investigateurs, nous étions extrêmement motivés. C’était l’occasion de tester en vraie

entre le certolizumab et l’adali-mumab, aussi bien sur l’évalua-tion d’efficacité à 12 semaines que sur le pourcentage de patients présentant une diminution d’acti-vité de la PR à 2 ans.

M.B. : Quel était le but initial de cette étude ?

A.C. : Le laboratoire UCB souhai-tait mettre en évidence la supério-rité du certolizumab sur l’adali-mumab, et notamment : 1. démontrer que la dose de charge permettait d’atteindre plus rapide-ment une efficacité à 3 mois ;2. démontrer que la moindre immu-nogénicité du produit pouvait auto-riser un meilleur maintien théra-peutique avec le certolizumab.Les résultats, sur l’ensemble de l’étude, sont sans équivoque. L’ef-fectif était conséquent (915 patients inclus). Ce peut paraître décevant pour le promoteur ; ce l’est moins pour les rhumatologues que nous sommes, parce que cela démontre

Premiers résultats de l’étude EXXELERATE Anti-TNF et polyarthrite rhumatoïde

Dr Michel Bodin*

Le point sur les résultats de l’étude EXXELERATE, première étude comparative en face-face de deux anti-TNF, avec nos deux experts : les Pr Cantagrel et Chapurlat.

grandeur les réponses à deux pro-duits différents mais avec le même mécanisme d’action, chez des patients naïfs de biothérapies et en réponse inadéquate au métho-trexate (MTX). Le design de cette étude randomisée était tout à fait satisfaisant, les patients recevant, de manière aléatoire, soit du cer-tolizumab pegol, selon le schéma standard de traitement (une dose d’attaque de 400 mg à la semaine 0, 2  et 4, puis une dose d’entre-tien tous les 15 jours à 200  mg, en association avec le MTX), soit 40 mg d’adalimumab toutes les deux semaines, également en association avec le MTX et un pla-cebo aux semaines 0, 2 et 4, afin de préserver le test à l’aveugle. Le critère principal était le taux de réponse ACR 20 à 3 mois, et, à 2 ans, le pourcentage de patients présentant une faible activité de la maladie (DAS 28  ≤  3,2). Les pre-miers résultats dont nous avons eu connaissance ont montré une absence de différence significative

L’AVIS DU PR ALAIN CANTAGREL (TOULOUSE)

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Premiers résultats de l’étude EXXELERATE

Rhumatos • mai 2016 • vol. 13 • numéro 116 105

qu’il n’y a pas de différence signi-ficative entre ces deux produits. Par ailleurs, certains éléments de l’étude nous apportent des infor-mations intéressantes  : les pa-tients qui, à 12 semaines, n’étaient pas répondeurs au premier  pro-duit prescrit, étaient switchés et recevaient l’autre médicament de l’étude ; on a pu ainsi évaluer l’effi-cacité du deuxième anti-TNF après un échec primaire, et une non-ré-ponse à la semaine 12. Lorsque, à la 12e semaine, on passe du certo-lizumab vers l’adalimumab, on a relativement peu de bons répon-deurs, de l’ordre de 20 %. Dans le sens inverse, le résultat est exacte-ment le même. Il semble donc que l’ordre d’administration ne modifie pas le résultat. Ce faible taux de répondeurs, à 20  %, nous incite à penser qu’en cas d’échec d’un anti-TNF, à la semaine 12, on a intérêt à changer la cible de la biothérapie.

M.B. : Cette étude est-elle inté-ressante sur le plan clinique ?

A.C. : Effectivement. À partir de maintenant devront être effec-tuées des analyses complémen-taires. En matière de tolérance, il

n’a pas été noté de différence, avec une incidence d’effets secondaires totalement comparable, en parti-culier en matière d’infections. En termes d’efficacité, des analyses en sous-groupes pourraient révé-ler des différences : il est possible que la dose de charge permette d’atteindre une plus grande effica-cité chez les patients dont la mala-die est particulièrement active. Un autre point intéressant est certai-nement l’évolution des doses de MTX sur 2 ans, dans les 2 bras de l’étude. Il est vraisemblable qu’un certain nombre d’autres informa-tions apparaîtront lors du déve-loppement des analyses prévues. Pour ma part, je considère ce tra-vail comme une étude référente.

M.B. : Peut-on en tirer des en-seignements sur les facteurs prédictifs d’évolution de la PR ?

A.C. : En l’état actuel, je ne pense pas. Les analyses plus fines per-mettront peut-être de trouver des facteurs prédictifs, en fonction de la présence ou de l’absence des anticorps anti-TNF.

M.B. : L’étude permettra-t-elle de

définir quel produit serait préfé-rable en première intention ?

A.C. : Entre le certolizumab et l’ada-limumab, la réponse est identique. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’en cas d’échec d’un anti-TNF à 3 mois, il n’y a pas beaucoup d’intérêt à poursuivre avec un médicament de la même famille biologique. Un autre intérêt de cette étude, et pas le moindre, est son schéma, qui devrait servir d’exemple et de modèle d’es-sai avant toute mise à disposition d’une nouvelle biothérapie, le certo-lizumab et l’adalimumab pouvant, du fait de ces résultats, être considérés comme des produits de référence.

M.B. : À ma connaissance, ces résultats n’ont pas encore été publiés ?

A.C. : Effectivement, et il est de ce fait impossible de communiquer sur cette étude avant les résultats officiels, qui doivent être publiés au prochain congrès de l’ACR à Washington, en novembre. Mais, pour moi, encore une fois, le fait d’avoir mis au point un tel proto-cole et de l’avoir mené à bien mé-rite d’être salué.

Dr Michel Bodin : Vous avez été coordinateur et investigateur principal de l’étude EXXELERATE, première étude comparative en

face-à-face de deux anti-TNF, initiée par UCB, et dont les pre-miers résultats ont été annoncés récemment par un communiqué succinct de l’APM. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Pr Roland Chapurlat : Cette étude bien construite, incluant des PR modérées à sévères, réfractaires au traitement par le méthotrexate

(MTX), prévoyait un critère de juge-ment d’efficacité à 12 semaines en escomptant une réponse plus favo-rable pour le certolizumab selon les critères ACR 20. Nous ne disposons que de très peu d’informations, mais on peut d’ores et déjà consta-ter que, à 12  semaines, il n’existe pas de différence significative entre les résultats obtenus avec le certolizumab et ceux obtenus avec

L’AVIS DU PR ROLAND CHAPURLAT (LYON)

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AVIS D’EXPERTS

106 Rhumatos • mai 2016 • vol. 13 • numéro 116

l’adalimumab. En fait, c’est la pre-mière fois que l’on peut disposer de résultats non biaisés concernant deux anti-TNF comparés en face-à-face. À lui seul, le fait d’avoir des résultats pratiquement identiques est, en soi, tout à fait intéressant.

M.B. : Apparemment, les résul-tats à 2 ans ne sont pas diffé-rents ?

R.C. : En effet. L’efficacité à 2 ans été jugée sur un DAS 28 ≤  3,2 et le pourcentage de patients pré-sentant une faible activité de la maladie était de 35,5  % pour le certolizumab vs 33,5 % pour l’ada-limumab, cette différence n’étant pas significative. En matière de tolérance également, le nombre d’effets secondaires relevés était identique. À l’évidence, il existe donc, à ce jour, une équivalence entre les deux produits.

M.B. : En fait, les résultats com-muniqués sont peu nombreux. Pensez-vous que la poursuite des analyses nous apportera des informations complémentaires intéressantes ?

R.C. : Je le crois. Il pourrait par exemple exister des éléments montrant des facteurs prédictifs de la réponse thérapeutique diffé-rents en fonction de l’un ou l’autre produit. Il faudra aussi s’intéres-ser à l’analyse de la proportion de sujets qui switchent (les non répondeurs au premier anti-TNF prescrit, au bout de 12 semaines, étaient systématiquement traités par l’autre médicament).

M.B. : Il semble par ailleurs qu’il n’existe pas de différence significative en matière d’anti-corps antimédicaments ?

R.C. : Pour l’instant, il n’y a pas d’information officielle sur ce point précis.

M.B. : En l’état actuel de ce que l’on sait, quels enseignements peuvent profiter à la commu-nauté rhumatologique ?

R.C. : À ce jour, chacun d’entre nous à l’habitude de prescrire sa propre biothérapie, en fonction de ses habitudes, avec souvent un éventail limité à un ou deux produits. Ce choix est basé sur notre expérience personnelle et l’impression souvent subjective que tel ou tel anti-TNF donne de meilleurs résultats, dans tel ou tel profil pathologique. Selon ces pre-miers résultats, il semble bien que les deux produits soient réelle-ment très proches l’un de l’autre.

M.B. : Les prescripteurs at-tendent souvent qu’on leur in-dique quel médicament utiliser en première intention. Cette étude permettra-t-elle de ré-pondre à cette question ?

R.C. : Non, puisqu’en l’occurrence, les patients inclus dans l’étude étaient naïfs de toute biothérapie.

