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M A R S 2 0 1 7 UN PEU, BEAUCOUP, TROP ? L’ADDICTION – UN PHÉNOMÈNE SOUS-ESTIMÉ Boire un verre de vin au dîner ou prendre un peu de valériane pour mieux dormir n’a jamais fait de mal à personne. Pourtant, cette consommation sporadique engendre plus souvent qu’on ne le pense de dangereuses habitudes. Pour ne pas qu’un plaisir inoffensif devienne source de problèmes, il est important d’être attentif à sa consommation d’alcool, de somnifères et de calmants, mais aussi à son mode de vie en général. Ce dossier vous propose des interviews d’experts qui vous aideront à mieux comprendre les causes de l’addiction ainsi que quelques adresses utiles.

UN PEU, BEAUCOUP, TROP · 2020-03-18 · sir, il peut basculer dans l’addiction, engendrant par là même des consé-quences désastreuses pour le cerveau, et pas seulement. L’addiction

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UN PEU, BEAUCOUP, TROP ?L’ADDICTION – UN PHÉNOMÈNE SOUS-ESTIMÉ

Boire un verre de vin au dîner ou prendre un peu de valériane pour mieux dormir n’a jamais fait de mal à personne. Pourtant, cette consommation sporadique engendre plus souvent qu’on ne le pense de dangereuses habitudes. Pour ne pas qu’un plaisir inoff ensif devienne source de problèmes, il est important d’être attentif à sa consommation d’alcool, de somnifères et de calmants, mais aussi à son mode de vie en général.

Ce dossier vous propose des interviews d’experts qui vous aideront à mieux comprendre les causes de l’addiction ainsi que quelques adresses utiles.

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Connaissez-vous le mot japo-nais «  ikigai » ? Il désigne la sensa-tion d’avoir une raison de se lever le matin. Nous nous interrogeons rare-ment sur le sens de nos actions ; nous nous levons pour aller travailler, faire les courses ou conduire les enfants à l’école. Notre vie est remplie d’obliga-tions qui structurent notre journée et nous poussent vers l’avant. Cependant, le simple fait de nous en acquitter ne suffit pas à nous rendre heureux.

Pour cela, il nous faut cette agréable sensation d’avoir réussi, de mériter une récompense. Il peut s’agir de tout et n’importe quoi : un nouveau vêtement, une cigarette, une tasse de café ou une part de gâteau. Les raisons d’un tel comportement remontent à l’enfance : quand nous étions conscien-cieux, nous recevions des compliments de nos parents, une attitude repro-duite à l’âge adulte par notre supé-rieur, nos amis ou notre conjoint(e). Mais nous n’avons pas toujours à nos côtés quelqu’un qui veut ou peut nous récompenser. Heureusement, nous pouvons le faire nous-mêmes.

Ce désir humain d’être récom-pensé comporte néanmoins aussi le risque de vouloir se faire du « bien » en usant de moyens nocifs. Car l’essen-tiel, pour l’individu, n’est pas qu’une substance ou une attitude soit bonne pour lui ; ce qui compte, c’est qu’elle lui fasse le même effet que les cajole-ries qu’il recevait enfant. Sur le plan purement théorique, tout peut consti-tuer une addiction pour l’être humain, dès lors qu’il associe fixement certains types de comportement à une préten-due reconnaissance de sa personne.

”Qu’entend-on réellement

par addiction ?

Si le grand public perçoit géné-ralement les mots « dépendance » et « addiction » comme des synonymes, les spécialistes utilisent le terme « dé-pendance » quand il est question de substances, par exemple d’alcool ou de nicotine. Une dépendance est donc toujours liée à une substance précise, tandis qu’une addiction peut aus-si porter sur des types de comporte-ment comme le shopping, le sexe ou le travail. L’addiction peut par ailleurs se rapporter à un trait de caractère hu-main, par exemple l’esprit querelleur ou la jalousie.

DERRIÈRE CHAQUE ADDICTION SE CACHE UN DÉSIRBeaucoup associent le mot « addiction » à l’alcool, à la cigarette ou aux drogues illicites, en

s’imaginant des personnes instables et faibles qui ont besoin de certaines substances pour

affronter leur quotidien. La réalité est cependant bien plus nuancée. De nombreuses personnes

présentent ainsi une addiction au travail, à la nourriture, aux régimes, au shopping, aux jeux de

hasard ou à la télévision.

