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1
UNIVERSITE PARIS 12
FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
***************************
ANNEE 2013-2014 N°
THESE
POUR LE DIPLOME D’ETAT
DE DOCTEUR EN MEDECINE
Discipline : Gynécologie-obstétrique
-----------------------------------------------------
Présentée et soutenue publiquement le 16 septembre 2014
A la faculté de médecine PARIS 12 CRETEIL
--------------------------------------------------------
Par Géraldine DRAY
Née le 24 mars 1982 à Paris XIII
TITRE DE LA THESE : Utérus bicorne-bicervical et hémivagin borgne : fertilité et
complications obstétricales
PRESIDENT DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA
Monsieur le Professeur Bassam HADDAD BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE :
DIRECTEUR DE THESE :
Monsieur le Docteur Cyril TOUBOUL
Signature du Président de thèse : Cachet de la bibliothèque universitaire
2
REMERCIEMENTS : A monsieur le professeur Bassam Haddad qui me fait l’honneur de présider cette thèse.
Vous m’avez beaucoup appris lors de mon semestre passé avec vous sur la préeclampsie, la
gestion de malades compliqués, répondant toujours avec beaucoup de pédagogie à nos
questions.
A monsieur le professeur Hervé Fernandez qui m’a guidé pour mes derniers travaux,
montrant une grande disponibilité, une passion pour l’enseignement tant sur le plan
scientifique que chirurgical. Merci de me faire l’honneur de participer au Jury de ma thèse.
A monsieur le professeur Jean-François Oury qui m’a appris l’obstétrique de façon
paternelle, avec beaucoup de sérénité et de confiance. Vous vous montrez toujours très
disponible lorsqu’on vous sollicite, que ce soit pour des travaux scientifiques ou sur « le
terrain ». Je suis très heureuse de poursuivre cette aventure avec vous. Merci de me faire
l’honneur de participer au Jury de ma thèse.
A monsieur le professeur Paniel qui m’a fait l’honneur de me confier ce travail. Je vous
remercie pour tous les apprentissages chirurgicaux mais aussi pour l’enseignement de la
psychologie féminine nécessaire dans notre métier.
A monsieur le docteur Cyril Touboul qui a dirigé ce travail avec beaucoup de patience, de
disponibilité et de gentillesse. Je te remercie pour ta réactivité, cette envie d’enseigner et de
publier.
A monsieur le docteur Eric Guillo qui m’a proposé ce travail très intéressant et m’a aidé à
l’élaboration de cette thèse. Tu as été un chef de clinique exemplaire, toujours souriant et
très disponible. Tu m’as appris à opérer et m’as rapidement fait confiance. Je suis très
heureuse de te voir dans mon jury aujourd’hui.
A mes maîtres d’internats :
A monsieur le docteur Botto pour sa gentillesse et son apprentissage des premiers pas en
gynécologie-obstétrique.
A monsieur le docteur Edouard Ha qui dès le début d’internat nous oriente vers le
scientifique et la chirurgie en nous confiant nos premières interventions.
3
A madame le docteur Stéphanie Deis pour son calme légendaire, sa dextérité en chirurgie
mais aussi pour sa confiance rapide, ses précieux conseils qui m’ont marqués durant tout
mon internat.
A monsieur le professeur Olivier Sibony pour cette grande pédagogie de la mécanique
obstétricale aussi bien théorique que pratique.
A monsieur le docteur Thomas Schmitz pour cet apprentissage de l’autonomie (avec
toujours beaucoup d’humour…).
A madame le docteur Constance Borie qui m’a appris l’obstétrique avec beaucoup de
calme, de gentillesse et d’efficacité .Tu réponds toujours présente lorsqu’on a besoin de toi.
A monsieur le docteur Alain Valverde qui m’a appris avec beaucoup de patience et de
pédagogie que le tube digestif est notre ami.
A monsieur le professeur Jean-Noël Hugues pour cette passion de transmettre avec
beaucoup de pédagogie les bases de l’endocrinologie de la reproduction.
A monsieur le docteur André Nazac pour tous ces petits gestes en hystéroscopie qui
facilitent la vie.
A madame le docteur Sandrine Fournet pour son apprentissage de la chirurgie oncologique.
A tous ceux qui m’ont permis de progresser tout au long de mon internat :
F. Isnard-Bogillot, R.Afriat, S.Fichet, F.Toupet, C.Dufour, A.Faux, C.Roussel, A.Bekmezian,
C.Chis, L.Hammou, A.Bourgeois-Moine, H.Mosnier, O.Oberlin, I.Cedrin-Durnerin,
M.Grynberg, C.Sonigo, C.Roche, M.Lesavre, A.G. Pourcelot , D.Fedida, M.V. Sénat,
C.Colmant.
A mes co-internes :
Eva et Annina (anciennes coexternes), bien plus que des cointernes, mais des amies de
toujours. Merci pour votre douce présence et amitié tout au long de ces études de médecine
longues et parfois difficiles …
Félicia et Chloé, deux superbes rencontres au cours de mon internat.
4
Pierre, un collègue exemplaire toujours prêt à aider.
Mais aussi Noémie, Marie-Charlotte, Patrick, Marine, Charlotte, Adélie, Clément, Camille,
Nader, Carole, Valérie, Laure, David, Jessica, Emilie qui avec lesquels j’ai partagé un ou
plusieurs semestres …
A mes amis :
Florence, Stéphanie, Marianne, Annaële, Servane, Ludovic qui m’ont toujours soutenu dans
mes études par leurs paroles et leurs actes.
Eva, Anne, Anaïs, Virginie, Helena, Marion, Annina toujours présentes à mes côtés.
A ma famille :
A mes parents, tout d’abord merci de m’avoir offert tout ce confort. Maman, tu m’as
inculqué la détermination en toutes circonstances, la générosité et les choses essentielles de
la vie. Papa, ta douceur, tes conseils et ton intelligence m’ont guidés tout au long de ces
études. Merci à vous deux pour tout cet amour qui m’a toujours accompagné : enfant,
femme puis maman. Je vous aime très fort.
A Antoine et Annabelle ma fratrie sur laquelle je peux toujours compter et qui a égayé toute
mon enfance.
A mes grands parents Serve décédés aujourd’hui qui dans leurs paroles, actes ou mémoire
m’ont aidé à devenir de ce que je suis. Je leur porte une grande reconnaissance et un grand
respect. Je sais que vous auriez adoré être avec moi en ce jour.
A ma grand-mère Annette, une mamy toujours très fière de ses petits enfants et pleine de
douceur et de force.
A mon mari Frederik, ton amour et ta patience pendant toutes ces années ont été
salvateurs. Tu as toujours été à mes côtés. Tu es un mari formidable, doux et attentionné et
toujours là pour « le meilleur et pour le pire ». Tu es aussi un papa génial qui s’occupe de
son bébé comme un chef. J’adore votre complicité et cet amour. En vous regardant j’oublie
tous mes soucis. Je t’aime au plus profond de moi-même.
5
A mon fils Axel, la joie de vivre! Un beau cadeau qui a pointé son nez pendant mon internat.
Tu es un petit garçon rieur, intelligent et plein de douceur. Tu apportes beaucoup de
bonheur à notre famille. Tu es une des plus belles choses qui soit arrivée dans ma vie. Je
t’aime.
A mes beaux-parents Yolande et André, exemplaires dans leur rôle de grands-parents et de
beaux-parents.
A la famille Cassan, pour m’avoir permis de travailler ma thèse dans un endroit calme
durant mes vacances.