M.B. : Quelles informations peut-on espérer, lorsque l’on disposera des résultats défini-tifs, lors de la prochaine session de l’ACR ?

R.C. : Certainement plus de don-nées sur les anticorps antimé-dicaments : il peut exister une différence puisque l’un des deux traitements est pégylé, mais ce n’est pas certain. D’autre part, il sera intéressant de voir si les premiers résultats se modifient si l’on étudie les critères ACR  50 et ACR  70. On va s’attacher éga-lement à définir les facteurs prédictifs de la réponse dans chaque groupe thérapeutique, qu’ils soient cliniques (comme le nombre d’articulations gonflées, ou biologiques, la CRP). Il est possible que, dans ce domaine également, on ne puisse trouver de différence significative. Des recherches plus poussées et plus sophistiquées sont actuellement effectuées et pourront aussi nous donner des réponses intéres-santes en matière de génétique et de génomique. n

✖ Pr Cantagrel déclare avoir des liens d’intérêts : membre d’un groupe d’experts : Laboratoires BMS, Chugai, MSD France, Novartis, Pfizer, Roche, UCB. Essais cliniques, actions de formation : Abbvie, BMS, Chugai, Fabre, MSD France, Nordic-Pharma, Novar-tis, Pfizer, Roche, UCB. Subventions de recherche : Pfizer, UCB.

✖ Pr Chapurlat déclare avoir des liens d’intérêts : investigateur principal France de l’étude Exxelerate. Conférences et/ou conseil : UCB, Amgen, Pfizer, BMS, Roche-Chugai, MSD, Abbvie, Lilly.

Mots-clés Anti-TNF, Polyarthrite rhumatoïde

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Rhumatos • mai 2016 • vol. 13 • numéro 116 1071

> ÉDITORIAL � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 108 Dr Anne Tournadre (Clermont-Ferrand)

> 1/ Comprendre les mécanismes de la sarcopénie : modèle du sujet âgé � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 109 Stéphane Walrand (Clermont-Ferrand), Christelle Guillet (Clermont-Ferrand), Pr Yves Boirie (Clermont-Ferrand)

> 2/ Sarcopénie et cachexie : comment en faire le diagnostic ? Pourquoi ? � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 114 Dr Anne Tournadre (Clermont-Ferrand), Dr Clément Lahaye (Clermont-Ferrand)

> 3/ Sarcopénie et rhumatismes inflammatoires : que sait-on actuellement ? � � � � � � � � � � � � � � P� 117 Dr Anne Tournadre (Clermont-Ferrand)

DOSSIER

Sarcopénie et rhumatismes inflammatoires

Comprendre ses mécanismes et interactions

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DOSSIER

L es biothérapies, en ciblant les mécanismes in-flammatoires, ont révolutionné la prise en charge

des rhumatismes inflammatoires chroniques ces der-nières décennies. Il n’en reste pas moins que la poly-arthrite rhumatoïde (PR) et les spondyloarthrites sont associées à une altération des capacités physiques et à nombre de comorbidités parmi lesquelles l’excès de risque cardiovasculaire, les troubles métaboliques et l’ostéoporose, tous responsables d’une altération de la qualité de vie et d’une surmortalité.

Le muscle est à la fois un déterminant majeur de la fonction locomotrice, mais aussi des fonctions méta-boliques et énergétiques. Il semble maintenant bien établi que les rhumatismes inflammatoires chro-niques, et en particulier la PR, sont associés à une perte de masse et de fonction musculaires et à une augmentation de la masse grasse, définissant le phé-notype d’adiposité ou d’obésité sarcopénique, qui pourrait rendre compte à la fois du handicap fonction-nel et de l’augmentation des comorbidités.

Préserver ou améliorer la masse et la fonction mus-culaires est donc un objectif essentiel pour mainte-nir les capacités fonctionnelles et limiter les comor-bidités cardiométaboliques et osseuses des patients atteints de rhumatismes inflammatoires.

Comprendre les mécanismes de la sarcopénie en situation d’inflammation chronique, les interactions

avec le tissu adipeux, l’os, le système cardiovasculaire et l’impact des traitements de fond peut ouvrir de nou-velles perspectives thérapeutiques combinant traite-ments de fond, intervention nutritionnelle et entraîne-ment musculaire dans une action synergique.

L’Unité de nutrition humaine s’est intéressée depuis longtemps aux mécanismes de la sarcopénie qui ac-compagne le vieillissement. Il est maintenant temps d’appliquer ces concepts aux rhumatismes inflamma-toires chroniques. Les éléments diagnostiques d’une sarcopénie ou d’une cachexie, fréquemment sous-esti-més dans les rhumatismes inflammatoires malgré leur impact sur la morbi-mortalité et les coûts de santé font encore débat, mais des critères consensuels incluant des éléments cliniques et d’imagerie permettent de dépister les populations à risque. De nombreuses in-terventions médicamenteuses, nutritionnelles ou s’ap-puyant sur l’activité physique sont en cours d’évaluation et permettent d’envisager le recours prochain à des stratégies thérapeutiques multimodales pour lutter contre ces modifications de la composition corporelle et leurs conséquences.

Bonne lecture, n

Dr Anne TournadreService de rhumatologie CHU Clermont-Ferrand,

Unité de nutrition humaine UMR1019, Inra/Université d’Auvergne Clermont-Ferrand

De l’importance du muscle dans les rhumatismes inflammatoires

Éditorial

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DOSSIER

*Unité de nutrition humaine UMR1019 Inra/Université d’Auvergne, Clermont-Ferrand**Unité de nutrition humaine UMR1019 Inra/Université d’Auvergne, Clermont-Ferrand, Service de nutrition clinique CHU Clermont-Ferrand

tion d’acides aminés. Au-delà de son rôle moteur, le muscle est ainsi le garant d’un bon équilibre méta-bolique général. Enfin, il intervient indirectement dans la réponse immunitaire notamment en tant que “réservoir” d’acides aminés rapidement disponibles pour les besoins d’autres tissus, comme les cellules immunocompétentes.

CONTRÔLE DU MÉTABOLISME PROTÉIQUE ET PRÉSERVATION MUSCULAIRELe maintien de la masse protéique corporelle est sous l’influence permanente de deux mécanismes à l’équilibre chez l’adulte, la syn-thèse (anabolisme) et la dégrada-tion (catabolisme) des protéines du muscle (Fig. 1). Ces deux com-posantes du métabolisme pro-téique dépendent de nombreux facteurs comme l’apport nutri-tionnel, notamment en protéines et en énergie, les différentes ré-gulations hormonales ou encore l’exercice physique (3). • La synthèse des protéines exige des apports adéquats en acides aminés, qu’ils proviennent de l’ali-mentation ou de leur recyclage à la suite de la protéolyse. Elle nécessite également un subs-

1/ Comprendre les mécanismes de la sarcopénieModèle du sujet âgé

Le vieillissement est caracté-risé par le changement de nom-breuses fonctions biologiques pouvant gravement altérer la qualité de vie des personnes âgées (1). Parmi les altérations liées au processus de sénescence, la fonte musculaire, encore appelée sarcopénie, corres-pond à une perte de la masse, de la qualité et de la force des muscles squelettiques.

Stéphane Walrand*, Christelle Guillet*, Pr Yves Boirie**

C e processus doit être distin-gué de la cachexie qui cor-

respond à une perte musculaire et adipeuse plus rapide, dont le mécanisme relève de causes fré-quemment inflammatoires (2). Les conséquences de cette fonte musculaire sont multiples (fai-blesse, fatigabilité, risque accru de chutes et de fractures, perte d’autonomie, etc.) et contribuent au surcoût de dépenses de santé associées à la surmorbidité de cette population. Il est donc important de com-prendre les mécanismes à l’ori-gine de la perte musculaire qui accompagnent le vieillissement, afin d’élaborer des stratégies nutritionnelles visant à ralentir l’évolution vers la dépendance et la perte d’autonomie.

