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V ODUN S AKPATA ET E ÂŽ PIDE ÂŽ MIE DE VARIOLE DANS LA LITTE ÂŽ RATURE ORALE SACRE ÂŽ E DU GOLFE DU BENIN 1 MAHOUGNON KAKPO 1 J’ai utilisĂ©, pour la transcription des textes contenus dans cette Ă©tude, l’alphabet des langues na- tionales bĂ©ninoises. Il s’agit de l’uti- lisation d’un signe pour traduire un son et vice versa, la plupart des lettres de cet alphabet se pronon- çant comme en français sauf: : se prononce “ĂȘ” comme dans tĂȘte. Exemple: Kk (la moto). : se prononce “” comme dans orchestre. Exemple: T (le pĂšre). U: se prononce “ou” comme dans tout. Exemple: Ku (la mort). An: se prononce “an” comme dans avant. Exemple: Tannyi (la tante paternelle). n: se prononce “n” comme dans simple. Exemple: Sisn (la religion). In: se prononce “in” comme dans indigo. Exemple: Sin (l’eau). n: se prononce “n” comme dans prononcer. Exemple: Hn (le boa). Un: se prononce “un”. Exemple: Hun (le sang). C: se prononce “tch” comme dans tchĂšque. Exemple: Cuku (le chien). J: se prononce “dj” comme dans djougou. Exemple: Ajo (le vol). X: aspiration forte, se prononce “ch” allemand comme dans nach. Exemple: X (la case). : c’est le “d” rĂ©troïŹ‚exe. Exemple: (le ïŹlet de pĂȘche). Gb: c’est une occlusive sonore la- bio-vĂ©laire. Exemple: Gb (la vie). i le thĂšme de l’épidĂ©mie est bien manifeste dans la littĂ©rature Ă©crite francophone d’Afrique sub- saharienne, il n’est pas rĂ©vĂ©lĂ© dans la littĂ©rature orale, singuliĂšrement dans la littĂ©rature orale sacrĂ©e du golfe du BĂ©nin qui, elle-mĂȘme, semble frappĂ©e d’ostracisme dans les recherches littĂ©- raires. Le seul argument recevable pourrait ĂȘtre le caractĂšre Ă©minemment pointu de la recherche dans ce champ Ă©pistĂ©mologique rĂ©fractaire Ă  tout amateurisme. C’est donc dans les perspectives des voies ouvertes depuis 2006 dans le cadre de l’élaboration d’une Ă©pistĂ©- mologie du Fa dans le domaine francophone avec la pa- rution de la premiĂšre Ă©dition de mon essai intitulĂ© Intro- duction Ă  une poĂ©tique du Fa 2 que je propose la prĂ©sente Ă©tude, qui doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme l’hermĂ©neutique littĂ©raire d’une parole sacrĂ©e. L’objectif est ici de montrer – en considĂ©rant l’épidĂ©mie non comme ‘ce qui touche un grand nombre’, mais surtout comme une rĂ©elle affection infectieuse se propageant progressivement – que dans le panthĂ©on Vodun rĂ©gentĂ© par le systĂšme divinatoire Fa, la maladie de la variole est associĂ©e au Vodun Sakpata qui l’utilise comme une arme pour punir les malfaiteurs tout en dispensant les richesses de la terre comme rĂ©com- pense Ă  ceux qui sont justes et de bonnes mƓurs. Pour y parvenir, je procĂ©derai en trois temps. D’abord, il est nĂ©cessaire de faire un bref rappel sur le systĂšme di- S ______________ Ponti / Ponts - Langues LittĂ©ratures Civilisations des Pays Francophones 13/2013 ÉpidĂ©mies www.ledonline.it/ponts/

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Vodun SakPata et ePidemie de Variole danS la litterature orale Sacree du golfe du Benin

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Mahougnon KaKpo

1 J’ai utilisĂ©, pour la transcription des textes contenus dans cette Ă©tude, l’alphabet des langues na-tionales bĂ©ninoises. Il s’agit de l’uti-lisation d’un signe pour traduire un son et vice versa, la plupart des lettres de cet alphabet se pronon-çant comme en français sauf:: se prononce “ĂȘ” comme dans tĂȘte. Exemple: Kk (la moto).: se prononce “” comme dans orchestre. Exemple: T (le pĂšre).U: se prononce “ou” comme dans tout. Exemple: Ku (la mort).An: se prononce “an” comme dans avant. Exemple: Tannyi (la tante paternelle).n: se prononce “n” comme dans simple. Exemple: Sisn (la religion).In: se prononce “in” comme dans indigo. Exemple: Sin (l’eau).n: se prononce “n” comme dans prononcer. Exemple: Hn (le boa).Un: se prononce “un”. Exemple: Hun (le sang).C: se prononce “tch” comme dans tchĂšque. Exemple: Cuku (le chien).J: se prononce “dj” comme dans djougou. Exemple: Ajo (le vol).X: aspiration forte, se prononce “ch” allemand comme dans nach. Exemple: X (la case).: c’est le “d” rĂ©troflexe. Exemple: (le filet de pĂȘche).Gb: c’est une occlusive sonore la-bio-vĂ©laire. Exemple: Gb (la vie).

i le thĂšme de l’épidĂ©mie est bien manifeste dans la littĂ©rature Ă©crite francophone d’Afrique sub-saharienne, il n’est pas rĂ©vĂ©lĂ© dans la littĂ©rature orale, singuliĂšrement dans la littĂ©rature orale sacrĂ©e du golfe du BĂ©nin qui, elle-mĂȘme, semble frappĂ©e d’ostracisme dans les recherches littĂ©-raires. Le seul argument recevable pourrait ĂȘtre

le caractÚre éminemment pointu de la recherche dans ce champ épistémologique réfractaire à tout amateurisme.

C’est donc dans les perspectives des voies ouvertes depuis 2006 dans le cadre de l’élaboration d’une Ă©pistĂ©-mologie du Fa dans le domaine francophone avec la pa-rution de la premiĂšre Ă©dition de mon essai intitulĂ© Intro-duction Ă  une poĂ©tique du Fa 2 que je propose la prĂ©sente Ă©tude, qui doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme l’hermĂ©neutique littĂ©raire d’une parole sacrĂ©e. L’objectif est ici de montrer – en considĂ©rant l’épidĂ©mie non comme ‘ce qui touche un grand nombre’, mais surtout comme une rĂ©elle affection infectieuse se propageant progressivement – que dans le panthĂ©on Vodun rĂ©gentĂ© par le systĂšme divinatoire Fa, la maladie de la variole est associĂ©e au Vodun Sakpata qui l’utilise comme une arme pour punir les malfaiteurs tout en dispensant les richesses de la terre comme rĂ©com-pense Ă  ceux qui sont justes et de bonnes mƓurs.

Pour y parvenir, je procĂ©derai en trois temps. D’abord, il est nĂ©cessaire de faire un bref rappel sur le systĂšme di-

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Kp: c’est une occlusive sourde la-bio-vĂ©laire. Exemple: Kp (la pan-thĂšre).Sh: se prononce “ch” comme dans cherche. Exemple: Ishu (igname en Yoruba).Hw: c’est la rencontre de deux consonnes “h” et “w” qui produit un phĂ©nomĂšne de labialisation. Exemple: Ahwan (la guerre).Xw: c’est la rencontre de deux consonnes “x” et “w” qui produit un phĂ©nomĂšne de labialisation. Exemple: Axwe (la maison). 2 Mahougnon KaKpo, Introduc-tion Ă  une poĂ©tique du Fa [2006], 2e Ă©dition revue et augmentĂ©e, “PrĂ©face” Ă  la premiĂšre Ă©dition du Professeur Issiaka-Prosper L. LaLeye, “PrĂ©face” Ă  la deuxiĂšme Ă©dition par Camille amouro, Coto-nou, Éditions des Diasporas, 2010.3 Fa et ses langages constituent des concepts ayant dĂ©jĂ  fait l’ob-jet d’une plus profonde explication dans mes prĂ©cĂ©dents Ă©crits sur le Fa et le Vodun, notamment dans les essais: Mahougnon KaKpo, In-troduction Ă  une poĂ©tique du Fa, cit., ou encore dans Mahougnon KaKpo, Yku-Mnji: une thĂ©ologie de la mort dans les Ɠuvres de Fa. Essai d’hermĂ©neutique littĂ©raire, Cotonou, Éditions des Diasporas, 2012.

vinatoire Fa ainsi que sur ses diffĂ©rents langages, ce qui permettra d’insister et d’indiquer le langage qui servira de support Ă  la dĂ©monstration ultĂ©rieure. Cette exposition pourra ensuite rendre possible une brĂšve Ă©pistĂ©mologie du Vodun Sakpata afin d’en indiquer l’origine, les fonc-tions ainsi que les caractĂ©ristiques, notamment celle as-sociĂ©e Ă  la maladie de la variole. Enfin, l’hermĂ©neutique d’un texte empruntĂ© Ă  un des langages de Fa me permet-tra de souligner la poĂ©tique de l’épidĂ©mie de la variole dans la littĂ©rature orale sacrĂ©e manifeste dans le golfe du BĂ©nin.

Fa et ses différents langages

Le Fa 3 est l’un des systĂšmes de divination pratiquĂ©s dans le golfe du BĂ©nin, notamment par les peuples vi-vant sur le territoire de l’ancienne civilisation du BĂ©nin occupĂ© aujourd’hui par le NigĂ©ria, le BĂ©nin et le Togo. Le mot Ifa et le systĂšme qu’il induit sont fondamentalement et incontestablement d’origine Yoruba. Etymologique-ment, le mot Ifa, dont la voyelle prĂ©fixale I en Yoruba est un prosthĂ©tique et la racine Fa signifie “Amour” a le sens philosophique et spirituel: “Dieu est Amour”. Les Yoruba disent Ifa ou runmila (le messager entre Ciel et Terre). Les peuples du BĂ©nin ayant adoptĂ© Fa, en parti-culier les Gn, Aja et Waci disent Afan, les Fn, Gun et Saxw disent Fa. Fa est un ensemble de signes nommĂ©s Fadu, graphiquement exprimĂ©s en deux ensembles de traits verticaux et parallĂšles transcrits et lisibles de droite vers la gauche sur quatre colonnes.

