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Juillet 2017 Urbanisation, le cas du rivage FICHE CONSEILS EAU09 Quelles sont les principales règles applicables à l’urbanisation en zone littorale lacustre ? Comment empêcher qu’il soit porté atteinte à un espace remarquable en rivage ? Loi Littoral : Loi n°86-2 du 3 janvier 1986, qui pose plusieurs principes visant à enrayer le mouvement d’urbanisaon connu du bord de mer et des rivages des grands lacs. Ces principes viennent s’addionner aux règles d’urbanisme déjà applicables sur l’ensemble du territoire. La loi Lioral s’applique à l’ensemble des communes listées à l’arcle L. 321-1 C. envir. , c’est à dire les communes riveraines des mers, océans, étangs salés, estuaires et deltas ) et des plans d’eau intérieurs de plus de 1000 ha. C’est le cas pour le lac de Vouglans. En dehors des pares urbanisées, les construcons ou installaons (dont les carrières et autres installaons classées) sont interdites sur une bande liorale de 100 m. Les extracons de matériaux sont limitées ou interdites lorsqu’elles risquent de compromere l’intégrité des plages, falaises, marais, frayères, etc… L’espace bénéficie d’une protecon au tre de la loi Lioral en raison de sa proximité avec le rivage, proximité dont l’appréciaon faite au cas par cas repose sur un faisceau d’indices. Ce sont essenellement les critères de la distance du rivage et de la co-visibilité entre l’espace en queson et le rivage qui entraînent la qualificaon d’espace « proche du rivage ». La jurisprudence, très dense à ce sujet, a précisé comment uliser ces critères. Pour comprendre l’atteinte Définitions utiles Pourquoi des règles spécifiques encadrent-elles l’urbanisation du littoral ? L’urbanisaon, entendue dans un sens plus large que la stricte construcon de logements (infrastructures de transport, implantaon d’acvités industrielles ou commerciales, etc.) est la cause majeure de l’arficialisaon des sols. Cee dernière est synonyme de dégradaon des milieux naturels et d’érosion de la biodiversité, en exerçant une pression importante sur les sols et l’eau et en raréfiant les habitats des espèces naturelles. Elle about également à une dégradaon des paysages. L’équivalent d’un département français est arficialisé tous les 7 ans, qu’il s’agisse de terres agricoles ou naturelles.

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Juillet 2017

Urbanisation, le cas du rivage

FICHE CONSEILS EAU09

Quelles sont les principales règles applicables à l’urbanisation en zone littorale lacustre ? Comment empêcher qu’il soit porté atteinte à un espace remarquable en rivage ?

Loi Littoral : Loi n°86-2 du 3 janvier 1986, qui pose plusieurs principes visant à enrayer le mouvement d’urbanisation continu du bord de mer et des rivages des grands lacs. Ces principes viennent s’additionner aux règles d’urbanisme déjà applicables sur l’ensemble du territoire. La loi Littoral s’applique à l’ensemble des communes listées à l’article L. 321-1 C. envir. , c’est à dire les communes riveraines des mers, océans, étangs salés, estuaires et deltas ) et des plans d’eau intérieurs de plus de 1000 ha.

C’est le cas pour le lac de Vouglans. En dehors des parties urbanisées, les constructions ou installations (dont les carrières et autres installations classées) sont interdites

sur une bande littorale de 100 m. Les extractions de matériaux sont limitées ou interdites lorsqu’elles risquent de compromettre l’intégrité des plages, falaises, marais, frayères, etc…

L’espace bénéficie d’une protection au titre de la loi Littoral en raison de sa proximité avec le rivage, proximité dont l’appréciation faite au cas par cas repose sur un faisceau d’indices. Ce sont essentiellement les critères de la distance du rivage et de la co-visibilité entre l’espace en question et le rivage qui entraînent la qualification d’espace « proche du rivage ». La jurisprudence, très dense à ce sujet, a précisé comment utiliser ces critères.