APPROCHE INTÉGRÉE DE LA FONCTION MUSCULAIRELe muscle est un organe contrac-tile qui permet la locomotion et l’équilibre, mais il joue également un rôle clé dans l’entretien osseux par la contrainte qu’il exerce sur l’os. Le muscle est aussi un organe métabolique intervenant majo-ritairement dans la captation du glucose, l’oxydation des lipides, la production de chaleur et la libéra-

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DOSSIER

110 RHUMATOS • mai 2016 • vol. 13 • numéro 1163

Protéines 10-12 kg

Contrôle de la masse musculaire

Massemusculaire

LeucineAcides aminés

Hormones

Exercice

Inactivité

Malnutrition

Maladies/trauma

Anabolisme

Catabolisme InsulinePertemusculaire

Croissancemusculaire

Synt

hèse

pro

téiq

ue30

0 g/

j

Acidesaminés libres

Apports exogènesSynthèse de novo

Protéolyses300 g/j

FIGURE 1 – Le muscle est la réserve protéique de l’organisme, sous l’influence permanente de deux mécanismes à l’équilibre chez l’adulte, la synthèse (anabolisme) et la dégradation (catabolisme) des protéines du muscle.

trat énergétique suffisant et elle pourra être ralentie par un déficit énergétique chronique. La signa-lisation intracellulaire qui va dé-clencher l’anabolisme constitue un troisième facteur important de la synthèse protéique. Celle-ci passe principalement par la voie du récepteur à l’insuline IGF-1 (IGF-1/AKT/mTOR) dont l’activa-tion stimule la synthèse des pro-téines et, simultanément, inhibe la dégradation des protéines. Le rôle de la génétique et de l’épigé-nétique dans la modulation de la synthèse protéique globale reste, quant à lui, peu connu.• Le catabolisme met en jeu de nombreuses voies protéolytiques spécifiques, notamment le com-plexe ubiquitine-protéasome ATP-dépendant. Comme l’anabolisme, le catabolisme est sous l’influence de nombreux facteurs qui en-gendrent une perte musculaire  : apports nutritionnels inadéquats, inactivité physique, insuffisances hormonales, inflammation (les cy-tokines inflammatoires stimulent la dégradation des protéines), insulinorésistance et, parfois, certaines anomalies spécifiques comme l’acidose métabolique dans les maladies rénales.Au final, c’est la balance entre la synthèse protéique et la protéo-lyse qui va déterminer l’augmen-tation ou la réduction de la masse des protéines musculaires, mais aussi leur intégrité (4).

SARCOPÉNIE : LA VOIE DE LA RÉSISTANCE ANABOLIQUEMalgré l’abondance des travaux et des hypothèses dans ce domaine, les mécanismes de la sarcopé-nie restent encore mal connus. Comme évoqué précédemment,

la diminution de la masse de protéines musculaires est obli-gatoirement consécutive à un déséquilibre entre protéolyse et protéosynthèse. Les études chez l’homme ont montré une diminu-tion progressive de la synthèse des protéines musculaires, y com-pris des protéines de l’appareil contractile et des mitochondries, avec l’avancée en âge (5). Cepen-dant, la baisse de la synthèse des protéines musculaires en situa-tion basale n’explique pas à elle seule la diminution de la masse musculaire qui survient avec l’âge, ce qui suggère que la dégradation des protéines musculaires aug-menterait aussi avec l’âge. Les données sur la question sont en-core contradictoires. Une diminu-tion de la capacité des mitochon-dries à synthétiser l’ATP est aussi un facteur limitant de la synthèse et de la dégradation qui sont des processus ATP-dépendant (5). De tous les travaux sur la ques-tion, émerge surtout l’idée que le vieillissement s’accompagne d’une moindre réponse anabo-

lique à la prise alimentaire plu-tôt qu’une perturbation basale du renouvellement protéique (Fig. 2). À jeun, le bilan protéique est négatif en raison d’un niveau de synthèse inférieur à celui de la protéolyse. À l’inverse, le bilan protéique postprandial est posi-tif avec une synthèse protéique augmentée et un catabolisme diminué lors de la prise d’ali-ments, notamment lorsqu’ils sont riches en protéines chez l’adulte jeune. La capacité de réponse de la synthèse protéique à différents facteurs nutrition-nels, notamment aux protéines alimentaires ou à l’administra-tion orale d’acides aminés, est altérée au cours du vieillisse-ment (6, 7). In vitro, les muscles d’animaux âgés incubés avec des concentrations croissantes d’acides aminés indiquent qu’il faut deux fois plus de leucine que dans des muscles jeunes pour obtenir le même effet stimulant sur la synthèse des protéines. Cette notion de résistance à la leucine a été évoquée dans plu-

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sarcopénie et rhumatismes inflammatoires

Rhumatos • mai 2016 • vol. 13 • numéro 116 1111

sieurs travaux (8, 9). De la même façon, au-delà des perturbations du métabolisme glucidique, une insulinorésistance du métabo-lisme des protéines, c’est-à-dire une moindre réponse anabo-lique, a été démontrée chez les sujets âgés par rapport à des sujets jeunes (10,11). En d’autres termes, le muscle du sujet âgé serait plus résistant à l’action des facteurs anaboliques pour des apports protéiques normaux et encore davantage lorsque les ingesta protéiques se réduisent. Au niveau cellulaire, la prise du repas stimule l’anabolisme mus-culaire postprandial en activant les voies de signalisation intra-cellulaire liées à l’initiation de la traduction. Lors du vieillissement, cette activation serait moindre et ne permettrait pas de compenser pour la mobilisation des protéines qui se produit à l’état post-absorp-tif. Cela se traduirait par une perte quotidienne et régulière d’un capi-tal protéique qui pourrait expliquer la lente érosion protéique observée au cours du vieillissement. Une autre hypothèse est celle d’une moindre récupération à la suite d’un épisode catabolique avec une moindre capacité à revenir à l’état antérieur, d’où la nécessité de favoriser le gain musculaire en phase de convalescence (12).Les aspects de régulation hormo-nale sont également importants à considérer. L’insuline induite par le repas est une hormone puis-samment anabolique sur le méta-bolisme protéique en conjonction avec l’élévation de l’aminoacidé-mie induite par l’apport protéique. L’action de l’insuline sur le méta-bolisme protéique se situe à dif-férents niveaux  : transport des acides aminés dans les cellules, protéosynthèse et protéolyse.

L’insuline stimule le transport des acides aminés dans les tissus et la synthèse protéique et inhibe la protéolyse, mais comme nous l’avons évoqué précédemment, son efficacité semble réduite au cours du vieillissement (13). L’insulinorésistance appliquée habituellement au métabolisme du glucose pourrait affecter les capacités de réponse anabolique. Cette altération métabolique est liée à des perturbations intimes de la transmission intracellulaire du signal induit par l’insuline (10).

LIPOTOXICITÉ ET SARCOPÉNIEUne abolition de la réponse à l’in-suline de la synthèse protéique a été démontrée chez les sujets obèses surtout au niveau des mi-tochondries du muscle. De façon intéressante, le renouvellement des protéines musculaires était inversement corrélé à la masse grasse (14). Une telle observation pose la question d’un effet délé-tère potentiel de la masse grasse sur la synthèse des protéines musculaires. L’hypothèse de cette

lipotoxicité a été confirmée par un travail mené chez le rat qui a mon-tré que la synthèse des protéines musculaires est ralentie dès lors qu’il y a infiltration de graisse dans le muscle (15). Des études ré-centes faisant appel à des cultures cellulaires musculaires nous ont également permis de montrer que l’accumulation de céramides à l’intérieur de la cellule muscu-laire modifie certaines voies de régulation et induit une résistance anabolique protéique (15). Enfin, nous avons montré chez des ani-maux âgés recevant un régime riche en graisses que l’expansibi-lité du tissu adipeux en réponse à un régime hyperlipidique est ré-duite. En conséquence, la capacité de captation des lipides du tissu adipeux est moindre chez le vieil animal et la toxicité des lipides ectopiques dans les tissus nona-dipeux, musculaires notamment, où ils vont s’accumuler (myostéa-tose), est augmentée. Dans cette situation, il est légitime de poser pour hypothèse que l’accumula-tion de lipides dans le muscle peut favoriser l’apparition d’une obé-sité sarcopénique.

REPAS

Réponsenormale

Optimiser les apports protéiquesSélectionner les sources protéiques

Répartition de l’apport

VieillissementInflammation

Stress oxydantGlucocorticoïdes

Réponse+ faible

Anabolisme

Catabolisme

Bala

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prot

éiqu

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REPAS

Adultes

30

25 *

20

15Pr

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Adultes

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0,6 *

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Âgés

Post-absorptif Post-absorptifPost-prandial Post-prandialPost-absorptif

FIGURE 2 – Sarcopénie : concept de résistance anabolique postprandiale.

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DOSSIER

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QUELLES STRATÉGIES POUR OPTIMISER L’ANABOLISME PROTÉIQUE MUSCULAIRE POSTPRANDIAL ?Deux types de stratégies visant à réduire le phénomène de résis-tance anabolique ont été propo-sés : 1. augmenter les signaux de sti-mulation de façon à atteindre le seuil de déclenchement de l’ana-bolisme ; 2. abaisser le seuil de déclenche-ment de l’anabolisme.Par exemple, une supplémenta-tion alimentaire en acides gras oméga 3 pendant 3 mois est ca-pable d’améliorer la réponse ana-bolique à l’insuline et d’augmenter la vitesse de synthèse protéique chez les sujets âgés (16). L’acide oléique a montré un effet similaire chez l’animal en restaurant la syn-thèse de protéines musculaires en réponse à l’insuline (17). La répartition des apports pro-téiques sur la journée peut aussi intervenir dans la régulation nu-tritionnelle du métabolisme pro-téique au cours du vieillissement. Une série d’expérimentations (18, 19) a montré que l’ingestion de 80  % des besoins protéiques au cours d’un repas augmente l’effi-cacité de la rétention azotée chez la femme âgée comparativement à un apport étalé sur la journée, no-tamment en stimulant la synthèse protéique. En outre, l’amélioration de l’anabolisme protéique à l’aide

d’un régime de charge n’est pas retrouvée chez le sujet plus jeune (20), indiquant que l’effet d’une modulation spécifique du métabo-lisme protéique par le rythme des apports protéiques serait la consé-quence du vieillissement plutôt que l’effet du régime. Des travaux cli-niques ont utilisé ce concept chez le sujet âgé dénutri hospitalisé pour montrer le bénéfice de cette approche sur le gain de masse maigre (21). L’anabolisme pro-téique pourrait donc être stimulé au cours du vieillissement par une augmentation de la disponibilité périphérique en acides aminés en modifiant, par exemple, le rythme circadien de l’apport azoté (18, 19) ou en additionnant au repas des acides aminés comme la leucine (8, 22). L’utilisation de protéines rapidement absorbées pourrait également favoriser l’anabolisme protéique postprandial (23-25). Leur utilisation chez des sujets âgés durant 10 semaines, en asso-ciation avec une activité physique, a montré récemment leur bénéfice, notamment sur la réduction de la fatigabilité (26). Toutes ces pistes de réflexion sont des stratégies po-tentielles pour lutter contre la sar-copénie qui accompagne l’avancée en âge ou les maladies chroniques.

