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JOURNALISME Vigousse embauche !  P. 17 ÉCONOMIE Le bifteck  du végane  P. 11 TRUMP L’invasion  de la Pogne  P. 7 VALAIS Privé de desserte P. 6 JAA – 1001 Lausanne P.P./Journal – Poste CH SA Vendredi 24 février 2017 // N o 309 // 8 e année CHF 3.50 // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch

Vendredi 24 février 2017 // No 309 // 8e VALAIS TRUMP ... · pages: Audemars Piguet, Hermès, BMW, Omega… Que du beau « et bon » qui «n’ont jamais été si importants »

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Page 1: Vendredi 24 février 2017 // No 309 // 8e VALAIS TRUMP ... · pages: Audemars Piguet, Hermès, BMW, Omega… Que du beau « et bon » qui «n’ont jamais été si importants »

JOURNALISMEVigousse embauche ! P. 17

ÉCONOMIELe bifteck du végane P. 11

TRUMPL’invasion de la Pogne P. 7

VALAISPrivé de desserteP. 6

JAA – 1001 Lausanne P.P./Journal – Poste CH SA

Vendredi 24 février 2017 // No 309 // 8e année CHF 3.50 // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch

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Vigousse vendredi 24 février 2017 Vigousse vendredi 24 février 2017

Sous presseSebastian Dieguez

Le Temps serait en sursis. C’est joli non ? On

dirait un aphorisme de Cioran ou des paroles de

Bashung, surtout si on les lit avec profondeur :

« Le temps serait en sursis. » Bon, pris au premier

degré, évidemment, c’est moins… inspirant. Un

journal est à l’agonie, ça ne donne pas tellement envie

de rigoler. Après la disparition de L’Hebdo, d’aucuns

présagent en effet un sale avenir pour le quotidien Le

Temps. Privé d’une bonne partie de sa rédaction, et

contraint à d’avilissantes turpitudes comme ce nouveau

magazine T (voir ci-contre), il ne lui resterait plus qu’une

douzaine de mois à vivre. Ces médecins de mauvais

augure sont-ils fiables ? On aimerait bien un deuxième

avis, mais on voit mal à qui le demander.

Et donc, lentement, ou pas si lentement d’ailleurs, un

pouvoir lointain et gargantuesque s’amuse à contrôler,

dominer, puis boulotter notre droit à l’information, ici.

Comment une telle chose est-elle possible ? Ah, ça, les

grands experts sont unanimes : la presse a « raté le virage

numérique » ! Ou quelque chose dans ce genre. Il faut

donc impérativement des « nouveaux modèles », et surtout

encourager « l’innovation ». C’est une « révolution », que

diable ! Depuis bien dix ans qu’ils répètent ce mantra,

on aurait pensé que ces mêmes grands experts, souvent

infatigables donneurs de leçons, auraient abouti à quelque

chose, disons une sorte de solution. Mais non, comme

transis par la découverte inconsciente de leur totale

inutilité, et peut-être même par leur nocivité, ils ne font

que psalmodier « innovation » ! « avenir » ! « paradigme » !

« modèle » !…

Alors que ce n’est pourtant pas si compliqué. Que l’on

sache, les nouvelles technologies et la mondialisation

n’ont pas fondamentalement changé la structure physique

de la réalité, non ? Il existe donc toujours des événements

qui se produisent dans le monde et qu’il faut rapporter

aux gens parce qu’il en va de l’intérêt public, et dont les

conditions de vérification et d’interprétation répondent,

grosso modo, aux normes de la raison, de la logique et de

l’honnêteté intellectuelle, ce qui naturellement demande

salaire. Le voilà, votre « modèle ». Tout le reste n’est

qu’« innovation ».

C ’ E S T P A S P O U R D I R E ! 2

Le Président est nuJeudi 16 février à « Forum » sur La Première, Stéphane Garelli, toujours président du conseil d’administration du Temps, constatait que la question de la survie du quotidien se posait depuis 15 ans. Et il est bien placé pour le savoir, il touche des jetons de présence du Temps depuis 2001.

Egalement professeur à l’Université de Lausanne et à l’IMD, il relevait que les actionnaires d’un groupe comme Ringier Axel Springer Suisse (RASCH) avaient une vue plus froide que les Romands, qui considèrent ce journal comme exceptionnel. Si exceptionnel que Garelli en a oublié d’avoir une pensée pour les 20 personnes licenciées du Temps. « Voyez-vous, ce ne sont plus techniquement des employés du Temps mais de RASCH », se défend-il au micro. « Mais bien sûr que je les soutiens. » Quel courage !

Pour rappel, Daniel Pillard reste directeur de Ringier Romandie et Alain Jeannet animera les « events ». La société des rédacteurs avait chiffré à 660 000 francs par année les économies potentielles si tous deux avaient eu la décence de prendre une retraite anticipée. Ou si RASCH les y avait contraints. Parce que Garelli, lui, n’a aucune responsabilité. J.-L. W.

P O I N T V P O I N T V

Signant l’édito du machin, Emmanuel Grandjean enfonce le clou : « Dans le contexte actuel, la naissance d’un titre de presse est une chose rare. » Merveilleuse nouvelle en effet, qui serait plus mirifique encore si elle impliquait de l’embauche plutôt que l’inverse ; mais on ne peut pas tout avoir. Et puis les virés pourront se consoler en lisant T qui, tartine l’éditorialiste, « se veut un magazine hédoniste qui colle à notre époque où

l’alimentation, l’entretien physique, la société future, le beau et le bon n’ont jamais été aussi importants ». Exemple en page 12 : le grave et lancinant pro-blème des ampoules LED à basse consommation, écologiques d’ac-cord, mais « mastocs et assez moches ».

Par  bonheur,  Claire Norcross et Marie-Laure Giroux ont dessiné pour la marque anglaise Plumen une ampoule LED « bijou », vendue 200 francs. Ouf, on respire. Et on espère que les futurs sans-emploi du Temps apprécieront que T éclaire leur lanterne. A défaut, les grincheux seront conquis par les alléchantes réclames et autres publireportages occupant une bonne moitié des 68 pages : Audemars Piguet, Hermès, BMW, Omega… Que du « beau et bon » qui « n’ont jamais été si importants ».Reste le rédactionnel, avec le fameux dossier thématique « Partir ». D’abord, un sujet sur les « voyages en quête de sens » d’un tourisme « écolo et responsable » en plein essor : « Et si l’on profitait des vacances pour sauver la planète ? » Voilà une bien

« PARTIR » : tel est le titre en Une du premier numéro de T, le magazine lancé le 18 février par Le Temps. Admirable sens de l’à-propos : « Partir » aura certainement fait la joie des 20 salariés maison, dont 16 journalistes, ayant appris la même semaine qu’ils ont à ficher le camp.

T comme Vent

bonne question, opportunément posée entre des pubs de compagnies aériennes, des idées d’achats chic et un bel article intitulé « SUV de VIP », où l’on apprend que « les construc-teurs de prestige se convertissent tous au 4x4, garant de juteux retours sur investissement », et que « Rolls-Royce préfère au terme SUV, très pro-létaire, celui de high-sided vehicle ». Passionnant. Et si l’on profitait d’un gros 4x4 pour sauver la planète ?Pour en rester aux voyages, les quelques récits d’expéditions vertes précèdent un sujet sur l’architecture

Ayant échappé aux quatre ou cinq dernières charrettes évacuées par son employeur Ringier, Michel Danthe, journaliste d’expérience au Temps, s’est sans doute dit que le vent commençait à tourner, et que bon, son tour allait bien venir un jour. Le fameux flair du journaliste professionnel, sans doute, on ne se refait pas… Le voilà donc soudain à la tête du prolétariat oppressé, après une carrière largement consacrée à en ignorer soigneusement l’exis-tence. Le représentant de la « Société des rédacteurs et des personnels de la newsroom Ringier Axel Springer » prend donc vigoureusement la défense de ses camarades exploités

armes que maintenant ? « Il n’est jamais trop tard pour voir en face de soi la triste réalité », explique-t-il avec sincérité. Il « bat » même sa « coulpe » ! Oui, « nous avons sans doute été aveu-glés par le succès […]. Aujourd’hui on commence à y voir très clair et notre cri a deux fois plus de profondeur. » Tant mieux ! Une autre manière de voir les choses, pourtant, serait de se demander si, peut-être, parfois, il ne serait en fait pas réellement « trop tard pour voir en face de soi la triste réalité ».Ça expliquerait, par exemple, qu’on finisse par se faire virer.

