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Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, nO 2, pp. 79-89 © Masson, Paris, 1995 CONDUITE À TENIR DEV ANT. .. Évaluation fonctionnelle de la paroi abdominale antérieure après reconstruction mammaire par lambeau abdominal myocutané transverse inférieur suite à mastectomie pour cancer A propos de 48 patientes R. GAUTIER MCMK, kinésithérapeute praticien, centre René Gauducheau, CRLCC Nantes-Atlantique, bd. J.-Monod, F-44805 Saint-Herblain Cedex. Enseignant, école de Massage, kinésithérapie rééducation de Nantes, 54, rue de la Baugerie, F-44230 Saint-Sébastien-sur-Loire. 1 Ce travail consiste en l'évaluation fonction- nelle des muscles grands droits et obliques de l'abdomen chez 48 patientes ayant bénéficié d'une reconstruction mammaire par TRAM Cette reconstruction a été faite à partir d'un muscle grand droit (lambeau unipédiculé chez 20 patientes) ou à partir des deux muscles grands droits (lambeau bipédiculé chez 28 patientes). L'analyse porte sur les résultats d'un questionnaire adressé à ces femmes à distance de leur intervention et surtout sur la réalisation de tests pré et postopératoires d'évaluation de la force musculaire. Enfin, les résultats sont comparés aux études antérieures réalisées par les équipes belges et américaines afin d'en apprécier la fiabilité. Introduction La reconstruction mammaire par lambeau abdominal transverse inférieur (T.R.A.M. = Transverse Rectus Abdominis Myocutanéous Flap) a été mise au point en 1982 par Hartrampf, Black et Scheflan (1). L'idée des auteurs est d'utiliser l'ensemble de la palette cutanée abdo- Tirés à part: R. GAUTIER, à J'adresse ci-dessus. minale transverse inférieure, taillée à la manière d'une dermolipectomie pour la reconstruction d'un sein. Cette idée originale repose sur l'hypothèse que ce vaste lambeau musculo-cutané peut être entièrement vascularisé par un seul axe artériel épigastrique supérieur (2, 3). L'artère épigastri- que supérieure présente un trajet axial dans la profondeur du muscle grand droit de l'abdomen correspondant (fig. 1 et 2), (3, 4). Ce muscle, jouant le rôle de porte-vaisseau, est donc prélevé au cours de l'intervention (reconstruction par lambeau unipédiculé). La reconstruction mam- maire par lambeau bipédiculé (transfert des deux muscles grands droits) est née des complications vasculaires des lambeaux uni pédiculés (5, 6). La double vascularisation de la palette abdominale lui assure une excellente fiabilité vasculaire. Le risque d'ischémie ou de nécrose partielle du lambeau est réduit à néant. Cette technique de reconstruction est re- connue comme étant la méthode donnant les meilleurs résultats et se rapprochant le plus de l'aspect naturel. Le sein reconstruit est souple, chaud, sans prothèse. Selon Nehamia (7) «... le sein reconstruit possède une forme et une consistance naturelle, voisine du sein controlaté- raI... ». Le degré de satisfaction des patientes ayant bénéficié de cette technique utilisant du tissu autogène est extrêmement important, comparativement aux autres techniques de reconstruction [Guillard (8)].

Évaluation fonctionnelle de la paroi abdominale antérieure après … · 2010. 9. 16. · selon Bouchet et Cuilleret (4) 1 - 5e côte 2 - insertion du muscle grand droit 3 - feuillet

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  • Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, nO 2, pp. 79-89© Masson, Paris, 1995

    CONDUITE À TENIR DEV ANT. ..

    •Évaluation fonctionnelle de la paroi abdominale antérieure aprèsreconstruction mammaire par lambeau abdominal myocutanétransverse inférieur suite à mastectomie pour cancer

    A propos de 48 patientes

    R. GAUTIER

    MCMK, kinésithérapeute praticien, centre René Gauducheau, CRLCC Nantes-Atlantique, bd. J.-Monod, F-44805 Saint-HerblainCedex. Enseignant, école de Massage, kinésithérapie rééducation de Nantes, 54, rue de la Baugerie, F-44230 Saint-Sébastien-sur-Loire.

