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U N I V E R S I T E P A R I S – S O R B O N N E
E N A
Ecole des hautes études en sciences de l'information et de la communication
Ecole nationale d’administration
Master Professionnel 2e année Option : COMMUNICATION DES INSTITUTIONS PUBLIQUES
« La communication politique en Egypte sur les crises religieuses entre coptes
et musulmans: Quel rôle pour les médias sociaux (Janvier 2010- Mars 2012)?»
Sous la direction de Madame Françoise Boursin, Professeur des Universités
au CELSA Paris-Sorbonne et
Monsieur Jean-Emmanuel Paillon, Secrétaire général, Service d'Information du Gouvernement
Nom et Prénom(s) : Aly Mostafa Lydia
Promotion : Marie curie 2010- 2012
Option : Communication des Institutions Publiques
Soutenu le :
Mention :
Note du mémoire :
1
"L'Université Paris IV Sorbonne- Nouvelle et l'Ecole Nationale
d'administration n'entendent donner aucune approbation, ni improbation
aux opinions émises dans ce mémoire, elles doivent être considérées
comme propres à leur auteur."
2
Remerciements
__
Après avoir remercié le Bon Dieu qui m'a aidée à commencer et achever ce
travail, je voudrais remercier Madame Françoise Boursin, Professeur des
Universités au CELSA Paris-Sorbonne, pour son soutien et ses remarques
précieuses. Je tiens également à remercier Monsieur Jean-Emmanuel Paillon,
Secrétaire général, Service d'Information du Gouvernement, Monsieur Fabrice
Larat, Directeur du Centre d'expertise et de recherche administrative et
Directeur-adjoint de la formation à l'ENA, et Madame Kim Griffin, Responsable
de la coordination et de l'organisation des masters à l'ENA, ainsi que tous les
membres de l'équipe de l'ENA, dont la collaboration a contribué massivement à
la réussite de ce travail.
En outre, j'aimerai exprimer ma reconnaissance envers Madame Gehan El
Naggar, Conseillère de Presse et d'Information, Mohamed Eldahshan et Islam
Higazi pour leurs idées efficaces et suggestions fructueuses dans le cadre de ce
mémoire.
Nombreux sont mes remerciements à mes parents et ma sœur sans le soutien
de qui, ce mémoire n'aurait jamais vu le jour.
3
Sommaire
Introduction …………………………………………………………………….. 7
Première partie: Etat des lieux actuel des médias en Egypte: Des médias
brulants dans un contexte stagnant……………………………………………. 13
Chapitre premier:
Les médias étatiques égyptiens: entre épanouissement et recul sans
précédent ………………………………………………………………………. 15
1. L’histoire des médias en Egypte: Entre Nasser et Moubarak, des médias
nationaux en tant que porte parole du régime en place…………………. 15
a. Les origines des médias étatiques: des réflecteurs de la situation
politique …………………………………………………………………………. 16
b. L'époque de Sadate: le retour du "made in USA"…………………………..18
c. L'époque de Moubarak et la multiplication des chaines satellites: Vers une
concurrence médiatique régionale…………………………………………… 19
2. Les 3 catégories de presse égyptienne ………………………………… 21
a. La presse nationale…………………………………………………………. 21
b. La presse partisane ……………………………………………………….. 22
c. La presse indépendante …………………………………………………… 22
Chapitre 2: Les médias privés comme sources alternatives d'information: S’agit-il
d'une façade de pluralisme……………………………………………………. 23
1. Phénomène Aljazira: ouvrir l’arène à de nouveaux types d’information et de
communication dans les pays arabes………………………………………. 23
a. L'émergence des chaines d'information en continu
dans le monde arabe…………………………………………………………… 24
4
b. Aljazira et les régimes autoritaires arabes:
Des relations tendues ………………………………………………………….. 25
2. La situation des médias privés actuellement: un pluralisme médiatique à
l'épreuve d'un processus de démocratisation………………………………. 26
a. Les chaines privées égyptiennes: suivre les traces d'Aljazira………….. 26
b. Le modèle interactif présenté par ces chaines pour la première fois en Egypte:
Les talk- shows ……………………………………........................................ 27
c. Les médias privés après le soulèvement populaire
de février 2011…………………………………………………………………… 30
Chapitre 3:
Les contraintes législatives vis-à-vis les médias en Egypte ……………… 31
1. Un cadre juridique flou ………………………………………………………. 31
a. La loi d’urgence: Restreindre les libertés fondamentales……………….. 31
b. Le monopole étatique sur l'impression et la distribution des publications…………………………………………………………………...33
c. La censure en Égypte :L’invisible omniprésent…………………………… 36
Deuxième partie: Les crises religieuses en Egypte et les médias:
Parler de l'interdit ……………………………………………………………… 38
Chapitre 1: Les crises religieuses dans la perspective des médias en Egypte :
L’industrie du fitna……………………………………………………………….. 40
1. Un discours médiatique basé sur le rejet d' autrui ……………………. 40
a. La promotion d'une citoyenneté inexistante…………………………………40
b. Une légère démarcation des médias privés par rapport à
5
ceux étatiques……………………………………………………………………...44
2. Les médias et les crises religieuses dans une perspective comparatiste :
Etude du cas de la couverture médiatique consacrée à l’attentat de Nagaa
Hamadi (Janvier 2010)………………………………………………………… 45
a. La presse étatique nationale…………………………………………. …… 46
b. La presse indépendante privée …………………………………………….. 47
c. Le phénomène des médias religieux……………………………………….. 50
Chapitre 2 :
Etude de l’image des Coptes dans les médias égyptiens :
L’image traditionnelle……………………………………………………………. 52
1. Quelques caractéristiques de la couverture médiatique des crises religieuses
et du dossier copte en Egypte ………………………………………………. 53
a. Une liberté d’expression contrôlée…………………………………………. 53
b. L'absence d'objectivisme et de professionnalisme dans le traitement des
thèmes liés aux coptes ………………………………………………………….54
2. L’image des coptes au cinéma égyptien : La religion est pour Dieu, le cinéma
est pour tous ……………………………………………………………………. 55
a. Des remarques générales……. …………………………………………….. 55
b. Le cas du film : « La sortie du Caire »………………………………. ………58
Troisième partie: La blogosphère en Egypte:
Une nouvelle génération: vers un nouvel avenir pour les médias
égyptiens ………………………………………………………………………. 62
Chapitre 1: La démocratisation de l'accès à internet en Egypte et la genèse des
médias sociaux …………………………………………………………………. 64
1. Histoire de la blogosphère en Egypte………………………………………. 64
6
a. L'introduction de l'internet ………………………………………………….. 64
b. Vers une nouvelle espace publique à l'égyptienne ………………………. 65
c. La genèse des blogs ………………………………………………………… 67
2. Les réseaux sociaux: les pages Facebook et Twitter :
Au service d'une cause digne …………………………………………….. 69
a. Créer un monde virtuel pour changer la réalité ………………………… 69
b. Le cas de Facebook en Egypte …………………………………………….. 71
Chapitre 2: Les médias sociaux en tant que portes paroles des mouvements
d'indignation ………………………………………….………………………….. 72
1. De l'espace virtuelle vers la rue …………………………………………….. 73
a. Les médias et les mouvements sociaux en Egypte:
Un cas de jumelage……………………………………………………………... 73
b. La cause copte et l'instrumentalisation des réseaux sociaux……. ……... 77
c. Sur les massacres de Maspero:
"C'est mieux auprès des martyrs" ……………………………………... ……... 80
2. Les médias sociaux, quel avenir après le soulèvement populaire (Janvier
2011) ……………………………………………………………………………. 84
a. Les médias sociaux sortent de l’espace virtuelle ……………………….. 84
b. Interaction entre médias professionnels et blogosphère ……………… 85
Conclusion ……………………………....…………………………………….. 90
Bibliographie …………………………………………………………………… 94
Résumé…………………………………………………………………………….100
Mots clés………………………………………………………………………….. 102
7
Introduction
Les médias en Egypte tout au long de leurs histoires jouissent d'une
popularité exceptionnelle au sein du monde arabe. Grâce à sa situation
géographique centrale, mais également à ces potentiels en ressources
humaines, l'Egypte a été le berceau de la naissance de la presse dans le monde
arabe. Hautement indépendante par rapport à la Sublime Porte au 17ième
siècle, elle a constitué le lieu privilégié de l'éclosion de la presse qui s'adresse
notamment aux égyptiens mais dont les fondateurs avaient été essentiellement
syro-libanais: Nicola et Bishara Takla, qui ont fondée Alahram en 1875.1
Cependant on a témoigné que la naissance des médias écrits a eu lieu
sur des territoires qui n'avaient pas encore connu les frontières étatiques. Cette
presse a donc trouvé un terrain fertile grâce aux facteurs tel que l'homogénéité
créée par la langue, la culture, le poids de l'histoire et de la culture, ce qui a
rendu possible aux médias, notamment la presse à l'époque de dépasser les
frontières nationales. En effet, la presse panarabe a donc précédé la presse
nationale. Toutefois, il s'agit d’un triple niveau de circulation de l’information dans
le monde arabe. Tout d'abord, il s'agit des médias nationaux. Ensuite, on trouve
les médias internationaux, voire surtout les chaines qui ont des programmes
diffusés en langue arabe tel que la radio britannique "BBC". Enfin, les médias
panarabe (Al Jazira, Alarabia), qui ont joué récemment un rôle important dans la
création d'une opinion publique panarabe. La conséquence est traduite dans la
cristallisation d'une espace publique transnationale, subordonnée à la sphère
politique nationale. Ceci montre que les décisions politiques peuvent être
éventuellement contestées de plus en plus par une opinion politique qui dispose
de l'information en temps réel2. C'est à partir de cette espace publique arabe que
chaque Etat verra sa politique observée, évaluées et jugées. Or, même si les
pays arabes, pour la quasi majorité d'entre eux sont dans la mesure d'employer
1 El Oifi Mohammed, « L'opinion publique arabe entre logiques étatiques et solidarités transnationales », dans, "Raisons politiques", 2005/3 no 19, p. 45-62. DOI : 10.3917/rai.019.0045 2 Eloifi Mohammed, Ibid
8
les moyens de coercition violents pour mater leur population rebelle, seuls les
médias peuvent exprimer ces rebellions. Effectivement, le cas des médias en
Egypte est particulièrement lié à l'évolution sociale, économique et politique dans
le pays. A travers les différentes époques de l'histoire égyptienne contemporaine,
et précisément depuis le coup d'Etat militaire de 1952 et jusqu’à la chute de
Moubarak en Février 2011, ceci a été manifesté clairement. A titre d'exemple,
l'adhésion de l'Egypte de Nasser au camp socialiste dans les années 1950 et
1960 a été répercutée dans le cadre des relations culturelles entre l'Egypte et
l'URSS qui a touche le secteur des medias. Ensuite, les relations stratégiques
égypto américaines, fondées a l'époque de Sadate et la politique de l'ouverture
économique qu'il a entrepris ont été traduites par la multiplication des
programmes et des séries américaines importes des Etats Unis.