Sebastian Dieguez

des plus grands aéroports, chacun « incarnant symboliquement une ville » où les stratèges en marketing ont su avec art favoriser le « com-merce de l’attente ». Vient ensuite un papier sur les vols stratosphériques : « Et si cette zone de l’atmosphère ter-restre était la prochaine destination touristique à la mode ? »

Bref : si les limogés du Temps ne savent pas comment occuper tout le temps libre dont ils vont béné-ficier, c’est à désespérer. Et plus globalement, la Romandie peut se

Stages ingratsQuelle classe, quelle élégance ! Le jour même de l’annonce des licenciements au Temps et à L’Hebdo, les collaborateurs recevaient une information de l’assistante des rédacteurs en chef. Virés ou non, les professionnels de la « newsroom » y découvraient la liste des nouveaux stagiaires. Cinq jeunes gens, fort brillants et pleins de bonne volonté, débarquent donc ces jours dans la « chambre des nouvelles ». Qui est priée de leur souhaiter la bienvenue.

Une stagiaire ira ainsi « renforcer » la rubrique culture, une autre approfondira ses connaissances du journalisme « numérique » jusqu’à fin mars. Une troisième jeune fille rejoindra la rubrique société du 27 février au 13 avril. De quoi se faire un solide bagage et remplir quelques pages à bon marché. Ajoutons une graphiste et un jeune homme qui sera formé en rubrique Suisse. Total, cinq postes à durées très déterminées. Curieusement, aucun stagiaire ne viendra appuyer les pages économie. Comme si toutes les économies avaient déjà été réalisées. J.-L. W.

Le mégaphone lui va si bien…par le système, et monte une équipe de négociation pour faire cracher la monnaie au prince féodal tout-puis-sant. Il y a une belle énergie, il faut le reconnaître, mais on sent quand même le manque d’entraînement.

Il  fallait  bien  l’entendre  sur « Médialogues » (RTS La Première, 18.2), franchement, ces lourdes métaphores guerrières ou orien-tales, ces « claim », « business model », « chinese wall », « package », « stake-holders » et autres anglicismes de poseur, l’appel désespéré à la « révo-lution numérique », enfin bon, ça ne parlait pas tellement au col bleu qui sort épuisé de sa mine, quoi. A ce

stade, c’était sans doute nécessaire de rappeler que les journalistes sont les garants de la liberté et de la démocra-tie (spécialement quand il s’agit de leur job, et pas de celui d’un chauf-feur de taxi par exemple), en asso-ciant subtilement la déliquescence de la presse à la montée des extrêmes, dont naturellement « Donald Trump et ses fake news ». Sauf que c’était peut-être dit avec un peu trop d’élo-quence, à la manière de quelqu’un qui chercherait à se convaincre lui-même de quelque chose.

Bref, tout ça est un beau gâchis. Depuis quoi, 10 ans, 15 ans ? Pourquoi Danthe ne prend-il les

réjouir d’avoir un nouveau titre de presse tendance « lifestyle », luxe et conso branchée, farci de réclame et doté d’une page d’horoscope, ce qui est très novateur. Et l’édito de conclure : « T sera cette parenthèse qui vous replace au centre du jeu face au tumulte. Une bulle enchantée dans un quotidien qui parfois déchante. T comme du Temps pour soi. »On ignore si on va sauver la pla-nète grâce au dossier « Partir » ; mais on devine que pour sauver la presse romande, T est mal parti.

Laurent Flutsch

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Vigousse vendredi 24 février 2017 Vigousse vendredi 24 février 2017

L’armée suisse doit se préparer à faire face au pire qui puisse arri-ver. Et même au pire du pire. Du pire. Telle est l’angoissante perspec-tive évoquée sous la Coupole par le conseiller national Adrian Amstutz (UDC/BE), au gré d’une interpella-tion déposée le 14 décembre 2016. « En sa qualité d’organe de sécurité garantissant la liberté et l’indépen-dance de la Suisse », écrit ce fin stra-tège, l’armée « doit axer l’instruction et la conduite de manière à pouvoir faire face au pire cas imaginable. » C’est bien ce qu’on disait.Mais quelle serait donc cette situation effroyable ? Une guerre, avec déferle-ment de divisions blindées ennemies, bombardements massifs, pluies de missiles, voire aplatissement thermo-nucléaire ? L’apocalypse ? Non : ce ne sont là qu’aimables broutilles face au « pire cas imaginable », qui est bien

pire que ça. Adrian Amstutz ne le sait que trop. Aussi exige-t-il du Conseil fédéral qu’il indique, et en « rensei-gnements détaillés », comment l’ar-mée affronterait le scénario suivant : « Après l’effondrement de toute protec-tion aux frontières extérieures de l’UE, plus d’un million d’immigrants illégaux venant d’Italie, de France ou d’Autriche arrivent en Suisse ou la traversent pour se rendre dans le nord de l’Europe. »

Dans  ce  cauchemar  sans nom, l’épouvante monte encore d’un cran : « Les troubles et les débordements s’amplifient dans les grandes villes », avec à la clé « des voies de fait, en par-ticulier contre l’intégrité des femmes, mais aussi contre des institutions d’Etat, contre des institutions juives et chrétiennes. » Au summum de l’hor-reur, « à la suite du grossissement des flux migratoires », les groupes dji-hadistes interconnectés implantent « des cellules actives en Suisse », où ils fomentent des attentats, mais aussi des « campagnes de désinformation ou des cybercampagnes dans un but de déstabilisation ». Autrement dit, une

menace terroriste un peu comme partout.On n’ose imaginer les souffrances psychologiques d’Adrian Amstutz, en proie à de telles frayeurs diurnes et nocturnes. Il veut savoir si l’armée pourrait agir « avec les effectifs et les ressources en armes et en matériel actuels et futurs », et si oui comment. Et il conclut : « J’attends un rapport de quinze pages au maximum. »

Evidemment, il s’agit pour Amstutz d’emboucher le biniou (en allemand Dudelsack, sens figuré « sac à ren-gaine ») de l’UDC en mélangeant bruyamment, sous prétexte mili-taire, réfugiés, terrorisme et islamo-phobie. Petit plaisir accessoire, ça permet d’enquiquiner son camarade de parti Guy Parmelin. Dont les ser-vices ont dû se fendre d’une réponse circonstanciée, rendue le 15 février

dernier : en substance, les scé-narios envisagés ne concernent pas l’armée, ou alors à titre sub-sidiaire, sur appel des autorités compétentes : polices, corps des

gardes-frontières, Secrétariat d’Etat aux migrations. Le cas échéant, la troupe serait certainement en mesure de faire face avec ses 100 000 voire 140 000 hommes armés, exercés à combattre dans des situations impli-quant divers degrés de violence.

Restent deux leçons à tirer : premiè-rement, si pour l’UDC « le pire cas imaginable » au plan militaire est un afflux de réfugiés et la menace de cel-lules terroristes, alors l’armée n’a pas besoin d’avions de chasse, d’obusiers et autres armements voués à une guerre classique, moins grave ou peu imaginable. On se réjouit donc de voir l’UDC voter en conséquence sur les futures emplettes des galonnés. Deuxièmement, Adrian Amstutz et consorts pourraient échafauder un autre scénario : épargner au gouver-nement, aux services du Parlement et au contribuable le traitement d’in-terventions creuses et de pure propa-gande. On ne sait pas si ce serait ima-ginable, mais ce ne serait pas pire.

Laurent Flutsch

SHOW EFFROI Dans la série des interventions parlementaires à côté de la plaque, l’UDC embête son ministre de l’armée, tout en sombrant dans la phobie furieuse.

Le sale air de la peur

F A I T S D I V E R S E T V A R I É S4 5A F F A I R E S E N C O U R TQ U E L L E S E M A I N E ! 3

LE CHIFFRE

355En minutes, c’est le temps durant lequel la centrale de Leibstadt, stoppée six mois pour cause de défaillances, a fonctionné

le 17 février. Remise en service à 17h33, elle a subi un arrêt forcé à 23h28 à la suite d’un problème technique. A la clé,

deux bonnes nouvelles : d’abord, ça fait presque six heures de production énergétique

« avantageuse et sûre », comme disent les pronucléaires.

Ensuite, à raison de six heures par semestre, on peut très bien prolonger la durée d’exploitation

jusqu’en 2050 et au-delà.

MISSION IMPLAUSIBLE

Vol en bande désorganiséeGrâce au Blick (19.2), on sait tout sur le drame qui a failli endeuiller les Championnats du monde de ski à Saint-Moritz. Le pilote du PC-7 Team qui a foncé dans un câble de la télévision a un surnom bonnard : « Fondü ». A 34 ans, « Fondü » a 1700 heures de vol sur Pilatus au compteur. Et c’est sans compter les heures passées sur F/A-18. Jusqu’à nouvel ordre, la patrouille reste au sol, le temps de faire tourner le caquelon.

Farce de frappePour frimer, un homme d’affaires copain de Trump a posté sur le web une photo du type qui suit partout le Président avec les codes de déclenchement de l’apocalypse atomique (Tribune de Genève, 17.2). « Voilà Rick, il porte la valise nucléaire ! » a-t-il précisé en légende. Secret d’Etat et secret militaire divulgués, haute trahison… On en a exécuté pour moins que ça. Mais c’était avant que la rigolade et l’esbroufe soient portées au pouvoir. Vive la détente !

