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Une entrevue avec NORMANDE LESSARD FECTEAU Choix des textes, recherche généalogique et harmonisation par Louise Senécal Relations publiques par Lorraine Poulin Fluet

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Une entrevue avec

NORMANDE LESSARD FECTEAU

Choix des textes, recherche généalogique et harmonisation par Louise SenécalRelations publiques par Lorraine Poulin Fluet

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Arzélie et Jean-Thomas, la journée de leurmariage.Provenance : Normande Lessard Fecteau

Généalogie

Adélard Fecteau

Alfred Fecteau (Fredé) Voir l’entrevue de Henri Fecteau

2es noces : Lucienne FournierDézilda Poulin

Henri-Georges Fecteau Saint-Victor 9-8-1927Damase Boucher

Télesphore Boucher Saint-Éphrem 7-1-1878Marie-Anne Boucher dit Lucie RoyBreton Saint-Victor 11-2-1904élevée par Archadius Breton Pierre Poulin

Marie Poulin Saint-François 5-4-1875Marie Drouin

Saint-Victor 24-10-1964Léon Lessard

Antoine Lessard Saint-Joseph 11-1-1831

1er cheminot à Saint-Victor Modeste ChampagneJean-Thomas Lessard Saint-Joseph 15-8-1871 cheminot Gaspard Vachon

Marie Vachon* Sainte-Marie 10-1-1837Marie Bizier

Normande Lessard Saint-Victor 7-1-1918

Charles Bernard

Arzélie Bernard Voir l’entrevue de Thérèse Fluet

*Marie Vachon est décédée le9 février 1920

Sara Gilbert dit Dupuis

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LPF– Nous sommes aujourd’hui le2 mars 1995 et je (Lorraine PoulinFluet) suis avec Normande LessardFecteau (née en 1932).

Train – Station

NLF– Mon père (Jean-Thomas Lessardà Antoine) a commencé à travailler surle chemin de fer en 1906.

LPF– Ton père, c’était Jean-ThomasLessard. Était-il marié, à l’époque?

NLF– Non. En 1906, maman (ArzélieBernard Lessard) avait juste dix ans.Elle est née en 1896 puis papa acommencé à travailler en 1906, à l’âgede vingt ans. Papa p’is maman avaientdix ans d’différence. Papa s’est mariéà trente-deux ans puis maman avaitvingt-deux ans.

Travail – Cheminot (de père enfils)

LPF– Ton père était-il un Lessard depar ici?

NLF– Il est né à Saint-Joseph. Il s’esten venu ici, il avait six ans. On appelaitça Saint-Joseph, mais c’était Saint-Joseph-Vallée (Vallée-Jonction).

LPF– Il s’est en venu avec son père(Antoine Lessard à Léon), à Saint-Victor?

NLF– Oui. Dans la même maison oùon restait, à La Station (au 171, rue deLa Station). Il travaillait sur le cheminde fer, son père.

LPF– Son père était aussi cheminot?

NLF– Oui. Il a appris avec son père,ensuite, mononcle2 Euleucippe(Lessard à Antoine) a travaillé sur lechemin de fer, lui aussi. Il était un frèreà papa, qui restait en face de chez nous(au 184, rue de La Station). Il est mortl’année où je suis venue au monde.

LPF– Ton père (Jean-Thomas Lessardà Antoine) a travaillé combien detemps, sur le chemin d’fer?

NLF– Quarante-cinq ans. On l’a fêtéle 7 décembre 1951.

LPF– Cheminot, ça devait être dur?Raconte-moi donc comment ças’passait?

NLF– L’été, c’était tel que tel. Il fallaitqu’il (Jean-Thomas Lessard à Antoine)

nettoie les mauvaises herbes, entre lesties1, avec un p’tit gratteux2. Le mancheavait un genre de p’tite gratte1 et ilfallait qu’il coupe tout’ le côté, pour’pas que ça monte trop.

Oui. L’été, le plus dur, c’estquand il y avait de gros orages de pluie.Ils appelaient ça «faire des washouts4».Ça s’minait par en dessour1 du chemind’fer. Quand il venait de la grosse pluie,papa se levait la nuit et il allait faire...il appelait ça sa section, là, lui.

Il partait en allant vers Saint-Jules et en allant vers Saint-Éphrem etil faisait j’sais plus combien de millage.Il faisait tout’ son trajet. Le soir, il allaitvoir s’i’ y avait pas un washout4, parceque si ça s’minait en dessous puis qu’i’arrivait un train, le train déraillait (voirl’entrevue de Jean-Roch Bureau).

J’me souviens, il avaittravaillé toute la nuit. Il était alléréveiller ses hommes, pour remplir çapuis mettre des annonces par letélégraphe pour arrêter, s’i’ arrivait untrain.

L’agent de station (AurèleLessard à Ernest) faisait envoyer destélégrammes, comme de quoi c’étaitdéfendu aux trains de revenir, parcequ’i’ y avait un washout4.

Antoine Lessard, vers 1909.Provenance: Normande Lessard Fecteau

Provenance: Centre d’interprétation ferroviaire de Vallée-Jonction Inc.

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LPF– Y a-il déjà eu des accidents?

NLF– I’ y a jamais eu d’accidents,parce qu’il (Jean-Thomas Lessard àAntoine) a déjà eu des diplômes,comme de quoi i’ y a jamais eud’accidents, quand il a été foreman1.C’était sectionnaire1, mais papa étaitle boss, autrement dit, de sa section.

Pompeur

Nous-autres on appelait ça unpompeur1. J’sais pas si c’était au gaz.Papa l’appelait «le pompeur1». Il yavait un moteur, dessus, puis un brake1

à la main, qui arrêtait.La première track1 que tu

voyais, l’autre qu’i’ y avait à côté, onappelait ça le siding4

(voie d’évitement).

Là-dessus, ils mettaient leschars1, pour du stock1. Il arrivait du blé,il arrivait n’importe quoi par train et i’les vidaient pas tout d’suite. Ils lesparquaient, autrement dit. Appelons çaun parking, si tu veux.

LPF– Est-ce qu’ils étaient vides?

NLF– Non. Il pouvait y avoir de quoi,dedans. Ils les laissaient là, parce quequand le train arrivait et qu’il avait deschars1 à laisser, disons que c’était du

stock1, on va dire, pour la shop1 (LesLainages Victor) ou pour n’importequoi, l’engin, il se décollectait d’aprèsles chars1 puis il allait prendre leschars1 qu’i’ fallait qu’ils laissent ici. Ils’en allait plus loin puis i’ y avaitcomme une jonction.

La locomotive reculait surcette ligne1-là puis elle laissait leschars1 qu’il fallait qu’ils laissent icite1.Un peu comme un transport qui laissedu stock1 à une place.

LPF– Puis là, le train s’en allait jusqu’àMégantic?

NLF– Oui. J’me souviens, là où BlaiseGrondin (à Joseph) est, actuellement,on appelait ça «le clos des animaux»(au 160, rue de La Station).

Transport de marchandises

LPF– Pourquoi?

NLF– Tous les cultivateurs qui avaientdes animaux à envoyer à l’abattoir, ças’faisait par train. Ils venaient menerles animaux dans cet enclos-là puis là,i’ y avait un char1 qui s’en venait et ilsfaisaient monter les animaux dans leschars1. Puis ils les emmenaient où ilfallait qu’ils les envoient. Lesmoutons... Tout’ le bois de papier2

partait par chars1.C’était tout’ une belle clôture

blanche. Papa (Jean-Thomas Lessardà Antoine) tenait ça tout l’tempschaumé1, ils appelaient ça chaumé1.Dans c’temps-là, c’était pas de lapeinture. Puis, une fois, il y avait unpetit gars, un petit (Gilles) Dostie, sonpère (Alphonse Dostie) travaillait surle chemin de fer avec papa (Jean-Thomas Lessard à Antoine). Puis lep’tit gars, il avait à peu près cinq ou sixans, il avait été dans le clos des animauxpuis des fois, ils faisaient brûler du foin.J’sais pas qui avait mis le feu. Mais lui,le p’tit gars, i’ était dans l’clos.

Puis l’été, t’sai’, quand le foinest sec, il s’est fait poigner1 par le feu.P’is là, il criait puis il était après laclôture. Moi, j’étais jeune aussi puisj’avais d’la misère à le monter. C’estquelqu’un, ça prend tout’ si ce n’est pas

Odilon Cloutier (à Esdras dit Dédasse),le père à Ti-Gars (Fernand Cloutier), ilétait arrivé puis i’ avait sorti le p’tit gars.Brûlé là, les cheveux tout’ brûlés. Ilétait brûlé au troisième degré.