    1

    Ce travail consiste en l'évaluation fonction-nelle des muscles grands droits et obliques del'abdomen chez 48 patientes ayant bénéficiéd'une reconstruction mammaire par TRAM

    Cette reconstruction a été faite à partir d'unmuscle grand droit (lambeau unipédiculé chez20 patientes) ou à partir des deux musclesgrands droits (lambeau bipédiculé chez28 patientes).

    L'analyse porte sur les résultats d'unquestionnaire adressé à ces femmes à distancede leur intervention et surtout sur la réalisationde tests pré et postopératoires d'évaluation dela force musculaire.

    Enfin, les résultats sont comparés auxétudes antérieures réalisées par les équipesbelges et américaines afin d'en apprécier lafiabilité.

    Introduction

    La reconstruction mammaire par lambeauabdominal transverse inférieur (T.R.A.M. =Transverse Rectus Abdominis MyocutanéousFlap) a été mise au point en 1982 par Hartrampf,Black et Scheflan (1). L'idée des auteurs estd'utiliser l'ensemble de la palette cutanée abdo-

    Tirés à part: R. GAUTIER, à J'adresse ci-dessus.

    minale transverse inférieure, taillée à la manièred'une dermolipectomie pour la reconstructiond'un sein.

    Cette idée originale repose sur l'hypothèse quece vaste lambeau musculo-cutané peut êtreentièrement vascularisé par un seul axe artérielépigastrique supérieur (2, 3). L'artère épigastri-que supérieure présente un trajet axial dans laprofondeur du muscle grand droit de l'abdomencorrespondant (fig. 1 et 2), (3, 4). Ce muscle,jouant le rôle de porte-vaisseau, est donc prélevéau cours de l'intervention (reconstruction parlambeau unipédiculé). La reconstruction mam-maire par lambeau bipédiculé (transfert des deuxmuscles grands droits) est née des complicationsvasculaires des lambeaux uni pédiculés (5, 6). Ladouble vascularisation de la palette abdominalelui assure une excellente fiabilité vasculaire. Le

    risque d'ischémie ou de nécrose partielle dulambeau est réduit à néant.

    Cette technique de reconstruction est re-connue comme étant la méthode donnant lesmeilleurs résultats et se rapprochant le plus del'aspect naturel. Le sein reconstruit est souple,chaud, sans prothèse. Selon Nehamia (7) «... lesein reconstruit possède une forme et uneconsistance naturelle, voisine du sein controlaté-raI... ». Le degré de satisfaction des patientesayant bénéficié de cette technique utilisant dutissu autogène est extrêmement important,comparativement aux autres techniques dereconstruction [Guillard (8)].

  • 80 Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, n° 2

    altère épigëlslriquesuperiè'He (5)

    artères intercostales

    (i)

    artère circon'f'exe iliaq'Je supe"artère épig3sh;qtle mlérieure']llère honteuse

  • Technique chirurgicale

    RECONSTRUCTION PAR LAMBEAUUNIPÉDICULÉ

    Cette technique de reconstruction mammaire associeune dermolipectomie abdominale, correspondant au prélè-vement du lambeau, un décollement cutané de la paroiabdominale antérieure pour le transfert de ce lambeau versle thorax, et enfin le modelage du nouveau sein.

    Le prélèvement du lambeau abdominal

    La patiente est installée en position semi-assise.L'intervention se déroule sous anesthésie générale. Lesdessins préopératoires sont tracés sur le corps de lapatiente le jour même de l'intervention (fig. 3). La paletteabdominale correspond à une ellipse à grand axehorizontal, tendue d'une épine iliaque antérosupérieureà l'autre en passant à un travers de doigt au-dessus dupubis et sous l'ombilic. Au niveau thoracique, la zonecutanée d'exérèse emporte la cicatrice de mastectomie (3).

    C'est en général le muscle grand droit controlatéral àla mastectomie qui est choisi (fig. 4).