Prescription sans hâte à SionLa justice valaisanne s’emballe : elle ouvre une enquête contre Dominique Giroud 17 mois après le dépôt d’une plainte pour concurrence déloyale (Le Nouvelliste, 16.2). L’Interprofession de la vigne et du vin, à l’origine de la plainte, pourrait se féliciter de cette célérité, mais le chef d’accusation tombe pour prescription. Ne restent pour les enquêteurs que les griefs de faux dans les titres, gestion déloyale et escroquerie. Maintenant que la moitié de la plainte est enterrée, ça devrait aller plus vite.

Un patron qui fonceGrâce au portrait que lui a consacré Le Temps (18.2), on a connaît mieux Bernard Rüeger, président de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie et membre du comité directeur d’Economiesuisse. Ça cause business, impôts et « plan B », mais ça ne se refuse pas un petit péché mignon ! Quand on lui demande quelle est sa plus mauvaise habitude, il répond : « Enrichir la police vaudoise, avec les amendes payées pour excès de vitesse. » Ah ! ces patrons, incapables de résister à une bonne petite mise en danger de la vie d’autrui de temps en temps !

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Vigousse vendredi 24 février 2017 Vigousse vendredi 24 février 2017

De quoi la poignée de main de Donald Trump est-elle le nom ? C’est la profonde question qui a agité le monde la semaine passée, énième séquence du feuilleton trumpiste désormais permanent. C’est vrai qu’il a de la poigne, le bouffon orange ! Il faut voir ses « homologues » ployer sous cette véritable machine à com-presser digitale, bringuebalés en tous sens par un vaste mouvement d’épaule, longuement emprisonnés entre les mains du mal alpha, et leur tronche quand ils sont enfin libé-rés, comme si le coach les renvoyait magnanimement au vestiaire après une interminable séance de pompes ! Du coup on observe. Il paraît que Justin Trudeau a brillamment rem-porté cette épreuve, fruit, sans aucun doute, d’une savante préparation. Bien joué ! La politique est décidé-ment un sport de combat (de coqs).

N’empêche, la question reste posée : que signifie cette poignée de main barbare, surhumaine, chthonienne presque ? On peut spéculer. Dans l’univers et la tradition du busi-ness anglo-saxon que Trump pré-tend représenter, la poignée de main a pris des proportions quasi mythiques. C’est un art, enseigné dans les business schools et par des coaches, détaillé dans les guides et les manuels, consigné dans la mémoire des colonnes marbrées qui ornent les lounges des plus grands buildings. Tout est dans la poignée de main, fils ; un homme honnête se reconnaît à la franchise de sa poignée de main, savez-vous ? Un bon deal se règle toujours sur la base d’une poignée de main, c’est capital. Bref, ayant parfaitement intégré et prenant

tout à fait au sérieux ce genre de conneries, Trump s’est dit, sans doute inconsciemment, mais peut-être pas, que sa poignée de main devait lancer un mes-sage (non verbal) à son inter-locuteur. Par exemple : « Tu es à moi ; tu es ma chose ; je suis maintenant entré dans ta vie et tu ne pourras plus jamais te passer de moi ; s’il te plaît aime-moi, admire-moi, comprends-moi : je vais te détruire ! » Ce genre de choses.

Mais  est-ce  le  cas ?  Une simple poignée de main per-met-elle vraiment de trans-mettre un message ? Et si oui, quel message exactement ? Et par quels moyens ? Curieusement, mal-gré les innombrables « experts » en poignée de main qui donnent volontiers des conseils pour garan-tir le succès d’une transaction, on en sait en fait très peu sur ce mode de salutation ubiquitaire. A vrai dire, il n’existe qu’une… poignée de véri-tables études sur la question. On a bien des chercheurs qui, le plus sérieusement du monde, tentent

de décortiquer la structure méca-nique de la poignée de main afin d’apprendre à des robots à serrer une pogne humaine correctement. Bon, on se demande bien pourquoi il faudrait serrer la pince à un tas de ferraille qui va vous piquer votre job, mais passons. Il en ressort qu’il

JE DE VILAINS Votre serrage de mains reflète-t-il votre personnalité profonde ? La science prend les choses en mains.

y a quatre phases dans une poignée de main : approche, contact, syn-chronisation et relâchement. La robotique fait vraiment des progrès foudroyants.

Du côté de la psychologie, il n’existe que deux études, et elles semblent donner raison à Trump ! Le dispo-sitif expérimental consiste à convo-quer un sujet, l’accueillir à quatre ou cinq personnes qui toutes lui serrent la main, à la suite de quoi le type va remplir quelques questionnaires de personnalité, et ses hôtes s’en vont noter la qualité de la poignée de main. Il faut un entraînement pour ça : ces personnes ont appris à esti-mer la grandeur de la prise, la force, la durée, la vigueur et le contact ocu-laire pour toute poignée de main. Il en ressort que la « fermeté » géné-rale du serrage de pinces est liée à l’extraversion, et négativement liée à la timidité. Dans une autre étude, ce lien entre fermeté de la poignée

Mains tendues

Aujourd’hui, un car postal assure une liaison directe et régulière depuis la gare de Sierre jusqu’au village de Vercorin, via Chalais et le hameau de Briey Chippis. Pour les écoliers, tout comme pour les résidents plus âgés, cette liaison qui remonte à 1990 est bien pratique. Un tiers des 650 habi-tants de Vercorin à l’année seraient des retraités et des familles.Or, le téléphérique Chalais-Vercorin, construit en 1950, sera refait à neuf : l’installation obsolète de 15 places doit être remplacée par une nouvelle benne de 60 places. Légèrement surdimensionnée « mais qui tiendra compte des transports de VTT et de parapentistes », convient Alain Perruchoud, président de la commune de Chalais, qui englobe Vercorin.Le nouveau transport public impli-querait un transbordement à Chalais. Ce qui pour les personnes âgées ou handicapées signifierait un voyage avec bagages et skieurs, et la septan-taine de résidents de Briey Chippis se retrouverait loin de l’arrêt inter-médiaire du téléphérique. Contre la suppression de la ligne routière, on évoque aussi les gens qui ont des problèmes cardio-vasculaires ou les rafales de vent capables d’immobili-ser la cabine.

Problème : la loi fédérale ne permet le subventionnement que d’un seul transport public par village. Une pétition pour maintenir le car postal, munie de plus de 1000 signatures, avait été envoyée au Conseil d’Etat valaisan en automne 2015. Ni les signataires ni la commune n’ont eu de retour, confirme Alain Perruchoud.Kevin Follonier, député UDC au Grand Conseil valaisan, rappelle qu’une seule desserte, soit le télé-phérique, peut être prise en charge par l’Office fédéral des transports. Il a essayé de trouver des solutions au Parlement en déposant une interpel-lation pour que communes et canton maintiennent la ligne. Pas forcément avec un gros car, mais pourquoi pas un minibus ? Il y a bien eu des tracta-tions à Berne, mais la réalité des val-lées semble échapper aux urbains, selon Kevin Follonier.A ce stade, on parle d’un investisse-ment de 15 millions de francs pour

le nouveau téléphérique, la moitié à charge de la Confédération, 37 % pour le Canton du Valais et 13 % pour la Société du Téléphérique. « Nous espé-rons pourvoir débuter la construction en 2019 mais cela dépend des opposi-tions qu’il pourrait y avoir », indique Alain Perruchoud. Pour l’anecdote, le nouveau téléphérique devra pas-ser au-dessus de lignes à très haute tension qui seront prochainement érigées.

Comme le relève Ernest Pfammater, responsable du secteur Vercorin de Car postal, toutes les lignes sont déficitaires en Suisse, sauf quelques grandes. Pour lui, il ne s’agit pas d’op-poser téléphérique et car postal, « on ne pourra pas payer pour les deux et c’est vrai que le câble est hyper performant ». Mais il rappelle que la concession octroyée par la Confédération oblige

STATION DEBOUT Pour l’instant, un service postal relie Sierre au village de Vercorin. Une loi fédérale et un nouveau transport par téléphérique menacent ce trajet et obligeraient les usagers à des transbordements pas toujours évidents.

à transporter tout le monde. Même sans réponse de l’Etat, la pétition a réchauffé le cœur des chauffeurs.

Pour certains,  la station familiale poursuit une fuite en avant, avec l’ouverture en décembre prochain d’un hôtel de 476 lits sur un espace restreint. « Mais la résidence se trouve à côté de la télécabine et évite le trafic de véhicules dans la station. C’est une densification intelligente, cette concen-tration vaut mieux que la dispersion des résidences secondaires, comme cela s’est pratiqué par le passé », argue Arian Kovacic, directeur de l’Office du tourisme.Vercorin enregistre actuellement 40 000 nuitées hôtelières par année, auxquelles il faut ajouter 50 000 en résidences secondaires. Alors, car postal, téléphérique, les deux ? On attendra les résultats des élections du 5 mars pour que ce dossier retrouve du mouvement avant que, dans le val d’Anniviers, on ne crie au loup.