Alors qu'elle ait jouit d'un patrimoine culturel unique dans le monde arabe,
et bien qu'elle soit pionnière des médias dans le monde arabe, l’Egypte à présent
se trouve face à une situation de dégradation sans précédente et remarquable
dans la presse et les médias audio-visuels. Pour mieux décrire le champ
médiatique actuel en Egypte, on peut dire qu'il s'agit plutôt d'une libéralisation
sans libéralisme, et d'un pluralisme sans diversité. Elle a donc échoué de
prendre le relais quant aux chaines d'informations. Contraignes par un cadre
juridique flou, et des lois d'urgence répressives, les médias traditionnels en
Egypte ne sont plus de sources fiables ni crédibles d'informations. Dans un tel
contexte, les medias sociaux se sont développés jusqu’à devenir des sources
alternatives d'informations, ainsi que des outils de mobilisation et de
sensibilisation sur les valeurs démocratique et particulièrement celles liées à la
question de la citoyenneté.
Cependant, on constate une reformulation des règles du débat dans les
médias. Il s'agit d'un écart remarquable par rapport à l’ancienne forme
traditionnelle de la communication sur des crises religieuses. Les discours
élitiste, scientifique, voire hiérarchisé ont été cédés au profit d'un autre aspect
basé plutôt sur des récits personnels qui touchent de près le public. Ce fut
9
justement le cas pour les blogs, qui optent pour une approche basée sur
l'observation directe, les expériences individuelles et la narration. "C'est une
reformulation de l'espace public et des rôles assignées aux personnes qui est
opérée. A l'espace public habermassien, fondée sur la prise en compte
raisonnée des points de vue opposées, sur le consensus social et sur la
discussion rationnelle critique, s'ajoute un espace public conflictuel, fondée sur la
négociation, et formée de publics variés, visant un compromis négociée (….)
L'espace public conflictuel ne cherche explicitement qu' à équilibrer les
différences, à faciliter la représentation des moins puissants et à régler les
discours des plus puissants en vue de parvenir à un compromis honnête et
applicable"3. Par ailleurs, ce sont les médias sociaux qui ont réussi à rendre
public les différents mouvements d'indignation qui ébranlent le pays, à la tête
desquels, celui des coptes. On peut dire que toute tentative de "nationalisation"
des médias a été confrontée par l'ouverture d'autre piste d'expression, surtout
avec le développement de communication et l'apport enrichissant de la
blogosphère, qui a pu en quelque sorte discuter des tabous de la société
égyptienne.
Les crises religieuses en Égypte faisaient pour longtemps partie des
sujets dont il fallait éviter la discussion dans l'espace publique. En général, elles
ont commence suite à la montée du courant islamiste depuis la fin des années
1970. Les coptes, c’est-à-dire les égyptiens chrétiens, représentent entre 10 et
15% de la population égyptienne. Alors que le régime égyptien prétend appliquer
le principe de la citoyenneté, ceci n'a été jamais le cas. L'un des problèmes
majeurs qui mettent Etat et coptes en confrontation, c'est la promulgation d'une
loi unique sur la construction des lieux de culte, une promesse jamais tenue par
le régime. En outre, au niveau de la société, les mariages entre coptes et
musulmans sont complètement interdites. Le cas échéant, ceux-ci peuvent
dégénérer sur des affrontements sanglants entre les 2 communautés. La
question de conversion d'une religion à une autre est aussi critique, comme le
3 Maigret Eric, "Sociologie de la communication et des medias", Armand colin, Paris 2010
10
passage du christianisme vers l'Islam est seulement reconnu par l'Etat, mais pas
l'inverse. Ce n'est qu'avec le développement des chaines satellites arabes, à la
tête desquelles Aljazira, ensuite l'évolution de l'usage d'internet, de la
blogosphère et les réseaux sociaux que les abus des droits de l'homme en
Égypte ont été dévoilés. Cependant, la réalité du contexte des crises religieuse
s'est rendue plus claire au niveau régional panarabe, mais aussi national.
L'exemple des crises religieuses entre musulmans et coptes en est témoin. Pour
de longues années et même jusqu'a nos jours, la presse écrites, et les medias
audiovisuels en Egypte, ont été des sources d'informations erronées, non
documentées, même ambigüe sur ce genre de crise qui marquent profondément
le pays.
On s'intéressera notamment à l'époque entre Janvier 2010 jusqu’à Mars
2012. La particularité de cette période critique est notamment les évolutions
politiques, économiques et sociales qu'a témoigné le pays. Il s'agit d'étudier
l'évolution des médias en Egypte, surtout le développement de la blogosphère et
des réseaux sociaux, dans le cadre des bouleversements auxquels le pays est
encore en train de faire face.
A partir de ce qui précède, la problématique qui sera étudiée dans ce
mémoire est: Quel est le rôle joué par les médias sociaux pour couvrir les
crises religieuses entre coptes et musulmans en Egypte? Et dans quelle
mesure est ce que ce moyen de communication basé sur la blogosphère et
les réseaux sociaux, relativement nouveau, a pu devenir le porte parole des
mouvements sociaux et ceux d'indignation, à la tête desquels ceux qui
défendent la question copte en Egypte?
Quelques hypothèses de départ permettent de mieux cerner le sujet:
1. Les restrictions de fait et celles juridico- légales imposées sur les
médias traditionnelles, étatiques mais aussi privés, ont contribué au
développement d'autres ressources alternatives d'information à la tête
desquelles les médias sociaux.
11
2. Alors qu'ils soient conçus plus indépendants et donc transparents par
rapport aux médias étatiques, les médias privés sont contraints par
l'identité de leurs propriétaires. En d'autre terme, le fait qu'ils sont
possédés par des hommes d'affaire, la question des intérêts économiques
et des rapports avec le pouvoir en place se joue dans le cadre de la
couverture médiatique des mouvements d'indignation populaire et
notamment ceux des coptes.
3. A travers une comparaison entre communication sur des crises
religieuses avant et après le soulèvement populaire en Egypte, le champ
médiatique traditionnel n'a pas change. En revanche, la blogosphère et les
réseaux sociaux sont encore en plein épanouissement.
La méthodologie:
La méthodologie employée dans le cadre de ce mémoire est basée sur la
lecture et l'étude des blogs des égyptiens, qui communiquent très souvent sur
des crises religieuses. Il s'agit notamment de: "La conscience égyptienne", animé
par le blogueur et ancien journaliste Wael Abbas, "The traveller within" animé par
Mohamed Eldahshan, "Manal and Alaa bit bucket" du blogueur Alaa Abdelfatah,
et enfin "arab citizen" de Bassem Sabry. Egalement, des entretiens ont été
réalisés avec des spécialistes et chercheurs sur le thème des médias sociaux,
des blogueurs mais aussi des responsables du ministère de l'information,
notamment l'attaché de presse de la mission diplomatique de l'Egypte à Paris.
En outre, une étude approfondie a été menée sur les réseaux sociaux,
notamment des comptes des activistes politiques et des pages des mouvements
sociaux, précisément celles qui portent sur la question copte sur Facebook et
Twitter . Enfin, une comparaison a été menée entre le traitement médiatique de
quelques crises religieuses dans les médias nationaux, privés et sociaux.
Ce mémoire est basé sur la théorie de l'espace public de Jürgen
Habermas, ainsi que celle du texte caché de James Scott. En effet, ces deux
approches permettent de mieux comprendre la reformulation en cours de
12
l'espace publique en Egypte, enrichie davantage par l'introduction des réseaux
sociaux et de la blogosphère dans le champ médiatique. De même, il s'agit
d'examiner le développement d'une nouvelle forme d'expression basée sur la
notion du texte caché, mais plutôt à l'égyptienne. Ce qui a été le cas notamment
des médias sociaux, mais plus récemment dans d'autres formes d'expression
médiatique qui essayent de conjuguer medias privés et réseaux sociaux, comme
c'est le cas de l'émission télévisée politique "Albernameg" (le programme),
animée par Bassem Youssef.