Le Fadu est une division de Fa. Les Yoruba disent Odun Ifa, c’est-Ă -dire Odun de Ifa, ce qui signifie “divi-sion” ou “partie” de Ifa. Il y a dans le systĂšme Fa un total de 16 Fadu cardinaux dits Mji (deux en Yoruba) parce que constituĂ©s d’une duplicitĂ© du mĂȘme signe. Ils sont rigoureusement hiĂ©rarchisĂ©s, nommĂ©s et se rĂ©partissent en mĂąles et en femelles et admettent une figuration indi-cielle et Ă©sotĂ©rique individuelles. Les 16 Fadu cardinaux se combinent entre eux pour donner un total de 256 dont 240 dĂ©rivĂ©s. Le Fadu est une figure oraculaire qui dĂ©ter-mine tout individu dont il en constitue le signe person-nel. Ainsi, l’on peut dĂ©terminer le Fadu personnel d’un individu. Le Fadu est un signe non linguistique, arbitraire et conventionnel, c’est un code, une parole contenant plusieurs langages dĂ©tachables et reconnaissables sous la forme de divers genres littĂ©raires: Fagbesisa, Fagleta et

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15Fahan sont donc les langages de Fa. Ainsi, le Fadu est une Ɠuvre littĂ©raire, une Ɠuvre d’art.

Le dĂ©tachement ou l’exĂ©gĂšse du Fadu obĂ©it Ă  un fonc-tionnement chronologique de ces trois langages. D’abord Fagbesisa, le premier langage, est un morphĂšme consti-tuĂ© de Fa et de Gbesisa (parole incantatoire) et signifie “la voix de la parole efficace”. C’est l’incantation. Il s’agit de la parole efficace, agissante, activatrice et stupĂ©fiante de Fa. C’est un poĂšme incantatoire, un noĂšme, une devise ou une maxime de l’ordre de la morale. Dans le dispositif et le dĂ©tachement du Fadu, le Fagbesisa apparaĂźt en pre-miĂšre position et fonctionne comme une pointe ou un prologue. Ensuite, le deuxiĂšme langage, le Fagleta, signi-fie “le champ de Fa”, c’est-Ă -dire “l’univers de Fa”. C’est un univers empreint d’imaginaire, de merveilleux ou du religieux, mais oĂč toujours le rĂ©el est prĂ©sent. Dans la disposition et le dĂ©tachement du Fadu, le Fagleta apparaĂźt en deuxiĂšme position aprĂšs le Fagbesisa et fonctionne comme un rĂ©cit qui peut ĂȘtre une lĂ©gende, un mythe, un conte ou encore une nouvelle. Enfin, le troisiĂšme langage, le Fahan, est un terme formĂ© de Fa et de han (chanson) et signifie la “chanson de Fa”. C’est un poĂšme chantĂ© qui, dans l’hermĂ©neutique du Fadu, intervient en troisiĂšme et derniĂšre position aprĂšs le Fagbesisa et le Fagleta. Ainsi, Fagbesisa, Fagleta et Fahan sont les trois langages constitutifs et chronologiques du Fadu qui, lui-mĂȘme, est une Parole de Fa.

Celui qui est habilitĂ© Ă  procĂ©der Ă  la consultation du Fa et, du coup, Ă  en interprĂ©ter les langages, est le Bo-knn. C’est ainsi que les peuples pratiquant ce systĂšme de divination nomment le prĂȘtre de Fa. En Yoruba, on dit Babalawo, “le pĂšre du secret”. On devient Boknn par un long et minutieux apprentissage de Fa. On ne naĂźt pas Boknn, on le devient. C’est pourquoi le Boknn n’est pas un devin. Il ne devine ni ne prĂ©dit rien. Il interprĂšte le Fadu qui apparaĂźt lors de la consultation et en pres-crit les V (les cĂ©rĂ©monies) y affĂ©rents, comme le fait un mĂ©decin aprĂšs une consultation. De la maĂźtrise ou non du systĂšme Fa par le Boknn dĂ©pend l’interprĂ©tation et donc la vĂ©ritĂ© ou l’erreur lors de la consultation par Fa.

C’est du Fa qu’est issu le Vodun, conçu comme une philosophie avant d’ĂȘtre une religion, celle majoritaire-ment pratiquĂ©e par les populations vivant dans le golfe du BĂ©nin. Le Vodun est le nom gĂ©nĂ©rique des divinitĂ©s. En Yoruba, on dit Orisha. L’ensemble des rituels de cha-cune de ces divinitĂ©s fonde le panthĂ©on Vodun. Mais la destinĂ©e de chacune de ces divinitĂ©s est tracĂ©e et dessi-

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64 Le cas le plus surprenant est celui du PĂšre Pierre SauLnier de la SociĂ©tĂ© des Missions africaines dont l’étude porte pourtant di-rectement sur le Vodun Sakpata (en particulier, dans PĂšre Pierre SauLnier, Le vodun Sakpata divi-nitĂ© de la terre: Recherches sur le Vodun Sakpata Ă  partir des noms individuels de ses vodunsi, Madrid, SociĂ©tĂ© des Missions Africaines, 2002, pp. 18-19; l’amalgame entre Fon et Dassa, qui se solde par la troublante erreur sur le rĂšgne du roi adandozan); le PĂšre chercheur nous offre aussi une “littĂ©rature ethnographique sur Sakpata” par chercheurs interposĂ©s en livrant des extraits de passages relatifs au Vodun Sakpata dans les ouvrages de Gilbert rouget, Pierre Verger, Melville et Frances HerSKoVitS, Bernard maupoiL et Roger Brand, extraits Ă  partir desquels il fera ses propres analyses (Ibid., pp. 20-24). InĂšs de La torre, quant Ă  elle, af-firme que Sakpata serait d’origine “incertaine” (InĂšs de La torre, Le Vodu en Afrique de l’ouest: Rites et traditions, Paris, L’Harmattan, 1991, p. 71) tandis que HerSKoVitS (Melville J. et Frances S. HerSKoVitS, “An outline of dahomean religious belief”, in Memoirs of the Ameri-can Anthropological Association, t. III, n. 41, 1933, passim) propose une orthographe erronĂ©e du nom du Vodun (Sagbata au lieu de Sak-pata) en le faisant dĂ©river d’une origine fantaisiste. Une telle dĂ©-marche, on en convient, est bien rĂ©vĂ©latrice du peu de sĂ©rieux qui sous-tend souvent les recherches d’une gĂ©nĂ©ration d’ethnologues africanistes, notamment dans un domaine aussi sensible comme la religion, dĂ©marche dĂ©jĂ  critiquĂ©e par AimĂ© CĂ©Saire et qu’il a qualifiĂ©e de “dogoneuse” dans Discours sur le colonialisme.5 Se rĂ©fĂ©rer Ă  ce niveau Ă  mon Ă©tude intitulĂ©e “PoĂ©tique de la paix ou Tofa: Communication entre les Vodun et les vivants”, in Mahougnon KaKpo (dir.), Voix et voies nouvelles de la littĂ©rature bĂ©ninoise, Cotonou, Éditions des Diasporas, 2012, pp. 175-200.6 Il faut signaler que toutes ces villes, AbĂ©okuta au NigĂ©ria, Das-sa-ZoumĂ© au BĂ©nin, AtakpamĂ© et AlĂ©jo au Togo, se situent presque sur le mĂȘme parallĂšle. Ainsi se

nĂ©e par Fa. C’est pourquoi Fa, sans ĂȘtre vĂ©ritablement un Vodun lui-mĂȘme, est le maĂźtre de tous les Vodun devant lequel chacun d’eux vient se prosterner.

Sakpata: Ă©pistĂ©mologie d’un Vodun

En parlant des origines, je voudrais insister d’une part, sur l’introduction du Vodun Sakpata dans l’ancien royaume du DanxomĂš d’oĂč il a connu une expansion vers les autres populations du BĂ©nin et, d’autre part, sur son Ă©pistĂ©mologie.

Origine historique du Vodun Sakpata

Sur l’origine de ce Vodun sur la cĂŽte du golfe du BĂ©-nin, la quasi-totalitĂ© des Ă©tudes existantes sont restĂ©es muettes ou Ă©vasives si les auteurs n’avancent pas des faussetĂ©s et ne baignent pas dans de graves confusions 4.

En rĂ©alitĂ©, sur le plan historique, la prĂ©sence du Vo-dun Sakpata sur la terre du BĂ©nin est antĂ©rieure Ă  celle du Fa. Le Fa a Ă©tĂ© introduit dans le royaume du DanxomĂš au tout dĂ©but du rĂšgne d’aGadja (1711-1732) en 1715 par le Babalawo a-debl venu de IlĂ© If au NigĂ©ria 5. Or, le Vodun Sakpata Ă©tait dĂ©jĂ  prĂ©sent dans le royaume d’Igbo i-daaca, sur le massif des quarante-et-une collines, au moins depuis la fin du XVIIe siĂšcle. Il y a Ă©tĂ© introduit lors du mouvement migratoire des mnjagun venus de gba, un village d’AbĂ©okuta au NigĂ©ria, sous la direction d’un chasseur du nom de as, lui-mĂȘme conduisant le prince oloFiN et sa famille ayant perdu le pouvoir. AprĂšs un sĂ©jour relativement long Ă  KĂ©tou au BĂ©nin, ils s’instal-lĂšrent sur les collines de Dassa-ZoumĂ© oĂč ils ont fondĂ© le village gba ko ku (gba n’est pas mort) en souvenir Ă©ternel de leur patrie D’origine. Puis, ces mnjagun ont continuĂ© leurs pĂ©riples pour aller s’établir Ă  AtakpamĂ© et Ă  AlĂ©jo au Togo 6. Ils ont dĂ» partir de leur village d’ori-gine avec leurs Orisha (Vodun en Yoruba) dans leurs ba-gages. Parmi ces Vodun, on peut citer Ogu, Txsu, Ibeji (les Jumeaux), Shankpanan (futur Sakpata)
 AprĂšs leur installation Ă  Dassa-ZoumĂ©, ils ont commencĂ© les pre-miĂšres initiations au Vodun Sakpata.