    L'utilisation du muscle homolatérallui imposerait unerotation de 180°, préjudiciable à sa vascularisation. Lemuscle grand droit choisi est sectionné à un travers dedoigt au-dessus du pubis. Son artère épigastrique infé-rieure est ligaturée de façon élective. Le muscle est élevé

    Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, nO 2 81

    en totalité avec son feuillet aponévrotique antérieur, surtoute sa longueur jusqu'à ses insertions costales qui sontrespectées (10).

    Il existera donc un défect abdominal correspondant aumuscle grand droit et au feuillet antérieur de sonaponévrose. L'ombilic est respecté.

    L'élévation du lambeau (fig. 5)

    Un tunnel est réalisé pour permettre l'élévation dulambeau vers sa position thoracique. Ce vaste décollementde la paroi cutanée abdominale antérieure est suffisam-ment large pour ne pas comprimer la vascularisation dulambeau.

    Le modelage du sein et la réparation pariétale

    Le modelage du sein et la réparation de la paroiabdominale sont effectués dans le même temps opératoire,en deux équipes.

    Le modelage du sein est effectué par désépidermisationdes zones supérieure et latérale qui sont enfouies sous lapeau thoracique pour reconstruire le défect sous clavi-culaire et le bord antérieur du creux axillaire. Les bergesdu lambeau sont suturées aux berges du prélèvementthoracique de la cicatrice de mastectomie en respectantles dessins préalablement tracés. La majeure partie dulambeau donne le relief extérieur du sein reconstruit,c'est-à-dire le galbe et l'effet de ptose (fig. 6).

    \

    FIG. 3

    )(FIG.4 FIG.5 FIG. 6

    FIG. 3. - Dessins opératoires, vue de trois quart

    FIG. 4. - Dessins préopératoires de la palette abdominale etautour de la cicatrice de mastectomie : noter que le lambeau estpédiculisé sur le muscle grand droit controlatéral.

    FIG. 5. - Schématisation de l'ascension du lambeau.

    FIG. 6. - 11;fodelage du sein, laissant une cicatrice autour de lareconstruction.

  • 82 Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, nO 2

    La réparation pariétale est systématiquement effectuéeà l'aide d'une plaque non résorbable de Mersilène. Le sensélastique du treillis est disposé verticalement. Ce matérielprothétique est fixé aux berges de J'aponévrose antérieuredes muscles larges de l'abdomen, par des points séparésde fil non résorbable (fig. 7). La réparation pariétale estdrainée par deux redons aspiratifs.

    L'ombilic est replacé sur la paroi abdominale. Ladermolipectomie est refermée par un surjet de filsrésorbables (fig. 8).

    Les suites opératoires

    L'intervention dure en moyenne 2 heures et7 minutes (10).

    La patiente sort du bloc opératoire en positionsemi-assise et gardera cette position pendant les cinqpremiers jours pour limiter les risques de compression dupédicule vasculaire du lambeau.

    Les soins infirmiers du lambeau (surveillance de lacoloration, chaleur, reconnaissances des signes d'engorge-ment ou d'ischémie vasculaire ...) supposent une formationspécifique du personnel à ce type de prise en charge.

    L'équipe de kinésithérapeutes prend en charge l'assis-tance respiratoire postopératoire, la prévention des patho-logies de décubitus, la reprise de la mobilisation. Lesdouleurs spécifiques au maintien prolongé de la positionassise, hanches et genoux fléchis sont fréquents

    - dorso-lombalgies (dans 60 % des cas) ;- sciatalgies (23 %) ;- hyperpression fémoro-patellaire et gonalgies (37 %).La mobilité complète de l'épaule homologue à la

    reconstruction est récupérée progressivement- dans 37 % des cas à J 3,- dans 55 % des cas à J 4,

    - dans 68 % des cas à J 5.Le premier levé est programmé au Se jour.La sortie est envisagée quand il n'y a plus de redons.

    La patiente doit se mobiliser de façon autonome. Lesproblèmes de transit digestif sont réglés. La sonde urinaireest retirée. Les suites opératoires sont simples au niveaudu lambeau. L'hospitalisation dure en moyenne entre 7et 14 jours (9, 10, 13).