LPF– C’était spécial, quand tu dis qu’i’y avait des animaux là.

NLF– Les animaux, le bois de papier2,tout arrivait là. Les cultivateurs quiavaient des animaux à envoyer. Ilsavaient surtout des moutons, descochons.

Transport – Commerce

LPF– Ils emmenaient ça dans descamions?

NLF– Oui. Mais dans c’temps-là, descamions, i’ y en avait pas bi’n, bi’n.C’étaient surtout des voitures avec descôtés. T’sai’, ils ont tous des planches,c’était avec des chevaux. Ilsdébarquaient ces animaux-là, mais lechar1 ’était pas toujours arrivé.

Les animaux restaient dansl’enclos et quand le char1 arrivait, ilschargeaient les animaux. Ils mettaientune grande planche, un ganoué2, et lesanimaux montaient là-dessus.

LPF– Qui faisait monter ça? Ton père(Jean-Thomas Lessard à Antoine) était-il là aussi?

NLF– Non. Bi’n, papa y était, maisceux-là qui vendaient leurs animauxs’en occupaient. Ils s’occupaient de lesfaire monter.

CP– J’ai voyagé. Quand on étaitaux États-Unis, on prenait le trainet on débarquait à Québec. I’ y avaitde la vie, dans ce temps-là, à LaStation. Il y avait le père Jean-Thomas Lessard... Tout le mondes’en allait là. Les veaux sevendaient, les moutons sevendaient, les boeufs se vendaient.Tout se vendait et s’en allait dansles chars1.

Source : Entrevue de Cyrille Poulin, parLorraine Poulin Fluet, 15 février 1995

Jean-Thomas Lessard sur son pompeur, juin 1945.Provenance: Normande Lessard Fecteau

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LPF– Est-ce que ça s’est faitlongtemps, ce commerce-là, lesanimaux voyagés à Québec?

NLF– Ç’a arrêté pas mal quand lestransports ont commencé, par camions.Ça devait se faire pas mal au début,mais après ça, ça s’est modernisé. Avoirun enclos, mettre les animaux pour ’pasqu’ils s’échappent.

Pompeur

LPF– Ça, c’est ton père. Il avait lacasquette p’is les overalls2 .

NLF– Quand il arrivait avec sonpompeur1, il était sur les tracks1,comme ça. Il y avait une patente1, endedans des tracks1, puis il les tournait.Il y avait quelque chose qu’il prenaiten dessour1 du pompeur1. Cette affaire-là, qui était comme ça, elle tournaitpour venir rentrer son pompeur1 dansla cabane, icite1. On appelait ça «lapetite cabane rouge».

LPF– Ça, c’était chez vous.

NLF– Non, c’était où était Jos (Joseph)Bureau (située au 186, rue de LaStation). Vois-tu, il y avait un doily,qu’on appelait, qui s’accrochait enarrière du pompeur1, quand il y avaitdu stock1 à traîner. T’sai’, c’étaitcomme une plate-forme..

Géographie – Printemps –Inondations

Le printemps, quand l’eaumontait sur les chemins, ça ’passait pas,là-bas, puis ça ’passait pas chezAntoine Jolicoeur (à Gaudias), quivendait du lait. Ça fait que c’est papa(Jean-Thomas Lessard à Antoine) quiprenait Toine, avec son lait, chez euxpuis il l’emmenait à La Station avec sonpompeur1. Il mettait son traileur2 enarrière p’is là, Toine embarquait là-dessus, il débarquait ça à La Stationpuis il livrait son lait!

Jeannot (Jeanne-ManceLangelier), la femme de Guy (Lessardà Jean-Thomas), elle faisait l’école,dans le (rang) 3 (Nord), l’école chezmononcle2 Louison (Olivier Bernard àCharles). Puis le printemps, elle’pouvait pas s’en venir chez eux. ’Faitque papa l’attendait le vendredi soir.C’est pour dire, hein!? I’ pensait jamaisque ça pourrait devenir sa belle-fille!

Puis le vendredi soir, quand ça’passait pas, elle attendait papa (Jean-Thomas Lessard à Antoine) à lacrossing1, chez Toine Jolicoeur(Antoine à Gaudias). Papa la faisaitembarquer, il l’emmenait à La Stationpuis elle montait au village.

LPF– Il y avait juste une partie où il yavait de l’eau, sur le chemin?

NLF– Non, non, c’était plein! Là, i’ enmonte plus parce qu’i’ ont relevé lechemin (1960 à 1964).

LPF– Mais c’était plein où?

NLF– À la grandeur. La route de LaStation, devant la shop1

(Les Lainages

Victor aujourd’hui), c’était inondé. ÀLa Station, l’eau montait, mais pas pourt’empêcher de passer. Mais chez ToineJolicoeur (Antoine à Gaudias), l’eaumontait haut’. Hervé Jolicoeur (àJoseph), t’sai’ comment c’est loin (au212, rang 3 Nord)? Il se faisait inonder!

Pompeur

L’été, papa (Jean-ThomasLessard à Antoine), avec son pompeur1,aye! c’était l’fun1! On partait avec lui,dans l’temps des fraises, on emportaitnotre boîte à lunch2 puis là, il spottait1

des places où c’que c’est1 qu’i’ y avait

LPF– Vous vous êtes servis de latrack1 de chemin de fer, mais vousn’avez pas déjà fait ça avec lepompeur1?

BJ– Oui, un moment donné, unmatin, on revenait de notre run1 delait, avec la brouette, sur la track1.Un moment donné, des employésdu Québec Central nous ont vus surla track1 avec ça. Ils nous trouvaientmisérables, vraiment, avec ça. Unecoup’e2 de gars nous avaient dit :«On va vous organiser ça. À unetelle heure, nous-autres, on passeavec le pompeur1.» On chargeait lelait à la crossing1, on chargeait lescaisses de lait sur le pompeur1 puison débarquait à La Station.

LPF– C’était pas très loin de chezvous?

BJ– Non. Et c’était la même chosepour le retour, le soir. On laissaitnos caisses de lait vides, de la run1

du matin, à La Station et le soir,eux-autres, ils nous chargeaient çaet ils nous débarquaient ça près dela crossing1.

LPF– C’était un service?

BJ– Oui, puis un service qui étaitapprécié. C’était beaucoup plusrapide, aussi. Dans le temps de ledire, on était rendus à La Station.Le Québec Central nous a aidésbeaucoup.

Source : Entrevue de Bernard Jolicoeur, parLorraine Poulin Fluet, 13 mars 1995

En juin 1945.Provenance: Normande Lessard Fecteau

Carmelle Duval Veilleux devant la cabane rouge, vers1948.Provenance: Normande Lessard Fecteau

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des belles fraises. À la fin de l’après-midi, quand il finissait son shift2, il nousprenait en passant. On était assis aubord de la track1, avec notre boîte àlunch2 puis nos fraises, et on attendaitde revenir avec papa (Jean-ThomasLessard à Antoine). Hé! c’qu’on aimaitça, prendre des rides4 en pompeur1.

Puis le printemps, à la cabanechez pépère Bernard (Charles à Olivier,au 300, rang 3 Nord), il nous emmenaitet il nous laissait là. Papa (Jean-ThomasLessard à Antoine) faisait sa run1, ilrevenait dîner à la cabane puis quand ilavait fini son shift2, il nous reprenait etil nous ramenait à la maison.

Puis quand il emportait saboîte à lunch2, papa, le midi, i’ revenaitpas toujours dîner à ’maison, là, quandil arrivait, c’était la fête, parce quemaman (Arzélie Bernard) lui en faisaittoujours un p’tit peu plus, pour qu’ilnous en laisse, dans la boîte à lunch2.

Là, papa arrivait puis onpartait à ’course. C’était juste en facede chez nous, ça, là, puis on descendaitla petite côte à la course, on allaitchercher la boîte à lunch2 puis onremontait à ’course.

LPF– Ça devait être plus sérieux, là,l’hiver? Ton père, i’ avait plusd’ouvrage, l’hiver?

NLF– Oui et non. Il avait, en avant deson pompeur1, des genres de balais quise mettaient en avant, pour nettoyer lesrails. Il fallait qu’il débarque souvent,

parce que quand i’ y avait trop d’neige,ça ’passait plus. Il (Jean-ThomasLessard à Antoine) allait déblayer, pour’pas que le train déraille.

LPF– Ça s’embourbait1?

NLF– Oui. C’est pareil comme1

ailleurs. Ça fait que là, il en enlevaitpuis le train, quand il arrivait, il avaittoujours une grosse charrue1, en avant.