Annonce du plan.
Dans une première partie, on va exposer l'histoire des médias en Egypte
et les lois qui règlent ce champ. Cette partie montrera comment les lois
contraignantes, mais aussi la concurrence imposée aux médias égyptiens, par
l'émergence des chaines d'information arabe, a-t-elle dans un premier temps
contribué à l'apparition des médias sociaux, ensuite le développement de l'idée
des médias alternatifs.
Une deuxième partie sera destinée à étudié l'image des coptes dans les
médias en Egypte et comment celle-ci a été affectée par la situation politique
dans le pays. Une comparaison est établie entre le traitement des crises
religieuses dans les différents types de médias, en s'appuyant notamment sur
des études de cas précis.
Enfin, la troisième partie sera dédiée à l'étude de la blogosphère, son rôle
dans la couverture des crises religieuses entre coptes et musulmans. De même,
la question de l'insertion de ce nouveau type de média, en plein épanouissement
dans la communication politique et la sensibilisation, voire même la mobilisation
des gens en faveur des valeurs de démocratie et de la citoyenneté, est à l'ordre
du jour. Finalement, si le printemps arabe est une révolution 2.0, quel rôle
joueront les médias sociaux pour faire prévaloir les valeurs de l'égalité et de la
citoyenneté, indispensables pour une véritable transition démocratique dans les
sociétés arabes, notamment en Egypte.
13
Première partie:
Etat des lieux actuel des médias en Egypte:
Des médias brulants dans un contexte stagnant
_____
Introduction partielle.
La carte des médias en Égypte à l’heure actuelle parait divisée en 3
catégories. Les médias étatiques nationaux, les médias privés et les journaux de
l’opposition et finalement les médias sociaux.
Cette partie vise à mettre en lumière la situation actuelle des médias en
Égypte, tout en abordant l'évolution historique de la presse écrite mais aussi des
médias audiovisuels, jusqu’à arriver à leur forme et leur catégorisation actuelle.
Effectivement, la question de la censure et des lois qui gèrent ce domaine sont à
étudier.
Toutefois, la question du développement des médias privés en Égypte est
à aborder. Tenant compte du bouleversement qu'a produit la chaine
d'information qatari "Aljazira" dans le contexte médiatique arabe et notamment
celui égyptien, on s'intéressera à examiner dans quelle mesure Aljazira a
contribué au développement des médias privés en Égypte.
Néanmoins, le modèle des médias alternatifs représenté notamment par
Aljazira et les médias privés est encore soumis à des contraintes législatives
majeures. Celles- ci les entravent le plus souvent à aborder des sujets, qui
restent encore tabous. A la tête de ces thématiques, on trouve en premier lieu en
Égypte les crises religieuses entre les Coptes et les musulmans, ainsi que toutes
les questions liées aux chrétiens en égyptiens.
On remarque que la presse nationale monopolisait les statistiques
révélatrices sur le taux de distribution des différents journaux, ainsi que pour le
ministère de l'information, qui détient les statistiques sur le taux de fréquences
des différentes chaines. Néanmoins, les autorités se trouvent gêner de voir des
14
écrivains, journalistes et même des opposants du régime qui ont parfois leurs
propres ressources d'informations et leurs propres statistiques et qui
concurrençaient les autorités gouvernementales.
L'intérêt principal était plutôt d'embellir le régime en place et le présenter
comme le promoteur de la liberté d'expression. Bien que les informations lancées
par les figures de l'opposition dans ce sens aient été mises en cause, il était
quasiment impossible de savoir la réalité de la situation. Donc ceci fut le cas
également pour les taux de chômages, pauvreté, analphabétisme, des
phénomènes frappés par l'absence de pertinentes bases de donnés. Le
maximum qu'a pu apporter la presse nationale dans ce sens, conformément à
leur approche qui consiste à instrumentaliser le partiel, est un ensemble de cas
de figure pour des données et des statistiques détachées de leur contexte
économique, sociale, afin d'embellir la réalité endommagée.
C'est comme si la fin des taux de pauvreté et de chômage sera réalisée
effectivement en publiant des rapports sur 4 millions jeunes égyptiens qui
travaillent dans les investissements privés, or sans rien dire sur leur niveau
social, ni la nature de ces projets d'investissements, c’est comme si les signes
positives du rétrécissement du fossé entre les riches et les pauvres égyptiens
sont liées à l'augmentation de nombre de citoyens qui ont des forfaits de
téléphones portables.4
Enfin, il s'agit donc de démontrer l'impact des contraintes législatives sur
le développement des médias traditionnels en Égypte. De même, on
s'intéressera à voir, dans quelle mesure les médias privés ont-ils introduit de
nouvelles modalités de couverture médiatique, ce qui a eu sans doute ses effets
sur le développement des médias sociaux, plus tard, voire leur montée en
puissance.
4 Dune Michel et Hamzawy Amr, "Le cas de l'Egypte : des leçons objectives de la presse nationales égyptienne" (Media freedom restricted as egyptian parleamentary elections approach), Carnegie endowement for international peace peace, 30 Octobre 2010 (en ligne : http://carnegieendowment.org/2010/10/25/media-freedom-restricted-as-egyptian-parliamentary-elections-approach/2ob6)
15
Chapitre premier: Les médias étatiques égyptiens: entre épanouissement et
recul sans précédent.
Depuis l'époque de Nasser, au début des années 1950, et afin d'affirmer
sa suprématie au monde arabe, l'Egypte a cherché de se présenter en tant
qu'innovatrice de la scène médiatique arabe, et n'a jamais hésité de mobiliser
d'importantes ressources dans le secteur audiovisuel surtout. Néanmoins, et
comme ce fut le cas dans les régimes autoritaires, les médias étaient au service
absolu des dirigeants et de l'idéologie du régime en place. Par exemple, la
télévision égyptienne qui a aujourd'hui plus de 40 ans, mise en place par Nasser,
a adopté une politique socialiste marquée par une réforme agraire et par une
approche développementaliste du secteur public. La télévision a été donc à
l'époque conçue comme un véritable appareil de l'Etat au service d'une
idéologie socialiste. Elle a eu donc une vocation à éduquer le peuple5 .
Au fil des années et suite à la politique de la libéralisation économique
lancée par Sadate, et poursuivie par Moubarak, l’infrastructure de l'industrie
télévisuelle a été développée. A sa création en 1960, le bâtiment de la télévision
Egyptienne Maspero, les premières images de la télévision ont été diffusées le
21 juillet 1960.
"Le programme de la première heure ne laisse aucun doute sur les
intentions de ceux qui les ont inspirés. Lecture de Coran, discours de Nasser à
l'occasion de l'ouverture de l'assemblée nationale, hymne nationale, bulletin
d'informations, le tout clôturé par une nouvelle lecture de Coran"6.
1. L’histoire des médias en Egypte: Entre Nasser et Moubarak, des médias
nationaux en tant que porte parole du régime en place.
5 Guaaybess Tourya, "Les medias égyptiens et l'internationalisation des flux", dans, Battesti Vincent et Ireton François, "L'Egypte au présent: Inventaire d'une société avant révolution", Sindbad, Le Caire 2011. 6 Armand Pignol, "50 ans d'histoire de la radio et de la télévision en Egypte-1934/1984-", dans "Bulletin du CEDEJ, Numéro 21, Semestre premier, 1988, Le Caire
16
a. Les origines des médias étatiques: des réflecteurs de la situation politique.
Alors que dans ces débuts, la télévision égyptienne a produit et diffusé
ses émissions grâce aux nombreux professionnels égyptiens provenant du
cinéma et de la radio. A l'époque elle n'était pas accessible pour tous les
citoyens. Selon l'UNESCO, les estimations prévoyaient 57000 postes de
télévision en 1961. Les premières zones .desservies ont été le Caire et
Alexandrie. Tandis que le reste du pays la verra un peu plus tard. Ce retard
provient en effet de quelques obstacles liés notamment à l'insuffisance
d'infrastructure dans le pays. Le couts d'installation d'un poste de télé étaient
accessibles à une petite bourgeoisie égyptienne qui possédait les moyens
économiques nécessaires.
En revanche, la radio à transistor a été beaucoup plus répandue en
Egypte. Par conséquence, dans les années 1960, sous le régime de Nasser, la
radio a connu une gloire comme elle était conçue comme la porte parole des
autorités en place. Nasser a bien instrumentalisé ce moyen de communication
pour diffuser ses pensées, sa vision par rapport au nationalisme arabe et le tiers
monde plus généralement. "Des profondeurs subliminales de la radio surgit
l'écho résonnant des trompes tribales et des Tam-tam antiques. C'est là
quelques choses d'inhérent à la nature même de ce medium, qui a le pouvoir de
transformer l'individu et la société en une seule et même chambre réverbérant"7
Comme le cas pour la télévision, la radio avait une mission instructrice,
non seulement pour la population égyptienne, mais également pour tout le
monde arabe, puisque la station Sawt Al arab (la Voix des Arabes), a été
accessible pour la quasi totalité des pays arabes, ou elle jouissait d'un succès
énorme.
