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VENONS À BOUT DE PROF LAMORT Campagne de l’association Action Contre La Faim (ACF), 2014 Étude réalisée par Margaux Naville, Clara Labrousse et Alice Gastineau — mars 2015 Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne — Master 1 Direction de projets ou établissements culturels Source : Action contre la Faim

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  • VENONS À BOUT DE PROF LAMORT

    Campagne de l’association Action Contre La Faim (ACF), 2014Étude réalisée par Margaux Naville, Clara Labrousse et Alice Gastineau — mars 2015

    Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne — Master 1 Direction de projets ou établissements culturels

    Source : Action contre la Faim

  • 2Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Conception

    ENTRETIEN CONCEPTION

    Christelle Simonutti (C.S), rédactrice-conceptrice de la campagne, et Pierre Anselmi (P.A), directeur de l’agence Broca & Wernicke, interviewés en Mars 2015.

    Quels étaient les objectifs de cette campagne, quelles étaient les contraintes, et les di-rectives ?

    C.S : Les contraintes étaient de s’adresser à un public très jeune. Nous avons trouvé l’idée d’un concept un petit peu à contre pied, renouveler le discours sur le sujet de la lutte contre la faim dans le monde, le concept particulier du film Prof Lamort est un parti pris de l’agence qui vient de toute un réflexion en amont où le message que l’on souhaitait défendre était : La faim dans le monde n’est pas une fatalité.ACF dans son brief voulait positiver son message, car jusqu’à maintenant ils avaient des prises de parole qui étaient très noires qui parlaient du nombre de morts de la faim dans le monde, des images très culpabilisantes et là ils voulaient que l’on puisse démontrer que leurs actions fonctionnent puisque la faim recule. iI fallait réussir à passer d’un discours très culpabilisant, très noir, à un discours plus optimiste sur ces chiffres qui reculent, donc sur l’efficacité de l’ac-tion contre la faim.Tout l’enjeu en création a été de réussir à faire le pont entre deux discours très différents, un discours alarmant et un discours plus optimiste mais sans forcément casser l’image d’ACF et toute l’imagerie qu’on peut voir autour d’elle.C’est aussi pour ça qu’on en est arrivé à cette décision de continuer à parler de la mort, puisque ACF a toujours parlé de la mort, ça faisait partie intégrante de ses prises de paroles depuis long-temps, puisque jusqu’à présent les actions de communication d’ACF montraient des images de petits enfants très maigres, des images « choc ».L’idée a été de garder cette imagerie là mais en la basculant, en faisant cette fois parler la mort qui dans le film porte un discours alarmant cette fois sur le fait que la faim recule dans le monde. La question était de capter autrement l’attention de ce public «ado » qu’avec un dis-cours moralisant que l’on a toujours entendu sur ce sujet là, surtout que la faim dans le monde est une problématique qui est potentiellement loin d’eux.

    P.A : Il y a aussi tout la dimension d’une mise en scène, liée à la cible scolaire.On s’appuie sur un univers que tous les collégiens connaissent car c’est leur quotidien de vie. L’idée était d’attirer leur attention par des choses qui sont de leur quotidien.

    C.S : L’idée était de créer un parallèle. C’est devenu le monde parallèle de «l’école des fau-cheuses » pour parler aux écoliers, pour créer des petits parallèles entre eux pour créer de l’affinité, pour qu’ils puissent se reconnaître dedans.

    P.A : Pour créer de la reconnaissance, un système de projection. Il y a aussi des contraintes de budget, de temps, qui fait que l’on ce fait pas toujours ce qu’on veut car il faut savoir que sur

  • 3Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Conception

    ce genre d’opération c’est notre agence qui finance quasiment tout.L’idée du début était d’avoir pleins d’élèves dans la classe qui étaient des mythes sociaux, des stéréotypes d’élèves comme celui au fond de la classe, celui avec les lunettes, l’angélique,etc.

    C.S : L’idée était de tout inverser. Par exemple le gothique dans notre monde est noir, adore la mort, et l’idée était d’avoir cette «brebis » galeuse qui, dans «la classe de la mort», aimait la vie et qui aurait pu porter des messages un peu « cuculs ».

    P.A : La volonté était de recréer tous les types d’élèves qu’on a tous connu de façon récurrente, et de les mettre en scène mais dans « une école de la mort » et pas dans « une école de la vie ». Mais pas des élèves à visage découvert, ce qui était super important, car on ne voulait pas qu’il y ait une personnification de la mort, car comme c’était purement un mécanique imaginaire ça aurait tout cassé. De notre point de vue si on avait du mettre en scène de vrais visages, il y aurait eu un phénomène de projection immédiat qui fait que ça aurait été certainement un peu moins crédible et spectaculaire. Hors l’enjeu était d’arriver à trouver des caractères sans voir les visages justement, c’était le principe.

    Donc dans ce sens là vous avez pensé aux réactions que pourraient avoir les collé-giens ? Quelles réactions pensez-vous qu’il auraient ?

    C.S : On espérait surtout que l’humour leur parle et c’est vrai que l’on était assez contents de voir justement que ça suscitait pas mal de réactions, quelques débats aussi.

    Vous avez choisi un type d’humour noir, sarcastique, très ironique qui nécessite un peu de distance, donc y a-t-il eu un débat sur l’âge à partir duquel un adolescent peut com-prendre l’inversion qui se passe ? Y a t’il eu un débat au sein de l’équipe créatrice ?

    C.S : Non ce n’a pas été un débat, c’est un choix qui a été pris en amont. A partir du moment où l’on a eu cette idée là.

