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ÉTUDE SUR LES CONTRAINTES SYNTAXIQUES DES ADJECTIFS EN -ED EN ANGLAIS 1 Martine Schuwer Université Rennes 2 Lorsque tu dis en te vantant : “ J’ai un beau cheval ”, sache que tu t’enorgueillis d’un avantage qui est à ton cheval. Qu’est-ce donc qui est à toi? L’usage des idées. Épictète 1. CADRE GÉNÉRAL DE L’ÉTUDE Paradoxalement, la syntaxe de l’adjectif occupe une place restreinte dans les grammaires traditionnelles, alors qu’elle s’avère soumise à de réelles contraintes. Sur les origines de cet apparent manque d’intérêt, on peut avancer plusieurs hypothèses, foncièrement interdépendantes. Historiquement tout d’abord, la catégorie de l’adjectif relève d’une création tardive, cette partie du discours étant auparavant intégrée à celle du substantif, mais en tant que sous-catégorie (substantivum adjectivum). La distinction existait donc bel et bien, mais l’adjectif participant de la détermination du nom, son programme ne semblait pas justifier d’une catégorie propre. 1 Les analyses présentées dans cette étude ont bénéficié des suggestions et observations de Pierre Cotte. Qu’il en soit ici très sincèrement remercié.

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ÉTUDE SUR LES CONTRAINTESSYNTAXIQUES DES ADJECTIFS EN

-ED EN ANGLAIS1

Martine SchuwerUniversité Rennes 2

Lorsque tu dis en te vantant : “ J’ai un beaucheval ”, sache que tu t’enorgueillis d’un avantagequi est à ton cheval.Qu’est-ce donc qui est à toi? L’usage des idées.Épictète

1. CADRE GÉNÉRAL DE L’ÉTUDE

Paradoxalement, la syntaxe de l’adjectif occupe une place restreintedans les grammaires traditionnelles, alors qu’elle s’avère soumise à deréelles contraintes. Sur les origines de cet apparent manque d’intérêt, onpeut avancer plusieurs hypothèses, foncièrement interdépendantes.

Historiquement tout d’abord, la catégorie de l’adjectif relève d’unecréation tardive, cette partie du discours étant auparavant intégrée à celledu substantif, mais en tant que sous-catégorie (substantivum adjectivum).La distinction existait donc bel et bien, mais l’adjectif participant de ladétermination du nom, son programme ne semblait pas justifier d’unecatégorie propre.

1 Les analyses présentées dans cette étude ont bénéficié des suggestions etobservations de Pierre Cotte. Qu’il en soit ici très sincèrement remercié.

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L’hétérogénéité de cette classe, quant à elle, pourrait égalementtenir une part dans cet état de fait.• Prenons en premier lieu la diversité morphologique des adjectifs,sachant par ailleurs que l’anglais ne se prête que rarement, hors contexte,à une identification immédiate de la catégorie grammaticale à laquelleappartient un terme.

On peut certes considérer qu’il n’en existe que deux types : lesadjectifs primitifs ou simples, sans marque morphologique distinctive(brown, new), et les adjectifs affixés ; mais on ne compte pas moinsd’une vingtaine de suffixes2 participant à la formation d’adjectifsdénominaux ou déverbaux. La néologie adjectivale est à ce titre fortrévélatrice, même si elle n’opère qu’avec un nombre restreint de suffixes3.

Les lexicographes, pour leur part, ajoutent à cette profusion endénommant adjectifs des termes (substantifs?) dont, en réalité, il est faitun emploi adjectival (cooking dans cooking oil, budget dans budget flight,chance dans chance meeting) dans des formations communémentreconnues comme des mots composés. On décèle ici qu’un des motifs duflou qui entoure la catégorisation de l’adjectif est la confusion entrenature et fonction. Ceci est certes problématique mais ne constitue pas unpoint essentiel, car l’étiquetage ne peut constituer une fin en soi qui nedirait rien de la réalité et des motivations des contraintes syntaxiques.• On mentionnera aussi l’hétérogénéité de la classe sur le plansémantique, comme en témoigne la diversité des classifications possibleset effectives (qualificatifs / relationnels, objectifs / appréciatifs, relatifs /indépendants, statiques / dynamiques, absolus, gradables ou non, decouleur, de nationalité, de matière etc. ...) .• Enfin, à ces brefs rappels sur la pluralité des caractéristiquesmorphologiques et sémantiques des adjectifs, il faut ajouter lescontraintes syntaxiques auxquelles nombre d’entre eux sont soumis. Pourcertains, elles sont absolues : l’emploi prédicatif, prénominal oupostnominal s’avère obligatoire. Pour d’autres, elles sont relatives : unmême adjectif, selon qu’il en sera fait un emploi prénominal ouprédicatif, recevra deux interprétations différentes 4. Hormis ces casapparemment bien circonscrits, la plupart des adjectifs ne relèventd’aucune contrainte et peuvent ainsi, au choix du locuteur, faire l’objet

2 Marchand, p. 3753 Néologie lexicale 5, p. 1924 Ainsi conventional : 1. their opinions are rather narrow and conventional . (=banales) 2.conventional medicine (= classique / traditionnelle).

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d’une prédication ou bien être placés en épithète, avant le substantif ainsidéterminé.

Dans le cadre plus général d’une étude sur la syntaxe de l’adjectifen anglais, on traitera ici le cas des formes adjectivales en -ed quiprésentent l’intérêt d’apparaître, en tant que tels, dans les deuxprincipales catégories d’emploi syntaxique contraint : certaines en effetn’acceptent que l’emploi prédicatif, tandis que d’autres requièrent laposition prénominale.

1.2. Corpus

Le corpus a été constitué à partir de deux dictionnaires unilingues,le Collins Cobuild (English Language Dictionary 1987), et le Longman(Dictionary of Contemporary English 1995) désormais respectivement CCet LDOCE. La nomenclature de ces deux ouvrages a été établie à partirde corpus authentiques, écrits et oraux. Pour l'étymologie, on a consultéThe Concise Oxford Dictionary of English Etymology (1986).

Ont ainsi été recensés tous les adjectifs en -ed explici tementsignalés comme syntaxiquement contraints par les lexicographes. Desajustements se sont cependant avérés nécessaires : car si un tel relevéprésente des garanties de fiabilité dans la mesure où les conditionsd’emploi ont été constatées en discours, il arrive que les deux ouvragesdivergent dans leurs observations, seul l’un des deux signalant unecontrainte syntaxique. En ce cas, on a écarté les éléments douteux, et lecorpus ici étudié ne comprend que des adjectifs réputés syntaxiquementcontraints dans les deux dictionnaires.

La recherche d’occurrences a permis de constater la relativeexactitude des informations lexicographiques : la confrontation à laréalité du discours n’a que très rarement apporté un démenti aux notationsdictionnairiques. On touche en fait ici aux limites - constitutives - del’entreprise lexicographique qui, par nature, ne peut prendre totalement encompte la créativité de l’activité langagière. Ceci explique égalementd’éventuels désaccords entre l’intuition linguistique et les mentionsdictionnairiques, mais de façon générale, on peut dire que, contrairementà notre attente, les lexicographes ont davantage péché par défaut que parexcès.

1.3. Origine des adjectifs en -ed

On a nommé “ adjectifs ” les formes en -ed recensées pour cetteétude, reprenant ainsi la dénomination de LDOCE et de CC.

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Rappelons que -ed peut renvoyer à deux formations différentes. Eneffet, d’après OED 5, le morphème -ed est issu soit du vieil-anglais -ed/-ad, suffixe du participe passé des verbes faibles (-en suffixant les verbesforts), soit du vieil-anglais -ede , suffixe permettant la formationd’adjectifs dénominaux 6, signalant la possession ou l’existence del’élément dénoté par le substantif (ringed = with/having a ring), ou bien(par métaphore ou métonymie) évoquant la ressemblance avec cetélément 7 (de forme, comme dans cupped , de comportement, dansdogged). Ce morphème peut, en principe et sauf contraintes énonciativesou cognitives 8, être adjoint à tout substantif afin de former un adjectif. Iln’existe plus, en anglais contemporain et dans une large mesureégalement en moyen anglais, aucune distinction formelle entre lesformations participiales et les adjectifs dénominaux. Il n’est passurprenant qu’un seul et même morphème puisse ainsi être adjoint à desbases verbales ou nominales : le même phénomène se retrouve en latin,puisque le suffixe -tus sert aussi bien à former des participes passés(laudatus du verbe laudare louer) que des adjectifs dénominaux(dentatus, à partir du substantif dens, dentis, dent).

Le corpus ici étudié comprend presqu’exclusivement des formationsparticipiales 9.

“ Forme participiale ” n’implique pas que le verbe dont elle estapparemment dérivée existe en tant que tel. On verra ci-après que, mêmes’ils sont recensés dans quelques dictionnaires, certains prédicats verbauxsont en réalité rarement usités à la voix active. On a même parfois étédans l’impossibilité d’en trouver des occurrences.

Ces observations permettent de mieux comprendre d’une part pourquelles raisons ces formes en -ed font effectivement l’objet d’une entréespécifique dans le dictionnaire (puisque tel n’est pas le cas pour tous lesparticipes passés), et d’autre part que c’est leur degré avancé delexicalisation qui les a fait basculer dans la catégorie des adjectifs. Onnotera cependant que tous les éléments du corpus n’ont pas la facultéd’être modifiés par un intensifieur (very), test qui permet en général de

5 Pour une description plus détaillée, on se reportera à Mossé, § 95 et 1226 H. Marchand (1960 p. 2O7) rejette cette hypothèse. Selon lui, -ed, suffixeadjectival ou participial, provient du seul et même suffixe indo-européen -to.7 Marchand p. 2088 Claude Charreyre 19959 L’origine nominale ou verbale est parfois difficile à déterminer. Ces adjectifsseront considérés comme dénominaux : figured - full-blooded - hard-nosed - hooked- landed - moneyed - pied - plumed - plastered - seamed .

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conclure à la nature authentiquement adjectivale d’une forme en -ed(tired) 10.

1.4. Problématique

La valeur fondamentale du marqueur -ed , allomorphe de - e nmorphème du participe passé, est de signaler, en termes aspectuels, quel’énonciateur se situe en dehors du domaine notionnel considéré. Leprocès est vu comme accompli, et le syntagme nominal qualifié par leparticipe se voit ainsi doté de ce que l’énonciateur considère comme unacquis (Souesme 1992).

Les adjectifs déverbaux en -ed sont donc tous considérés commeporteurs de cette valeur fondamentale : c’est le point d’ancrage commun.Qu’ils soient tous affectés de ce même marqueur ne leur assure pas unfonctionnement syntaxique uniforme puisque, pour certains, l’emploi seralibre, tandis que pour d’autres, la syntaxe sera contrainte, requérant soit laprédication, soit la position prénominale ou, en de très rares cas, post-nominale.

En résumé, il existe ainsi d’une part un marqueur, pour lequel onpose une valeur reconnue et supposée inaliénable, et d’autre part deuxfonctionnements syntaxiques contraints. Il importe donc de déterminerquels facteurs génèrent l’un ou l’autre de ces emplois obligés, etd’évaluer les effets d’une transgression de la contrainte syntaxique.

2. EMPLOI PRÉDICATIF

LDOCE intitule cette catégorie Not before noun, formulation un peuambiguë, qui signifie en clair que l’emploi de telles formes (unecentaine) nécessite la prédication explicite.

Tout comme divers effets de sens en contexte peuvent être inscritssous un seul marqueur, la prédication obligatoire peut résulter dedifférents facteurs. Si ces adjectifs forment une classe homogène tant surle plan syntaxique que morphologique (-ed), ce n’est cependant pas cesuffixe qui leur confère, à lui seul en tous cas, ce caractère prédicatif(puisque d’autres formes en -ed ont une syntaxe différente), mais,globalement, leur sémantisme, comme le révèle l’analyse. Plusieurs casde figure se dégagent, selon les facteurs déclencheurs. Ces facteurs ne

10 A l’exception évidemment des adjectifs non gradables comme coloured(people), professed (anarchist)...

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sont pas mutuellement exclusifs : il n’est pas rare en effet qu’un mêmeadjectif cumule plusieurs traits justifiant sa place assignée (et en ce cas,c’est d’après le trait le plus significatif qu’il sera traité).