"Sawt el Arab" a été crée en 1953 à l'heure du nationalisme arabe. C'est
justement où les débats sur les indépendances des pays arabes, qui faisaient l’à
la une de l'époque furent évoqués pour la première fois. "Elle se fit la porte 7 Mcluhman Marshall, "Pour comprendre les medias", Paris, Le seuil, 1968
17
parole de toutes les causes, de celle de Maroc, lors de la déposition par le
gouvernement français du Roi Mohammed V, à celle de l'Egypte en 1956, en
passant par celle de l'Algérie pendant la guerre d'indépendance et de la
Palestine"8. En effet la radio et la télévision étaient des appareils de l'Etat, tous
les deux ont été destinées à promouvoir les décisions post- révolutionnaires,
suite au coup d'Etat de 1952, s'inscrivent dans le socialisme et le panarabisme.
Les années 1960 furent les temps glorieux des médias audiovisuels égyptiens,
qui ont alors connu un succès monumental. D'ailleurs, bien que la production ait
été encore de qualité médiocre, quelques programmes de divertissement et
même des feuilletons et des films en noir et blanc ont été exportés à d'autres
pays arabes9.
La guerre des 6 jours, en 1967 met fin aux ambitions du nationalisme
arabe de Nasser. En 1967, la presqu'ile du Sinaï en Egypte est envahi par
l'armée israélienne, le canal de Suez est bloqué, l'armée de l'air égyptienne est
très vite battue. Le traitement des médias égyptiens à l'époque pour cette défaite
et les informations diffusées en directe depuis le front de combat manquaient
totalement de transparence. La radio de "Sawt El Arab" avait confirmé la victoire
de l'armée égyptienne même jusqu'à la fin des hostilités. Alors que tous les
médias parlaient d'une défaite calamiteuse de l'Égypte, le chroniqueur Ahmed
Said de Sawt El Arab vantait l'armée Égyptienne et les dégâts succombés par
Israël.
Immédiatement après cette guerre, le volume des émissions anglo-
saxonnes à la télévision fut réduit, et la troisième chaine qui les diffusait, a été
supprimée. Cette situation rappelle que la télévision est la porte de l'Egypte,
qu'elle est tributaire, dans une certaine mesure des événements qui jalonnent la
politique extérieure mais aussi intérieur.
8 Boyd Douglas A., "Development of Egypt's radio voice of the arabs under Nasser", dans, "Journalism quarterly", tome 52, Numéro 4, 1975 9 Najar Ridha, "Dans les pays arabes", in collectif, " Les televisions du monde", UNESCO, Paris 1989
18
L'Egypte tourna le dos aux américains et aux britanniques pour renforcer
ses relations diplomatiques avec l'URSS. Le volet culturel des accords égyptien-
soviétique s'est manifesté à la télévision, notamment à travers l'augmentation
substantielle du volume des programmes10.
b. L'époque de Sadate: le retour du "made in USA"
Le socialisme nassérien a trouvé sa fin avec l'arrivée de Sadate au
pouvoir. Celui ci a réussi d'isoler les socialistes, en laissant aux islamistes la
main libre aux islamistes pour contrecarrer les premiers. En outre, il a renoué les
relations stratégiques avec les Etas Unis. Ce geste qui a eu effectivement des
répercussions culturelles sur le plan interne.
Toutefois, depuis 1974, les programmes américains et britanniques ont
été réhabilités et leur volume de diffusion s'est accru. Arrivant à 1978, les
programmes "made in USA" ont constitué 97% des programmes importés par la
télévision égyptienne11. Sous le règne de Sadate, la télévision égyptienne a
connu son âge d'or, comme un processus de rénovation l'a remarquablement
touché. Pour lui, la télévision devait refléter le changement en matière de
politique international. Ainsi, quand les relations diplomatiques ont été rétablies
avec les Etats Unis de Nixon, le volume des émissions importées des Etats Unis
a augmenté.
En outre, l'un des grands apports de Sadate était l'adoption d'une politique
de libéralisation économique, accompagnée d'une volonté d'innovation dans le
secteur médiatique en général. Celui- ci est resté toujours la voix de l'Etat à
l'époque. C'est pourtant dans cette logique que les autorités égyptiennes ont
décidé d'adopter les nouvelles technologies dans ce domaine. Par exemple, en
1977, la décision de convertir les services de production et de diffusion en
couleur au système français (SECAM) a été prise en Egypte, voire 3 ans après
son introduction en France. Par conséquence, il est claire donc que les
10 Gaybess Tourya, Op.cit 11 Op cit
19
investissements affectés par l'Egypte à l'organisme de télévision et aux
dispositifs techniques corollaires ont été, dés l'apparition de ce média, très
importants, relativement à la richesse nationale12.
Or, à partir de 1979, voire la signature du traité de paix égypto israélien,
plusieurs professionnels et experts des médias égyptiens ont quitté l'Egypte, en
signe de protestation contre la politique de Sadate. Par suite, et comme l'Egypte
à l'époque a été mise à banc par tout le monde arabe. L'union arabe de la
radiodiffusion (Arab state broadcasting union- ASBU), situé autrefois au Caire, a
été transférée comme le siège de la Ligue Arabe en Tunisie. Les pays arabes
boycottèrent les productions de la télévision égyptienne, ce qui était d'autant plus
facile que beaucoup de films égyptiens étaient produits à l'étranger, avec des
capitaux privés. Cette situation donna lieu à une surproduction de programmes
qui profita à la demande mais aussi aux détenteurs des capitaux tels que les
banques islamiques notamment13. L'ironie de cette situation est que la télévision
égyptienne a fini par importer des programmes produits par ses anciens
employés14.
c. L'époque de Moubarak et la multiplication des chaines satellites: Vers une
concurrence médiatique régionale.
A partir de 1995, l’Égypte possèdait au moins 8 chaines étatiques
hertziennes, dont chacune correspond à une zone géographique dans le pays.
Leur but était d’assurer des programmes pour les différents types de populations
repartis dans la République. Néanmoins; cette multiplication des chaines
étatiques a été très vite confrontée à la création des chaines satellites
égyptiennes.
La concomitance de ces 2 mouvements antagonistes en apparence
appelle 2 observations. D’une part, parallèlement à l’ouverture et à
12 Guaaybess Tourya, Op cit 13 Elemary Naglaa 1996, "L'industrie du feuilleton televises egyptien a l'ere des televisions transfrontalieres, dans, Revue du tiers monde, Numero 146, Avril- Juin 1996. 14 Guaaybess Tourya, Op. cit
20
l’internationalisation des territoires de réception, se mettent en place des
territoires locaux de réception. D’autre part, la régionalisation des chaines
télévisuelles montre le souci constant de l’État de fidéliser son public en Égypte,
en lui proposant ce qu’on peut appeler des émissions de proximité15.
La guerre du Golfe, marque un moment décisif dans l’histoire des médias
égyptiens et des téléspectateurs. Il est donc important de citer le rôle pionnier de
la chaine américaine: Cable News Network International (CNNI), qui a été à
l’origine d’une des raisons de la propagation des paraboles en Égypte au début
des années 1990. Avec un rythme vivement rapide et des émissions directes à
partir du front du combat. A cette époque, les médias égyptiens étaient devenus
tributaires de CNN en matière d’information16. Pendant la guerre, l’URTE
rediffusait les émissions qui lui ont été offertes par la chaine CNN, en vertu d’un
accord signé entre les 2 éteintes dans ce sens, bien que le style de ces chaines
ait été complètement différent des chaines égyptiennes à l’époque. Cependant,
l’URTE avait décidé de créer la première chaine satellite égyptienne (ESC) en
Décembre 1990, pendant la guerre du Golfe. Elle a été au départ destinée à
diffuser ses émissions pour les troupes égyptiennes situées à Hafr Elbaten en
Arabie Saoudite. Alors qu’au départ, il n’y ait véritablement pas de volonté
explicite de la part des responsables du secteur médiatique égyptien d’être
présent sur le marché régional, l’ESC a continué de diffuser ses programmes,
même après la fin de la crise du Golfe, allant même jusqu’à l’installation d’une
production exclusive pour cette première chaine satellite égyptienne. Les chaines
satellites se sont multipliées en Égypte sous l’égide de l’URTE, jusqu’à 1998 où
a été officiellement lancé le premier satellite arabe « Nile Sat ». Celui-ci a été le
premier satellite possédé par un État arabe et dont le projet de lancement a été
entrepris par le consortium franco- britannique « Matra Marconi Space »17. Cet
achèvement a été précédé par l’inauguration de la cité média (Media city), un
15 Guaaybess Tourya, “Les médias égyptiens et l’internationalisation des flux”, dans Battesti Vincent et Ireton François, “L’Egypte au présent: inventaire d’une société avant révolution”, Sindbad, le Caire, Avril 2011 16 Guaaybess Tourya, Ibid 17 Alahram weekly, “Nile sat inorbit soon”, 8 Janvier 1998
21
complexe destiné à la production télévisuelle et cinématographique. A sa
création, il était prévu d’y produire annuellement environ 5000 heures de
programmes télévisés. Les fonds investis pour la construire s'élevaient à 1.5
milliards de Livre Égyptiennes. Media city et Nile Sat, sont donc à l’époque,
perçus comme des progrès spectaculaires qui a marqué l’entrée de l’Égypte au
21ième siècle, avec une grande confiance dans ses capacités médiatiques en tant
qu’un État pionnier qui cherche à affirmer son identité arabe18.