6
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS : ..................................................................................................................... 2
RESUME : .................................................................................................................................... 9
ABSTRACT : ............................................................................................................................... 10
I. INTRODUCTION: ................................................................................................................ 11
1) Epidémiologie ................................................................................................................ 11
2) Embryologie .................................................................................................................. 15
3) Rappel anatomique ....................................................................................................... 17
4) Diagnostique ................................................................................................................. 18
a) Clinique ...................................................................................................................... 18
b) Paraclinique ............................................................................................................... 18
1.Imagerie…………………………………………………………………………………………………………………….19
1-1Echographie…………………………………………………………………………………………………………….19
1-2 IRMpelvienne…………………………………………………………………………………………………………21
1-3 Hystérosalpingographie et hystéroscopie……………………………………………………………….22
2. Coelioscopie……………………………………………………………………………………………………………..23
5) Diagnostique différentiel .............................................................................................. 23
6) Stratégie diagnostique .................................................................................................. 25
7) Prise en charge .............................................................................................................. 25
7-1 Unification à plein de canal de l’hémivagin borgne. .................................................. 25
7-2 Cœlioscopie ................................................................................................................ 26
7-3 Hémihystérectomie .................................................................................................... 26
8) Fertilité .......................................................................................................................... 26
9) Complications obstétricales .......................................................................................... 27
9-1 Fausses couches tardives ............................................................................................ 27
9-2 Accouchements prématurés ...................................................................................... 27
9-3 Césarienne .................................................................................................................. 27
7
9-4 Présentation dystocique ............................................................................................. 27
9-5 Préeclampsie .............................................................................................................. 27
II. MATERIEL ET METHODES .................................................................................................. 28
III. RESULTATS ..................................................................................................................... 30
1) Population ..................................................................................................................... 30
2) Age de découverte ........................................................................................................ 30
3) Circonstances de découverte ........................................................................................ 30
4) Malformations urinaires associées ............................................................................... 31
5) Bilan d’imagerie de première intention ........................................................................ 32
6) Prise en charge chirurgicale .......................................................................................... 32
7) Anatomopathologie ...................................................................................................... 33
8) Endométriose ................................................................................................................ 33
9) Fertilité .......................................................................................................................... 33
10) Complications obstétricales .......................................................................................... 35
a) Taux de césarienne .................................................................................................... 35
b) Prématurité et menace d’accouchement prématuré ............................................... 35
c) Fausse couche tardive ............................................................................................... 35
d) Type de présentation ................................................................................................ 36
e) Cerclage ..................................................................................................................... 36
f) Hémorragie de la délivrance ..................................................................................... 36
g) Préeclampsie ou HTA gravidique ............................................................................... 36
IV. DISCUSSION : ................................................................................................................. 38
Rappel des résultats ............................................................................................................. 38
Points forts de l’étude .......................................................................................................... 38
Points faibles de l’étude ....................................................................................................... 38
Type de malformation utérine et uinaires associées ........................................................... 39
8
Les circonstances de découverte .......................................................................................... 39
Bilan de première intention.................................................................................................. 39
Prise en charge initiale.......................................................................................................... 40
Endométriose ....................................................................................................................... 40
Fertilité .................................................................................................................................. 40
Prématurité ........................................................................................................................... 41
Fausse couche tardive .......................................................................................................... 42
Type de présentation ............................................................................................................ 42
Voie d’accouchement ........................................................................................................... 42
Préeclampsie......................................................................................................................... 42
V. CONCLUSION ..................................................................................................................... 44
Annexe 1 : ................................................................................................................................. 45
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 46
9
RESUME :
Introduction : Le but de cette étude était d’évaluer la fertilité et les complications
obstétricales chez les patientes ayant un utérus bicorne-bicervical.
Matériels et Méthodes : Toutes les patientes prise en charge à l’hôpital de l’Hôtel Dieu puis
au centre intercommunal de Créteil entre janvier 1975 et janvier 2010 pour un hémivagin
borgne ont été incluses. Nous avons exclu toutes les patientes porteuses d’une autre
malformation utérine que l’utérus bicorne-bicervical. Tous les dossiers ont été revus et les
données suivantes ont été relevées : âge, âge du diagnostic, type de malformation utérine et
urinaire associée, les circonstances de découverte, le bilan d’imagerie initial, le type
d’intervention chirurgicale, les complications de la chirurgie, la fertilité, le nombre de
grossesse, le terme et le mode d’accouchement, les complications du post-partum
immédiat.
Résultats : Au total 79 patientes avec un utérus bicorne-bicervical et un hémivagin borgne
ont été incluses. Le taux de grossesse était de 60,9% avec un taux d’enfants vivants de
73,4%. L’adhésiolyse lors de la prise initiale était le seul facteur de risque d’infertilité
retrouvé (p= 0,004). Le taux de fausse couche tardive était de 9,5% et était corrélé de
manière significative à la réalisation d’une chirurgie cervicale (p= 0,05). Le taux de
préeclampsie était de 19% et de 54,3% de césariennes sur 35 accouchements enregistrés.
Une présentation par le siège était observée dans 19% des cas. Le taux de prématurité était
de 33%. Le taux d’hémorragie de la délivrance était de 14,3% et était le plus souvent
retrouvé en cas de syndrome pelvien fébrile lors du diagnostic initial.
Conclusion : L’utérus bicorne-bicervical avec hémivagin borgne est une malformation utéro-
vaginale rare semblant avoir peu d’impact sur la fertilité. Le recours à une adhésiolyse au
cours de la prise en charge initiale semble augmenter le risque d’infertilité. D’un point de
vue obstétrical elles sont à risque d’accouchements prématurés et de préeclampsie. Le taux
de césarienne, dont les indications sont diverses, est très important dans cette population.
10
ABSTRACT :
Introduction: The objective was to evaluate fertility and reproductive outcome in patients
with didelphic uterus and obstructed hemivagina.
Materials and Methods: All patients consulting for an obstructed hemivagina in Centre
Intercommunal de Créteil and Hôtel Dieu universitary hospitals between January 1975 and
January 2010 were included. We excluded patients with other uterine anomalies than
didelphic uterus. The medical charts were reviewed and the following data collected: age at
diagnosis, type of uterine and urinary malformation, initial symptoms, imaging, surgery,
complications, fertility, number of pregnancies, deliveries mode, term of labor and post-
delivery complications.
Results: 79 patients with didelphic uterus and obstructed hemivagina were included. The
pregnancy rate was 60.9% with a live birth rate of 73.4%. Adhesiolysis during the first
surgery was the only factor associated with infertility (p=0.004). Late abortion rate was 9.5%
and was significantly increased with stomatoplasty (p=0.05). Preeclampsy and caesarian
rates were 19.0% and 54.3% among 35 deliveries, respectively. A breech presentation was
observed in 19.0%. The prematurity rate was 33%. A post-partum hemorrhage was observed
in 14.3% and significantly increased in patients who had a pelvic inflammation at initial
examination.
Conclusion: Didelphic uterus with an obstructed hemivagina is a rare uterus anomaly which
seems to have less impact on fertility. Adhesiolysis during the first surgery may increase the
risk of infertility. The preeclampsy, caesarian section and prematurity rates were increased.
11
I. INTRODUCTION:
1) Epidémiologie
Les malformations utérines touchent 1 à 4% de la population générale féminine.
Elles sont découvertes dans différents contextes : aménorrhée primaire, dysménorrhée,
infertilité, métrorragies, fausses couches à répétition, complications obstétricales ou encore
fortuitement (échographie pelvienne, IRM pelvienne…). Il existe différents types de
malformations utérines décrites selon deux classifications celle de Musset (1964) et celle de
l’American Fertility Society (1988) (Tableau 1). Dans cette étude nous nous sommes
intéressés à l’utérus bicorne bicervical ou encore appelé didelphe dans la littérature
internationale. L’association d’un utérus bicorne-bicervical, un hémivagin borgne et une
agénésie rénale homolatérale correspond au syndrome de Herlyn-Werner-Wunderlich.
Dans la classification de Musset l’utérus didelphe ou type III de la classification de l’AFS
résulte d’un trouble de la fusion des canaux de Müller. Les autres anomalies utérines
rencontrées dans ce type d’anomalie de fusion sont l’utérus bicorne unicervical pouvant être
total, corporéal ou fundique. (Tableau 1 et Tableau 2).
Cependant le diagnostique différentiel avec l’utérus cloisonné total résultat d’une anomalie
de résorption type IVa et IVb dans la classification de l’AFS reste encore parfois très difficile.