C’est ainsi qu’au tout dĂ©but du XVIIIe siĂšcle, des adeptes de ce Vodun avaient Ă©tĂ© capturĂ©s par les troupes du roi akaba (1685-1708) et ramenĂ©s au palais royal. Il leur avait Ă©tĂ© exigĂ© de se prosterner devant le roi, mais ils avaient catĂ©goriquement refusĂ©, expliquant que seul le

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17comprend aisĂ©ment le trajet des premiĂšres migrations nigĂ©rianes vers le BĂ©nin et le Togo.7 Les adeptes du Vodun Sakpata, qui ne portent pas des chaussures afin d’ĂȘtre en permanence en contact avec leur divinitĂ©, ne se prosternent ou ne s’agenouillent que devant leur Vodun. Si cela n’est pas le cas, celui devant lequel ils s’agenouillent est attaquĂ© par la maladie de la variole et cela se solde fatalement par la mort.8 LissĂšzoun est un village situĂ© au nord-est d’Abomey et est ac-tuellement un Arrondissement de Bohicon. C’est dans ce village que l’armĂ©e du roi aurait tuĂ© yaxS, le chef guerrier de Jigbe Wem qui aurait attaquĂ© Abomey avec ses troupes parce que les Danxom-nu (habitants du royaume du Danxom) auraient volĂ© (imitĂ©) la technique qui permettait de construire les Amlix (les cases en forme circulaire appelĂ©es “Jx: la case des perles” oĂč le roi dĂ©posait son trĂ©sor) dont les Wemnu (ha-bitants de Wem) dĂ©tiendraient la licence.9 Le corps des victimes du Vodun Sakpata est en principe enterrĂ© dans une forĂȘt sacrĂ©e, emballĂ© dans une jalousie de raphia et dĂ©posĂ© dans la tombe. Cette dis-position est d’autant plus symbo-lique qu’elle permet de restituer Ă  la Terre (Vodun Sakpata) ce qui lui appartient. Par ailleurs, une expli-cation du point de vue sanitaire est possible et permet de comprendre qu’en isolant le corps et en le dĂ©-posant directement dans la tombe, la dĂ©composition serait accĂ©lĂ©rĂ©e pour Ă©viter toute propagation du virus. C’est certainement ce qui explique pourquoi dans les annĂ©es 1956-1957, lorsqu’une Ă©pidĂ©mie de variole sous l’égide de Sakpata avait dĂ©cimĂ© le village Tchalla OgoĂŻ non loin de Kkr sur la route in-ter-Ă©tat Cotonou-Parakou (BĂ©nin), les victimes avaient Ă©tĂ© inhumĂ©es dans un autre cimetiĂšre.10 En tant que sƓur jumelle du roi, et compte tenu du principe d’insĂ©-parabilitĂ© des jumeaux en vigueur chez les Fon, Tasi HangBĂ© avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© symboliquement intronisĂ©e au mĂȘme moment que son frĂšre aKaBa. Ce n’est qu’à la mort de ce dernier qu’elle avait rĂ©ellement pris le pouvoir. Mais avant la fin

MaĂźtre de la Terre, sous-entendu le Vodun Sakpata, mĂ©-rite cet honneur pour les initiĂ©s de leur Ordre 7. Toute-fois, sous la menace d’ĂȘtre dĂ©capitĂ©s, ils durent s’exĂ©cuter mais pas sans avoir fait porter la responsabilitĂ© au roi et aux membres de la cour royale. Quelques mois plus tard, une Ă©pidĂ©mie de variole se dĂ©clenche, fait des ravages dans la cour du roi et finit par emporter le roi akaba lui-mĂȘme qui meurt au front Ă  LissĂšzoun 8 en 1708 au moment oĂč les Wemnu avaient attaquĂ© la capitale du royaume. Sur son corps, ses partisans dĂ©couvrirent de nombreuses et curieuses taches dues aux pustules de la variole. Les informations rĂ©vĂ©lĂšrent que le roi Ă©tait mort de la maladie de la variole qui serait provoquĂ©e par un mystĂ©rieux Vodun du pays Iaaca. Les premiers contacts avec le clergĂ© initial de ce Vodun permirent de savoir comment un tel corps devrait ĂȘtre inhumĂ© 9, ce qui fut fait en toute confidentialitĂ©. Car, en dehors de quelques dignitaires de la cour, nul ne savait mĂȘme pas que le roi Ă©tait mort au front et pour ceux qui avaient l’information, ils ignoraient pour la plupart la vĂ©ritable cause de la mort du roi. Ainsi, Tasi haNGbĂ©, sƓur jumelle du roi, avait Ă©tĂ© choisie pour continuer les opĂ©rations de guerre contre les Wemnu (les riverains du fleuve OuĂ©mĂ©) 10. La guerre une fois terminĂ©e, Tasi haNGbĂ© prit la rĂ©gence du trĂŽne qui dura trois ans (1708-1711). C’est au cours de cette rĂ©gence qu’elle fera entrer Ă  Abomey, en compagnie de mitchaĂŻ, le fils du PrĂȘtre Sakpata contraint de les suivre depuis Dassa-ZoumĂ©, ce redoutable Vodun Sakpata qui avait emportĂ© son frĂšre souverain Xwesu akaba.

Ainsi commence la propagation du culte du Vodun Sakpata qui part de Dassa-ZoumĂ© vers le centre pour at-teindre le sud et toute la rĂ©gion cĂŽtiĂšre du BĂ©nin. Mais la prĂ©sence de ce Vodun n’a pas toujours Ă©tĂ© facilement acceptĂ©e Ă  Abomey compte tenu de ses exigences et de son caractĂšre trĂšs redoutable. En effet, l’un des attributs de ce Vodun est qu’il est MaĂźtre de la Terre (Ayinn), pos-sesseur et dispensateur des biens de la terre (Dkunn), Roi des Perles (Jxsu). Et pour respecter son caractĂšre sacrĂ© et redoutable, l’on avait peur de le nommer par son vrai nom Sakpata; une litote est utilisĂ©e Ă  cet effet, Ayikungban: la Terre. De mĂȘme, ses adeptes, qui sont des plus nombreux parmi les Vodunsi (adeptes du Vodun), se prosternent pour le saluer, comme les citoyens se pros-ternent pour saluer le roi. Aussi Vodun Sakpata entrait-il en conflit d’attribution avec le souverain qui, lui aussi, avait les mĂȘmes attributions. Comment un Vodun peut-il s’arroger les mĂȘmes attributions que le roi? Pour ce der-

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des opĂ©rations de guerre, nul ne devait savoir que le roi Ă©tait mort. Ainsi dĂ©guisĂ©e, et surtout pour Ă©viter qu’elle ne soit rĂ©ellement identifiĂ©e, l’on avait interdit de s’approcher du roi. C’est depuis cet Ă©vĂ©nement que nul ne doit s’ap-procher de trop prĂšs du souverain du royaume du DanxomĂš.11 Didier HouĂ©noudĂ©, Musique Tra-ditionnelle Ă  Abomey, CrĂ©dits pho-tographiques de Renate KrauSS-poetz, Abomey, RĂ©seau ThĂ©Ăątre Musique KarĂ©ta-RTMKA, 2009, p. 34.12 Pierre Verger, “Notes sur le culte des Orisa et Vodouns Ă  Ba-hia, La Baie de tous les Saints et Ă  l’ancienne CĂŽte des Esclaves en Afrique”, in MĂ©moires de l’Institut Français d’Afrique Noire, n. 51, 1957, pp. 140-242.13 Selon certaines sources, c’est le Vodun lui-mĂȘme qui aurait dĂ©cidĂ© de repartir sur les collines Ă  Das-sa-ZoumĂ© pour Ă©viter d’ĂȘtre mĂ©-langĂ© au culte des Nnsuxwe dĂ©jĂ  pratiquĂ© par les rois d’Abomey. Le culte des Nnsuxwe est celui ren-du aux princes de la famille royale ainsi qu’aux dignitaires de la cour. Mais cette thĂšse non plus n’est pas plausible Ă©tant donnĂ© que le bannissement du Vodun Sakpata Ă  Abomey est attestĂ© par plusieurs sources concordantes.14 Oro est un Vodun dont les adeptes sont organisĂ©s en un Ordre initiatique. C’est un Vodun sylvestre qui prĂŽne la paix, la jus-tice et recherche l’harmonie so-ciale. Il lutte contre les sorciers. Les femmes ne sont pas admises Ă  tous les niveaux de l’Ordre.15 Pierre Verger, art. cit., citĂ© par R. P. Paul FaLCon, “Religion du Vo-dun”, Études dahomĂ©ennes (Nou-velle SĂ©rie), n. 18-19, juillet-oc-tobre 1970, p. 48.

nier et ses dignitaires, il ne saurait y avoir deux MaĂźtres de la Terre sur une mĂȘme terre (le royaume). Pire, Vodun Sakpata frappait impunĂ©ment dans la famille royale sans Ă©pargner le roi lui-mĂȘme. Car, outre le roi akaba qui en Ă©tait mort, le roi kPeNGla (1774-1789) serait Ă©galement mort de variole, tandis qu’adaNdozaN (1797-1818) en aurait Ă©chappĂ© de justesse. Il s’agit-lĂ  d’une profonde hu-miliation du trĂŽne et de toute la royautĂ© qui serait ainsi dĂ©fiĂ©e par un simple Vodun. Alors, lorsque cela arrivait, la cour en faisait un secret d’État. Didier houĂ©NoudĂ© re-marque Ă  cet effet:

L’autoritĂ© de la dynastie rĂ©gnante au DanxomĂš a plu-sieurs fois Ă©tĂ© remise en cause par le clergĂ© de Sakpata. Les souverains du DanxomĂš supportaient mal que leur lĂ©gitimitĂ© fut menacĂ©e par une divinitĂ© dont ils n’arri-vaient pas Ă  contrĂŽler les adeptes. ConsidĂ©rĂ© comme le maĂźtre de la terre, Sakpata n’avait en effet aucun compte Ă  rendre aux rois du DanxomĂš. Pour ces derniers, il ne pouvait y avoir deux maĂźtres pour un mĂȘme royaume, d’autant plus que Sakpata avait plusieurs fois frappĂ© dans le royaume, dĂ©cimant l’armĂ©e des rois, tuant au sein mĂȘme de la famille royale par l’intermĂ©diaire d’épi-dĂ©mies de variole. Or le droit de vie et de mort Ă©tait un privilĂšge royal que s’arrogeait la divinitĂ© de la terre. La solution pour les souverains du DanxomĂš fut de bannir et d’exiler la divinitĂ© et son clergĂ© hors de la capitale oĂč siĂ©geait le gouvernement. 11

Ainsi, le Vodun Sakpata, aprĂšs son introduction Ă  Abomey par Tasi haNGbĂ©, fut expulsĂ© du royaume avec son clergĂ© Ă  cause de son extrĂȘme sĂ©vĂ©ritĂ©. Pierre verGer rapporte que GhĂ©zo (1818-1858) et GlĂšlĂš (1858-1889) en auraient interdit le culte public 12. Toutefois, cette thĂšse ne paraĂźt pas plausible, car c’est GhĂ©zo qui finit par autoriser l’implantation du couvent d’Anagokxwe qui est aujourd’hui l’un des couvents les plus prestigieux du Vo-dun Sakpata Ă  Abomey, mais Ă  condition que le clergĂ© de ce Vodun reconnaisse et respecte les attributions du roi 13. Ce n’est pas seulement Ă  Abomey que ce Vodun a fait l’ob-jet de bannissement. Car, mĂȘme Ă  AbĂ©okuta, son foyer initial, le Vodun Sakpata sera interdit en 1884. En effet, Ă  cause d’une Ă©pidĂ©mie de variole qui avait dĂ©cimĂ© les po-pulations, les adeptes du culte Oro 14 s’étaient vengĂ©s de ceux de Sakpata, ce qui avait occasionnĂ© plusieurs dĂ©cĂšs dans le rang de ces derniers. Ainsi, le culte fut interdit et les adeptes expulsĂ©s 15.

