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vers un commerce plus juste Mai 2008 - volume 24 n°1

vers un commerce plus juste - laboress-afrique.org

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vers un commerce plus juste

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Editorial

Certifications Ă©quitable et biologique pour les productrices de beurre de karitĂ© de LĂ©o - Cindy D’auteuil

Une vision africaine du commerce Ă©quitableDominique Ben Abdallah /Enda Tiers monde

Fruit du commerce équitable : succÚs, défis et dilemmes Dave Bosélie

Relever les dĂ©fis de l’exportation des mangues du Burkina FasoHans-Willem van der Waal

L’Afrique du coton Ă  CancĂșn : retour sur la genĂšse d’une nĂ©gociationDenis PESCHE et Kako NUBUKPO

Les SystĂšmes participatifs de garantie : autre mode de certificationTegan Renner

Les technologies de la communication appuient le commerce en AfriqueAndreas Mandler

Face à la crise du café : nouer des alliances entre producteur et consommateur - Roberta Jaffe, Devon Sampson

Les dĂ©fis de l’entreprise face au commerce Ă©quitable ou FairtradeEric Holt-GimĂ©nez, Ian Bailey et Devon Sampson

L’artisanat philippin : source de revenu et protecteur des forĂȘts Michelle Art

Un autre systÚme alimentaire local soutenu par la communautéPetra van de Kop, Klaas Nijhof, Henk Kloen et Arnoud Braun

Notes de terrain : Une journée sur une plateforme multiacteurs à Zé, BéninH.Hocdé, J. Lançon, B. Lokossou, A.Kouké, H. Hounsi

Sites web

Bibliographie

Les cuvettes Ă  tomate pour faire face Ă  la raretĂ© de l’eau Bernard Nonguierma

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Agriculture durable à faibles apports externesVOL. 24 N°1 - Mai 2008

AGRIDAPE est l’édition rĂ©gionaleAfrique francophone des magazines

LEISA co-publiée par ILEIA et IED AfriqueISSN n°0851-7932

S O M M A I R EL’Union des Groupements de Productrices de Produits du KaritĂ© des provinces de la Sissili et du Ziro (UGPPK-S/Z) du Burkina Faso a obtenu une double certification Ă©quitable et biologique pour leur production de beurre de karitĂ©. De cette labellisation, l’Union a tirĂ© des avanta-ges commerciaux. Elle arrive maintenant Ă  cibler une clientĂšle dis-posĂ©e Ă  payer plus cher pour des produits de qualitĂ© et Ă  diversifier sa production. Les femmes ont donc augmentĂ© leur chiffre de façon substantielle tout en rĂ©ussissant Ă  prĂ©server la ressource karitĂ© de façon durable.

Certifications équitable et biologique pour les productrices de beurre de karité de Léo

6Cindy D’auteuil

Adresse AGRIDAPEIED Afrique24, SacrĂ© Coeur III – DakarBP : 5579 Dakar-Fann, SĂ©nĂ©galTĂ©lĂ©phone : +221 33 867 10 58Fax : +221 33 867 10 59E-mail : [email protected] Site Web : www.iedafrique.org

Coordonnateur : Awa Faly Ba MbowComité éditorial : Awa Faly Ba Mbow, Bara GuÚye, Safietou Sall Diop, Mouhamadou lamine Seck

Administration : MaĂŻmouna Dieng Lagnane

Traduction : Bougouma Mbaye Fall

Conception graphique - Impression : Imprimerie Graphi plus TĂ©l. : +221 33 869 10 16

Edition InternationaleLEISA MagazineILEIA P.O. Box 2067, 3800 CB Amersfoort,The NetherlandsTĂ©l. : +31 33 467 38 70Fax : +31 33 463 24 10E-mail : [email protected] [email protected]

Edition chinoiseCBIK, 3rd Floor, Building A Zhonghuandasha, Yanjiadi, Kunming Yunnan. E-mail : [email protected]

Édition espagnoleLa revista de agro-ecologia Association ETC Andes, AP.18-0745, Lima 18, PĂ©rouE-mail : [email protected]

Édition indienne LEISA IndiaAME foundation , PO Box 7836, Banga-lore 560 085, IndeE-mail : [email protected]

ILEIA est le centre d’information sur l’agriculture durable Ă  faibles apports externes. Ce centre encourage l’adoption des technologies Ă  faibles apports externes par le biais de sa revue trimestrielle LEISA et ses autres publications. Le centre appuie, par ailleurs, la mise en place d’éditions rĂ©gionales du magazine. ILEIA dispose Ă©galement d’une base de donnĂ©es spĂ©cialisĂ©e et d’un site Internet interactif qui permet d’accĂ©der Ă  de nombreuses informations sur le dĂ©veloppement de l’agriculture durable dans le monde (www.leisa.info).

Innovations, Environnement et DĂ©veloppement en Afrique est l’organisation autonome qui capitalise l’expĂ©rience du programme Sahel de l’Institut International pour l’Environnement et le DĂ©veloppement. Sa mission reste de promouvoir un dĂ©veloppement durable par la promotion des approches participatives Ă  travers la recherche-action, l’analyse des politiques, la mise en rĂ©seau, la formation, la production et la diffusion d’information en Afrique francophone. Dans ce cadre, IED Afrique propose aux partenaires diffĂ©rents supports accessibles Ă  travers son site internet (www.iedafrique.org ).

AGRIDAPE c’est l’agriculture durable Ă  faibles apports externes. Cette notion est axĂ©e sur l’ensemble des choix technologiques et sociaux Ă  la disposition des paysans soucieux d’articuler l’amĂ©lioration de leur productivitĂ© et la prise en compte des aspects environnementaux. AGRIDAPE est donc relative Ă  l’utilisation optimale des ressources locales, des procĂ©dĂ©s naturels mais aussi du maniement mesurĂ© et maĂźtrisĂ© d’intrants en cas de besoin. Il s’agit en fait de dĂ©velopper les capacitĂ©s des individus et des communautĂ©s qui s’efforcent de se construire un avenir sur la base de leurs propres aptitudes, valeurs, cultures et institutions.

Ainsi, l’AGRIDAPE tente de combiner les savoirs local et scientifique et d’influencer les formulations des politiques pour la crĂ©ation d’un cadre favorable Ă  leur dĂ©veloppement. AGRIDAPE, c’est aussi un Ă©ventail de mĂ©thodologies participatives pour une agriculture viable, prenant en compte les besoins diffĂ©rents et parfois divergents des divers acteurs dans un contexte fluctuant.

AGRIDAPE, un concept, une approche, mais aussi, un message politique, une vision !

DES INSTITUTIONS, UNE VISION !

L’explosion de la tĂ©lĂ©phonie mobile et l’utilisation accrue des Technologies de l’Information et de Communication ont ouvert beaucoup d’opportunitĂ©s dans les pays en dĂ©veloppement. Le secteur agricole en bĂ©nĂ©ficie de plus en plus avec la mise en place de systĂšmes d’information dans la commercialisation des denrĂ©es agricoles. Cet article dĂ©crit et compare trois systĂšmes d’information diffĂ©rents, mis en place dans de nombreux pays de la sous rĂ©gion. Mais le dĂ©fi est qu’au delĂ  de leur implantation, ces rĂ©seaux doivent mettre l’accent sur le renforcement des capacitĂ©s des usagers et une meilleure implication de tous acteurs en particulier les agriculteurs.

Le volume 24 de votre magazine s’annonce sur le thĂšme de l’équitĂ©. En effet, des milliers de paysans souhaiteraient vivre dĂ©cemment de la vente de leurs produits agricoles et participer au dĂ©veloppement de leur communautĂ©. HĂ©las, ils butent sur de nombreux obstacles notamment des prix mondiaux bas et fluc-tuants qui ne couvrent pas leurs coĂ»ts de production, un manque de connaissance et d’accĂšs aux marchĂ©s du nord et des relations commerciales trop souvent inĂ©-gales et dĂ©loyales entre autres.