2.1. Nécessité de complémentation

Un premier facteur, d’ordre syntactico-sémantique, peut expliquerl’obligation de prédication ; il affecte les adjectifs pouvant difficilementse passer de complémentation 11 :

addicted (to), attuned (to), concerned (with), destined (to), disposed(to), encouraged (by), enmeshed (in), fascinated (by), fated (to), hell-bent (on) (= very determined), het up (about) (=worried), hooked (on)(=addicted), inclined (to), mixed up (with), opposed (to), poised (for/to)(= ready), prepared (for/to), pushed (for) (= lacking), related (to), set(for), strung out (on) (=addicted), touched (by), wedded (to).Ces adjectifs dits re la t i fs appellent tous une information

complémentaire essentielle :[1] Why are Americans such workaholics? Explanations vary. One

economist [...] has argued that many fellow-citizens are addicted toconsumption, and work to feed their habit. The Economist August24,1996

[2] Indeed modern pop seems more attuned to 'virtual reality' than to thegenuine, problematical thing itself. The Economist May 4,1996

[3] She seemed destined for a long career. LDOCE[4] The tax authorities seem less inclined to offer special deals to, say,

window-cleaners or postmen. The Economist September 20, 1997Ce trait sémantique commun peut être considéré comme responsable

de la contrainte syntaxique : on ajoutera que l’ensembleadjectif+préposition+complément, d’une longueur incompatible avecl’antéposition 12, se trouve alors en position focalisée.

Il arrive cependant que cette complémentation précède l’adjectif,sous forme adverbiale, ce qui autorise alors l’antéposition de lacomplémen-tation13 :

11 Il n’est cependant pas exclu que certains de ces adjectifs soient employés sanscomplémentation immédiate. L’information figure en ce cas en amont ou en avaldu texte.12 D’autres langues, tel l’allemand, le suédois, et même une langue non indo-européenne comme le finnois, permettent de telles antépositions. Par ailleurs, nesont pas ici prises en compte les formulations ludiques venant rompre la syntaxeen anglais standard.1 3 Ce phénomène illustre les divergences possibles avec les mentionsdictionnairiques d’emploi.

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[5] More economically attuned chancellors such as [...] might have usedthe opportunity of German unity to tackle this and reform Germanyfrom within. The Economist October 26,1996

On reviendra ultérieurement (2.4.2) d’une part sur la nature de cecomplément (sur le type d’information qu’il apporte à propos du procèsévoqué par le prédicat), et sur les connotations propres à certaines de cesformes d’autre part (2.2.2).

A titre de conclusion provisoire, la caractéristique régissant lasyntaxe de ces adjectifs prédicatifs serait le trait [+complémentationnécessaire].

2.2. Caractérisation

La prédication explicite est la manifestation prototypique de lacaractérisation en discours. Cette caractérisation porte, à l’évidence,l’empreinte de l’énonciateur, mais son mode d’intervention varie selonqu’il se pose plutôt en informateur ou plutôt en interprète.

Les adjectifs prédicatifs en -ed témoignent, de par leur syntaxe, àdes degrés divers, de cette émergence de subjectivité.

2.2.1 Caractérisation ponctuelle

Lorsqu’une qualité est prédiquée d’un sujet, c’est parce qu’elleprésente un caractère de nouveauté : l’énonciateur fait alors officed’informateur et déclare le référent du sujet porteur d’une caractéristiquenouvelle, consécutive à un procès ou apparaissant lors d’une situationspécifique.

On relève ainsi, parmi les adjectifs prédicatifs en -ed, un groupeimportant de qualificatifs dédiés à ce dernier emploi : ils dénotent tousvéritablement un nouvel état du sujet, qui ne semble pas résulter d’unacte délibéré, dans le sens où ce nouvel état ne constitue pas un but viséou recherché.

• Ainsi un procès peut-il avoir une conséquence inattendue voire, lesémantisme en témoigne, non désirée 14 : jammed, mistaken, soaked,stuck .

[6] Meanwhile, the ride continued, and by the time the car came to a haltsome ten or twelve minutes later, I was soaked through and through -with sweat ... AUSTER Mr Vertigo p.101

[7] Unfortunately Mr Hemphill's reach exceeds his grasp. Having chosen Mr

14 C’est pourquoi l’adjectif en -ed ne renseigne pas sur la nature du procès ayantdéclenché le nouvel état.

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Malloy as his subject he is stuck with him and although Mr Malloymay be an Everyman he is not a compelling one. The EconomistSeptember 14, 1996

[8]An examination of Tok Pisin, Ms Aitchison claims, illuminates thegeneral story of linguistic evolution. But her claim is arguablymistaken . The Economist August 23, 1997

• Évoquent des états tout aussi temporaires et involontaires : broke,indisposed, puffed.

• Les états émotionnels comme la joie (overjoyed), la surprise(jiggered, staggered), l’inquiétude, l’énervement ou l’excitation (fed up,keyed up, steamed up, thrilled, upset, worked up, wound up), ou encore lapeur (poleaxed, transfixed), sont également, par nature, desmanifestations non contrôlées, temporaires et toujours liées à dessituations spécifiques. La prédication vise ainsi à mettre en évidence laconséquence d’un procès, plus précisément la réaction du sujet à unévénement ou une situation.

Comment expliquer alors que d’autres caractérisations temporairesou spécifiques puissent néanmoins se trouver antéposées sans prédicationpréalable, que l’on puisse présenter d’emblée la relation comme pré-construite : an/the angry customer came in ? Tout d’abord angry n’est pasun participe passé, et en tant qu’adjectif, sa syntaxe est (plus) libre. Maissurtout, du point de vue sémantique, il correspond à ce que l’on pourraitappeler une caractérisation brute (immédiatement identifiable 15), c’est-à-dire ne résultant pas d’une interprétation, et ne faisant l’objet d’aucuneélaboration - ce qui le différencie des formes étudiées ci-après, quirenvoient certes également à des états visibles, mais qui appartiennent àun vocabulaire plus élaboré.

Ainsi, dans le cadre des caractérisations ponctuelles, une secondesérie d’adjectifs forme un ensemble remarquable à deux égards : de parleur registre particulier (slang/informal) d’une part, et de par leurappartenance à des champs notionnels liés à des activités humaines (ausens large) d’autre part : les thèmes de la fatigue (beat - bone-tired -buggered - bushed - done - pooped - strung out - wacked (out) - wiped out -zoned out - zonked out) et de l’ébriété (bombed - canned - crocked -plastered - sloshed - stewed - stoned - wrecked) suscitent la plus grandecréativité, puis le dérangement mental (cracked - far gone - touched) , lafaim (famished), enfin le manque d’argent (broke).

Bien qu’ils n’appartiennent pas au même registre, mais parce qu’ilsévoquent le même thème de l’épuisement, on inclura également dans

15 Les psychologues estiment que la multiplicité des expressions visibles sur unvisage peut se réduire à six grands types : surprise, colère, joie, peur, tristesse,dégoût (Discover fév. 1985).

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cette série finished et flattened.Tous ces adjectifs présentent deux traits sémantiques propres.• En premier lieu, ils dénotent tous un état extrême, comme en

témoignent les gloses définitoires, qui font précéder l’équivalentsynonymique d’adverbes tels very ou extremely. Mais ceci n’empêche pasl’énonciateur, en discours, de modifier ces adjectifs à l’aide d’autresadverbes tels dead , flat, pretty, completely, indéniablement de typeintensifieur, et dont l’effet redondant amplifie la qualification.

[9] I've had a long day and I'm dead beat . Somerset Maugham The Force ofCircumstance

[10]United Nations: To bury or to praise - The great and good are gatheringtogether to honour an organisation that is flat broke and generallydiscredited. The Economist October 21,1995

Ces adverbes portent bien sur l’adjectif (ils ne peuvent êtredéplacés), pourtant l’énonciateur ne procède pas ici, à l’évidence, à uneévaluation quantitative sur le degré de fatigue ou d’ébriété, puisque lestade ultime est déjà considéré comme atteint (en effet, very seraitimpossible), mais à une intervention de type qualitatif, par conséquent àeffet de sens modalisant.

• Le second trait sémantique remarquable de ces adjectifs est leuremploi métaphorique : attribués à un animé humain - car tel est toujoursle cas, propriétés primitives obligent - et s’ils font l’objet d’uneprédication, ces adjectifs ne peuvent être interprétés au sens propre 16. Onreviendra ultérieurement sur ce point (2.4.1)

Si l’on considère l’impact de ces traits sémantiques dans laperspective de la motivation énonciative, on constate que tous concourentà la mise en exergue du point de vue, et que l’utilisation de tels adjectifsdénote un discours “ marqué ”. L’énonciateur utilise en effet toutes lesressources disponibles afin que soit garanti le statut subjectif de sonassertion : par le choix du registre et le caractère quasiment hyperboliquedes termes choisis, par l’ajout fréquent d’adverbes à effet modalisant, etenfin par l’emploi métaphorique qui, en tant que tel, révèle quel’énonciateur a dépassé le stade d’un premier constat objectif.

Ce que partagent par conséquent les adjectifs analysés dans cetterubrique, c’est par-dessus tout le caractère contingent, non-inhérent de laqualification, associée à une situation spécifique, et qui évoque un étatinhabituel, a-normal mais non définitif (réversible). La vocationexclusivement prédicative de ces adjectifs est intimement liée à leur

16 C’est par conséquent le sens propre qu’il faudra privilégier si la caractéristiquese rapporte à un objet, et, en ce cas, l’adjectif pourra figurer en épithète (finishedproduct - canned food - cracked cup).

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sémantisme ; si de telles propriétés peuvent être prédiquées, elles nepeuvent néanmoins devenir constitutives, ce que traduirait leur positionépithète, en position de déterminant : le lien serait alors étroit,l’association forte. Ici, l’adjectif en -ed exprime uniquement l’étatrésultant d’un événement ou d’une situation, le sémantisme de la formeelle-même ne disant rien de l’événement déclencheur.

2.2.2 Caractérisation interprétative

D’autres adjectifs en -ed évoquant des états temporaires ou stables(on dépasse ici l’incidence de la situation spécifique sur l’obligation deprédication) partagent un trait significatif et, à notre sens, décisif : eneffet, le sémantisme de ces formes dit, en fin de compte, davantage sur leregard que l’énonciateur porte sur le sujet que sur le sujet lui-même.Chacune traduit en effet l’appréciation qu’effectue l’énonciateur, que cesoit de l’état affectif ou émotionnel du sujet évoqué (abashed - afraid -ashamed 17 - het up - intimidated - poised), ou bien du rapport qu’il perçoitentre le sujet et l’objet (addicted - attuned - destined - disposed - enmeshed- fascinated - fated - hell-bent - hooked - inclined - mixed up - pushed - strungout - wedded), ou enfin de son apparence physique (attired).

[11] He is generally believed to have been the model for Ezzie Fenwick[...]; and for Foppy Schwartz, a male dowager gorgeously attired in adressing-gown of gold brocade, in Larry Kramer's 1988 farce, 'Just SayNo'. The Economist June 17,1995

L’obligation de prédication serait liée au caractère interprétatif de laqualification, qui ne peut par conséquent être présentée que commeexpression d’un point de vue essentiellement subjectif.

Ainsi dans cet extrait de Peter Pan 18 , l’étude des changements deniveau d’énonciation illustre cette intrusion du regard interprétatif del’énonciateur :

[12] It was the colour of milk; but the children did not have their father'ssense of humour, and they looked at him reproachfully as he poured themedicine into Nana's bowl. “ What fun!” he said doubtfully, and theydid not dare expose him when Mrs. Darling and Nana returned. “ Nana, good dog,” he said, patting her, “ I have put a little milk intoyour bowl, Nana.” Nana wagged her tail, ran to the medicine, and began lapping it. Then

17 Jespersen (AMEG, Part II, p.332) signale cependant qu’en l’absence deréférence à une situation spécifique, ashamed peut figurer en position pré -nominale (an ashamed person ... ) ; on peut penser que ce serait dans un énoncé detype définitoire.18 Chap. II p. 104

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she gave Mr. Darling such a look, not an angry look: she showed himthe great red tear that makes us so sorry for noble dogs, and crept intoher kennel.Mr. Darling was frightfully ashamed of himself, but he would not givein. In a horrid silence Mrs. Darling smelt the bowl. “ O George,” shesaid, “ it's your medicine!” “ It was only a joke,” he roared, while she comforted her boys, andWendy hugged Nana. “ Much good,” he said bitterly, “ my wearingmyself to the bone trying to be funny in this house.”