Mais la décision de Ghézo de réintégrer le culte du Vodun Sakpata à Abomey en a ouvert la voie à une ex-

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16 Bertrand ananou, Le Vodun: la religion traditionnelle du Danxom (lumiĂšre sur l’univers spirituel du BĂ©nin), PrĂ©face de Dah AgbalĂšnon adanmaĂŻKpoHouĂ©, Bohicon, Édi-tions ACT2D, 2012, p. 160.17 mn Olu: en Yoruba signifie “fils de Olu”; c’est un autre nom du Vodun Sakpata.

pansion rapide. On dĂ©nombre aujourd’hui plusieurs cou-vents du Vodun Sakpata sur le plateau d’Abomey 16.

Sakpata est un Vodun de lignage et non celui de toute une communautĂ©. Vodun de la Terre, il peut constituer Ă  lui tout seul un panthĂ©on bien organisĂ© qui dĂ©voile sa gĂ©nĂ©alogie. Les diffĂ©rentes sortes de Sakpata qui existent sont environ une vingtaine dont voici quelques-uns, cha-cun s’occupant d’un domaine particulier: Kuxsu Agbla (roi de la mort ou roi du pays des morts, c’est le pĂšre de tous les Sakpata), Nynxwe Ananu (mĂšre de tous les Sak-pata), Dada Zoji (fils aĂźnĂ©, spĂ©cialiste des vomissements et de la dysenterie), Dada Ahwangan (chargĂ© de la dĂ©fense), Dada Langan (chargĂ© de l’agriculture et de la chasse, spĂ©-cialiste des fiĂšvres Ă©ruptives), Ahwanmlangni (chargĂ© de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure), Avimaj (chargĂ© de l’organisation gĂ©nĂ©rale, il chĂątie ceux qui pleurent les victimes de Sak-pata, ce qui correspond Ă  un autre nom du Vodun Sakpata en Yoruba qui est Alakpa gba ukp, c’est-Ă -dire “celui qui tue et en reçoit des remerciements”; il est en relation avec le Vodun Txsu), Bosu Zounhon (gardien), Aglosu Mnt (garde du corps, spĂ©cialiste des plaies incurables), Aukake (chargĂ© de la santĂ©, spĂ©cialiste des migraines), Kpese Ytanu (chargĂ© du culte), Dada Sinji (cuisinier), Maja, Adantanyi (spĂ©cialiste de la lĂšpre), Kukpea, Nu-jnum (annihile la volontĂ© des hommes), Sunvilngn, Lansu, Agbogboji (spĂ©cialiste des morts par noyade et du gonflement du corps des victimes).

De cette famille nombreuse et organisée, transparaßt davantage le caractÚre redoutable de ce Vodun dont voici un des panégyriques:

Ô vĂ©nĂ©rable femelleÔ Shankpanan le vĂ©nĂ©rableLoko n’est plusTu as dĂ©crĂ©tĂ© que nous ne nous agenouillons pasToi qui dĂ©fais les nƓudsTu es le Grand MaĂźtreCela te sied tellementÔ vĂ©nĂ©rable femelleÔ Shankpanan le vĂ©nĂ©rableS’il y a quelqu’un qui dit que le vodun n’est rienIl va mourirMaladie terribleSi je suis chassĂ©, le pays sera troublĂ©Nous ne voulons pas parler de quelqu’un qui tueEt mange les gensNous verrons revenir sur le chemin du champLe cadavre gonflĂ© de ceux qui insultent mn lu 17

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18 R.P. Paul FaLCon, “Religion du Vodun”, cit., p. 48.19 Pour plus de dĂ©tails sur ce rythme sacrĂ© de Sakpata, voir Di-dier HouĂ©noudĂ©, op. cit., pp. 31-34.20 “Shankpanan” ou “Kpataki” que les Fon ont traduit par “Sak-pata” signifie: “l’Incontournable, le SuprĂȘme”.21 Tous les adeptes du Vodun Sak-pata s’appellent “Anagonu”, c’est-Ă -dire d’origine Nago, ce qui rap-pelle effectivement cette source-lĂ . Il en est de mĂȘme des adeptes du Vodun Xvioso qui s’appellent “Xweanu” (d’origine Xwea ou PĂ©ah), des adeptes du Vodun Dan qui s’appellent “Maxinu” (d’origine Maxi) et des adeptes du Vodun Txsu qui s’appellent “Xnut” (Xgbonut de Porto-Novo, c’est-Ă -dire les riverains du fleuve Azeu Wgbo nommĂ© OuĂ©mĂ© et qui est le siĂšge de ce Vodun).

Le corps de celui qui a insulté le vodun va pourrir de son vivant

Ô vĂ©nĂ©rable femelleÔ Shankpanan le vĂ©nĂ©rableTu es le Grand MaĂźtreCela te sied tellement.

Paradoxalement, le caractĂšre redoutable du Vodun Sakpata n’a pas pu dĂ©teindre sur son culte qui est, dans le golfe du BĂ©nin, un des plus populaires. On le remarque dĂ©jĂ  au niveau de la multiplicitĂ© des couvents qui lui sont dĂ©diĂ©s. De mĂȘme, ses cĂ©rĂ©monies d’exhibition publique sont de vĂ©ritables spectacles au sens plein du terme: un accoutrement riche et souvent assorti avec “de trĂšs beaux pagnes aux couleurs variĂ©es” 18, de belles chorĂ©graphies symboliques avec des bonds, des pirouettes, des sauts, une musique aux sons de tam-tams bien rythmĂ©e, par exemple le rythme Agbocebu 19, des hymnes et chansons trĂšs poĂ©tiques et pleins d’enseignements de morale et de sagesse, font de ce Vodun redoutĂ© l’un des plus presti-gieux et le plus aimĂ© du panthĂ©on.

En dĂ©finitive, il faut retenir que le PanthĂ©on Vodun est rigoureusement ordonnancĂ© dans la conception d’une re-ligion monothĂ©iste. Dada Sgbo, Ă©galement appelĂ© Mawu (l’Insurpassable), est le Dieu Unique, CrĂ©ateur du Ciel et de la Terre, modeleur des Enveloppes Charnelles et commanditaire des Parcelles Divines. Ces derniĂšres sont les Vodun dont l’aĂźnĂ© est Sakpata, lequel a pour Ă©lĂ©ment de rattachement la Terre. Son arme essentielle d’attaque est la maladie de la variole ainsi que toutes les mala-dies Ă©ruptives et la dysenterie. Egalement appelĂ© Ayinn (MaĂźtre de la Terre), Dkunn (Possesseur de toutes les richesses) ou Jxsu (Roi des perles), Gouverneur et Ges-tionnaire de la Terre, Sakpata est d’abord une force bĂ©nĂ©-fique. Responsable de la fĂ©conditĂ© sous toutes ses formes, il assure la continuitĂ© de la vie sur la terre qu’il symbolise et dont il distribue les richesses aux humains. Mais en tant que symbole de la Terre, il figure aussi une force capable de dĂ©truire. Il provoque sur la terre la sĂ©cheresse, le malheur et la mort de ceux qui ne sont pas de bonnes mƓurs. Son arme de destruction, qui peut ĂȘtre aussi bien individuelle que collective, est la maladie de la variole qu’il symbolise tout autant. Le plus redoutĂ© du panthĂ©on Vodun, Sakpata est d’origine Nago (Yoruba), comme le Fa dont il est issu. Son nom 20, le nom gĂ©nĂ©rique de ses adeptes qui est Anagonu 21, ses panĂ©gyriques ainsi que les hymnes Ă  lui dĂ©diĂ©s par ses adeptes l’attestent de façon

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22 Une clarification est nĂ©cessaire Ă  ce niveau. Dans le systĂšme Fa qui est fortement hiĂ©rarchisĂ©, Wln-Mnji est plus ancien et donc l’aĂźnĂ© de Lt-Mnji. Sur les seize Fadu cardinaux, le premier vient en sixiĂšme position tandis que le second vient en quatorziĂšme po-sition. Comment alors le Vodun Sakpata peut-il ĂȘtre dĂ©jĂ  installĂ©, c’est-Ă -dire Ă©rigĂ© dans Wln-Mnji et naĂźtre dans Lt-Mnji? La mĂȘme question est valable quant au Fadu Loso-Trukpn qui, lui, est encore un Fadu secondaire. L’on pourrait s’étonner de voir le Vodun Sakpata Ă©rigĂ© dans Loso-Trukpn tel que je l’ai dĂ©crit dans mon Ă©tude intitu-lĂ©e “PoĂ©tique de la paix ou Tofa”, cit., pp. 175-200. Mais cet Ă©tat de choses se comprend aisĂ©ment, car en rĂ©alitĂ©, l’existence du Vodun Sakpata dans Wln-Mnji n’est que virtuelle, Ă©tant donnĂ© que la Terre elle-mĂȘme qu’il prĂ©figure n’y existe qu’en tant qu’élĂ©ment (comme les trois autres Ă©lĂ©ments: l’Eau, l’Air et le Feu) et c’est dans Lt-Mnji qu’elle Ă©mergera de l’Eau. Autrement dit, la Terre est la materia prima sĂ©parĂ©e des Eaux (premier des Ă©lĂ©ments du Cosmos) par Dada Sgbo (l’Être SuprĂȘme) dans Lt-Mnji qui prĂ©figure le chaos primordial. La mĂ©thode d’or-donnancement du monde visible et invisible utilisĂ©e dans le Fa est de partir du virtuel pour aboutir au factuel, du possible pour atteindre le tangible.23 Pour des raisons de volume imposĂ© Ă  cette Ă©tude, je ne don-nerai que le texte que j’ai traduit en français; la transcription ainsi que la traduction juxtalinĂ©aire du texte original ne pouvant ĂȘtre re-produites ici.

incontestable. Maütre de la Terre, possesseur et dispensa-teur des richesses de la terre, le Vodun Sakpata a le pou-voir d’attaquer et de vaincre tout ce qui existe sur terre.