Marquées par un esprit dynamique et libéral, les chaines satellites
égyptiennes sont une nouvelle génération des médias. Or, le fait qu’elles avaient
plutôt choisi un contenu de divertissement au détriment d’une communication
transparente en matière d'informations, a mis en cause leur capacité d’entrer en
compétition avec d’autres chaines arabes, tel qu’Aljazira, qui mettait en lumière
la réalité de la situation politique, économique et sociale en Égypte.
2. Les 3 catégories de presse égyptienne.
Les journaux en Egypte sont divisés en 3 catégories. D'abord, il s'agit de
la presse nationale, c'est à dire, celle dépendante directement de l'Etat. Ensuite,
on parle d'une presse partisane, qui est officiellement conçue comme la porte
parole des partis politiques respectifs. Enfin, celle qui vient de voire le jour tout
récemment c'est la presse indépendante.
a. La presse nationale: Celle- ci est créée officiellement à partir de 1954.
Avec l'arrivée de Nasser au pouvoir une redéfinition de l'offre journalistique a vu
le jour. L'un des piliers de son régime autoritaire consistait justement à faire table
rase avec tous les organes de presse qui existaient auparavant et qui
représentaient une opposition plausible à sa doctrine. Les 3 journaux qui
incarnent, jusqu'à nos jours, cette presse nationale sont: Alakhbar, Alahram, et
Algoumhoureya. Chacun d'entre eux appartient notamment aux grands groupes
médiatiques, qui se partagent entre eux les différentes activités indispensables à
l'industrie de la presse, tel que l'impression, la distribution et même la publicité. 18 Negus Steve, “Media management”, dans, Middle East International, Numéro: 574, Mai 1998
22
Dans le cadre de ce qui précède, il est important de noter que l'Etat
possède des actions de chacun des groupes journalistiques mentionnés là
dessus. Leurs rédacteurs en chef respectifs sont nommés par les autorités
égyptiennes, ce qui met en cause leur indépendance professionnelle.
b. La presse partisane: En 1976, Sadate instaure le multipartisme en Egypte,
une libéralisation progressive s'installe dans le pays après le règne dictatorial de
Nasser. Toutefois, avec la création des partis politiques, ceux ci ont été donc
autorisés par le pouvoir en place de créer chacun son propre organe de presse
respectivement, ce qui a entamé donc la presse partisane en Egypte. Parmi les
journaux partisans les plus célèbres: Alwafd, Alahrar, Altagamoo, chacun d'entre
eux porte le nom du parti politique qu'il représente. Cependant, il convient de
préciser que les partis de l'opposition reçoivent des subventions de la part du
gouvernement en place et parfois même des fonds étrangers19. Ils fournissent
une matière informatique plus riche et plus transparente en terme de violation
des Droits de l'Homme par exemple, sans pour autant dépasser les lignes
rouges imposées par les autorités égyptiennes. Néanmoins, cette expérience
naissante d'une presse d'opposition a fait face à une sévère volte face en fin du
règne de Sadate. Face à l'opposition de cette presse partisane à la signature du
traité de paix entre l’Égypte et Israël et donc la multiplication des voix qui
critiquaient les politiques de Sadate, celui- ci a procèdé donc à suspendre les
journaux des partis politiques, comme mesure pour museler toute voix dissidente
par une politique d’incarcération qui culmine en Septembre 1981 par l’arrestation
de plus de 1500 journalistes et intellectuels de l’opposition 20.
c. La presse indépendante : A partir de la fin des années 1990, la presse
indépendante, totalement financées à travers des capitaux privés voit le jour. Au
premier coup, on perçoit un ton plus libéral de critiquer le régime en place par
rapport à la presse nationale. L’une des raisons essentielles qui justifieront cette 19 Ibrahim Nada, Lachant Aurelie, Nahas Lara, "NGOs as civil society actors on media policy change in Egypt: Capacity building within a contextual framework", London school of economics, developement studies institut, 6 May 2003 20 Klaus Enrique, « La presse à l’épreuve des weblogs », dans, « Battesti Vincent et Ireton François, « L’Egypte au présent : inventire d’une socilété avant révolution, Sindbad, Le Caire, Avril 2011.
23
tendance réside dans le financement indépendant des ressources étatiques
d’une part, mais aussi par ce que les propriétaires de ces institutions privées
sont en premier lieu des hommes d’affaires, loin du jeu politique traditionnel.
Donc, ce qui les intéresse c’est d’abord les recettes réalisées des ventes et des
distributions et donc, ces responsables sont à la recherche de la qualité
distinguée de l’offre médiatique pour maximiser leurs profits. Les exemples les
plus proéminents de ces journaux sont : Almasry alyoum (l’égyptien aujourd’hui),
Aldostour (la constitution), Alshorouq (la levée), Alfagr (l’aube), Altahrir (la
libération) et Alyoum el sabee (le septième jour).
Chapitre 2: Les médias privés comme sources alternatives d'information: S’agit-il
d'une façade de pluralisme?
Depuis le début des années 2000, la scène médiatique arabe a témoigné
l’émergence de nouveaux types de chaines satellites. Il s’agit notamment des
chaines d’information en continu. Les modèles pionniers de ces médias
alternatifs sont en premier lieu Aljazira, avec ces chaines filiales d’actualité
thématiques : Aljazira documentaire, Aljazira de l’Egypte, Aljazira sport. En
Egypte, le lancement du Nile sat et la multiplication des chaines satellites étaient
en train de se développer surtout en matière de divertissement. Le contexte local
des médias en Egypte semblait il incapable de concurrencer avec l’abondance et
la qualité de l’offre médiatique des chaines arabes. Avec des émissions
exclusivement dédiées aux informations et aux analyses des évolutions de
l’actualité internationale, ces chaines ont été massivement suivies par les
égyptiens.
1. Phénomène Aljazira21 : ouvrir l’arène à de nouveaux types d’information et de
communication dans les pays arabes :
21 Lancée en 1996, elle a affirmé sa présence sur la scène médiatique arabe lors de la guerre d’Afghanistan. Elle est basée au Qatar et possédé par «le « Qatar Media Corporation », établissement public, possédé par le gouvernement qatari
24
a. L'émergence des chaines d'information en continu dans le monde
arabe:
« L’absence totale de législation pour le secteurs et conséquemment, le
flou des critères d’octroi de licence font le lit des hommes d’affaire proches du
pouvoir souhaitant investir dans les médias et participent en cela davantage au
processus de privation de l’Etat qu’à celui de la démocratisation et de l’espace
médiatique »22.
Depuis le début de la guerre d’Afghanistan en Octobre 2001, la chaine
d’information Aljazira jouissait d’une immense popularité dans le monde arabe.
Celle- ci est conçue comme une source directe d’information qui a réussi à
combler le vide laissé par des médias égyptiens non libéraux. Les médias
alternatifs sont donc des sources d’information plus transparentes et dont les
informations sont plus crédibles et fiables. Leurs valeurs tendent à développer
plutôt un climat favorable à l’épanouissement de la démocratie participative et de
la mobilisation citoyenne.
Aljazira a émergé dans une époque critique pour les régimes autoritaires
arabes. Elle était donc considérée en tant que porte parole des citoyens arabes.
« Aljazira est le phénomène médiatique le plus crucial qui a marqué le monde
arabe depuis l’invention de la télévision »23. Depuis sa création, Aljazira a fait
une révolution dans les médias en langue arabe surtout. Au bout de quelques
années, la chaine qatarie est devenue, désormais, la plus suivie par les arabes,
comme elle jouissait récemment de 35 millions de téléspectateurs arabophones
quotidiennement. Après les évènements du 11 Septembre, Aljazira a diffusé un
vidéo d’Osama Ben Laden et ses collaborateurs. C’était un moment historique
car Aljazira était donc pionnière de s’intégrer dans des zones de turbulence en
Afghanistan, ce qui signifie que le marché des médias n’est plus uniquement
22 Lamloum Olfa, “La restructuration de l’espace radiophonique arabe: Palestine, Liban, Syrie, Jourdanie et Egypte, », Institut Panos, Paris, Janvier 2006 (en ligne : http://omec.uab.cat/Documentos/dades_med/0072.pdf) 23 Alnawawy Mohamed, Iskandar Adel, “Aljazieera: How the free arab news network scooped the world and changed the Middle East2? “, 1ère édition, Massachusets, 2002
25
dominé par les Etats-Unis. Donc, comme le point de départ de la chaine CNN
était la guerre du Golf, la guerre d'Afghanistan l'était pour la chaine d'Aljazira.
b. Aljazira et les régimes autoritaires arabes: des relations tendues
Autre aspect de ce genre de média alternatif et qui a été incarné par
Aljazira. Il s'agit justement du lien entre ces médias alternatifs et les mouvements
sociaux. Dorénavant, ces groupes d'activistes dans le champ politique sont les
véritables fournisseurs des informations sur les réformes en cours dans le
monde arabe. "En comparant avec d'autres institutions médiatiques, Aljazira a
introduit le rôle du citoyen journaliste dans le cadre de ces émissions et
programmes pour la première fois dans le monde arabe. Alors que dans les
autres zones géographiques cette approche n'ait pas été employée par la chaine
qatarie, on voit bien que ceci ne fut pas sa stratégie permanente et qu'un certain
degré de professionnalisme est maintenu24.