LPF– Ah! le train lui-même, il avaitune charrue1 en avant et il se déblayaitlui-même un chemin. Mais ton père(Jean-Thomas Lessard à Antoine), lajob du pompeur1, c’était d’ôter ce quele train n’avait pas enlevé?

NLF– I’ fallait pas qu’i’ reste rien, surles rails. S’i’ y avait d’la glace ou, desfois, i’ y en avait, pour faire du mal,qui allaient mettre des roches ou desbâtons, c’est ça qui était dangereux. Ilsappelaient ça sectionnaire1 ouforeman1. Il fallait qu’ils entretiennentla voie ferrée.

Vois-tu, comme les ties1, vois-tu, les plugs1, qu’i’ appelaient, bi’n ça,ici, ça rentrait dans la tie1 et ça rentrait dans le bord de la tie1. Et ça, i’ fallaitpas qu’i’ en manque. S’i’ en manquaitun, la rail cherchait à lever.

LPF– Est-que ça arrivait souvent, quedes malfaisants allaient mettre desroches?

NLF– Oui, parce que papa (Jean-Thomas Lessard à Antoine), quand ilpartait faire sa run1, souvent, il arrêtaitpour aller enlever des choses sur lesrails.

Train – Journal de bord – Postes

Henri (Lessard à Jean-Thomas) avait tout ça, c’té cahiers-là,où papa faisait ses devoirs. Parce quepapa (Jean-Thomas Lessard à Antoine),à tous les soirs, il avait comme un grandcahier. Ses devoirs, c’était pasnécessairement de l’écriture, parcequ’i’ savaient pas bi’n, bi’n écrire, dansc’temps-là. C’étaient des croix.

C’était comme un grandcahier sur le long, quadrillé, puis il yavait différentes affaires d’écrites.Supposons qu’il avait changé des rails,c’était marqué «Changé des rails» puisil mettait une croix telle journée s’il enavait changés. Le pire, l’hiver, c’étaitle froid, naturellement. ’Fallait qu’ils’habille. ’Fallait qu’il la patrouillepareil, sa section.

Matin et soir, le train passaitet le soir, la maison en vibrait, parceque la terre était gelée, là. On entendait«pou pouououou» puis là, papa disait :«Le train arrive!». Là, on s’en allaittout’ dins1’ fenêtres, en avant, dans lesalon. Le train arrivait à la station (gare)puis il y avait une salle d’attente. Toutle monde attendait, soit des visiteursou... de prendre le train.

Il y avait quelqu’un qui venaitchercher le courrier. Ça, c’était OdilonLacourcière (à Étienne), moi, à masouvenance, il descendait avec sesbeaux chevaux puis il venait chercherles sacs de malle1 à La Station, chezJos (Joseph) Bureau.

LPF– C’était le magasin général?

NLF– Oui. Les sacs s’en allaient là eton s’en allait tous là, on attendait lamalle1.

Fêtes – La Station

L’hiver, le train était souventen retard. Les prêtres, au Séminaire, àtoutes les fins d’semaine, ils allaient

Cabane à sucre de Sara Dupuis et Charles Bernard, dans le rang 3 Nord, vers 1930.Provenance: Normande Lessard Fecteau

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faire leur ministère, dans les autresparoisses. Ça fait qu’ils prenaient letrain puis là, des fois, quand le trainétait en retard, au lieu d’passer à7 heures, il passait, des fois, juste àminuit.

Ça s’en venait jouer aux carteschez nous, en attendant le train. Puislà, quand ils entendaient le train, ilssortaient à ’course et ils s’en allaient àla station (à la gare).

LPF– Vous deviez avoir du plaisir?

NLF– Quand les fêtes1 arrivaient, tuaurais dû voir le monde quidébarquaient du train! I’ y en avait quiétaient en fête! C’était fête, dans l’train.Tu sauras qu’il y en avait qui sortaientpompettes!

Puis nous-autres, on n’avaitpas le droit d’aller au train. J’étais tropjeune, moi. Puis moi, je trouvais queça avait don’ l’air plaisant, d’aller autrain. Ça fait que, un soir, j’décided’aller au train. Je devais avoir vingt-deux ou vingt-trois ans. Mais papa(Jean-Thomas Lessard à Antoine), lui,il regardait toujours passer le train puisil regardait venir le monde. T’sai’, ilreconnaissait le monde, même si c’étaitle soir. Ça fait que moi, je m’en allais àla malle1, j’emmenais la malle1 chezmonsieur (Napoléon à A.-Eusèbe)Lapointe puis la malle1 chez nous.

Monsieur Lapointe restait voisin dechez nous (au 173, rue de La Station).

Puis j’arrive chez nous, cesoir-là, et papa m’dit : «T’as été autrain?– Oui, j’ai dit.– Que j’te r’voyes1 pas r’tourner autrain, parce que tu vas sortir!»Puis j’en avais peur, de mon père, i’était sévère. Je travaillais, à part de ça.

Le lendemain soir, j’étaisaprès laver la vaisselle avec maman(Arzélie Bernard) et j’ai dit : «Maman,j’me lave, j’me change et j’vais au train.– Tu l’connais, ma blanche, a ditmaman. S’i’ t’sort d’la station, i’ t’sortd’la maison.»

J’m’en vais au train. Là, ons’asseoyait tous dans la salle d’attente.T’avais des bancs tout l’tour puis il yavait une truie2 au centre, t’sai’, unpoêle à bois. Puis l’autre petitdépartement, là, c’était le télégraphepuis l’agent de station (Aurèle Lessardà Ernest) qui étaient là.

Je voyais le monde qui étaientlà et puis ça avait l’air plaisant. Ças’contaient des histoires, en attendantle train, puis ils se contaient toutessortes de choses. Le lendemain soir,j’retourne au train. I’ y avait uneclenche de porte et chaque fois quej’entendais sonner la clenche, le coeurme serrait. Je pensais toujours voirarriver papa (Jean-Thomas Lessard àAntoine). Je reviens à la maison puis ilme dit : «T’as encore été au train». J’aidit : «Oui, p’is j’vais y aller encore.

J’vois pas quel mal i’ y a là.» Il a arrêtéde parler puis j’ai arrêté d’y aller, parceque j’y trouvais plus rien d’intéressant.

J’allais au bureau d’poste, parexemple, chercher la malle1. Mais papa,peut-être qu’il a vu faire bi’n deschoses, élà. Peut-être que lui-même ena fait, remarque bien! Mais moi,j’voyais rien de mal là.

LPF– Peut-être qu’il avait peur que tuailles rencontrer quelqu’un?

Magasin général de Joseph Bureau.Provenance: Lise Bureau

Adrienne Plante Bureau devant la gare.Provenance: Lise Bureau

Été 1943.Provenance: Normande Lessard Fecteau

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NLF– J’me suis mariée à trente-deuxans puis j’sortais pas de chez nous sansdire «Voulez-vous que j’aille là?» C’estd’être soumis, ça, là!

Le temps des fêtes

Ce qui était beau, c’était devoir arriver Odilon Lacourcière (àÉtienne) avec ses deux chevaux. Il avaitle gros coat1 de poil puis le groscasque1. I’ était emmitouflé puis lesgrosses peaux de carriole1 pours’abrier1 puis les grelots. C’était beau!

Quand arrivait la messe deminuit, le train rentrait, des fois vers11 heures, 11 heures et demie, puis lescloches de tous les cultivateurs qui s’envenaient avec les chevaux, en carriolespuis en borlots1, tu sortais dehors puislà, tu entendais toujours comme unemusique. Les grelots, ça venait departout. On montait à ’messe de minuità pied.

LPF– Vous-autres, vous ’aviez pasd’chevaux?

NLF– Non. Nous-autres, quand ilfaisait beau, on partait. Henri (Lessardà Jean-Thomas), j’me souviens pastellement d’Henri, quand il venait avecnous-autres. On ’l’a pas connutellement, Henri. I’ est parti quand i’s’est en allé au collège de Beaucevillepuis quand i’ est parti travailler, i’ avait

dix-huit ans. Ça fait qu’on l’a plus oumoins connu.

C’était plutôt Anita, Guy,Julien (Lessard à Jean-Thomas) puismoi qui montaient à pied, quand i’faisait pas trop mauvais. Tu arrivais auvillage puis les chevaux, oùLacourcière (Odilon à Étienne) était(au 281, rue Principale), puis en arrière,il y avait comme un garde-soleil1, si tuveux. Disons une étable ouverte.