    La tonification de la sangle abdominale peut êtredébutée au 30e jour.

    Le deuxième temps opératoire (3)

    Le deuxième temps correspond essentiellement à laréalisation de la plaque aréolomamelonnaire, 4 à 6 moisaprès la première intervention. La technique consiste enun prélèvement cutané au niveau de la face interne decuisse. L'emplacement de la future plaque est repéré etdésépithélialisé. La peau prélevée est appliquée en greffede peau totale sur le sein reconstruit. Le relief mamelon-naire est obtenu par décapitation du mameloncontrolatéral.

    Au cours de cette intervention sont réalisées égalementles retouches à visée esthétique (reprise du sein reconstruit,symétrisation du sein controlatéral...).

    RECONSTRUCTION PAR LAMBEAU

    BIPÉDICULÉ (fig. 9)

    La technique diffère peu de celle du lambeauuni pédiculé.

    Le défect pariétal est double; les deux muscles grandsdroits de l'abdomen sont prélevés avec le feuilletaponévrotique antérieur. La double vascularisation de la

    D/\

    )(FIG.7 FIG.8 FIG.9

    1'"

    FIG. 7. - Fermeture pariétale sur un treillis non résorbable.FIG. 8. - Résultat jinal.

    FIG. 9. - Le lambeau abdominal transverse inférieur bipédiculépour une reconstruction unilatérale.

  • palette abdominale assure une parfaite fiabilité vasculairedu lambeau.

    Les indications d'un lambeau bipédiculé reposent surles facteurs de risque de nécrose et sur la nécessité deréaliser un sein volumineux (1, 13).

    Population

    De janvier 1989 à décembre 1993, Y. Gui1-lard, Chirurgien du Centre René Gauducheau,a effectué 67 reconstructions mammaires parT.R.A.M. Seulement 48 d'entre elles ont pu êtreévaluées d'une façon rigoureuse, avec tests deforce musculaire pré et post-opératoires etquestionnaire individuel adressé aux patientes,à distance de l'intervention.

    Le tableau 1 montre la répartition despatientes.

    La figure 10 reproduit la pyramide des âges.L'âge de la population testée s'échelonne de

    35 à 62 ans avec une moyenne à 50 ans.Le poids moyen est de 63,7 kg (47 - 97 kg).Toutes les patientes ont été opérées par le

    même chirurgien et testées par le mêmekinésithérapeute.

    Méthode

    ÉVALUATION FONCTIONNELLE DE LA PAROI

    ABDOMINALE ANTÉRIEURE (fig. 11)

    Nous avons utilisé pour les différents muscles, laméthode et les cotations de Lacote dans « Évaluationclinique de la fonction musculaire » (14).

    La figure Il montre les tests utilisés pour ;• les portions sus-ombilicales et· sous-ombilicales desgrands droits,

    T ABLEA U 1. - Répartition des patientes

    Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, nO 2 83

    • le muscle grand oblique droit de l'abdomen (l'évaluationdu grand oblique gauche étant identique mais inversée)

    Chaque muscle est côté de 0 à 5.Seules les cotations 3, 4 et 5 ont été analysées dans ce

    travail.

    Exemple : portion sus-ombilicale des grands droits ;• Cotation 3 = bras croisés sur la poitrine, décoller lesépaules et les scapula du plan de référence.• Cotation 4 = bras croisés sur le thorax, demander uneflexion progressive du tronc. La région dorsale et lombairedécolle du plan de la table. La lordose lombaire doits'effacer.

    Maintenir les pieds en fin de mouvement pour stabiliserla patiente.• Cotation 5 = idem, mains croisées derrière la nuque.Demander le même mouvement, sans propulsion.

    ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE

    L'ensemble des tests musculaires précédemment décritsa été soumis aux 48 patientes lors de la consultationchirurgicale préopératoire, ou le plus souvent lors del'hospitalisation la veille de l'intervention.