Esquisse d’une Ă©pistĂ©mĂš du Vodun Sakpata

Toute esquisse de l’épistĂ©mĂš du Vodun doit se fonder sur la connaissance du Fa, car c’est grĂące Ă  ce dernier que parviennent aux humains, telle une porte ouverte sur l’au-delĂ , les rĂ©sonances de chaque Vodun. En effet, Fa est le messager de Dada Sgbo, la Grande Âme, l’Être Su-prĂȘme et, en tant que tel, il dessine, dĂ©finit, dĂ©crit et trace l’écho des destinĂ©es aussi bien de tous les Vodun connus des hommes que de ces derniers eux-mĂȘmes. Bien que n’étant pas vĂ©ritablement un Vodun, Fa est celui auquel nul ne s’oppose parmi les Vodun. C’est pourquoi, s’il n’y a pas de Vodun qui refuse de lui obĂ©ir, tous viennent se prosterner devant lui en signe de profonde et d’indĂ©fec-tible allĂ©geance; et tout homme qui souhaite que son existence – tel un sillon – soit droite, doit pouvoir l’ac-crocher Ă  Fa – comme Ă  une Ă©toile.

Ainsi, la parole vĂ©ritable sur le Vodun Sakpata doit for-tement et fondamentalement s’arrimer Ă  Fa, car plusieurs Fadu expriment la manifestation de ce Vodun. Il s’agit notamment des Fadu cardinaux dont quelques dĂ©rivĂ©s si-gnalent Ă©galement les traces de ce Vodun. Parmi les Fadu cardinaux, nous avons: Gbe-Mnji, Yku-Mnji, Di-Mnji, Loso-Mnji, Wln-Mnji, Trukpn-Mnji, Lt-Mnji, C-Mnji et Fu-Mnji. Mais les Fadu les plus expressifs concernant le Vodun Sakpata sont incontestablement Wln-Mnji et Lt-Mnji. La raison est que c’est dans Wln-Mnji que Fa lui a confĂ©rĂ© tous les pouvoirs qu’il dĂ©tient et qui lui permettent de prendre l’ascendance sur tous les autres Vodun alors que Lt-Mnji l’a vu naĂźtre 22.

En considĂ©rant l’un des Fagleta de Wln-Mnji, nous avons le texte suivant 23:

Fagleta de Wln-Mnji

Dans un pays nommĂ© WkÀ l’époque mĂȘme oĂč la terreN’était pas encore advenueEt n’existait qu’en tant que principeVivaient six frĂšres et sƓursTrois garçons et trois fillesSix frĂšres et sƓursQui allaient devenir grands et puissantsSix puissants et redoutables frĂšres et sƓursQui avaient le mĂȘme pĂšre

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24 Dada Sgbo, littĂ©ralement en Fongbe (langue Fon) initiatique signifie la “Grande Âme”. On dit Ă©galement Sgbo-Lisa, ou bien, de façon plus courante, Mawu. Dans la ThĂ©ologie Vodun des peuples vivant dans le golfe du BĂ©nin et consignĂ©e dans le Fa, Dada Sgbo est le Dieu Unique, l’Intelligence Infinie, le TrĂšs-Haut, le Premier, le CrĂ©ateur du Ciel et de la Terre, nĂ© de rien, qui s’engendre lui-mĂȘme et engendre toutes les Ăąmes. Il est donc aussi bien le modeleur des enveloppes charnelles (les humains) que le commanditaire des Essences Divines (les Vodun). Son Ă©lĂ©ment de rattachement est l’Abyssus. En Yoruba, il est nommĂ© lrun et c’est le Dieu par lequel les populations jurent sans distinction de religion. On comprend alors aisĂ©ment que ceux qui Ăąnonnent polythĂ©isme au sujet des religions traditionnelles africaines ne savent en rĂ©alitĂ© rien de ce dont ils dis-sertent.25 Il s’agit-lĂ  des principaux Vodun du panthĂ©on Vodun du golfe du BĂ©nin. Chacun d’eux ayant sa par-ticularitĂ©.26 Il s’agit ici de la terre en tant qu’élĂ©ment, car Ă  cette Ă©poque-lĂ , elle n’existait qu’à l’état virtuel. C’est surtout dans le Fadu Lt-Mnji qu’elle Ă©mergera de l’eau.27 Wln-Mnji est le sixiĂšme Fadu cardinal. C’est dans ce Fadu que le Vodun Sakpata est installĂ© avec tous ses attributs.

Un mĂȘme pĂšre qui est la Grande ÂmeEt ce pĂšre s’appelait Dada Sgbo 24

Et Dada Sgbo Ă©tait le gĂ©niteur de six frĂšres et sƓursXvioso, Gu, Dan, Txsu, Nan et Sakpata 25

Ils Ă©taient les enfants de Dada SgboEt les six enfants de Dada Sgbo ne savaient que chasserIls chassaient chaque jour du matin au soirEt les petits et gros gibiers et mĂȘme les prĂ©dateursConstituaient la pitance journaliĂšre de chacun d’euxRien ne pouvait leur Ă©chapperIls chassaient chaque jour petits et gros gibiers et mĂȘme

les prédateursDans les brousses qui envahissaient la Terre 26

Et toute la Terre appartenait Ă  SakpataComme le Feu appartenait Ă  XviosoEt toute la Terre appartenait Ă  SakpataComme l’Air appartenait Ă  DanEt toute la Terre appartenait Ă  SakpataComme l’Eau appartenait Ă  TxsuEt toute la Terre appartenait Ă  SakpataComme le Fer appartenait Ă  GuEt toute la Terre appartenait Ă  SakpataComme la LumiĂšre appartenait Ă  NanMais SakpataL’aĂźnĂ©e des six frĂšres et sƓursN’avait pas d’armes pour aller Ă  la chasseElle n’avait pas d’armes pour aller Ă  la chasseEt les petits et gros gibiers et surtout les prĂ©dateursLui Ă©chappaient sans Ă©chapper Ă  ses autres frĂšres et

sƓursSakpataL’aĂźnĂ©e des six frĂšres et sƓursAvait des soucis gros comme une Ă©toileElle n’avait pas la ParoleElle n’avait pas la Parole car comment survivreSans armes pour aller Ă  la chasseEt gouverner la Terre sans la ParoleLa Parole est le pouvoirEt SakpataL’aĂźnĂ©e des six frĂšres et sƓursN’avait pas la ParoleAlors SakpataL’aĂźnĂ©e des six frĂšres et sƓursAlla voir Fa AĂŻdegun le Grand MaĂźtre de la connaissanceElle voulait savoir comment aller Ă  la chasse avec des

armesEt gouverner la Terre par la ParoleAlors Wln-Mnji 27 apparutEt Fa AĂŻdegun lui signifiaUne errante ne pouvait avoir la ParoleLa Parole est d’essence autoritĂ©

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2328 “Ayinn” est un morphĂšme en Fongbe composĂ© de “Ayi” = la terre et de “Nn” = MĂšre, Pro-priĂ©taire, Tuteur. “Ayinn” signifie donc “propriĂ©taire de la terre”. Ainsi, le Vodun Sakpata est le pro-priĂ©taire de la terre qu’il gouverne et symbolise.29 “Dkunn” est un morphĂšme en Fongbe composĂ© de “Dkun” = Richesse et de “Nn” = MĂšre, PropriĂ©taire, Tuteur. “Dkunn” signifie donc “Celui qui possĂšde les richesses”. Le Vodun Sakpata devient alors celui qui possĂšde et dispense les richesses de la terre dont il est le propriĂ©taire.30 R. P. Paul FaLCon, “Religion du Vodun”, cit., p. V.

Et l’autoritĂ© n’est pas d’essence nomadeCar Sakpata Ă©tait une errante sur la TerrePuisque la Terre appartenait Ă  SakpataSakpata devait avoir une rĂ©sidence sur la TerreEt Fa AĂŻdegun recommanda les ingrĂ©dients pour l’érec-

tion de la rĂ©sidenceEt Sakpata s’exĂ©cutaEt Fa AĂŻdegun Ă©rigea une forteresse Ă  SakpataUne forteresse munie d’un KitiKiti le trĂšs redoutable gardien du seuil de SakpataAinsi avec une rĂ©sidence fortifiĂ©eDes armes de tous genres et un gardien du seuilSakpata l’aĂźnĂ©e des six frĂšres et sƓursRetrouva la Parole perdueElle retrouva tous ses attributs de Ayinn 28

MaĂźtre de la TerreElle retrouva tous ses attributs de Dkunn 29

Possesseur de toutes les richesses de la TerreEt Sakpata l’aĂźnĂ©e des six frĂšres et sƓursDevint plus puissante que ses autres frĂšres et sƓursEt ses autres frĂšres et sƓurs se mettaientHumblement sous son autoritĂ© unanimement acceptĂ©ePour aller Ă  la chasse sur la Terre.

Ce texte sacrĂ© nous permet de savoir de façon incon-testable que le Vodun Sakpata, tout comme tous les autres Vodun, trouve son origine dans le Fa, ce dernier Ă©tant, il faut bien le souligner, un TraitĂ© de ThĂ©ologie Vodun. La plupart des chercheurs dans le domaine des sciences hu-maines, notamment en anthropologie, ethnologie, socio-logie ou littĂ©rature orale, ne parviennent presque jamais Ă  souligner l’origine du Vodun. L’essentiel de leur perspi-cacitĂ© les amĂšne Ă  rapidement Ă©vacuer, sinon Ă  Ă©luder la question en estimant simplement que le Vodun est une rĂ©alitĂ© que le BĂ©nin a hĂ©ritĂ©e du NigĂ©ria. C’est vrai que pour mieux comprendre tant la complexitĂ© que la tĂ©nuitĂ© du Vodun, il faut surtout ĂȘtre Boknn car seul ce dernier maĂźtrise mieux l’essence du Vodun.

De mĂȘme, il est nĂ©cessaire de comprendre et de par-ler les langues des peuples qui pratiquent cette religion afin de mieux en saisir les nuances. Certes, il existe une abondante littĂ©rature sur le Vodun dont les Missionnaires catholiques sont pour la plupart les auteurs, leur objec-tif premier Ă©tant de bien connaĂźtre et d’analyser dans le dĂ©tail les croyances et les cultes de ceux Ă  qui ils prĂ©-tendent apporter la civilisation 30. Mais trĂšs peu de cher-cheurs parviennent Ă  percevoir la profondeur du phĂ©-nomĂšne. Car, avant d’ĂȘtre une religion, c’est-Ă -dire une conception spirituelle dotĂ©e d’une thĂ©ologie fondĂ©e sur

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4 une cosmogonie hiĂ©rarchisĂ©e qui ordonnance le monde visible et le monde invisible, une anthropologie qui dĂ©-termine l’essence humaine, des rituels spĂ©cifiques intel-ligemment conçus avec l’existence des hymnes, chants, priĂšres, noms, danses, cĂ©rĂ©monies, sacrifices, initiations, consĂ©crations
 le Vodun est d’abord une maniĂšre parti-culiĂšre d’ĂȘtre des peuples qui l’adoptent, c’est-Ă -dire leur philosophie. On ne peut donc saisir vĂ©ritablement l’es-sence du Vodun sans apprĂ©hender cette philosophie-lĂ . Mais la plupart des recherches manquent de profondeur non seulement parce qu’elles sont menĂ©es de l’extĂ©rieur, c’est-Ă -dire en l’absence d’une maĂźtrise de la langue et de la comprĂ©hension de la philosophie qui sous-tend le Vo-dun, mais surtout parce qu’elles sont fondĂ©es sur des prĂ©-jugĂ©s religieux. C’est pourquoi l’interprĂ©tation de ce Fa-gleta exige une connaissance toute particuliĂšre du champ d’investigation que sont le Fa et les Vodun.