Les gens attachaient tous leurschevaux là. Il y avait plusieurs maisonsqui avaient des chevaux, mais ilslouaient, si tu veux, l’étable pour mettreleurs chevaux à ’chaleur, le temps d’lamesse. Et le dimanche, c’était pareil.

Puis là, quand arrivaient lesfêtes1, ça durait longtemps. C’était pascomme c’est aujourd’hui. Un soir,c’était chez mononcle2 François(Bernard à Charles), l’autre soir, c’étaitchez mononcle2 Louison (OlivierBernard à Charles) et l’autre soir, c’étaitchez mononcle2 Alfred (Bernard àCharles). Puis là, tu partais en voiture.Il est venu un temps où c’était en snow2,mais dans c’temps-là, c’était en voiture.

Là, ils nous traînaient souventmoi puis Jean-Charles (Lessard à Jean-Thomas), quand on était plus jeunes. I’nous embarquaient dans le borlot1, onappelait ça le pot, en arrière, t’sai’,comme un coffre.

Messe de Noël

HDB– La messe de minuit, as-tu des souvenirs?

PB– La messe commençait à minuit et elle s’étirait dans la nuit. Les chorales se laissaient aller à tour de voix pour mettre ça leplus beau possible. Nous-autres, à Saint-Victor, comme on avait de belles chorales, c’était une messe extraordinaire. Après lamesse de minuit, i’ y avait la messe de l’aurore, et après ça, i’ y avait la messe du jour. Si t’attendais les trois messes, c’était assezlong, la troisième devait finir quelque chose comme à une heure et demie après minuit.

HDB– Tout était à la suite?

PB– D’abord, tous les prêtres devaient dire trois messes, le jour de Noël. S’i’ ’es disaient pas à la messe de minuit, i’ ’es disaientle matin, c’qui arrivait, i’ donnaient la communion à la messe de minuit, après ça, la messe de l’aurore était moins longue, parcequ’i’ y avait pas d’sermon, i’ avait un sermon à la messe de minuit, i’avait des lectures qui ’étaient pas lues, c’était pas commetrois messes complètes, et la messe du jour, c’était à la suite de la messe de l’aurore. Mais i’ avait, comme le lavement des mains,i’ avait des choses qui étaient pas toutes répétées.

Source : Entrevue de Patrick Bouffard, par Huguette Doyon Bouffard, 20 octobre 1995

Jour de l’An

HDB– Le Jour de l’An, est-ce qu’i’ y avait quelque chose de spécial, à l’église?

PB– C’étaient les réunions de famille et ces choses-là, mais à l’église, i’ avait pasgrand-chose de spécial. D’abord, à Noël, c’était la fête religieuse, mais dans lesfamilles, i’ s’passait pas vraiment grand-chose, à part le réveillon. Nous-autres,quand on était jeunes, les cadeaux ’se donnaient pas à Noël, ils se donnaient auJour de l’An. Le Jour de l’An, c’était vraiment les fêtes de famille et ça s’étiraitjusqu’aux Rois, le 6 de janvier. Dans c’temps-là, les familles allaient manger chezl’père, chez la mère, toute la famille, les familles. À chaque soir, souvent, i’ y avaitdes réunions de famille. Le dimanche des Rois, le monde travaillaient pas et çaclôturait les fêtes familiales. Après les Rois, c’était plus au ralenti, i’ y en avaitmoins, à part chez les grosses familles, qui avaient pas eu l’temps d’aller mangerchez un et chez l’autre. Mais règle générale, ça s’en allait d’même, plus tranquille,jusqu’au début du carême.

Source : Entrevue de Patrick Bouffard, par Huguette Doyon Bouffard, 20 octobre 1995

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LPF– Parle-moi donc de la patinoire?

BJ– Où ma maison est construite présentement, c’est une patinoire qui était là. Il y avait deux équipes de hockey. Saint-Victoravait une bonne équipe de hockey. Il y avait d’autres équipes de Saint-Évariste, Courcelles, Tring-Jonction, Sainte-Marie. Çacompétitionnait beaucoup, énormément. Un soir, entre autres, il est venu un train spécialement de La Guadeloupe. Saint-Victorétait en finale, dans ce temps-là.

LPF– Ils venaient voir la game1?

BJ– Tout le tour de la patinoire, il y avait peut-être trois ou quatre rangées de monde. On prenait l’eau à la rivière, avec despompes, pour arroser la patinoire. La patinoire se faisait juste en face de la rivière. Il y avait un genre de shack2, pour loger lesgens, avec un genre de grosse truie2, comme on dit, dans le milieu de la place, pour réchauffer les gens.

Source : Entrevue de Bernard Jolicoeur, par Lorraine Poulin Fluet, 13 mars 1995

Maman (Arzélie Bernard)mettait une peau de carriole1, ons’asseyait là puis elle nous mettait desbriques chaudes aux pieds. Là, on étaittout emmitouflés puis on dormait. Tumontais dans le (rang) 3 (Nord) puis leschemins, c’était balisé. Ils appelaientça des balises, ils mettaient desbranches, pour passer dans le chemin,pour ne ’pas arriver et caler1 avec lecheval.

Mononcle2 Alfred (Bernard àCharles), on y allait plutôt en snow2.Ça brassait1, dans les snows2, maisc’était plaisant. On passait dans les clos,partout. Tu ’t’en allais pas dansl’chemin. Avec un snow2, on passaitn’importe où.

LPF– Vous avez eu du plaisir?

NLF– Oui. Puis les fêtes1, c’était pascomme aujourd’hui. T’sai’, t’as unrepas puis ça finit là. Ça ’arrêtait pas.Les Rois étaient fêtés. Parce que, cheznous1, i’ s’sont mariés le 6 janvier.Donc, ça fêtait jusqu’après les Rois.Puis ça, c’était continuel.

Tu allais chez pépère Bernard(Charles à Olivier, au 300, rang 3 Nord)puis tu avais la grande cuisine et lagrande salle. Il y avait ungraphophone2, qu’ils crinquaient2, etles jeunesses2, elles se tenaient là.Nous-autres, les plus jeunes, on allaitjouer dans les chambres, en haut. Leshommes, c’était dans la cuisine, ilsprenaient un verre.

La Station – Sport – Train

LPF– Est-ce que ça jouait aux cartes?

NLF– Oui, ça jouait aux cartes. I’ yavait la patinoire puis il y avait deséquipes de hockey qui venaient partrain spécial, le dimanche après-midi.

Le train restait à la station (lagare) puis le monde qui venaient,accompagner des joueurs. J’te l’dis,chez monsieur Duval (William àCharles), c’était bondé d’monde. Letrain arrivait plein. Bi’n, tu avais lagame1 de hockey puis chez PatriceVeilleux (à Jules), on avait unrestaurant.

J’te l’dis, i’ y avait plus devie à La Station qu’au village. Ça faitqu’on allait au hockey puis ensuite, aurestaurant. Papa (Jean-Thomas Lessardà Antoine), lui, c’était celui quicollectait à ’porte, à ’patinoire.

Il y avait un shack2. Lapatinoire était du côté de chez Bernard

Jolicoeur (à Antoine) puis le shack2

était, t’sai’, chez monsieur Duval(William à Charles), il y a comme unpetit garage, c’était là qu’était le shack2

(au 208, rue du Séminaire, voirl’entrevue de Fernand Cloutier etRaymonde Grondin).

LPF– Est-ce que c’étaient desséminaristes qui jouaient au hockey?

NLF– Pas nécessairement. Guy(Lessard à Jean-Thomas) étaitgoaleur1. I’ étaient plusieurs. Marcel àFrançois Tardif (à Pierre), FlorentTardif (à Gédéon dit La Dent), Ti-Gars(Fernand Cloutier à Odilon), Ti-VicVeilleux (Victorien à Georges)... Ilsavaient une équipe de hockey puis ilsjouaient avec La Guadeloupe. C’étaitde ces places-là, que ça venait (voirl’entrevue de Noël Jolicoeur).

LPF– I’ paraît qu’i’ y avait des grossesgames1, à c’moment-là?

NLF– Ah! c’était épouvantable. Et eux-autres aussi allaient à l’extérieur. Moi,j’ai suivi Guy (Lessard à Jean-Thomas)longtemps. Mais dans c’temps-là,c’était en machine2.

Train – Voyage

LPF– J’me suis fait dire qu’il y en aqui partaient en train et qui montaientjusqu’à Mégantic. Parce qu’i’ avaientpas d’auto ou que c’était plus facile,par le train?Normande devant la patinoire, à la Station.