CONCLUSIONL’impact du vieillissement sur la réduction de la masse muscu-laire correspond à une perte de

protéines résultant du déséqui-libre entre les processus de syn-thèse et de dégradation protéique. Plus précisément, ce phénomène trouve son origine dans une ré-duction de la capacité de réponse du muscle aux facteurs de stimu-lation de l’anabolisme protéique. Ainsi, chez la personne âgée, une perte journalière d’une fraction protéique liée à une moindre utili-sation des protéines alimentaires se traduirait par une diminution du capital musculaire. C’est la rai-son pour laquelle un apport pro-téique suffisant doit être respecté chez la personne âgée surtout en situation de fragilité. Cependant, au-delà de l’aspect quantitatif, le rythme, la vitesse d’adminis-tration des protéines et leur as-sociation à des nutriments non protéiques peuvent faciliter leur assimilation ou limiter leur utili-sation. Les stratégies actuelles de lutte contre la perte protéique liée à l’âge reposent sur les facteurs nutritionnels, l’exercice physique et le recours potentiel à des trai-tements hormonaux (27, 28). n

✖ Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Mots-clés Sarcopénie, Métabolisme protéique, Préservation musculaire, Résistance anabolique, Lipotoxicité, Anabolisme protéique musculaire postpandrial

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sarcopénie et rhumatismes inflammatoires

Rhumatos • mai 2016 • vol. 13 • numéro 116 1131

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Bibliographie

RENDEZ-VOUS DE L’INDUSTRIE

ACTIVITÉ PHYSIQUE Une nouvelle gamme d’orthèses en néoprène

La marque Thuasne a annoncé la sortie d’une nouvelle gamme appelée Novelastic, proposant des genouil-

lères et des chevillères pour les patients et sportifs. Cette gamme permet une compression homogène et une stabi-lité de l’articulation renforcée pendant l’effort. • La genouillère Novelastic est particulièrement indi-quée dans le traitement fonctionnel des entorses des ligaments latéraux et croisés et la reprise d’activité après une entorse grave. Grâce à un sanglage en 8 et un balei-nage latéral souple pour renforcer le maintien, elle offre une stabilité optimale de niveau 4.

• La chevillère Novelastic est particulièrement adaptée pour les entorses bénignes et moyennes du ligament latéral externe ou interne (traitement fonctionnel), ainsi que pour la reprise du sport après entorse moyenne ou grave et en post-chirurgie. Le maintien de l’articulation

est assuré par un sanglage en 8, permettant la pratique sportive. La chevillère dispose également d’une surépais-seur plantaire qui assure un équilibre du mouvement de niveau 4.

✖ G. Monfort, d’après un communiqué de presse de Thuasne Sport de mai 2016.

Rhumatos • mai 2016 • vol. 13 • numéro 116 113

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114 RHUMATOS • mai 2016 • vol. 13 • numéro 1163

DOSSIER

*Service de rhumatologie CHU Clermont-Ferrand, Unité de nutrition humaine UMR1019 INRA/Univer-sité d’Auvergne Clermont-Ferrand**Service de nutrition clinique CHU Clermont-Ferrand

DÉFINITION ET CRITÈRES DIAGNOSTIQUES

■■ LA SARCOPÉNIELa sarcopénie se définit à la fois par une perte de la masse et de la fonction musculaires, cette dernière étant fortement associée à la mor-bi-mortalité. Ainsi, les critères de diagnostic européens doivent inclure la détermination de la masse mus-culaire et de la force ou de la perfor-mance musculaire (Tab.  1) (1, 2). La masse musculaire peut être évaluée simplement par des mesures an-thropométriques, mais l’évaluation de la composition corporelle totale par absorptiométrie biphotonique (DXA) et le scanner lombaire en regard de L3 sont actuellement les outils de référence permettant à la fois une mesure du compartiment musculaire et graisseux. La DXA permet de calculer l’index de masse musculaire squelettique (SMI) cor-respondant à la masse musculaire des 4 membres rapportée soit à la taille pour les Européens (1, 2), soit

formances musculaires peuvent être mesurées par la vitesse de marche, le test du tabouret ou une batterie de tests physiques (Short Physical Performance Battery) (1). Un questionnaire de dépistage de la sarcopénie peut également être proposé chez le sujet âgé (2).

■■ LA CACHEXIELa cachexie se définit comme un syndrome complexe multifactoriel qui associe une pathologie chronique sévère sous-jacente avec une inflam-mation de haut grade, une perte de poids incluant une perte musculaire avec ou sans perte de masse grasse, des désordres métaboliques et une anorexie (6,7). Néanmoins, cette dé-finition de la cachexie, dont le critère principal est la perte de poids, est mal adaptée à plusieurs patholo-gies chroniques dont la polyarthrite rhumatoïde, la BPCO, la cirrhose hépatique, au cours desquelles la perte de masse musculaire est l’élé-ment essentiel, alors qu’une stabilité voire une augmentation de la masse grasse peuvent expliquer l’absence de perte de poids (8). Ce phénotype clinique appelé aussi “obésité ou adiposité sarcopénique”, et qui sous-entend un lien étroit entre muscle et tissu adipeux, joue un rôle déter-

2/ Sarcopénie et cachexieComment en faire le diagnostic ? Pourquoi ?

Dr Anne Tournadre*, Dr Clément Lahaye**

Le terme sarcopénie a été initialement utilisé pour désigner une perte musculaire liée à l’âge. Sa définition actuelle s’étend aux pathologies chroniques, aux situations de malnutrition ou d’inactivité.

à l’index de masse corporelle (IMC) pour les Américains (3). Des seuils de SMI par rapport à une population standard ont ainsi été définis pour la sarcopénie. Si la DXA est la méthode de référence pour mesurer précisé-ment les compartiments corporels, il s’agit toutefois d’une mesure glo-bale projetée et bidimensionnelle ne prenant pas en compte les interac-tions possibles entre les différents tissus osseux, musculaires, grais-seux et cutanés. La tomographie périphérique quantitative (pQCT: Peripheral Quantitative Computerized Tomogra-phy), de développement plus récent en recherche clinique, permet la réalisation de coupes transversales en 3 dimensions aux 4 membres permettant d’évaluer sur un même volume la masse osseuse, la masse musculaire et la masse grasse (4, 5). La surface musculaire peut aussi être explorée en tenant compte des variations osseuses et en précisant l’infiltration graisseuse, en particu-lier sa redistribution intramuscu-laire ou sous-cutanée. Il s’agit donc d’un outil essentiel pour l’évaluation de l’ostéoporose et de l’adiposité sarcopénique. La force musculaire est évaluée par le handgrip tandis que les per-

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sarcopénie et rhumatismes inflammatoires

Rhumatos • mai 2016 • vol. 13 • numéro 116 1151

minant dans le développement des comorbidités cardiométaboliques et osseuses et dans l’aggravation du processus pathologique (9).

ÉPIDÉMIOLOGIELa cachexie, la sarcopénie et les ano-malies quantitatives ou qualitatives de la masse grasse et de la masse osseuse associées impactent lour-dement la morbi-mortalité et la qua-lité de vie des patients (Fig. 1) (10,11). Leur prévalence dépend des popu-lations, des définitions, des seuils utilisés et peut varier de 1 à 33 % (1, 3, 7, 12). En moyenne, 5 à 13 % des personnes de plus de 60  ans ont une diminution de la masse muscu-laire, et plus de 50 % après 80 ans (11). Chez les plus de 80 ans, la pré-valence de la sarcopénie, telle que définie par les critères de l’EWGSOP prenant en compte à la fois la masse et la fonction musculaires, est esti-mée à 12,5 % (11). La masse mus-culaire et la force musculaire sont associées de façon indépendante à la mortalité (13-15). Avec une prévalence dans les pays industrialisés estimée à 1  % de la population, soit 9 millions de per-sonnes, et une durée d’hospitalisa-tion qui double, le coût sociétal de la cachexie est élevé (10). La cachexie est bien connue dans le cancer, l’in-suffisance cardiaque, respiratoire ou rénale (10). Elle s’associe aussi aux pathologies infectieuses chroniques (sida) ou inflammatoires (polyar-thrite rhumatoïde) où elle est le plus souvent sous-estimée (16-18). Le taux de mortalité varie de 15 % par an dans la cachexie associée à la BPCO, à 30 % par an dans l’insuffisance car-diaque et à 80 % dans le cancer (10). C’est d’autant plus un élément de morbidité, qu’avec la sarcopénie elle pourrait déterminer les comorbidi-tés cardiométaboliques et osseuses

communes à ces pathologies chro-niques. Ainsi, les modifications de la composition corporelle que l’on peut résumer sous le terme “adiposité ostéosarcopénique” s’associent au cours de la PR et du sida à un sur-risque cardiovasculaire et ostéopo-rotique (17, 19-21).