    P.A : Non, objectivement on ne s’est pas réellement posé la question, quand on a eu cette idée là et cette façon d’aborder le sujet complètement inversée ça correspondait à ce que l’on vou-lait depuis le début. On ne voulait pas être dans les représentations à nouveau culpabilisantes.Et puis le fait que d’un seul coup on parle aux collégiens d’une problématique qui est quand même super loin d’eux potentiellement, c’est assez compliqué. C’est pour cela qu’on était réel-lement convaincu lorsque l’on a eu cette idée que c’était une bonne façon de s’adresser à ces jeunes, avec une mise en scène qui était une vraie mise en scène cinématographique, avec une image super qualitative avec un côté Harry Potter, et toutes ces dimensions d’un univers visuel qui nous intéressait en plus de l’humour. Mais c’est vrai que l’on ne s’est pas plus posé la question que ça, ça nous semblait recevable.En fait ce qu’il y a de super compliqué quand on a une idée comme ça c’est d’abord de savoir si elle est achetable par le client.

    Avez-vous eu des retours d’ACF ? Étaient-ils eux aussi satisfaits ?

  • 4Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Conception

    C.S : Oui cela avaient bien marché, en plus le nouveau directeur de la communication d’ACF, Bruno David est quelqu’un qui était déjà dans cette logique là, qui voulait inverser les codes, bouger un peu la communication humanitaire en général, où on a l’habitude de voir les popu-lations dans des situations dures, des images choquantes, donc c’est arrivé au bon moment.

    P.A : Et le vrai parti pris était de dire qu’il y a une certaine forme de jubilation de dire qu’on peut gagner sur la mort. Il y a ce côté là de vouloir changer l’idée que c’est horrible, qu’il y a des millions de gens qui meurent, que l’on se sent désarmés et que l’on ne peut rien faire contre la faim dans le monde. Là d’un seul coup il y a l’idée que nous tous on peut reprendre un peu la main, être actifs et le faire avec l’envie de s’investir pour une cause. On l’avait beaucoup réfléchi dans ce sens là, c’est-à-dire que l’humour sert aussi à redonner la foi dans la cause, à « rebooster », à redonner de l’énergie, de l’enthousiasme, de l’envie dans la cause.Et en interne chez ACF, lorsque le film a été projeté en digital, les gens étaient tous très contents car là aussi on portait un regard sur leur travail qui changeait, qui était plus positif, porteur d’en-vie, d’énergie,etc. Donc oui à l’interne ça a très bien marché.

    C.S : L’idée était aussi de se dire que l’ennemi d’ACF n’est pas la faim, on montre la faim comme l’ennemi à abattre depuis des années, et puis finalement, le vrai ennemi d’ACF et de la malnutrition c’est la mort, et c’est pour ça qu’on a recentré le discours là-dessus. Et finalement la faim est plutôt une manifestation de la vie, car tant qu’on a faim c’est qu’on est vivant et ça a aussi été une des réflexions en amont qui a porté ce parti pris là.

    P.A : Il y avait aussi le problème sur le fait qu’ACF n’intervient qu’à l’étranger donc cela créé de la distance avec le discours de la lutte contre la faim, de la malnutrition, que l’on retrouve cependant aussi ici, en France, et le fait qu’ACF n’intervienne qu’en Asie ou en Afrique par exemple créé une distance en terme d’implication. Si on reste toujours dans cette façon de parler de ce sujet là, au bout d’un moment les gens se sentent désarmés, trop éloignés, moins concernés. Donc l’idée était de dire que le vrai combat est un combat contre la mort, la faim n’est qu’un outil pour la mort, d’où ce Prof Lamort.

    C.S : C’était aussi l’idée de réinjecter de la vie dans l’imagerie d’ACF qui était très morbide et qui montrait des « morts-vivants » tout le temps avec tous ces enfants qu’on voit avec leurs gros ventres, des mouches dans les yeux. C’était aussi une des réflexions de se dire «com-ment faire pour passer de cette imagerie de «morts-vivants » à un cri de vie et d’espoir en affrontant la mort de front et en la mettant en échec.

    Combien étiez-vous sur ce projet ?

    C.S : Ce sont des projets collaboratifs, l’équipe de création comptait quatre personnes, quatres rédacteurs.

    P.A : Et pour la petite histoire, nous avons financé nous même le film pour le présenter directe-ment au client, au lieu de lui présenter un projet, on a présenté le film tourné.

    Vous étiez en concurrence avec d’autres agences ?

  • 5Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Conception

    de questions que l’on ne se posent pas, car le vrai coeur du sujet est de savoir si le client va être en capacité de faire ce genre de choix ou pas.Pour ACF aussi ça a été une prise de parole qui a été assez osée, pour eux qui n’avaient jamais eu ce genre de traitement, du coup pour nous le problème était surtout de savoir si le client allait valider ce genre de parti pris, d’approche.

    Aviez-vous fait plusieurs propositions ?

    P.A : Non, on en a fait qu’une car on était tous super convaincus.

    C.S : C’est le genre de concept et de parti pris qui est tellement fort que c’est compliqué d’arri-ver aussi avec d’autres pistes. Soit c’est une réelle conviction et on est convaincu qu’il faut por-ter ce message là comme ça et on propose que ça, sinon ça n’a presque pas de sens lorsque l’on a une proposition aussi décalée d’arriver avec autre chose qui est un peu plus dans le rang. C’était un axe à défendre et le meilleur moyen de le défendre était d’arriver avec une seule piste et de la porter.

  • 6Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Diffusion

    ENTRETIEN DIFFUSION

    Entretien avec Christelle Simonutti (C.S), rédactrice-conceptrice de la campagne, et Pierre Anselmi (P.A), directeur de l’agence Broca & Wernicke, interviewés en mars 2015.

    Pouvez-vous nous présenter notre agence et ce que vous faites ?

    P.A : Broca et Wernicke est une agence de communication hybride née il y a deux ans à peine de la fusion de deux autres agences, une première agence qui était « Avis de tempête » créée en 1992 qui était une agence de pub classique et l’autre une agence digitale. On a fusionné ces deux structures pour créer cette nouvelle marque qui a deux ans. Elle a un positionnement d’agence hybride dans le sens où on essaye de faire vivre et d’acculturer l’historique publici-taire avec toutes les nouvelles technologies digitales. On est une agence 100% indépendante et on a la particularité d’être un petit groupe de communication indépendant avec une agence conseil et et une agence média « Écrans et Média » et qui s’occupe de tout ce qui est stratégie des moyens.