    ÉVALUATION POSTOPÉRATOIRE

    Les tests d'évaluation ont été effectués tardivement

    entre 6 mois et 2 ans après la reconstruction. Ils étaientsoumis aux patientes lors d'une consultation médicale desurveillance.

    FIG. 10. - Pyramide des âges.

    48 Patientes

    20 reconstructions unilatérales

    28 reconstructions unilatéralespar lambeau unipédiculé

    par lambeau bipédiculé

    5 patientes

    19 patientes

    ont bénéficié d'une• rééducation musculaire• tonification de la sangle abdominale en postopératoire

    Age 35 40 45 50 55 60 65

  • 111

    84 Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, n° 2

    ~. Col.3

    -t -

    :~"--r-

    c_ Cot.3

    Cot.5

    FIG. 11. - Test d'évaluation fonctionnelle des muscles grands droits et obliques de l'abdomen.a - muscles grands droits: portion sus-ombilicale.b - muscles grands droits: portion sous-ombilicale.c - muscle grand oblique droit.

    En règle générale, ces femmes avaient terminé leursséances de rééducation de la paroi abdominale, ces séancesétant effectuées entre le 2e et le 12e mois postopératoire.

    ENQUÊTE RÉALISÉE AUPRÈS DE LAPOPULATION TESTÉE

    Un questionnaire individuel a été adressé à l'ensembledes patientes entre le 12e et le 30e mois postopératoire.Cette enquête portait sur le degré de satisfaction aprèsreconstruction, les douleurs dorso-lombaires postopéra-toires, la force et la solidité du mur abdominal.

    Il a été demandé également de quantifier et de situerla gêne fonctionnelle abdominale, notamment dans lestransferts à partir du décubitus dorsal.

    Résultats

    RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE EFFECTUÉEAUPRÈS DES 48 PATIENTES TESTÉES

    • 85 % des patientes sont satisfaites de leurreconstruction et la recommandent à d'autres

    mammectomisées, ceci malgré « quelques in-convénients » inhérents à la technique à typede déficit musculaire et de gêne fonctionnelle .• 53 % des patientes ont présenté des douleurslombo-abdominales en postopératoire (sensationde brûlures, tiraillements abdominaux, douleursrachidiennes à la station assise ou debout

    prolongée, sensation de striction abdominale, ou« rétraction sterno-pubienne »...). Ces douleurss'estompent progressivement (75 % des cas) lorsde la première année postopératoire.• 83 % des patientes ressentent une gênefonctionnelle (tableau II)

    - lors de la réalisation d'activités quoti-diennes (ménage, jardinage, cuisine, port decharges lourdes, activités physiques ...),

    - mais surtout lors des transferts et lors dela fonction de redressement du tronc à partirde la position allongée.

    Dans notre enquête, 46 % des patientesestiment très difficile l'élévation antérieure du

    tronc à partir du décubitus dorsal et 25 %

  • TABLEAU II. - Analyse subjective du déficit fonctionnelde la paroi abdominale

    Résultat de l'enquête réalisée auprès de la population testée

    y a-t-il un gêne au niveau abdominal?• OUI = 83 %• NON = 17 %Quantifier cette gêne• Nulle = 17 %• Minime = 36 %• Moyenne = 20 %• Importante = 27 %

    Lors du passage de la position allongée sur le dos à la positionassise

    Quantifier la difficulté:• Nulle = 10 %• Minime = 27 %• Moyenne = 17 %• Importante = 46 %

    Lors de la torsion du tronc en position allongée

    Quantifier la difficulté: • Nulle = 13 %• Minime = 32 %• Moyenne = 30 %• Importante = 25 %

    estiment également très difficile la flexion-rotation du tronc.

    • Déjà, avant l'intervention, 30 patientes sur 48interrogées (62 %) se levaient le matin « ens'aidant des deux membres supérieurs et en setournant sur le côté» et 19 patientes (40 %)estimaient avoir une sangle abdominale insuffi-sante, pratiquaient peu la gymnastique et avaientune activité physique limitée.