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”Pourquoi certaines

personnes développent-elles

une addiction ? Pourquoi

notre cerveau nous permet-

il d’être dépendants de

quelque chose au point de

nous faire du mal, voire de

mettre notre vie en danger ?

La recherche sur le cerveau apporte à cette question une ré-ponse limpide  : parce que ces acti-vités offrent au « centre du plaisir » (nucleus accum bens) de notre cerveau une bouffée de bonheur par l’intermé-diaire du neurotransmetteur qu’est la dopamine. Le système de récompense peut en principe être activé par tous les stimuli possibles et imaginables, que ce soit une rencontre charmante, un bon repas ou encore une activité sportive, un succès professionnel ou de la chance au jeu. De ce point de vue, nous sommes les artisans de notre propre bonheur. Quand nous passons du bon temps, nous avons naturelle-ment envie de retenter l’expérience, ce qui nous permet par ailleurs de satis-faire notre finalité biologique consis-tant à manger, boire et nous repro-duire. Et c’est là que le bât blesse – car quand l’être humain apprend à stimu-ler de plus en plus son centre du plai-sir, il peut basculer dans l’addiction, engendrant par là même des consé-quences désastreuses pour le cerveau, et pas seulement. L’addiction a en ef-fet un prix élevé au niveau neuronal.

Le reste du cerveau se subordonne au nouveau système de récompense et nous ne nous préoccupons plus que d’une chose : satisfaire notre addiction. Dans le même temps, le système de récompense s’émousse de plus en plus, si bien qu’il faut sans cesse augmenter la stimulation pour obtenir le même effet. On développe ce qu’on appelle une « tolérance ». La peur de perdre sa récompense et les efforts intellec-tuels entrepris pour éviter que cela se produise prennent dès lors le pas sur la sensation de plaisir. Les chercheurs savent aujourd’hui qu’en plus du centre du plaisir, d’autres structures cérébrales jouent un rôle clé dans le développe-ment de l’addiction, en particulier les amygdales, responsables de la colo-ration émotionnelle des souvenirs, et l’hippocampe, chargé de les consolider. Ceci peut aussi expliquer pourquoi des personnes « clean » depuis des années risquent de rechuter en cas de stress ou à cause d’un simple souvenir.

”Pourquoi l’addiction ne

se développe-t-elle parfois

qu’avec l’âge ?

La structure des obligations évolue au cours de la vie, jusqu’à par-fois disparaître entièrement. Souvent, on ne se rend pas compte qu’avec le départ à la retraite, les possibilités de recevoir des retours positifs s’amoin-drissent considérablement. Alors qu’hier encore, on résolvait des pro-blèmes complexes avec ses collègues

ou s’occupait consciencieusement de l’éducation des enfants, plus rien de tout cela n’est nécessaire désormais. Pourtant, au fond de nous, nous avons encore un désir de reconnaissance et de récompense.

Mais où donc les trouver  ? Il n’est guère étonnant que certains ré-solvent ce dilemme de la mauvaise fa-çon. Une part de gâteau, un verre de bière, un jeu de hasard, voilà autant de choses qui peuvent se consom-mer discrètement, n’importe quand, et qui nous permettent de passer un bon moment sans trop d’efforts. Mais pour certains, une consommation oc-casionnelle ne suffit pas : les journées sont longues, le vide important et il est clairement plus difficile de structurer soi-même sa journée que de suivre un plan de travail.

Voilà pourquoi il est essentiel de reconnaître ce désir humain de com-bler un vide intérieur et d’échapper à l’ennui et à la futilité. Il existe de mul-tiples possibilités d’assouvir ce désir : l’ancien athlète de classe mondiale Andreas Niedrig a par exemple résolu sa dépendance à l’héroïne en se met-tant au triathlon, ce qui prouve que notre cerveau se moque de la façon dont il est récompensé. Notre désir de reconnaissance et de récompense ne disparaîtra jamais, mais il n’appar-tient qu’à nous de décider comment le satisfaire.� /

Simon Groß & Dr. Martine Hoffmann

RBS – Center fir Altersfroen

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L’ALCOOL – QUAND UN PETIT PLAISIR DEVIENT PROBLÉMATIQUEL’être humain produit des boissons alcoolisées depuis plus de 8 000 ans. Le vin, la bière et les spiritueux d’une teneur en alcool plus élevée font partie intégrante de notre culture. De nombreux pays sont fiers de leurs régions de production, de leurs traditions et de leurs festivités où les gens boivent et font la fête ensemble. Il est aussi souvent de bon ton de prendre un verre de vin en mangeant ou une bière à la sortie du travail. Mais à quel moment faut-il s’inquiéter ?