PRISE EN CHARGE

■■ LA CACHEXIELes essais thérapeutiques dans la cachexie ont essentiellement été

conduits au cours du cancer (22). Des stimulants de l’appétit ont été testés parmi lesquels l’acétate de mégestrol, un dérivé progestatif, seul ou associé avec la L-carnitine, la thalidomide. Il semble exister un effet modéré sur la prise de poids, mais faible sur la qualité de vie. La ghréline, qui stimule la prise ali-mentaire et a une action anti-in-flammatoire et anabolique, semble prometteuse tout comme les mo-dulateurs sélectifs des récepteurs aux androgènes pour leur action anabolisante sans les effets secon-

TABLEAU 1 - CRITÈRES DIAGNOSTIQUES D’UNE SARCOPÉNIE (2). CRITÈRES EWGSOP DE SARCOPÉNIE = 1 CRITÈRE DE MASSE MUSCULAIRE + 1 CRITÈRE DE FORCE OU DE PERFORMANCE.Masse musculaireAnthropométrie

Surface musculaire brachiale ≤ 21,4 cm2 pour les hommes≤ 21,6 cm2 pour les femmes

ImpédancemétrieSMI (index de masse musculaire squelettique appendiculaire)

< 8,87 kg/m2 pour les hommes< 6,42 kg/m2 pour les femmes

FFMI (index de masse non grasse) ≤ 17 kg/m2 pour les hommes≤ 15 kg/m2 pour les femmes

Scanner lombaire en regard de L3

SMI lombaire < 55 cm2/m2 pour les hommes< 39 cm2/m2 pour les femmes

Absorptiométrie biphotonique (DXA)

SMI appendiculaire < 7,26 kg/m2 pour les hommes< 5,45 kg/m2 pour les femmes

Force musculaireDynamométre de main (handgrip) : force musculaire selon l’IMC et le sexe

HommesIMC ≤ 24 : 29 kg 24 < IMC ≤ 28 : 30 kg IMC ≥ 29 : 32 kg

Femmes

IMC ≤ 23 : 17 kg 23 < IMC ≤ 26 : 17,3 kg26 < IMC ≤ 29 : 18 kgIMC > 29 : 21 kg

Performance physiqueVitesse de marche < 0,8 m/secondeTest “Timed Up and Go” > 10 secondesBatterie de tests de performance physique (SPPB)

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DOSSIER

116 RHUMATOS • mai 2016 • vol. 13 • numéro 1163

daires de la testostérone (22). L’inhi-bition de l’IL6 pourrait être une voie intéressante dans le cancer (23, 24).

■■ LA SARCOPÉNIEDans la sarcopénie du sujet âgé, la stratégie thérapeutique combine nutrition et exercice physique (25). Les apports protéiques recomman-dés journaliers doivent être aug-mentés chez le sujet âgé de plus de 65 ans (de 0,8 g/kg/j à 1-1,2 g/kg/j). Une supplémentation protéique, en particulier en acides aminés essen-tiels (leucine), semble bénéfique sur la masse musculaire et la fonc-tion, mais est inconstante (12). La vitesse de digestion et d’absorption, les modalités d’administration des protéines au cours de la journée et leur synergie avec l’exercice phy-sique sont des facteurs qui peuvent améliorer l’efficacité de la supplé-mentation protéique. Les données cliniques sur la supplémentation en vitamine D ou en oméga 3 sont trop peu nombreuses pour permettre de conclure. L’exercice physique amé-liore la force et les performances,

mais pas toujours la masse muscu-laire (12). Les modalités d’exercice ainsi que la population cible sont encore à préciser. L’inhibition de la myostatine, qui régule la croissance musculaire, par un anticorps mono-clonal, pourrait être dans le futur une thérapeutique ciblée de la sar-copénie (26). Des essais cliniques

de phase 1 et 2 sont en cours chez l’homme dans le cancer, l’hémodia-lyse et les dystrophies musculaires (27). ■

✖ Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Mots-clés Sarcopénie, Cachexie

Maladieschroniques

PR, IRC, BPCO

CACHEXIE

Inflammation chronique

DYSFONCTION MUSCULAIRE� masse musculaire, �force musculaire

et �fonction musculaire

�MORBIDITÉIncapacité fonctionnelle, handicap, altération qualité de vie, chutes, ostéoporose,dyslipémie, risque cardiovasculaire, syndrome métabolique, immunosuppression

�MORTALITÉ

Viei

lliss

emen

t

SARCOPÉNIE

FIGURE 1 – La cachexie et la sarcopénie sont caractérisées par une dys-fonction musculaire responsable d’une augmentation de la morbidité et de la mortalité. Adapté de Argiles JM, Busquets S, Stellker B, Lopez-Soriano JF. Cachexia and sarcopenia: mechanisms and potential targets for intervention. Current Opinion in Pharmacology 2015 ; 22 : 100-6.

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FOCUS SUR

122 Rhumatos • mai 2016 • vol. 13 • numéro 116

*Griselles

TRAITEMENT PERCUTANÉ DU DOIGT À RESSAUTd’après la communication des Dr David Petrover et Henri Lellouche, Hôpital Lariboisière, Paris

À la main, le travail des tendons fléchisseurs des doigts se fait par l’intermédiaire de renforcements fibreux segmentaires, tapissés de synoviale, qu’on appelle les poulies. Cinq poulies annulaires ou arciformes sont ainsi décrites, en regard des phalanges. La pou-lie  A1, longue de 10 mm, trouve son origine 5 mm en amont de l’interligne de l’articulation méta-carpo-phalangienne et son épais-sissement est le plus souvent à l’origine du doigt à ressaut. La fréquence de celui-ci, plus mar-quée chez le diabétique, est de 2,6 % de la population. En cas de

souvent suffisante ; si besoin, elle peut être renouvelée à échéance de 15 jours. Les infiltrations sont en règle générale très efficaces. En cas d’échec ou de récidive, on peut envisager une section de la poulie par abord chirurgical à ciel ouvert, ou par voie percutanée.

La première technique, à ciel ouvert, améliore nettement la symptomatologie, mais peut se compliquer dans près d’un tiers des cas (infection, perte de force, plaie nerveuse, enraidissement, raccourcissement et raideur du tendon, tissu cicatriciel gênant).

Le traitement percutané, lui aussi efficace, présente un taux très inférieur de complications. Il sera réalisé de préférence sous guidage échographique, avec une aiguille préalablement recourbée à 20° autorisant un abord paral-lèle à l’axe digital et à la sonde échographique. Après injection de quelques millilitres de xylocaïne à 0,5  %, on distend la gaine du fléchisseur, puis l’on complète le traitement par injection locale de cortisoniques. Différentes tech-niques de traitement percutané ont été décrites, avec des résul-tats généralement favorables.

La Main rhumatologiqueJournée scientifique du 3 octobre 2015

Dr Michel Bodin*

Nouvelle édition de la journée de l’Unité rhumatologique des affections de la main (Uram) de Lariboisière qui s’est tenue le samedi 3 octobre 2015 à l’Espace Saint-Martin à Paris. Retour sur les communications faites lors de cette journée.

gonflement, le diamètre du tendon gêne son passage à l’intérieur de la poulie, avec un ressaut géné-ralement bien ressenti  ; c’est la forme primitive commune. Dans les cas plus graves, le doigt peut se bloquer en flexion. Il existe des formes secondaires, d’étiologies diverses  : diabète, polyarthrite, amylose, insuffisance rénale, goutte, hypothyroïdie, mucopoly-saccharidose, microtraumatismes répétés. Dans ces cas, il est impé-ratif de traiter la cause pour obte-nir un résultat.La forme commune guérit spon-tanément dans 20 à 29 % des cas. Le traitement médical, efficace dans 60 à 92  % des cas, moins performant chez le diabétique, combine une adaptation de l’acti-vité manuelle, une immobilisa-tion temporaire par orthèses, une rééducation et des injections cortisoniques. Celles-ci peuvent être réalisées à l’aveugle ou sous échographie, par voie d’abord pal-maire proximo-distale, avec une aiguille fine de 16 mm et l’injec-tion d’acétate de prednisolone ou de cortivazol. L’injection doit se faire au contact de la poulie et non dans la gaine synoviale, où elle est particulièrement dou-loureuse. Une seule injection est

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La Main rhumatologique

Rhumatos • mai 2016 • vol. 13 • numéro 116 123

La libération percutanée sous échographie permet d’obtenir la levée de l’obstacle sur le fléchis-seur, avec une amélioration très sensible des signes de ressaut et une diminution du risque de lésion nerveuse ou de dilacération des fibres tendineuses.