Pour comprendre l’atteinteDéfinitions utiles

Pourquoi des règles spécifiques encadrent-elles l’urbanisation du littoral ?L’urbanisation, entendue dans un sens plus large que la stricte construction de logements (infrastructures de transport, implantation d’activités industrielles ou commerciales, etc.) est la cause majeure de l’artificialisation des sols. Cette dernière est synonyme de dégradation des milieux naturels et d’érosion de la biodiversité, en exerçant

une pression importante sur les sols et l’eau et en raréfiant les habitats des espèces naturelles. Elle aboutit également à une dégradation des paysages. L’équivalent d’un département français est artificialisé tous les 7 ans, qu’il s’agisse de terres agricoles ou naturelles.

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FICHE CONSEILS

Les principes applicablesPour connaître le droit

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Comme dans tout le territoire, les constructions et aménagements réalisés sur le littoral sont soumis à déclaration préalable ou à autorisation (permis de construire, permis d’aménager...) en fonction de critères fixés par le code de l’urbanisme. Ces déclarations et autorisations doivent le cas échéant se conformer au document d’urbanisme applicable sur la commune (PLU, carte communale, etc.), qui doit lui-même respecter la loi Littoral. Lorsqu’aucune déclaration ou autorisation n’est requise, les constructions doivent malgré tout respecter les principes contenus dans le document d’urbanisme applicable ainsi que les règles issues de la loi Littoral, sous peine d’illégalité.

Les principes majeurs de la loi Littoral sont les suivants La protection des espaces remarquables du littoral (art. L. 121-23 C. urba.)

« Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l’occupation et à l’utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques.

Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l’intérêt écologique qu’ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou

versant de 1120 km². Le barrage de Vouglans a été construit sur l’Ain entre 1964 et 1969. Il est situé dans le département du Jura, sur les communes de Cernon (rive droite) et Lect (rive gauche). Il constitue le 3ème lac de retenue en France par son volume. Ce barrage voute « pure » a été édifié dans un objectif de production d’électricité et de rétention des fortes crues de l’Ain.

La production d’énergie se fait par trois conduites forcées alimentant 3 turbines réversibles. La production annuelle exploitée par EDF-GEH Jura-Bourgogne est de 300 millions de KWh ce qui représente la consommation de Bourg-e-Bresse et Oyonnax réunis. La retenue s’étend à l’amont du barrage sur 36 km jusqu’à Pont-de-Poitte sur une surface de 1600 ha. Il est estimé qu’en cas de rupture du barrage, 46 communes de l’Ain seraient submergées, la place Bellecour à Lyon sous 6 m d’eau et que l’onde serait ressentie jusque dans la Drôme. Des inquiétudes des antinucléaires vis-à-vis de la centrale du Bugey persistent. Cependant, le plan particulier d’intervention de Vouglans (PPI) écarte une rupture du barrage pour cause de séisme de forte magnitude, de glissement de terrain ou d’attentat, et considère comme exceptionnel le risque de crue. Sa visite est d’ailleurs interdite pour des raisons de sécurité.

Les zone littorales sont particulièrement touchées par les phénomènes d’urbanisation, du fait de leur attractivité naturelle. La période des « trente glorieuses » a causé une dégradation majeure du littoral de notre région, où se concentre une part importante de la population. Le vote tardif et l’application encore plus tardive de la loi Littoral n’ont permis que de ralentir ce phénomène, qui se poursuit en dépit des signaux d’alerte parfois envoyés par la nature elle-même (ex : tempête Xynthia de 2010).

Bien que le littoral soit un espace présentant des caractéristiques extrêmement intéressantes d’un point de vue environnemental, en raison de la singularité des paysages qu’il offre ou de la richesse de la biodiversité qu’il abrite, les outils de préservation de cet espace, qui existent, peinent à certains endroits à être appliqués avec rigueur.