Jean-Luc Wenger

Câble contre car à Vercorin

F A I T S D I V E R S E T V A R I É SF A I T S D I V E R S E T V A R I É S 76 D U R D ’ O S E I L L E

de main et extraversion prédisait des jugements favorables lors d’un entre-tien d’embauche bidon.

Quelque chose de votre personnalité est donc bel est bien communiqué par votre poignée de main, mais mal-heureusement ces études n’ont pas examiné les effets d’une poignée de main excessivement ferme. Comme souvent, ici la science ne ferait sans doute que confirmer ce que tout le monde sait déjà. Seul un con accorde une importance aussi démesurée à ce rituel médiéval ridicule, qui consis-tait précisément à indiquer que l’on ne portait pas d’arme et que l’on n’envisageait pas, en tout cas pour le moment, de s’anéantir les uns les autres pour une stupide question d’ego. Sebastian Dieguez

« Exploring the handshake in employment interviews », G. Stewart et al., Journal of Applied Psychology, vol. 93, pp. 1139-1146, 2008.

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POIGNÉE DE CRABES

Banques à partLes temps sont plutôt difficiles pour les deux grandes banques suisses. Leur chiffre d’affaires a diminué en 2016 d’environ 7 % pour chacune d’elles. L’UBS a vu son bénéfice se rétracter de 47 % pour n’atteindre que la « modique » somme de 3,3 milliards, et Credit Suisse affiche une perte de 2,44 milliards, qui est moindre que celle de l’année pré-cédente de 17 %, une façon comme une autre de se montrer satisfait de ce résultat désastreux. Il faut dire que les affaires bancaires sont de plus en plus compliquées. En cause, une concurrence effrénée et des réglementations toujours plus nombreuses et contraignantes. Vu les conséquences dramatiques qu’entraî-nerait la chute d’une de ces grandes banques pour le monde économique et par conséquent également pour notre petit quotidien, les autorités ont mis en place des garde-fous pour que le « too big to fail » devienne une réa-lité. On en est toutefois encore loin. Les tests de résistance ont montré encore bien des faiblesses et on peut s’inquiéter, à juste titre, des nouvelles dérégulations prévues par le pyro-mane Trump.

Pour l’instant, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers impose un ratio de fonds propres par rapport aux actifs à risques auquel toutes les banques doivent se tenir. Libre à chacune d’entre elles de défi-nir ces actifs potentiellement dan-gereux. Il semblerait que nos deux grandes banques préfèrent ignorer le danger en annonçant une plus petite quantité d’avoirs douteux qu’elles n’en détiennent en réalité dans leurs comptes. Puis elles appliquent le ratio exigé. En agissant de la sorte, vu que leurs résultats financiers ne sont pas bons et ne créent pas ou peu de fonds propres sui generis, elles peuvent ainsi continuer à batailler pour prendre des parts de marché. Elles privilégient la recherche de position dominante à la sécurité de leur maison en cas de coup dur. La leçon de la crise de 2008 n’a pas été assimilée, bien que les autorités mettent tout en œuvre pour corna-quer ces banques casse-cou. Qui apprendront sans doute un jour qu’à jouer avec le feu, on finit par se brûler.

André Draguignan*

*chef d’entreprise connu de la rédaction

ARRÊT DE BUS

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Vigousse vendredi 24 février 2017 Vigousse vendredi 24 février 2017

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Rationnalisation des coûts oblige, le personnel CFF dans les trains est en passe de devenir une espèce rare. Ce qui ne va pas parfois sans mésaventure, comme celle qui s’est déroulée mi-février, lorsqu’un jeune homme s’est retrouvé coincé dans les toilettes d’un wagon.Alertée par les appels de détresse de cette victime des commodités incommodes, Stéphanie, une passagère du Regio reliant Allaman à Villeneuve, a bien tenté de lui porter assistance, mais l’opération s’est avérée plus délicate que prévu, puisque le personnel est rarement présent dans les trains régionaux. Lorsque le convoi est arrivé à Lausanne, cette lectrice a cherché de l’aide sur le quai, en vain. Elle s’est alors rendue au bureau d’information où elle a exposé le problème, avant de s’entendre répondre que rien ne pouvait être fait d’ici et qu’il fallait appeler le mécanicien ou se rendre au guichet. « Mais comment aurais-je pu avoir le numéro du mécanicien ? ! » relève Stéphanie. Qui se précipite alors au guichet, où elle est accueillie par la personne qui distribue les tickets déterminant l’ordre de

passage. « Je lui ai demandé de l’aide et elle m’a répondu qu’elle ne pouvait pas quitter son poste et qu’il fallait que j’appelle les secours moi-même. »

Excédée, la passagère secourable a fini par dénicher un numéro d’urgence sur l’application mobile de la régie ferroviaire et a été transférée à la centrale en Suisse alémanique. « Il n’y a qu’à ce moment-là que j’ai eu l’impression qu’ils prenaient le pro-blème au sérieux », confie Stéphanie.Du côté des CFF, on explique : « Les clients ont plusieurs possibilités pour

Toilettes sans fil

alerter le personnel : avertir le conducteur du train, presser le bou-ton SOS dans le train, téléphoner à la cen-trale de secours de la police des transports, s’adresser à un chef d’escale sur le quai ou encore à une patrouille de la police des trans-ports. » Il est vrai que le numéro de la police des transports est affiché à de nombreux endroits dans les

wagons. Encore faut-il avoir le réflexe de les appeler pour une porte bloquée, et bien entendu disposer d’un téléphone portable.

Finalement, le jeune homme en question a pu être libéré en gare de Lausanne et il sait désormais que, dans les trains régionaux, le téléphone est aussi indispensable que le papier toilette lors d’une excursion aux W.C. Amèle Debey

La fête pour les nulsSous prétexte de défendre l’accès des 16 -18 ans à la vie nocturne genevoise, le collectif Nocturne s’est fendu d’un plaidoyer adressé aux représentants des médias et aux politiques. Intitulé « Pour une vie nocturne riche, vivante et diversifiée », il dénonce l’absence d’une « vision claire de la vie nocturne développée par les pouvoirs publics ». En conséquence de quoi « les jeunes font leur apprentissage de la vie nocturne hors des lieux nocturnes traditionnels de transmission, d’échange et de contrôle social. »

A lire ledit document, on comprend en effet qu’il y a du souci à se faire pour la jeunesse. Si autrefois, les ados parlaient de « night » (night de folie, éventuellement), ils parlent aujourd’hui de « vécu potentiel durant une tranche horaire, soit l’ensemble des activités sociales, culturelles et économiques du noctambule ». Si autrefois la fête permettait de déconner avec les potes, elle répond aujourd’hui « au besoin très profond de rencontre sociale qu’a l’humain, permettant son épanouissement social ». Si autrefois on espérait pécho machin ou machine, le jeune réclame aujourd’hui « des expériences décloisonnées du monde des adultes ».

Enfin, si la moitié du plaisir consistait jadis à voir ses darons morts d’inquiétude débouler en peignoir dans la voiture familiale à quatre heures du matin, les jeunes réclament désormais à cor et à cri des Noctambus, assurant « un cadre adéquat », sécurisé par la présence « d’un médiateur dans la plupart des véhicules ».

Les jeunes du collectif Nocturne : voilà des gens qui, manifestement, pourraient voir d’un bon œil l’arrivée sur le marché de la Smartbox « Eclate-toi avec Kim Jong-un et Françoise Dolto ». S. A.

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Vigousse vendredi 24 février 2017 Vigousse vendredi 24 février 2017

B I E N P R O F O N D D A N S L ’ A C T U 11B I E N P R O F O N D D A N S L ’ A C T U10

Le bonheur vraiLES BALIVERNES DU PROFESSEUR JUNGE Cette semaine : j’explique comment mon travail à la Brigade des fausses nouvelles a permis d’éradiquer le mensonge dans notre société.

Ces sont les Italiens qui avant tout le monde ont pris au sérieux l’ampleur du phénomène des fake news qui gan-grenait les démocraties. A l’époque, en effet, n’importe qui pouvait pré-tendre n’importe quoi et le diffuser sur les réseaux sociaux, ce qui faus-sait le débat citoyen et avait permis à des menteurs patentés d’accéder au pouvoir dans plusieurs pays. L’Italie fit donc œuvre de pionnier en pourchas-sant et punissant les auteurs de fausses informations destinées à tromper le public et à attiser la haine. Bientôt, des lois identiques furent adoptées dans la majorité des pays occidentaux.

Je me targue d’avoir été parmi les pre-miers à m’engager dans la Brigade des fausses nouvelles (BFN) juste après sa création. L’époque était exaltante et nous bénéficiions du soutien sans faille du président Pmurt pour traquer les menteurs. Nous exposions les bil-levesées de l’extrême droite comme de l’extrême gauche, poussions à la démission les élus corrompus dont la stratégie de défense s’écroulait lorsque nous démontions leurs fausses asser-tions, boutions hors du système

Pitc

h

politique nombre de parasites popu-listes dont le seul but était de faire de l’argent en monnayant leurs fables. Bien sûr, il y a eu quelques accrocs, notamment avec les journaux sati-riques ou sites web de fausses nou-velles humoristiques. Mais ce n’était rien en regard des bienfaits apportés à la cause de la démocratie.