En effet, la “forteresse” dont parle le texte est l’instal-lation ou l’érection du Vodun Sakpata par Fa. Les ingrĂ©-dients ayant servi Ă  cette Ă©rection attestent de la puissance de ce Vodun ainsi que de son caractĂšre trĂšs redoutable. Le Vodun Sakpata est reprĂ©sentĂ© par un tumulus sur lequel un canari appelĂ© Ajalalazn (canari en terre cuite trouĂ© de toutes parts et dont chacune des ouvertures figure les pustules de la maladie de la variole que rĂ©gente le Vodun Sakpata) est visible. Parmi les ingrĂ©dients, j’indique ici le symbolisme de quelques-uns, ceux-lĂ  qui peuvent ĂȘtre rĂ©vĂ©lĂ©s sans que la Loi du Silence et le Sceau du Secret ne soient rompus:

– la pierre gidigbaja: c’est une pierre brute figurant la manifestation de la variole; elle peut produire le feu, par percussion ou par frottement et le Vodun peut l’utiliser pour attaquer ses ennemis Ă  la maniĂšre du Vodun Xvioso. Le symbolisme ambivalent qui se dĂ©gage d’un tel isomor-phisme se rapporte, d’une part, au caractĂšre purificateur, fĂ©condant, rĂ©gĂ©nĂ©rateur et illuminatif du feu et, d’autre part, Ă  son aspect destructeur. Ainsi, le Vodun Sakpata peut procurer du feu comme il peut dĂ©truire par le feu;

– toutes les sortes d’épines: le symbole de l’épine est celui de la dĂ©fense, du bouclier ou du rempart. Le Vo-dun Sakpata utilise les Ă©pines d’abord pour se dĂ©fendre, pour annihiler les influences nĂ©fastes et pernicieuses pour l’homme et la sociĂ©tĂ©, comme un animal utilisant ses cornes. Ensuite, il les utilise pour attaquer, surtout pour percer le corps de tout ce qu’il attaque. Enfin, il les utilise comme un symbolisme axial et solaire Ă  la maniĂšre des obĂ©lisques Ă©gyptiens;

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25– tous les cĂ©rĂ©ales, tubercules, fruits et liquides (eau, huile, alcool): le Vodun Sakpata, Ă©galement appelĂ© Dkunn (possesseur de toutes les richesses) ou Jxsu (Roi des perles), Ă©tant dispensateur des biens de la terre, gratifie en signe de rĂ©compense ceux qui le mĂ©ritent. Le symbolisme des cĂ©rĂ©ales renvoie Ă  celui de l’épi, de maĂŻs notamment, qui est l’abondance, la fertilitĂ©, la croissance, la nourriture que le Vodun Sakpata est capable de dis-tribuer Ă  profusion Ă  ceux qui respectent ses principes. En revanche, le Vodun Sakpata punit tous ceux qui lui dĂ©sobĂ©issent et les chĂątie de leur impiĂ©tĂ© tant qu’ils se nourriront de ces Ă©pis, ou bien en leur envoyant la sĂ©che-resse qui tue toutes les rĂ©coltes: c’est pourquoi on l’ap-pelle aussi Vodun de la sĂ©cheresse;

– toutes sortes de ferraille: le fer, tout comme chez le Vodun Gu, est considĂ©rĂ© aussi bien comme principe actif modifiant la matiĂšre que comme instrument de destruc-tion et de mort. La pleine possession de cet Ă©lĂ©ment ren-force la puissance du Vodun Sakpata;

– Asn: une sorte d’antenne, une reprĂ©sentation mĂ©-tallique particuliĂšre figurant un appendice sensoriel aigu ou le lieu de captation de l’énergie aĂ©rienne par le Vodun Sakpata comme cela s’observe Ă©galement chez le Vodun Dan, dont l’élĂ©ment de rattachement est l’Air;

– toutes les bĂȘtes fĂ©roces: elles figurent la rĂ©union des sorciers Ă  qui le Vodun Sakpata commande tout comme le Vodun Nan rĂ©gente la connaissance du monde invisible et visible. Ainsi, le Vodun Sakpata commande Ă©galement l’univers de la connaissance supĂ©rieure que l’on appelle la sorcellerie;

– un poussin: pour signaler sa prĂ©sence, la nuit notam-ment;

– une pipe et du tabac: le tabac est l’esprit de force ayant le pouvoir d’illumination et de puissance qui doit caractĂ©riser le Vodun Sakpata;

– des Ɠufs: figuration de l’Ɠuf cosmique et principe du devenir et de tous les possibles, l’Ɠuf est multiplica-teur de vies, reprĂ©sentation de la puissance crĂ©atrice de la lumiĂšre et symbolise ici la capacitĂ© du Vodun Sakpata d’attaquer les femmes enceintes et de leur provoquer des maux de ventre.

Il faut signaler qu’aucun de ces ingrĂ©dients n’est vi-sible sur la reprĂ©sentation du Vodun Sakpata parce qu’étant recouverts par Ajalalazn en dessous du Vodun. Sur ce canari rituel, sont reprĂ©sentĂ©es de petites taches noires figurant les pustules de la variole. Les rares reprĂ©-sentations artistiques de ce Vodun le prĂ©sentent sous une

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31 Mahougnon KaKpo, Yku-Mnji: une thĂ©ologie de la mort dans les Ɠuvres de Fa, cit., pp. 52-54.

forme humaine avec des attributs féminins, une femme de grande taille en position de combat, portant une courte jupe rituelle appelée valaya, biceps et chevilles ceints de perles et de cauris enfilés et tenant un balai en main droite et, dans la main gauche, un bùton.

Kiti: c’est le gardien du seuil dont Fa a dotĂ© le Vo-dun Sakpata comme Lgba est le gardien du seuil de tous les autres Vodun. Il est dotĂ© non seulement de tous les attributs cachĂ©s de son MaĂźtre mais bien plus encore. Ainsi, Kiti a, de façon visible, un bĂąton, qui peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un guide, un soutien, un bĂąton de dĂ©fense, de guerre aussi bien que comme un symbole de commandement, d’autoritĂ© et de souverainetĂ©. Ce bĂąton est nĂ©cessairement conçu avec un bois bien so-lide et Ă©pineux (xtin ou vlhuintin qui sont des essences arborescentes trĂšs rĂ©sistantes); il a Ă©galement un balai, symbole de puissance sacrĂ©e, d’autoritĂ© et d’expulsion des influences nĂ©fastes. Ce balai, ceinturĂ© au manche par des perles et des piĂšces d’argent, est la figuration du bon-heur Ă  ne pas faire fuir: c’est pourquoi le Vodun Sakpata interdit de balayer la nuit. On retrouve sur la reprĂ©sen-tation du Vodun Kiti qui est un tumulus, outre les Ă©lĂ©-ments prĂ©citĂ©s, toutes sortes d’épines, des cactus que l’on y fait pousser, une tĂȘte de branche de palmier dont on se sert pour chasser les mauvais esprits dans le village ou dans les maisons, des louches, des spatules, des bouteilles d’eau, d’huile et d’alcool, vĂ©ritables figurations de tout ce qui est comestible par l’homme et dont ce Vodun est le dispensateur.

HermĂ©neutique littĂ©raire d’une parole sacrĂ©e

Je vais Ă  prĂ©sent procĂ©der Ă  une hermĂ©neutique lit-tĂ©raire d’un des langages de Fa. Il s’agit d’un Fagleta de Yku-Mnji. Le texte est recueilli en Fongbe (langue Fon), une des langues majoritairement parlĂ©es au BĂ©nin et la plus usitĂ©e en matiĂšre de Fa au BĂ©nin, ce dernier y ayant eu comme langue d’accueil le Fongbe. Ce texte est extrait de mon essai intitulĂ© Yku-Mnji: une thĂ©ologie de la mort dans les Ɠuvres de Fa. Essai d’hermĂ©neutique lit-tĂ©raire 31. Je n’en donne ici que la traduction que j’en ai faite en français courant, la transcription ainsi que la tra-duction juxtalinĂ©aire se trouvant dans l’ouvrage prĂ©citĂ©. L’objectif est ici de montrer comment le trĂšs redoutable Vodun Sakpata chĂątie par l’épidĂ©mie de la variole mais aussi s’incline devant Fa.

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27Fagleta de Yku-Mnji

Sakpata emprunta une tĂȘte, des pieds, des bras, des habits

Il se rendit au marchĂ©Il y trouva une femmeÀ qui il dĂ©clara son amourCelle-ci accepta et le suivitLa femme demanda lĂ  oĂč ils allaient“Dans ma maison”, dĂ©clara SakpataEn cheminSakpata prĂ©textait d’une pause chaque foisEt en profitait pour restituer ce qu’il avait empruntĂ©Au point oĂč il ne restait que le troncParvenus Ă  la hauteur d’un tumulusSakpata signifia Ă  sa femmeQue c’était sa maisonIls rentrĂšrent dans la maisonSakpata alla chercher du bois de chauffageLa femme ayant compris son intentionEn profita pour s’évaderSakpata se lança Ă  sa poursuiteQuand elle se rĂ©fugiait dans une maisonSakpata y rĂ©pandait des maladiesLa femme se rĂ©fugia finalement dans la maison de Fa Sakpata pĂ©nĂ©tra dans la maison de Fa avec toutes les

maladiesConstatant la présence de Fa Il rebroussa cheminEt abandonna la femme à Fa.