    Quels sont vos clients ?

    P.A : On est plutôt généralistes, mais on a pas mal de budget dans tout ce qui est service au grand public, service aux entreprises avec une assez forte expertise sur tout l’univers qu’on appelle l’univers social et solidaire, toutes les formes d’entreprises qui sont organisées en coo-pérative, en mutuelle avec des systèmes économiques un peu différent. Et tout cela s’applique dans des univers du type banques, assurances, mutuelle/santé. On a donc tout ce savoir-faire là qui est un peu historique à l’agence, après on fait un peu de tourisme, de la distribution ; par exemple on gère le budget digital de Cora qui est une enseigne de grande distribution, un concurrent de Carglass qui s’appelle Mondial Pare-brise, où là on est sur des problématiques très différentes qui sont purement très opérationnelles.Nous sommes 25 sur la partie Broca & Wernicke et une vingtaine sur la part Écrans et Médias.

    Comment est né le projet de la vidéo Prof LaMort pour Action Contre La Faim (ACF) ?

    P.A : On travaille avec ACF depuis très longtemps, historiquement avec une opération qu’on a imaginé en partenariat avec le groupe Chèque Déjeuner qui vend des titres de restauration.On a monté il y a plusieurs années une opération de partage avec ACF et Chèque Déjeuner qui s’appelle « Je Déj’ Je Donne », l’idée est que lorsque vous avez votre carnet de chèque au début du mois vous en donner un à ACF pour lutter contre la faim.

    ACF a ensuite interrogé Broca et Wernicke sur la problématique de la vidéo suite à un chan-gement de Directeur de la Communication il y a à peu près deux ans. Leur souhait était de tra-vailler sur la cible des 12-18 ans, des jeunes, sur comment les sensibiliser, car c’est une cible un peu compliquée pour eux.

  • 7Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Diffusion

    Il avaient une action très forte qui est la course contre la faim qui se déroule dans tous les collèges et les lycées en France depuis de nombreuses années - un tour de stade crédite une promesse de don - mais ce projet a eu un peu de mal à prendre et à irradier de façon un peu plus large. Ils ont donc interrogé plusieurs agences sur ce sujet pour leur faire des propositions de dispositifs pour aller toucher et sensibiliser cette cible « ado ». Voilà d’où est né le film Prof Lamort.

    Et au niveau de la campagne visuelle pouvez-vous nous dire de quoi elle est compo-sée ? Il y a eu une vidéo, une affiche ? Comment ça s’est décliné ? Quels supports ?

    C.S : Il y a eu le film, il y a eu un passage au cinéma car il y a deux versions du film, une version longue et une version courte.

    P.A : Il y a eu de l’événementiel aussi, c’est-à-dire qu’en fait ce qu’il y a de compliqué avec des ONG de ce type là c’est que ce sont des gens qui veulent rester très indépendants sur la façon dont ils vont organiser les choses par la suite, et en fait l’idée qu’on avait après le lancement du film sur internet c’était de faire vivre ce personnage Prof LaMort et de continuer de façon événementielle à faire la démonstration qu’il n’arrivait plus à recruter de « jeunes morts ». L’idée était d’aller faire des petites vidéos en prolongement du film, on avait développé pleins de scénarios où par exemple au moment des départs en vacances Prof Lamort allait dans une gare et il tractait des prospectus à tous les gens qui montaient dans le train pour faire du recrutement pour « aller tuer des gens », il irait aussi à la sortie de l’ANPE, pour dire « moi j’ai du boulot si vous voulez, je recrute, venez tuer des gens avec moi». L’idée après le film était donc de faire vivre ce personnage et de le tourner un peu en ridicule, comme un recruteur un peu « has been », en échec permanent, dont les élèves étaient de vrais cancres. Et donc ici pour une fois, c’est super positif d’être un cancre. Effectivement quand on est à « l’école de la mort » c’est plutôt valorisant de ne pas bien travailler plutôt que de bosser et d’être sérieux. Donc l’idée derrière était de faire de l’événementiel et de montrer qu’à chaque fois ce «prof’ de la mort » était en situation d’échec, et donc en combat avec ACF.ACF a de son côté fait quelques actions, ils sont allés Place Sainte-Opportune à côté des Halles pour la Journée Mondiale de l’Alimentation où ils ont mis du colorant rouge où ils tractaient pour recruter, ils ont fait intervenir le personnage en costume avec sa robe noire, notamment lors de La Course contre La Faim dans des écoles.Les supports étaient donc surtout les films, un peu d’événementiel, le Facebook en relais pour créer un peu d’interactivité, et de l’événementiel à l’aval avec les petites vidéos que l’on avaient proposé de faire pour entretenir le film, mais ils ont voulu le faire seuls de leur côté.Il y a eu aussi des gens qui ont relayé ça de façon totalement volontaire, qui ce sont déguisés en « Mort » et ont posté des vidéos, mais ce n’était pas des collégiens, c’est là où l’on voit que ça a aussi quand même touché un autre public, ce n’est d’ailleurs pas majoritairement des adolescents qui ont relayé la vidéo qui était visible sur internet, sur YouTube, Facebook, sur les canaux classiques digitaux, mais il n’y a pas eu de passage à la télévision.

    C.S : Il y a aussi eu un peu de retombées dans la presse à la sortie de la vidéo qui ont boosté pas mal de vues, quelques articles, sur le Parisien.

  • 8Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Diffusion

    La vidéo a-t-elle été reçue positivement par ces médias ?

