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Un Picard devenu maire en Tasmanie - L'Union - 12/03/2011

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AisneL’ENTRETIEN DE LA SEMAINE…Bertrand CadartUn Picard devenu maire en TasmanieA 18 000 kilomètres de Paris, Bertrand Cadart a trouvé, il y a dix ans, son petit coin de paradis. Mieux, cet ancien journaliste, passionné de moto, est depuis 2007 le maire de Glamorgan Spring Bay, une communauté de communes de 5 000 habitants, sur la côte Est de la Tasmanie. C’est le seul élu australien de nationalité française.

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Page 1: Un Picard devenu maire en Tasmanie - L'Union - 12/03/2011

Samedi 12 mars 2011www.lunion.presse.fr

Aisne

L’ENTRETIEN DE LA SEMAINE…

Si Bertrand Cadart a trouvé sa terre d’élection enTasma-nie, son grand-père, Etienne, a quant à lui très longtempsfait partie du paysage politique soissonnais.Capitaine d’artillerie pendant la Première Guerre mon-diale, originaire de la Nièvre, il s’installe dans la régionà la fin du conflit.L’école d’agronomie, dont il est un ancien élève, le chargede s’occuper de la ferme des Loges, à Nampcel, qui sertà former des étudiants.Il est élu, la même année, maire de ce village qui, commele reste de la région, a été dévasté par la guerre des tran-chées. Il s’attache pendant ses premières années d’éluà « transformer les champs de bataille en champs de cul-ture », aux dires de Bertrand. Il restera maire de Nampceljusqu’en 1954, tout en poursuivant l’exploitation de laferme, jusqu’à la fin de sa vie, en 1956.Le père de Bertrand, Jacques, ne se destine pas au tra-vail de la terre. Il rêve d’une carrière militaire et entre àSaint-Cyr en 1938.

Ses études sont perturbées par la « drôle de guerre » etdepuis Aix-en-Provence, où l’école est déplacée aprèsl’invasion allemande, Jacques Cadart tente à plusieursreprises, sans succès, de rejoindre le général de Gaulleà Londres.Il rentre à Nampcel en 1942 et intègre la Résistance,caché dans le maquis des forts de Compiègne et deVillers-Cotterêts.Il rencontre sa femme à Paris, peu après la Libération.Ayant tellement souffert de la faim pendant l’Occupation,elle demande à son mari de reprendre la ferme familialeafin d’être « pour toujours à l’abri » plutôt que d’enta-mer une carrière d’officier.Jacques Cadart y emploiera jusqu’à une trentaine de per-sonnes, avant de revendre la ferme lorsqu’il prend saretraite. Il sait alors déjà que son fils aîné, Bertrand, le« farfelu » de la famille, ne sera jamais agriculteur.

G.P.

D’illustres racinesdans le Soissonnais

Son grand-père, Etiennea été capitaine d’artillerie

pendant la guerre.A l’issue du conflit,

il s’est installé à Nampcel,dans le Soissonnais,

où il a été maire.

Bertrand Cadart

Un Picard devenu maireen Tasmanie

A 18 000 kilomètres de Paris, Bertrand Cadart a trouvé, il y a dix ans, son petit coin de paradis. Mieux, cet ancien journaliste, passionné de moto, est depuis 2007 le maire de Glamorgan Spring Bay, une communauté de communes de 5 000 habitants, sur la côte Est de la Tasmanie. C’est le seul élu australien de nationalité française.

AVEC sa carrure impo-sante, ses épaissesmoustaches, son goût

pour les vestes jaune vif et unaccent français qu’il entretientconsciencieusement, BertrandCadart, natif de Nampcel (Oise),aujourd’hui âgé de 62 ans, s’estvite fait connaître dans toutel’île et a même attiré l’attentiondes médias nationaux austra-liens. Il est également le seulmaire du pays et sûrement l’undes rares au monde à disposerd’un deux-roues comme véhi-cule de fonction. Troquer la voi-ture du maire pour un scootersurpuissant fut même sa pre-mière décision d’élu.