Zoom sur … le barrage de Vouglans – Jura (source DREAL Bourgogne Franche-Comté1 ): Le barrage de Vouglans (Jura), classé en catégorie A, est l’ouvrage hydraulique le plus important de la région avec une hauteur de 103 m au dessus de l’Ain et un volume retenu de 600 millions de m3 alimenté par un bassin

1 http://www.franche-comte.developpement-durable.gouv.fr/barrages-r1082.html)

abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l’avifaune désignée par la directive 79/409 CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ».

Il est ainsi interdit de porter atteinte aux espaces remarquables. La protection s’oppose également au zonage trop permissif d’un document d’urbanisme, ce qui entache ce dernier

EAU09

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d’illégalité. Fréquemment, les espaces remarquables sont identifiés dans le document d’urbanisme de la commune concernée. Toutefois, ce n’est pas parce qu’un espace n’est pas identifié par ce biais qu’il n’est pas pour autant un espace remarquable au sens de la loi Littoral : la qualification est en définitive du ressort du juge, au cas par cas.

La bande inconstructible de 100 mètres (art. L. 121-16 C. urba.)

« En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs désignés au 1° de l’article L. 321-2 du code de l’environnement.».

Il est important de relever que cette règle d’inconstructibilité ne s’applique pas dans les espaces déjà urbanisés, que cette urbanisation soit pavillonnaire, collective, industrielle ou touristique. La nature « urbanisée » ou non d’un espace est définie au cas par cas par le juge (par exemple, n’est pas urbanisé un espace contenant un habitat diffus). En outre, « cette interdiction ne s’applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau ».

L’extension limitée de l’urbanisation des espaces proches du rivage (art. L. 121-13 C. urba.)

L’extension de l’urbanisation des espaces proches du rivage doit être limitée et :

f soit être justifiée dans le PLU, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau ; f soit être conforme aux dispositions d’un SCOT ;f soit obtenir l’accord du préfet après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites appréciant l’impact de l’urbanisation sur la nature ;

f dans les communes riveraines des plans d’eau d’une superficie supérieure à 1 000 hectares et incluses dans le champ d’application de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, l’autorisation prévue à l’article L. 122-19 vaut accord de l’autorité administrative compétente de l’Etat au titre du troisième alinéa du présent article.

La simple extension d’une construction peut être considérée comme une extension de l’urbanisation. Le caractère « limité » de l’extension est apprécié au cas par cas par le juge qui s’appuie sur des critères tels que l’implantation, l’importance, la densité et la destination des constructions.

Les opérations d’aménagement admises à proximité du rivage organisent ou préservent le libre accès du public à celui-ci (art. L. 121-7 C. urba.).

L’extension de l’urbanisation en continu avec l’existant (art. L. 121-8 C. urba.)

L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement.

Cette règle s’applique sur l’ensemble du territoire des communes littorales (y compris évidemment dans la bande de 100 m et dans les espaces proches du rivage) et vise à éviter le mitage.

Comme les autres notions de la loi Littoral, la notion de « continuité » est appréciée au cas par cas par le juge. On peut par exemple relever qu’une distance de 200 m du lieu-dit le plus proche ou de 100 m du bourg exclut la notion de continuité. L’interposition de certains éléments entre l’agglomération et le projet (zones naturelles, route, etc.) peut également l’exclure.

Par exception, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées avec l’accord du préfet ;

cet accord étant refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages (art. L. 121-10 C. urba).

D’autres règles de protection du littoral figurent par ailleurs au chapitre Aménagement et Protection du Littoral – Art. L.121 et suivants du code de l’urbanisme (ex : construction de routes, servitude de passage, activité de camping/caravaning, etc.) .

Les mesures de garantiesSanctions administratives (art. L. 480-2 C. urba.)Lorsque des constructions sont réalisées sans permis ou après suspension de celui-ci par le juge administratif, le maire doit adopter un arrêté ordonnant l’interruption des travaux. Le préfet doit se substituer à lui en cas de carence. Le procureur peut également ordonner l’interruption.