12
Mécanismes
embryologiques
Classification de Musset (1964) Classification de l’AFS
(American Fertility Society)
(1988)
Aplasie des canaux
de
Müller
Aplasie müllerienne bilatérale
Syndrome de Mayer-
Rokitansky-Küster-
Hauser
Type I
Hypoplasie, agénésie
Aplasie müllerienne unilatérale
Utérus unicorne
Utérus pseudo-
unicorne
Type II
Utérus unicorne
Troubles de la fusion
des canaux deMüller
Utérus didelphe (bicorne
bicervical)
Type III
Utérus didelphe
Utérus bicorne
Unicervical total
Unicervical corporéal
Unicervical fundique
Type IV
Utérus bicorne
Troubles de la
résorption des
canaux
de Müller
Utérus cloisonné
Total
Subtotal
Corporéal
Fundique
Type V
Utérus cloisonné
Type Va
Partiel
Type Vb
Total
Utérus à fond arqué Type VI
Utérus à fond arqué
Hypoplasie utérine Type VII
Utérus DES (Diéthystilbestrol)
Tableau 1 : Tableau comparatif des classification des malformations utérines(1)
13
Figure 1 : Description anatomique des différentes malformations utérines (2)
Par ailleurs certaines malformations utérines sont plus fréquentes dans la population
générale comme le décrit la méta-analyse de Nahum incluant 22 études avec 573,138
patientes retrouvant l’utérus cloisonné dans 34% des cas et bicorne unicervical dans 39%
(Figure 2).
Figure 2 : Répartition des malformations utérine (3)
hypoplasique 4%
bicorne unicervical
39%
bicorne-bicervical
11%
cloisonné 34%
unicorne 5% arqué
7%
14
Une fréquente association à des malformations rénales est retrouvée ayant pour cause un
développement étroit des canaux de Wolff et de Müller lors de l’embryogenèse (1,4). On
observe dans 100% des cas une aplasie unilatérale rénale du côté de l’aplasie müllerienne
(Tableau 2).
A ce jour il n’y a pas d’anomalie chromosomique retrouvée.
Malformations urinaires totales
Dont agénésies rénales
Dont ectopies rénales
Syndrome de Rokitanski
5 à 50% 50% 50%
Aplasies unilatérales totales avec aplasie
incomplète controlatérale
100% 100% du côté de l’aplasie müllerienne
totale
66% du côté de l’aplasie müllerienne
partielle
Utérus unicornes vrais
~ 100% 60% 40%
Utérus didelphes (bicornes bicervicaux
perméables)
10-50% (unilatérale)
100% -
Utérus bicornes bicervicaux avec
hémi-vagin borgne
85-100% 100% du coté de la rétention
-
Utérus bicornes unicervicaux
10-30% 100% -
Utérus cloisonnés 0% - -
Tableau 2 : Pourcentage d’anomalies urinaires associées à des malformations utérines
(1)
15
Figure 3: IRM pelvienne avec présence d’un rein unique (5)
2) Embryologie
En l’absence d’hormone antimüllérienne, les canaux de Müller migrent vers le sinus
urogénital entre la 6ème et 9ème semaine de grossesse tandis que les canaux de Wolff
régressent à l’exception de quelques vestiges embryonnaires (epoophore et paroophore ou
organe de Rosenmüller) au niveau du mésovarium ainsi que des canaux de Gartner au
niveau du vagin (Figure 4 et 5).
Figure 4 : formation de l’utérus fin 8ème
semaine (1)
Figure 5 : Formation de l’utérus vers le
3ème mois (1)
16
Les canaux de Müller donneront naissance à leur partie supérieure non fusionnée aux
trompes utérines et à leurs pavillons. Dans leur partie inférieure au dessous du croisement
avec le ligament inguinal, ils fusionnent et donnent naissance au canal utéro-vaginal entre la
10 et 13ème semaine de grossesse. La cloison médiane se résorbe entre la 14ème et la 17ème
semaine de grossesse (Figure 5). La partie inférieure du vagin dérive du sinus urogénital
(Figure 4, 5). La perméabilisation de la lame vaginale débute vers le 3ème mois pour finir vers
le 5ème mois (Figure 6). L’hymen dont l’origine reste controversée, dérive probablement
d’une invagination passive de la paroi postérieure du sinus urogénital, dont la rupture lors
de la naissance ouvre l’utérus et le vagin dans le vestibule (Figure 6).
Figure 6: Embryogenèse des voies génitales féminines (4) ; (a) et (b) 1: tubercule génital,
2: vestibule, 2a: SUG portion phallique, 2b : SUG portion pelvienne, 3: lame épithéliale
vaginale, 4: périnée, 5 : rectum, 6 : canal utéro-vaginal, 7 : vessie, 8 : urètre ; (e) 2 :
vestibule définitif, 3a : utérus (corps), 3b : utérus (col), 6a :vagin1/4 inférieur
(entoblaste), 6b : vagin 3/4 supérieurs (mésoblaste), 9 : hymen
Voies génitales
féminines vers la
7ème
semaine (a)
Voies génitales
féminines vers la
12ème
semaine (b)
Voies génitales
féminines vers 3
mois (c)
Voies génitales
féminines vers 5
mois (d)
Voies génitales
féminines vers 9
mois (e)
17
Les malformations utérines résultent alors de 3 types d’anomalies lors de l’embryogénèse
(4):
- absence de migration ou migration incomplète des canaux de Müller : responsable
d’atrésie et/ou d’agénésie utérine complète ou non
- défaut de fusion des canaux de Müller : utérus bicorne unicervical ou bicervical
- défaut de résorption de la cloison médiane : utérus cloisonné partiel ou total
3) Rappel anatomique
En cas d’hémivagin borgne, une cloison anormale, épaisse et résistante, partie du massif
cervical entre les orifices cervicaux, se dirige obliquement en bas et en dehors, pour s’unir
sans hiatus à l’une des parois latérales du vagin, à hauteur variable : soit un peu au dessous
du col utérin créant une petite poche peu extensible ; soit plus bas à n’importe quel niveau ;
soit enfin au niveau de l’hymen.
Cette cloison délimite :
- d’un côté, un hémivagin perméable de forme normale, fonctionnel de calibre parfois plus
étroit dans sa partie supérieure.
- de l’autre un hémivagin imperforé, de forme tronconique, toujours situé en position
antérieure et latérale.
Figure 7 : Utérus bicorne bicervical avec hémivagin borgne droit schéma anatomique (6)
18
4) Diagnostique
a) Clinique
La découverte de la malformation utérine a lieu le plus souvent au moment de la puberté
avec les premières ménarches. Une rétention menstruelle se développe faisant bomber la
cloison dans l’hémivagin perméable. Cette augmentation de volume se fait très peu vers le
bas soit le vagin normal. La collection est bridée dans cette région par l’étroitesse et la
rigidité du pelvis, osseux et musculaire. Seule la paroi latérale du vagin normal se laisse
souvent déprimer. La tuméfaction refoule le tissu cellulaire sous péritonéal qui est lâche et
n’oppose qu’une faible résistance à la poussée hématique.
Les circonstances de découvertes de ce type de collection encore appelé hématocolpos plus
sont des dysménorrhées primaires intenses (7) au début unilatérale puis le plus souvent
bilatérales diffuses. A la longue elle fait place à des algies permanentes à recrudescence
cyclique. Elles peuvent s’accompagner de troubles urinaires à type de pollakiurie, dysurie.
Les métrorragies souvent de sang noirâtres peuvent être décrites par les patientes
s’expliquant par la présence d’un petit pertuis au niveau de la cloison vaginale résultat d’une
perforation spontanée de l’hémivagin borgne. L’hématocolpos peut s’infecter du fait de la
stase sanguine (7).
A l’heure actuelle avec le progrès de l’échographie fœtale, il est désormais possible de
découvrir ce type d’anomalies müllerienne en anténatal. En effet elles doivent être
suspectées devant une agénésie rénale unique chez une petite fille lors des échographies du
2ème ou 3ème trimestre (8).
b) Paraclinique
1. Imagerie
1-1 Echographie
En coupe transversale par voie sus pubienne, on retrouve deux cornes utérines
indépendantes parfois asymétriques, la vessie s’insinue entre les deux cornes c’est le signe
du V vésical. A l’échographie pelvienne par voie vaginale nous observons une saillie des
anses digestives sur ce sillon intercornual marqué (>1 cm).
19
Figure 8 : Utérus bicorne signe du V vésicale (9)
1 et 2 - Cornes utérines, 3- vessie, 4- Signe du V vésical
En échographie 3D qui peut être plus ou moins associée à une hystérosonographie, nous
observons une vision anatomique directe. Ici la coupe coronale est fondamentale. Trois
éléments essentiels seront alors analysés : la séreuse avec l’incisure fundique, l’angle entre
les deux cavités supérieur à 90° (Figure 8) et enfin la confirmation de la présence des deux
cols .Il est actuellement l’examen de référence devant sa grande sensibilité et son caractère
peu invasif (10–12).