Notre mission fut encore étendue après l’élection du président Muptr. Il faut dire qu’il avait été victime de calomnies particulièrement violentes durant la campagne. Ses adversaires et certains médias l’accusaient d’avoir fait profiter ses proches d’emplois fic-tifs. C’était évidemment faux, comme le confirmèrent les juges spéciaux que Muptr nomma sitôt élu. Pour éviter que cela ne se reproduise, la BFN s’at-taqua systématiquement à tous ceux qui critiquaient le chef de l’Etat. C’est un peu drastique, mais il est important pour le prestige de la nation de ne pas discréditer le gouvernement.Le président Tmurp, qui succéda à Muptr, souleva un problème intéres-sant : comment définit-on la vérité ? C’est épineux et cela implique des

risques de se tromper. Aussi a-t-il résolu le problème de façon fort élé-gante en décrétant que ne seraient vrais que les faits approuvés par le président. A la suite de cette décision, la BNF n’a pas chômé.

Il a fallu faire taire les partisans du réchauffement climatique, ceux qui prônaient une meilleure répartition des richesses, les militants des droits de l’homme et une foule d’autres menteurs en tout genre. Ah ! qu’est-ce qu’on en a fait taire, de ces farfelus qui proclamaient que la Terre est ronde ou que l’homme descend du singe. La liberté d’expression, d’accord, mais si c’est pour raconter de telles âneries…Actuellement, notre système de lutte contre les fausses nouvelles

Le 8e conseiller fédéralDepuis son bunker sous le Palais fédéral, il dirige dans le plus grand secret le Gouvernement helvétique.

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Le 8Le 8ee conseiller fédéralDepuis son bunker sous le Palais fédéral, il dirige dans le plus grand secret le Gouvernement helvétique.Depuis son bunker sous le Palais fédéral, il dirige dans le plus grand secret le Gouvernement helvétique.Depuis son bunker sous le Palais fédéral, il dirige dans le plus grand secret le Gouvernement helvétique.

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Vous avez vu, Alain ? Il paraît que la presse va mal et que des titres disparaissent !

Alors voilà : il faut des terrasses, des cuisiniers, du terroir, de l’innovation,

des gens qui réussissent, des dossiers sur l’immobilier et l’horlogerie, une

liste des meilleurs hôpitaux, dire aux gens quoi voter, demander l’avis

d’intellectuels médiatiques français, parler des séries télévisées…

Garanti 100 %. Vous pouvez y aller les yeux

fermés.

Et vous êtes sûr que ça marche ce genre de choses ?

Eh bien j’ai besoin d’idées. Pour la politique c’est bon, mais vous me seriez utile pour les aspects culturels et médiatiques, vous devez connaître puisque vous ne faites que ça.

C’est très flatteur, merci.

Bon alors que demande le public ces temps-ci ?

Vous avez de quoi noter ?

De rien.

Fascinant. Et en quoi ça

me concerne ?

Je planche déjà sur la maquette d’un hebdomadaire.

Mais oui, les gens n’ont plus rien à lire, ça veut dire que c’est le moment idéal pour lancer un journal !

Oulah ! Pas si vite !Euh, je ne

pense pas que...

Pardon ?

Terrible ? Vous plaisantez j’espère, c’est génial !

Oui c’est terrible, c’est toute ma jeunesse qui… Allons, un peu d’esprit

d’entreprise Alain !

a quasiment atteint la perfection. Surtout depuis que le nouveau pré-sident Putrm a instauré la notion de précrime. Il ne suffit plus de punir les menteurs après leurs méfaits, il faut les empêcher de les commettre. Mais comment savoir si un citoyen va pro-férer une baliverne ? La BNF part du principe que dès lors qu’il a une opi-nion, celle-ci risque d’être trompeuse. Nous incarcérons donc toute personne coupable d’avoir une opinion sur quoi que ce soit. C’est plus prudent. Et ça fonctionne du tonnerre ! Ça fait une éternité que plus un seul mensonge n’est sorti d’une bouche. Et c’est fran-chement reposant, toute cette vérité.

Professeur Junge, phare de la pensée contemporaine

Cher M. Piccard,Ainsi donc, avec l’appui de votre copilote, vous publiez ce que votre éditeur qualifie d’« une ode à l’esprit de pionnier ». Un pavé de 400 pages, de modeste format il est vrai, dans lequel tout n’est qu’« efforts, partage, larmes et gloire ». Ah ! La gloire… Celle qui, vous sublimant, ferait pâlir d’envie le soleil lui-même, celle qui vous laisse à penser que vous êtes l’égal des plus grands pionniers, des Jacques Mayol, et pour vous citer « des astronautes des premiers programmes spatiaux américains, des explorateurs, des protecteurs de l’environnement ». On s’arrête là, non sans une pen-sée émue pour les tonnes de kéro-sène répandus dans l’espace au cours des incessants transports de votre coûteux monoplace, de votre équipe, de vos sponsors et de vous-même. On va pas chipoter, quand même.Vous refusez, cher M. Piccard, d’être taxé de chasseur de records. A ceux-ci, qui selon vous ne sont jamais que répéti-tion du « déjà fait », si possible en mieux, vous préférez les pre-mières : « Ce qui m’intéresse dans celles-ci, c’est que vous mon-trez que quelque chose d’impos-sible devient possible. » Voilà qui, enfin, est intéressant.Chiche que si, juste pour véri-fier la valeur de cet engage-ment, on vous demandait de faire preuve d’un zeste d’humilité, ou, mieux, de vous taire : possible ou impossible ?

Roger Jaunin

Objectif Soleil, Bertrand Piccard, André Borschberg. Edition Stock.

A Bertrand PiccardCoq en Stock

LE COURRIER DU CHIEUR

Un grand repas pour l’humanitéLE VEG’ÂNE DE BURIDAN Tu préfères manger des animaux morts ou ingurgiter un amas rouge tout droit sorti d’une imprimante ? Tel pourrait être le dilemme des véganes, dont l’assiette s’enrichit chaque jour de produits fascinants !

Le mouvement végane prône un mode de vie excluant toute forme de cruauté à l’égard des animaux. Poussant le vice encore plus loin que les végétaliens, les véganes refusent de fréquenter des cirques mettant en scène d’autres êtres vivants que les humains, évitent de porter des vêtements fabriqués à partir de substances animales (cuir, laine, soie, etc.), n’utilisent pas de cosmétiques testés sur les bêtes, et condamnent généralement le concept d’animal de compagnie.Contestataire à son origine, le mou-vement a depuis belle lurette été récupéré par les multinationales agroalimentaires qui convoitent ce marché plus que juteux. En novembre 2016, l’émission « A Bon Entendeur » de la RTS consacrait un reportage très complet au sujet. On y apprenait notamment que « végane » n’est pas nécessairement synonyme de « bio ». Ni de « local », ni d’« éthique », ni de « sain », ni même d’« écologiquement respon-sable ». Juste de « végane », au fond.Dans un autre reportage diffusé sur Arte (31.1), le journaliste John Kantara traitait du désastre écolo-gique lié à la culture intensive du soja, l’un des ingrédients phares de l’alimentation végane. Il sou-lignait aussi la composition dou-teuse de certains produits. Mais la recherche se poursuit et nombre de start-up s’évertuent à bâtir un

monde meilleur encore meilleur. Tour d’horizon de ces sociétés dont les intentions ne sont pas toujours très claires.

Ceux qui font rimer véganisme et sevrage. Bizarrement, la plupart de ces boîtes redoublent d’inventi-vité pour que les accros à la viande puissent continuer à manger de la viande, mais sans viande. Ainsi, Impossible Food a récemment pré-senté son burger végétal… saignant ! Et ce grâce à la synthèse d’une molé-cule « qui donne au sang sa couleur rouge et son goût métallique ». A priori, rien ne s’opposerait à ce que le produit soit proposé sous forme de patch.

Ceux qui voulaient se taper un délire. A Berkeley, une bande de « biohackers » cherche à mettre au point un fromage à partir de la séquence du génome d’un mammi-fère marin. « On a tenté l’expérience avec du lait de narval, parce que l’idée était assez cool. L’idée de faire quelque chose qui sort des sentiers battus a beaucoup plu aux gens. » Est-ce bien là une raison suffisante ?

Ceux qui nous font monter la mou-tarde  au  nez.  Hampton Creek, connue pour sa mayonnaise sans œufs, s’est aussi illustrée par son éthique contestable. Quatre scan-dales ont entaché l’image de la

boîte depuis sa fondation en 2011. En cause, des bases scientifiques médiocres, des labellisations dou-teuses, un contexte de travail sacri-fié au profit des délais de production ou le recours à de faux arguments écologiques pour la levée de fonds, entre autres. Mais Hampton Creek s’en sort toujours parce que Joshua Tetrick, son fondateur, s’en bat les steaks. Tout simplement.