Sakpata sort pour aller conquĂ©rir une femme. Or, lui-mĂȘme en est une. J’ai prĂ©cisĂ© prĂ©cĂ©demment que ce Vodun a des attributs fĂ©minins, ce qui est visible aussi bien sur les rares reprĂ©sentations artistiques que nous avons de lui que dans les rituels, panĂ©gyriques et chants Ă  lui adressĂ©s. Les hommes qui sont adeptes de ce Vodun sont obligĂ©s de porter des boucles d’oreilles afin d’ĂȘtre en phase avec ses attributs fĂ©minins. En rĂ©alitĂ©, que Sakpata ait des attributs fĂ©minins, cela ne devrait pas surprendre Ă©tant donnĂ© que la Terre, qui est son Ă©lĂ©ment de rattache-ment, est universellement assimilĂ©e Ă  une mĂšre, nourrice, fĂ©conde, protectrice et rĂ©gĂ©nĂ©ratrice. Nous savons que Sakpata a plusieurs enfants et j’en ai indiquĂ©s quelques-uns plus haut. Le Vodun Sakpata, MaĂźtre du Monde, est donc source de vie (vie et mort), nourrit l’homme avec les grains (maĂŻs, mil et les autres cĂ©rĂ©ales) et le protĂšge contre tout danger. C’est pourquoi les cultures africaines sont en gĂ©nĂ©ral intolĂ©rantes vis-Ă -vis des femmes stĂ©riles supposĂ©es rendre par consĂ©quent la terre familiale stĂ©-

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32 Jean CHeVaLier, Alain gHeer-Brant, Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont/Jupiter, 1982, p. 940.33 Xvioso: littĂ©ralement “oiseau cracheur de feu”; c’est le Vodun qui gouverne le Ciel, rĂ©gente la foudre et son Ă©lĂ©ment de ratta-chement est le Feu; principe mas-culin et actif, les Yoruba l’appellent Shango.34 Marcel griauLe, Dieu d’eau: entretiens avec OgotemmĂȘli, Paris, Librairie ArthĂšme Fayard, 1966, pp. 15-16.

rile. La terre comme matrice est un symbole universel. “Elle est la vierge pĂ©nĂ©trĂ©e par la bĂȘche ou par la char-rue, fĂ©condĂ©e par la pluie ou par le sang, qui sont la se-mence du Ciel. Universellement, la terre est une matrice qui conçoit les sources, les minerais, les mĂ©taux” 32. Ain-si, en tant que Grand Commandeur de la Terre, la plus grande fortune du Vodun Sakpata provient de la terre, ce qui justifie pourquoi il est appelĂ© Dkunn (possesseur et dispensateur des richesses) ou Jxsu (Roi des perles). Il est ainsi le centre du monde, Ă  la fois le plus craint et le plus aimĂ© de tous les Vodun.

De mĂȘme, le lien entre Sakpata et l’élĂ©ment Terre est davantage remarquable du huitiĂšme au onziĂšme ver-set oĂč Sakpata, sur le chemin du retour, est obligĂ© de restituer les organes empruntĂ©s Ă  leurs propriĂ©taires. Au terme de cette opĂ©ration de restitution, Sakpata est complĂštement dĂ©membrĂ© et ne prĂ©sente plus que l’as-pect d’une croĂ»te, la croĂ»te terrestre, connue elle aussi comme Ă©tant un principe fĂ©minin et symbolisant l’élĂ©-ment passif Terre par opposition au Ciel qui figure le principe masculin et l’élĂ©ment actif qui est le Feu. La comparaison est ici assez Ă©clairante entre le Vodun Sak-pata, roi des Ayivodun (Vodun de la terre), et le Vodun Xvioso 33, roi des Jivodun (Vodun du ciel ou d’en-haut). Par ailleurs, Marcel Griaule rapporte dans ses entre-tiens avec le vieil oGotemmĂȘli comment, dans la doc-trine Ă©sotĂ©rique des Dogon, notamment dans la hiĂ©roga-mie fondamentale Ciel-Terre, Amma a crĂ©Ă© la terre qui est une femme:

Le Dieu Amma ayant donc pris un boudin de glaise, il le serra dans sa main et le lança comme il avait fait pour les astres. La glaise s’étale, gagne au nord qui est le haut, s’allonge au sud qui est le bas, bien que tout se passe Ă  l’horizontale.– La terre est couchĂ©e mais le nord est en haut.Elle s’étend Ă  l’orient et Ă  l’occident, sĂ©parant ses membres comme un fƓtus dans la matrice. Elle est un corps, c’est-Ă -dire une chose dont les membres se sont Ă©cartĂ©s d’une masse centrale.Et ce corps est femme, orientĂ© nord-sud, posĂ© Ă  plat, face au ciel. Une fourmiliĂšre est son sexe, une termitiĂšre son clitoris. Amma, qui est seul et veut s’unir Ă  cette crĂ©ature, s’approche d’elle [
].Au moment oĂč Dieu s’approche, la termitiĂšre se dresse, barre le passage et montre sa masculinitĂ©. Elle est l’égale du sexe Ă©tranger, l’union n’aura pas lieu.Pourtant, Dieu est tout-puissant. Il abat la termitiĂšre re-belle et s’unit Ă  la terre excisĂ©e. 34

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2935 Jean CHeVaLier, Alain gHeer-Brant, op. cit., p. 941.36 Dans une communication in-titulĂ©e “DĂ©fense et illustration du fragment comme vecteur de connaissance et source d’archives” prĂ©sentĂ©e lors du Colloque Inter-national Africa N’ko, Dire l’Afrique dans le monde. La bibliothĂšque co-loniale en dĂ©bat, tenu Ă  Dakar, au SĂ©nĂ©gal, du 28 janvier au 1er fĂ©vrier 2013, Camille amouro indique que “le continuum linguistique des lan-gues gbĂš s’étend sur la cĂŽte Atlan-tique, du Ghana jusqu’à la fron-tiĂšre du Nigeria et compte environ cinq millions de locuteurs. Il est composĂ© majoritairement de cinq dialectes satellites d’une dizaine de parlers: l’ewe, le fn, l’aja, l’ayiz, le xwea. On doit toutefois relati-viser ici la notion de continuum lin-guistique. En effet, si l’on considĂšre l’espagnol, le portugais, l’italien et le français comme un continuum, on peut l’admettre. Si, en re-vanche, cette notion ne s’applique qu’à des langues sĂ©parĂ©es unique-ment par quelques isoglosses, nous aurions alors cinq continua autour de ces cinq dialectes majeurs car ils ne sont pas inter-comprĂ©hensibles. Nous aurions ainsi un continuum ewe-gn constituĂ© de l’ewe, du gn du Ghana-Togo, du gn du BĂ©nin, du waci; un continuum fn constituĂ© du fn d’Abomey, du maxi, du fn de Ouidah-Cotonou, du kotafn, du gun; un continuum ayiz avec le tri, le tfin, l’ayiz; un continuum xwea constituĂ© du xwla, du bopa, du saxw, du s, du popo et l’aja. C’est dans ce mĂȘme sens que les dialectes du yoruba, prĂ©sents au Togo, au BĂ©nin et au Nigeria et qui comptent plus de vingt millions de locuteurs for-ment, eux, un continuum, mĂȘme si le faisceau d’isoglosses est ici plus Ă©tendu: ica, cab, iaaca, if, igala, ij, nago, kambolĂ©, mokole, yoru-ba
”.37 Txsu fait partie des six frĂšres et sƓurs de Sakpata prĂ©cĂ©demment Ă©numĂ©rĂ©s. “Roi des Eaux”, Txsu reprĂ©sente l’esprit d’un ĂȘtre mal-formĂ© dĂ©cĂ©dĂ© et divinisĂ©. Autre-fois, ceux qui souffraient de ces af-fections Ă©taient considĂ©rĂ©s comme des ĂȘtres venus d’ailleurs et, ainsi, devaient retourner d’oĂč ils ve-naient, c’est-Ă -dire Ă  leur Ă©lĂ©ment. Alors, ils Ă©taient jetĂ©s Ă  l’eau (eau

Ce texte Ă©claire d’un jour nouveau le symbolisme du “tumulus”, “maison” de Sakpata. Nous savons en effet, depuis le texte de Wln-Mnji analysĂ© supra, que la reprĂ©-sentation visible de Sakpata est un tumulus (butte, tertre, termitiĂšre). Il s’agit de la figuration de la materia prima qui conduit, surtout grĂące au sĂ©mantisme de la termitiĂšre dont l’isomorphisme des termites renvoie Ă  l’idĂ©e d’un anĂ©antissement imperceptible mais inexorable, au prin-cipe de la dualitĂ© ou de la gĂ©mellitĂ©. Car, la termitiĂšre re-prĂ©sente, comme le souligne si bien la pensĂ©e Dogon, le clitoris, polaritĂ© mĂąle de la Terre dressĂ©e (Ă©rigĂ©e) contre le Ciel 35. Par ailleurs, dans la pensĂ©e Aja-Tado, la termi-tiĂšre est considĂ©rĂ©e comme la rĂ©sidence de Aziza, gĂ©nie de la mĂ©moire, de l’inspiration poĂ©tique et crĂ©atrice. C’est donc sous les auspices de ce principe de la gĂ©mellitĂ© que Sakpata est allĂ© emprunter des organes afin de changer d’aspect, de se dĂ©guiser en devenant un vĂ©ritable homme pour conquĂ©rir la femme convoitĂ©e.

Le premier verset fait apparaĂźtre le rapport Ă©troit qu’entretient le Vodun Sakpata avec les autres Vodun. La maladie de la variole que rĂ©gente le Vodun Sakpata est dĂ©jĂ  une pathologie Ă  laquelle il est identifiĂ©, car le nom Sakpata a complĂštement Ă©clipsĂ© sinon effacĂ© celui pour dĂ©signer la maladie de la variole. Quel que soit le conti-nuum considĂ©rĂ© et quelle que soit la langue retenue 36, le mot pour dĂ©signer “variole” est le mĂȘme pour dĂ©signer Sakpata. Le varioleux est considĂ©rĂ© comme celui qui a af-faire avec Sakpata et, dans ce cas, la crainte qu’inspire le Vodun conduit les populations Ă  ne pas le nommer mais Ă  utiliser un euphĂ©misme pour expliquer la situation: le varioleux a affaire avec Mnaxo, c’est-Ă -dire avec le “VĂ©-nĂ©rable” Vodun. Il est nĂ©cessaire de rappeler ici quelques-uns des noms forts de Sakpata relatifs Ă  la maladie: Azn-su (la grande maladie, la maladie redoutable, celle qui tue inexorablement et rapidement) ou Aznwann (la maladie qui sent mauvais, les pustules sur le corps du varioleux reprĂ©sentent des plaies qui sentent mauvais). Le sens de ces noms forts du Vodun est Ă  entendre comme un euphĂ©misme dĂ©signant la maladie de la variole.

C’est donc ainsi que Sakpata est associĂ© Ă  Txsu 37, le spĂ©cialiste des affections congĂ©nitales. L’un des Sak-pata, notamment Avimaj (“qu’il n’y ait point de pleurs”, c’est-Ă -dire celui qui interdit de pleurer les victimes de Sakpata, autrement il tue encore), est en Ă©troite rela-tion avec Txsu. On comprend alors pourquoi Sakpata va emprunter une tĂȘte, des bras, des pieds et des habits d’homme pour se rendre au marchĂ©.