Dans ce sens, peut-on définir les médias alternatifs comme les
fournisseurs d'informations qui adoptent une approche différente de celle
employée normalement par les médias de masse. D'ailleurs, quelques analyses
mettent en lumière le terme d'altérite pour essayer de mieux comprendre le
phénomène d'Aljazira. En effet, des études ont montré que les récits peuvent
être des sources fiables des informations et de communication. D'autres
analyses trouvent que l'altérité est un moyen pour la promotion du
multiculturalisme. En effet, les récits, bien qu'ils donnent impression au départ
d'être sans grande importance, ils peuvent être fructueux et avoir un impact dans
le discours dominant.
Dans le cadre de ce qui précède, Aljazira incarne l'exemple de média
alternatif dans la mesure où cette chaine a donné voix aux citoyens arabes, à
leurs aspirations ainsi que les mouvements sociaux et les partis de l'opposition.
24 Iskandar Adel, "Is Aljazira alternative mainstreaming alterity and assimilating discourses of dissent", in Transnational broadcasting studies, Volume 1, Numero 2, imprime en Egypte, 2005 (en ligne: http://books.google.fr/books?id=2bEJAiIDhiEC&printsec=frontcover&hl=ar&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false)
26
A travers son slogan adopté: 'L'opinion et l'autre opinion", elle tend donc à, non
seulement donner la parole aux responsables au pouvoir dans le monde arabe,
mais surtout aux téléspectateurs. Cette approche de pluralisme permet de faire
la comparaison entre pouvoir et opposition politique, longtemps dans l'oubli.
Dans les pays arabes, mais surtout en Egypte. Aljazira a brisé le silence gardé
par rapport aux sujets tabous, notamment ceux liés à la situation interne, parmi
lesquels les sujets des coptes en Egypte. Elle a donc instauré un processus de
libéralisation du discours médiatique arabe, afin de refonder l'espace public
arabe, tout en mettant fin à la maitrise de l'information par le régime en place25.
2. La situation des medias privés actuellement: un pluralisme médiatique à
l'épreuve d'un processus de démocratisation.
a. Les chaines privées égyptiennes: suivre les traces d'Aljazira
L'émergence des médias privés en Egypte coïncide avec un
bouleversement du contexte internationale qui a eu ses répercussions majeures
sur la situation interne. Par médias privés, on désigne la presse écrite, et les
médias audiovisuels qui ne sont pas possédés par l'Etat, mais par des
organismes privés. Le plus souvent, dans le cas de l'Egypte, leur propriété
revient à des hommes d'affaire. En effet, à partir du début des années 2000, les
attentats du 11 Septembre 2001 ont suscité une nouvelle politique étrangère
américaine, surtout envers le monde arabe, conçu comme le berceau de
l'extrémisme et du fondamentalisme religieux. Cette zone où les citoyens de
chaque pays respectivement, souffre des régimes autoritaires caractérisé par
l'absence de transparence. L'instauration de la démocratie est devenue donc le
cible visé par l'administration de l'ancien président américain George W Bush.
L'Egypte n'était pas épargné de subir des pressions pour les réformes
politiques en Egypte. Celles- ci se sont traduites par des mesures de façade,
mais surtout par la multiplication des médias privés et le développement de la
25 El Oifi Mohammed, « L'opinion publique arabe entre logiques étatiques et solidarités transnationales », Raisons politiques, 2005/3 no 19, p. 45-62. DOI : 10.3917/rai.019.0045
27
nouvelle technologie de l'information et notamment la promotion de l'usage
d'Internet.
En outre, comme le modèle d'Aljazira a présenté un exemple d'une
communication interactive, dynamique et loin des formes traditionnelles encore
employées par les chaines égyptiennes, hertziennes mais aussi satellitaires, les
nouvelles chaines privées ont pris Aljazira comme exemple. En instaurant les
talk -shows interactifs, les médias privés en Egypte sont encore en pleine
épanouissement. Or, il s'agit d'un cadre de censure instauré par les autorités
étatiques à ne pas franchir par quiconque, notamment sur le traitement des
sujets des crises religieuses et de la situation des coptes.
Les programmes d'information télévisés offerts par ces chaines privées
jouissent d'une notoriété accrue et sans précédente en Egypte. En effet, les
égyptiens suivent de près ces chaines, presque tous les jours pour se tenir au
courant des actualités politiques, accompagnées d'habitude par des analyses
intéressantes26.
Ces chaines attirent donc davantage des publics téléspectateurs, même si
le taux d'accessibilité des chaines hertziennes demeure encore le plus important,
voire, 95% de la population.
b. Le modèle interactif présenté par ces chaines pour la première fois en Egypte:
Les talk- shows.
La nouveauté apportée par les médias privés en Egypte fut en premier
lieu, les programmes interactifs appelés "Les talk shows". Ces derniers sont
conçus, depuis leur émergence comme la première source d'informations pour
les téléspectateurs égyptiens. Les exemples des Talk Shows populaires en
Egypte sont nombreux. La chaine On TV, dont le propriétaire est l'homme
d'affaire copte et très célèbre "Naguib Sawarias", aussi actionnaire important
26 Iskandar Adel, "Free at last? Charting Egypt's media post- Mubarak. Part1", in Jadaliyya, le 19 .12.2011. (en ligne: http://www.jadaliyya.com/pages/index/3641/charting-egypts-media-post-mubarak-(part-1)
28
dans le journal Almasry alyoum. Celle-ci offre à ses téléspectateurs deux talk
shows très connus et suivis par la grande majorité. Il s'agit notamment de
l'émission "Notre Pays à l'égyptienne", animé par la jeune Rim Maged. Ensuite,
on note "Le dernier mot", présenté par le chroniqueur Yousri Fouda.
Ces dernières émissions quasi- quotidiens (sauf les Week-end), offrent
pour leur public une dose d'informations sur toute l'actualité en Egypte , parfois
même accompagnée de vidéos et de photos. Pour les égyptiens dans les
provinces, ils leur fournissaient une matière dense sur les manifestations,
devenues une pratique journalière par les mouvements sociaux, qui se déroulent
au centre ville cairote. Tandis que pour leurs compatriotes résidents à la capitale,
ces programmes diffusaient des reportages sur la situation dans les provinces,
surtout en matière de crises répétées des besoins alimentaires, et des
ressources énergétiques.
Peu de chaines couvrent médiatiquement les évènements dans les
gouvernorats à l'extérieur du Caire. En effet, la question de la propriété de ces
chaines privées demeure centrale. En d'autre terme, les hommes d'affaire qui
possèdent ces chaines se montrent réticents de mettre en lumière les émeutes
des ouvriers, par crainte que ça affecte leurs entreprises et leur conjoncture en
général. La plus importante de celles ci était celle des ouvriers de l'usine de
textile à Mahala Elkobra. Par suite cette tendance élitiste, bourgeoise œuvrant
pour garder ses intérêts économiques, demeure un obstacle professionnel dans
ces médias27. Ce fut le cas notamment pour Ontv et son propriétaire Naguib
Sawiras, égyptien chrétien. Cette tendance est encore omniprésente pour les
questions coptes, où la crédibilité et la transparence d'Ontv est souvent en
question.
Parmi les compétiteurs d'Ontv, on trouve le réseau des chaines Dream TV
possédé par l'homme d'affaire Ahmed Bahgat. A travers son talk show
"10:00pm", animé par Mona El Shazli, il a conqui une espace médiatique par les
27 Iskandar Adel, " Free at last? Charting Egypt's media post Moubarak", dans, " Jadaliyya", Ibid
29
analyses fournies par les politistes, journalistes. Ce programme a accueilli des
figures proéminentes dans la vie politique égyptienne, tel que Al Baradei, Ahmed
Zoueil, et aussi le président américain Obama. Ce programme a été le premier à
introduire cette forme de dialogue interactif, par appel téléphonique, ou parfois
même par message électroniques, entre les téléspectateurs et l'invité sur le
plateau. Par les chaines privés également, on note celle "Al mehwar", qui
appartient à Hassan Rateb, l'un des hommes d'affaires les plus riches en Egypte,
ainsi qu' Al Hayat, CBC qui est financé par Moahmed Amin Said, connu par ses
liens avec l'ancien régime de Moubarak, alors que cette chaine satellitaire ait été
lancée au cours de l'année 2011, voire suite au départ de Moubarak.
Bien qu'ils soient déjà très en vogue et en développement progressive,
l'authenticité des médias privés a évolué davantage à la suite du soulèvement
populaire en Egypte de Février 2011. Non seulement en terme du fond qu'ils
offrent, alimenté par une actualité politique, économique et sociale en continue,
mais également leur nombre est en multiplication dorénavant. Dans ce contexte,
la chaine "Al tahrir" a fait émergence. Elle fut le fruit d'une collaboration entre des
figures de production médiatiques ainsi qu'intellectuels faisant partie de
l'opposition du régime de Moubarak, tel que le journaliste Ibrahim Issa, incarcéré
à l'époque de Moubarak à cause de ses opinions et articles médiatiques très
critiques envers le régime.
Pourtant, à l'époque actuelle, cette chaine est distinguée par ses matières
et émissions très critiqués pour le Conseil des forces armées, par rapport à ces
anciens compétiteurs. Quant au format des talk shows dans les médias arabes,
surtout, on constate que leurs apports dans l'opinion publique dans le monde
arabe est incontestable. Ces programmes, suivis le plus souvent par un large
public, offre l'accès à des populations traditionnelle qui ont été souvent exclus du
débat publique tel que les opposants politiques, les ouvriers, les figures
proéminentes, des mouvements sociaux protestataires, et les coptes qui peuvent
dorénavant exprimer leurs problèmes en tant que minorité religieuse.