Figure 9: Utérus bicorne bicervical en échographie 3D (13)
1- Anses digestives, 2- Angle >90° entre les deux cornes
1
1 2
3
2
4
20
Figure 10: Utérus bicorne bicervical avec grossesse monoembryonnaire dans la corne
droite (13)
1-2 IRM pelvienne
Pour l’IRM le protocole classique est une acquisition en pondération T2 dans les trois plans.
Le plan coronal passant par les cavités est indispensable. On retrouve alors cet aspect
anatomique des malformations utérines (Figure 11). Les acquisitions T1 et T1 fat sat sont
utiles pour la recherche des anomalies associées comme l’endométriose. Elle permet aussi
de confirmer l’agénésie rénale (Figure 3). L’IRM est un bon examen pour le diagnostique des
malformations utérines et peu invasif (14). Cependant il est plus cher que l’échographie 3D
et nécessite un opérateur entraîné au diagnostic des malformations utérines.
21
Figure 11: Utérus bicorne bicervical en IRM (5)
1-Cornes utérines, 2- cols des hémiutérus
1-3 Hystérosalpingographie et hystéroscopie
Ces deux examens ne semblent plus nécessaire pour le diagnostique des malformations
utérines. L’échographie 3D et l’IRM, tous les deux moins invasifs, montrent des meilleures
sensibilités et spécificités aux diagnostiques de ce type d’anomalies utérines (10–12). Ces
deux examens ne permettent pas d’analyser les contours utérins. Il est très difficile de
différencier à l’hystérosalpingographie et à l’hystéroscopie un utérus cloisonné d’un utérus
bicorne bicervical. A l’hystérosalpingographie on note en général un angle plus important
entre les 2 cavités dans les cas d’utérus bicorne (Figure 12). Ces deux examens sont souvent
demandés pourtant dans le cadre d’infertilité.
1
1
2
1
1
1
22
Figure 12: Aspect d’utérus bicorne bicervical en hystérosalpingographie (15)
2. Cœlioscopie
En cœlioscopie nous retrouvons deux cornes utérines qui peuvent être plus ou moins liées
entre elles avec présence de deux cols de l’utérus dans le fond vagin après exérèse de la
cloison vaginale borgne. Depuis l’échographie 3D et l’IRM il n’est plus recommandé de
réaliser une cœlioscopie exploratrice systématique devant la suspicion de ce type de
malformation utérine (11). Cependant elle permet d’évaluer le retentissement en amont
chez ces jeunes femmes : l’hématométrie, l’hématosalpinx, les dépôts hématiques
parsemant le péritoine pelvien et secondaire au reflux tubaire du sang menstruel et enfin les
foyers endométriosiques le plus souvent unilatéraux (16).
23
Figure 13: Utérus bicorne bicervical en cœlioscopie sans liaison entre les cornes utérines
(15) 1- Ligament rectovésical
Figure 14: Utérus bicorne bicervical en cœlioscopie avec une liaison entre les cornes
utérines(16)
5) Diagnostique différentiel
Les utérus cloisonnés totaux (type Va selon la classification AFS) sont parfois difficiles à
différencier des utérus bicornes bicervicaux (type III selon la classification AFS). Cependant
cette différenciation est primordiale, la prise en charge de ces patientes étant très
différente. Car contrairement à l’utérus bicorne il est possible de réaliser une section de
1
24
cloison. Cette prise en charge chirurgicale encore parfois discutée améliore le pronostic
obstétricale (diminution du taux de fausse couche précoce et d’accouchement prématuré)
(5). De plus elles n’ont pas les mêmes facteurs de risques d’infertilité, de fausses couches
précoces, de complications obstétricales (17–19). Pour les différencier l’échographie 3D et
l’IRM sont les deux examens de référence (5,11,12,14) . Trois éléments sont à analyser : la
séreuse, la cavité et le col.
Dans l’utérus bicorne-bicervical l’incisure médiane est supérieure à 1 cm (Figure 15), les
cavités sont divergentes et deux cols sont visibles.
Figure 15: Utérus bicorne bicervical en échographie 3D (5)(a- Cavités utérines ,b-Coupe
coronale
Figure 16: Utérus bicorne bicervical en IRM (5)
Incisure médiane
>1 cm
a
b
Col
Cavité
25
Par contre dans l’utérus cloisonné l’incisure médiane est inexistante, les cavités sont peu
divergentes (angle <90°) et il n’existe qu’un seul corps utérin (Figure 17).
Figure 17: Utérus cloisonné en échographie 3D (5)
6) Stratégie diagnostique
Devant une suspicion de malformation utérine chez une adolescente, l’échographie 3D
semble le premier examen paraclinique à proposer après l’échographie 2D faite souvent en
première intention (échographie de débrouillage) et qui doit aussi rechercher la présence de
deux reins dans les fosses lombaires. Si l’échographie 3D n’est pas faisable ou difficile alors
l’IRM peut être proposée qui confirmera la malformation utérine en analysant les contours
utérins via la coupe coronale et l’agénésie rénale. Enfin la cœlioscopie ne paraît pas être
nécessaire à visée diagnostique mais plutôt pour évaluer le retentissement de la pathologie
sous-jacente. Cependant il n’existe pas à ce jour de consensus sur la prise en charge initiale
de ces patientes.
7) Prise en charge
7-1 Unification à plein de canal de l’hémivagin borgne.
Il consiste en une incision de l’hématocolpos par les voies naturelles permettant l’évacuation
de la rétention ; puis une résection complète de la cloison utérine avec l’hémivagin
perméable assurant une unification à plein canal. Ce geste est réalisé le plus souvent sous
une couverture antibiotique.
Certaines équipes ont décrit une résection complète de cloison vaginale par hystéroscopie ,
présentant un avantage certain, notamment chez des jeunes femmes vierges (20).
Absence d’incisure
fundique
Cavités peu divergentes
26
La principale complication à long terme de ce type de chirurgie est la sténose vaginale liée à
la fibrose entraînant une récidive des symptômes. Une équipe a décrit récemment la mise en
place d’un stent « trachéobronchial » sur la portion du vagin restenosée ou sur la résection
incomplète du vagin qui semblait difficile en un temps ; montrant des résultats satisfaisants
à long terme (21).
Figure 18: Résection de la cloison vaginale par hystéroscopie et mise en place d’un stent
trachéobronchial sur le site de la colpotomie à visée préventive d’une éventuelle sténose
secondaire (21)
7-2 Cœlioscopie
Elle n’est plus indiquée pour confirmer le type de malformation utérine sus-jacente
notamment avec l’échographie 3D qui semble plus spécifique (11) ou encore l’IRM. Elle ne
fait désormais plus partie de la prise en charge initiale lors de la découverte de ce type
d’anomalie müllérienne (22). Cependant elle peut être proposée lors d’un doute sur un
retentissement pelvien de cet hématocolpos (hématosalpinx , pyosalpinx ou endométriose)
permettre ainsi un traitement chirurgical précoce (16).
7-3 Hémihystérectomie
Elle doit être réalisée en dernière intention mais elle peut être nécessaire lors d’un
retentissement majeur sur l’hémiutérus en amont de l’hémivagin borgne, des lésions
irréversibles de l’annexe, ou en cas de récidive d’hématométrie sur des sténoses cervicales à
répétition ou des cols hypoplasiques. Elle est aujourd’hui réalisée par cœlioscopie (23).
8) Fertilité
Ces malformations utéro-vaginales sont décrites comme un facteur de risque d’infertilité. En
effet elles sont retrouvées chez 3,5% des femmes infertiles contre 0,17% de femmes fertiles.
(3). Cependant La fertilité de ces patientes reste controversée dans la littérature. Assez peu
27
d’études sont réalisées uniquement sur la fertilité des utérus bicornes-bicervicaux. Une
étude montre que l’utérus bicorne-bicervical serait un facteur de risque d’infertilité (17)
contre d’autres études qui prouveraient le contraire (7,24,25). Une prise en charge précoce
de l’hémivagin borgne serait un facteur protecteur de la fertilité ultérieure fondamental
(7,24,25). Par ailleurs l’utérus bicorne-bicervical ne serait pas un facteur de risque de fausse
couche précoce (1er trimestre) selon les études contrairement à l’utérus cloisonné (17,26).