    P.A : Ça a fait débat. Globalement ça a été reçu positivement, mais il y a des gens qui ont posé la question à savoir si c’était bien ou pas sur un sujet comme ça de prendre un contre-pied ra-dical. Nous avons aussi eu pas mal de retombées dans la presse « com’ » et « pub’ ».On a gagné trois prix avec la campagne. Il y a une organisation qui s’appelle Act Responsible qui est une plate-forme digitale et qui soumet aux internautes un vote en ligne par catégorie de campagne publicitaire tous les ans et pour cela on a eu le premier prix. Il y a eu aussi les Green Awards avec un vote des étudiants, qui sont un festival à Deauville sur tout ce qui est économie, développement durable,etc.

    C.S : Et il y a eu le grand prix de la communication solidaire qui récompense les communica-tions d’ONG et d’associations et là on a eu le troisième prix dans la catégorie digitale.Tous ces prix sont dirigés par des jurys professionnels, d’agences et d’annonceurs, ONG, et d’associations qui votent, et puis Act Responsible qui est un concours avec un vote en ligne où là se sont les internautes qui votent.

    Dans l’ensemble diriez-vous que la campagne a été réussie ?

    P.A : C’est dur a évalué car les seuls indicateurs que l’on a ce sont le nombre de vues sur You-tube, ce qui est très faible comme repère et ça manque de mots et de contenus. Ça a démarré très vite, il y a eu beaucoup de vues tout de suite ce qui est plutôt bon signe, ça veut dire que ça a un peu irradié, mais après il y a aussi des choses horribles en ligne où il y a des millions de vues, ce n’est pas pour autant qu’il y a de l’adhésion au message est dévoilé. Donc objecti-vement, nous avons peu de retours, mais de notre côté nous sommes contents de cette cam-pagne, du travail que nous avons fait, c’est pourquoi votre travail nous intéresse aussi, dans la réception de notre discours.Mais réellement je pense que cela a plus fonctionné sur un public un peu plus âgé que des col-légiens, je pense que ça a plus atteint des 15-18 ans, 15-20 ans, que purement des collégiens, cela peut bien fonctionner sur une cible de lycéens, jeunes étudiants parce effectivement il y a quand même une vraie distance, un second degré d’un bout à l’autre, donc je pense que ce sont plutôt des lycéens de 15-20 ans qui sont arrivés à rentrer en connivence et en complicité avec ce genre de discours que des vrais collégiens, mais encore une fois c’est très intuitif, et vous en êtes aussi un peu un élément de réponse, dans le fait que vous ayez choisi ce film, ça a du vous faire rire.L’annonceur voulait toucher «les jeunes » selon ses dires, et donc c’est large, « les jeunes » cela veut tout dire et rien dire.

  • 9Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Réception

    Nous avons d’abord, un petit exercice à vous proposer. Nous allons vous montrer un film court de quelques minutes et nous allons vous demander d’écrire quelques lignes sur ce que vous avez retenu de ce film sans échanger vos impressions entre vous. Quand vous aurez fini nous les récupéreront afin de faire une restitution écrite de vos premières impressions. Vous pouvez si vous le souhaitez et si vous bloquez mettre des mots clés au lieu de phrases.

    L : Cause principal de la mort = la faim. L’association « Action contre la faim » permet d’aider les populations en difficultés à vivre correctement. Le nombre de mort par la faim diminue chaque année.

    P : C’est une vidéo qui utilise l’autodérision pour « Action contre la faim ». Baisse de la mor-talité. 35 ans d’actions contre la faim. Famine = première cause de mortalité dans le monde. Changement de point de vu. Actions pluridisciplinaires.

    T : Le sujet est traité avec humour alors qu’il s’agit de la famine dans le monde. La mort est présentée comme vaincue petit à petit au fil des années grâce aux bénévoles et à l’association cette évolution est montrée par des chiffres.

    M : Première cause de mort : la faim. On symbolise la mort par des personnages. Un profes-seur explique à ses élèves qu’il faut lutter contre Action contre la faim. Action contre la faim : solidarité, chaîne humaine, lutte contre la faim donc contre la mort.

    Début de l’entretien

    Vous avez manifestement l’air de connaître L’ONG Action contre la faim, pouvez-vous me dire ce qu’ils font ? Pour quelles raisons ?

    P : C’est une association qui rassemble des dons, on a fait une course en 6ème et en 5ème pour aider à faire des dons pour lutter contre la faim dans le monde.Maxime : On a eu une intervention d’action contre la faim dans nos classes.

    Et ils vous ont expliqué ce qu’ils faisaient ? Vous en avez retenu quoi de leurs actions ?

    P : Ils font des courses pour inciter aux dons.M : Ils organisent des événements pour lutter contre la faim et pour collecter de l’argent.

    ENTRETIEN RÉCEPTION — FOCUS GROUPE

    Léna (L), Maxime (M), Pierre (P), Théo (T), Élèves de 3e du col-lège de Lakanal de Sceaux, interviewés en avril 2015.

  • 10Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Réception

    Donc c’était une association que vous connaissiez déjà.

    M et P : Oui nous connaissions.

    Avez-vous déjà vu des affiches ou d’autres campagnes pub d’ACF ?

    L : Des affiches oui.M : Oui, c’est possible.

    Est-ce que vous vous rappeliez ce que cela représentait ?

    L : pas vraiment

    Était-ce différent du film que l’on vous a montré ?

    T : Oui, c’est sûre.M : Pour la course d’ACF que l’on devait faire, on nous avait donné un carnet avec des images qui étaient très différentes de cette vidéo.P : Là c’est quand même dans un cadre humoristique. C’est un peu une blague mais avec une chute sérieuse.

    Comment étaient les autres affiches du carnet que l’on vous avait distribué ?

    M : C’était des photos plus choquantes.L : C’était plus sérieux.P : On a même eu un diaporama. Je me rappelle du bracelet, c’était horrible ! L : Oui moi aussi je m’en rappelle.M : Je ne m’en rappelle pas moi … (rires)

    C’était quoi ce bracelet ?

    P : En gros il y a un bracelet avec une taille en centimètre, vert, avec une taille normale pour un bras d’enfants et rouge pour une taille tout à fait anormale. Ils nous on montré une vidéo ou ils mettaient le bracelet à des enfants, c’était largement dans le rouge et après ils nous on montré le bracelet en vrai et c’était vraiment tout petit. On ne se rend pas compte souvent. On ne connaît pas trop.