Derrière, on aperçoit les cages à renards de MauriceBolduc.Provenance: Normande Lessard Fecteau

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NLF– C’était plus facile et ça coûtaitmoins cher. Comme maman, papa(Jean-Thomas Lessard à Antoine) étantsur le chemin d’fer, ça ’i coûtait rien. Ilavait des passes2. Maman (ArzélieBernard) pouvait aller trois fois parsemaine à Québec.

LPF– Est-ce qu’elle y allait?

NLF– Oui. Des fois, elle allait fairedes commissions. Comme laCommission des liqueurs, t’en avaispas comme t’en as icite1. Et puiscomme les magasins, plutôt qued’prendre le taxi puis aller à Saint-Georges, ça ’lui coûtait rien de prendrele train pour aller à Québec. Ça faitqu’elle allait à Québec. Elle prenait letrain le matin puis elle revenait le soir.

Elle partait avec madameÉmile Bolduc (Ida Gagné), ça s’trouveà être un frère à Makel (sic : il est unfils de Michel Bolduc dit Makel à Jean-Balaam dit Capson et un frère deRodolphe dit Blanc). Il restait à Québecet i’ était resté voisin de chez nous, dansla maison chez Martin Duval (àWilliam, anciennement la maison deSiméon Bolduc à Jean-Balaam ditCapson, située au 169, rue de LaStation). Ils sont toujours restés amiset maman, elle descendait à Québec,allait chercher madame Émile (IdaGagné) et elles magasinaient toute lajournée, pour revenir le soir.

LPF– Tu dis qu’i’ y avait pas deCommission des liqueurs, ici?

NLF– Bi’n, i’ y en avait peut-être àSaint-Georges, mais plutôt que deprendre un taxi puis d’aller là, elleprenait le train. Ça ’coûtait rien!

Puis quand ils allaient dansl’Abitibi, i’ y allaient une fois parannée, là, c’était une passe2 spéciale,qu’i’ appelaient, et ça ’coûtait rien.Papa puis maman allaient voir Henri(Lessard à Jean-Thomas. Henri Lessardtravaillait à la mine de Malartic). Maisi’ pouvaient pas dire qu’i’ avaient unepasse2 à toutes les semaines, pour allerlà. Je pense qu’i’ avaient droit à unepar année, pour aller loin.

J’y étais allée, en train. J’yétais allée deux fois. Ce serait monrêve, de retourner en train. En Abitibi,tu partais à 7 heures, le soir, puis tudébarquais là-bas à 7 heures et demie,8 heures. C’était long!

Il y en a qui prenaient desdortoirs, pour se coucher. Moi, j’melouais un oreiller et j’me couchais surle siège, c’était plaisant. On s’apportaitun lunch2. I’ y avait pas les chars1

restaurants, comme i’ y a aujourd’hui.Le conducteur passait, i’ s’en venaitdans l’allée «Ticket, ticket...». Quandon donnait nos tickets, i’ les punchait1.I’ fallait pas le perdre!

Rendus à Parent, il fallaitchanger de train. Il fallait prendre nos

bagages et changer de train, pour serendre à Malartic. Le conducteur, celuiqui avait un costume et une casquettespéciale, il débarquait le premier. Lesmadames qui sortaient, il les prenait parle coude, pour les aider à descendre.Ceux-là qui étaient trop chauds(saouls), il les aidait à descendre.Quand tu prenais le train, c’était pareil.Le conducteur te prenait par le coude,parce que la marche était quand mêmeassez haute.

Quand tu t’en allais sur lechemin d’fer, sur la track1 autrementdit, chaque rail que tu passais, ça faisait«Touktouk, touktouk, touktouk...».T’sai’, tu sentais que t’avais fait un boutde rail. Puis en pompeur1, c’était pareil.Ah! mais le chemin d’fer, j’ai tellementaimé ça. Julien (Lessard à Jean-Thomas) aussi a travaillé sur le chemind’fer. Il travaillait avec ÉvaristeJolicoeur (à Hervé).

Guerre 1939-1945 – Coupons

LPF– Y a-t-il eu quelque chose departiculier, pendant la guerre?

NLF– J’me souviens, durant la guerre,qu’i’ y avait un ou deux gars de cachés

Patinoire à la Station vers 1950.Provenance: Normande Lessard Fecteau

Julien Lessard et Évariste Jolicoeur vers 1950.Provenance: Normande Lessard Fecteau

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dans la sucrerie1. On appelait ça lasucrerie1 à Bébé à Got (Joseph Bernardà Godfroid), nous-autres. T’sai’, quandtu t’en viens par chez vous, il y acomme un bois, en s’en venant par ici.

Puis il y avait un gars qui étaitcaché là. C’était tout’ secret. Puis il yen avait qui allaient lui porter à manger.Il était caché dans une cabane, parcequ’i’ voulait pas aller à ’guerre. C’étaitla conscription. C’était caché, maisaprès que la guerre fut terminée, papa(Jean-Thomas Lessard à Antoine) nousle contait.

J’me souviens, aussi, qu’ilfallait des coupons, pour aller àl’épicerie. Tu recevais un carnet decoupons et tu avais des coupons pourle sucre, des coupons pour le beurre,des coupons pour la farine. T’avaistoutes sortes de coupons, pour alleracheter à manger. Parce que c’étaitrestreint! C’était la rationalisation.

Papa, sur le chemin d’fer, ilfaisait un peu de marché noir. S’ilrencontrait quelqu’un, une grossefamille qui avait besoin de plus de sucrepuis que papa avait besoin de plus debeurre, ils s’échangeaient les coupons.

LPF– Les coupons, c’était fourni parle gouvernement (fédéral)?

NLF– Oui.

LPF– Mais tu présentais tes coupons?

NLF– Tu avais un carnet puis tu avaisdroit à tant de carnets par mois. Si tuvoulais une livre de sucre, ça prenaitun coupon.

LPF– Tu payais ton sucre à part?

NLF– Oui, mais tu ’pouvais pas enavoir plus. Si t’avais pas de coupon,t’en avais pas. Papa (Jean-ThomasLessard à Antoine), une fois, il avaitrencontré des sectionnaires1, à Saint-Éphrem. Il y en a un qui lui dit : «Jean-Thomas (Lessard à Antoine), j’auraisdu beau sirop. Aimes-tu ça, du siropdoré?» Il dit : «Oui, les enfants vontaimer ça.»

Ça fait qu’i’ avait échangé çacontre des coupons. Ça fait qu’il arrive

à ’maison et il dit à maman (ArzélieBernard) : «Regarde qu’est-ce que j’aieu, un beau gallon de sirop doré.» Onétait-i fous, nous-autres, hein?!

On arrive de l’école, lelendemain, puis maman nous fait nosbelles beurrées de sirop. On sort dehors.Nous-autres, l’hiver, on arrivait del’école, on prenait un lunch2 puis onprenait le dehors, avec notre beurrée.J’ai dit : «Jean-Charles (Lessard à Jean-Thomas), est-i bonne?» C’était salé!C’était d’la saumure. Ça fait que là, on’voulait pas en manger puis on ’voulaitpas s’faire disputer. «Papa a apporté çapuis on ’jettera pas l’pain.» Mais onn’était pas capables d’en manger. Onavait donc creusé un d’ces trous, dans’neige, pour être sûr qu’i’ ’la retrouvepas.

Le soir, papa (Jean-ThomasLessard à Antoine), il dit à maman(Arzélie Bernard) : «Donne-moi doncdu sirop.» Il en prend une bouchée puispapa, son patois, c’était batinche1.«Batinche1, i’ dit, c’est pas mangeable,ça.» Maman, elle dit : «Les enfantsl’ont mangé, après-midi. On leur en adonné.»

Moi puis Jean-Charles, on ser’garde puis on ’parlait pas. Papa, i’ dit :«Vous ’avez pas mangé ça. Vous allezêtre malades!» On a dit : «Non, on l’aenterré dans ’neige.» Papa, il dit :«Maudit1, il m’a poigné1, lui!» Il s’étaitfait poigner1 mal sale.

Mais il prétendait, papa (Jean-Thomas Lessard à Antoine), que çapouvait être du sirop qu’un navire avaitcoulé, quelque chose, puis l’eau salée.Mais ça ’se peut pas. Lui, il prétendaitça, dans c’temps-là, mais... Il arrivaitassez toutes sortes de choses, durant laguerre. T’sai’, des bateaux quicoulaient. Il arrivait toutes sortesd’affaires.