9) Complications obstétricales
9-1 Fausses couches tardives
L’implication de l’utérus bicorne-bicervical sur le risque de fausse couche tardive est
controversée. Une étude relève un sur-risque sur l’utérus bicorne-bicervical de fausse
couche au 2ème trimestre (17). Alors qu’une métanalyse récente ne montre pas de manière
significative plus de fausse couche tardive dans le groupe utérus bicorne-bicervical (19).
9-2 Accouchements prématurés
L’utérus bicorne bicervical est un facteur de risque de prématurité (17,19,26). Peu d’études
précisent le niveau de prématurité des enfants, l’accouchement prématuré étant considéré
avant 34 SA ou 37 SA selon les séries. Une étude montre cependant que l’accouchement
prématuré de l’utérus bicorne-bicervical serait plutôt situé entre 35 et 36 SA, soit une légère
prématurité (26).
9-3 Césarienne
Le taux de césarienne est très élevé de 70 à 80 % selon les études (17,24,26). Elles seraient
réalisées soit de manière systématique soit en cas de présentation dystocique.
9-4 Présentation dystocique
Les malformations utérines y compris l’utérus bicorne-bicervical sont un facteur de risque de
présentation dystocique (19).
9-5 Préeclampsie
Ce type d’anomalie müllerienne est un facteur de risque aux complications cardiovasculaires
pendant la grossesse comme la préeclampsie ou l’hypertension artérielle gravidique (26).
Elles seraient liées à la présence d’un rein unique (27).
28
II. MATERIEL ET METHODES
Il s’agit d’une étude rétrospective multicentrique. Toutes les patientes ayant consulté pour
avis ou prise en charge pour un hémivagin borgne entre janvier 1975 et janvier 2010 dans les
services de gynécologie-obstétrique de l’hôpital de l’Hôtel Dieu et du centre hospitalier
intercommunal de Créteil ont été incluses.
Les critères d’exclusion étaient les patientes porteuses d’une malformation utérine autre
qu’un utérus bicorne-bicervical (utérus cloisonné et utérus bicorne unicervical).
Le bilan des patientes incluait la réalisation d’une échographie pelvienne +/- d’autres
explorations para-cliniques comme l’IRM, l’hystérosalpingographie ou le TDM abdomino-
pelvien. La prise en charge des patientes était chirurgicale pour la plupart : réalisation d’une
cœlioscopie exploratrice +/- unification à plein canal.
Nous avons revu les dossiers et colligé les informations suivantes :
- épidémiologique : âge, âge de découverte de la malformation, durée de suivi.
- médicales : antécédents, présence de malformation urinaire associée
- les circonstances de découverte : dysménorrhées, syndrome pelvien fébrile qui incluait
pyocolpos, salpingite, et abcès pelvien, métrorragies
- l’imagerie réalisée en première intention
- chirurgicales : date de l’intervention, type d’intervention et les temps opératoires, la
nécessité de transfusion pendant l’intervention, les complications post-opératoires
immédiates et à distance, la date de sortie d’hospitalisation.
- l’anatomopathologie : de la cloison utérine, des nodules réséqués pendant la chirurgie, des
pièces de salpingectomies et hystérectomies.
- sur la fertilité : nombre de grossesses incluant les grossesses évolutives, les interruptions
volontaires de grossesse, les fausses couches spontanées précoces, les fausses couches
tardives, le caractère spontané ou induit (procréation médicalement assistée) des
grossesses, le délai de conception. La raison de l’absence de désir de grossesse chez les
nulligestes
- sur la grossesse et l’accouchement : menace d’accouchement prématuré, terme
d’accouchement, voie d’accouchement, présentation fœtale, complications du post-partum,
présence d’une préeclampsie ou hypertension artérielle gravidique.
29
Toutes les patientes ont été recontactées par courrier et si nécessaire par téléphone pour
répondre à un questionnaire détaillé sur leur fertilité et leur passé obstétrical (Annexe 1) par
téléphone ou par courrier. Le comité consultatif d’éthique Paris X a donné son approbation
pour la réalisation de cette étude.
Le test du Chi2, le test de Wilcoxon ou le test exact de Fischer ont été utilisé selon que les
variables testées étaient catégorielles ou continues. Le seuil de significativité statistique
retenu était une valeur de p ≤ 0,05. L'analyse a été réalisée grâce au logiciel RStudio®.
30
III. RESULTATS
1) Population
Figure 19 : Organigramme de l’étude
Nous avons inclus initialement 87 patientes ayant consulté pour avis ou prise en charge d’un
hémivagin borgne. Quarante-deux des hémivagins borgnes étaient situés à droite et 37 à
gauche. Parmi les 8 patientes exclues pour une autre malformation utérine que utérus
bicorne-bicervical, 7 patientes avaient un utérus cloisonné et 1 patiente un utérus bicorne-
unicervical. Le suivi moyen (SD) de ces patientes était de 16,15 (7.62) ans.
2) Age de découverte
L’âge moyen de découverte (SD) était de 16,6 (4.14) ans, le plus souvent au cours des
premières règles.
3) Circonstances de découverte
Les circonstances de découvertes étaient variées les dysménorrhées étant la plus fréquente
(N=45, 59,2%) avec les ménométrorragies (N=19, 25%) (Figure 20).
87 patientes ayant un
hémivagin borgne
8 patientes exclues
pour une autre
malformation
79 patientes incluses
avec un utérus bicorne
bicervical
31
Figure 20 : Circonstances de découverte de la malformation utérine
4) Malformations urinaires associées
Nous avons observé plus de 97% des patientes (N=73) avec une aplasie rénale homolatérale.
Une dysgénésie rénale (N=2) ou duplicité urétérale (N=2) sur le rein fonctionnel étaient
retrouvées chez 2,6% des patientes (Figure 21).
Figure 21: Malformations urinaires associées.
97,3%
2,6% 2,6%
0,00%
20,00%
40,00%
60,00%
80,00%
100,00%
120,00%
Aplasie rénale Dysgénésie rénale Duplicité rénale
59,2
25 15,7
2,6 2,6 0
10
20
30
40
50
60
70
32
5) Bilan d’imagerie de première intention
L’échographie pelvienne était l’examen de première intention (N= 70, soit 90%) à la suite de
leur première consultation (Tableau 3). Vingt patientes ont eu une IRM pour confirmer le
diagnostique de malformation utérine. Toutes ces patientes avaient eu une échographie au
préalable. Douze patientes ont eu un TDM abdomino-pelvien, parmi ces 12 patientes cinq
ont consulté pour un syndrome fébrile pelvien et le TDM abdomino-pelvien a permis
d’éliminer une urgence viscérale. Chez les 6 patientes ayant eu une hystérosalpingographie,
on note trois patientes infertiles. Enfin l’urographie intra-veineuse (UIV) était demandée lors
de la découverte d’un rein unique à l’échographie ou TDM afin de confirmer le diagnostique.
N=78 %
Echographie 70 89,7 IRM 20 25,6 Hystérosalpingographie 6 7,6 TDM 12 15,38 UIV 10 12,8 ASP 5 6,4 Hystérosonographie/3D 2 2,5
Tableau 3: Bilan d’imagerie de première intention dans ce type de malformation.
6) Prise en charge chirurgicale
Une cœlioscopie exploratrice a été réalisée dans 93,7% des cas et une unification à plein
canal dans 82,2% des cas (Tableau 4). Un drainage de l’hématocolpos a eu lieu chez 26,5%
des patientes. On note par ailleurs que 16,4% de ces patientes ont eu une laparotomie,
12,6% ont eu une hémihystérectomie ; et pour 17,7% des patientes une adhésiolyse per-
opératoire a été nécessaire (Tableau 4).
N=79 %
Cœlioscopie exploratrice 74 93,7% Laparotomie 13 16,4% Unification à plein canal 65 82,2% Hémihystérectomie 10 12,6% Salpingectomie unilatérale 6 7,6% Drainage d’un hématocolpos
21 26,5%
Adhésiolyse 14 17,7% Fimbrioplastie 3 3,7% Stomatoplastie 4 5%
Tableau 4: Gestes chirurgicaux lors de la prise en charge initiale de l’hémivagin borgne.