Le narrateur décrit ici une suite d’événements (wagged her tail ... ranto the medicine ... began lapping it ... gave [...] a look, [...] ... crept into herkennel), dont les acteurs de la scène sont témoins et qu’ils pourraientrestituer dans les mêmes termes (hormis pour la parenthèse concernantl’interprétation du regard que lance le chien à son maître). Il s’agit doncd’information brute, le regard est neutre ; puis le narrateur procède à unefocalisation interne sur Mr. Darling (Mr. Darling was frightfully ashamed ofhimself) au bénéfice du co-énonciateur, en l’occurrence le lecteur, et dontles protagonistes n’ont pas nécessairement conscience. On remarquerad’ailleurs l’emploi d’un modal dans la suite de la proposition (but hewould not give in), qui confirme le statut omniscient du narrateur, luiconférant le pouvoir de faire connaître au lecteur les débats intérieurs deMr. Darling. Le récit reprend ensuite la narration des faits (Mrs. Darlingsmelt the bowl).

2.3. Synthèse

Il est en un sens fondé d’attribuer à la nécessité de complémentationun rôle dans la contrainte de prédication, mais il ne s’agit là que de lacause la plus immédiate, dont l’impact est moins décisif qu’il n’y paraît.

En effet, si l’on part de l’hypothèse que la syntaxe témoigne d’unevaleur énonciative, tous ces adjectifs prédicatifs (relatifs ou non)signalent, à des degrés divers certes, une intervention de l’énonciateur, lamanifestation de son point de vue. Celle-ci peut être minimale(caractérisation ponctuelle, informant sur le nouvel état du sujet), devenirdavantage perceptible lors de l’emploi de termes appartenant à un registrenon neutre, pour s’avérer patente lors des caractérisations interprétatives.

La prédication obligatoire de ces adjectifs en -ed révèle parconséquent la mise en œuvre plurielle d’une stratégie énonciativeentièrement dédiée à l’expression de la subjectivité, que ce soit par lechoix du registre, l’exploitation circonscrite de l’emploi métaphorique, ouencore l’utilisation de termes traduisant une caractérisation d’ordresubjectif : car c’est bien toujours l’état du sujet qu’évalue ainsil’énonciateur, et cette thématisation du sujet conduirait, de fait, à la

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prédication de ce que l’énonciateur considère être un acquis de ce sujet,se fondant sur les informations dont lui seul estime disposer, et qu’ilexpose.

2.4. La séquence be+-ed

Etiquetées “ adjectifs ” par les lexicographes, ces formes en -e dconstituent, au sein de cette classe de mots, un groupe à l’emploisyntaxique bien défini : obligatoirement prédiquées, elles apparaissentdonc, en discours, dans un schéma be+ ed, caractéristique de la diathèsepassive.

Cette similitude formelle ne permet cependant pas d’assimiler laprédication de ces formes à la voix passive.

2.4.1 Genèse des adjectifs prédicatifs en -ed

La diathèse passive authentique correspond à un choix énonciatif :lors de la mise en place du schéma prédicatif, l’énonciateur sélectionne,comme premier argument du prédicat, l’actant instanciant la place ξ1 (lebut de la relation primitive) 19. Autrement dit, pour qu’il y ait véritableprédication passive, il importe que l’énonciateur ait effectivement lechoix du terme de départ (c’est-à-dire de l’orientation de la relationprédicative), qu’il ait donc la possibilité de thématiser l’agent ou lepatient du procès.

• Cette possibilité n’existe pas vraiment pour plus du quart desformes prédicatives en -ed . On constate en effet que la forme nue(l’infinitif), forme lemmatisée sous laquelle est recensé tout verbe dans ledictionnaire, n’apparaît pas dans les nomenclatures de LDOCE ou CC,établis à partir de corpus oraux et écrits ; si certains figurent néanmoinsdans l’exhaustif Webster’s, ils ne sont guère illustrés par des citationsd’auteurs contemporains. L’emploi semble donc restreint à la formeparticipiale 20.

• Un autre ensemble présente une spécificité : il s’agit des formes

19 Groussier Rivière, 199620 Infinitif recensé mais non illustré par un exemple à la voix active : abashed -addicted - attuned - attired - crocked - destined - enmeshed - famished - fated - overjoyed - poleaxed - poised - pooped - zonked out. Indisposed serait dérivé dedisposed. Pas d’infinitif correspondant : ashamed (à l’origine pourtant un participepassé, du vieil anglais ascamian = to shame, a- constituant un préfixe perfectif),ainsi que afraid (à l’origine aussi un participe passé, du moyen anglais affraien ,qui a supplanté afeared ].

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prédicatives préfixées par un- (unharmed - unheard - unhurt - unmoved -unscathed), qui constituent des dérivés non de verbes mais d’authentiquesparticipes passés (harmed ...). Ces formes n’ont pas de forme infinitivecorrespondante (*unharm ...), et ceci tient à la valeur du préfixe“ réversif ” un -. Un verbe (renvoyant donc à un procès) ainsi préfixésignifie “ défaire ” (ce qui a été fait, undo, unpack ...). En d’autres termes,il faut donc qu’un premier procès (P1 packed) ait eu lieu pour que lesecond se passe (P2 unpacked). Mais lorsqu’il préfixe une forme en -eddérivée d’un participe passé, un-, de “ réversif ”, prend un effet de sens“ négatif ”, l’ensemble un-/-ed étant globalement équivalent à not -ed.Unmoved, pour reprendre la formule de Quirk, est l’opposé de moved.Ceci a pour conséquence qu’un procès antérieur n’est plus présupposé, ily a simplement absence - et non disparition - de l’émotion. (Rien ne peutêtre “ défait ” puisque rien n’a été “ fait ”). Ces formes prédicatives enun-/-ed , de par l’absence d’infinitif (donc de choix de voix), et par voiede conséquence de l’effet de sens pris par un-, ne sont pas des participespassés de passif, elles ne sont que des dérivés par préfixation.

On a dit plus haut qu’elles sont paraphrasables en not -ed. Si cela estexact sur le plan strictement informationnel, chaque forme relèvenéanmoins d’une stratégie énonciative propre. Car lorsqu’il choisit uneforme en un-/-ed, l’énonciateur prédique en fait une qualité inattendue,contraire à l’anticipation éventuelle que la situation a créée chez le co-énonciateur.

[13] They managed to escape unharmed.[14] Her cries went unheard.[15] He was shaken and frightened but unhurt .

Les relations prédicatives sous-jacentes en [15] illustrent d’ailleurscette stratégie 21:

he / be shaken (and) [he] / [be] frightened (but ) [he] / [be] unhurt[15] est un énoncé affirmatif : he / [be] unhurt est déclaré vrai, alors

que he was not hurt correspondrait à la non-validation de he/be hurt.• En revanche, sont bien issus de verbes effectivement usités à la

voix active tous les autres participes, mais il est remarquable que c’estalors presqu’exclusivement dans un emploi métaphorique 22. Ainsi :

[16] James Miles, a BBC reporter, points out just how many people wereclosely touched by the killings in Beijing on June 3rd and 4th 1989:'Let us say, very conservatively, that 5,000 civilians were killed orinjured that night. If that figure is then multiplied by the number ofclose relatives and friends, the population profoundly affected by what

21 Les coordonnants attestent de l’ellipse de be .22 Dans trente cas sur quarante.

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happened is already substantial. The Economist March 8, 1997Il y a clairement spécialisation de l’emploi, puisque lorsque le verbe

est employé à la forme active, c’est au sens propre, et que, dans uneconfiguration en be-ed, et si le participe qualifie un animé humain, seulel’interprétation métaphorique s’avère plausible, comme l’illustre [16] oùl’on remarquera la reprise par affected .

Ces formes en -ed , associées à be , peuvent par conséquentdifficilement être considérées comme des participes passés de passif :

. soit tout simplement parce que le verbe n’existe pas ou s’avèrerarement employé à la voix active,

. soit - lorsque le verbe est effectivement usité à la voix active - parceque la tournure passive se révèle exclusivement circonscrite àl’interprétation métaphorique, constituant par là même un emploiréservé.On examinera enfin le cas des verbes qui ont deux participes passés,

ou deux emplois de participe passé. On distinguera ainsi les doublonsisomorphes des allomorphes.

• Doublon isomorphe

Une même forme en -ed peut avoir deux emplois syntaxiquesdistincts selon la nature du référent qu’elle qualifie. A ces emploisdifférenciés correspondent deux interprétations :. en position épithète, le participe passé ne peut être associé qu’à unsyntagme nominal [-AH] et évoque un procès accompli, celui dénoté parle verbe dont la forme en -ed est issue (canned food is food that has beencanned), au terme duquel le référent ainsi qualifié a acquis un nouvel état(le plus souvent non réversible, donc non ponctuel). Ces formes ne sontinterprétables qu’au sens propre, et la glose confirme que le procès etl’état résultant sont exprimés par le même verbe lexical. Dans cesemplois prénominaux, il s’agit bien d’un participe passé de passif, et ilserait d’ailleurs possible de restituer une complémentation véritablementagentive en by.

canned (food) - cracked (cup) - finished (product) - flattened (papercups) - inclined (plane) - mixed (grill) - packed (cigarettes) -plastered (surface) - steamed (pudding) - stewed (fruit) -wrecked (car) 23

. en position attributive, et si elles qualifient un animé humain, cesformes ne peuvent être interprétées qu’au sens figuré, ce qui explique

23 On a fait suivre chaque forme en -ed d’un substantif [-AH] pour illustrerl’emploi prénominal.

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pourquoi, contrairement au cas précédent, le participe ne dit pas quelprocès ou événement a provoqué cet état :

[17] Mrs Witherspoon was a little more plastered than usual, I think. PaulAUSTER Mr Vertigo p. 21

On voit ici que sont étroitement liés d’une part sens propre etpropriété devenue structurelle (et syntaxe libre), sens figuré (lui-mêmesouvent associé à un registre non neutre canned - plastered - stewed -wrecked) et caractérisation ponctuelle d’autre part 24.

• Doublon allomorphe

Quelques verbes possèdent deux formes de participes passés, dontl’une constitue une forme tronquée (absence de désinence -ed/-en) 25:

. à beat (v) correspondent beat et beaten

. à break (v) ‘‘ broke et broken

. à drink (v) ‘‘ drunk et drunkenLa forme courte est restreinte à l’emploi prédicatif. La forme

suffixée en -en (le participe passé d’origine) garde la possibilité defigurer en position prénominale et de constituer la base d’une dérivationadverbiale (brokenly). Cette répartition des propriétés syntaxiques etdérivationnelles s’accompagne de modifications sémantiques plus oumoins importantes 26.

. Ainsi, prédiqué d’un animé humain 27, drunken évoque un étatstable (given to drink = alcoolique), alors que drunk (intoxicated = ivre)obligatoirement prédicatif, ne peut que renvoyer à un état temporaire. Lesdeux participes, lorsqu’ils sont prédiqués, ont ainsi chacun leur aired’emploi:

[18] ‘Surely a priest should set a better example than this ? Surely it isshameful to become inebriated so long before evening? How can thisman hope to retain any stature in these parts when he is greedy anddrunken ? [...] I, at least am not drunk, I am just mischievious. Louisde Bernières Captain Corelli’s Mandolin p. 41-2

24 On verra en outre dans la troisième partie (consacrée aux adjectifs en -edprénominaux) que, lorsqu’il s’agit d’un procès dont on vise l’accomplissement,l’association adjectif en -ed+SN [-AH] aboutit à la création d’un type canned foodis a kind of food.25 On n’évoquera pas ici le cas de wed (v) et de ses deux participes passés(wedded /wed ), le second étant complètement tombé en désuétude.26 Le développement suivant se fonde sur les remarques de O. Jespersen AMEGPart VI, pp. 34, 61, 79, 81-2.27 Si drunken qualifie un événement, il est obligatoirement prénominal ( drunkenorgy/party/shouting ).

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. La diversification s’avère plus marquée pour les paires beat/beatenet broke/broken : la forme courte (contrainte) se distingue en termes desémantisme et de registre, broke évoquant le manque d’argent, beatl’extrême fatigue, et les deux appartenant à un registre particulier(informal/slang). En ce cas également, on n’observe donc aucuneredondance tant sur le plan syntaxique que sémantique.