Le mouvement social du commerce Ă©quitable est de-venu progressivement une voie alternative permet-tant aux petits producteurs et organisations paysan-nes qui y adhĂšrent d’amĂ©liorer leur situation et de rentabiliser leur production. Les expĂ©riences que nous vous prĂ©sentons dans ce numĂ©ro font un Ă©tat des lieux de ce mouvement et vous montrent les diffĂ©rents dĂ©-bats qui l’alimente.

Nous vous avions remis dans le dernier numĂ©ro de AGRIDAPE un questionnaire pour vous demander votre avis sur le magazine. Nous vous invitons Ă  y rĂ©pondre pour nous permettre de mieux orienter le contenu de la revue en fonction de vos attentes. N’oubliez pas que les 100 premiers recevront le manuel sur la capitalisa-tion des expĂ©riences !

Bonne lecture !!!!

ChĂšres lectrices, chers lecteurs,

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Les filiĂšres cotonniĂšres d’Afrique de l’Ouest et du Centre sont devenues au fil des ans les plus compĂ©titives au monde, avec des coĂ»ts de production sans comparaison avec ceux des cotonculteurs des Etats-Unis d’AmĂ©ri-que et de l’Union EuropĂ©enne. En dĂ©pit de cette rĂ©ussite, les producteurs africains de coton ne reçoivent pas une rĂ©munĂ©ration Ă  la hauteur de leur investissement. En 2003, 4 pays africains parmi les plus pauvres de la planĂšte, ont saisi l’Organisation mondiale du commerce (OMC) Ă  Ge-nĂšve afin de trouver une solution au problĂšme posĂ© par les politiques de subvention. Cet article retrace le contexte et les diffĂ©rentes Ă©tapes des nĂ©gociations

Édition indonĂ©sienne SALAMJL Letda Kajeng 22, Den Pasar 80234 Bali IndonĂ©sieE-mail : [email protected]

Édition brĂ©silienne agriculturas, experiencias em agroecologiaAS-PTA, Rio de Janero, RJ BrĂ©sil 20091-020 E-mail : [email protected]

Sites Webhttp://www.leisa.info http://www.iedafrique.org http://agridape.leisa.info

AbonnementsAGRIDAPE est une revue gratuite sur demande pour les organisations et personnes du sud. Pour les organisa-tions internationales l’abonnement est de 45 USD (45 euro) et pour les autres institutions du nord, le tarif est de 25 USD (28 euro) par an.

Pour vous abonner, veuillez Ă©crire Ă  [email protected]

Financement AGRIDAPECe numĂ©ro a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© avec l’appui de ILEIA, de ASDI et de DGSI

Photo de couverture : Vendeuse de mangues, Rik Thijssen

La rĂ©daction a mis le plus grand soin Ă  s’assurer que le contenu de la prĂ©sente revue est aussi exact que possible. Mais, en dernier ressort, seuls les auteurs sont responsables du contenu de chaque article.

La rĂ©daction encourage les lecteurs Ă  photocopier et Ă  faire circuler ces articles. Vous voudrez bien cepen-dant citer l’auteur et la source et nous envoyer un exemplaire de vo-tre publication.

Les technologies de la communication appuient le commerce en AfriqueAndreas Mandler

L’Afrique du coton Ă  CancĂșn : retour sur la genĂšse d’une nĂ©gociation

Denis PESCHE et Kako NUBUKPO

Ecouler la production, en faisant un maximum de profit pour faire vivre leur famille et parti-ciper au dĂ©veloppement de leur communautĂ©, tel est le dĂ©fi rĂ©curant des agriculteurs, partout dans le monde. Dans les pays en dĂ©veloppe-ment, oĂč l’agriculture est fortement tournĂ©e vers l’extĂ©rieur, cela devient une gageure. En effet, du fait des cultures de rentes, 50 % de la population des pays du Sud dĂ©pend de l’agri-culture et de l’exportation de denrĂ©es agricoles. De ce fait, les petits agriculteurs sont soumis Ă  la loi de l’offre et de la demande d’un marchĂ© globalisant. Dans la chaĂźne de commercialisa-tion, ce sont eux qui tirent le moins de bĂ©nĂ©fice des transactions, face Ă  une multitude d’inter-mĂ©diaires. Les prix qui leur sont payĂ©s fluctuent en fonction des grands marchĂ©s mondiaux. De plus, il arrive souvent que les marchĂ©s et consommateurs locaux snobent leur produc-tion pour diverses raisons liĂ©es notamment aux habitudes de consommation et au manque de marketing local. De ce fait, autant sur le marchĂ© international que sur ses propres marchĂ©s, le petit producteur qui s’appuie sur une agriculture familiale est vulnĂ©rable devant une agriculture de type commerciale hyper industrialisĂ©e. Le paradoxe est que cette derniĂšre utilise compa-rativement trĂšs peu de main d’Ɠuvre, alors que l’agriculture familiale mobilise la quasi-totalitĂ© de la population rurale dont la survie dĂ©pend de cette activitĂ©. Peut-on promouvoir des prati-ques agricoles durables dans un contexte oĂč le producteur n’est qu’un maillon, et sans doute le plus faible, de la chaĂźne alimentaire ? Ce numĂ©-ro d’AGRIDAPE s’intĂ©resse aux expĂ©riences d’un commerce alternatif oĂč la rĂ©partition des profits est Ă©quitable du producteur au distributeur.

Le marché international : David contre Goliath

En effet, aujourd’hui, les rĂšgles du marchĂ© mondial sont dictĂ©es depuis le Nord par les ac-teurs Ă©conomiques principales filiĂšres agricoles. Ainsi, quatre sociĂ©tĂ©s contrĂŽlent aujourd’hui 40% du commerce mondial du riz ; sept sociĂ©tĂ©s contrĂŽlent 85% du commerce du cacao ; quatre sociĂ©tĂ©s contrĂŽlent 60 % du marchĂ© mondial du cafĂ©. Lorsque des petits producteurs sont four-nisseurs de ces agro-industries conventionnel-les, ils sont souvent les grands perdants de la rĂ©partition de la valeur ajoutĂ©e et de la richesse produite tout au long de la chaĂźne.De plus, la dynamique internationale de libĂ©-ralisation des Ă©changes menĂ©e dans le cadre des cycles de nĂ©gociation de l’OMC accentue et accĂ©lĂšre la mise en concurrence directe et injuste entre les productions locales et celles de l’agro-industrie. La majoritĂ© des producteurs et de travailleurs des pays du Sud est ainsi confrontĂ©e Ă  des difficultĂ©s qui les mettent en

position de faiblesse et les marginalisent dans les Ă©changes mondiaux. Les rapports de force dĂ©favorables avec d’autres acteurs des filiĂšres (intermĂ©diaires locaux, groupes monopolisti-ques, etc.). Les prix mondiaux bas et fluctuants couvrent Ă  peine les coĂ»ts de production. De ce fait, il est difficile pour les petits producteurs d’investir dans des systĂšmes plus respectueux de l’environnement. A cela, il faut ajouter la mĂ©connaissance des marchĂ©s du Nord et tou-tes les barriĂšres non douaniĂšres qui fragilisent les producteurs dans les relations commerciale. Un autre Ă©lĂ©ment facteur de faiblesse est liĂ© au manque de capital, aux difficultĂ©s d’accĂšs au crĂ©dit pour le financement de leur production, aux moyens logistiques de transport et d’em-ballage. Cette sĂ©rie d’insuffisance est Ă  placer dans un contexte politique local marquĂ© par un manque d’investissement, d’appui technique et de crĂ©ation d’un environnement favorable Ă  la transformation locale des produits, seul moyen de fixer la valeur ajoutĂ©e au Sud. Il rĂ©sulte de tout cela des relations commerciales trop sou-vent inĂ©gales et dĂ©loyales.