Simon Groß, directeur du RBS, en discussion avec le psychiatre Dr Paul Hentgen

consommation à faible risque. Pour les personnes âgées, la limite est souvent fi xée à un verre de bière ou de vin par jour, pas plus de six jours par semaine. Selon les derniers résultats de la re-cherche sur l’alcoolisme, il n’existe pas de diff érences nettes entre une consom-mation excessive, nocive et dépendante, mais des frontières poreuses ; il s’agit en fait d’un processus insidieux présen-tant diff érents degrés de gravité, surtout concernant ses dommages indirects sur la santé et la vie sociale. De simples questionnaires peuvent nous permettre de comprendre si notre consommation d’alcool doit être considérée comme problématique (voir page 8).

Il est arrivé à beaucoup de personnes de « boire un coup de trop ». Si la gueule de bois nous pousse généralement à renoncer à l’alcool pendant quelque temps, certains n’arrivent pas à s’arrêter et recommencent à boire dès le lendemain matin. Pourquoi ?

Il existe diff érentes inclinations et vul-nérabilités à l’alcool, qui s’expliquent en partie par des facteurs génétiques et biologiques. Celles-ci déterminent si et à quelle vitesse un individu déve-loppe une dépendance non seulement psychique (se manifestant par exemple par une perte de contrôle), mais aussi physique. À partir d’un certain degré

de gravité, de nombreux alcooliques doivent boire tous les jours, dès tôt le matin, pour prévenir un syndrome de manque (nervosité, tremblements, sueurs, palpitations cardiaques, etc.). En pareil cas, le sevrage doit impéra-tivement se faire de façon qualifiée, c’est-à-dire que les éléments de la dés-intoxication physique doivent être systématiquement combinés à ceux du sevrage psychique.

La consommation régulière de boissons alcoolisées peut fondamentalement modifier un individu. Certaines personnes deviennent agressives ou se négligent, souvent sans même s’en rendre compte. Quel est le rôle des amis et de la famille à cet égard ?

Les personnes qui boivent ou sont en état d’ivresse peuvent en eff et se lais-ser aller à des états très divers, tant sur le plan émotionnel que psychomoteur. Certaines peuvent avoir l’alcool agres-sif après quelques verres seulement. La dépendance chronique peut mener à une dégénérescence cérébrale ainsi qu’à des changements de caractère (désin-hibition, impulsivité ou agressivité par exemple). Ces processus évoluent de manière insidieuse et ne se remarquent souvent que lors de complications ai-guës ou de dommages indirects à plus long terme. L’entourage joue ici un

Dr Paul Hentgen, spécialiste en psychiatrie et ancien chargé de direction du centre thérapeutique d’Useldange, travaille sur l’abus d’alcool et le traitement de l’addiction depuis plus de 25 ans.

Simon Groß : Dr Hentgen, nous sommes nombreux à boire un verre de bière ou de vin de temps en temps. Il paraît même que c’est bon pour la santé. À partir de quand peut-on parler de consommation problématique, voire de dépendance à l’alcool ?

Dr Paul Hentgen  : Contrairement à une idée tenace et largement répandue, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne reconnaît pas de consom-mation d’alcool saine voire bénéfi que pour la santé, mais uniquement une

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rôle déterminant. Il n’est pas rare que les proches soient entraînés dans une spirale de co-dépendance, en ce sens que leur comportement renforce le dé-veloppement de l’addiction, alors que c’est précisément l’effet inverse qui est recherché. Les personnes alcooliques et leurs proches souffrent souvent en-semble, mais dans différents rôles et à travers des modèles comportementaux différents. De manière générale, on peut conseiller aux proches d’aborder le problème rapidement, avec ouver-ture et compréhension, de se distancier clairement du comportement addictif de la personne concernée et de « lâcher prise ». On obtient davantage en faisant moins : moins d’ingérence et de leçons de morale – plus d’autonomie et de res-ponsabilité ; moins de focalisation sur le changement de la personne alcoo-lique – plus de reconnaissance du rôle propre dans la situation problématique. Les séances de conseil ou de psychothé-rapie, communes ou individuelles, sont très utiles à cet égard. Encore un mot sur le côté « discret » de l’alcoolisme : par peur de la stigmatisation, de nom-breux proches et personnes touchées cherchent à donner le change le plus longtemps possible. C’est une attitude qu’on observe précisément chez les per-sonnes âgées et à laquelle on n’attache longtemps pas l’importance qu’elle mé-rite  : elles boivent généralement plus régulièrement, de plus petites doses et, par honte, en cachette.