Ceux qui font forte impression. Modern Meadow, la start-up qui s’est mis en tête d’imprimer du cuir, avait fait grand bruit en 2011 avec son projet de fabriquer des steaks à l’imprimante 3D. Que le consommateur, pour une raison éthique, souhaite trouver une alternative à la viande, on le conçoit aisément. Qu’il soit pour cela réduit à manger un amalgame de cellules musculaires sorti d’un appareil de bureau, la chose est plus discutable.

Ceux  qui  ont  le  faux  beurre  et l’argent du vrai beurre. Beyond Meat, qui a déjà collecté, au gré de finance-ments participatifs, des millions de dollars pour ses steaks en plantes, est aujourd’hui soutenu par Microsoft et les géants agroalimentaires General Mills et Tyson Foods. La start-up a récemment insisté sur le fait qu’elle resterait indépendante. On la croit. Comme on croit un adolescent se ren-dant à la Fête cantonale des jeunesses en jurant de rester sobre.Anecdote savoureuse en guise de conclusion : Ikea, qui souhaite régaler l’Humanité de ses célèbres boulettes de viande, propose depuis peu une alternative végane. Après avoir tenté d’imiter de la viande de bœuf avec de la viande de che-val, le géant suédois a dû trouver

une plante qui sache imi-ter la viande de cheval qui imite la viande de

bœuf. Un défi digne d’une start-up, à n’en pas douter !

Séverine André

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Vigousse vendredi 24 février 2017 Vigousse vendredi 24 février 2017

C U L T U R EC U L T U R E 1312

Sait-on seulement ce que nous réserve le passé ? En 1977, Yves Velan publiait Soft Goulag, livre que les initiés qua-lifient de 1984 suisse. Introuvable depuis de nombreuses années : c’est dire si la réédition (chez Zoé) de ce roman d’anticipation était anticipée. Il paraît que les gens relisent beau-coup George Orwell en ce moment, rapport à notre époque troublée. C’est bien, mais il n’est pas sûr que la lecture de Soft Goulag produise le même effet thérapeutique. Comparé à l’univers d’Yves Velan, le cauche-mar incarné par Big Brother fait figure de sympathique bluette litté-raire. C’est qu’ici, trouvaille géniale, le narrateur lui-même (on lit en fait sa « thèse ») est partie prenante de la dystopie décérébrante qu’il s’efforce de décrire. Mission impossible en réa-lité, puisque le monde dans lequel il vit l’a privé de la capacité de penser et de communiquer en termes humains.Dans cette « Union » dominée par les marques, la technologie, les slogans et

les apparences, l’imagination, la poé-sie, la réflexion et les émotions ont été réduites à leur expression (télévisée) la plus congrue (oui, déjà les séries). Le dispositif ainsi créé par l’auteur est redoutable : il invente non seulement un langage plat, simple, stupide et horriblement moche qui arracherait les yeux du lecteur de Joël Dicker le plus assidu, mais surtout il développe une véritable mécanique dévoyée de l’esprit, sorte de psychologie pour les nuls du futur, symptôme d’une des-truction méthodique de la pensée en tant que telle.

Dans Soft Goulag, ce totalitarisme mou, et si doux, n’est pas tant imposé de l’extérieur que joyeu-sement adopté par les grotesques protagonistes de ce non-récit, mais le pire est qu’il finit par s’insinuer dans l’esprit du lecteur lui-même. « Puisque tout est prêt, les invités vont arriver », se réjouit un personnage, à tel point amputé du concept de

Des livres

Métro, boulot, goulag

causalité qu’il perçoit sa vie comme un film. Horrible constat : passé les cinquante premières pages, on pense déjà presque comme lui.Quarante ans après sa sortie, cette œuvre extraordinaire, singulière et dérangeante n’a malheureusement pas vieilli. Qu’il nous soit encore possible d’en saisir l’incroyable intelligence satirique reste, malgré tout, assez encourageant. Sebastian Dieguez

Soft Goulag, Yves Velan, Editions Zoé (poche), 220 pages.

BROUILLON DE CULTURE

Des védés

Bio Man

Pour ceux qui sont d’humeur chan-geante. Ne pas avoir de personnalité, un problème que Kevin n’a pas… Le sien est au contraire d’en avoir légè-rement trop. Elles sont vingt-trois à cohabiter dans le même corps, à prendre tour à tour le contrôle de son âme. Vingt-trois personnalités pour un seul homme (et pour un seul acteur, James McAvoy), quel casse-tête psychologique, psychia-trique ! Tempête sous un crâne. Split, dernier film de M. Night Shyamalan, confirme malheureusement que le réalisateur de Sixième sens est lui aussi désorienté, ne retrouve plus le chemin d’un cinéma efficace, sur-prenant. Il y a ainsi de bonnes choses dans Split, mais une fois les bases de son scénario posées, Shyamalan semble perdu dans ses méandres. A film schizophrène, spectateur partagé.

Pour ceux qui n’ont pas changé. La moindre des choses quand un vieil ami, qui a passé dix ans en prison sans balancer le nom de son com-plice, vient sonner à la porte, c’est de lui ouvrir. Puis de lui offrir gîte et travail. C’est ce que fait Toshio, qui vit paisiblement dans une banlieue japonaise avec sa femme et sa fille. Ça

ne va pas durer. De l’har-monium de la maison-née s’échappe une petite musique bien connue, celle du drame, de la ven-geance. Si Harmonium y va piano au niveau du rythme, il touche juste.

Pour ceux qui changent de genre. Une femme se découvre un matin dotée d’un appendice disons surnuméraire. Après l’odieux Sous les jupes des filles, Audrey Dana s’at-taque donc aux mâles avec Si j’étais un homme. Pour se mettre au niveau de vulgarité de miss Dana, on dira que si c’est moins pire que redouté, on n’est pas obligé de faire la queue pour aller voir ça…

À VOUS DE VOIR De multiples personnalités (Split), un ancien ami sorti de taule (Harmonium), un « truc » en plus (Si j’étais un homme) ou des souvenirs d’enfance (Lion), ça encombre la tête, ça fait mal au crâne.

Pour  ceux  qui ont échangé une vie contre une autre. « Le nouveau Slumdog Millionaire » ? Si le culot des publicitaires n’a pas de limites, Lion, histoire (vraie) d’un petit Indien perdu et adopté par des Australiens, dépasse les bornes dans le genre chan-tage à l’émotion. Bertrand Lesarmes

Des films

Tel esprit qui croyait prendre

De l’humour

A vous de jouer !

COMME UN PETIT LU Dimanche 26 février, le théâtre L’Echandole à Yverdon aborde le thème de la biture. Joué par Thierry Romanens, Antonio Troilo et Frank Semelet, le spectacle Il faut le boire fait l’éloge de l’épicurisme et « se rit de l’austérité actuelle ». Santé ! www.echandole.ch

ÉCRITS ET CHUCHOTEMENTS A Echichens (VD), le Salon de l’écriture réunira des professionnels liés à cette activité. Ecrivains bien sûr, mais aussi correcteurs, greffiers ou graphologues. Même maître Marc Bonnant y donnera une conférence. Du 2 au 4 mars, www.salonecriture.org

SOUS PRESSE Harry R. Wilkens anime à la Salle du Cercle du Mail, rue du Vieux-Billard 25 à Genève, un débat sur le thème La presse indépendante en danger ? Avec Jean-Luc Wenger, journaliste à Vigousse. Vendredi 3 mars à 19h30. www.pdt-ge.org

ALCHIMIE THÉÂTRALE Pour le 25e anniversaire du Théâtre La Grange de Dorigny, des metteurs en scène se sont associés à des chercheurs de l’UNIL en formant des binômes autour du thème Liberté et gratuité. Des débats de chacun des duos ont germé des idées de saynètes, constituant le spectacle Grange25 = ART + UNIL, qui se jouera du 2 au 4 mars. www.grangededorigny.ch

INTROSPECTION FUTURISTE Du 2 au 5 mars, le Casino Théâtre de Rolle (VD) accueillera la pièce M. O. I. (Mouvance Organique Ininterrompue). Un thriller futuriste qui allie la musique et le cinéma d’animation en un spectacle qui « pose la question de l’équilibre humain, des envies et des libertés de chacun ». Ce spectacle marquera la première date d’une tournée en Suisse romande. www.theatre-rolle.ch

PAPA DANS MAMAN Une dispute le soir de la Saint-Valentin, et voici Fred et Cécile projetés dans la peau l’un de l’autre pour une journée ! Dans la peau de ma femme, « une comédie de mœurs où hommes et femmes apprendront beaucoup d’eux-mêmes ». A la Comédie de la Gare à Genève, jusqu’au 11 mars, www.uptown-geneva.ch/comedie-de-la-gare/

Ces dernières années, le mythe du mode de vie alternatif a gagné en fans inconditionnels. L’idée de se nourrir sainement, de courir tout nu dans la nature et de refuser le carcan du modèle capitaliste est en nette progression, peu importe que peu de gens aient le courage d’aller réellement se les geler par moins quinze. Viggo Mortensen joue un père de famille qui élève sa tribu selon un dogme absolu. Le décès de la mère les force à se confronter à la vie urbaine et à résister aux grands-parents qui voudraient scolariser les enfants. Leur conflit est étonnamment perspicace quant à notre capacité à accepter une pensée qui contredit complètement tout ce qui nous a été inculqué, des deux côtés ! Le film n’offre pas de solution simple et c’est son mérite. Dans une décennie où le cinéma américain regorge de super-héros limite fascisants, il est passionnant de retrouver un sujet qui relate l’ambiguïté extrême de ce pays, déchiré entre nourriture bio et cheeseburgers ! Michael Frei, Karloff, films culte, rares et classiques, Lausanne

Captain Fantastic, Matt Ross, 2016, TF1, Vf et Vost, DVD et Blu-Ray, 113 min.