Naissance et dĂ©veloppement d’un commerce alternatif

Historique

Vers la fin des annĂ©es 1950, l’ONG anglaise Oxfam (Oxford committee for famine relief), crĂ©Ă©e en 1942 par des religieux pour lutter contre la faim dans le monde, dĂ©veloppe l’idĂ©e de vendre des produits rĂ©alisĂ©s par des arti-sans en difficultĂ© dans le tiers-monde en leur garantissant ainsi des revenus rĂ©guliers. L’idĂ©e d’un commerce alternatif ou Ă©quitable vient ainsi d’ĂȘtre lancĂ©. En 1964, Ă  GenĂšve, lors de la premiĂšre ConfĂ©rence des Nations Unies pour le Commerce Et le DĂ©veloppement (CNUCED), les pays du Sud insistent sur la nĂ©cessitĂ© d’échan-ges justes avec un slogan fort : «Trade not aid» («du commerce, pas de l’assistance»,). Jusque-lĂ  rĂ©servĂ©e Ă  une clientĂšle d’initiĂ©s, la vieille idĂ©e d’une relation plus juste entre le Nord et le Sud se popularise alors auprĂšs d’un public que l’on qualifie volontiers d’« alterconsommateur ». D’essence caritative, mais influencĂ© ultĂ©rieu-rement par une approche politique plus tiers-mondiste, ce commerce solidaire se transforme en acte d’opposition au systĂšme capitaliste. Il devient alors « alternatif ».

Dans le domaine agricole, il faudra attendre 1986 pour que le mouvement soit lancĂ© par des producteurs de cafĂ© mexicains rĂ©clamant des prix plus justes pour leur cafĂ©. Le premier label de commerce Ă©quitable va ĂȘtre mis sur le marchĂ© en 1989 suite Ă  ce mouvement, Ă 

l’initiative de deux NĂ©erlandais, Nico Roozen et Frans Van Der Hoff et d’une association nĂ©erlan-daise Ă©galement, Solidaridad.

Expansion du marché

Les gammes des produits Ă©quitables se sont peu Ă  peu diversifiĂ©es. Comme le montrent cer-taines expĂ©riences relatĂ©es dans le magazine, outre les textiles et l’artisanat, de nombreux autres produits, gĂ©nĂ©ralement de l’alimenta-tion, font aujourd’hui l’objet d’un commerce Ă©quitable ; les fruits tropicaux tels que les mangues (Hans-Willem van der Waal page 13), le karitĂ© (Cindy D’auteuil page 6). Le cafĂ© est devenu le produit Ă©quitable le plus vendu. L’habillement, notamment de coton fait l’objet de nouvelles formes d’échange (Pesche et Pes-che et Nubukpo page15). En 2006, le marchĂ© du commerce Ă©quitable reprĂ©sente un chiffre d’affaire de 1 609 000 000 d’euros. On estime que les Ă©changes Ă©quitables bĂ©nĂ©ficient Ă  1,5 millions de producteurs dans le monde. L’Eu-rope reprĂ©sente Ă  elle seule prĂšs de 60% du marchĂ© du commerce Ă©quitable mondial et a enregistrĂ© en 2005 un chiffre d’affaires de 660 millions d’euros, soit + 154% en cinq ans rĂ©ali-sĂ©s dans 79 000 points de vente, dont 55 000 supermarchĂ©s.

La certification des produits : bénéfices et contraintes

Le systĂšme de labellisation a permis au com-merce Ă©quitable de sortir de son confinement dans les petits espaces, et les boutiques asso-ciatives, et de toucher un public beaucoup plus vaste. La traçabilitĂ© des produits est assurĂ©e et le consommateur Ă  une garantie qu’à l’autre bout de la chaĂźne, le producteur y trouve son compte. En pratique, les organisations de pro-ducteurs s’engagent Ă  se structurer pour assurer une gestion transparente et dĂ©mocratiquement contrĂŽlĂ©e par leurs membres. Les producteurs doivent aussi respecter un ensemble de critĂšres sociaux et environnementaux. Tous les maillons de la filiĂšre Ă©quitable - organisations de pro-ducteurs du Sud, importateurs, industriels - sont ainsi agrĂ©Ă©s et contrĂŽlĂ©s. Dans la pratique de ce systĂšme de labellisation, les agriculteurs ont pu gagner beaucoup de bĂ©nĂ©fices. Il y a tout d’abord un avantage commercial avec un accroissement de leur accĂšs au segment de supermarchĂ© et une diversification de leurs offres. Ceci est bien dĂ©montrĂ© par l’article de Cindy D’auteuil sur le beurre de karitĂ© (page 6). D’autre part, avec la mobilisation de soutiens technique et financier, les producteurs rĂ©ussis-sent ainsi Ă  renforcer leurs capacitĂ©s et Ă  mettre

ÉDITORIAL

VERS UN COMMERCE PLUS JUSTE

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à niveau leurs installations techniques pour faire face aux exigences des nor-mes de qualité.

Ces bĂ©nĂ©fices tirĂ©s de la certification cohabitent avec des contraintes rĂ©elles. La concurrence accrue entre producteurs s’est accrue. Cela est dĂ» au fait que les supermarchĂ©s rĂ©clament une diversi-fication rapide du portefeuille de pro-duits mais souhaitent en mĂȘme temps diminuer le nombre de fournisseurs. En outre, les sociĂ©tĂ©s d’importation Ă©ten-dent l’éventail gĂ©ographique de leurs sources de produits (Boselie page 11).

Les prix sont fixés le plus bas prix possi-ble pour les rendre ordinaires auprÚs du grand commerce de détail. Mais dans ce cas, ils ne sont donc pas indexés sur le coût de production ou sur le coût de la vie, ce qui réduit considérablement les avantages sociaux de ce type de com-merce (Holt-Giménez page 23).

L’exposition de la tĂ©lĂ©phonie mobile en Afrique et l’augmentation de l’offre en matiĂšre d’Internet ont permis de mener des initiatives positives dans le domaine des Technologies de l’Information et de la communication (TIC) (Mandler page 19). Mais en gĂ©nĂ©ral, ces technologies exigent un niveau Ă©levĂ© de compĂ©tences et d’importants investissements financiers et de nombreux producteurs pensent qu’ils rallongent la liste des conditions (dĂ©jĂ  difficiles) Ă  satisfaire pour la certification (Renner page 18).

Enfin, la certification n’existe pas pour tous les types de produits. Ceux issus de l’artisanat connaissent ce problĂšme alors qu’ils peuvent ĂȘtre des secteurs trĂšs porteurs pour certaines communautĂ©s (Michelle Art page 26).

Le commerce Ă©quitable : limites d’un systĂšme

MalgrĂ© les avantages certains que tirent les paysans sur ce systĂšme de commerce alter-natif ou Ă©quitable, nombreux sont ceux qui aujourd’hui exigent davantage de contenu social et environnemental tout au long des filiĂšres, au Sud comme au Nord, avec en fi-ligrane une interpellation sur la question es-sentielle de la rĂ©partition des richesses. Pour exemple, dans une Ă©tude portant sur les fa-milles et communautĂ©s agricoles intervenant dans la filiĂšre cafĂ© du Mexique et de l’AmĂ©ri-que centrale, des chercheurs du RĂ©seau Agro-Ă©cologique Communautaire (CAN) ont indiquĂ© qu’il n’y avait pas de diffĂ©rences significatives dans la capacitĂ© Ă  envoyer les enfants Ă  l’école ou au niveau de la sĂ©curitĂ© alimentaire entre les familles agricoles du commerce Ă©quitable et celle du commerce classique (Holt-GimĂ©nez page 23)

Aussi, les organisations de producteurs ne sont jamais en mesure de vendre tous leurs pro-duits dans les conditions du commerce équi-table. Par exemple, les fruits frais importés par les réseaux de distribution sont généralement vendus en consignation, ce qui veut dire que le producteur reçoit un prix qui dépend des fluc-tuations quotidiennes du cours sur le marché, ce qui peut entraßner une perte réelle (Bosélie page 11).