    RÉSULTATS DE L'ÉVALUATION

    PRÉOPÉRATOIRE - RÉSULTATS OBJECTIFS

    (tableau III)

    Chez les candidates à la reconstructionmammaire par T.R.A.M., la fonction du murabdominal est loin d'être parfaite, seulement :• 46 % d'entre elles (22 patientes) réussissentl'antéflexion du tronc à partir du décubitusdorsal (cotation 5 = grands droits, partiesus-ombilicale).• 69 % (33 patientes) contrôlent complètementl'abaissement des deux membres inférieurs (cota-tion 5 = grands droits, partie sous-ombilicale).• 45 % (22 patientes) réussissent la rotation dutronc, rachis décollé du plan de référence(cotation 5 = muscle grand oblique).

    Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, n° 2 85

    TABLEAU III. - Résultats de l'évaluation de la paroi abdominaleavant et après le transfert d'un ou de deux musc/es grands droitsde l'abdomen (exprimé en % de réussite).

    TestsTests

    préopératoirespostopératoires

    Lambeau

    Lambeau

    (48 patientes)unipédiculébipédiculé

    (20 patientes)(28 patientes)

    3*

    4*5*3*4*5*3*4*5*

    Upper Rectus

    90624675453040147

    Lower Rectus

    928569806040645718

    ExternalOblique

    907045804525502514

    Upper Rectus : grands droits de l'abdomen - portion sus-ombilicale

    Lower Rectus : grands droits de l'abdomen - portion sous-ombilicale

    External Oblique : grands obliques* Cotations correspondant aux mouvements décrits dans lafigure 11.

    Il faut également noter que 10 % des patientes(soit 5 femmes pour chaque test) ne parviennentpas en préopératoire et en décubitus dorsal à :• décoller tête et scapula du plan de référence,• amorcer une rotation du tronc,• tenir leurs membres inférieurs à la verticale.

    Les causes de cette grosse insuffisance mus-culaire sont liées à :

    • des activités physiques et sportives réduites(25 %),• un goût peu prononcé pour la gymnastique(20 %),• une obésité ou surcharge pondérale

    - 4 patientes) 90 kg,- Il patientes > 75 kg,

    • l'âge : dans le groupe des femmes ) 50 ans(23 patientes), 35 % seulement atteignent la cota-tion 5 des grands droits (portion sus-ombilicale).

    RÉSULTATS DE L'ÉVALUATION

    POST -OPÉRA TOIRE - RÉSUL TA TS OBJECTIFS

    (tableau III)

    Évaluation globale post-opératoire

    Parmi les 48 patientes testées, seulement 24d'entre elles ont bénéficié de séances de kinési-thérapie de renforcement de la sangle abdomi-nale (50 %) (tableau 1).

  • 1

    86 Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, nO 2

    Chez les femmes rééduquées, le nombremoyen de séances est de 29 (avec un chiffremaxima à 80 séances et minima à 10 séances).

    L'analyse globale du tableau III montre quepour tous les tests et toutes les cotations, lesdéficits sont plus importants chez les femmesayant bénéficié de lambeaux bipédiculés parrapport à celles qui ont bénéficié de lambeauxuni pédiculés.

    Évaluation des 20 patientesayant bénéficié de lambeaux unipédiculés

    • 6 patientes (30 %) atteignent la cotation 5 desgrands droits supérieurs et parviennent à décol-ler la colonne lombaire du plan de référence,mains derrière la nuque. Seulement 2 de cespatientes ont rééduqué leur sangle abdominaleavec un kinésithérapeute en postopératoire. Anoter que 10 patientes réussissaient le test enpréopéra toire.• 8 patientes (40 %) contrôlent l'abaissementdes 2 membres inférieurs (cotation 5 portionsous-ombilicale). Treize femmes l'effectuaient enpréopératoire.

    TABLEAU IV. - Tableau récapitulatif des patientesréussissant les cotations 4 et 5 lors du redressement du tronc

    après lambeaux bipédiculés.