Certaines personnes ne savent pas comment occuper le temps libre dont elles disposent depuis leur départ à la retraite et commencent donc à boire plus tôt dans la journée. Que peut-on leur conseiller, ainsi qu’aux membres de leur famille, pour ne pas qu’une mauvaise habitude se transforme en réel problème ?

Selon différentes études, près de 40 % des plus de 65 ans ne boivent pas d’al-cool, contre 10  % de la population

adulte globale. Près d’un tiers des plus de 60 ans qui boivent en excès le font à cause d’habitudes de consommation ou d’une dépendance antérieures. Il en reste donc environ 30 % qui commencent à abuser de l’alcool en vieillissant – c’est ce qu’on appelle aussi l’alcoolisme « à début tardif ». C’est au sein de ce groupe que la thérapie est la plus efficace  : la dé-pendance est moins sévère et, à ce stade, les facteurs environnementaux ont une plus forte influence sur les pronostics de traitement et d’évolution. Ces fac-teurs couvrent des événements difficiles (comme le décès du/de la conjoint(e) ou le départ des enfants), qui peuvent aus-si être traités positivement. La clé, c’est d’aménager rapidement ce nouveau cha-pitre de vie, par exemple en recourant à une assistance médicale, en entretenant ses relations, en adoptant un style de vie équilibré, en faisant du bénévolat ou en pratiquant des loisirs actifs qui donnent un sentiment d’utilité.

Avec l’âge, les processus biologiques aussi évoluent. Beaucoup de personnes même plus jeunes affirment ne plus tolérer l’alcool. L’effet de l’alcool change-t-il vraiment quand nous vieillissons ?

Oui, les personnes âgées sont plus sen-sibles et moins tolérantes à l’alcool. Outre les différences individuelles pré-citées, la résistance à l’alcool varie aussi en fonction du sexe et de l’âge : pour un poids égal, les femmes supportent moins l’alcool que les hommes et les personnes âgées moins que les per-sonnes plus jeunes. De plus, la vulnéra-bilité liée à l’âge et le risque de dom-mages indirects qu’elle implique sont souvent renforcés par la combinaison de différentes maladies et de divers mé-dicaments. Les dépendances à l’alcool, aux calmants et aux somnifères peuvent renforcer mutuellement leurs effets et ainsi conduire à des troubles de la conscience, limiter la réactivité et aug-menter le risque d’accident et de chute.

Tout le monde ne sollicite pas de l’aide, d’une part à cause de l’idée qu’à partir d’un certain âge, on ne peut de toute façon plus rien y faire, et de l’autre parce que les personnes concernées refusent souvent toute forme de conseil professionnel. Que peut-on faire ?

En l’absence de maladie cérébrale grave, les personnes âgées ne perdent ni leur personnalité ni leur identité. Leur sen-sibilité émotionnelle, leur vulnérabilité et le refoulement anxieux de ces der-nières peuvent se renforcer mutuelle-ment, générer des tensions familiales et compromettre leur volonté de recourir à une aide professionnelle. L’inversion des rôles au sein de la famille (les en-fants adultes face aux parents ayant be-soin d’aide, la femme forte face au mari impuissant, etc.) n’est pas toujours facile à gérer, même sans problèmes d’addic-tion. Mais si on veut aider la personne touchée, il faut apprendre à agir diffé-remment, avec elle comme avec soi  : l’empathie plutôt que la confrontation, la stimulation des ressources plutôt que les leçons de morale ou les menaces. Sans une attitude d’humanité, de com-préhension et de soutien, le seul résultat sera de renforcer la résistance aux de-mandes de changement extérieures. Les addictions sont des pathologies com-plexes qui s’appuient sur des processus cérébraux bien précis et dont nous ne sommes pas coupables. Cela ne veut pas dire que les personnes concernées ne sont pas responsables de l’évolution de leur guérison, mais se contenter de leur demander « un peu de bonne volonté » est inutile. Tout le monde ne dispose pas de la faculté miraculeuse à se sortir soi-même de l’ornière.� /

CALMANTS ET SOMNIFÈRES – CHANCE OU FLÉAU ?De nombreuses personnes ont besoin de calmants ou de somnifères tous les jours. On estime qu’une personne de plus de 65 ans sur deux en prend au moins un régulièrement. Troubles du sommeil, nervosité, tourments intérieurs ou angoisses, les raisons de prescrire ces médicaments sont nombreuses. Mais sont-ils vraiment nécessaires ? Quels sont leurs effets secondaires ? Existe-t-il des solutions alternatives ?