Au delĂ  du placement « Ă©quitable » des produits dans le circuit du commerce mondial, la vraie question qui se pose actuellement est celui de la rĂ©gulation du marchĂ© mondial. Le dĂ©bat a Ă©tĂ© lancĂ© en avril 2003, lorsque le BĂ©nin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad dĂ©posaient une proposition de nĂ©go-ciation Ă  l’OMC intitulĂ©e «RĂ©duction de la pauvretĂ© : initiative sectorielle sur le coton» (Pesche et Nubukpo page15). La crise de la filiĂšre coton a dĂ©montrĂ©, qu’il ne suffit pas pour les pays du sud de produire en quantitĂ© et en qualitĂ© pour espĂ©rer une juste rĂ©munĂ©ration de l’ef-fort des paysans. Les politiques de sub-ventions des pays du Nord concourent Ă  dĂ©primer les cours internationaux du coton (en 2005, 40% des subventions mondiales continuent d’alimenter quel-ques 25 000 producteurs amĂ©ricains), avec comme principale consĂ©quence la forte dĂ©gradation des conditions de vie des cotonculteurs africains et de leurs familles.

L’exemple du coton est valable pour presque toutes les autres spĂ©culations. Les enjeux sont aujourd’hui politiques. Il s’agit pour les gouver-nements des pays du Sud de savoir nĂ©gocier pour faire instaurer des rĂšgles commerciales plus justes. Ils doivent Ă©galement rĂ©flĂ©chir Ă  de nouveaux modĂšles de politiques agricoles qui tourneraient la page des cultures de ren-tes, intensives, agressives et finalement peu productives et incapables d’assurer une souve-rainetĂ© alimentaire Ă  leurs populations.

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Le point sur les organisations de commerce Ă©quitable

Les organisations de commerce équitable sont regroupées dans des fédérations nationales et internationales, qui ont des fonctions de coordination et de promotion du mouvement. Au niveau international existent différentes fédérations ; leur diversité est à limage de la diversité des acteurs du commerce équitable :

L’association FLO (Fairtrade Labelling Organizations) rassemble depuis 1997 les organismes de labellisation du commerce Ă©quitable ainsi que les rĂ©seaux de producteurs certifiĂ©s. La certification FLO porte sur les produits et non sur les entreprises.

L’IFAT (International Federation for Alternative Trade - ou International Fair Trade Association), qui existe depuis 1989, est gĂ©nĂ©raliste. Elle a lancĂ© en 2004 laccrĂ©ditation FTO (Fair Trade Organization), qui a pour caractĂ©ristique essentielle de certifier commerce Ă©quitable non pas des produits mais des organisations.[5].

Le réseau NEWS (Network of European Worldshops) rassemble depuis 1994 les différents réseaux nationaux de magasins spécialisés.

L’EFTA (European Fair Trade Association) rassemble depuis 1990 onze importateurs de produits du commerce Ă©quitable europĂ©ens.

Ces quatre fédérations sont regroupées en 1998 dans un réseau informel nommé FINE, pour : Fairtrade Labelling Organizations, International Federation for Alternative Trade, Network of European Worldshops et European Fair Trade Association.

Le marchĂ© organique hebdomadaire de bio Feria, Ă  Lima, le PĂ©rou. Les marchĂ©s organiques locaux de ce type, autour du monde, fournissent des producteurs un de sortie pour leurs marchandises, alors que les consommateurs savent oĂč ils peuvent acheter une gamme de produit sain et organique.

Le comité éditorial remercie Monsieur Eric Hazard, Coordonnateur Régional de la Campagne Justice Economique de Oxfam GB, pour sa contribution à ce numéro.

L’Union des Groupements de Productrices de Produits du KaritĂ© des provinces de la Sissili et du Ziro (UGPPK-S/Z), au Burkina Faso, est fiĂšre d’avoir obtenu la certification Ă©quitable FLO-CERT en 2006 ainsi que la certification biologi-que ECO-CERT en 2007. Cette double certifica-tion, jumelĂ©e Ă  un beurre de karitĂ© de bonne qualitĂ©, confĂšre Ă  cette organisation un avan-tage certain pour pĂ©nĂ©trer le marchĂ© interna-tional. Les labels Ă©quitable et biologique et la qualitĂ© de son beurre permettent Ă  l’UGPPK-S/Z de justifier un prix plus Ă©levĂ©. L’accroissement des ventes de l’UGPPK-S/Z, et ce, Ă  un meilleur prix, permettra aux 2300 femmes membres d’accroĂźtre leurs revenus, leur niveau de vie et celui de leur famille. Le siĂšge de l’UGPPK-S/Z, ou de « l’Union de LĂ©o », se trouve Ă  LĂ©o Ă  165 km de Ouagadougou et regroupe des produc-trices de beurre de karitĂ© en provenance de 53 groupements de 38 villages des provinces de la Sissili et du Ziro.

Contexte

L’arbre Ă  karitĂ© pousse Ă  l’état sauvage exclusi-vement dans la rĂ©gion africaine soudano-sahĂ©-lienne. Il produit un fruit vert-jaune contenant une noix de laquelle on extrait la matiĂšre grasse servant Ă  la fabrication du beurre de karitĂ©. La transformation du beurre de karitĂ© est une ac-tivitĂ© traditionnellement rĂ©servĂ©e aux femmes qui le produisent par pilonnage des amandes et barattage manuel. Ce produit est utilisĂ© en Afrique depuis des millĂ©naires par les femmes africaines et leur famille. D’énormes volumes de beurre de karitĂ© sont utilisĂ©s sur les marchĂ©s nationaux africains. Il sert principalement pour les soins corporels et comme corps gras pour la cuisson des aliments. La demande mondiale pour le beurre de karitĂ© est assurĂ©e en majoritĂ© par l’industrie alimen-taire (chocolateries, margarineries, confiseries) qui accapare 95% du marchĂ© international de beurre de karitĂ©, le reste du marchĂ© Ă©tant oc-cupĂ© par l’industrie cosmĂ©tique. Le karitĂ© est importĂ© en majoritĂ© par de grandes huileries europĂ©ennes et asiatiques telles que Aarhus-karlshamn (SuĂšde-Danemark), Loders-Croc-klaan (Malaisie), Fuji Oil Ltd (Japon) et Britta-nia (Angleterre). Ces multinationales achĂštent principalement des amandes -qui sont traitĂ©es dans le pays importateur Ă  l’aide de solvants chimiques permettant l’extraction d’un maxi-mum d’huile- ou du beurre brut Ă  bas prix, via leurs nĂ©gociants exportateurs basĂ©s dans les pays producteurs. Le poids de ces entreprises sur les marchĂ©s nationaux africains entraĂźne une forte pression Ă  la baisse sur les prix tant des amandes que du beurre brut.