33
Une patiente a du être transfusée en per-opératoire au cours d’une hémihystérectomie par
laparotomie Les patientes sont sorties en moyenne (SD) 2,6 (2.87) jours après la chirurgie.
Les complications postopératoires représentaient 11,3% des patientes dans notre série (soit
8 patientes). Les complications étaient une bride vaginale dans 42% des cas (N=3), une
pyélonéphrite aigüe et un hémopéritoine repris au douzième jour post-opératoire sur une
hémihystérectomie par laparotomie, une infection de cicatrice de laparotomie (nécessitant
une cicatrisation dirigée), une sténose cervicale, une patiente souffrant de vestibulodynies,
et enfin une patiente ayant eu un saignement d’origine vaginal résolutif rapidement après
mise en place d’une mèche intravaginale.
7) Anatomopathologie
L’anatomopathologie montrait dans 73,4% la présence d’adénose sur une des parois de la
cloison utérine, sans critère de malignité ni de dysplasie. La présence d’endométriose a été
diagnostiquée sur trois prélèvements annexiels, six patientes ont eu une salpingectomie.
8) Endométriose
Au total l’endométriose a été suspectée chez 13 patientes (17,8%). La cœlioscopie retrouvait
chez sept patientes de l’endométriose dont une patiente atteinte d’un stade 4; et chez trois
patientes l’endométriose était suspectée sur l’IRM pelvienne. Le diagnostic
anatomopathologique a été porté seulement chez trois patientes.
9) Fertilité
Le taux de réponse au questionnaire était de 58,2% (N=46) parmi elles 17 (36,9%) étaient
nulligestes en raison d’une absence de désir de grossesse. La moyenne d’âge (SD) de ces
patientes était de 27,6 (6.7) ans, elles étaient toutes étudiantes sans désir de grossesse au
moment de l’étude sauf une patiente de 51 ans mais qui n’avait également jamais souhaité
avoir d’enfant.
Parmi les 46 patientes ayant pu être contactées, 21 patientes (45,6%) étaient fertiles et huit
patientes (17,3%) infertiles. Vingt-huit d’entre elles (60,9%) ont été enceintes. Les causes
d’infertilité étaient diverses : tubaire (N=2), utérine (N=1), cervicale avec des anticorps anti-
spermatozoïdes (N=1) et non explorée (N=2).Cinq présentaient une infertilité primaire et
trois une infertilité secondaire dont les causes n’étaient pas définies. Une patiente infertile
34
n’a jamais eu d’enfant en raison d’un refus de prise en charge de son centre de procréation
médicalement assistée pour risques maternels trop importants.
Six patientes étaient primigestes et nullipares, trois patientes ont fait des interruptions
volontaires de grossesse, une patiente a fait une fausse couche spontanée précoce et pour
trois patientes l’évolutivité du début de grossesse n’a pu être suivie.
En analyse univariée, seule l’adhésiolyse au cours de la chirurgie initiale était
significativement associée au risque d’infertilité (p = 0,004) (Tableau 5).
Fertilité(p)
Hémihysterectomie p=0,26 Laparotomie p=0,60 Salpingectomie p= 1 Syndrome fébrile p= 1
Adhésiolyse p=0,004 Hématocolpos p=0,14 Fimbrioplastie p=0,25 Stomatoplastie p= 1
Tableau 5 : Influence des gestes chirurgicaux et des circonstances de découverte sur la
fertilité ultérieure
Cependant en analyse univariée aucun des gestes chirurgicaux réalisés, n’avait d’incidence
sur la survenue de grossesse chez ces patientes ni sur le nombre d’enfants vivants dans
notre série (Tableau 6).
Grossesse (p) Enfant (p)
Hémihysterectomie p=0,15 p=0,38 Laparotomie p=0,18 p=0,12
Salpingectomie p= 1 p= 1 Syndrome fébrile p= 1 p= 1 Adhésiolyse p=0,38 p=0,55 Hématocolpos p= 1 p= 1 Fimbrioplastie p= 1 p= 1 Stomatoplastie p= 1 p= 1
Tableau 6 : Incidence des gestes chirurgicaux et des circonstances de découverte sur le
nombre de grossesse et d’enfants vivants
Enfin les fausses couches spontanées précoces représentaient 22,4% des 49 grossesses observées (N=11).
35
10) Complications obstétricales
a) Taux de césarienne
Vingt et une patientes ont accouché (45,6%). Sur 49 grossesses on a observé : 35
accouchements, 11 fausses couches précoces, une grossesse extra-utérine et deux fausses
couches tardives. Dix-neuf accouchements (54,3%) ont été réalisés par césarienne et 14 par
les voies naturelles (40%). Deux voies d’accouchements n’étaient pas précisées.
b) Prématurité et menace d’accouchement prématuré
Sept patientes (33%) ont accouché prématurément (<37 SA). Sur les 35 accouchements au
total, 8 étaient prématurés (22,8%). La plus grande prématurité dans notre série était 32 SA
dans deux cas. Une patiente a accouché dans un contexte de travail prématuré et l’autre
dans un contexte de préeclampsie. Un cas de rupture prématurée des membranes à 32 SA
avec un accouchement à 34 SA a été observé. La survie de ces enfants était de 100%. Trois
patientes (14,2%) ont fait une menace d’accouchement prématuré avec nécessité
d’hospitalisation, deux avaient accouché prématurément.
c) Fausse couche tardive
Deux patientes (9,5 %) ont fait des fausses couches tardives à 21 SA et à 24 SA. Elles ont eu
par la suite un cerclage systématique en début de grossesse et ont accouché d’enfants
vivants. En analyse univariée, il existe une association statistiquement significative entre la
stomatoplastie et la survenue de fausses couches tardives (p=0,05).
FCT (p)
Hémihysterectomie p= 1 Laparotomie p= 1
Salpingectomie p= 1 Syndrome fébrile p= 1 Adhésiolyse p= 1 Hématocolpos p= 1 Fimbrioplastie p= 1 Stomatoplastie p=0,05
Tableau 7 : Influence des gestes chirurgicaux et des circonstances de découverte sur la
survenue de fausse couche tardive (FCT)
36
d) Type de présentation
Quatre patientes (19%) ont eu une présentation du siège lors de l’accouchement dont une
sur ces deux grossesses. Nous avons observé cinq accouchements par le siège sur 35
accouchements (14,3%). Aucune présentation transverse n’a été observée.
e) Cerclage
Trois patientes (14,2%) ont eu un cerclage de Mac Donald en début de grossesse : les deux
patientes avec antécédents de fausse couche tardive et une patiente de manière
systématique.
f) Hémorragie de la délivrance
Trois patientes (14,3%) ont eu une hémorragie du post-partum avec nécessité de perfusion
de Nalador et parmi ces patientes deux ont été transfusées. Une de ces patientes avait une
grossesse gémellaire (une grossesse évolutive dans chaque corne utérine). Une autre
patiente avait la grossesse dans la corne homolatérale à l’hémivagin borgne ; et la dernière
patiente dans la corne controlatérale à l’hémivagin borgne. En analyse univariée, il existe
une association statistiquement significative entre le syndrome pelvien fébrile lors du
diagnostic initial et l’hémorragie du post-partum (p=0,02).
Hémorragie du post-partum (HPP) (p)
Hémihysterectomie p= 1 Laparotomie p= 1 Salpingectomie p= 1 Syndrome fébrile p=0,02
Adhésiolyse p=0,27 Hématocolpos p=0,49 Fimbrioplastie p= 0,15 Stomatoplastie p=0,15
Tableau 8 : Incidence des gestes chirurgicaux et des circonstances de découverte sur
l’hémorragie du post-partum.
g) Préeclampsie ou HTA gravidique
On a observé une préeclampsie ou HTA gravidique chez quatre patientes (19%). Toutes ces
patientes ont eu une césarienne et trois d’entre-elles ont accouché prématurément (entre
32 et 36 SA).