Feu 1948 – Couvent

Au couvent, le matin, vers5 heures du matin, les soeurs, dansc’temps-là, elles arrivaient dans ledortoir, elles disaient une prière puis onse réveillait toutes en répondant à laprière. Là, nous-autres, on étaitréveillées puis on regardait promener

les soeurs, dans le dortoir, avec lacapuche, puis on faisait semblantd’dormir. Mais on avait du fun1, de voirpromener les soeurs en capuche.

Tout à coup, la soeur a dit :«Levez-vous, le feu est pris chezmonsieur Ignace Tardif (à Pierre). I’y a pas d’danger pour nous-autres.»Puis c’était le premier vendredi du mois(le 4 juin 1948). Le premier vendredidu mois, normalement, on allait à’messe à ’chapelle. Ça fait que là, ons’lève.

Moi, j’dis : «Le feu chezIgnace Tardif (à Pierre), ça ’doit pas êtredangereux.» C’était en bas. Là, elledit : «Normande, vous allez descendreau réfectoire, en bas, chercher lesmanteaux. On va aller à ’messe àl’église.» Ça fait que moi, je descendsen bas puis, en descendant, la maison àAlbert Langelier (à Louis), qui était enface, ’était brûlée, la maison à ErnestVeilleux (à Amédée) était en feu puis i’y avait à peu près la largeur d’un char1,entre le couvent puis la maison à ErnestVeilleux.

Ça fait que là, je remonte audortoir avec mes manteaux puis j’dis àla soeur : «Vous dites que c’est chezIgnace Tardif (à Pierre), mais la maisonà Albert Langelier est brûlée!». Elle medonne une tape par la tête, en voulantdire «Tais-toi.»

Ça fait que là, elle nous avaitdit, avant d’aller ramasser les manteaux :«Ramassez toutes vos affaires etmettez-les sur votre lit.» Moi, lamaison chez Ignace Tardif (au 260, ruePrincipale), j’avais pas peur pour lecouvent. J’avais ramassé quèques1

affaires, mais i’ y avait un casier qu’onn’avait pas vidé. Ça fait que là, on allaità ’messe à l’église puis tout d’un coup,elles décident qu’on allait à ’messe à’chapelle.

I’ y avait quelqu’un qui avaitramassé sur nos lits, mais l’autre casier,moi, j’avais des chaussures, j’avaistoutes sortes de choses. Tout c’qui estau couvent a brûlé. Quand on est sortiesde la chapelle, on est montées toutesau dortoir. Ça fait que là, j’me mets àpleurer, je m’étais tout’ fait voler mesaffaires. C’était Julien (Lessard à Jean-Thomas) qui avait ramassé ça, mais

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toute énarvée1, j’pense pas d’arrêter aucours ménager.

Ça fait que là, on descenddans la classe. Moi, mon pupitre, i’ étaitle deuxième en arrière, qui donnait surla maison à Ernest Veilleux (à Amédée).C’était la Banque. En tout cas, monpupitre, i’ y avait un encrier et c’étaitbrûlant! J’avais ramassé mes livres,j’avais mis ça dans ma jupe puis ensortant, c’était un élève du Séminairequi était arrivé avec un tiroir de bureaupuis il avait dit : «Mets ça d’dans.» Là,moi, j’ai dit : «J’suis pas allée auréfectoire chercher mes affaires, j’ail’temps d’y aller.»

J’avais r ’rentré, personne’savait que j’étais r’rentrée, j’étais alléeau réfectoire puis pour ouvrir la p’titearmoire où mon linge était, le casier,j’avais été obligée de prendre le coind’ma robe, parce que le piton1 était tropchaud.

En passant, j’ai dit : «J’ail’temps de ramasser ma vaisselle.»Quand j’suis sortie, c’était tout’ du boisverni, ça défonçait, à l’autre bout’.J’suis tombée en pleine face, en avantde l’escalier. J’aurais brûlé là puispersonne ’savait que j’étais r’rentrée.C’est un élève du Séminaire quim’avait ramassée.

LPF– Mais quand tu es tombée, c’estparce que t’étais épuisée?

NLF– C’est parce que, en défonçant,là-bas, le feu, ça a fait «Touf!». T’sai’,

moi, j’ouvrais la porte, à l’autre bout’.Ça a fait un courant d’air puis le feu apoigné1 encore plus. Là, moi, ça m’adonné une poussée puis j’suis tombéeen pleine face.

LPF– T’avais quel âge?

NLF– En ’48, j’avais seize ans. Puislà, maman (Arzélie Bernard) étaitmontée à pied. Elle avait vu ça, lematin. Je vois arriver maman, encore,sur le haut de la Côte (du Séminaire).Elle pleurait puis j’m’étais jetée dansses bras. J’avais sauvé le p’tit Jésus dePrague qui était dans le parloir, sur unpiano, puis là, tout le monde était àgenoux dans la rue. Puis le monde, çacriaient : «Sauvez notre église, sauvez

Couvent brûlé en 1948, vu du cimetière.Provenance: Gabrielle Fortin Cloutier

Provenance: Doris Veilleux

Provenance: Doris Veilleux

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notre église!» Puis le feu avait pris dansl’clocher de l’église. C’était FlorentTardif (à Gédéon dit La Dent) qui avaitmonté éteindre ça.

Si les soeurs avaient voulu,rien n’aurait brûlé, dans l’couvent.Écoute, la gang1 d’élèves! Là, toutc’qu’ils ont réussi à sauver, c’estquèques1 choses dans la chapelle puisqu’est-ce que c’est que les élèves ontrentré chercher. Mais les soeurs’voulaient pas qu’ils ’sortent rien.

LPF– Elles croyaient à la Providence,elles ’croyaient pas passer au feu?

NLF– Oui. Puis là, quand ça a étécalmé, bi’n, calmé. Ça a duré toute lajournée. Maman (Arzélie Bernard), elleme dit : «Viens, on va passer par lecimetière et on va aller aider àMadeleine (Lapointe Veilleux), chezCharles-Auguste (Veilleux à Auguste).»Pas capables de passer par le cimetière,c’était trop chaud, ça brûlait partout.

Puis là, l’abbé Nelson(Lévesque), je pleurais puis je disais :«Les dessins à Guy (Lessard à Jean-Thomas). Guy va m’disputer.» Puistoutes mes affaires que j’avais faitesmanuelles. L’abbé Nelson, i’ avait dit :«Si les soeurs avaient voulu, tout auraitété sauvé, dans le couvent, mais quandon a le feu au derrière, on s’sauve.»

C’est curieux pareil. Lecouvent avait brûlé puis l’église et lepresbytère, non. Chez mononcle2

Émile (Fecteau à Adélard, l’oncle deson mari, au 302, rue Principale), ça ’apas brûlé. Passé son oncle Émile, ça abrûlé, ça a arrêté chez monsieur Fecteau(Alfred à Adélard, au 312, ruePrincipale) puis sur l’autre bord, ça aarrêté chez Adélard Fecteau (à Adrien).C’est bizarre pareil (voir lediagramme du feu de 1948, dans ladeuxième partie du Survolhistorique).

Naissance du feu de 1948

Il y avait un poulailler puis lefeu avait pris là, dans le poulailler. Jeme souviendrai tout l’temps, il y avaitune fille sur la galerie2. Elle était enjaquette1, elle pleurait puis elle disait :«J’ai jeté ma cigarette, mais j’pensaispas que le feu était pour prendre.»

Sur la rue Principale, où i’ yavait des arbres. T’sai’, quand tu passeset que, chaque bord, les arbres serejoignent. Les arbres, c’étaient descheminées partout, c’était épouvantable!Le dimanche, c’était affreux!

Croix-Rouge – Sinistrés

Les machines2, des quatrecoins du village, ça arrivait de partout.Moi puis Anita (Lessard Thiffault), oncollectait pour la Croix-Rouge. Dansl’village, c’était sale. T’sai’, le vent puisla suie. Julien (Lessard à Jean-Thomas)puis Bibiane Fecteau, ils faisaient lesmachines2. Ça rentrait pouce par pouce.Ils avaient fait les machines2, àcollecter pour la Croix-Rouge, puis ilss’étaient rendus à Beauceville.

LPF– Ah! oui, tellement il y avait eudes gens qui étaient venus!?

NLF– Ah! oui, c’était terrible. Ledimanche, tu voyais les machines2, du(rang) 3, ça venait de par là, de par là,ça venait de partout. C’était affreux, lemonde qui étaient venus voir ça. C’étaitterrible, aussi, quand tu dis que c’étaitbrûlé quasiment dans les quatre coinsdu village.