    Avez-vous déjà entendu parlé du personnage de Prof Lamort ?

    P : NonT : NonL : NonM : Non

    Que vous inspire ce personnage ? L’avez-vous déjà croisé quelque part ?

  • 11Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Réception

    M : Ah oui, oui, bah oui c’est l’image de la mort avec la faux ! P : Oui c’est la mort.

    Et pourquoi pensez-vous qu’ils sont tous vêtus pareilles dans le film ?

    P : C’est une école pour apprendre à devenir tueur enfin à devenir la mort. Ils récoltent les morts.M : Ils luttent contre la vie.P : Bah non ! Il ne luttent pas contre la vie ! Ils prennent les morts !

    À votre avis pourquoi ceux qui ont réalisés la vidéo ont décidé que tous les élèves et le professeur seraient habillés de la même façon ? Avez-vous remarqué que l’on ne voit pas leurs visages ? Pourquoi d’après vous ?

    T : Pour que cela touche tous le monde.P : Parce qu’ils vont tous avoir le même but et le même rôle.

    Pourriez-vous nous résumer un peu cette vidéo ?

    M : On peut dire déjà que la faim est la première cause de mortalité.P : C’est pour montrer que la faim est la première cause de mortalité. Donc leurs but est que les gens aient faim alors que le but de l’association c’est le contraire, c’est d’enlever la mort et leurs travail.M : C’est une chaîne de solidarité et de bénévoles aussi.

    Pour vous le message était clair ?

    M : Oui P : Bah oui !L : OuiT : Oui

    Avez-vous trouvé cette vidéo drôle ?

    P : Oui, c’est drôle.M : Un petit peu oui.T : C’était marrant.M : Oui c’était drôle mais à la fin il y une rechute.P : Bah c’est le but !

    Est-ce que l’ambiance de la vidéo vous est familière ?

    M : Oui c’est une salle de classe.P : Oui on est au collège.

  • 12Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Réception

    Avez-vous reconnu des choses de votre quotidien au collège ? Ou des profils de per-sonnes par exemple ?

    P : Bah il y a celui qui donne la bonne réponse et celui qui embête le « fayot » et il y a le glan-deur. Celui avec ses écouteurs c’est une peu moins réaliste quand même.

    Que pensez-vous qu’on a voulu vous faire dire sur cette publicité ? Et vers qui croyez-vous qu’elle est destinée ?

    M : De sensibiliser un peu tout le monde et qu’il ne faut pas négliger ce problème.L : Cela montre les avancements et le combat de l’association au fil du temps car l’on voit le nombre de mort par année et on voit des diminutions.P : Et finalement action contre la faim serait en train de gagner du terrain contre la mort.

    Trouvez-vous cela choquant de parler de la mort sur un ton humoristique ?

    P : En soi, c’était rigolo mais justement je pense que la fin de la vidéo nous rappelle que ce n’est pas une blague et qu’il faut agir.

    Est-ce que dans vos têtes le fait de montrer des images chocs, comme l’histoire du bra-celet dont tu nous as parlé tout à l’heure, est plus marquant que de parler avec humour et ironie ?

    P : Moi je pense quand même que les images chocs étaient plus marquantes mais après c’est une autre façon de faire et justement cela fait repenser le même sujet mais différemment.M : C’est vrai que cela marque plus quand même les images chocs.

    Vous êtes d’accord les autres avec Maxime et Pierre ?

    L : C’est vrai que quand on se rend compte de ce que c’est vraiment comme avec l’exemple des bracelets, quand on voit vraiment devant nos yeux ce que c’est, il est vrai que cela marque plus qu’autre chose.T : Je trouve que cela ne représente pas la même chose parce que montrer des images cho-quantes c’est vraiment montrer les conséquences et choquer. Alors que par l’humour on nous a montré des statistiques qui nous ont montré qu’il y avait de moins en moins de personnes qui mourraient de faim. Et montrer des statistiques et une évolution c’est deux chemins différents cela n’a rien à voir je pense. Je ne pourrai pas trop comparer les deux.M : Là il en parle avec humour alors que les images chocs je trouve que cela sensibi... enfin ça choque, enfin ça marque plus quand on montre le réel.P : Quand ACF sont venus dans nos classes pour parler de ce qu’ils faisaient, ils nous ont parlé des solutions qu’ils apportaient donc avec les dons ce qu’ils faisaient et tout ça. Et là je sais même pas, c’était un appel aux dons ou pas ? Parce qu’il n’y avait rien d’écrit à la fin. Enfin oui ça c’est une publicité mais qu’est ce que l’on va faire après quoi ? Je sais pas, ils nous montrent ça et cela n’incite pas à grand chose. Cela nous montre que la faim est la première cause de mortalité mais c’est tout.

  • 13Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Réception

    Donc d’après toi ils devraient faire des publicités avec que des appels aux dons ?

    P : Il devrait y avoir une conclusion quand même parce que là, nous on est mineur on ne peut pas agir.

    Toi quand tu regardes cette vidéo tu dois bien te dire que tu n’as pas d’argent à donner non ?

    P : Bah oui ! Alors c’est un appel au bénévolat ?M : AH OUI ! J’ai compris ! Ça appel à rentrer dans l’association plus qu’a faire des donsT : C’est pas assez explicite c’est ça le problème, on ne nous dit pas exactement comment agir. C’est comme si on disait chaque année il y a tant de personne qui meurt sur les routes. Et alors ? Il faut mieux dire par exemple c’est à cause de l’alcool alors ne prenez pas le volant après avoir bu. La c’est pareil, on nous dit il y a des gens qui meurt de la faim mais comment on peut agir nous ? Donc elle sert à quoi la pub la ?

    Donc pour vous au final c’est plus concret d’avoir des images chocs avec quelque chose qui vous fait vraiment réaliser la réalité de la faim dans le monde ? Plutôt que quelque chose qui est plus proche de votre quotidien avec un ton humoristique ?