L’industrie mondiale des cos-mĂ©tiques

L’industrie cosmĂ©tique dĂ©montre un intĂ©rĂȘt croissant pour le beurre de karitĂ© dont les bienfaits pour les soins corporels sont de plus en plus reconnus en Occident. La demande de beurre de karitĂ© fabriquĂ© selon des procĂ©dĂ©s non dommageables pour l’environnement et qui prĂ©servent les propriĂ©tĂ©s intrinsĂšques du beurre devrait continuer Ă  augmenter si on se fie Ă  l’engouement des consommateurs pour les cosmĂ©tiques formulĂ©s Ă  partir d’intrants naturels et certifiĂ©s biologiques. Pour une orga-nisation de productrices comme celle de LĂ©o, ceci reprĂ©sente une opportunitĂ© rĂ©elle d’ac-croĂźtre ses revenus. Contrairement Ă  l’industrie alimentaire qui achĂšte le beurre de karitĂ© pour son haut rendement en gras et son bas prix, l’industrie cosmĂ©tique s’intĂ©resse Ă  ce produit pour ses vertus exceptionnelles. Les entrepri-ses du secteur cosmĂ©tique valorisent donc un beurre de meilleure qualitĂ© et elles sont dispo-sĂ©es Ă  dĂ©bourser davantage. De plus, l’Union de LĂ©o, avec le label FLO-CERT, cible une clien-tĂšle sensible Ă  la rĂ©alitĂ© des pays du Sud et qui est prĂȘte Ă  payer davantage pour un produit sachant que des revenus supplĂ©mentaires sont distribuĂ©s aux productrices. C’est en tous les cas le pari que font les tenants du commerce Ă©quitable.

Appui d’ONG Ă©trangĂšres

Reconnaissant le potentiel de la filiĂšre karitĂ© comme moyen d’accroĂźtre le niveau de vie des femmes africaines, le Centre d’Étude et de Coo-

pĂ©ration Internationale (CECI), une organisation non gouvernementale (ONG) canadienne, ap-puie plusieurs organisations de productrices de karitĂ© en Afrique de l’Ouest dont l’Union de LĂ©o depuis 1997. Selon le CECI, pour contribuer Ă  accroĂźtre le niveau de vie des femmes produc-trices « Ă  la base », il faut que des entreprises s’approvisionnent directement auprĂšs des or-ganisations de productrices. La transformation sur place d’un beurre de karitĂ© de qualitĂ© crĂ©e de la valeur ajoutĂ©e localement et permet d’ac-croĂźtre les revenus des productrices. Depuis 2001, l’Union de LĂ©o commercialise ses produits au prix conventionnel en France et, au Canada, depuis 2004. Les productrices reçoi-vent alors environ 500FCFA1 (1,15$CAN) pour un kilo de beurre de karitĂ©. En 2004, un consor-tium d’ONG (CECI du Canada, TECH-DEV et In-gĂ©nieurs Sans FrontiĂšres de France) mobilisent des fonds de l’Agence Canadienne de DĂ©ve-loppement International (ACDI) et du MinistĂšre des Affaires ÉtrangĂšres français pour appuyer l’Union de LĂ©o dans la recherche de marchĂ©s plus rĂ©munĂ©rateurs. C’est ainsi que le marchĂ© Ă©quitable est visĂ© et le processus de certifica-tion amorcĂ©. Le financement et l’appui techni-que apportĂ© par les ONG ont aussi permis, en 2004, de construire le Centre de Production et de Commercialisation du KaritĂ© (CPCK), le pre-mier dans le genre dans la rĂ©gion et qui consti-tue une vĂ©ritable plate-forme d’exportation. Le CPCK est Ă©quipĂ© de salles de production de beurre de karitĂ©, de salles de stockage (aman-des et beurre), d’une salle d’emballage et d’un quai de chargement. Au centre de production, les beurres originaires des diffĂ©rents lieux de production –diffĂ©rents villages- sont homo-gĂ©nĂ©isĂ©s, filtrĂ©s et stabilisĂ©s. Le support des

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CERTIFICATIONS ÉQUITABLE ET BIOLOGIQUE POUR LES PRODUCTRICES DE BEURRE DE KARITÉ DE LÉOCindy D’Auteuil

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Extraire la graisse des noix est l’une des plus importantes tĂąches de la production du beurre de karitĂ©.

ONG du Nord et des partenaires sur le terrain a permis Ă  l’Union de LĂ©o de renforcer sa struc-ture organisationnelle, d’accroĂźtre la qualitĂ© de sa production et de crĂ©er des liens avec des clients internationaux en Europe et en AmĂ©ri-que du Nord.

Certification Ă©quitable en 2006

Les organisations de producteurs qui obtien-nent la certification Ă©quitable doivent rĂ©pondre Ă  des principes bien dĂ©finis : organisation sous le modĂšle coopĂ©ratif, paiement de 50% de la commande Ă  l’avance, gestion dĂ©mocratique et transparente et l’octroi d’un prix juste et Ă©qui-table aux membres de la coopĂ©rative. Comme l’Union de LĂ©o est la premiĂšre organisation Ă  faire les dĂ©marches pour l’obtention de la cer-tification Ă©quitable pour le beurre de karitĂ©, la premiĂšre Ă©tape du processus de certification consiste Ă  participer aux dĂ©marches de dĂ©fi-nition du prix minimum garanti pour ce pro-duit, et ce, en collaboration avec le Fair Trade Labelling Organisations (FLO), un organisme international ayant pour mandat d’élaborer les standards et les principes du commerce Ă©qui-table. En juin 2005, une reprĂ©sentante de Max Havelaar France sĂ©journe Ă  LĂ©o, organise des rencontres avec les responsables de l’Union, Ă©change avec plus de 300 productrices et col-lecte des donnĂ©es sur la gestion, la production et les conditions de vie des femmes. En juillet de la mĂȘme annĂ©e, l’Union accueille quatre Ă©tudiants canadiens et burkinabĂ©s, dans le ca-dre du programme UNITERRA2, qui auront Ă  dĂ©-terminer les coĂ»ts de production et le prix mini-mum Ă©quitable envisageable pour le beurre de karitĂ©. Il faut attendre fĂ©vrier 2006 pour que les standards soient adoptĂ©s par FLO qui s’aligne sur les conclusions des volontaires UNITERRA. FLO fixe le prix minimum Ă©quitable garanti Ă  la productrice Ă  1198 FCFA (2,75$CAN) le kilo et une prime au dĂ©veloppement de 121FCFA (0,28$CAN) le kilo. La prime est versĂ©e Ă  l’Union qui doit l’investir dans la communautĂ© par exemple pour des projets liĂ©s Ă  la santĂ© ou l’éducation. En juillet 2006, l’Union de LĂ©o obtient finalement le certificat Ă©quitable.

Certification biologique en 2007

La prĂ©servation de la ressource karitĂ© est au centre des prĂ©occupations des membres de l’Union de LĂ©o, ce qui a poussĂ© les femmes Ă  faire les dĂ©marches nĂ©cessaires Ă  l’obtention de la certification biologique. Comme dans le cas de la certification Ă©quitable, de nombreuses Ă©tapes ont dĂ» ĂȘtre franchies pour obtenir, en dĂ©cembre 2007, le certificat biologique : iden-tification des parcs Ă  karitĂ© dans des zones pro-tĂ©gĂ©es, organisation de vingt groupements de collectrices d’amandes, dĂ©pĂŽt de la demande pour l’obtention de la certification biologique, inspection des parcs Ă  karitĂ©, et finalement, ins-pection sur le site de production Ă  LĂ©o incluant la vĂ©rification des infrastructures de stockage, des Ă©quipements de production et des outils de gestion et de traçabilitĂ© mis en place par l’orga-nisation. La certification biologique, outres ses impacts positifs sur l’environnement, est trĂšs avantageuse pour les productrices de beurre

de karitĂ© qui reçoivent 2400FCFA (5,52$CAN) pour un kilo de beurre biologique, soit presque cinq fois plus qu’un kilo de beurre vendu au prix conventionnel !