Puis, la journée du feu, il y ena qui sortaient leur ménage. C’est arrivé

Feu de 1948

À 4 heures et demie du matin,un séminariste se lève pour alleraux toilettes, et a dit au surveillant«Le feu est au village». Un sémi-nariste nommé Côté a sauvé le cam-panile, c’est-à-dire le côté gauchede l’église, près du couvent.

Source : Ernest Genois

(Un campanile est un petit clo-cher d’église isolé du corps du bâ-timent, situé sur le faîte d’une cons-truction.)

Provenance: Adrienne Doyon Rodrigue

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chez monsieur Fecteau (Alfred àAdélard, au 312, rue Principale). Ilssortaient leur ménage et ils allaientmener ça plus loin, dans les champs(voir l’entrevue de Gilberte VeilleuxPoulin). Il y a un truck1 qui avait étéarrêté à Saint-Jules, parce que lui, ilvolait le ménage. Des tisons avaientbrûlé du ménage. Des sets1 de salon.

LPF– Des tisons avaient revolé1 dansle champ?

NLF– Comme chez monsieur Fecteau(Alfred à Adélard), ils avaient tout’ vidéla maison. Ils avaient brisé le piano puistout ça. Ils arrachaient les toilettes. Ilsbrisaient tout’, eux-autres.

Henri-Georges (Fecteau àAlfred), lui, j’sais qu’i’ était sur lacouverture de la maison. Il passait parle châssis1 d’la chambre de bain puis,eux-autres, ils avaient mis de l’eau dansle bain. Ils mouillaient les tapis etHenri-Georges éteignait les étincelles,sur la maison.

Le cadre1 que tu vois là,l’abbé (Alain) Boucher, je pense, ilavait tenu ce cadre1-là, entre chezmonsieur Fecteau (Alfred à Adélard)et la maison chez Joseph à Jean(Mathieu à Alexis, au 310, ruePrincipale), puis il avait dit que le feun’irait pas plus loin qu’ça (au 176, ruedu Séminaire) Il y avait une grossetente, que la Croix-Rouge avait montée.Les gens, je sais que Pit-Gousse(Siméon Breton à Joseph), ça a resté làau moins une quinzaine de jours.C’était plein. C’était le Séminaire quiles nourrissait. Hé! j’me suis assezennuyée, moi, au couvent.

Vie au couvent

LPF– Étais-tu pensionnaire?

NLF– Oui. Puis j’avais l’droit d’allerchez nous une fois par mois. C’qui étaitl’pire, c’était de m’coucher de bonneheure. Monter se coucher à 8 heures etdemie, l’été. Puis l’hiver, la patinoireétait en arrière, chez Pit-Gousse(Siméon Breton à Joseph), j’mecouchais sur mon lit puis j’voyais lesgames1 de hockey, moi qui raffolais du

hockey. Je pleurais assez! Ma soeur (lareligieuse) disait : «Dormez,Normande.– Je m’ennuie!»

Quand arrivait le samedi, lasoeur avait pris comme habitude deshiner4 les souliers des soeurs. Quandc’était l’été, elle laissait dormir toutesles filles. Un dimanche après-midi, jevois Anita (Lessard Thiffault), sur letrottoir. Je fais : «Salut Anita!» Masoeur, elle dit : «Une note à la conduite,Normande.– Bi’n, j’ai dit, mettez-en deux!» Puisj’pars à ’course puis j’vais lui sauterdans ’es bras. Je pleurais puis je criais :«Emmène-moi chez nous! Emmène-moi chez nous!» S’i’ venaient pas surle terrain, on n’avait pas l’droit d’allerleur parler.

Ghislaine Fortin, la fille àGeorges Fortin, qui est morte à l’âgede quinze ans, elle était dans ’mêmeclasse que moi. On était toutes les deuxvis-à-vis cette fenêtre-là.

LPF– La fille de Georges Fortin,laquelle?

NLF– Le grand Georges Fortin (àJoseph), qui était marié à Marie-PaulePlante, i’ avait une fille. Elle (GhislaineFortin) était belle puis elle était assezfière! Elle était toujours bien peignée.Une fois, durant la classe, i’ y a unoiseau qui vient s’frapper dans ’vitre.Elle me dit : «J’ai hâte à la récréation.– Pourquoi? j’ai dit.– Si l’oiseau est mort, il y en a une denous deux qui va mourir.» À larécréation, elle est sortie à ’course puiselle est revenue avec le petit oiseau.Elle dit : «Normande, il y en a une denous deux qui va mourir.– Va donc su’ l’ bonhomme1!»

Quinze jours après, elletombait malade d’une méningite puiselle (Ghislaine Fortin) est morteenviron trois semaines après.

Moi, quand le couvent avaitbrûlé, quand j’étais allée chercher mesaffaires dans la classe, la soeur m’avaitdonné la Rédemption.

Quand j’ai sorti du couvent,dans l’après-midi, j’trouve leurs livresde prières, qui étaient cirés, avec un

snap1 dessus. Je trouve celui de soeurSaint-Polycarpe, qui était la maîtressedu pensionnat. Je l’ai ramassé et je l’aitiré dans le feu!

La rivière le Bras

Ça, la rivière (le Bras)...Astheure1, i’ y en a pas, de rivière. Maisc’était haut, ça! On s’en allait en arrièrede chez nous et puis la rivière... Écoute,tu faisais de la chaloupe dessus. Larivière était haute. I’ y avait une grosseîle, au centre, quand la dam1, lachaussée était là, chez monsieur Duval(William à Charles, voir l’entrevue deFernand Cloutier et RaymondeGrondin ).

Trappeur – Accident – Noyade

LPF– Est-ce qu’i’ est arrivé desaventures, dans cette rivière-là?

NLF– Oui. L’année où j’ai étéconfirmée, en ’45, c’était le printempset Julien (Lessard à Jean-Thomas) allaitau Séminaire. I’ y avait deux p’titsNollet, Gaston p’is Fernand Nollet.C’était parent avec chez ThéodoreLepage (à Georges), qui était untrappeur.

I’ avait une chaloupe puis lesgars, i’ avaient demandé à monsieurThéodore : «Mononcle2, nous prêtez-vous votre chaloupe?» Ça fait quemonsieur Lepage leur a dit : «Oui, maisrestez où est-ce que...» L’eau étaitmontée, à l’époque. «Prenez pasl’courant.» I’ ont dit : «Non, non.»Julien (Lessard à Jean-Thomas) étaitdans la route, ils ont dit : «Julien,embarques-tu?» Julien, i’ dit : «Si vousm’laissez ramer, j’embarque.– Non, c’est nous-autres qui ramons.– J’embarque pas.» Là, il suivait, surle bord d’la route. I’ ont dit :«Embarques-tu, Lessard?– Non.» Fernand (Nollet) était assisen arrière de la chaloupe, il était en traind’étudier. J’sais bi’n qu’i’ avait un livrepuis c’était Gaston (Nollet) qui ramait.

Là, i’ ont pris le courant, sanss’en rendre compte, puis rendus chezmonsieur Duval (William à Charles),i’ y avait une talle2 d’aulnes. Si tu

Page 15: Une entrevue avec NORMANDE LESSARD FECTEAUpatrimoinesaintvictor.com/s_data/doc/12normande_lessard_fecteau.pdfJ’sais pas qui avait mis le feu. Mais lui, le p’tit gars, i’ était

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prenais le courant là, t’étais pluscapable de remonter. Laurette (Duval)sort et elle dit : «Les gars, r’virez, vousallez prendre la dam1.– Quel bord qu’on rame, pourr’monter?» Puis là, en disant ça, i’ ontpris la chaussée et ils ont sauté. Fernand(Nollet), il s’est levé. Il avait sonmanteau de l’armée, parce que lesélèves, au Séminaire, ils faisaient de lamilice. Il s’est levé pour enlever sonmanteau, mais i’ a pas eu le temps. Maislui a été sauvé. Gaston (Nollet), lui, i’a embarqué dans ’chaloupe. Ils ont faitune chaîne et un nommé Vézina, quiétait marié à une fille (Yvette Tardif) àFrançois Tardif (à Pierre) et qui étaitsoldat, s’est pendu à une branche. Il avu venir le manteau, parce que Fernandflottait par son manteau, et il a poigné1

le manteau. I’ ont sorti lui, mais Gaston,i’ l’ont retrouvé quand l’eau a étébaissée à plein1.

I’ l’avaient retrouvé chezJosaphat Veilleux, bi’n loin, dans LesFonds. C’était Aurélien Tardif et Ti-Louis Tardif (à Gédéon dit La Dent)qui l’avaient trouvé. Parce qu’i’ y enavait plusieurs qui cherchaient, enchaloupe. Ils ramaient puis ilswatchaient1 dans le fond de l’eau, parceque l’eau avait baissé, puis ils disaient :«I’ est icite1, i’ est icite1!»