2.4.2 La question de la complémentation

Dans les occurrences relevées, il n’est pas possible de reformulerl’énoncé à la voix active ; en effet, la complémentation ne renseigne passur la source du procès mais sur ce qui est perçu et dit par l’énonciateurcomme l’élément déclencheur du nouvel état du sujet :

[19] But I’m a little concerned about the allowances I made for the fueltank and the radiator. They were heavier than I thought. William BoydThe Blue Afternoon p. 177

[20] He's the King of the Gypsies is what he is, and if he's got any soul atall - which I'm not saying he does - then it's packed with evil throughand through.' Paul AUSTER Mr Vertigo p. 21

[21] At low incomes, most of the population is stuck in low-productivitytropical farming. The Economist June 14,1997

• Cette complémentation prépositionnelle peut être introduite parabout [19], for, in [21], of [12], on [25], over, to [26] ou with [7] [20], etmême lorsqu’elle l’est par by [16] [22] [23] - préposition agentive parexcellence 28 - ce n’est pas pour introduire l’agent du procès proprementdit 29 :

[22] At times Mr Geison seems almost abashed by what he has found inmore than 100 lab books of this giant, tightly held within the family atPasteur's request until 1971, when his last male heir passed them to theFrench national library. The Economist July 1,1995

[23] He shuddered, upset by this vision of a hypothetical future.. WilliamBOYD The Blue Afternoon p.177

• Témoignent aussi du caractère spéculatif ou conjectural de ce quiest présenté comme la cause de ce nouvel état les précautions oratoires(soulignées par moi), figurant soit sous forme d’incises, soit parintervention directe au sein du groupe verbal. L’énonciateur atténue ainsile caractère assertif de son interprétation :

28 Quirk nomme cet emploi “quasi-passif”.29 L’agent ne semble d’ailleurs pouvoir être inclus dans un adjectif composé en-ed que s’il renvoie non à un référent spécifique, mais à un élément représentatifde la classe : man /tailormade - god/heaven-sent .

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[24] He didn’t go to work the next day, or the next. I couldn’t get him to go,and he wouldn’t even talk to me. He was ashamed , I guess , or maybehe thought I was mad at him. N. Scott Momaday, House Made of Dawnp.161

[25] On the one hand, the accountants seem hell-bent on becoming biggerthan ever before: the Big Eight has already become the Big Six.. TheEconomist September 20, 1997

[26] Neither country seemed disposed to escalate their quarrel any further.Collins Cobuild

Dans le cas de participes passés qui pourraient être compris au senspropre (et qui seraient donc interprétables comme des participes passésde passif), c’est le contenu du syntagme prépositionnel qui permet,rétroactivement, de comprendre qu’il y a lieu de privilégier l’emploimétaphorique, et d’écarter l’interprétation passive (hooked on a drug -pushed for time - soaked in history - wedded to the idea).

Ainsi, même dans les rares cas où -ed peut à juste titre être étiquetécomme un vrai participe passé (tout du moins issu d’un verbe usité à lavoix active), son association à be ne confère pas à l’ensemble be-ed lestatut de voix passive, ce que corrobore, entre autres, le contenu de lacomplémentation prépositionnelle.

2.4.3 La question de l’intransitivité

Le caractère intransitif d’un verbe exclut toute possibilité depassivation, en l’absence d’argument-objet à la voix active. Or le corpuscomprend des formes en -ed dérivées de verbes intransitifs ou employésintransitivement :

attired - dressed - drunk - famished - packed -prepared - puffed - related - soakedL’emploi prédicatif obligé les fait donc apparaître en association

avec be , ce qui conduit à rechercher ce qui différencie ces verbesintransitifs de ceux qui ne sont pas “passivables”, et qui leur permet ainsid’associer leur participe passé à be sans donner lieu à une interprétationpassive.

2.4.3.1 Verbe réfléchi ou réciproque

• On remarque en premier lieu que attired, dressed, packed e tprepared sont issus de verbes réfléchis. L’analyse de l’emploi du verbe àla forme active permet d’en mesurer l’incidence.

[27] He dressed and was driven to the hospital without breakfasting.William Boyd The Blue Afternoon Penguin p. 260Il s’habilla et fut conduit à l‘hôpital sans avoir pris son petit déjeuner.

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He (C0) est l’agent du procès dress, C1 n’est pas instancié. S’ildevait l’être, ce serait sous la forme d’un pronom réfléchi himself (lamarque casuelle - him - signalant bien le statut syntaxique de patient, enplace C1, self marquant l’anaphore avec le seul élément (pro-)nominaldisponible). Il y a donc co-référence entre C0 et C1 (exprimé ouimplicite) à la voix active, tous deux renvoyant (le premier directement,le second anaphoriquement) à une seule et même personne, doncindivisible en agent et patient, ce qui supprime toute possibilité depassivation. Une telle association en be+-ed ne peut ainsi être compriseque comme la prédication d’un état (be), -ed indiquant que le procèsdress, arrivé à terme, constitue une caractéristique désormais acquise parle sujet.

Ceci explique par ailleurs que ces verbes réfléchis, que l’on veuillemettre l’accent sur le déroulement du procès ou sur son caractèreaccompli, ont recours au seul et même auxiliaire be , sans confusionpossible sur l’agent du procès 30.

• La même analyse vaut pour relate, verbe réciproque, même si laconfiguration est plus complexe, puisqu’elle implique deux agents. Ainsi :

[28] John is related to Susanimplique que

[28’] Susan is related to JohnMalgré le changement de thème, les deux formulations sont

globalement équivalentes à :[28’’] They (John and Susan ) are related (to each other) .

La complémentation est obligatoire si le sujet grammatical nerenvoie qu’à un seul agent, elle devient redondante si les deux agentssont nommés et figurent en C1.

Tout comme pour les verbes réfléchis, l’interprétation passive est icibloquée par l’absence de réel patient distinct, la relation entre les deuxarguments étant de réciprocité.

2.4.3.2 La question du passif

Que ces verbes soient intransitifs implique que la source du procèsne peut résider que dans le sujet grammatical ([+AH]) qui peut en êtrel’origine volontaire (dressed - drunk - packed - prepared), ou simplementle siège (famished - puffed - soaked), mais sans intervention d’un agentanimé humain. Dans ce dernier cas, le facteur déclencheur est extérieur,non agentif, c’est un événement quelconque qui provoque chez le sujet un

30 On notera que ces formes ont pour équivalents français un schéma semblable :être+“participe passé” (être paré/habillé/prêt)

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nouvel état.Dans le cas où le sujet se pose en origine volontaire, son état résulte

donc d’un procès par lui accompli (souvent d’ailleurs non explicité, ceserait tautologique), et le terme de ce procès (le franchissement de ladeuxième borne) coïncide avec la réalité de ce nouvel état. Autrementdit, n’importe quel témoin parviendrait inévitablement au même constat.L’énonciateur n’est en ce cas qu’un témoin qui parle : son rôle consistesimplement à verbaliser cet acquis, à actualiser la nouvelle propriété. Ilen asserte l’existence et ne participe à la situation en tant qu’informateur: cela se voit, il le dit.

Le participe passé renseigne, à lui seul, sur le caractère accompli duprocès (-ed) et, lexicalement, sur la nature du procès ayant conduit à cetacquis. Il est, à cet égard, remarquable que le même verbe lexical (drink,dress, pack, prepare), accompagné du même sujet grammatical, puisseêtre employé pour évoquer le procès, en déroulement ou accompli, oubien pour décrire son état résultant :

X is dressing X has dressed X is dressedprocès en déroulement procès accompli nouvel état

Ce constat rejoint et conforte l’hypothèse de P. Cotte 31 : cesparticipes ne sont pas issus de passif, mais de parfait. L’intuitionlinguistique s’accorde en outre avec cette interprétation, puisque de telsschémas ne sont pas compris comme de vraies tournures passives (“ fauxpassif ”, “ activo-passive ”).

Peu de verbes se prêtent à cet emploi, qui requiert l’intransitivité.Cotte ajoute une autre condition : l’état résultant doit être visible.

Tel est bien le cas pour les formes ici analysées ; on en a motivé lanécessité ci-dessus, sachant que l’accomplissement du procès doit, àl’évidence, pouvoir donner lieu à un état résultant tangible. C’est lacondition même de sa visibilité. Ajoutons qu’il semblerait que le sujetdoive être véritablement agentif.

Ce sont précisément ces deux conditions qui différencient dressed,drunk, packed et prepared de famished, puffed et soaked . Pour cesderniers, le verbe est bien employé intransitivement, mais

1) le sujet grammatical n’est pas proprement agentif (il subit lesconséquences d’un événement extérieur, survenant sans interventiondélibérée),

2) le procès est à bornes confondues : à peine a-t-il commencé (-ing),que l’effet (-ed) est déjà constatable.Ceci explique sans doute la quasi-équivalence singulière de :

31 1996, p.90-1.

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I am puffing ≅ I am puffed (out)I am soaking ≅ I am soakedI am starving ≅ I am starved

Reste posée la question de la prédication obligatoire. Pourquoi cesformes ne peuvent-elles figurer en position épithète ?

Premièrement, elles renvoient toujours à une situation spécifique, ilne s’agit donc pas de caractéristiques stables, ce qui les différencie, parexemple32, de deceased lawyer, ou married woman. Il y a là en effetvéritablement changement de statut : la qualification étant devenueinhérente, la position en épithète y trouve une justification. Maiscomment comprendre alors qu’il soit possible d’avoir departed guests,escaped prisoner 3 3 , et non *gone prisoner ? Il s’agit ici decaractéristiques plutôt ponctuelles, la qualification n’est que contingente.Ces trois participes sont globalement synonymes (X n’est pas là où ildevrait être) mais gone correspond à un simple constat tandis queescaped, hyponyme de gone, constitue une re-qualification de l’acte (oude l’absence), qui, en tant que telle, porte l’empreinte de l’énonciateur 34.

Selon Bolinger 35, departed guests constitue un emploi -relique de l’ancienparfait en be qui permettait le déplacement du participe en épithète, toutcomme pour the vanished Indians .Pourtant sémantiquement proche * the disappeared Indians n’est pas possiblecar disappear est apparu plus tardivement (XV), depart (XIII), vanish (XIV).Cette explication diachronique ne s’oppose pas à notre argumentation,l’euphémisation qui caractérise vanish signalant, là aussi, que le constat purest dépassé.

On voit ici que la position épithète des adjectifs en -ed qui ne sontpas des participes passés de passif ne se justifie que si la qualité acquisecorrespond à un changement de statut (d’où l’acquisition d’un caractèrestable, non ponctuel), ou bien si le qualificatif correspond à une re-qualification, non une simple mention de l’acte brut. Ceci expliqueincidemment pourquoi dressed, obligatoirement prédicatif, peut figurer enépithète s’il est modifié par un adverbe appréciatif : a well-dressed man.

Dressed, drunk, packed et prepared sont bien des qualités nouvelles,ponctuelles, observables, relayées par le témoin privilégié que représente

32 Ces exemples et les suivants sont empruntés à Cotte.33 Departed guests constitue un cas tout à fait distinct car l’état est irréversible(donc stable). Mais l’euphémisation - métaphorique ? - signale que le stade dupur constat est dépassé. C’est pour cette raison qu’il peut tout de même relever dela même analyse que escaped prisoner.34 Ce point est plus longuement développé dans l’analyse consacrée aux adjectifsen -ed obligatoirement prénominaux (3.2.2).35 1967

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l’énonciateur, qui ne joue pas un rôle mineur : les propriétés focalisantesde la prédication font qu’il dispose d’un outil syntaxique lui permettant demettre son propos en relief.

2.5. Conclusion

Cette étude s’est articulée autour de deux thèmes d’investigation.En premier lieu, l’analyse a porté sur le sémantisme de la forme

elle-même, la recherche de traits intrinsèques susceptibles d’expliquerl’emploi syntaxique. Au terme de cette étude, il paraîtrait d’ailleurs plusapproprié d’évoquer plutôt le caractère “ naturel ” de la prédication deces adjectifs en -ed , compte tenu précisément de deux de leursspécificités sémantiques : l’une est le complément d’informationqu’appellent certaines formes, l’autre la caractérisation (fût-elleponctuelle ou interprétative) qu’elles s’avèrent toutes révéler - allant bienau-delà de la simple description - l’énonciateur procédant, en vérité,davantage à une évaluation de l’état du sujet.