Impacts de la double certifi-cation pour l’Union de LÉO

Les deux certifications procurent Ă  l’Union de LĂ©o un avantage commercial sur ses concur-rents puisque que l’organisation peut mainte-nant offrir une gamme de produits plus large (beurre conventionnel, Ă©quitable, biologique et bio/Ă©quitable) et il semble que ce soit la seule organisation de productrices de beurre de ka-ritĂ© Ă  dĂ©tenir les deux labels. Un des impacts concrets pour les membres de l’Union de LĂ©o est l’accroissement de leurs revenus comme en tĂ©moigne les hausses de prix de vente Ă  l’international pour un kilo de beurre de ka-ritĂ© certifiĂ© Ă©quitable et/ou biologique. Par ailleurs, mĂȘme si les volumes commercialisĂ©s au prix Ă©quitable ne reprĂ©sentent que 11,6% des exportations en 2006 (8 tonnes sur 69), l’Union de LĂ©o a considĂ©rablement augmentĂ© son chiffre d’affaires, ce qui a fait doublĂ© le re-venu moyen des productrices qui est passĂ© de 26 000 FCFA (57$CAN) en 2005 Ă  environ 52 000 FCFA (114$CAN) en 2006. Les perspectives pour la campagne 2007-2008 sont trĂšs bonnes Ă©galement puisque les commandes confirmĂ©es Ă  ce jour atteignent 95 tonnes dont 30 tonnes (32%) en Ă©quitable et/ou en biologique. La certification biologique aura des impacts Ă  long terme sur la ressource karitĂ© qui se doit d’ĂȘtre protĂ©gĂ©e vu l’engouement qu’elle suscite de plus en plus sur les marchĂ©s internationaux. La certification Ă©quitable, quant Ă  elle, en plus de garantir un prix minimum aux productrices, pri-vilĂ©gie des relations directes entres les produc-trices et les clients du Nord, et ce, dans le but de crĂ©er des liens durables et de diminuer le nombre d’intermĂ©diaires entre les producteurs et productrices du Sud et les clients du Nord.

DĂ©fis

Si les avantages de la double certification pour les productrices membres de l’Union de LĂ©o s’avĂšrent nombreux, les dĂ©fis le sont tout

autant. PremiĂšrement, l’organisation doit ac-croĂźtre ses ventes en dĂ©nichant de nouveaux clients sur les marchĂ©s trĂšs lucratifs, bien que limitĂ©s, de l’équitable et du biologique, et ce, tout en respectant sa capacitĂ© de production qui se situe aux alentours de 200 tonnes an-nuellement. L’augmentation des ventes vise en premier lieu l’amĂ©lioration des conditions de vie des membres de la coopĂ©rative. On souhai-te Ă©galement que l’Union de LĂ©o devienne une entreprise autonome et viable financiĂšrement sans dĂ©pendre de l’appui d’ONG Ă©trangĂšres pour acquitter, par exemple, les coĂ»ts liĂ©s aux frais annuels de certification et Ă  l’embauche d’agents commerciaux alphabĂ©tisĂ©s, instruits, et voire mĂȘme bilingues pour permettre l’accĂšs Ă  de nouveaux marchĂ©s Ă©trangers. MĂȘme si les femmes membres de l’Union de LĂ©o produisent un beurre de karitĂ© de la meilleure qualitĂ© qui soit, elles auront toujours besoin d’embaucher de personnes familiĂšres avec les procĂ©dures liĂ©es Ă  l’exportation et qui puissent communi-quer facilement et durablement avec les clients de l’étranger, souvent fort exigeants !

Cindy D’Auteuil Centre d’étude et de coopĂ©ration internationale (CECI) : [email protected] ; www.ceci.ca

RĂ©fĂ©rences :Centre d’étude et de coopĂ©ration internationale (CECI), documents internes divers.

LefĂšvre, CĂ©line. « Contraintes et potentialitĂ©s du marchĂ© du beurre de karitĂ© en France et en Europe », Document provisoire, Tech-Dev, DĂ©cembre 2005, 48 pages. Élias, MarlĂšne et Carney, Judith. « La filiĂšre fĂ©minine du karitĂ© : productrices burkinabĂš, « Ă©co-consommatrices » occidentales et commerce Ă©quitable », Cahier de GĂ©o-graphie du QuĂ©bec, volume 48, no.133, avril 2004, p. 71-88. Delaney, Greig. « Shea butter : connecting rural Burki-nabĂš women to international markets through fair trade, Development in Practice, Volume 16, No.5, August 2006, p.465-475.

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1 Taux de change 1$CAN=435FCFA2 Uniterra est le plus grand programme canadien d’envoi de volontaires gĂ©rĂ© conjointement par le Centre d’étude et de coopĂ©ration internationale (CECI) et l’Entraide Universitaire Mondiale du Canada (EUMC)

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Les membres de l’Union LĂ©o attendent avec intĂ©rĂȘt un futur prometteur.

Depuis le dĂ©but du siĂšcle, le commerce Ă©qui-table connaĂźt un succĂšs grandissant en Eu-rope. Il concerne une gamme toujours plus grande de produits, distribuĂ©s par diffĂ©rents rĂ©seaux de distribution Ă  travers un nombre croissant de points de vente.Au sud, et notamment en Afrique, le com-merce Ă©quitable reste mal connu, non seu-lement des producteurs, mais aussi des pouvoirs publics, alors qu’il est sensĂ© offrir «de meilleures conditions commerciales» « en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisĂ©s». Tel est le paradoxe relevĂ© par une grande variĂ©tĂ© d’acteurs nationaux (associations, fĂ©dĂ©ra-tions, GIE, ONG, pouvoirs publics) impliquĂ©s -en compagnie d’enda et de la coopĂ©rative conseil Tukki-, dans une dĂ©marche visant Ă  «dĂ©velopper des pratiques de commerce Ă©quitable au SĂ©nĂ©gal».

« Développer des pratiques de commerce équitable au

Sénégal ».

Les échanges qui ont eu lieu au cours des deux derniÚres années entre la quarantaine

d’acteurs rĂ©unis au sein de cette dynamique nationale permettent de penser que les systĂšmes actuels de certification excluent de fait les petits producteurs les plus dĂ©mu-nis. En effet, les producteurs impliquĂ©s dans des dĂ©marches de commerce Ă©quitable, qui s’inscrivent principalement dans des dĂ©mar-ches sud/nord, doivent faire face Ă  des coĂ»ts de certification Ă©levĂ©s, et avoir la capacitĂ© de rĂ©pondre aux exigences liĂ©es au respect des procĂ©dures de certification.

Si certains reconnaissent volontiers l’impact positif qu’à pu avoir l’effort de produire Ă©qui-table sur leur mode d’organisation et les prix parfois attractifs dont bĂ©nĂ©ficient leurs productions, ils avouent cependant ne pas avoir pu acquĂ©rir une maĂźtrise suffisante des circuits commerciaux permettant Ă  leurs produits d’accĂ©der Ă  de nouveaux marchĂ©s. Le commerce Ă©quitable ne leur aurait par ailleurs pas permis de bĂ©nĂ©ficier de façon systĂ©matique de la transparence quant Ă  la formation des prix et la dĂ©finition des prix de vente de leurs produits.

Soucieux de ne pas dĂ©pendre exclusivement de leurs ventes Ă  l’exportation, et souhaitant

voir leurs productions davantage bĂ©nĂ©ficier aux consommateurs locaux, les acteurs de cette dynamique sĂ©nĂ©galaise mise en oeuvre depuis 2005 ont alors Ă©tĂ© amenĂ©s Ă  dĂ©finir les contours d’un commerce Ă©quita-ble reflĂ©tant les valeurs propres aux acteurs ouest africains.