Interview de Simon Groß avec le psychiatre et expert luxembourgeois Dr Jean-Marc Cloos

Simon Groß : Dr Cloos, vous travaillez depuis plus de dix ans sur la consommation et l’abus de calmants et de somnifères au Luxembourg. Ces médicaments sont-ils souvent prescrits ?

Dr Jean-Marc Cloos : Les somnifères et calmants font partie des médicaments très souvent prescrits, en particulier les benzodiazépines. Le somnifère le plus utilisé est le zolpidem (Stilnoct®), qui ne fait pas partie de la classe des benzo-diazépines mais a un eff et similaire, sui-vi du lormétazépam (Loramet®) et du lorazépam (Temesta®), utilisé à la fois comme somnifère et comme calmant. L’alprazolam (Xanax®) est l’anxioly-tique le plus prescrit.

Certains médicaments comme le diazépam (Valium®), le bromazépam (Lexotan®) ou le lorazépam (Temesta®) sont très connus, surtout chez les personnes âgées. Pourquoi, et comment agissent-ils ?

Les benzodiazépines apaisent les angoisses et aident à dormir tout en

ayant très peu d’eff ets secondaires, ce qui explique leur succès. Certaines d’entre elles restent toutefois long-temps actives dans l’organisme, ce qui peut favoriser les problèmes de mé-moire et les chutes chez les personnes âgées. Au troisième âge, il convient donc de réduire le dosage de moitié et de renoncer aux benzodiazépines à longue durée d’action. En tant que somnifères aussi, elles ne doivent être utilisées qu’à court ou moyen terme : ces substances n’améliorent pas la qua-lité du sommeil et n’empêchent pas de se réveiller au milieu de la nuit, ce qui arrive souvent aux personnes âgées.

Le potentiel d’addiction de nombreux calmants ou somnifères est souvent sous-estimé. Les entreprises pharmaceutiques ont largement contribué à cette situation : c’est ainsi qu’il y a 40 ans, des calmants ont été commercialisés sous le nom de « Frauengold » (« l’or des femmes ») ou présentés comme la « solution aux problèmes imaginaires ». Comment est-ce possible ?

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Dr Jean-Marc Cloos est psychiatre-addictologue. Il travaille au « Jugend- an Drogenhëllef » ainsi qu’au centre d’addictologie de la ZithaKlinik (hôpitaux Robert Schuman). Il a consacré sa deuxième thèse de doctorat aux somnifères et aux calmants.

Au départ, les benzodiazépines ont été très bien accueillies en tant que somnifères, tant par les patients que par les médecins, car elles pouvaient se substituer aux barbituriques, beau-coup plus dangereux et même mortels en cas de surdosage. Le médicament longtemps privilégié contre les an-goisses était également une benzodia-zépine, le diazépam (Valium®), auquel les Rolling Stones ont même consacré une chanson (Mother’s Little Helper). Le potentiel d’addiction de ces mé-dicaments a cependant rapidement modéré leur popularité  : les benzo-diazépines ne peuvent plus être pres-crites qu’en cas d’indications claires et, dans la plupart des cas, pour une durée maximale d’un à trois mois. Un tiers des patients continue cependant d’en prendre, voire augmente progressive-ment la dose.

À cause de ces campagnes publicitaires et de la banalisation de divers médicaments, certaines personnes âgées en prennent aujourd’hui depuis des décennies et ne s’imaginent plus vivre sans eux. Que leur conseillez-vous ?

L’arrêt de nombreux médicaments, y compris des benzodiazépines, peut générer ce qu’on appelle des « effets rebonds » similaires aux symptômes d’origine, tels que des angoisses ou des troubles du sommeil. Il ne s’agit pas d’une addiction à proprement parler, mais beaucoup de patients sont de ce fait convaincus qu’ils ont encore be-soin de ces médicaments, alors que ces « symptômes de rebond » s’atténuent rapidement dans la plupart des cas.