La deuxième partie, consacrée aux traits syntaxiques propres auxverbes dont sont directement ou non issues certaines des formes en -ed, amis en évidence la spécificité de leur structure argumentale, écartant defacto toute possibilité d’interprétation passive. Car le sujet grammatical,agentif, a bien effectué un procès. Si l’énonciateur, en prédiquant cettenouvelle propriété, peut se porter garant du caractère accompli de ceprocès, c’est parce que l’état résultant constitue une réalité visible, dontil témoigne.

On peut ainsi constater que, quel que soit le cas de figure, laprédication obligatoire est effectivement liée aux traits sémantiques deces adjectifs.

Que la dénomination de ces “ formes en -ed ” soit variée et diffèreselon les ouvrages reflète l’ambiguïté de leur nature. Leurs conditionsd’emploi manifestent la réalité de leur origine verbale, cependantcertaines possèdent des traits les rapprochant des adjectifs. Elles formentnéanmoins un ensemble dont les caractéristiques syntaxiques sontsemblables à celles d’adjectifs morphologiquement différents maisapparentés sur le plan sémantique (sorry - cross - content), et qui ferontl’objet d’une étude ultérieure.

3. EMPLOI PRÉNOMINAL

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Attributive , only before noun : c'est ainsi que CC et LDOCE

décrivent l’emploi syntaxique des adjectifs obligatoirement prénominaux.

Il y a en fait indissociabilité absolue entre l’adjectif et le nom, dont on

rappellera quelques manifestations :[29]. Henry is a rural policeman 36 ne peut générer *the policeman is rural

(par contraste avec : John is a good teacher -> The teacher is good)Que l’on se demande si c’est à la campagne qu’Henry travaille ou

que l’on veuille le nier, il faudra reprendre l’ensemble du syntagmenominal, même si l’on ne remet pas en cause le fait que Henry soitpolicier :

[29’] Is Henry a rural policeman ?[29’’] Henry is not a rural policeman (he works in London ) 37

A contrario, la plupart des adjectifs sont dissociables du substantifqu’ils qualifient : qu’ils puissent figurer en position attribut montre leurrelative indépendance syntaxique par rapport au substantif qu’ilsmodifient (that book is expensive / that man is fascinating).

Bolinger observe des variations possibles, en jargon de métier parexemple (trade lingo) : Is John an insurance agent ? No, he’scommercial, ce qui, à l’inverse, peut donner Is John a commercialagent ? No, he’s insurance (l’adjectif peut ici permuter avec unsubstantif).Il s’agit là d’emplois rares, que seul un frayage préalable rendpossibles et surtout non ambigus ; le contexte guide l’interprétation,surtout dans le cas où le même adjectif, non contraint, donnerait lieuà un effet de sens différent (I used to like their music, but they havebecome very commercial).• Un adjectif épithète est défini par la place qu’il occupe à côté du

nom, à gauche en anglais. L’adjonction de propriété a pu faire, endiscours, l’objet d’une prédication antérieure par un verbe copulatif, maisceci n’est pas obligatoire : la relation peut être présentée d’embléecomme préconstruite (They used to have a black dog) ; et en ce cas, onprésuppose une prédication préalable implicite.

• Les adjectifs prénominaux ne sont pas justiciables d’une analysesemblable : la position attributive étant interdite, leur emploi en épithètene peut résulter d’une prédication antérieure en be.

Par conséquent, pour une seule et même réalisation en surface (adj+ nom), on posera l’existence de deux types de pré-constructions

36 Enoncé emprunté à Bolinger, op.cit.37 Les mots en caractères gras sont particulièrement accentués.

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distincts, celui des adjectifs prénominaux résultant d’une opération autreque celle d’un repérage à valeur d’identification (partielle).

Bien que cette contrainte s’exerce sur d’autres adjectifs (certainsprimitifs - sheer, actual, mere - et de nombreux dénominaux), on netraitera ici que du cas des adjectifs en -ed. A la centaine d’occurrencesrelevées dans les deux dictionnaires, on a ajouté quelques formesexpressément citées par Jespersen et Marchand.

3.1. Formes non déverbales

3.1.1 Adjectifs dénominaux38

Le morphème -ed, ainsi suffixé à un substantif 39, signale :. soit que le déterminé partage un trait-type du déterminant, de

l’ordre de l’apparence (martyred look : like that of a martyr), ou ducomportement (dogged determination : like that of a dog) ; cettequalification, de type métaphorique, s’appuie sur une métonymie. Lerecours à de telles opérations atteste de l’existence d’un travailinterprétatif et correspond donc à une qualification modale ;

. soit que le déterminé possède le référent du déterminant, commel’explicitent les définitions dictionnairiques (that owns/has...). Ces glosesmettent en évidence le repérage à valeur de différenciation entre le sujetgrammatical et le substantif dont est dérivé l’adjectif. Ce sujet peut êtreanimé ou non, il est crédité d’une qualité visible ou tangible. La propriétéest objective et différentielle : dans la classe gentry (classes/horse...), ellepermet de créer une sous-classe, comme le fait tout adjectif, à ceci prèsque le modifieur n’est pas prédicable.

La dérivation (-ed) marque ainsi, en surface, l’existence d’un lienétabli entre deux substantifs 40 (N1/N2 :pie/wagtail, land/gentry,money/classes ...).

Il y a lieu de traiter à part le cas de pied 41 qui, associé à wagtail,constitue une entité lexicale, l’ensemble adjectif+nom désignant un typed’oiseau (Motacilla alba yarrellii). L’adjectif en -ed a ici une fonction

38 dogged (determination) - landed (gentry) - martyred (look) - moneyed (classes) -pied (horse) - plumed (helmet) - sculptured (pedestal) -seamed (stocking)39 Cf. 1.34 0 -ed n’est qu’un des nombreux suffixes permettant la formation d’adjectifsdénominaux41 du français “ pie ”

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catégorisante : il s’agit là d’une composition figée, non libre 42.Pour les autres occurrences, non figées, de quelle opération -ed

porte-t-il la trace, sachant que la mise en relation de deux notions,réalisées lexicalement sous la forme de substantifs, peut, sous certainesconditions, s’effectuer par simple juxtaposition (et former un motcomposé) ? En d’autres termes, pour quelles raisons, dans les casprésents, la suffixation de N1 est-elle non seulement possible maisobligatoire ? On rappellera tout d’abord que de telles formations sontétroitement subordonnées aux propriétés de N2, et à la nature de laqualité (N1) attribuée.

. La suffixation est ici possible 43 (c’est-à-dire non interdite) parceque N1 ne constitue pas une propriété définitoire ou intrinsèque de N2(*an eyed and eared baby) : il est fondé et non redondant d’attribuer à N2(gentry, stocking) la qualité dénotée en N1 (land+ed, seam+ed), carcelle-ci n’est pas perçue comme constitutive (il existe une noblesse sansterre, des bas sans couture ...).

. Elle est ici obligatoire (*land gentry), alors que l’anglais connaîtdes cas

1) d’alternance possible : terrace(d) houses2) de suffixation impossible :*a four-miled walk

parce que c’est précisément sur cette qualité que l’énonciateur fonde sonargumentation. La mention de cette propriété ne se justifie que par rapportau contexte, qui souligne en retour son caractère de pertinence, commel’illustrent ces exemples :

[30] Its latest new machine - the 125cc Hexagon - is a revamped super -scooter aimed at mature, moneyed commuters looking for afeatherbedded way of beating traffic.[...] the newly updated Hexagon, the Italians' latest shot at the luxuryscooter market. The Times 28 March 1998La mention de la qualité (moneyed) des acheteurs potentiels n’a depertinence que parce qu’il s’agit d’un produit de luxe ( luxury).

[31] A new lower 10 per cent rate tax is widely predicted, plus nationalinsurance changes that will make it cheaper to employ those on lowerincomes, while raising costs for those with a moneyed workforce. TheTimes 14 March 1998C’est parce que les salaires sont élevés (moneyed workforce ) quel’augmentation des charges (raising costs ) est possible et justifiée.

42 comparable à blackbird , excepté que, lorsque les deux termes sont soudés,l’accent principal (et unique) est porté par le premier élément.43 Ce développement est fondé sur les conclusions de Charreyre 1995. Certainsexemples lui sont empruntés.

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En d’autres termes, une sous-classe est ponctuellement créée(moneyed commuters -moneyed workforce ) pour les besoins du contexte.Il s’agit bien d’une catégorisation construite par l’énonciateur ; la qualité(N1) est certes objective, elle est plus exactement “ objectivée ”, poséecomme argument spécifiquement pertinent. Cette propriété se distinguede celle évoquée par pied parce qu’elle ne correspond pas à la créationd’un type, ou d’une sous-classe parmi d’autres 44. On en veut pour preuveque landed gentry ne s’oppose pas à une gentry créditée d’une autrepropriété distinctive : elle pourra être mise en contraste avec not landedgentry :

[32] "We are not landed gentry," explains Paula Heycock at Pytchley, "butthis is our family home and we have a duty to keep it going. Thetrouble is, it costs an awful lot to run a place like this. I enjoy havingvisitors, but let's face it: we do it for the money." The Times 28 March1998

alors que engineer , par exemple, se prête à une réelle déclinaisonparadigmatique selon les spécialités (agricultural, electrical, mechanical...). En ce cas, les adjectifs participent à la création de sous-classesrépertoriées.

Ces dénominaux épithètes en -ed sont donc soumis à deuxcontraintes, l’une dérivationnelle, l’autre syntaxique, qui manifestentconjointement la mise en relation “ serrée ” de notions exprimées par lesdeux substantifs. Modifiant le statut de N1, -ed lui confère la possibilitéd’être inclus dans les propriétés de N2 : il s’agit d’une qualitéponctuellement explicitée, associée au référent de N2 lequel, par suited’un repérage à valeur de différenciation, en est dit porteur.

3.1.2 Participes morphologiquement isolés

Est morphologiquement isolé un adjectif dont la base n’existe pas enlangue : il n’est pas, contrairement à un dénominal ou déverbal, formé parsimple suffixation. Un adjectif en -ed peut être morphologiquement isolésoit parce qu’il résulte d’une composition, soit parce qu’il se trouveporteur d’une double affixation.

3.1.2.1 Participes composés

Aforesaid, aforementioned et abovementioned sont formés parassociation d’un adverbe 45 et d’un participe passé (said, mentioned).

44 Il existe en effet plusieurs espèces de bergeronnettes : pied/white/yellow/forestwagtail45 Above se distingue par la pluralité de ses fonctions syntaxiques possibles : il

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Paraphrasables par “ mentioned previously ”, ils signalent donc uneanaphore, de type textuel puisqu’ils ne sont usités qu’à l’écrit (on en asouligné la première mention).

[33] ... on November 15th, Raul's wife and her brother were arrested inGeneva as they tried to withdraw funds from a bank . [...] there was $84m in the account in question, said the Swiss[...] This week he broke a long silence with a (faxed) statementdenying any knowledge of the aforementioned accounts. TheEconomist June 28,1997

[34] On Monday the group called Women in Journalism will publish theresults of an inquiry into a fair question. [...] I have not seen an advancecopy of the report, never having joined the aforesaid organization. TheTimes 1996

Cette référence interne au texte correspond à une localisation spatio-temporelle ; la première mention du déterminé (B, ici accounts ,organ i za t ion ) est en effet antérieure (sur le plan temporel), etmatériellement, se trouve “ au-dessus ”, dans l’organisation physique dutexte : les deux sont indissociables. Et c’est probablement parce que detelles compositions soudées renvoient à une opération de typeendophorique - et puisque les verbes *aforemention, *aforesay et*abovemention n’existent pas en langue, ce qui constitue une contrainteabsolue - qu’elles ne peuvent faire l’objet d’une prédication. Afore etabove, associés à des verbes de “ dire ”, ne sont interprétables que parrapport à la situation d’énonciation. La qualité dénotée par l’adjectif (Aaforementioned , aforesaid ) n’est valide que dans la situation donnée,n’appartient pas à B en tant que tel, mais à B en tant qu’objet de c ediscours : cet ajout ne modifie d’ailleurs en rien ses propriétés. L’adjectifconstitue ainsi la trace d’une opération de détermination. Seull’énonciateur peut d’ailleurs instancier la source du procès et, parconséquent, il présente la relation AB comme pré-construite : lavalidation antérieure est de son ressort propre. On reviendra sur l’impactdes caractéristiques sémantiques de ces adjectifs (3.2.3).

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3.1.2.2 Formes doublement affixées46

La formation d’un nombre restreint d’adjectifs ne peut êtrereconstituée avec certitude, et on présentera ici quelques hypothèses.