Leur volontĂ© de dĂ©velopper une vision afri-caine du commerce Ă©quitable et de for-maliser un cadre d’adhĂ©sion au commerce Ă©quitable prenant en compte la vision des acteurs sĂ©nĂ©galais a donnĂ© naissance Ă  deux documents majeurs :

La Plateforme des valeurs, qui permet de mieux cerner les valeurs du commerce Ă©quitable telles qu’elles sont envisagĂ©es au SĂ©nĂ©gal. Elle traite de questions sociales, en-vironnementales, Ă©conomiques et Ă©thiques, et explicite les notions de prix juste, de tra-vail des enfants, d’utilisation de la prime au dĂ©veloppement, la question de genre.

La Charte d’engagement au commerce Ă©quitable, qui vise Ă  promouvoir les va-leurs locales africaines dans et par le com-merce Ă©quitable. Conçue comme un outil

UNE VISION AFRICAINE DU COMMERCE ÉQUITABLE

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Dominique Ben Abdallah /Enda Tiers monde

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devant permettre de promouvoir la justice, elle comprend un engagement pour le com-merce Ă©quitable, une base Ă©thique, un en-gagement social, un engagement pour l’en-vironnement et des pratiques Ă©conomiques. ValidĂ©e au niveau national en octobre 2006 en prĂ©sence des reprĂ©sentants des ministĂš-res du commerce, de l’industrie et de l’artisa-nat ainsi que de la santĂ© et de la prĂ©vention mĂ©dicale, elle constitue le socle de l’enga-gement des diffĂ©rents acteurs du commerce Ă©quitable au SĂ©nĂ©gal.

Vers la mise en place d’un systùme local de labellisation

Cette premiĂšre phase terminĂ©e, les acteurs de cette dynamique nationale se sont donnĂ© trois nouveaux objectifs : mettre les produc-teurs et les consommateurs au cƓur de leur initiative, encourager la transformation loca-le afin de crĂ©er sur place de la valeur ajoutĂ©e et assurer une solidaritĂ© inter acteurs visant Ă  dĂ©velopper une distribution massive des produits et non un simple marchĂ© de niche. Ils lancĂšrent alors officiellement la deuxiĂšme phase de leur dĂ©marche Ă  Ndayane en jan-vier 2008.

Cette deuxiĂšme Ă©tape s’appuie sur la mise en oeuvre de projets pilotes de production dans quatre grappes d’activitĂ©s (coton/textile ; agroalimentaire ; mĂ©tiers du feu/recyclage ; plantes mĂ©dicinales). Elle consistera Ă  initier un travail pour la dĂ©finition d’un cahier des charges dans le cadre de ces quatre projets pilotes de production, et Ă  mettre en place

un systĂšme local de labellisation compatible avec les systĂšmes internationaux.

Le travail des annĂ©es Ă  venir devrait aboutir Ă  une certification de dĂ©marches et d’acteurs prĂ©sents Ă  toutes les Ă©tapes de la produc-tion : de la matiĂšre premiĂšre au produit fini par filiĂšre, et devrait permettre de rassem-bler de nouveaux partenaires afin de passer d’une dynamique impliquant un groupe de concertation Ă  la constitution d’une platefor-me nationale du commerce Ă©quitable.

Pour l’heure, l’ambition des diffĂ©rents acteurs rassemblĂ©s dans ce projet de dĂ©veloppe-ment des pratiques de commerce Ă©quitable au SĂ©nĂ©gal, consiste Ă  examiner les possi-

bilitĂ©s d’accroĂźtre la qualitĂ© des savoirs faire dont ils disposent, d’amĂ©liorer les conditions d’approvisionnement et de travail, de crĂ©er des produits mieux adaptĂ©s Ă  la demande, de diversifier les productions et d’accĂ©der Ă  des marchĂ©s plus structurĂ©s. Les objectifs assignĂ©s Ă  leur dĂ©marche Ă©tant de faciliter la mise en Ɠuvre de projets de dĂ©veloppe-ment local gĂ©nĂ©rateurs d’emplois et de reve-nus grĂące Ă  la rĂ©appropriation des marchĂ©s de proximitĂ©, de stimuler l’organisation de solidaritĂ©s de maniĂšre Ă  dĂ©velopper d’autres mouvements d’échanges et de nouvelles opportunitĂ©s sud - sud

Commerce Ă©quitable : vers une certification africaine

A travers les actions menĂ©es dans le cadre de cette deuxiĂšme phase, les acteurs sĂ©nĂ©-galais du commerce Ă©quitable continueront Ă  chercher Ă  influer sur les politiques publi-ques. Ils tenteront d’obtenir le soutien des Etats pour le dĂ©veloppement du Commerce Equitable et de s’assurer l’appui des organi-sations sous rĂ©gionales pour la mise en Ɠu-vre de mĂ©canismes permettant d’aider les petites entreprises en matiĂšre d’accĂšs aux crĂ©dits, de fiscalitĂ© et de tarification doua-niĂšre.

Durant cette deuxiĂšme phase, enda conti-nuera pour sa part Ă  oeuvrer avec ses diffĂ©-rents partenaires, pour un renforcement des Ă©changes et des concertations entre initiati-ves nationales au niveau rĂ©gional et conti-nental, et au rapprochement des diffĂ©rents processus dĂ©veloppĂ©s au sud pour montrer qu’il serait possible d’instaurer des relations Ă©quitables au niveau sud sud et sud nord, et de donner Ă  ces dĂ©marches un certain im-pact en matiĂšre de commerce international.

Inter-Ă©quipes commerce Ă©quitable. Enda tiers monde Dakar, SĂ©nĂ©galContacts : [email protected] [email protected]

www.enda.sn

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PREAMBULE

Cette prĂ©sente charte est le rĂ©sultat d’une annĂ©e de recherche action avec enda tiers monde et ses partenaires Ă  la base qui sont des producteurs, artisans et transformateurs d’une part et la coopĂ©rative conseil Tukki, les structures Ă©tatiques du SĂ©nĂ©gal ayant en charge ce secteur, des organisations d’encadrement et d’accompagnement, des consommateurs et des personnes de bonne volontĂ©.

Cette charte constitue un ensemble de principes gĂ©nĂ©raux qui sous-tendent l’engagement des diffĂ©rents acteurs au commerce Ă©quitable.

Elle est bĂątie autour d’une plateforme de valeurs africaines et universelles. Cette plateforme s’articule autour de valeurs sociales, environnementales Ă©conomiques et Ă©thiques.

Cette charte est conçue pour véhiculer la vision sénégalaise- africaine du commerce équitable1

CHARTE D’ENGAGEMENTAU COMMERCE ÉQUITABLE AU SÉNÉGAL

1 Le texte ci-dessous comprend les ajouts apportĂ©s par les acteurs du commerce Ă©quitable rĂ©unis Ă  Ndayane en janvier dernier, lors de la relecture de la charte d’engagement.

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Développer des pratiques de commerce équitable : promouvoir des productions locales de qualité

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UNE BASE ETHIQUE

Respecter la personne humaine dans toutes ses dimensions ;Bannir toute forme de discrimination ; Respecter les valeurs et pratiques socioculturelles des acteurs et par-tenaires ;Bannir l’exploitation des enfants et les pires formes de travail selon les dĂ©finitions de l’OIT, du BIT et de l’UNICEF ;Promouvoir un cadre d’échange sur la base des valeurs communes entre acteurs du commerce Ă©quitable ;Respecter les engagements de la charte, les cahiers des charges et les accords conclus entre partenaires.

NOTRE ENGAGEMENT SOCIAL

Favoriser la solidaritĂ© entre tous les acteurs du dĂ©veloppement local ; Permettre aux producteurs et aux transformateurs de vivre digne-ment de leur travail ;Renforcer l’accĂšs aux services sociaux de base ;Assurer le renforcement des capacitĂ©s techniques et organisation-nelles des producteurs et transformateurs, notamment en utilisant les langues locales ;Favoriser la formalisation et la bonne structuration des acteurs du commerce Ă©quitable.