    P : Moi je pense que oui.M : Moi je pense aussi.L : Moi aussi.T : Moi je ferais un mélange des deux, des images chocs et des statistiques qui nous prouvent que c’est important de faire les choses et que ce n’est pas pour rien. Et une conclusion en de-mandant des dons ou en proposant de rejoindre l’association.M : Faire une incitation après la vidéo et mettre « on peut vous engager » ou « vous pouvez faire un don pour nous aider »L : Il faut une raison, quelque chose qui fait que la vidéo elle est là quoi !

    Et à votre avis elle est faite pour qui cette vidéo ?

    P : Bah pour nous. Des adolescents qui sont au lycée ou au collège.M : Pour nous.L : Oui pour nous.T : Oui.

    Qu’avez-vous pensez de la mise en scène de la vidéo ?

    P : Si c’était bien, c’était assez réaliste mais avec des vieilles tables. Enfin c’était une salle de classe quoi !

    La question n’était pas forcément de dire si c’était bien ou pas mais plutôt les éléments que vous avez pu relever dans la salle ?

  • 14Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Réception

    P : Bah les tables c’était du bois, différent de celles qu’on a nous. Il y avait une carte du monde aussi.M : Ah oui peut-être qu’a un moment le professeur lui a frappé la main.P : Mais non ! Il lui tape la tête ! Il y en avait un qui avait des écouteurs aussi.

    Est-ce que vous vous estimez loin de ce problème de la faim dans le monde ? Par rapport a ce que vous voyez autour de vous dans la rue par exemple ,etc.

    P : Bah oui on a jamais eu faim au point d’en mourir. Pour moi c’est quelque chose d’éloigné, nous ne sommes pas confronté à ça toute la journée.L : C’est éloigné mais on en a conscience un peu.

    Est-ce que vous pensez que des adolescents plus jeunes que vous auraient pu com-prendre ce film, que c’est de l’ironie ,etc. ?

    P : Je pense qu’en 6e ou 5e je n’aurais pas compris cette publicité, j’aurais compris que c’était de l’ironie mais j’aurais juste rigolé mais pas pensé à autre chose.M : Cela dépend à quel âge et quel profil de personne aussi.L : Je pense à peu près pareil, je pense que quand on est plus petit on a pas forcément conscience de tout ça quoi !

    Merci à tous en tout cas d’avoir joué le jeu et d’être venu à cet entretien.

  • 15Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Médiation

    Résumé du film

    La vidéo dure 1,41 minute en version longue et présente une fiction à l’école de la mort. Nous assistons à un cours du « prof la mort » qui alarme ses élèves sur le fait que le nombre de mort de faim recule à cause de action contre la faim. Pourtant ses élèves ne semblent pas se sentir concerné et tournent leur professeur en ridicule.

    L’item et son contexte

    La vidéo que nous avons choisie est une campagne de l’association action contre la faim (ACF) visant un public jeune. Les précédentes campagnes de action contre la faim étaient basées sur l’idée de choc par l’image. La stratégie était de se servir d’image provocante avec comme représentamen principaux la mort et la misère.

    Cette campagne par le discours qu’elle produit mais aussi par les images qu’elle véhicule tranche avec la représentation de action contre la faim que nous pouvons avoir. La difficulté principale de la communication d’ACF est que l’objet sur lequel il communique (la faim dans le monde) est éloigné (géographiquement et symboliquement) des préoccupations quotidiennes du public à sensibiliser (public français). Cette campagne d’information est donc destinée à un public jeune (11–25 ans) pour les sensibiliser à cette problématique et éveiller en eux une conscience des enjeux de la faim dans le monde.

    Tout le discours de la vidéo est basé sur l’ironie et l’inversion. L’ironie et l’inversion sont deux processus comique qui projettent sur le récepteur une capacité a comprendre cette forme. En effet la personne qui reçoit cette forme d’humour doit posséder les interprétants nécessaires pour que le discours fasse sens.

    Le « prof la mort » donne donc une leçon de morale (ici la morale est inversée, amorale : la faim dans le monde qui recule est une mauvaise chose) à ses élèves qui ne l’écoutent pas et le ridiculise. Être un élève dissipé et irrévérencieux devient donc dans le contexte ironique de cette vidéo, une bonne chose.Le message délivrée par cette vidéo se veut positif : « la faim dans le monde n’est pas une fatalité », la faim recule grâce à l’action d’ACF. Bien loin de signes visant à culpabiliser, cette campagne souhaite souligner par l’humour que l’action face à la faim est possible et qu’elle apporte des résultats.Dans le cadre d’un projet d’éducation à l’image, le choix de cette campagne nous a paru inté-ressant à exploiter de par son inversion des signes et sa rupture avec l’imaginaire des cam-

    ANALYSE ET SYNTHÈSE DES MÉDIATEURS

  • 16Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Médiation

    pagnes de communication humanitaires.

    Communauté de production

    Entretien avec Christelle, rédactrice-conceptrice de la campagne, et Pierre Anselmi, di-recteur de l’agence Broca & Wernicke. Entretien réalisé par Margaux Naville, Clara La-brousse et Alice Gastineau en Mars 2015.

    Lorsque action contre la faim lance son appel d’offre pour cette campagne publicitaire, deux consignes sont énoncés : sortir d’un discours culpabilisant et viser en priorité un public jeune. Cette campagne devait donc exclure tous les items qui renvoyaient des projections négatives. L’agence Broca & Wernicke a donc parié sur un jeu d’inversion pour convaincre l’équipe com-munication de action contre la faim.Un sujet sérieux devient donc une occasion de rire, la vie en danger devient la mort menacé par action contre la faim, une « Afrique » imaginaire et lointaine devient une salle de classe tra-ditionnelle. Enfin, on ne montre plus des petits enfants affamés mais des adolescents feignants et désintéressés.