L’un des plus grands dangers des ben-zodiazépines est toutefois qu’elles peuvent entraîner une dépendance à faible dose chez près de la moitié des consommateurs qui en consomment une petite dose (thérapeutique) à long terme. Le médicament ne doit donc pas être arrêté du jour au lendemain mais de manière très progressive afin de prévenir les symptômes du sevrage, qui peuvent présenter un risque im-portant pour la santé. Le principe de l’arrêt progressif vaut aussi en cas de dépendance à forte dose, qui concerne près d’1 % de la population luxem-bourgeoise. La brochure sur ce sujet du CEPT (Centre de prévention des toxi-comanies) contient une liste des som-nifères et calmants usuels au Luxem-bourg (http://www.sante.public.lu/fr/publications/s/somniferes-tranquilli-sants-fr-de-pten/index.html).

Quelqu’un qui ne dort plus depuis des semaines ou est tellement angoissé qu’il ose à peine sortir de chez lui a désespérément besoin d’aide pour affronter son quotidien. En dépit de toutes les critiques à l’encontre des calmants et somnifères, Dr Cloos, n’y a-t-il pas aussi de bonnes raisons de prescrire ces médicaments ?

Comme je l’ai dit, dans ce genre de cas, les benzodiazépines peuvent être utiles sur une courte durée. Elles ne remplacent cependant pas les straté-gies alternatives de gestion du stress et les troubles du sommeil peuvent avoir de multiples causes. Si les symptômes persistent, il faut envisager d’autres traitements avec son médecin traitant, par exemple des médicaments qui ne

rendent pas dépendant, la psycho-thérapie ou des méthodes de relaxa-tion. La brochure « Bonne nuit » du ministère de la Santé livre de bons conseils pour passer une nuit repo-sante (http://www.sante.public.lu/fr/publications/b/bonne-nuit-conseils-fr-de/index.html).

Outre les médicaments prescrits, il existe aussi ce qu’on appelle les remèdes naturels. Millepertuis, valériane, thé chaud avec du miel sont autant de solutions conseillées pour pallier la nervosité ou les troubles du sommeil. Mais tout ce qui est naturel n’est pas forcément bon pour la santé. Que pensez-vous des plantes médicinales ? Qu’est-ce qui relève de la croyance et

qu’est-ce qui soulage réellement ?

Les thés relaxants ne peuvent certai-nement pas faire de mal et ne pré-sentent aucun risque pour la santé. L’effet soporifique de la valériane a également été prouvé par diverses études. Le millepertuis interagit avec d’autres médicaments  ; il convient donc de consulter son médecin avant d’en prendre. Une tasse de lait chaud avec du miel a aussi un effet apaisant le soir : elle favorise la production de sérotonine, une molécule dont nous avons besoin pour produire la méla-tonine, notre hormone du sommeil. Mais si les troubles du sommeil ont une cause physique (manque d’oxy-gène pendant la nuit, convulsions des jambes, etc.), les plantes médicinales ne seront d’aucune utilité.� /

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FAITES LE TEST !Répondez honnêtement aux dix questions suivantes pour mieux évaluer votre consommation d’alcool. Si vous répondez OUI à au moins deux questions, vous avez sans doute un problème d’alcool et devriez demander de l’aide à un professionnel.

Source: Short Michigan Alcoholism Screening Test-Geriatric (SMAST-G)

Service „Fro No“CePT – Centre de prévention des toxicomaniesTél.: 49 77 77 [email protected]

SOS Détresse Tél.: 45 45 45

Centre Äddi C – Hôpital de Jour Alcoologie Tél.: 26 82 77 01

Alcool Médicaments Addiction asbl (ama)Selbsthilfegruppen für Familien, Partner, Freunde, …www.ama.lu

1. Avez-vous déjà minimisé votre consommation réelle d’alcool devant d’autres personnes ?

2. Vous est-il déjà arrivé de ne rien manger après avoir bu quelques verres d’alcool ou de sauter un repas parce que vous n’aviez pas faim ?

3. Quelques verres d’alcool vous aident-ils à calmer vos tremblements ?

4. Après avoir bu de l’alcool, avez-vous parfois des difficultés à vous rappeler certains moments de la journée ou de la nuit ?

5. Buvez-vous généralement de l’alcool pour vous détendre ou calmer vos nerfs ?

6. Buvez-vous pour oublier momentanément vos problèmes ?

7. Vous est-il déjà arrivé de boire plus d’alcool après avoir subi une perte ?

8. Un médecin ou une autre personne vous a-t-il/elle déjà fait part de son inquiétude concernant votre consommation d’alcool ?

9. Vous êtes-vous déjà fixé des règles pour mieux gérer votre consommation d’alcool ?

10. Est-ce que boire de l’alcool vous soulage quand vous vous sentez seul(e) ?

CONSEILS ET SOUTIEN