Sanctions pénales (art. L. 480-4 C. urba.).L’article L. 480-4 du code de l’urbanisme punit « d’une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue

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FIches conseils réalisées par le Plateau Débat public, animé par France Nature Environnement Bourgogne Franche-Comté - MEFC - 7, rue Voirin - 25 000 Besançon Tel. 03 81 80 92 98 - mail : [email protected] - http://debatpublic-mefc.org - Illustrations : G. Berthelot, Graphic Impact

Soutien financier : l’Agence de l’eau Rhône-Méditerrannée-Corse, le Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté et la DREAL Bourgogne Franche-Comté

FICHE CONSEILS

Quelle démarche citoyenne adopter ?CAS D’URBANISATION LA DÉMARCHE CITOYENNE À ADOPTER

1) Vous constatez que des travaux de terrassement viennent de débuter dans un espace proche du rivage, sans qu’aucun permis de construire n’ait été affiché sur le terrain.

2) Un permis de construire est affiché, annonçant la construction d’une maison sur un espace situé à moins de 100 mètres du rivage et dans un espace actuellement non urbanisé.

1) Assurez-vous auprès de la mairie qu’aucun permis de construire n’a été accordé pour autoriser ces travaux. Alertez alors les services de la mairie et demandez au maire d’une part de constater l’illégalité des travaux, d’autre part de faire usage des pouvoirs qu’il tire de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme pour ordonner l’interruption immédiate des travaux. En cas d’inaction de celui-ci, alertez le préfet afin qu’il se substitue au maire défaillant.

En parallèle, vous pouvez porter plainte auprès du procureur de la République en signalant à celui-ci qu’il y a urgence à ordonner l’interruption des travaux.

2) Écrivez à la mairie par la voie d’un recours gracieux demandant le retrait du permis de construire en raison de son illégalité au regard de la loi Littoral, via une lettre recommandée avec accusé de réception. Pensez à mettre le bénéficiaire du permis en copie de ce recours gracieux, sous la même forme.

Alertez en parallèle votre fédération départementale d’associations de protection de la nature et de l’environnement ou FNE Bourgogne Franche-Comté. En fonction de la réponse de la mairie, il sera peut-être nécessaire d’envisager un recours auprès du tribunal administratif afin que celui-ci suspende l’exécution du permis de construire en question.

TEXTES UTILESLaurent Bordereaux et Xavier Braud, « Droit du Littoral », éditions Gualino, 2009.

Pierre Soler-Couteaux et Élise Carpentier, « Droit de l’urbanisme », éditions Dalloz, 2013.

Raymond Léost, « Droit pénal de l’urbanisme », éditions Le Moniteur, 2001.

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inutilisable au sens de l’article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros » les constructions et aménagements réalisés sans déclaration/autorisation ou en méconnaissance de celle-ci. Peut s’ajouter à cette condamnation celle liée à la destruction d’un espace remarquable du littoral, qui constitue un délit autonome.Ces peines « peuvent être prononcées contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l’exécution desdits travaux ».Dans le cas où les constructions ou aménagements sont réalisés conformément à une autorisation, ce n’est que dans l’hypothèse où les travaux sont réalisés après que l’autorisation ait été annulée (par le juge administratif, sur le

fondement par exemple de la loi Littoral) qu’une infraction pénale est constituée. Si l’autorisation était conforme au document d’urbanisme applicable, il conviendra de démontrer que ce dernier est contraire à la règle dont il est demandé le respect pour que l’autorisation soit annulée.La question de la remise en état des lieux (art. L. 480-5 et s. C. urba.)Seuls les tribunaux de l’ordre judiciaire ont la faculté d’ordonner la destruction des constructions illicites et la remise en état des lieux. Lorsque la construction est édifiée conformément à un permis de construire, la démolition ne peut être ordonnée qu’après que le permis ait été annulé par la juridiction administrative et dans des conditions strictes.

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