Chacune des formes possède le préfixe un- et le morphème -ed.Aucune n’étant issue d’un verbe existant, un- prend ici un effet de sensnégatif, pour les motifs exposés en 2.4.1. Une analyse cas par cass’impose :•unaccustomed constitue la seule forme dont on peut poser qu’elle estdérivée d’un autre participe par préfixation, à l’instar des adjectifsprédicatifs en un-/-ed.• unwonted dérive probablement de wonted. Cependant wont est recensécomme nom, verbe ou encore adjectif. Il est possible que wont soit leparticipe du verbe (obsolète) won, aujourd’hui utilisé prédicativementaprès is ou was 47, mais il existe aussi un verbe rare wont, probablementcréé par rétroformation à partir de wonted. Wonted, adjectif, estuniquement employé en épithète.

Sur le plan du sens, unaccustomed et unwonted créditent B nond’une propriété intrinsèque, mais d’un trait spécifique 48, nécessairementlié à une situation ponctuelle, et dont la mention est en faitprincipalement destinée au co-énonciateur. La preuve en est que laqualification trouve souvent sa justification (soulignée en pointillé) dansle contexte :

[35] Not long ago I woke up in the morning with unaccustomed joy in myheart on realising I was too old to die young. Alan Sillitoe The TimesMarch 21, 1998

[36] On a night when British artists were virtually relegated tounaccustomed anonymity, Dylan Sr picked up the award for Album ofthe Year - perhaps the most coveted Grammy of all - for his Time Out

peut en effet avoir un emploi adjectival, adverbial ou prépositionnel, tandis queafore , aujourd’hui archaïque, n’est employé qu’en composition, et exclusivementavec mentioned ou said. Aforesaid a, en fait, été formé d’après beforehand (XII) etbeforet ime . Mais la concurrence (en matière de diversité de fonctionssyntaxiques) semble avoir joué en faveur de before susceptible d’être prépositionou adverbe, alors que l’usage de afore est désormais circonscrit aux deuxcomposés étudiés ici.4 6 unaccustomed (physical exertion) - unadulterated (nonsense) - unmitigated(disaster) - unvarnished (truth) - unwonted (good humour)47 Jespersen, op.cit. p.3248 On remarquera en outre que seuls des prédicats nominalisés peuvent acceptercette qualification en épithète.

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of Mind . The Times February, 27 1998[37] With one sudden movement he thrust his arms beneath the belly of a

mule, spread his legs, and lifted it up to his chest. The startled animal,its eyes popping with consternation, submitted to this unwontedtreatment, but upon being set lightly down threw back its head, brayedwith indignation, and cantered away down the street with its owner inclose pursuit. Louis de Bernières Captain Corelli’s Mandolin p. 18

L’adjectif en -ed constitue une remarque sur (le caractère inhabituel de)l’événement, que l’énonciateur impose, s’appuyant sur des connaissancesqu’il estime non partagées ou qu’il souhaite mettre en relief. L’emploiprénominal tiendrait, entre autres, à ce que l’énonciateur se pose, en tantqu’auteur de la qualification, comme interprète de la situation. Onreviendra dans la synthèse sur ce point.. unadulterated et unvarnished peuvent être dits dérivés de participespassés de verbes existants (adulterate - varnish). Cependant, préfixés,ces adjectifs sont employés sur le mode métaphorique seulement (end’autres termes, si adulterated ou varnished constituent le participepassé d’une forme verbale finie, ils évoquent un procès, et le participepassé en dénote le caractère accompli).

[38] Richard, the 2nd Earl Lloyd-George, seeking to present anunvarnished personal picture (not always very credibly) in M yFather, stated that "My father's religious beliefs fluctuated, and therewere periods in his life when he lost faith ". The Times March 14, 1998

[39] What I'm telling you is the pure, unvarnished truth. You're living inthe same house with a Jew, a black man, and an Indian, and the sooneryou accept the facts, the happier your life is going to be.' Paul AusterMr Vertigo p. 22

• unmitigated peut difficilement être considéré comme dérivé demitigated participe passé adjectival, qui semble peu usité, du fait,semble-t-il, de sa complémentation prépositionnelle nécessaire :

[40] The effect of the strong pound is mitigated by the fact that only 5 percent of group sales are manufactured in the UK. The Times 14 March1998

[41] With the summer heat partly mitigated by the ocean, this is a Floridawith a variety of experiences and with one of its lightest concentrationsof small children. The Sunday Times 15 March 1998

En effet, dans un corpus assez conséquent, on n’a relevé qu’une seuleoccurrence apparemment prénominale de mitigated, mais il y a en faitellipse de be et la séquence se trouve dans une incise à valeur d’aparté(révélateur d’un changement de niveau d’énonciation) :

[42] They should have won both Tests in Trinidad and, after a heavy, ifmitigated , defeat in Guyana, they dictated the match here until asecond abandonment ...The Times March 18, 1998

Il ressort de cette analyse qu’à un adjectif en un-/-ed peut ne pas

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correspondre de participe passé adjectival non préfixé véritablement usité.Ce cas n’est pas unique, d’autres adjectifs n’ont pas de contrepartiepositive (ou non négative) : ungaily, unfailing.

Enfin, et ceci atteste également de l’impact de l’affixation,mitigated et unmitigated ont chacun un fonctionnement syntaxiquedifférent et contraint, le premier étant prénominal, le second le plussouvent prédicatif.

Si la formation de unadulterated, unmitigated et unvarnished pose unproblème dans le rapport qu’ils entretiennent avec la forme dont ilssemblent dériver, ils témoignent, dans leurs acceptions, d’une similitudefrappante. Sous l’effet de cette double affixation, ils acquièrent unesignification qui n’équivaut pas à la simple addition de leurs morphèmesconstitutifs (préf.+ppa+suff.). Ainsi affixé, chacun constitue une nouvelleentité lexicale n’ayant qu’un lointain rapport avec ses constituants. Deuxtests complémentaires illustrent cette métasémie :

• suppression de l’adjectif- It was going to be (unadulterated) misery to us- This is an (unmitigated) disaster... an (unmitigated) evil- He told the (unvarnished) truth

L’absence d’adjectif ne modifie pas la notion (exprimée par lesubstantif) en tant que telle.• remplacement par un équivalent synonymique : unadulterated,unmitigated et unvarnished peuvent permuter avec real ou utter.Ces deux manipulations mettent en évidence que ces adjectifs

n’ajoutent pas une propriété additionnelle (différentielle) à la notion àlaquelle ils sont associés. Leur emploi confirme que misery, disaster, evil,truth, dans la situation donnée, possèdent intégralement toutes lespropriétés attachées à cette notion, qu’aucune n’est altérée. Ces adjectifs(ceux en -ed comme leurs équivalents synonymiques), associés à unsyntagme nominal, confèrent ainsi à la notion le statut de haut degré.Leur emploi en position de déterminant dénote donc un travail énonciatifspécifique sur la notion exprimée par le syntagme nominal 49 L’analysedes collocations révèle enfin que le sémantisme du substantif ainsiqualifié serait incompatible avec une qualification autre que radicale :

[43] John Bruton, the Fine Gael leader, said the death was "anunmitigated tragedy". His colleague and friend was "one of Ireland'smost distinguished politicians and a person of great kindness". TheTimes March 16, 1998

49 Cette manifestation du point de vue peut également s’exprimer sous la formed’un adverbe de type commentaire unmitigatedly

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[44] A work like July's People (1981), about a violent civil war whichreduces the leafy white suburbs of Johannesburg to bomb-blackenedruins, is an unmitigated cry of rage. The Times February 17, 1998

Ces adjectifs ne modifient donc pas la notion en elle-même,puisqu’elle est déclarée totalement adéquate. Par conséquent, si leurmention ne constitue pas une propriété additionnelle objectivable, celle-ci est à prendre comme un trait subjectif : l’énonciateur fait ainsiconnaître son point de vue sur l’authenticité absolue de la notion ainsichoisie et qualifiée.

3.2. Adjectifs déverbaux

Parmi les prénominaux en -ed, les adjectifs déverbaux sont de loinles plus nombreux (90% du corpus).

• Au risque de rappeler une évidence, ces adjectifs ne sont pasobligatoirement prénominaux par nature, comme les mentionslexicographiques - le dictionnaire traitant isolément les éléments ducorpus - pourraient le laisser croire. En effet, en tant qu’adjectifs, ils sontnécessairement le support d’un syntagme nominal, et c’est bien lors deleur association à un tel syntagme que se révèle la contrainte.

N’importe quel adjectif ne peut modifier n’importe quel nom : leurspropriétés référentielles respectives limitent les possibilités d’association.Lorsque les propriétés sont compatibles, et qu’une combinaisonadjectif+nom est formée, il se produit une interaction entre ces propriétésréférentielles. On posera l’hypothèse que la contrainte syntaxique del’adjectif témoigne de l’incidence de cette interaction, autrement dit que,associé à tel type de nom, tel adjectif se trouve porteur d’une contraintesyntaxique.

Pour les besoins de l’analyse, on examinera d’abord lescaractéristiques de l’adjectif, puis celles des types de nom auquel il estassocié : cet ordre ne saurait a priori refléter la prééminence de l’un oul’autre des composants. Le principe d’interaction sous-tend chaque étapede l’analyse. Chaque (type d’) adjectif sera donc toujours analysé enassociation avec un (type de) syntagme nominal (A renvoyant àl’adjectif, B au substantif, AB à leur association).

• Ces adjectifs sont tous issus de verbes susceptibles d’êtreemployés à la voix active, mises à part de très rares formes archaïques :

. beloved, issu de belove (be 50+love). Seule la forme participialeest usitée. Elle est d’un emploi littéraire ou humoristique.

50 le préfixe be- peut former des verbes transitifs à partir de noms, d’adjectifs oude verbes : dans ce dernier cas, il a un rôle intensifieur (Zandvoort 1969 p. 293).

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. born : un des deux participes passés de bear (born/borne). Borne(littéraire) synonyme de carried, endured (donc employé au sens propreou métaphorique), semble avoir gardé plus d’affinités avec son verbed’origine (bear). Seul born peut renvoyer à la naissance 51.

• Le point commun de tous les autres adjectifs prénominaux en -edest leur origine verbale : de ce fait, ils renvoient à un procès ou unévénement, et à ce titre, supposent l’existence d’une source et,éventuellement, d’un but. L’analyse du corpus montre que, nonindifféremment, le substantif (B) qu’ils modifient peut être un animéhumain (+AH), un inanimé (-AH), ou bien que B peut être un prédicatnominalisé.

On relèvera en premier lieu les associations préférentielles (etsubsidiairement celles qui semblent impossibles) : avec quel type desubstantif, tel type d’adjectif peut-il ou non se combiner ? On évalueraensuite l’impact de la position attributive : si celle-ci est possible, quelledifférence induit-elle ? Sinon, quels facteurs bloquent la prédication ?

On traitera dans une première partie le cas où B ne peut occuperaucune des places argumentales de A : soit parce que B est un prédicatnominalisé, soit parce que le référent de B est non-humain alors que Arenvoie à une activité dont la source et le but doivent être animéshumains.

3.2.1 Ellipse du sujet

• Si B est un prédicat nominalisé, il renvoie, tout comme A, à unprocès. L’impossibilité de prédication tient à ce qu’aucun des composants(A ou B) ne peut instancier de place argumentale auprès de l’autre. Ils’agit là d’un cas de CEL 52 (composé elliptique lexicalisé) du typestanding ovation , porteur de la même contrainte syntaxiqued’imprédicabilité, et pour les mêmes motifs : deux activitésconcomitantes sont prédiquées d’un même sujet dont il est fait l’ellipse(dans le mot composé lui-même) 53, comme l’illustrent :

[45] The combined efforts of police, customs officers and informers leadto the seizure of perhaps 30% of the world’s heroin and cocaine output.The Economist June 28,1997La police, les douaniers et les indicateurs sont bien à l’origine de deux

51 Selon Jespersen, (op. it. p. 59) cette différenciation orthographique ne date quede la fin du XVIIIe.52 Schuwer, 199753 Dans les citations suivantes, on a souligné en pointillé les syntagmes nominauxrenvoyant à la source, les procès figurant en gras.

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procès : c’est grâce à leurs efforts (1), associés (2) qu’ils ont saisicette quantité de drogue.