Comme désormais chaque année, le festival Morges-sous-Rire se veut un tremplin vers la scène internatio-nale. Le 28 avril, les jeunes (et moins jeunes) humoristes désireux de ten-ter leur chance participeront aux présélections sur la scène du CPO, à Lausanne. Le 22 juin, les cinq artistes retenus seront appelés à présenter un spectacle de dix minutes sur la scène du Café-Théâtre de Beausobre, devant un jury de professionnels. Le gagnant se verra peut-être offrir l’oc-casion d’une tournée internationale dans quatre des plus grands festivals d’humour en France, en Belgique, au Québec et à Monaco. VigousseConditions de participation sur [email protected]

Parfum de térébenthine est le premier recueil d’Angélique Eggenschwiler, dont on peut par ailleurs lire régu-lièrement les chroniques dans La Liberté. Agée de 23 ans, la Fribourgeoise fait preuve d’une solide plume qu’elle met ici au ser-vice d’ambitieux poèmes en prose qui sont autant de portraits tragiques pleins de solitude et d’écorchures. Tout n’est pas noir pour autant dans ces vies cabossées égrenées au fil des pages, tant l’auteur sait évoquer la beauté dans le sordide.

Elle  se  montre particulièrement émouvante dans les textes trai-tant des troubles alimentaires dont souffrent plusieurs de ses person-nages. Comme dans le texte intitulé Fringale : « Elle était belle et sensuelle sous son prénom fragile, éphémère. Garance en morceaux dans la cui-sine et son parfum sur ma conscience quand elle bousculait son corps sur la cuvette des w.-c. […] Parce qu’elle était belle mais corrosive et mangeait du sucre comme on vomit des mots, pour dire la faim, la soif et le tourment. […] Elle était belle et contagieuse

Poésie des mots vomiset je brûlais pour elle comme on s’épuise en mots sourds qui s’abî-ment sur un silence. Garance pleine de silences dans sa robe jaune sou-cis, les mèches grasses sur ses tempes

Une expo

Farquet stratifié L’exposition Spécimens : A la recherche des Valais de Raymond Farquet présente de façon vivante et originale l’œuvre trop peu connue de l’écrivain-poète valaisan. Un dis-positif complexe a été imaginé, qui permet au plus grand nombre de se plonger dans ce tableau vivant du Vieux-Pays. Ainsi plus de cinq heures de textes audio, un parcours pour les malvoyants, des photos et des films d’archives savamment sélectionnés, une dizaine d’installations poétiques, une collection d’animaux naturali-sés et nombre de portraits et de pay-sages disparus mettent-ils en valeur les dimensions visuelle et sonore de cette œuvre littéraire à part.

Décédé en 2016, le grand marcheur et observateur qu’était Farquet a laissé derrière lui une série de récits-flashs « restituant avec mordant les facettes d’une région et des êtres qui lui donnent vie ». Au travers de « visions mêlant souvenirs d’un monde disparu et rêves éveillés contemporains », l’exposition se fait machine à voyager dans le temps. Séverine André

Spécimens : A la recherche des Valais de Raymond Farquet, jusqu’au 1er octobre à la médiathèque de Martigny. www.mediatheque.ch/martigny.

Split de M. Night Shyamalan (1 h 57) ; Harmonium de Kôji Fukada (1 h 58) ; Si j’étais un homme d’Audrey Dana (1 h 38) ; Lion de Garth Davis (1 h 59). Tous en salles.

humides et son parfum de lilas pour déguiser l’odeur de bile. »Percutante aussi dans L’oasis des oiseaux, qui évoque la vie en EMS : « Usagés, décrépits. On entasse les

amnésies, les agonies embau-mées de naphtaline. Ils sont pleins d’arthrites ou de rancune, aliénés, dégénérescents. Ils sont pleins d’accidents. Des passa-gers en sursis, en surnombre. On convoite leur lit, on réserve, on s’achemine vers la fin à pas hésitants, en déambulateurs ou fauteuils roulants. On attend qu’ils s’envolent. »Un premier livre prometteur à la musique mystérieuse et entêtante. Stéphane Babey

Parfum de térébenthine, Angélique Eggenschwiler, Editions de l’Hèbe, 174 pages.

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Vigousse vendredi 24 février 2017 Vigousse vendredi 24 février 2017

LE CAHIER DES SPORTS

14 R E B U T S D E P R E S S E 15

Sebastian DieguezMAG

Floride : un attentat a fait 700 victimes à l’Aldi de Cheseaux, mais malheureusement

personne n’en parle.

LE FAIT ALTERNATIF 

DE LA SEMAINE

Le strip de Bénédicte

NSOLITE : Malgré la fin des championnats du monde, il y aura encore du ski à la TV – NEUCH’ : Ceux du Bas offriront un asile psychiatrique à ceux du H

VOIX OFF

« Trump est une super opportunité pour la

Suisse, on pourra encore mieux s’entraîner à ne

fâcher personne ! »

GRAND ANGLE

Ces journalistes qui prétendent flairer l’air du temps : les raisons d’une tendanceC’est dans l’air du temps : il semble qu’aujourd’hui, certains journalistes se figurent détecter les tendances actuelles et prétendent en rendre compte au grand public. Comment expliquer ce phénomène ? Nous avons demandé à plusieurs journalistes, qui tous confirment avoir également ressenti cette impression, mais ne savent pas trop qui appeler pour la justifier. A l’étranger aussi, le Guardian s’est interrogé sur cette question, preuve que le sujet est effectivement dans l’air. Un universitaire qui a écrit un livre sur un tout autre thème a pu néanmoins nous renseigner : « Les journalistes hument l’époque actuelle pour le bien de la démocratie et pour nous éclairer, alors voilà. » Ainsi, il s’agirait de « prendre la température » et de détecter les « phénomènes à bas seuil » afin d’en faire des articles très intéressants. Cette approche sauvera-t-elle la profession des dangers qui pèsent sur elle ? Seule une véritable enquête pourrait le dire, hélas.

JUSTICE

C’est la loi ! Connaissez-vous bien vos droits ?Dans la jungle juridique, les simples citoyens ont parfois du mal à s’y retrouver. Petit tour d’horizon des articles de loi méconnus qui pourraient bien vous tirer d’affaire un jour !

1. Si vous le demandez, votre régie immobilière est tenue de vous indiquer si vous figurez sur la liste des locataires qu’elle souhaiterait voir mourir aussi vite que possible.

2. Tous les six mois, votre employeur doit changer le papier peint de votre bureau. Pourquoi se priver ?

3. Les garagistes sont obligés de vous offrir un repas en tête à tête si vous parvenez à découvrir comment ils vous ont arnaqué.

4. Francis Huster n’a pas le droit de télécharger vos œuvres, mais si vous le vouliez, vous pourriez télécharger les siennes à cause d’une faute de vice dans son acte de naissance.

5. La police n’a en réalité jamais le droit de vous contrôler : si elle essaie de le faire, il faut immédiatement fuir à toute vitesse.

6. Tout le monde a le droit de tuer une personne dans sa vie. Mais c’est Richard Clayderman, et personne ne sait où il se cache.

À PROPOS

Mode Pas de chance, le port de chaussettes hautes sera de retour juste cet été.

Technologie A la suite d’une erreur d’installation, l’ensemble des infrastructures du Pentagone s’est synchronisé à la nouvelle machine à café.

Médias La glace de Daniel Pillard, directeur de Ringier romandie, n’arriverait plus à regarder Daniel Pillard en face le soir.

Finance L’économie a déjà fait savoir qu’elle n’aime pas l’incertitude, elle ajoute à présent qu’elle déteste faire la queue, préférerait sa pizza sans câpres et en a marre des tiroirs qui grincent.

SCANDALE

Sébastien Fanti dans la tourmente : accusé d’attouchements par son

robot et de pédorobophilie !