LES BRACHY–MÉTACARPIES d’après la communication des Pr Pascal Richette et Dr Aline Fra-zier-Mironer, Hôpital Lariboisière, Paris

Les brachymétacarpies sont des malformations congénitales du membre supérieur, qui affectent 6,5/10 000 nouveau-nés. Les bra-chydactylies et brachymétacar-pies sont des dysostoses d’origine génétique, qui peuvent affecter une ou plusieurs phalanges, un ou plusieurs métacarpiens. Elles ont été regroupées en 1951 selon la classification de Bell. La brachy-métacarpie du 4e rayon digital peut être dépistée par le signe d’Archi-bald : la ligne droite tangente aux têtes du 4e et du 5e métacarpien ne doit pas traverser la tête du 3e.

Les brachymétacarpies isolées se transmettent selon un mode auto-somique dominant, en rapport avec une mutation du gène HOXD13, fac-teur de transcription impliqué dans l’organogenèse des membres. Par ailleurs, les brachymétacarpies peuvent être associées à un syn-drome malformatif : 1. Le syndrome de Turner, dont la prévalence est estimée à 1/5  000 (1/2 500 chez les filles), associe un retard de croissance, une dysgé-nésie ovarienne, un lymphœdème, des anomalies endocriniennes (diabète, hypothyroïdie) et des

anomalies rénales, cardiovascu-laires, ORL. Il est lié à une anoma-lie chromosomique (monosomie 45X) ou à d’autres anomalies du chromosome X. La brachyméta-carpie associée touche de manière prédominante le 4e rayon. 2. Les pseudohypoparathyroï-dies sont caractérisées par une résistance des tissus-cibles (os et rein) à la parathormone. On en distingue plusieurs variétés, selon l’existence ou non d’un phénotype dysmorphique et de résistance à d’autres hormones, comme la TSH, ou en fonction des réponses des voies de signalisation hormo-nale à l’apport exogène de PTH. Dans 70  % des cas, il existe une brachymétacarpie intéressant les 3e, 4e et 5e rayons de la main, de manière souvent asymétrique ; un raccourcissement de la dernière phalange du pouce, qui tend à devenir plus large que longue, est fréquemment associé (signe de Mulder).3. Le syndrome dysmorphique d’Albright associe une brachymé-tacarpie et une brachymétatarsie à un faciès lunaire, une petite taille, une obésité, un canal lombaire étroit voire un retard mental.4. Les syndromes tricho-rhino-phalangiens de type 1 et 3 sont des syndromes malformatifs caracté-risés par une petite taille, des che-veux clairsemés, un nez bulbeux et des épiphyses en cônes, ainsi qu’un raccourcissement sévère de toutes les phalanges, métacarpes et métatarses. 5. Le syndrome brachydactylie-hypertension associe la dysmor-phie digitale (brachymétacarpie intéressant les 4e et 5e rayons de la main) à une hypertension arté-rielle, des anomalies vasculaires ou non vasculaires, une petite taille, un aspect trapu et un visage

rond. L’hypertension apparaît au cours de l’enfance et, en absence de traitement, la plupart des pa-tients décèdent d’un accident vas-culaire cérébral vers 50 ans.

Les progrès de la génétique mo-léculaire permettent de mieux connaître les mécanismes et mu-tations à la base de ces syndromes malformatifs. Parmi ces anoma-lies génétiques, les pseudohypo-parathyroïdies et le syndrome de Turner peuvent être rencontrés par le rhumatologue. Il paraît nécessaire de les connaître pour dépister les syndromes patholo-giques et comorbidités associées.

L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DANS L’ARTHROSE DIGITALEd’après la communication des Dr Aline Frazier-Mironer et Marion Landais, Hôpital Lariboisière, Paris

L’éducation thérapeutique (ETP) dans l’arthrose digitale est indis-pensable, en raison de son impor-tant retentissement sur la qualité de vie  : la douleur, la raideur, la perte de fonction sont, pour l’ar-throse érosive des doigts, simi-laires à celles des rhumatismes inflammatoires. De plus, les op-tions thérapeutiques sont limitées et il est important de savoir asso-cier les traitements non pharma-cologiques et pharmacologiques.

Concernant les premiers, les études sur l’intérêt des auto-exercices montrent des résultats discordants, en raison de la dis-parité des critères d’évaluation. En revanche, les quelques essais évaluant les orthèses et les me-sures de protection articulaire se sont avérés positifs. Une seule

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étude a évalué un programme d’ETP dans sa globalité, sur 12 se-maines ; il n’a pas été noté de dif-férence entre le groupe traité et le groupe contrôle, en raison d’un trop court délai d’évaluation. Une étape cruciale est certainement l’entretien initial entre le patient et son ergothérapeute, précisant les modalités de la maladie, son retentissement sur le quotidien, l’importance du handicap. C’est également le moyen de sortir des idées reçues, des peurs et croyances, de dédramatiser l’af-fection et d’impliquer le patient dans sa prise en charge. Les or-thèses de repos ont une action sur la douleur, la déformation, la rai-deur. Parallèlement, les conseils de vie au quotidien rendent plus faciles les activités journalières, souvent avec des moyens simples (modification de la préhension, par exemple). Les conseils d’éco-nomie articulaire autorisent un usage normal de l’articulation en améliorant l’antalgie, la force de préhension, la stabilisation articu-laire. Aucune activité ne doit être interdite, il faut bouger et vivre.

Un matériel adapté doit être testé pour chaque patient  : il ne s’agit pas toujours de systèmes coûteux, ou fournis par des revendeurs spécialisés. Ce peuvent être aussi des objets de la vie courante que le malade doit apprendre à mieux connaître pour mieux les utiliser. Des exercices d’autorééducation doivent être entrepris, d’abord sous le contrôle d’un rééducateur (recherche d’un gain d’amplitude en flexion), puis seul (mobilisation passive douce, puis active, auto-massages, chaleur). Le malade doit s’approprier son programme personnel d’exercices, 15 à 20 mi-nutes, 2 à 3 fois par semaine.

L’accès à l’ETP n’est pas toujours facile, surtout en libéral, par manque de temps et de moyens humains  ; le travail en groupe devrait le faciliter, en favorisant la réflexion et les échanges mutuels.

L’Uram a lancé un vaste pro-gramme de développement de l’ETP, à la recherche tout d’abord des attentes des patients pour l’arthrose des mains, s’attachant ensuite à la mise sur pied d’une étude prospective randomisée en simple aveugle, comparant un groupe bénéficiant de l’ETP à un groupe bénéficiant de soins cou-rants et enfin à la définition d’un schéma thérapeutique compre-nant un bilan éducatif par entre-tien individuel d’une heure, suivi d’un travail en ateliers d’une demi-journée, évoquant les croyances, les connaissances sur la maladie et ses traitements, les exercices à faire, les conseils de vie au quoti-dien, le bénéfice des orthèses, etc. Contact : [email protected], 01 49 95 62 90.

LES COMPRESSIONS DU NERF MÉDIAN AU COUDE ET À L’AVANT-BRASd’après la communication du Pr Éric Roulot, Clinique Jouvenet, Paris

Les compressions peuvent être de 3 types, en fonction des troncs nerveux atteints : - ulnaire, le plus fréquent ; - radial, avec atteinte haute mo-trice dans l’arcade de torsion, ou sensitivomotrice (paralysie des amoureux et syndrome de Lotem), souffrance motrice à expression sensitive dans le tunnel radial (épicondylalgies) et atteinte de

la branche motrice pure sous l’arcade de Frohse (syndrome du NIOP) ; - et médian. Deux syndromes canalaires su-perficiels existent, à expression purement sensitive, à savoir la compression du nerf cutané laté-ral antébrachial et du cutané mé-dial antébrachial.

Au niveau du médian, il est par-fois difficile de définir l’origine des troubles sensitifs observés, avec le risque d’erreurs théra-peutiques. Seul l’EMG permet alors de faire le diagnostic. Le médian est formé par la réunion de deux troncs, externe et interne, à partir des racines C6, C7, C8, D1. On recherche en priorité une compression haute, par des ma-nœuvres adaptées. Plus bas, le nerf suit le trajet de l’artère axil-laire. L’atteinte compressive peut être pluriétagée (double crush). Au coude peut exister un facteur de compression, le ligament de Struthers, tubercule osseux sur-numéraire supra condylien, diffi-cilement identifiable, siégeant en règle au niveau de la loge antéro-interne. Au coude proprement dit existent 3 sites de compression ; le lacertus fibrosus, le prona-tor teres (rond pronateur) et le fléchisseur superficiel. Pour les 2 premiers, les manœuvres du coude en prono-supination per-mettent de préciser la localisa-tion. Pour le 3e, on teste la force de la flexion du médius contre résistance. Au-dessous du coude, tous les muscles de la loge anté-rieure, sauf le FCU, peuvent être à l’origine de compression des branches motrices.