[46] The film demands prolonged and unusually concentrated attention ,whereas most museum-goers routinely stop in front of each work for onlya few moments. The Economist June, 1997Les spectateurs doivent faire preuve d’une grande attention (1), ils sont(donc) très concentrés (2).

[47] This is all interesting stuff, but what will really fascinate the payingpublic is the continued search for signs of water-with its hint at thepossibility of life-on or under Mars's desert surface. The EconomistSeptember 1997Les scientifiques (contexte avant) cherchent (1) sans discontinuer (2)toute trace d’eau sur Mars.

Dans les cas présents, l’activité principale est dénotée en B,l’adjectif (A) venant marquer son caractère itératif ou continu ; il a doncun effet intensifieur 54.

• La structure argumentale de certains prédicats requiert un animéhumain (source et but) : banish - engage - marry - wed. Leurs participespassés sont également porteurs de cette caractéristique. Les combinaisonssuivantes semblent déroger à cette règle :

b a n i s h e d (years) - b o r n (days ) - e n g a g e d (days) -married/wedded (life)

En ces cas d’hypallages, la qualité attribuée à B appartient en fait àl’argument-source du prédicat A. Ainsi, par métonymie (?), c’est le statutdu sujet de A qui qualifie B, période de référence : car il s’agit toujoursde localisation temporelle (when X was banished/engaged/married), lavie entière pouvant même être envisagée (in all my born days= eversince I was born). A évoquant une caractéristique du sujet, celui-ci doitimpérativement être récupérable dans le contexte (il participegénéralement de la détermination même du syntagme nominal sous laforme d’un adjectif possessif), faute de quoi on ne saurait auprès de quiopérer la localisation temporelle de l’événement. Ces cas manifestentdonc un transfert d’attribution, puisqu’on caractérise B à l’aide d’un traitqui appartient au sujet (A). Ces adjectifs sont ainsi porteurs d’uneinformation de type adverbial.

Pour tous les autres adjectifs prénominaux déverbaux, on distinguedeux catégories de procès, selon que l’accomplissement aboutit à unetransformation du référent de B ou non.

54 On notera en outre, à propos de [18], que la prédication (? their attention isconcentrated) ferait perdre à V -ed son interprétation métaphorique. Concentratedfait partie des formes en -ed dont la contrainte syntaxique est partielle : au senspropre (concentrated orange juice ) l’emploi est libre, la prédication possible.

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3.2.2 Transformation objective du référent de BProcès à conséquence unique

• Au terme d’un processus volontaire, B acquiert une nouvellepropriété 55. Inanimé, il ne peut être à la source du procès et en constitueeffectivement le but. La source, le plus souvent non récupérable dans lecontexte, est indifférenciée (X - candy - fruit).

. -ed, dans la forme verbale finie comme dans le participe passéadjectival, signale que le terme du procès est atteint : Candied fruitare fruit that have been candied.

. have-en confirme la valeur aspectuelle,

. be+en témoigne de la diathèse passive : B occupe bien la place debut dans le schéma prédicatif.

Le procès, arrivé à terme, aboutit à la création d’un type : le référent deB se trouve porteur d’un trait nouveau, caractérisant au point de devenirintrinsèque. Le procès a une conséquence unique, visible et irréversible.

• Si le référent de B possède le trait [+AH], il est à la source, mêmeinvolontaire, du procès, et il acquiert (si l’on ose dire) un nouveau statut,également irréversible :

departed father - lapsed Catholic - vanished loverIl est difficile de conclure à la création d’un type, et ceci tient sans douted’une part au caractère humain du référent de B, d’autre part à la naturedu procès.

Au-delà de cette différence, -ed dans les deux séries évoquées ici,est purement aspectuel, dans le sens où le terme du procès équivaut à unnouvel état de B qui peut être perçu, selon le type de procès, commeplutôt positif ou non : si le procès est téléonomique, A dénotel’acquisition d’une qualité, et dans le cas d’un procès involontaire, Aévoque la perte d’une qualité. La conséquence est en outre la seulepossible, et ceci explique que, que l’on veuille évoquer le déroulement duprocès (si l’aspect lexical le permet) ou son résultat, on aura recours aumême verbe lexical.

3.2.3 Procès “ verbal ” : les actes de parole

Le procès évoqué en A peut n’avoir aucune conséquence sur B, quien constitue pourtant un des actants (source ou but) : l’issue de ce procès

55 branded (product) - brushed (cotton) - candied (fruit) - figured (silk) - fitted(carpet - gilt (frame) - ground (coffee) - hammered (silver) - jellied (eels) - joint (bankaccount) - mixed (salad) - sun-dried (fruit) - tinted (glass)

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ne se traduit donc par aucune transformation de B.Telle est l’absence d’impact des verbes de dire qui, de par leur

sémantisme, ne renvoient pas à une activité susceptible d’engendrer, depar son seul accomplissement, un nouvel état du sujet ou de l’objet.

• Parmi les actes de parole, on distinguera tout d’abord ceux dontl’énonciateur rend compte en termes neutres : abovementioned -aforementioned - aforesaid - said 56, auxquels il semble légitime d’inclureagreed (plan) - declared (intention) - given (time) - voire même expected(storm) si l’on convient qu’il y a nécessairement eu verbalisation del’attente pour qu’elle puisse ainsi être de nouveau évoquée.

L’apport sémantique de ces participes est circonscrit au simplerappel du procès antérieur. Plutôt que d’une qualification de B, il s’agit del’équivalent d’une opération de fléchage : ces adjectifs pourraient en effetaisément et, globalement sans perte d’information, permuter avec undéictique anaphorique (that). En tout état de cause, que la qualificationsoit lexicale ou déterminative, elle n’est interprétable que par rapport à lasituation d’énonciation.

• L’énonciateur peut se révéler moins neutre et non seulementévoquer l’événement de dire antérieur, mais procéder du même coup àune re-caractérisation de cet acte de parole : avowed (feminist) -confessed (criminal) - professed (atheist).

[48] In the 1970s and 1980s, many homosexuals were unwilling to hide.Today, many cannot imagine hiding. These avowed homosexuals ...The Economist July 15 1995

En ces cas, B semble être à la source du procès mais, en réalité,l’énonciateur re-qualifie l’événement de dire antérieur. Cettereformulation n’est possible que si B, animé humain, est porteur depropriétés qui, culturellement, peuvent être mal acceptées : il sembleraitincongru de parler de avowed/confessed/professed president, par exemple.Cette qualification (A) est le signe d’une distanciation (de la part del’énonciateur), tout comme si la dénomination (B) n’était dicible qu’enréférence à l’acte de parole ou l’événement antérieur, permettant dumême coup que l’agent soit ainsi dénommé. En d’autres termes, la re-qualification de l’acte autorise l’énonciateur à nommer B pour ce qu’ilest, ou convient d’être. L’énonciateur peut même redoubler de prudencepar un ajout pour le moins redondant, mais compréhensible :

[49] a well-known drinker and self-confessed wife-beater The EconomistNovember 9, 1996

[50] David Laskin, a self-confessed 'weather nut' The Economist June 15,

56 The said weapon. Parce que ce sont des participes composés, les trois premiersont déjà fait l’objet de remarques en 3.1.2.1.

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1996[51] Michael Bane, a 45-year-old self -confessed couch potato The

Economist June 21, 1997• L’adjectif en -ed peut également permettre à l’énonciateur de

nommer B tout en déclarant son incompétence ou son ignorance quant aubien-fondé de la dénomination (a reputed billionaire) ou bien en enreniant la légitimité (alleged police brutality - self-styled professor - so-called expert) 57 :

[52]... and the newspapers were full of alleged British attacks on ourshipping from Greek waters. I say ‘alleged’ because nowadays I don’tbelieve they really happened; I have a friend in the Navy who told methat as far as he knew none of our ships had been lost. Louis deBernières Captain Corelli’s Mandolin p. 35

[53] ... and old men were mowed down by a cavalry regiment at the so-called Battle of Wounded Knee, which wasn't a battle so much as aturkey shoot, a wholesale slaughter of the innocent. Paul Auster M rVertigo p. 74

ou encore en procédant à une reformulation à valeur définitoire :[54] Cutler became an engineer with Rolls-Royce [...] He was given the

choice of becoming a pilot or a navigator. Thinking pilots were “ rathercommon, glorified bus drivers basically ... ” he chose the latter... TheTimes, 1996glorified permet la mise en équivalence de pilots avec bus drivers.Selon Cutler, cette dernière dénomination est plus appropriée.

Dans tous ces cas, l’adjectif en -ed marque le refus de prise encharge de la dénomination d’origine, par suite d’inadéquation à la réalitételle que la perçoit l’énonciateur 58.

L’emploi de ces adjectifs participiaux issus de verbes de diremarque une intervention énonciative dont le poids varie selon lesémantisme du verbe : il peut s’agit d’un simple rappel de l’événementantérieur, d’une prise de distance par rapport à la dénomination (B), voired’un rejet complet. Parallèlement, de purement aspectuel -ed devientprogressivement modal.

3.2.4 Effet intensifieur

La mention du procès semble parfois superfétatoire ou redondante (a grown man - an established politician - a known crack dealer) ou même

57 self-styled et so-called font partie des formes dont le participe ne peut êtreemployé seul en épithète (cf.3.2.6.3)58 Ces adjectifs, en tant que révélateurs de l’évaluation de l’énonciateur surl’adéquation de la notion, sont les équivalents “ inverses ” de unvarnished ,unmitigated.

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non fondée (sworn enemies 59) ; sur le plan des faits, l’adjectif neconstitue qu’un apport informationnel vague : car tel n’est pas l’objectifde l’énonciateur. Par cette évocation, il vise en fait à intensifier lesqualités intrinsèques de B. Il ne s’agit là que d’une des stratégies dont ildispose afin de faire valoir son point de vue sur la conformité del’appellation de B 60.

L’apport d’information est ainsi inversement proportionnel au poidsde l’intervention énonciative : moins l’adjectif apporte d’information surB (source ou but du procès), plus il dénote un travail énonciatif prononcé.

• On remarquera que si sworn est associé à un prédicat nominalisé, ily a nécessairement renvoi à un événement antérieur (tout commepour written agreement).

• known ne peut être prédiqué que s’il est prémodifié : this problem iswell-known. Composé, l’adjectif ne porte aucune contrainte. D’oùl’hypothèse que k n o w n , épithète, signifie “ reconnu ”, passeulement “ connu ”. Une étape supplémentaire a été franchie, cequi explique l’effet intensifieur. ?The problem is known, sans autrecomplémentation, serait dénué de sens parce que si B est déjànommé en tant que tel (problem), c’est qu’il est connu.

• pour des raisons similaires, dans a grown man (= un véritable adulte,un adulte qui se respecte), l’adjectif n’est pas prédicable : un adulte,par définition, est un être biologiquement accompli.

On voit donc que, si référence à un procès il y a, celui-ci ne joue qu’unrôle mineur, la qualification ne visant qu’à ré-affirmer l’exemplarité desqualités intrinsèques de B. En ce sens, le regard de l’énonciateur estcertes évaluatif, mais ne comporte pas vraiment d’élément appréciatif.

3.2.5 -ed modal

Par contraste, lorsque A ne renvoie, sans la moindre équivoque, àaucune occurrence de procès ou événement, il ne peut être interprétéqu’en termes qualitatifs : il s’agit là de la manifestation patente du pointde vue appréciatif.

Le sémantisme de ces adjectifs participe de cette subjectivité, depar le caractère métaphorique, donc hyperbolique en l’occurrence, de laqualification.

59 L’emploi ici métaphorique semblerait même aller de pair avec l’absence deprocès.60 Une autre, on l’a vu, se traduit par l’emploi de unadulterated, unmitigated,unvarnished ... ; il n’y a clairement aucun procès antérieur.

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A l’exception d’un seul (a born pianist) 61, tous appartiennent à unregistre non neutre : formal (accursed film), old-fashioned (confoundeddog - cursed place), spoken (damned key - blessed book), informal(jumped-up little bureaucrat), humorous or literary (beloved husband).

Puisqu’il n’y a pas eu occurrence de procès proprement dite(l’énonciateur n’a pas, par exemple, nécessairement prononcé demalédiction antérieurement), il serait inapproprié de parler de source duprocès, mais plutôt de prise en charge de la qualification, celle-ci étantdonc nécessairement le fait de l’énonciateur. Suffixant de tels prédicats,-ed prend ainsi une valeur typiquement modale.