    Age

    TaillePoidsNbr de séances

    (m)(kg)de rééducation

    Patiente A

    351,6556 35

    Patiente B

    46l,5454 40

    Cotation 4Patiente C351,6352 35

    Patiente D

    50l,5053 50

    Cotation

    Patiente A351,6556 35

    5

    Patiente B46l,5454 40

    • 5 patientes (25 %) obtiennent la cotation 5des obliques : flexion-rotation du tronc. Septpatientes l'obtenaient en préopératoire.

    Évaluation des 28 patientesayant bénéficié de lambeaux bipédiculés

    Lors de la réalisation du test de redressementdu tronc en position assise (tableau IV), il fautnoter que :

    TABLEAU V - Tableau récapitulatif des patientesréussissant la cotation 5 de rotation-flexion du tronc

    après lambeaux bipédiculés.

    Age

    TaillePoidsNbr de séances

    (m)(kg)de rééducation

    Patiente A

    351,6556 35

    Cotation

    Patiente B46l,54• 54 40

    5

    Patiente D50l,5053 50

    Patiente E

    58l,5858 20

    - 4 patientes (14 %) atteignent la cotation 4(redressement bras croisés sur la poitrine),

    - 2 patientes (7 %) réussissent la cotation 5(redressement mains jointes derrière la nuque).

    A noter que respectivement 16 et 12 patientesréussissaient ces tests en préopératoire.• Pour le contrôle de l'abaissement des 2 mem-bres inférieurs, 5 patientes (18 %) réussisent lacotation 5 et parviennent à verrouiller leurs deuxmembres inférieurs à 10°, bien souvent avecexcès d'antéversion du bassin. (20 de cespatientes réussissaient ce test en préopératoire).• Pour l'évaluation de la force musculaire des

    grands obliques (tableau V), 4 patientes (14 %)parviennent à effectuer une rotation-flexion dutronc, rachis lombaire décollé du plan deréférence (cotation 5) (14 de ces patientesréussissaient ce test en préopératoire).

    Discussion

    Les avantages d'une reconstruction mam-maire par TRAM ont été démontrés et prouvéstrès tôt par Hartrampf (1).

    TESTS FONCTIONNELS ET LAMBEAUXUNI PÉDICULÉS

    Tous les auteurs s'accordent à dire que leprincipal problème des lambeaux unipédiculésréside dans le risque de nécrose partielle de lareconstruction (3, 5, 15, 16). La réparationpariétale à l'aide d'une plaque non résorbableet la conservation d'un muscle grand droit auniveau abdominal assurent aux patientes soliditédu mur antérieur. Le déficit musculaire de la

  • paroi existe en postopératoire et à distance del'intervention, comme l'a montré notre étude,mais parvient à être compensé par la majoritédes patientes. Ces patientes récupèrent uneefficacité musculaire comparable à ce qu'ellesavaient auparavant, et pour quelques-unes d'en-tre elles, après séances de rééducation, unmeilleur état musculaire par rapport à leursituation préopératoire.

    TESTS FONCTIONNELS ET LAMBEAUXBIPÉmCULÉS

    La reconstruction par lambeaux bipédiculés,plus fiable sur le plan vasculaire, permet deréduire quasi à néant les complications au niveaudu sein reconstruit. Elle assure une cicatrisationet une réussite esthétique parfaite. Toutefois, leproblème réside en l'existence de déficits mus-culaires et de limitations fonctionnelles impor-tantes dans les transferts et surtout dans le

    redressement du tronc à partir du décubitusdorsal (tableau III).

    Il est toutefois surprenant de constater quedans notre population (tableaux IV et V)5 patientes réussissent parfaitement ces testsalors qu'elles ne possèdent plus de musclesgrands droits.

    Qu'en penser?

    Étude biomécanique du mouvement

    L'étude biomécanique du mouvement permeten partie d'expliquer les réussites aux cotations 4et 5.