Le syndrome du rond pronateur peut être de diagnostic différen-

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tiel difficile avec une atteinte du canal carpien. Il s’agit d’une com-pression tronculaire du médian à l’avant-bras, d’apparition insi-dieuse ou brutale, avec douleurs ante brachiales hautes et pares-thésies dans le territoire du mé-dian. Dans 50 % des cas, il existe un signe de Tinel au coude. La confirmation par l’EMG est déli-cate et la négativité n’exclut pas le diagnostic. Le traitement médical de 1re intention comprend les AINS et les infiltrations. En cas de per-sistance des troubles, une libéra-tion chirurgicale de tous les sites de compression s’impose.

Le syndrome du nerf interosseux antérieur est purement moteur. Après un début douloureux sou-vent brutal, intervient une phase de paralysie partielle ou totale du long fléchisseur du pouce, du flé-chisseur profond de l’index et du pronator quadratus, responsable de la “pince en bec de canard” tandis que la douleur s’estompe. L’EMG est essentiel pour préciser le syn-drome ; tout comme le bilan radio-graphique recherchant un tuber-cule surnuméraire ou une séquelle de fracture. Le traitement, d’abord médical, implique un repos voire une immobilisation du coude, puis une exploration libératoire en cas d’échec. Des formes secondaires existent  : post-traumatiques (luxa-tion, fracture), tumorales, excep-tionnelles, d’origine extrinsèque, par lipomes ou tumeurs nerveuses (fibro-lipomes du nerf médian). Les formes compressives sont rares, mais trompeuses. Elles nécessitent des manœuvres et explorations ap-propriées pour préciser le diagnos-tic, le niveau de la compression, qui peut être plurifocale (double crush) et adapter la conduite médicale ou chirurgicale du traitement.

LA MAIN SCLÉRODERMIQUEd’après la communication du Dr Jérôme Avouac, Hôpital Cochin, Paris

L’atteinte de la main est constante dans la sclérodermie (SCS) et se caractérise par des doigts bou-dinés et une sclérodactylie, liés à la fibrose dermique. Celle-ci est le critère de jugement des essais thérapeutiques (score de Rodnan). Les télangiectasies, liées à une prolifération anormale des capillaires dilatés, touchent 80 % des patients et ont une forte valeur pronostique de survenue d’ulcères digitaux si elles sont profuses et d’HTAP si elles sont pseudotumorales. Le syndrome de Raynaud, de type secondaire, est le premier signe de la maladie et évolue en 3  phases  : syncopale (blanche), ischémique (bleue) et phase de ré-cupération (rouge). Ce syndrome doit faire rechercher des signes de connectivite, notamment par capillaroscopie et détection des anticorps anti-noyaux, de plus en plus présents en fonction de la durée d’évolution.Les ulcères digitaux peuvent être de type ischémique, traumatique ou secondaire à une calcinose. Plus fréquents chez l’homme, ils sont souvent douloureux et res-ponsables d’un important handi-cap fonctionnel. Leur retentisse-ment est multiforme  : gangrène, infection peuvent conduire à une amputation et souvent induire une anxiété et une dépression. Le syndrome de Raynaud se traite par une protection contre le froid, les inhibiteurs calciques, les anti-agrégants et les prostacyclines  ; les ulcères digitaux nécessitent un traitement local, la prise de

prostacyclines et le bosentan (Tra-cleer®) à titre préventif.

À ces lésions cutanées s’asso-cient, chez 30 % des patients, des arthralgies, avec synovite, raideur et déformation en griffe, ténosy-novite inflammatoire ou fibreuse, impactant fortement la qualité de vie. Synovite et ténosynovite associées sont des signes de forte activité de la maladie et prédictifs à 2 ans d’une extension des signes cutanés et des ulcères, d’une dys-fonction ventriculaire gauche et d’une atteinte rénale. Leur dépis-tage optimal se fait par échogra-phie. Leur traitement symptoma-tique est à base de corticothérapie et le traitement de fond implique le méthotrexate. Les anti-TNF sont à proscrire et d’autres bio-thérapies sont à l’essai.

La calcinose, présente dans 25 à 50 % des cas, est un dépôt sous-cutané de calcifications, à base de carbapatite, de phosphate de cal-cium, de protéines et de triglycé-rides. Cliniquement des nodosités indolores plus ou moins fermes existent, avec ultérieurement des réactions inflammatoires, voire des ulcérations. La calcinose est responsable de douleurs et d’un important retentissement fonc-tionnel. Au cours de l’évolution, elle va s’aggraver, en fonction des divers facteurs favorisants (développement de l’atteinte vas-culaire, survenue de microtrau-matismes), sans anomalie du métabolisme phosphocalcique. De nombreux traitements ont été proposés, avec des résultats variables  : la warfarine, le diltia-zem et la minocycline semblent les plus efficaces. L’acroostéolyse est plus rare (7 à 25 % des cas) et se majore en fonction de facteurs

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favorisants (présence de calcinose et d’ulcères digitaux). Son asso-ciation avec la néo-angiogenèse semble indiquer l’existence d’un mécanisme destiné à compenser la perte osseuse. De manière plus générale, les traitements pour une prise en charge efficace de la SCS restent à déterminer.

MÉTASTASES OSSEUSES À LA MAINd’après la communication des Pr Valérie Bousson et Dr David Petrover, Hôpital Lariboisière, Paris

L’os est le 3e site de localisation de métastases, après le foie et le poumon. Les métastases à la main ne représentent que 0,007  % à 0,1 % des atteintes métastatiques osseuses. Elles interviennent en règle générale lorsque le cancer initial est déjà connu et ne sont pratiquement jamais révélatrices. Elles semblent plus fréquentes au niveau de la main dominante et fa-vorisées par des traumatismes ou microtraumatismes antérieurs. La tumeur d’origine est, dans un cas sur deux, le poumon, puis le sein et le rein, respectivement pour 10  % des cas. Mais l’œsophage, l’esto-mac, le côlon, la prostate, l’utérus, le foie, les sarcomes, les leucémies et les lymphomes peuvent égale-ment métastaser à la main. Sur 257 métastases de la main, tous les os peuvent être concernés, dans l’ordre suivant : 3e doigt, 1er, 4e, 2e, 5e. La phalange distale est privilégiée, suivie par les métacarpiens, puis les autres os. Un seul os est atteint dans 3/4 des cas. Sur 290 métas-tases distales, les 2/3 concernent la main et 1/3 le pied. À la main, ce sont les os tubulaires qui sont atteints ; au pied, les os du tarse.

Cliniquement, l’atteinte métasta-tique touche deux hommes pour une femme, particulièrement si l’origine est le cancer du poumon. L’âge médian est de 58  ans. Le diagnostic est difficile, malgré un tableau bruyant fait de douleurs, de tuméfaction et d’érythème  ; l’atteinte peut prendre la forme d’une ostéomyélite, d’une arthrite infectieuse, rhumatismale ou mi-crocristalline. Radiologiquement, on constate une très importante ostéolyse, avec une forte tendance extensive aux tissus mous et le respect d’une fine lame d’os sous-chondral, sans réaction périostée. Les métastases sous-unguéales représentent une forme clinique particulière, puisque la tumeur osseuse tend à envahir le lit de l’ongle.

Le pronostic est exécrable, dans la mesure où la métastase à la main est le témoin d’un cancer déjà évo-lué. Les moyens thérapeutiques sont pauvres  : amputation, radio-thérapie, traitement systémique. La main métastatique, heureuse-ment rare, est le fait de cancers avancés et se caractérise par un tableau clinique dramatique et une atteinte radiologique lytique et extensive.

LA MAIN DU SYNDROME D’EHLERS-DANLOS (SED)d’après la communication du Dr Albert Haddad, Hôpital Lariboi-sière, Paris

Le SED est un groupe hétérogène de maladies du collagène, carac-térisées par une hyperextensibili-té cutanée, une hypermobilité ar-ticulaire et une fragilité tissulaire. Ces troubles sont en rapport avec des lésions du collagène de type I,

III ou V. La maladie a été décrite en 1900 par Ehlers, complétée en 1908 par Danlos. La fréquence de l’affection est estimée entre 1/5 000 et 1/100 000 selon le type. Elle est plus fréquente (82  %) et plus sévère chez la femme.

La maladie se caractérise par 6 critères cliniques majeurs : 1. contexte familial (transmission autosomique dominante) ; 2. altérations cutanées (hyperex-tensibilité, fragilité et minceur des téguments, vergetures, ecchy-moses) ; 3. hypermobilité articulaire, avec instabilité, luxations et subluxa-tions fréquentes, évaluée par le score de Beighton ; 4. douleurs articulaires et périar-ticulaires ; 5. asthénie, fatigue généralisée constante, retentissant sur la qua-lité de vie et le psychisme ; 6. fragilité tissulaire et hémorra-gies, épistaxis, gingivorragies et fragilité digestive. À ces critères majeurs, se conjuguent de nombreux critères mineurs  : constipation, ballon-nements, hyper ou hypoacousie, acouphènes, dyspnées, troubles visuels, incontinence, troubles cognitifs. Le diagnostic peut être confirmé par la biopsie cutanée et les tests de génétique molé-culaire, l’analyse biochimique du collagène par biopsie cutanée et des dosages spécifiques.