37
Figure 22 : Répartition des grossesses et accouchements
2 fausses couches
tardives
3
hémorrag
ies du
post -
partum
49 grossesses
35
accouchements
1 grossesse extra-
utérine
11 fausses couches
précoces
5
sièges
4
préeclam
psies
3
cerclages
19
césarien
nes
14
accouchem
ents voie
basse
8
prématu
rés
38
IV. DISCUSSION :
Rappel des résultats
La majorité des 79 patientes a été prise en charge chirurgicalement : une cœlioscopie
exploratrice dans 93,7% et une unification à plein canal dans 82,2%. Une hémihystérectomie
a été réalisée chez 12,6% d’entre elles. Parmi les 46 patientes qui ont pu être recontactées,
le taux de grossesses était de 60,9% avec 73,4% d’enfants vivants. Le seul facteur de risque
d’infertilité retrouvé chez les patientes porteuses d’un hémivagin borgne avec un utérus
bicorne-bicervical était la réalisation d’une adhésiolyse (p=0,004) lors de la prise en charge
initiale.
Quinze patientes (71,4%) ont accouché par césarienne, réalisée soit de manière
systématique ou en raison d’une présentation du siège (19% des patientes) ou dans le cadre
d’une préeclampsie. Le taux de prématurité était de 33%. Cependant le nombre de fausses
couches tardives restait relativement faible (9,5%). La stomatoplastie était un facteur associé
à une augmentation de fausse couche au 2ème trimestre. Enfin 19% des patientes ont eu une
préeclampsie durant leur grossesse.
Points forts de l’étude
Le nombre de patientes (au total 87) incluses dans notre étude était important compte tenu
de la rareté de cette malformation utéro-vaginale. Un autre point fort était le caractère
homogène de notre population en excluant toutes les patientes porteuses d’une autre
malformation utérine autre que l’utérus bicorne bicervical (N=8). Le suivi de plus de 15 ans
est également exceptionnel. Le taux de réponse de 58% peut paraître faible mais est en
réalité élevé compte tenu du délai entre la prise en charge et l’envoi des courriers.
Points faibles de l’étude
Malgré des courriers et appels téléphoniques nous avons eu de nombreuses patientes
perdues de vue (33/79). Ces patientes ont été opérées le plus souvent très jeunes (mineures
pour la plupart) et ont déménagé, voire changé de nom sans laisser leurs coordonnées à nos
centres. De plus la fertilité de nombreuses patientes (N= 17) n’a pu être évaluée car les
patientes étaient nulligestes sans désir de grossesse au moment de l’étude (le plus souvent
jeune et étudiante).
39
Types de malformation utérine et urinaires associées
Dans notre recrutement initial de patientes (N=87) ayant consulté pour hémivagin borgne
nous retrouvons dans 90,8% des cas la forme classique, c'est-à-dire l’association d’un utérus
bicorne-bicervical, un hémivagin borgne et une agénésie rénale homolatérale (aussi appelé
le syndrome de Herlyn-Werner-Wunderlich). Une autre grosse série (28) comprenant 87
patientes compte 72,4% de forme classique et 27,6% de forme variantes.
Concernant les malformations urinaires associées nos résultats sont concordants aux autres
séries (28).
Aplasie rénale Dysgénésie Duplication urétérale sur le rein
fonctionnel
Notre série
97,3% 2,6% 2,6%
Série Fedele (28) 95,4% 4,5% 5,7%
Tableau 9: Tableau comparatif de la proportion des malformations urinaires associées
au syndrome de Herlyn- Werner- Wunderlich entre trois séries.
Les circonstances de découverte
Les dysménorrhées ou la masse pelvienne (hématocolpos) sont les circonstances de
découverte les plus fréquentes de cette anomalie utérine müllérienne. Dans une autre série
de 12 cas du syndrome de Herlyn-Werner-Wunderlich, dans 92% des cas le diagnostic avait
eu lieu dans les mêmes circonstances (29). Le syndrome pelvien fébrile reste rare dans notre
série (15,7%) et nous retrouvons des chiffres comparables au sein de la littérature (7,29).
Bilan de première intention
Dans le bilan de première intention, il semble désormais que l’échographie 3D soit l’outil de
référence (10–12) pour le diagnostique des malformations utérines. Elle n’a été que très peu
réalisée dans notre étude liée au caractère récent de cet outil. L’échographie 3D est très
utile notamment pour différencier l’utérus bicorne de l’utérus cloisonné (5), ces deux
malformations n’ayant pas le même pronostic obstétrical ni la même prise en charge (19,30).
L’échographie 3D serait plus sensible que l’IRM ou même encore que la cœlioscopie si les
opérateurs n’ont pas l’habitude des malformations utérines (11). L’échographie 3D aurait
moins de faux positifs que dans les autres types d’investigations (Tableau 10).
40
Echo3D Hystéroscopie IRM Cœlioscopie
Utérus bicorne 2 5 7 2
Utérus cloisonné 29 25 24 29
Faux positif du diagnostique d’utérus bicorne
0 3 5 _
Faux diagnostique de la longueur de la cloison utérine
0 0 2 _
Concordance entre l’hystéroscopie ou la cœlioscopie
31/31(100%) 27/31(90%) 24/31(77%) _
Tableau 10: Nombre d’utérus cloisonné et bicornes diagnostiqués avec l’échographie
3DSHG ; hystéroscopie et IRM ; et concordance entre l’hystéroscopie et la cœlioscopie
(11).
Prise en charge initiale
Une prise en charge précoce avec un drainage rapide de l’hématocolpos serait un des
éléments essentiels sur les complications à long terme telles que les dysménorrhées
chroniques, dyspareunies ou encore la fertilité ultérieure (25,29).
Endométriose
L’endométriose pelvienne est liée au reflux menstruel dans la cavité pelvienne lorsque
l’hématocolpos se forme, expliquant la nécessité d’une prise en charge rapide de ces jeunes
patientes et notamment pour leur fertilité. Le taux d’endométriose est de 17.8% dans notre
étude, on observe des résultats quasi-identiques allant de 14% à 16% d’endométriose
pelvienne selon les séries (28,31).
Fertilité
Les malformations utérines sont considérées comme un facteur de risque d’infertilité (3).
Cependant les différents types de malformations utérines ne semblent pas avoir le même
impact sur la fertilité ultérieure de ces patientes, on observe par exemple plus de fausses
couches précoces dans les utérus cloisonnés que dans les utérus bicorne-bicervicaux (19). De
plus certaines malformations ont la possibilité d’un traitement chirurgical comme la section
de cloison dans l’utérus cloisonné contrairement à l’utérus bicorne-bicervical. La fertilité
semble normale : dans une série de 49 cas d’utérus bicorne-bicervicaux, 94% des patientes
41
qui souhaitaient concevoir avaient au moins une grossesse (31). Dans une méta-analyse
récente l’utérus bicorne-bicervical n’était pas un facteur de risque d’infertilité (19). Dans
notre série on relève uniquement 8 patientes infertiles (17,3%) sur les 46 qui ont pu être
recontactées. Le taux de fausses couches spontanées précoces était de 22,4% ce qu’on
retrouve dans la littérature (17). Nous retrouvons l’adhésiolyse (p=0.004) lors de la prise en
charge initiale comme seul facteur de risque d’infertilité de ces patientes, ce qui traduit
certainement un pelvis déjà altéré chez ces patientes. De nombreuses études montrent
qu’une prise en charge initiale efficace et précoce a un impact sur la fertilité de ces patientes
et leurs qualités de vie (dysménorrhées, dyspareunie…) (7,29,32). L’étude de Candiani (32)
montre une amélioration de la fertilité passant de 57% à 87% post-prise en charge
chirurgicale adéquate de ce type de malformation utéro-vaginale. Cette prise en charge
chirurgicale initiale aurait probablement un impact sur un retentissement tubaire
irréversible ou sur le développement d’une endométriose ultérieure.
Infertilité primaire(%)
Infertilité secondaire (%)
Fertile(%) N
Notre série 17,2% 10,3% 72,4% 29
Série Heinonen 13% _ 36
Série Tzialidou-
Palermo & al
15,4% 7.7% _ 13
Série Candiani _ _ 87% 15
Série Raga & al 20,3% _ _ 8
Tableau 11 : Comparaison de nos résultats sur le taux d’infertilité primaire, secondaire
et le taux de fertilité sur les patientes avec désir de grossesse avec les autres séries.