3.2.6 Observations complémentaires

3.2.6.1 Doublon lexical

Tout comme pour les adjectifs prédicatifs en -ed , de raresprénominaux sont issus d’un verbe ayant deux participes passés, l’un“ court ”, l’autre portant une désinence (-ed ou -en). La classe étantréduite, il est difficile d’affirmer l’existence d’un lien global entre lestraits morphologiques, syntaxiques et sémantiques. On note cependant que:

• seul le participe porteur d’une désinence se prête à l’emploimétaphorique

shrunken (old lady) - sunken (cheeks) .L’emploi purement verbal est réservé aux participes courts, auquel cas ilsrenvoient nécessairement au procès : sunk - shrunk.

• Seules les formes longues peuvent renvoyer au procès : beaten(cricket team) - fitted (carpet). Les formes courtes sont réservées àl’emploi prédicatif, et semblent avoir gardé peu de liens avec le verbedont elles seraient issues - il n’est en effet pas certain que fit (adj) soit leparticipe passé de fit (v), et beat (part. passé), autrefois plus usité quebeaten, s’est désormais spécialisé - ce qui explique qu’elles ne renvoientjamais à un procès antérieur. Tant sur le plan sémantique quemorphologique, beat et fit peuvent être considérés comme de simplesadjectifs.

• Les formes courtes sont restreintes à l’emploi prénominal : joint(bank account) - past (president) - roast (chicken).Identiques sur le plan phonologique [past], past et passed se différencient

61 C’est uniquement en épithète seul que born relève de l’appréciatif. Pré-modifié,(Toronto-born) il renvoie à l’occurrence du procès, et est interprété au sens propre.

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du point de vue syntaxique et sémantique : past est déictique, et seulpassed peut évoquer un procès. Roast , en revanche, se distingue bien deroasted (ppa) : mais comment expliquer la co-existence des deux formes(à l’emploi prénominal contraint pour la forme courte), d’autant plus quela différence de sens est ténue ? Il est possible que, issu du vieuxfrançais, roast (adj.) soit réinterprété comme un participe passé(archaïque?) de roast (v), par analogie avec joint, participe passé duvieux français “ joindre ”, emprunté tel quel. Joined et roasted sontpurement verbaux.

On constate ainsi que l’existence de deux participes passéscorrespond à des emplois non concurrents mais complémentaires.

3.2.6.2 Doublon phonologique

Un trait phonologique différentiel caractérise un nombre finid’adjectifs prénominaux en -ed . La désinence a pour premier effetd’ajouter une syllabe supplémentaire quand bien même la base(monosyllabique) se termine par une consonne qui, pour les verbesréguliers, ne se traduit que par la simple adjonction d’une dentale [t] ou[d] 62.

Certains sont à base dénominale : dogged (determination) - wicked(bike/stepmother) - wretched (dog).

Parmi les déverbaux :. l’un, beloved, est issu d’un verbe tombé en désuétude et n’a qu’une

seule réalisation phonétique : [bi 'l9vd]. deux sont graphiquement identiques :

. aged : an aged ['eid=id] man / a man aged [eid=d] fifty

. blessed : blessed ['blesid] innocence / [blest]. une forme porte une différence graphique et phonologique, learned /

learnt:a learned ['lœ:nid] man / learnt [lœ:nt].Ce trait phonologique a une portée énonciative : il n’affecte en effet

que certains dénominaux qui ne sont alors pas interprétables au senspropre - à l’inverse de hooked [hukt], par exemple (= avec ou en forme decrochet) - mais qui doivent être entendus comme métaphoriques(dogged). Il ne s’agit pas d’une caractéristique objective de B : elle luiest attribuée par l’énonciateur.

En revanche, pour les déverbaux, on observe une différenciation : si

62 Ce phénomène ne concerne pas que les adjectifs prénominaux en -ed, maiségalement : crabbed, crooked, gragged, ragged, rugged, jagged, cités parMarchand, op. cit. p. 209.

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l’énonciateur évoque un procès, la réalisation phonologique suit la règleapplicable à tout participe passé ; sinon, le participe se trouve doté d’unesyllabe supplémentaire, signal acoustique qu’il y a lieu de procéder à uneinterprétation différente.

On aura constaté que, sans exception, ces adjectifs sont de typeappréciatif, le regard pouvant même, pour un même adjectif, selon lesubstantif auquel il est associé, être interprété comme bienveillant(blessed silence - wicked bike) ou critique (blessed book - wickedstepmother). Il s’agit là d’une manifestation du principe d’interactionévoqué en 3.2.

Pour quelle raison tous les autres adjectifs prénominaux appréciatifs(3.3.5) ne sont-ils pas porteurs de ce trait phonologique distinctif ? Iln’apparaît pas chez ceux dont le sens est suffisamment transparent, etpour lesquels la différenciation serait inopportune (accursed - confounded -damned).

3.2.6.3 Prémodification obligatoire

La prémodification permet l’emploi d’adjectifs prénominaux qui,sans elle, renverraient à une propriété constitutive de B et seraient donc,en tant que tels, irrecevables, tels blooded ou handed.

• Adjectifs dénominauxfull-blooded (Cherokee Indian / argument) adj + N1-ed N2single-handed (yachtsman / achievement) adj + N1-ed N2La qualification de N2 est opérée en bloc par l’ensemble

indissociable adjectif+N1+-ed. En effet, l’association adj+N1 ne fait passens à elle seule (?full blood - ?single hand). Solidarisant l’adjectif et N1(reliés par un trait d’union), la suffixation donne du même coup sens àl’ensemble par le biais d’opérations de métaphore et/ou de métonymie.L’adjectif est indispensable et ne peut d’ailleurs permuter avec aucunautre. La qualification ne fait pas partie des propriétés intrinsèquementattachées à N2, mais en tant que propriété additionnelle, elle estprésentée comme caractérisante.

• Adjectifs déverbauxLa source du procès évoqué en A doit être explicitée :

. soit parce qu’elle n’est pas potentiellement uniquewar-torn (country)horse-drawn (carriage)moonlit (garden)

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L’ensemble résulte d’une prédication préalable éventuelle, chacunedes places du schéma de lexis devant être instanciée.

. soit parce que la source du procès est en réalité le référent de N2, entant qu’animé humain (et non en tant qu’expert ou architecte) :self-styled (architect)so-called (expert)Le premier élément (préfixe ou adverbe) a pour fonction de signalerque la prise en charge de la dénomination (B) est du seul fait del’être ainsi (auto)désigné. L’explicitation de la source du dire a poureffet (délibéré) de signaler le refus de prise en charge de ce procèspar l’énonciateur : il peut ainsi, tout en la nommant, rejeter cettedénomination.La prémodification peut être adverbiale, et sembler informer sur les

circonstances de l’événement évoqué : long lost (relative) - long awaited(payrise). Cependant, la durée évoquée par long n’est pas traduisible entermes strictement quantitatifs. C’est davantage sur l’effet produit parcette durée que sur sa longueur elle-même que l’adverbe renseigne.L’adverbe est ici subjectivement caractérisant.

• En l’absence d’adverbe pré-modifiant, lost+ AH renvoie à un procèsdont B est à la source.

• Ceci explique que malgré leur parenté morphologique, awaited nepuisse permuter avec waited, qui renverrait à un procès. Awaited estplutôt synonyme de expected ; tous deux renseignent sur l’étatpsychologique du sujet dans une situation donnée, et non sur unévénement.Le procès est ainsi évoqué dans la perspective de son effet produit

sur le sujet, et non pour lui-même : ceci est imputable à la pré-modification adverbiale, ici modalisante.

3.2.7 Synthèse

Dans l’exposé de la problématique, on a posé l’hypothèse que laposition épithète atteste d’une pré-construction. Deux cas de figure se sontdégagés :

• soit A (dénominal ou déverbal) dénote une qualité différentielle deB, qu’elle résulte d’un procès transformant (candied fruit) ou de lapossession d’un trait objectif choisi soit par tous les locuteurs commeuniversellement distinctif (pied wagtail), soit par l’énonciateur commeponctuellement pertinent par rapport à son discours (landed gentry). Dansles deux cas, l’emploi prénominal confère à A le statut de propriétécaractérisante de B, et à ce titre, acquis par B.

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La qualité attribuée par A peut être un trait secondaire, maiscomplètement associé à B dans le cas des compositions elliptiques(combined action). L’indissociabilité serait due à la dépendance d’unprocès par rapport à l’autre. Il s’agit là d’un cas tout à fait particulier carl’impossibilité de prédication résulte de ce que AB, renvoyant à deuxprocès prédiqués d’un même sujet, aucun ne peut être prédiqué de l’autre.

• soit A, déverbal, est issu d’un verbe de dire, et B ne subit parconséquent aucune modification dans ses propriétés. Tous ces adjectifscorrespondent en fait à un travail sur la dénomination de B : selon lesémantisme du verbe de dire, l’énonciateur procède à divers typesd’évaluation, module graduellement son degré d’intervention. Il peut, auminimum, simplement évoquer le dire antérieur, sans intervention aucune(aforementioned), souligner la parfaite adéquation de la dénomination(unvarnished), en accentuer les qualités intrinsèques (sworn enemies),signaler sa distance par rapport à cette dénomination (self-confessed),aller jusqu’à la rejeter (alleged) tout en la nommant (ce qui équivaut à unrefus de prise en charge), enfin expliciter son point de vue purementappréciatif sur le référent de B (cursed).

Dans tous les cas, A n’est pas prédicable en raison du travailinterprétatif ou évaluatif dont il constitue l’aboutissement, ce dont atteste-ed . L’énonciateur présente la qualification comme, à ses yeux,caractérisante, le sémantisme de A permettant au co-énonciateur de fairela part entre les traits objectifs et les qualifications modales.

4. CONCLUSION GÉNÉRALE

L’analyse des caractéristiques sémantiques, morphologiques etsyntaxiques de tous ces adjectifs syntaxiquement contraints, prénominauxet prédicatifs, permet de conclure - et plus seulement sur le plan intuitif -que c’est bien à leurs traits sémantiques propres que ces adjectifs,nécessairement supports d’un syntagme nominal, doivent leur suffixationet leur emploi syntaxique. Il serait vain de tenter de hiérarchiser ces deuxconséquences, d’attribuer à l’une un impact décisif justifiant ledéclenchement de l’autre, tant elles paraissent solidaires.

Il nous semble plus légitime de poser qu’il s’agit là de deuxmanifestations d’un même phénomène, chacune apparaissant à un niveaudifférent, sous la forme d’un marqueur d’une part, s’exprimant par unemploi syntaxique spécifique d’autre part. Sous-jacente à cesmanifestations formelles - et qui leur donne sens - c’est, on l’a vu lors desconclusions d’étape, la permanence de l’expression du point de vue de

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l’énonciateur. Qu’il préside ainsi aussi bien à la prédication obligatoirequ’à la position épithète des qualificatifs confirme qu’en aucun cas lasyntaxe n’est énonciativement neutre.

Mais comment expliquer qu’une même intervention énonciative,subjective par nature, puisse, et de façon systématique, selon les cas,obliger à l’un ou l’autre des emplois ?

En fait, la structure syntaxique mise en oeuvre vise à orienter, c’est-à-dire influencer le regard du co-énonciateur.

La prédication permet à l’énonciateur de présenter la qualificationdu sujet, thème de discours, comme une information nouvelle, en positionrhématique. L’attention du co-énonciateur, sous l’effet de la focalisation,est nécessairement attirée sur cette qualification du référent, ponctuelleou interprétative, selon le sémantisme de l’adjectif.

En position épithète, si la relation adjectif/nom est présentée commedéjà nouée, c’est que l’énonciateur la considère comme caractérisante aupoint de modifier les propriétés du référent du syntagme nominal, quandbien même cette qualification est éminemment subjective, voireappréciative. Il n’est pas anodin en effet que les adjectifs relationnels(également dérivés) par exemple, soient pareillement syntaxiquementcontraints. C’est bien parce que la propriété dénotée par l’adjectif modifiela référence, B, qu’elle en est syntaxiquement indissociable. Dans le casdes adjectifs en -ed , la qualification est vue et présentée commemodifiant la référence au point d’en acquérir le statut syntaxique depropriété. Si -ed est purement aspectuel, B a en effet acquis une propriétéirréversible, s’il est modal, l’énonciateur s’affirme par là seul fondé àprendre la qualification en charge, et le co-énonciateur est ainsi invité àla considérer comme complètement intégrée aux propriétés du référent.

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