Plusieurs types de SED existent : - type classique, avec atteinte es-sentiellement cutanée ; - type hypermobile, avec fortes manifestations musculo-squelet-tiques ; - type vasculaire, caractérisé par une importante fragilité des artères ;

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- type cyphoscoliotique ; - type arthrochalasique ; - type dermatoparaxis, chez l’homme, rarissime.

La main et le poignet sont des régions clés pour le diagnostic et l’évaluation de ses conséquences fonctionnelles. La main est molle, douloureuse, hyperesthésique, sa peau est fine et transparente, avec des ecchymoses et des plaies, de cicatrisation difficile. À la palpa-tion, elle présente un aspect ve-louté. L’étirement de la peau de la face dorsale de la main confirme le diagnostic. Les doigts sont sou-vent déformés en col de cygne. Sur la main posée à plat, le décol-lement du poignet donne un as-pect en “bateau”, concave vers le haut. Les doigts longs présentent une extension très anormale, pou-vant aller jusqu’au retournement complet. Dans les formes vascu-laires, sont associés des nodules tendineux et des contractures en flexion des doigts, avec une hyper mobilité des petites articulations. L’augmentation des douleurs, très invalidantes, une fatigabilité em-pêchant les efforts de préhension, des crampes répétitives de traite-ment difficile et plus rarement des dystonies d’attitude, aggravent la maladie. Un pseudosyndrome de Raynaud, déclenché par le froid, est souvent constaté. On retrouve fréquemment des syndromes canalaires (canal carpien). Les entorses, les subluxations et luxa-tions à répétition représentent de très importantes complications mécaniques, responsables d’un redoutable handicap fonction-nel. Les troubles proprioceptifs au niveau des IPP entraînent une importante maladresse, majorant encore les difficultés à conserver une insertion socioprofession-

nelle satisfaisante. Très souvent, la maladie est longtemps mécon-nue. Pourtant, une prise en charge précoce pourrait améliorer consi-dérablement le handicap de ces sujets.

ANESTHÉSIE PÉRINERVEUSE DANS LA CHIRURGIE DU MEMBRE SUPÉRIEURd’après la communication des Dr Émilie Ellies et Matthieu Langlois, Clinique Jouvenet, Paris

L’anesthésie locorégionale (ALR), qui concerne une partie déter-minée du corps, est pratiquée par un médecin anesthésiste par l’injection de l’anesthésique locale à proximité d’un nerf intéressant la zone à opérer. Les anesthé-siques locaux bloquent de façon transitoire et réversible les fibres nerveuses qui constituent les nerfs. L’ALR intéresse une zone beaucoup plus importante qu’une simple anesthésie locale. Compa-rativement à une anesthésie géné-rale, elle ne risque pas d’entraîner de dépression du SNC, n’induit pas de risque cardiovasculaire, pas ou peu de risque allergique. Elle peut parfaitement contrôler l’analgésie en postopératoire et permet une récupération rapide. Elle ne peut être pratiquée qu’avec l’accord du patient.

Au niveau médullaire, l’ALR est obtenue soit par rachi-anesthé-sie, soit par injection péridurale. L’anesthésie périnerveuse peut se faire par injection transdermique locale ou infiltration. Elle néces-site une parfaite connaissance de la correspondance entre les fibres nerveuses et les derma-tomes, myotomes et sclérotomes-

cibles. Les anesthésiques locaux bloquent le potentiel d’action des fibres sensitivomotrices (A-alpha, A-bêta, A-gamma) et les fibres thermo-algiques (A-delta et C). Il existe de très nombreuses pré-parations anesthésiques dispo-nibles, soit de la famille des ami-noacides, soit de la famille des aminoesters. Les délais et durées d’action sont variables en fonc-tion du profil pharmacocinétique. Aux anesthésiques locaux peuvent être associés des adjuvants, tels la clonidine, l’adrénaline, éven-tuellement les corticoïdes, dont l’utilité est toutefois controversée.

L’échoguidage autorise une iden-tification sûre des structures ana-tomiques, un bon contrôle de l’in-jection des anesthésiques locaux, une épargne des doses injectées et un meilleur confort du patient. L’échographie facilite la mise en place de cathéters périnerveux, en tenant compte des variations anatomiques interindividuelles. Aux membres supérieurs, diffé-rents sites peuvent être choisis en fonction des diverses contraintes, qu’elles soient liées aux patients, aux effets indésirables des pro-duits ou à la chirurgie projetée. On peut ainsi injecter au niveau inter-scalénique, supra-claviculaire ou axillaire. On peut également prati-quer des blocs distaux afin d’obte-nir une analgésie très sélective.

Parmi les complications peut se manifester une toxicité neuro-logique (1/800 à 1/1  500 cas), se manifestant par des paresthésies faciales, des bourdonnements d’oreilles, une sensation de ma-laise et de désorientation, voire de mort imminente. Elle se traite par des injections d’intralipides (chélateurs des anesthésiques

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FOCUS SUR

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locaux) et des mesures de réani-mation habituelles prolongées. On peut également observer une toxicité cardiologique, caracté-risée par des troubles du rythme et de la conduction, éventuelle-ment un arrêt cardiocirculatoire. En dehors de ces complications générales peuvent se voir des complications locales, comme une neuropathie post-ALR régressive en 2 à 16 semaines et nécessitant un suivi particulièrement étroit. Il peut enfin arriver que le bloc se prolonge plus de 24 heures après arrêt de l’injection  ; on doit alors rechercher un déficit secondaire, pratiquer des examens neurolo-giques réguliers avec examens complémentaires (échographie, EMG, IRM). Dans ce cas, le malade doit être très soigneusement et très régulièrement contrôlé. L’ALR constitue une technique d’intérêt majeur si elle est maîtrisée. Il est toutefois nécessaire qu’elle soit pratiquée en accord avec tous les soignants concernés et avec une parfaite adhésion du patient.

FRACTURES DU POIGNET ET OSTÉOPOROSEd’après la communication des Dr Thomas Funck-Brentano et Pr Martine Cohen-Solal, Hôpital Lariboisière, ParisIl convient avant tout de s’assu-rer que l’origine de la fracture du

poignet (FDP) est bien ostéoporo-tique (âge, sexe, DMO, augmenta-tion du risque de fracture, éven-tuellement effet d’un traitement spécifique antérieur). Selon le registre danois, l’incidence est de 278/100 000 pour les hommes de plus de 50 ans, 1 100/100 000 pour les femmes, avec un ratio F/H de 1 en dessous de 40  ans, pour 4 au-dessus de 50. En France, sur 377  000 fractures par fragilité, 56  000 fractures de l’avant-bras étaient relevées en 2010. Le coût de ces fractures était évalué à 77 millions d’euros.La forte incidence de cette lo-calisation fracturaire pourrait s’expliquer par un trouble de la microarchitecture. L’association aux autres fractures a fait l’objet d’une étude rétrospective sur 20  ans, portant sur 243 hommes et 1  109  femmes. La FDP après 70 ans majore le risque de surve-nue d’une fracture du col fémo-ral de 1,4  % chez l’homme et de 2,7 % chez la femme. De même, le risque de fracture vertébrale (FV) est majoré de 5,2 % chez la femme et 10,7 % chez l’homme. Une autre étude a porté sur 51 762 femmes de plus de 55  ans, suivies 2  ans. L’incidence de la FDP, la plus fré-quente, est de 27 %. Le risque de nouvelle fracture est de 12,5  % à 2  ans, soit 1 femme sur 8. Le risque de survenue d’une FV est de 1,37  %, de 1,50  % pour un os

porteur, de 1,81 % pour un os non porteur, de 1,04 % pour le col du fémur. Les traitements antiostéo-porotiques à base de bisphospho-nates (alendronate, risedronate, zoledronate) sont efficaces pour la prévention de la FDP, mais sou-vent moins que pour les FV, tout comme le dénosumab (diminution du risque de 20  % pour les FDP, contre 68 % pour les FV).Les FDP se caractérisent par leur grande fréquence et leur faible morbi-mortalité. Elles se voient surtout chez la femme après la ménopause et doivent impérati-vement faire rechercher une os-téoporose. Si celle-ci est avérée, la mise en route d’un traitement peut être envisagée, en raison de l’augmentation du risque de nou-velle fracture. n

✖ L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

Mots-clés Doigt à ressaut, Brachymétacarpies, Arthrose digitale, Compressions du nerf médian, Sclérodermie, Main sclérodermique, Métastases osseuses, Syndrome d’Ehlers-Danlos, Anesthésie périnerveuse, Ostéoporose, Fracture du poignet

• La Main rhumatologique, Opus XVI, Th. Bardin et al., Sauramps Éditeur, 2015

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