Prématurité
Nous retrouvons une prématurité dans 22,8% des accouchements. En fonction des séries la
prématurité dans l’utérus bicorne-bicervical est variable allant de 20% (24) à 41% (31). Le
terme d’accouchement prématuré variait selon les séries, entre inférieur à 34 SA ou inférieur
à 37 SA. La prématurité la plus importante dans notre étude était de 32 SA. Dans la
littérature la prématurité liée à l’utérus bicorne-bicervical est décrite (19) mais serait plus
souvent une faible prématurité entre 35 SA et 36 SA (26).
42
Fausse couche tardive
Notre étude aurait tendance à confirmer les études récentes que l’utérus bicorne-bicervical
ne serait pas un facteur de risque de fausses couches tardives (17,19), seulement deux de
nos patientes sur 20 ont rencontré cette complication obstétricale (9,5%). Le cerclage de
Mac Donald leur a permis ensuite d’avoir des enfants vivants. A priori un cerclage
systématique de ces patientes ne semble pas nécessaire mais une surveillance accrue en
début de grossesse est conseillée.
Type de présentation
L’accouchement par le siège est observé dans 14,3% des accouchements (19% de nos
patientes), dans 100% des cas une césarienne a été réalisée. Les malformations utérines
sont décrites comme facteur de risque de présentations dystociques, en revanche nous
observons uniquement le siège comme présentation dystocique ce qui est décrit par ailleurs
dans la littérature (18,19).
Voie d’accouchement
Le taux de césarienne est moins important dans notre étude (54,3% des accouchements)
que dans les autres séries publiées allant de 70% à 84% (17,24,26). Elles sont très souvent
réalisées de manière systématique par les obstétriciens devant cette anomalie utérine ou
liées une présentation par le siège plus fréquente dans cette population.
Préeclampsie
La préeclampsie plus fréquente dans cette pathologie utéro-vaginale semble participer au
taux élevé de césarienne. En effet nous observons une préeclampsie dans 19% des cas. Le
risque de survenue de préeclampsie, d’hypertension artérielle gravidique ou de protéinurie
seraient selon la littérature liées à la présence d’un rein unique. Dans une série comparant
un groupe ayant une malformation utérine et un rein unique versus un groupe ayant une
malformation utérine avec deux reins fonctionnels, la survenue d’HTA, préeclampsie ou
protéinurie aurait un risque relatif de 2,33 dans le groupe avec une agénésie rénale (27). Par
contre il n’y aurait pas d’impact sur le nombre d’enfants vivants ni sur le poids de naissance
(absence de retard de croissance intra-utérin) (Tableau 12).
43
Agénésie rénale unilatérale (n=49)
Reins bilatéraux (n=90)
Durée de la grossesse (jour) 263 +/- 25 268 +/- 13
Poids de naissance (g) 2905 +/- 725 3165 +/- 525
<2500g 8 (16,3) 8 (8,9)
Prématuré 4 (8,2) 6 (6,7)
Mortalité périnatale 3 (6,1) 2 (2,2)
RCIU 5 (10,2) 5 (5,6)
Tableau 12 : Complications obstétricales de 19 patientes avec une malformation utérine
et un rein unique versus 44 patientes avec une malformation utérine et deux reins (27).
44
V. CONCLUSION
L’utérus bicorne-bicervical avec hémivagin borgne est une malformation utéro-vaginale rare
semblant avoir peu d’impact sur la fertilité ultérieure. Le recours à une adhésiolyse au cours
de la prise en charge initiale semble être associé à un risque plus important d’infertilité. D’un
point de vue obstétrical, les patientes sont à risque d’accouchement prématuré et de
préeclampsie liée à leur malformation urinaire associée, nécessitant une surveillance accrue
de ces patientes pendant la grossesse. Les fausses couches tardives sont rares, elles
semblent favorisées par la réalisation d’une chirurgie cervicale. Les présentations du siège
sont plus fréquentes dans cette population expliquant en partie le taux important de
césarienne. Des études plus importantes sont nécessaires afin de confirmer ces données.
45
Annexe 1 :
Questionnaire
Nom (nom de jeune fille):
Prénom :
Date de naissance :
1- Désir de grossesse si non pourquoi ?
2- Nombres de grossesses obtenues comprenant les grossesses normales, les fausses
couches précoces (<3mois), les fausses couches tardives (>3mois), les grossesses extra-
utérines :
3- Dates des grossesses :
4- Les grossesses ont elles été obtenues naturellement ou par procréation médicalement
assistée ?
5-Si votre grossesse a été obtenue après une procréation médicalement assistée, qu’elle
était l’origine ?
- trompes utérines bouchées
- insuffisance ovarienne (merci de joindre votre échographie pelvienne du 3ème jour et votre
taux d’AMH)
- masculine (merci de me joindre le spermogramme de votre conjoint)
- avez-vous fait des fausses couches à répétitions ou des échecs de FIV ?
- existe-t-il un trouble de l’implantation ?
6- Dans quelle corne utérine ont eu lieu les grossesses (droite ou gauche) ? Merci de préciser
pour chaque grossesse
7- Y a t’il eu des complications pendant la grossesse du type menace d’accouchement
prématuré, rupture prématurée de la poche des eaux, présentation du siège ou transverse ?
Merci de préciser pour chaque grossesse
8- Avez-vous accouché par voie naturelle ou par césarienne ? Merci de préciser pour chaque
grossesse
9- Y a t’il eu des complications pendant l’accouchement comme une hémorragie de la
délivrance, une déchirure du sphincter anal ou autre ?
46
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50
ANNEE : 2014
NOM ET PRENOM DE L’AUTEUR : GERALDINE DRAY
PRESIDENT DE THESE : MONSIEUR LE PROFESSEUR BASSAM HADDAD DIRECTEUR DE THESE : MONSIEUR LE DOCTEUR CYRIL TOUBOUL
TITRE DE LA THESE : Utérus bicorne-bicervical et hémivagin borgne : fertilité et complications obstétricales
INTRODUCTION : Le but de cette étude était d’évaluer la fertilité et les complications obstétricales chez les
patientes ayant un utérus bicorne-bicervical.
MATERIELS ET METHODES : Toutes les patientes prise en charge à l’hôpital de l’Hôtel Dieu puis au centre
intercommunal de Créteil entre janvier 1975 et janvier 2010 pour un hémivagin borgne ont été incluses. Nous
avons exclu toutes les patientes porteuses d’une autre malformation utérine que l’utérus bicorne-bicervical.
Tous les dossiers ont été revus et les données suivantes ont été relevées : âge, âge du diagnostic, type de
malformation utérine et urinaire associée, les circonstances de découverte, le bilan d’imagerie initial, le type
d’intervention chirurgicale, les complications de la chirurgie, la fertilité, le nombre de grossesse, le terme et le
mode d’accouchement, les complications du post-partum immédiat.
RESULTATS : Au total 79 patientes avec un utérus bicorne-bicervical et un hémivagin borgne ont été incluses. Le
taux de grossesse était de 60,9% avec un taux d’enfants vivants de 73,4%. L’adhésiolyse lors de la prise initiale
était le seul facteur de risque d’infertilité retrouvé (p= 0,004). Le taux de fausse couche tardive était de 9,5% et
était corrélé de manière significative à la réalisation d’une chirurgie cervicale (p= 0,05). Le taux de préeclampsie
était de 19% et de 54,3% de césariennes sur 35 accouchements enregistrés. Une présentation par le siège était
observée dans 19% des cas. Le taux de prématurité était de 33%. Le taux d’hémorragie de la délivrance était de
14,3% et était le plus souvent retrouvé en cas de syndrome pelvien fébrile lors du diagnostic initial.
CONCLUSION : L’utérus bicorne-bicervical avec hémivagin borgne est une malformation utéro-vaginale rare
semblant avoir peu d’impact sur la fertilité. Le recours à une adhésiolyse au cours de la prise en charge initiale
semble augmenter le risque d’infertilité. D’un point de vue obstétrical elles sont à risque d’accouchements
prématurés et de préeclampsie. Le taux de césarienne, dont les indications sont diverses, est très important
dans cette population.
MOTS-CLES :
- utérus -- malformations
- vagin -- malformations
- fécondité
- complications de la grossesse
- hystérectomie
ADRESSE DE LA FACULTÉ DE MEDECINE DE CRÉTEIL : 8, RUE DU GENERAL SARRAIL - 94010 CRETEIL