    Références

    Les concepteurs de cette campagne (équipe composée de quatre personnes) ont donc projeté une théorie de l’esprit sur le public d’adolescent en supposant qu’il serait plus réceptif à un mode humoristique plutôt que moralisateur, positif plutôt que culpabilisant. L’équipe a donc pris comme référence ce qu’ils estiment faire partie des références partagés par la communauté de réception :Le format de la vidéo répond aux vidéos humoristiques que l’on peut trouver sur youtube ou d’autres plateformes de streaming. Il s’agit de vidéo courtes, sur un thème que l’on partage entre amis et qui sont faciles d’accès et de compréhension.Christelle Simonutti et Pierre Anselmi nous on confiés lors de notre entretien qu’il voulait faire un film avec « une ambiance Harry Potter mais en plus drôle ». Harry Potter est un film adressé aux enfants et aux adolescents donc exactement le public ciblé par cette campagne. Enfin, la vidéo reprend des profils « d’élèves types » qui sont ancrés dans notre imaginaire col-lectif et qui sont particulièrement proche du vécu quotidien des adolescents. Nous avons donc la figure du premier de la classe, du cancre, de l’agitateur ou de l’élève rebelle.

    Communauté de diffusion

    Entretien avec Christelle, rédactrice-conceptrice de la campagne, et Pierre Anselmi. En-tretien réalisé par Margaux Naville, Clara Labrousse et Alice Gastineau en Mars 2015.

    L’agence de communication Broca et Wernicke ayant aussi fait des recommandations de dif-fusion pour la campagne nous avons donc choisi d’exploiter notre entretien avec eux pour évoquer la partie diffusion du circuit de l’image.La cible principale de cette campagne étant un public jeune l’intention de l’agence de commu-

  • 17Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Médiation

    nication était d’utiliser « leurs » outils de communication et leurs réseaux. Les médias tradition-nels ont donc étés exclus du processus de diffusion de par leur coût mais aussi par leur faible capacité à toucher le public visé.

    La campagne c’est donc principalement déroulé sur internet en utilisant les réseaux sociaux comme Facebook (https://www.facebook.com/ProfLamort?fref=ts), Twitter mais aussi Tumblr (http://proflamort.tumblr.com/). L’idée de l’agence en terme de diffusion était de faire vivre le personnage en dehors de la vidéo et de l’utiliser dans d’autres actions de sensibilisation d’ACF (distribution de tract, course contre la faim et divers évènements). Le personnage de Prof La-mort devait donc vivre d’autres « aventures » filmés pour devenir une sorte de mascotte que l’on pourrait associer à action contre la faim.Toutefois on peut ici faire remarquer que la communauté de diffusion n’est pas homogène. En effet, une fois le film réalisé l’équipe de communication de action contre la faim a repris en main la partie diffusion de la campagne. En résulte une campagne qui est restée principalement dans les réseaux déjà préétabli de l’association mais aussi dans certains milieux publicitaires créatifs. La campagne manquée donc de personnes relais pour le public visé.

    Communauté de réception

    Entretien avec Léna, Théo, Maxime et Pierre, élèves de troisième au collège Lakanal. Entretien réalisé par Margaux Naville, Clara Labrousse et Alice Gastineau en Avril 2015.

    Les élèves que nous avons interrogés avait déjà connaissance de l’association action contre la faim (notamment grâce à leur participation à « la course contre la faim » en classe de sixième) mais n’avait jamais été exposé à la campagne « Prof Lamort ».Le message de la vidéo fût bien compris par les élèves. Les représentamens de l’ironie ont tout de suite étés identifiés. La vidéo a aussi réussi à déclencher le rire, le circuit de communication est donc sur ce point là bien complet.

    Les points essentiels retenus par les collégiens sont :

    - Le fait que la faim soit la première cause de mortalité dans le monde.- Le fait que le nombre de mort à cause de la faim diminue grâce à l’action de ACF

    Une fois la vidéo diffusée, l’association ACF fût associé aux mots suivants : « chaine hu-main », « solidarité ». Cependant si les collégiens comprennent le contenu du message, ils ne saisissent pas sa finalité. En effet, ils ont étés surpris que la vidéo ne comporte pas un appel au don ou au bénévolat. Ils regrettent donc que cette campagne ne les informe pas sur leurs moyens d’action.

    Enfin, la majorité des élèves lors de l’entretien ont trouvé que des images chocs sont plus mar-quantes et les aident plus à se rendre compte de la réalité de la faim dans le monde.

  • 18Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Médiation

    Communauté de médiation

    Il est intéressant de voir ici que le public ciblé comprend un message qui a été créé pour lui mais ne comprend pas son utilité dans le circuit de communication. Bien qu’ils saisissent que cette vidéo leur est adressée, les adolescents ne pouvant pas faire de dons ou devenir béné-vole à action contre la faim, ils ne comprennent pas en quoi cette campagne de communication les concerne directement.Il serait donc peut être souhaitable pour ACF de définir plus clairement ses intentions envers eux. Enfin, pour ouvrir le débat sur les différentes significations d’une image, il pourrait être demander aux élèves de décrypter le processus de l’ironie et de l’inversion dans cette vidéo.