    Peterson Kendall et Kendall Mc Creary (17)ont largement démontré l'action primordiale del'ensemble des muscles abdominaux dans l'en-

    roulement du tronc (phase initiale du redresse-ment en position assise). Crowe et coll. (18), dansun rapport concernant l'étude électromyographi-que des passages en position assise écrivent :« L'activité apparaît d'abord à la partie supé-rieure du grand droit suivie au bout de 0,2 à0,3 seconde d'une activité de la partie inférieurede ce muscle et du petit oblique ... » (jig. 12). Deplus, «... chez les sujets examinés qui décollaientles omoplates du plan de référence, et mainte-naient cette position 2 à 3 secondes, les élec-tromyogrammes montraient une intense activitéau niveau de tous les muscles abdominaux ... »

    Ann. Kinésith ér., 1995, t. 22, n° 2 87

    Peterson Kendall et Kendal Mc Creary (17)ont également démontré l'action concomitantedes abdominaux et des fléchisseurs de hanche

    (psoas, iliaques, grands droits de la cuisse,sartorius ...) au cours du redressement en stationassise après enroulement du tronc. «...lesabdominaux ne peuvent qu'enrouler le tronc audépart du mouvement mais ne peuvent exécuterla phase de flexion de hanche qui est la phaseprincipale du mouvement d'élévation dutronc ... » (jig. 13).

    Enfin, toujours selon Kendall: «... en cas dedéficit important des abdominaux, ce sont lesfléchisseurs de hanche qui débutent et réalisentle mouvement avec une colonne lombaire en

    hyperlordose ... » Basmajian (19) a égalementdémontré l'action du muscle iliaque lors de laréalisation du test fonctionnel.

    Lacote (14) préconise lors de la réalisation dutest «... le maintien des pieds en fin de

    FIG. 12. - Action des muscles grands droits et petits obliquesde l'abdomen dans l'enroulement du tronc.

    FIG. 13. - Action des muscles fléchisseurs de hanche etabdominaux dans le redressement du tronc en position assise.

  • 88 Ann. Kinésithér., 1995, t. 22, n° 2

    mouvement pour stabiliser le sujet. » Cemaintien des pieds par l'examinateur est essen-tiel. Selon Kendall (17) : «... pieds maintenus,les fléchisseurs de hanche ont alors une fixationet l'élévation du tronc peut immédiatementcommencer à s'associer à un mouvement deredressement en station assise grâce à une flexionde hanche ... » .

    Autres éléments intervenant dans la réussitedes tests

    Lors de contrôles scanner de la paroi abdomi-nale, Lejour (12) a réalisé des coupes transver-sales de l'abdomen passant par l'ombilic (niveaude référence). Lors des évaluations tardives desreconstructions bilatérales (3 mois à 2 ans),Lejour a mis en évidence et démontré pardifférentes mesures, la médialisation progressivedes muscles latéraux, «... le muscle obliqueexterne glissant sur le muscle oblique interne etchevauchant la plaque non résorbable de répara-tion pariétale ... ». Il s'agit en fait de la miseen place progressive par l'organisme d'unefonction de suppléance aux muscles grandsdroits.

    Analyse des tableaux IV et V

    L'analyse des tableaux IV et V (étude des5 patientes A, B, C, D, E ayant réussi lescotations 4 et 5 des tests fonctionnels), faitressortir une population bien particulière :• un morphotype favorable (une taille moyennede l,58 m pour un poids moyen de 54 kg);• une population peu âgée (4 patientes

  • testées. Les douleurs lombo-abdominales posto-pératoires disparaissent progressivement, le défi-cit musculaire est accepté et le résultat esthéti-que grandement apprécié. Ceci correspond auxrésultats présentés par Hartrampf (16) et Har-trampf-Bennett (9) sur de larges séries.

    Par contre, l'évaluation par tests musculairespré- et postopératoires est beaucoup plus réalisteet montre une fonction incomplète des musclesdroits et obliques dans tous les cas. Cettefonction musculaire déficitaire parvient à êtrerécupérée grâce à une rééducation musculairebien conduite et à un développement dessuppléances. Cette rééducation permet de rendreplus efficace l'action des abdominaux et desfléchisseurs de hanche dans la fonction deredressement du tronc.

    Références

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    Ann. Kin ésithér. , 1995, t. 22, n° 2 89

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