« Le territoire de ma communes’étend sur 4 000 km. Je passedonc beaucoup de temps sur laroute, précise-t-il, alors, autantprendre son pied en scooter !… »

En Tasmanie, lors des réu-nions locales, l’ambiance estplus proche de la pudibonde-

rie anglo-saxonne que de ladébauche d’un banquet de vil-lage gaulois. Pourtant, les admi-nistrés de Bertrand Cadartapprécient son excentricité, quioffre une publicité inespérée àleur commune, qui vit principa-lement du tourisme.

Ainsi, le nombre de touristesmotards a été multiplié pardouze depuis son élection, cesderniers étant curieux dedécouvrir ce petit village depêcheurs, officiellement « amides motards ».

Les Français de Nouvelle-Calé-donie, où Bertrand entretient denombreux contacts depuis qu’ily a effectué son service militaire,sont aussi de plus en plus nom-breux à visiter la région.

Pourtant, jamais BertrandCadart, 62 ans, n’aurait imaginéembrasser une carrière politi-que. Il a été, pendant près detrente ans, journaliste au ser-vice francophone de Radio Aus-tralia. « J’ai côtoyé, au cours de macarrière, trop de politiques pour nepas être cynique vis-à-vis de cemonde-là », commente-t-il.

Ce qui le fait vibrer, ce sont lesgrosses cylindrées. C’estd’ailleurs cette passion qui luifera rencontrer, en 1978, GeorgeMiller, qui lui demande de cus-

tomiser une dizaine de motos etde jouer un petit rôle dans lefilm Mad Max, qui rencontreraun succès planétaire.

« À cette époque, je m’étais spé-cialisé dans le carénage, quej’avais découvert quelques annéesplus tôt, au Bol d’Or, se rappelle-t-il. Avant Mad Max, personneen Australie ne s’y intéressait etj’étais l’un des seuls à maîtrisercette technique. De son côté,George Miller, qui voulait pourson film des motos au look post-apocalyptique, se faisait jeter partous les concessionnaires de Mel-bourne. L’un d’eux lui a dit qu’ilconnaissait un « crazy frog » quipourrait l’aider. »

C’est comme ça que « le frog »,son surnom de motard, a parti-cipé au film dans lequel MelGibson joua son premier grandrôle.

Alors, pourquoi entre-t-il enpolitique trente ans plus tard ?« Un peu par hasard », concède

Bertrand Cadart. « Cela faisaitcinq ans que je vivais à Bicheno(l’un des villages de GlamorganSpring Bay), quand des amism’ont demandé de me présenterau conseil municipal », se sou-vient-il. Sans trop y croire, maispour ne pas se fâcher avec sesamis, il se présente et est élu, en2005, conseiller municipal. Seu-lement, il y découvre une entitésclérosée, minée par d’immé-moriales querelles de clocher.

« Le seul moyen de faire bougerles choses, c’était de devenirmaire », estime-t-il. Il concourtalors en 2007 et remporte lamairie avec seulement deuxvoix d’avance. Il y a depuis pris

goût puisqu’il a été réélu en2009 et qu’il compte bienenchaîner sur un troisièmemandat à l’issue des prochai-nes élections, en octobre.

En dehors de sa vie d’élu, dontles cérémonies de naturalisa-tion, en tant que franco-austra-lien, sont l’un de ses plus grandsplaisirs, Bertrand Cadart « aimetoujours les mêmes choses ». Lamoto, bien sûr (c’est d’ailleurs latortuosité des routes tasma-niennes qui l’a en premierséduit), mais aussi la gastrono-mie. Bertrand Cadart est ainsiun grand amateur de vin, enparticulier d’un pinot noir pro-duit sur sa commune, de fro-

mages, comme ce camembertlocal dont il vante le fumet ouencore les fruits de mer pêchésle long de la Baie de Freycinet,dont la qualité est reconnuedans toute l’Australie. On peutmême découvrir, dans une bro-chure touristique sur la région,la recette des moules marinièresde Bertrand Cadart. Pour le ren-contrer, rien de plus simple. Àdéfaut de mairie – la communeen est dépourvue –, il faut serendre au « Frog’s Corner », aucentre de Bicheno. Il est lepatron de cette boutique spé-cialisée dans la vente d’objetsen forme de… grenouilles.

Grégory PLESSE

Petit rôle dans Mad Max

Querelles de clocher

Jamais Bertrand Cadart, 62 ans, n’aurait imaginé embrasser une carrière politique.