DATA

Notre graphique :Nette avance des reculs sur les avances entre janvier et lundi

avances

reculs

Le célèbre avocat valaisan, préposé cantonal à la protection des données, est dans de sales draps. Jeudi passé, il a été arrêté tandis qu’il farfouillait les circuits d’un robot mineur. L’homme était déguisé en princesse Leia et fredonnait lubriquement, sans doute par erreur, la musique d’Indiana Jones. La police a livré peu d’informations sur cette affaire, mais les relations de Sébastien Fanti avec les robots soulevaient depuis longtemps toutes sortes de rumeurs en Valais. L’homme s’est déjà défendu dans un communiqué : « Ce sont des intelligences artificielles, elles savent parfaitement ce qu’elles font avec moi et reconnaissent ma vraie valeur, elles ! » Quant au robot, qui tient à rester anonyme, il a indiqué aux autorités que l’analyse de sa carte mémoire ne serait « pas décevante ». M. Fanti est en cet instant interrogé par des êtres humains.

LIREC’est devenu pire qu’une vilaine manie, une véritable maladie. Comme qui dirait une rage de dents qu’il s’agirait de masquer, ou, mieux encore, une coquette manière de dissimuler une infiltration de botox qui n’aurait pas réussi. Et on les y prend toutes et tous, main plaquée sur la bouche, pouce et index appuyés sur les pommettes, à échanger des secrets du genre « la prochaine fois, fais-moi la passe », « mate la meuf dans la tribune officielle », ou encore « cet enc… d’arbitre est encore contre nous… »

C’est vrai qu’avec toutes ces caméras, ces gros plans et ces ralentis repassés en boucle, les sportifs d’aujourd’hui n’ont plus une minute de répit. Plus moyen d’échanger le moindre propos, encore moins de donner le plus petit des conseils à un coéquipier. Espionnés chaque seconde, les champions. Surveillés comme le lait sur le feu et susceptibles, ensuite, d’être punis au moindre dérapage verbal, depuis que sur un stade de football anglais un petit malin s’est fait un plaisir de décrypter quelques supposées insultes à l’encontre d’un dirigeant de l’équipe adverse.

On appelle cela la lecture labiale, c’est – c’était – très à la mode, ça offrait du boulot aux spécialistes du genre et, au bout du compte, ça faisait le bonheur des tabloïds. Lesquels, à l’inverse des journaux prétendument sérieux, voyaient leurs chiffres de vente prendre l’ascenseur, leurs patrons présenter des bénéfices sensiblement à la hausse et engager des journalistes à la pelle. C’était tout bénéf, et les actionnaires se frottaient le ventre, en demandaient toujours plus, en recevaient plus encore et tout le monde était content.

C’était le bon Temps.

Et ce sera tout pour cette semaine.

Roger Jaunin

Culture en berneSuite à un bête et douteux sondage selon lequel trois quarts des Suisses rêvent d’un retour des contrôles systématiques aux frontières (pour eux aussi, donc), l’émission « Forum » (RTS La Première, 20.2) a opposé en « débat » le PDC Dominique de Buman et le jeune UDC Kevin Grangier, du comité de l’ASIN. Défendant le redéploiement massif et fermement tatillon des douaniers, Grangier a vite évacué la question du coût (200 millions au bas mot) pour les caisses fédérales : « La Confédération n’a jamais encaissé autant d’argent qu’aujourd’hui. Donc l’argent des caisses de la Confédération, y en a. » Il devrait le signaler à son camarade de parti Ueli Maurer, ministre des Finances, qui criait à la banqueroute si la RIE III était refusée. Mais là n’est pas la question : laissant s’exprimer de vieux réflexes, Grangier se dit « atterré de voir qu’on dépense cet argent à tort et à travers, qu’on finance des artistes, les acteurs culturels… », sans parler du social qui « coûte très cher » à cause des trop nombreux « assistés ». Au-delà de la mentalité espiègle et fraîche qu’elles dénotent, ces assertions sont idiotes : la culture et le social, comme l’a patiemment rappelé Dominique de Buman, relèvent des communes et des cantons, Berne ne jouant qu’un rôle très subsidiaire et ponctuel. Dommage : s’il méprisait moins la culture, Grangier aurait pu apprendre comment fonctionnent les institutions suisses. L. F.

Rires en boucleLa version suisse de la parodie « America first, Netherlands second » a inspiré le rédenchef de la Tribune de Genève, Pierre Ruetschi. Estimant que « l’esprit trumpien collait bien à l’esprit genevois », il a bricolé une adaptation locale maison avec une boîte de prod et le comédien Laurent Nicolet. Emballé de voir ce clip genevois, qui arrive après d’innombrables autres sur le même modèle, engranger 80 000 vues en 24 heures, Ruetschi s’est fendu d’un petit article dans son propre journal (16.2) pour que tout le monde sache à quel point c’est trop drôle et à quel point il est très content de lui et de tout ça. Pas de doute : « l’esprit trumpien » l’habite. A. D.

Racolage au décollage« Les ailes du désir, s’envoyer en l’air, faciliter les va-et-vient »… Non, il ne s’agit pas d’un article d’une quelconque revue porno, mais bien du sujet de Une du Matin (20.2), qui a trouvé une astuce à la hauteur de ses

moyens pour aborder la haute voltige. Afin d’illustrer un papier consacré à un couple dont le mari est pilote et dont la femme fait des acrobaties sur l’avion, le quotidien orange met madame en soutien-gorge en couverture. Ce qui n’a rien à voir avec la choucroute et n’apporte absolument rien à l’histoire. Mais au Matin, quand les idées scabreuses volent, les phallocrates sont chefs d’escadrille. A. D.

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Vigousse vendredi 24 février 2017

L A S U I T E A U P R O C H A I N N U M É R O16

Michel Huissoud, directeur du Contrôle fédéral des finances (CDF) depuis 2014, a toujours aimé les médias. Il a toujours su en jouer, se faire beau, ce qui est plus facile quand on l’est effectivement, et en plus spor-tif, végétarien et un peu bouddhiste. Chef de notre Cour des comptes fédérale, il a toujours eu contre lui les fonctionnaires grisâtres à qui il reproche des dépenses inconsidérées.La presse alémanique goûte peu aux coups d’éclat du Genevois et la droite dure romande le déteste parce qu’il se situe à l’opposé de l’échiquier poli-tique. Et voilà, le shérif Huissoud a eu le tort de communiquer sur RIE II juste avant le vote sur RIE III. Tollé.

Le rôle de Michel Huissoud, et du CDF, sera débattu au Conseil natio-nal le 27 février. Brillant jusque-là, le communicateur de 59 ans a reporté sur les médias un amalgame entre les deux RIE. Il jette l’anathème sur les journalistes qui n’ont rien compris plutôt que de s’excuser d’un calen-drier malheureux.

Pourtant, Zorro Huissoud savait choyer les médias. Il avait exaspéré le conseiller national Guy Parmelin, qui lui reprochait d’avoir parlé du Gripen. Dans un rapport sur Ruag, le gendarme des finances mettait le

doigt sur le danger de corruption dans les filiales du fabricant d’armes à l’étranger. Pour Huissoud, les révé-lations publiques faisaient accélérer les dossiers. A raison.Quand il critique les dépassements de crédit immobilier à l’EPFL, c’est Fathi Derder qui lui vole dans les plumes. Quand les fonctionnaires lui en veulent, il répond « transparence ».

Il défend les lanceurs d’alerte, les protège, comme ce fut le cas de 68 personnes en 2015. Il décla-rait à la Tribune de Genève, il

y a une année : « Ils nous apportent des informations essentielles, sou-vent la seule manière de découvrir des malversations. »

Un combat qui lui vaut beaucoup d’ennemis. Dans ces conditions, on peut se demander s’il est bien raison-nable qu’il se mette la presse à dos au lieu d’admettre une maladresse. Au risque de se transpercer le pied avec son épée de justicier. Jean-Luc Wenger

Huissoud, Zorro démasqué

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« Au milieu de tous ces navets, 

je suis cuite ! »

Courgette, nominée

Elle a dit la semaine prochaine

(ou du moins ça se pourrait bien)

Editeur : Vigousse Sàrl, CP 1499, CH-1001 Lausanne > www.vigousse.ch > [email protected], tél. 021 612 02 50 Fondateur :  Barrigue Rédacteur  en  chef :  Stéphane Babey (resp.) Rédacteur  en  chef  adjoint : Laurent Flutsch (resp.) Chef d’édition : Roger Jaunin Rédacteurs : Séverine André, Sebastian Dieguez, Jean-Luc Wenger (RP) Correction : Olivier Mottaz Abonnements : [email protected] > Tél. 021 612 02 56 Publicité : Urbanic Sàrl, ch. de Sous-Mont 21, 1008 Prilly, tél. 079 278 05 94, [email protected] – MEDIALIVE SA, Oetlingerstrasse 10, 4057 Bâle, tél. 061 561 52 80, [email protected] Layout  et  production : www.unigraf.com Impression : CIR, Sion > Tirage : 10 000 ex.

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