  • 19Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Synthèse et tableau comparatif

    01L’item et son contexte

    La vidéo que nous avons choisie est une campagne de l’association action contre la faim (ACF) visant un public jeune. Les précédentes campagnes de action contre la faim étaient basées sur l’idée de choc par l’image. La stratégie était de se servir d’image provocante avec comme représentamen principaux la mort et la misère. Cette campagne par le discours qu’elle produit mais aussi par les images qu’elle véhicule tranche avec la représentation d’action contre la faim que nous pouvons avoir. La difficulté principale de la communication d’ACF est que l’objet sur lequel ils communiquent (la faim dans le monde) est éloigné (géographiquement et symboliquement) des préoccupations quo-tidiennes du public à sensibiliser (public français). Cette campagne d’information est donc destinée à un public jeune (11–25 ans) pour les sensibiliser à cette problématique et éveiller en eux une conscience des enjeux de la faim dans le monde. Tout le discours de la vidéo est basé sur l’ironie et l’inversion. L’ironie et l’inversion sont deux processus comique qui projettent sur le récepteur une capacité a comprendre cette forme. En effet la personne qui reçoit cette forme d’humour doit posséder les interprétants nécessaires pour que le discours fasse sens. Le « prof la mort » donne donc une leçon de morale (ici la morale est inversée, amorale : la faim dans le monde qui recule est une mauvaise chose) à ses élèves qui ne l’écoutent pas et le ridiculise. Être un élève dissipé et irrévérencieux devient donc dans le contexte ironique de cette vidéo, une bonne chose. Le message délivré par cette vidéo se veut positif : « la faim dans le monde n’est pas une fa-talité », la faim recule grâce aux actions d’ACF. Bien loin de signes visant à culpabiliser, cette campagne souhaite souligner par l’humour que l’action face à la faim est possible et qu’elle apporte des résultats. Dans le cadre d’un projet d’éducation à l’image, le choix de cette campagne nous a paru intéressant à exploiter de par son inversion des signes et sa rupture avec l’imaginaire des campagnes de communication humanitaires.

    SYNTHÈSE ET TABLEAU COMPARATIF

    02Communauté de production

    Lorsque action contre la faim lance son appel d’offre pour cette campagne publicitaire, deux consignes sont énoncés : sortir d’un discours culpabilisant et viser en priorité un public jeune. Cette campagne devait donc exclure tous les items qui renvoyaient des projections négatives.

  • 20Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Synthèse et tableau comparatif

    03Communauté de diffusion

    La cible principale de cette campagne étant un public jeune l’intention de l’agence de com-munication était d’utiliser « leurs » outils de communication et leurs réseaux. Les médias tra-ditionnels ont donc étés exclus du processus de diffusion de par leur coût mais aussi par leur faible capacité à toucher le public visé. La campagne c’est donc principalement déroulé sur internet en utilisant les réseaux sociaux comme Facebook (https://www.facebook.com/ProfLamort?fref=ts), Twitter mais aussi Tumblr (http://proflamort.tumblr.com/). L’idée de l’agence en terme de diffusion était de faire vivre le personnage en dehors de la vidéo et de l’utiliser dans d’autres actions de sensibilisation d’ACF (distribution de tract, course contre la faim et divers évènements). Le personnage de Prof La-mort devait donc vivre d’autres « aventures » filmés pour devenir une sorte de mascotte que l’on pourrait associer à action contre la faim. Toutefois on peut ici faire remarquer que la communauté de diffusion n’est pas homogène. En effet, une fois le film réalisé l’équipe de communication de action contre la faim a repris en main la partie diffusion de la campagne. En résulte une campagne qui est restée princi-palement dans les réseaux déjà préétablis de l’association mais aussi dans certains milieux publicitaires créatifs. La campagne manquée donc de personnes relais pour le public visé.

    L’agence Broca et Wernicke a donc parié sur un jeu d’inversion pour convaincre l’équipe communica-tion de action contre la faim. Un sujet sérieux devient donc une occasion de rire, la vie en danger devient la mort menacé par action contre la faim, une « Afrique » imaginaire et lointaine devient une salle de classe traditionnelle. Enfin, on ne montre plus des petits enfants affamés mais des adolescents feignants et désintéressés. Références Les concepteurs de cette campagne (équipe composée de quatre personnes) ont donc projeté une théorie de l’esprit sur le public d’adolescent en supposant qu’il serait plus réceptif à un mode humo-ristique plutôt que moralisateur, positif plutôt que culpabilisant. L’équipe a donc pris comme référence ce qu’ils estiment faire partie des références partagés par la communauté de réception : Le format de la vidéo répond aux vidéos humoristiques que l’on peut trouver sur youtube ou d’autres plateformes de streaming. Il s’agit de vidéo courtes, sur un thème que l’on partage entre amis et qui sont faciles d’accès et de compréhension. Christelle Simonutti et Pierre Anselmi nous on confiés lors de notre entretien qu’il voulait faire un film avec « une ambiance Harry Potter mais en plus drôle ». Harry Potter est un film adressé aux enfants et aux adolescents donc exactement le public ciblé par cette campagne. Enfin, la vidéo reprend des profils « d’élèves types » qui sont ancrés dans notre imaginaire collectif et qui sont particulièrement proche du vécu quotidien des adolescents. Nous avons donc la figure du premier de la classe, du cancre, de l’agitateur ou de l’élève rebelle.

    04Communauté de réception

    Les élèves que nous avons interrogés avaient déjà connaissance de l’association action contre la faim (notamment grâce à leur participation à « la course contre la faim » en classe de sixième) mais

  • 21Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Synthèse et tableau comparatif

    n’avaient jamais été exposés à la campagne « Prof Lamort ». Le message de la vidéo fût bien compris par les élèves. Les représentamens de l’ironie ont tout de suite été identifiés. La vidéo a aussi réussi à déclencher le rire, le circuit de communi-cation est donc sur ce point là bien complet.

    Les points essentiels retenus par les collégiens sont : Le fait que la faim soit la première cause de mortalité dans le monde.Le fait que le nombre de mort à cause de la faim diminue grâce à l’action de ACF.

    Une fois la vidéo diffusée, l’association ACF fût associé aux mots suivants : « chaîne hu-maine », « solidarité ». Cependant si les collégiens comprennent le contenu du message, ils ne saisissent pas sa finalité. En effet, ils ont été surpris que la vidéo ne comporte pas un appel au don ou au bénévolat. Ils regrettent donc que cette campagne ne les informe pas sur leurs moyens d’action. Enfin, la majorité des élèves lors de l’entretien ont trouvé que des images chocs sont plus marquantes et les aident plus à se rendre compte de la réalité de la faim dans le monde.

  • 22Venons à bout de prof Lamort — 2015 — Synthèse et tableau comparatif

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