L’autre arrêtait puis c’était pasvrai, mais un moment donné, c’étaitvraiment lui. Il avait une bûche dansles bras. Bi’n, t’sai’, un noyé, ças’ramasse toujours quelque chose. I’ yavait une souche qui était prise puis letoupet’ flottait. Fernand (Nollet), lui, ilsl’ont sauvé. Mais à tout bout d’champ,il faisait des crises et il revivait tout ça.

Milice

LPF– Puis c’étaient deux séminaristes,ça?

NLF– Oui. Puis ça, au Séminaire,c’était le fun1, pendant la guerre. Lesélèves faisaient de la pratique militaire.Ils avaient tous le costume militaire, ilsfaisaient de la marche militaire sur laroute, avec une fanfare.

Ils venaient tous arrêter enface de chez Dédé (Gaston Lepage à

Théodore, chez Napoléon Lapointe àA.-Eusèbe), on appelait ça le déboulis1,nous-autres (situé au 173, rue de LaStation), puis les élèves s’assisaient là.Nous-autres, on leur charroyait del’eau. C’était beau, de voir ça.

T’sai’, ça s’en allait dans laroute, sur les chemins d’terre. Puis lesgrosses bottines, c’était impressionnant.

LPF– C’est la première fois quej’entends parler qu’il se faisait de lamilice?

NLF– Ah! oui, ah! oui. Parce que c’étaittout’ des adultes, qu’i’ y avait là. Desjeunes, i’ y en a eu dans les dernièresannées, mais c’étaient des hommes. I’y en avait qui étaient d’âge à aller dansl’armée. En étant étudiants, j’pensequ’i’ avaient pas l’droit de les prendre,mais ils faisaient quand même de lamilice.

Blanchisseuses

LPF– Mais i’ devait y avoir des flirts,là-dedans?

NLF– Oh! j’étais trop jeune, moi, maisil y en avait sûrement qui flirtaient.

Chez nous, des élèves, i’ enest venu, i’ en est venu! Puis desprêtres! Maman (Arzélie Bernard), ellelavait le linge du Séminaire, le lingedes élèves.

Le dimanche, on allaitchercher les sacs des élèves puismaman, j’pense qu’elle en lavait unetrentaine. Tu sauras que c’était dusport!

LPF– Pour se faire un peu d’argent?

NLF– Oui. Là, nous-autres, on allaitchercher les sacs, on emmenait ça à lamaison puis on démêlait tout’ le linge.C’était pas ragoûtant. Les mouchoirs,les bas, les sous-vêtements, il fallaittout’ démêler ça. Puis là, Anita (LessardThiffault) repassait et on avait un lit,en haut, puis on mettait chaque sac avecleurs noms dessus. Après ça, on allaitreporter les sacs au Séminaire.

LPF– Était-elle bien payée?

NLF– Hé! non. Puis repriser les bas,Anita, c’étaient des veillées d’temps, àrepriser des bas. I’ fallait qu’elle reprisele linge. J’la vois encore. Dans c’temps-là, t’avais pas d’télévision. Ellerencontrait Aurélien Tardif, Anita(Lessard Thiffault). Ils s’asseyaient unchaque bord du radio et elle reprisaitdes bas.

LPF– En veillant1?

NLF– Oui. Dans c’temps-là, c’était laradio. T’avais pas d’télévision, t’avaisrien.

HDB– Après, vous avez éténommée à Saint-Victor?

DM– Oui, à mes voeux perpétuels.Je devais rester, mais d’un coup, lasupérieure a dit : «Venez toutes auréfectoire, j’ai de quoi à vousannoncer.» J’avais retardé un peu,mais elles sont venues me chercher.Je rentre puis elle dit : «Là, je viensde recevoir une lettre de laprovinciale et il y a quelqueschangements. Soeur Saint-Camilleira à Saint-Benoît.» On avait nosnoms de religion. Elle dit : «SoeurCharles-Émile ira à Saint-Victor, àla buanderie.» Ça m’a surpris!

Il y avait cinq à six filles quitravaillaient à la buanderie. Il yavait cent cinquante pensionnaires,à Saint-Victor, il y avait vingtprêtres et dix soeurs. Alors, je lavaisle linge de tout ce monde-là et jereprisais le linge des élèves. Pascelui des prêtres ni des soeurs, parcequ’il y avait deux soeurs denommées, pour le linge des prêtres.On le reprisait et on le repassait. J’aifait ça vingt-trois ans.

(Soeur Doria a été quarante-quatre ans au Séminaire et à l’AubeNouvelle. Elle s’est toujoursoccupée de la buanderie. )

Source : Entrevue de Doria Michaud, parHuguette Doyon Bouffard, 12 septembre 1995

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Industrie – Lainages Victor

LPF– Parle-moi donc de JosephRodrigue, qui avait parti la shop1.

NLF– Il y avait Poussette (FernandPoulin). I’ m’semble que c’était unPoulin de Saint-Georges. C’était parentavec Laurent Bureau. I’ avaient partila shop1 (aujourd’hui Les LainagesVictor) et je pense que ça avait marchéà peu près deux ans (voir les entrevuesde Irenée Groleau et Lucille Cloutieret de Patrice Veilleux).

LPF– Mais i’ y avait pas eu unecollecte, pour les aider?

NLF– Oui, parce que papa (Jean-Thomas Lessard à Antoine), i’ avaitdonné de l’argent. Ils faisaient commedes parts, pour les aider à partir etquand monsieur Duval (William àCharles) avait pris ça, ceux quivoulaient leur argent, i’ l’remettaient,mais il y en a beaucoup qui l’ont laissé,pour aider. Papa, dans c’temps-là,j’pense qu’il avait donné cent piastres.Dans c’temps-là, cent piastres, c’étaitde l’argent! Monsieur Fecteau (Alfredà Adélard), i’ en avait mis pas mal, dansça. Joseph Rodrigue, eux-autres(Joseph et Rodolphe Rodrigue etFernand Poulin dit Poussette), i’

avaient pas les reins assez solides.Ensuite, lui, Rodolphe, il pensionnaitchez madame Maurice Bolduc (àJoseph, Marie-Louise Therrien). I’ s’estmarié, dans c’temps-là, puis il restaitdans la maison de Jean-Baptiste Doyer(à Eugène).

Anita, elle a travaillé à ’shop1

(Les Lainages Victor). I’ lui manquaitun doigt, parce qu’elle s’était faitprendre la main dans ’carde. J’avaistravaillé deux jours, dans l’temps deRodolphe Rodrigue (à Joseph). Quandmonsieur Duval (William à Charles) arepris, j’suis rentrée l’lendemain. Ça vafaire quarante-six ans au mois d’mars.C’est long. C’est un contrat à ’vie.J’suis plus chez nous à ’shop1 qu’ici.

LPF– Qu’est-ce que tu fais, au juste, àla shop1

(Les Lainages Victor)?

NLF– Je suis contremaître. Jem’occupe de l’inventaire du fil et dec’qu’i’ y a sur le plancher.

École – Couvent

LPF– Tu dis que c’est le couvent à LaStation?

NLF– La petite école, ça avait tournéen couvent.

LPF– Mais avant, c’était juste desmaîtresses d’école?

NLF– Oui. Quand on avait eu lessoeurs, on portait des costumes. Ilfallait avoir une robe noire, avec unpetit collet blanc.

LPF– Ça, c’était une confirmation?

NLF– Oui. Il y a Raymonde Grondin(Cloutier) icite1. Ça, c’est ThérèseJolicoeur. Ça, c’est Yvette Jolicoeur,Lina Lapointe, Pierrette Lessard... Ça,c’est une fille à Dominique Lessard (àAurèle), Laurence Fluet... Ça, icite1,c’est Fleur-Ange Jolicoeur, la femmede Marcel Lessard. MargueriteJolicoeur, Roger Lessard.

LPF– Est-ce qu’i’ a brûlé, ce couvent-là?

NLF– Non, ils l’ont défait’ quand lashop1 (Les Lainages Victor) a agrandi.

Fin de l’entrevue

Le 3 novembre1947.Provenance: SPSVB, Fonds Louise Roy, sscm

Les fondatrices du couvent de Saint-Victor, à la Sta-tion situé au 250, rue de la Station.

De gauche à droite: Mère Marie-de-la-Nativité, mèreMarie-Emmanuelle, supérieure et mère Joseph-Noël en1945.Provenance: Normande Lessard Fecteau