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douce: lacs, fleuves
) d’oĂč on res-sortait plus tard leur esprit Ă  qui on vouait un culte dans des temples consacrĂ©s Ă  cet effet. Le culte de Txsu est toujours vivace de nos jours, mĂȘme s’il n’y a plus la mise Ă  mort rituelle de l’ĂȘtre malade. De ce Vodun est issu Ă  Abomey un autre culte, celui des Zomadonu (on dit gĂ©nĂ©ralement Zomadonu b mn, c’est-Ă -dire “le feu n’est pas quelque chose Ă  mettre Ă  la bouche, autrement, l’on aura la langue brĂ»lĂ©e”) qui honore les enfants des rois nĂ©s anormaux et retournĂ©s Ă  leurs Ă©lĂ©ments. Les cĂ©rĂ©monies de cĂ©lĂ©bration de ce Vodun passaient prioritairement avant les autres, car c’étaient les enfants des rois. À ce culte suc-cĂšde celui des Nnsuwxe qui, lui, d’origine Maxi, est la vĂ©nĂ©ration des princes et princesses ayant vĂ©cu normalement et qui Ă©taient honorĂ©s aprĂšs leur mort. Ce qui est certain, c’est que Nnsuxwe est un culte que les Maxi et les Fon vouent Ă  leurs ancĂȘtres. À propos du Nn-suxwe, l’on peut utilement consul-ter FifamĂš Comfort Fulberte Capo CHiCHi, Anthologie commentĂ©e des chansons sacrĂ©es et rituelles chez les Nnsuxwe de Savalou, MĂ©moire de MaĂźtrise de Lettres Modernes, UniversitĂ© d’Abomey-Calavi, 2007.

Le marchĂ© est la destination de Sakpata signalĂ©e dans le deuxiĂšme verset. Le marchĂ© est le lieu de rassemble-ment public, siĂšge Ă©galement de Sakpata qui est sĂ»r d’y retrouver la femme convoitĂ©e. Les jours du marchĂ© sont les prĂ©fĂ©rĂ©s du Vodun Sakpata. En effet, le schĂšme du marchĂ© est d’autant plus solidaire du Vodun Sakpata que l’un des Sakpata s’appelle Axinaj (“le marchĂ© s’anime-ra”, sous entendu “le marchĂ© s’animera dans le couvent de Sakpata”). De mĂȘme, le sĂ©mantisme du marchĂ© ren-voie ici Ă  un autre Vodun, celui nommĂ© Ayizan (la Terre). Ce Vodun, Ă©galement terrien, ressemble fort bien dans la dĂ©nomination que dans certaines de ses caractĂ©ristiques Ă  Sakpata. Son autel est constituĂ© d’un tertre surmontĂ© d’un Ajalalazn (le canari trouĂ© de toutes parts) serti de rameau de palmier, Ă©lĂ©ment essentiel dans les rituels Sak-pata, notamment dans les cĂ©rĂ©monies de sortie de ses no-vices. Il est installĂ© sur les places publiques, notamment les marchĂ©s, qu’il est censĂ© protĂ©ger contre les influences nĂ©fastes. Sakpata Ă©tant le MaĂźtre de Ayizan, ce dernier doit lui favoriser la tĂąche en lui donnant les informations sur l’objet de la quĂȘte. C’est pourquoi, en se rendant au marchĂ©, Sakpata fonctionne comme en territoire conquis.

Le texte fonctionne tout comme si la rencontre au marchĂ© entre Sakpata et la femme Ă©tait fortuite: “Sakpa-ta emprunte des organes, se rend au marchĂ© oĂč il ren-contre une femme”. Or, il n’y a pas que cette femme-lĂ  dans le marchĂ©. Pourquoi alors Sakpata a-t-il Ă©lu celle-lĂ ? Si nous ne connaissions pas la suite du texte, nous au-rions pu rĂ©pondre que ce pourrait ĂȘtre grĂące Ă  sa beautĂ©. Mais le texte est muet sur cet aspect et nous expose par la suite les rĂ©elles intentions de Sakpata: il veut tuer la femme. Donc, le choix de Sakpata ne rĂ©pond pas Ă  une contingence. Cette femme-lĂ  est une cible bien choisie. Mais qu’aurait-elle fait pour mĂ©riter ce sort?

En effet, le Vodun Sakpata est un justicier. Ces vic-times sont souvent ceux qui enfreignent ses principes, lui manquent de respect et vivent dans une impiĂ©tĂ© ar-rogante. Et c’est justement Ă  ce niveau-lĂ  que le texte a connu une ellipse. Car, il s’agit en rĂ©alitĂ© d’une jeune fille qui, ayant atteint l’ñge de se marier, se moque de tous ses soupirants et prĂ©tendants. Non seulement elle refuse leurs avances, mais surtout elle les injurie, les humilie en imitant devant toutes ses copines les faits, gestes et paroles de tous ceux qui se prĂ©sentent devant elle. Lors-qu’elle les aperçoit en ville, elle passe devant eux, par-fois en les bousculant ou en les piĂ©tinant et en les trai-tant de chiens. Or, le Vodun Sakpata interdit de traiter

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31ses adeptes d’imbĂ©ciles, de chiens, de les piĂ©tiner ou de passer au milieu de deux personnes en train de conver-ser. Mais la jeune fille, ignorant ou mĂ©prisant la qualitĂ© d’initiĂ© de tous ses prĂ©tendants, faisait impunĂ©ment tout cela. C’est donc pourquoi Sakpata l’a Ă©lue comme cible Ă  abattre.

Ainsi, arrivĂ© au marchĂ©, le jeune homme (Sak-pata dĂ©guisĂ©) charme la jeune fille dĂ©jĂ  identifiĂ©e et, compte tenu de ses pouvoirs, sollicite son cƓur qu’elle lui consent aussitĂŽt. Sur le chemin qui mĂšne chez son Ă©poux, la jeune fille se rend compte qu’elle est en dan-ger. Mais elle n’y peut rien parce qu’elle est sous bonne garde: elle est prisonniĂšre. Elle trouve l’occasion de s’éva-der lorsque Sakpata la laisse seule pour aller chercher du bois de chauffage. Commence alors une poursuite qui va du dix-huitiĂšme au vingt-sixiĂšme verset: la jeune fille est poursuivie par le redoutable Sakpata.

Les vingtiĂšme et vingt-et-uniĂšme versets nous ap-prennent que “lorsque la jeune fille se rĂ©fugiait dans une maison, Sakpata y rĂ©pandait des maladies”. La pluralitĂ© des maladies fait comprendre qu’il ne s’agit pas que de la maladie de la variole. Certes, la plus grande maladie que rĂ©gente le Vodun Sakpata est celle de la variole, une maladie trĂšs contagieuse, trĂšs infectieuse, Ă  propagation rapide et Ă©pidĂ©mique. Une maladie que les Gourmant-chĂ©, qui ne connaissent pourtant pas la rĂ©alitĂ© de Sak-pata, appellent “le roi des maladies” pour en avoir Ă©tĂ© victimes pendant longtemps. Le verbe “rĂ©pandre” utilisĂ© dans le verset correspond Ă  la rĂ©alitĂ© du phĂ©nomĂšne dĂ©-crit. Car, dans plusieurs langues du continuum ee, la phrase pour dire que quelqu’un souffre de la variole est: “La terre (ou le feu) s’est dĂ©versĂ©e sur lui”. Ainsi, en “rĂ©-pandant” les maladies, Sakpata se “dĂ©verse” sur le corps de ses victimes.

Toutefois, la variole n’est pas la seule maladie qu’il rĂ©gente. Car nous savons dĂ©jĂ , Ă  travers la spĂ©cialisation de chacun des membres de la grande famille de Sakpata, qu’il gĂšre de façon gĂ©nĂ©rale les fiĂšvres Ă©ruptives, la dysen-terie, les cĂ©phalĂ©es, le vomissement, les plaies incurables, la lĂšpre, la fiĂšvre typhoĂŻde, la mort par noyade (c’est pourquoi il est Ă©galement nommĂ© Da Avivnn, c’est-Ă -dire “le VĂ©nĂ©rable qui provoque le froid”) et le gonfle-ment du corps des victimes. La dĂ©nomination commune de la plupart de toutes ces pathologies est la mort. C’est le lieu de rappeler que le pĂšre de Sakpata est Kuxsu, le chef de la mort, et qu’il sait la distribuer Ă  merveille. Ainsi, le symbolisme qui se dĂ©gage de ces deux versets

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2 est fondamentalement la sanction qui frappe tous ceux qui tentent d’apporter une aide quelconque Ă  ceux qui tombent sous le coup de Sakpata: il tue la victime, tue ses Ă©ventuels adjuvants, interdit Ă  leurs parents de les pleu-rer et exige d’eux des remerciements. On comprend alors qu’il ne s’agit pas seulement d’une Ă©pidĂ©mie de variole, mĂȘme si celle-ci est l’épidĂ©mie centrale.

Il en Ă©tait ainsi jusqu’à ce que la jeune fille en vienne Ă  se soumettre Ă  Fa. Et c’est alors que le redoutable Sakpata va renoncer Ă  sa poursuite. Car, bien qu’étant redoutable, Sakpata, comme tous les autres Vodun, se prosterne de-vant Fa. C’est ce dernier qui a tracĂ© les sillons des des-tinĂ©es de tous les Vodun. Fa est donc l’unique sauveur devant la mort. Ainsi, dans le cadre d’une rĂ©elle attaque Ă©pidĂ©mique due au Vodun Sakpata, les consignes de Fa permettent de conjurer la maladie, car il est l’arbre dont l’ombre couvre ceux qui y trouvent refuge.

En somme, cette Ă©tude aura permis de rĂ©aliser que la problĂ©matique de l’épidĂ©mie est une rĂ©alitĂ© et non une virtualitĂ© dans la littĂ©rature orale sacrĂ©e manifeste dans le golfe du BĂ©nin Ă  travers tous les champs de Fa. Ces der-niers embrassent la plupart des domaines de la connais-sance et nous introduisent, entre autres, dans l’univers sacrĂ© du Vodun Sakpata, MaĂźtre de la terre et gouverneur de plusieurs maladies, notamment de la variole. Si Fa dĂ©voile les rituels du Vodun Sakpata avec toute sa puis-sance, c’est encore lui qui permet de calmer ses vellĂ©itĂ©s de destruction. Les textes issus des diffĂ©rents langages du Fa expriment non seulement l’univers du sacrĂ©, mais aussi une poĂ©tique spĂ©cifique Ă  l’épidĂ©mie de la variole.

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