30
L'accès des populations traditionnellement exclues de l'espace public, incluant
aussi les minorités sexuelles, ethniques, s'effectue par témoignage, le compte
rendu anabolique, qui loin d'appauvrir les débats, en renforce la complexité".
Alors que les médias privés aient joui d'une marge de manœuvre
relativement plus large en termes de liberté d'expression avant le soulèvement
populaire en Egypte de janvier 2011, la donne n'a pas complètement changé.
Toutefois, la communication sur les crises religieuses entre coptes et musulmans
est restée un tabou. Par suite, ces médias ne sont pas complètement libres ni
indépendants. Ils sont possédés par des hommes d'affaires qui ne s'intéressent
qu'à maximiser leurs chiffres d'affaire. Les autorités militaires possèdent donc
dans ce sens un outil de pression vis à vis les propriétaires des chaines, ce qui
met en cause, à son tour leur intégralité et leur liberté d'expression, selon
Hossam El Hamalawy, un activiste des socialistes révolutionnaires28.
Les exemples sur ceux qui précédent sont nombreux, et il s'agit de même
du cas de la chaine al Hayat, qui appartient Alsayed Al Badawy, l'un des plus
grand figure médiatique et aussi chef du parti politique " Al Wafd", qui se montre
toujours prêt à marquer des accords avec le régime en place, au moment où ça
lui semble opportun, a souligné Alhamalawy29. Il est à noter qu’El Badawy est
pointé de doigt d’être impliqué dans des accords soupçonnés avec les autorités
médiatiques, ayant rapport avec le fait de racheter les journaux privés
d'opposition connus par leurs tons critiques assez fort, afin de les adapter aux
nécessités du contexte omniprésent. Il fut donc manipulé par les médias
étatiques dans ce sens. Ce fut le cas notamment avec son implication dans
l'affaire du journal "Al dostour, dont l'un de ses écrivains était Ibrahim Issa, un
opposant au régime Moubarak.
c. Les médias privés après le soulèvement populaire de février 2011.
28 Source: Entretien : the current media landscape in Egypt: Ain shams university wil Hossam Al Hamalawy/ Jadaliyya.com...21/2/2012 29 Source: Entretien, Al Jadaliyya/Op.Cit.
31
Toutefois, depuis février 2011, 16 nouvelles chaines privées ont été
lancées après avoir reçues les autorisations nécessaires du pouvoir militaire. Or,
depuis septembre 2011, ce ne fut plus le cas, vu que les autorités étatiques ont
arrêté d'en octroyer davantage. Ceci peut être justifié par l'activité croissante des
médias privés, qui, désormais, investissent dans l'envoie des équipes d'enquête
sur les terrains des différents événements, tout en essayant de collecter les
informations, interviewer les victimes, diffuser des vidéos sur la violence
employée par les militaires contre les manifestants des militaires.
A nos jours, quoi qu'il arrive dans les rues influence les marges de liberté,
surtout ceux dont jouissent les médias étatiques. En général, les pressions sont
exercées par la rue envers le gouvernement, à travers les grèves, les émeutes,
les manifestations, Dans le contexte de nouvelles frontières d'indépendance pour
les journalistes est en train de s'élargir.30
Chapitre 3: Les contraintes législatives vis-à-vis les médias en Egypte.
En effet, la liberté d'expression en Egypte est limitée par un certain
nombre de lois restrictives. Celles-ci peuvent être soit dans le cadre de la
constitution, soit dans le cadre des lois d'urgence qui donne la possibilité aux
forces de l'ordre, et plus largement au pouvoir exécutif de réprimer la liberté
d'expression au nom de l'intérêt général.
1. Un cadre juridique flou
a. La loi d’urgence: Restreindre les libertés fondamentales
Il s’avère important de noter que toute discussion sur les médias et même
la société civile doit être jumelée par l'état d’urgence. Ce dernier est en effet, une
contrainte majeure à la liberté d’expression et d’association. Toutefois, cet état
d’urgence, avec ses lois exceptionnelles sont déclarées en Égypte depuis 1981,
suite à l’assassinat de Sadat et n’ont été jamais suspendues depuis cette date.
30 Source: Entretien avec Hossam El Hamalawy (en ligne: http://www.jadaliyya.com/pages/index/2677/interview-with-hossam-el-hamalawy-on-counter-revol)
32
En vertu de cet état, le gouvernement et l’appareil sécuritaire surtout possèdent
des pouvoirs exceptionnellement répressifs, destinés de facto à limiter les
libertés fondamentales. Sous prétexte de garder l’ordre public, ces mesures
consistent à l’arrestation des suspects et leur placement en garde à vue pour des
périodes non déterminées et sans avoir recours à un tribunal. De même, les
civils peuvent être traduits devant les tribunaux militaires dont les procédures
sont loin de respecter les principes fondamentaux des droits de l’homme.
Également, ces lois prohibent les manifestations, les grèves, la liberté
d’association et condamne dans la majorité des cas la liberté d’expression.
Effectivement, la presse et les médias audiovisuels sont victimes de cet état
d’urgence. Toutefois, la diffamation est un crime sanctionnée par la loi et même
peut aboutir à faire l’objet d’un procès devant les tribunaux exceptionnels de la
sécurité de l’État31. Cette loi donne le feu vert à l’appareil sécuritaire, notamment
le ministère de l’intérieur, d’arrêter les présumés coupables parmi les journalistes
et les intellectuels, si leurs propos sont évalués en tant que nuisibles à l’ordre
public et aux intérêts nationaux. Ce fut le cas justement du professeur Saad
Eldin Ibrahim, ancien directeur du centre de recherche d’Ibn Khaldoun, qui a
publié des articles au cours de la première moitié des années 2000 sur la
nécessité de commencer de véritables et sérieuses réformes politiques en
Égypte.
Dans un climat perturbé destiné à réprimer la liberté d’expression, les
médias et la société civile se trouve sérieusement menacés. Les lois d’urgence
ont influencé négativement l’épanouissement et le développement des divers
types de médias, comme la sécurité des journalistes se trouve en danger. Toute
critique adressé au pouvoir en place, ou tout sujet tabou, soulevé par des
intellectuels ou des activistes des droits de l’homme risque d’être mater sous
prétexte de préserver l’ordre public et moral. Les questions religieuses font
parties de ces tabous.
31 Sakr N. 2003, « Freedom of expression, accountability and developement in the arab region, in « Journal of human rights », volume 4, Numero 1, 2003
33
b. Le monopole étatique sur l'impression et la distribution des publications
Effectivement, on se retrouve face à un cadre juridique destiné au
règlement de l’activité médiatique et notamment celle journalistique, non
déterminé et quasiment flou. Dans ce sens, le gouvernement tient un monopole
vis-à-vis les activités qui y sont liées tel que l’impression et la distribution des
journaux, surtout nationaux mais également ceux des partis de l’opposition. Cet
état implique, implicitement, que les autorités contrôlent les informations
diffusées à travers ces journaux32. Les journaux des partis politiques sont moins
vendus au niveau quotidien par rapport aux journaux nationaux33. Le
gouvernement contrôle strictement l’octroi des autorisations pour la création des
journaux, ce qui semble être davantage de restrictions. C’est pourquoi quelques
journaux égyptiens préfèrent être traités sous l’étiquette de « publications
étrangères » au Liban, Chypre et la Grèce, tout en étant imprimés en Égypte
dans la « libre zone de média » (Free media zone)34. Néanmoins, ces
publications sont surveillées par « la censure des publications étrangères »
(foreign publication censor), sous la tutelle directe du ministre de l’information qui
possède l’autorité d’interdire toute publication dont le contenu pourrait être
repérer en tant que non conforme aux normes35.
Plusieurs sujets ou thèmes sont considérés comme des tabous, et dont le
traitement, jusqu’à la fin des années 1990 a été interdit. A la tête de ces sujets,
on trouve les questions religieuses et surtout les relations entre les coptes et les
musulmans en Égypte, les modalités de la propagation des doctrines terroriste et
la sensibilisation des citoyens sur ces questions, et finalement, il s’agit en outre
32 US depatement of state 2002 : Egypt : country report on human right practices. 2001 ( en ligne: http://www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/2001/nea/8248.htm) 33 The center for mmedia freedom, Middle East and North Africa 1998 : The media environment in Egypt, CMF MENA, April 1998 34 Committe to protect journalists 2002 : Egypt- attacks on the press in 2002 (en ligne : www.epj.org/attacks02/egypt.html) 35 CPJ, Ibid
http://www.epj.org/attacks02/egypt.html
34
de tous les thèmes liés à l’armée (son budget, ses effectifs, ses
dépenses….etc.)36.
Le cas du groupe d’Alahram, par exemple, soulève une question
importante sur ce que consiste la situation de quasi- monopole de ce groupe
dans les différentes étapes de la chaine de production de l’information en terme
d’entraves et de difficultés structurelle contre la libéralisation politique du marché
de presse. En effet, la clé de voute du contrôle de l’État vis-à-vis les médias et
surtout la presse réside dans ce même double contrôle que possède les grands
groupes proches de l’État, par rapport à l’impression et la distribution des
journaux et magasines publiés. Si on prend l’exemple du grand groupe
d’Alahram. Celui-ci est responsable d’imprimer 324 titres égyptiens et étrangers.
Pour cette procédure l’État assure sa mainmise sur le champ médiatique tout en
veillant à ce qu’aucune publication ne sera circulée et vendue que si elle est
titulaires d’une licence délivrée par le haut conseil de la presse, organisme de
surveillance sous la tutelle du conseil consultatif. Autre constat qui semble être
intéressant; alors que le groupe Alahram distribue sept quotidiens et 26
hebdomadaires, parmi lesquels, il y a des publications appartenant à des partis
politiques de l’opposition et même d’autres indépendantes, il n’existe pas de
statistiques sur les chiffres de vente et de distribution dans les différentes zones
géographiques en Égypte. Ceci décèle une inégalité régnante en termes de
distribution avec un certain degré de discrimination géographique. Par exemple,
d’après Enrique Klaus, au Caire, on constate l’assortiment inégal entre les
kiosques du centre ville et les quartiers du standing d’une part et ceux de la
banlieue d’autre part, ou on ne trouvera que les quotidiens de la presse
étatique37.
36 Reporters sans frontières 2002 : Egypt annual report 2002 (en ligne : www.rsf.org/ article/ php 3?idarticle=1435) 37 Klaus Enrique, Ibid
http://www.rsf.org/
35
Au niveau de la constitution égyptienne de 197138, celle-ci garantissait la
liberté d’expression, malgré les restrictions qui enclavent la pratique du métier du
journalisme en général. Par exemple, l’article 47 de ladite constitution énonce
que : « Chaque individu a le droit d’exprimer son opinion et la faire connaitre
explicitement à travers la rédaction ou n’importe quel autre moyen d’après des
limites définies par la loi ».
Depuis la fin des années 1990, les lois qui gèrent les médias ont subi
plusieurs amendements, jusqu’à nos jours. En 1995, afin de mettre fin d’une
manière juridique et légale à toutes critiques adressées au pouvoir en place et
donc restreindre la liberté d’expression sur la scène politique, le gouvernement a
fait promulguer une nouvelle loi pour la presse. Celle- ci jugée draconienne par
plusieurs spécialistes donnait le feu vert à la détention des journalistes, en leur
infligeant des accusations criminelles à cause de leur violation des lois de
censure. Suite à une contestation croissante qui a remuée l’opinion publique en
réaction à cette loi, celle-ci a été légèrement amendée avant sa ratification
définitive39. La loi de la presse de 1996 a exigé une sentence d’une année de
prison pour crime de diffamation ou de 2 ans, s’il s’agit d’un agent public qui
dispose le procès. Les journalistes sont largement soumis aux provisions du
code pénal, et ses articles prohibant l’atteinte à l’ordre public morale et aux
intérêts nationaux.
En effet, les restrictions sur l’activité des journalistes se sont durcies au fil
du temps. En 2006, 3 journalistes ont été condamnés à prison par la justice pour
des délits ayant rapport avec « l’atteinte à l’ordre public et morale » de la société.
Effectivement, ces « professionnels qui travaillaient pour des institutions privées
ont, à la base, dévoilaient dans des reportages des situations de corruption au
sein de l’administration égyptienne. Également, en 2007, le procès du célèbre
journaliste opposant Ibrahim Issa qui a suscité des polémiques sur l’état de la 38 Suite au soulèvement populaire en Janvier 2011 en Égypte, cette constitution a été suspendue en Mars 2011 et fut remplacée temporairement par une charte constitutionnelle dont le mandat arrivera à l’issu de la rédaction d’une nouvelle constitution prévue au cours du mois de Mai 2012) 39 Sakr N. 2001, « Civil society, Media and accountability in the arab region, in “Human rights development report”, 2002, CMF MENA 1998
36
santé de Moubarak. A cause de son article qui portait dur cette question, il a été
donc condamné à prison. Toutes ces mesures affirment l’approche répressive
qui caractérise les relations entre l’État et les questions liées à la liberté
d’expression.
c. La censure en Égypte : L’invisible omniprésent.
L’une des particularités du problème que pose la censure en Égypte
provient de manque de visibilité des institutions de l’État et de la société. Il est
donc difficile de comprendre comment et par qui la censure est elle exercée,
alors qu’elle soit omniprésente. Celle- ci est d’ailleurs le plus souvent liée à des
questions religieuses, des valeurs et des mœurs, sans qu’il y est forcément des
textes législatifs qui ne mettent en lumière ni les règles, ni leurs champ
d’application.
Toutefois, la plupart des critiques qui sont adressées à des publications
ont rapport avec leur degré de conformisme aux lois dictées par les textes
religieux, voire la Charia, ce qui représente une conception assez ambigüe sur la
citoyenneté en Égypte, puisque on tient compte moins des chrétiens et des
autres citoyens non musulmans.
Concrètement, la censure est exercée dans les médias audiovisuels à
travers le ministère de l’information. A travers son outil institutionnel, « l’union de
la radio et de la télévision égyptienne » fondée en 1970, sous la tutelle directe du
ministère de l’information. Celle-ci surveille toutes les émissions diffusées, en
leur accordant l’autorisation préalable. Tandis qu’au niveau de la presse écrite, il
s’agit du conseil suprême de la presse, sous la tutelle du conseil consultatif et
dont les membres sont nommés par le président de la République. L’un des
articles de la loi qui organise son fonctionnement lui confère le rôle de surveiller
directement les journaux publiés, ainsi que de préparer périodiquement des
rapports sur leurs contenus, destinés aux président et au conseil des ministres.
37
Conclusion partielle.
Dans le cadre de ce qui précède, on constate que le développement des
médias en Égypte est directement lié au contexte politico- social. En effet,
jusqu’à nos jours, les médias nationaux demeurent les portes- paroles de l'État,
ce qui justifie en quelque sorte l'émergence des médias privés, comme sources
alternatives des informations.
Néanmoins, les médias étatiques et privés sont soumis à un certain
nombre de règlements et de lois restrictives qui mettent en question la liberté
d'expression. En outre, ces restrictions s'étendent jusqu’à l'interdiction de
débattre certains sujets dans l'espace publique, à la tête desquels les questions
religieuses et les tensions entre les coptes et les musulmans en Égypte.
Effectivement, une deuxième partie sera destinée à décrire la situation des
coptes en Égypte, en tant que minorité politico- religieuse, mais surtout, elle
visera à mettre en lumière comment les médias, privés et étatiques, traitent- ils
ces questions? Et quelle est l'image des coptes et des crises religieuses dans la
société égyptienne?
38
Deuxième partie:
Les crises religieuses en Egypte et les médias:
Parler de l'interdit
____
Introduction partielle.
« La politique du régime, que ce soit intentionnel ou non, a provoqué une
profonde fracture entre musulmans et chrétiens, bien que des générations de
musulmans et de coptes aient vécu pacifiquement cote à cote par le passé. Le
régime est doué pour diviser, ce qui donne l’impression que sans Moubarak les
Egyptiens se livreraient une guerre fratricide. C’est ce qui permet à Moubarak de
vendre sa politique auprès de la communauté internationale, qui la voit comme
un moindre mal. Quand des éruptions de violence entre musulmans et chrétiens
ont lieu en Egypte, elles commencent en général pour des raisons qui n’ont
aucun rapport avec la religion. Les conflits, en particulier dans les villes et les
villages les plus reculés, se produisent le plus souvent à cause de relations
commerciales ou sentimentales interconfessionnelles qui ont mal tourné. Le
manque d’éducation et l’injustice du système font le reste : les querelles qui
devraient normalement trouver une issue au tribunal se règlent violemment,
entre clans familiaux. Il arrive que des familles chrétiennes et musulmanes soient
à couteaux tirés pour une simple transaction financière. En outre, les crimes
commis sont parfois perçus comme des attaques délibérées contre l’une ou
l’autre des religions, ce qui entraine des représailles de la part de la famille de la
victime. De temps à autre, une fille décide de se convertir et s’enfuit avec un
jeune garçon de la religion qu’elle vient d’embrasser parce que sa famille ne
l’autorisera jamais à l’épouser. Sa famille déclare aussitôt que sa fille a été
kidnappée et forcée à renoncer à sa foi. L’innocent amour engendre des cycles
de vengeance, et les affaires de ce genre conduisent à de grands débats
39
nationaux, lesquels ne font qu’augmenter la frustration et la colère des deux
camps »40.
C’est par ces propos que Wael Ghoneim a expliqué les raisons des crises
religieuses en Egypte. En tant qu’activiste en ligne renommé, Ghoneim faisait
partie des jeunes révolutionnaires de la place Tahrir.
« Les coptes » sont les chrétiens égyptiens. Leur recensement est l'un
des secrets les mieux gardés en Égypte. On admet un chiffre moyen de 7
millions de Coptes, ce qui fait 10 % de la population égyptienne et constitue la
plus importante minorité chrétienne dans le Proche-Orient41. Néanmoins, l'Église
copte orthodoxe avance le chiffre de 12 millions de fidèles, ce qui ferait 15 % de
la population42.
En effet, les crises religieuses entre coptes et musulmans ont commencé
depuis la fin des années 1970, époque ou le courant islamiste était en plein
essor. Toutefois, le traitement médiatique de ce type de crise était loin d’être
transparent. Cette absence de professionnalisme a touché d’abord les médias
étatiques qui essayaient toujours d’anéantir les effets négatifs du
communautarisme, voire même en niant carrément ce phénomène. En revanche,
l’émergenc