NOTRE ENGAGEMENT POUR L’ENVIRONNEMENT

PrĂ©server et valoriser les ressources naturelles par une exploitation rationnelle et le respect des savoirs locaux ;ProtĂ©ger le patrimoine gĂ©nĂ©tique et lutter contre l’utilisation des OGM ;

DĂ©velopper des modes de production, de transformation et de consommation sains et durables et une bonne gestion des dĂ©chets ;Promouvoir les bonnes pratiques agro-Ă©cologiques et lutter contre l’utilisation des OGM.

DES PRATIQUES ECONOMIQUES

DĂ©velopper des filiĂšres locales ;Promouvoir la transformation afin de crĂ©er de la valeur ajoutĂ©e ;Promouvoir les Ă©changes Sud-Sud et le dĂ©veloppement du marchĂ© local ;Promouvoir des mĂ©canismes pour favoriser l’accĂšs des consomma-teurs dĂ©favorisĂ©s du sud aux produits du commerce Ă©quitable ;Garantir la traçabilitĂ© des produits, c’est-Ă -dire pouvoir fournir des infor-mations sur l’origine et l’ensemble du parcours de ces produits ;Fixer un prix juste par la concertation en tenant compte des facteurs de production et des marges propres Ă  chaque membre de la filiĂšre ;Favoriser le versement d’une « prime au dĂ©veloppement » aux produc-teurs et transformateurs qui la gĂšrent de maniĂšre autonome, dĂ©mocra-tique et transparente, dans une perspective d’intĂ©rĂȘt collectif. Favoriser le principe de prĂ©financement de la production ;Favoriser la contractualisation et les relations commerciales durables ;Ne pas pratiquer de clause d’exclusivitĂ© ;PrĂ©voir le coĂ»t de fonctionnement de l’association/fĂ©dĂ©ration dans la fixation du prix ou la prime au dĂ©veloppement Favoriser les formes d’organisation collective ;Favoriser le partenariat avec les acteurs de la finance solidaire pour rĂ©pondre aux besoins de financement des acteurs du commerce Ă©qui-table.

NOTRE ENGAGEMENT POUR LE COMMERCE EQUITABLE

Du jeudi 24 au samedi 26 janvier 2008 des reprĂ©sentants3 de quatre grappes d’activitĂ©s (agro-alimentaires, plantes mĂ©dicinales, textile/coton et mĂ©tiers du feu/recyclage) se sont rĂ©unis Ă  Ndayane pour un atelier consacrĂ© au lancement de la deuxiĂšme phase du projet «dĂ©velopper des pratiques de com-merce Ă©quitable au SĂ©nĂ©gal».

Cet atelier a enregistrĂ© la participation active de l’Etat Ă  travers la prĂ©sence du MinistĂšre de l’Agriculture et de l’Elevage et du MinistĂšre de l’Artisanat et des Transports aĂ©riens, du groupe restreint africain pour la promotion du commerce Ă©quitable (BĂ©nin, Burkina, Togo, Mali) et de partenaires techniques et stratĂ©giques.

A l’issue de leurs travaux, les participants s’engagent à :

Favoriser la large diffusion de la charte nationale d’engagement et de la plateforme des valeurs issus de la premiĂšre phase et rĂ©affirmĂ©s au cours du prĂ©sent atelier

Mettre en Ɠuvre les plans d’action issus des travaux sur les quatre grappes d’activitĂ©s

DĂ©velopper les solidaritĂ©s entre acteurs tout au long des filiĂšres d’activitĂ©s au niveau national

Elargir ces dynamiques au niveau sous régional et africain.

Tous les participants s’accordent pour la mise en Ɠuvre d’une plateforme nationale du commerce Ă©quitable s’appuyant sur la concrĂ©tisation des prĂ©sents engagements.

Des initiatives seront prises prochainement pour assurer au niveau sous régional et international la promotion de la démarche.

Fait Ă  Ndayane le 26 janvier 2008

Cette charte vise Ă  promouvoir les valeurs locales africaines dans et par le commerce Ă©quitable. Elle doit ĂȘtre un outil pour amĂ©liorer la justice.

Les signataires de cette charte s’engagent à :

Promouvoir la consommation et les échanges commerciaux locaux, régionaux et internationaux, à condition que soient respectées les valeurs de cette charte

Adopter des termes d’échanges Ă©quitables en vue de promouvoir le dĂ©veloppement local durable

Promouvoir des pratiques qui ne nuisent pas à l’environnement

Assurer la communication, la transparence et la dĂ©mocratie dans l’ensemble des relations entre les acteurs

ƒuvrer pour un monde plus juste par l’articulation des pratiques du commerce Ă©quitable avec celles des autres composantes de l’économie sociale et solidaire

Cette charte est conçue Ă  partir de principes Ă©thiques fondamentaux qui sont appliquĂ©s dans des engagements concernant le social, l’environnement et les pratiques Ă©conomiques.

DĂ©claration de Ndayane

1 Le texte ci-dessous comprend les ajouts apportĂ©s par les acteurs du commerce Ă©quitable rĂ©unis Ă  Ndayane en janvier dernier lors de la relecture de la charte d’engagement.2 Consulter la plateforme des valeurs3 Producteurs, transformateurs, distributeurs, consommateurs, structures d’appui et pouvoir publics

Fruit du commerce équitable : succÚs, défis et dilemmes

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Dave Boselie

Les petites organisations agricoles des pays en dĂ©veloppement font face Ă  de sĂ©rieuses menaces d’exclusion des chaĂźnes de valeur internationales. Une concentration croissante dans l’industrie du dĂ©tail exige des Ă©conomies d’échelle, alors que les exigences de qualitĂ© accrue requiĂšrent de gros investissements. Les petits exploitants agricoles font face Ă  de nombreuses difficultĂ©s pour satisfaire ces exi-gences.

L’introduction de normes de certification orga-nique et commerce Ă©quitable a permis d’ac-croĂźtre l’accĂšs des petits exploitants agricoles au segment de supermarchĂ©. En dehors de la crĂ©ation de meilleures conditions de produc-tion et de commercialisation, le mouvement du commerce Ă©quitable a mobilisĂ© un soutien technique et financier considĂ©rable afin de permettre aux petits producteurs de renforcer leurs capacitĂ©s. La garantie d’un prix minimal a aidĂ© les organisations de producteurs Ă  se conformer aux normes de base qui respectent des critĂšres sociaux comme les salaires mini-ma et les droits des travailleurs Ă  s’organiser.

Au dĂ©part, le commerce Ă©quitable n’attirait que l’attention des organisations de petits producteurs agricoles. Toutefois, au cours des derniĂšres annĂ©es, de gros exploitants de fruits se sont intĂ©ressĂ©s au marchĂ© « grand public » – qui comprend des sociĂ©tĂ©s multinationales de services alimentaires de vente au dĂ©tail. La critique de ce dĂ©veloppement mise Ă  part, le fait que le commerce Ă©quitable suscite Ă  prĂ©sent un tel intĂ©rĂȘt souligne l’importance croissante des prĂ©occupations Ă©thiques des consommateurs. En termes numĂ©riques, le marchĂ© peut toujours ĂȘtre considĂ©rĂ© comme porteur, mais l’époque du commerce Ă©quita-ble rĂ©servĂ© aux producteurs marginaux et aux organisations du commerce alternatif est rĂ©vo-lue. L’avĂšnement des sociĂ©tĂ©s multinationales dans l’arĂšne du commerce Ă©quitable menace, encore une fois, d’expulsion, les petits exploi-tants du marchĂ© international du dĂ©tail. L’offre de grandes quantitĂ©s de produits de commer-ce Ă©quitable par ces sociĂ©tĂ©s entraĂźnera obli-gatoirement la baisse des prix et la promotion des grands producteurs du fait des Ă©conomies d’échelle. Cela pose la question de savoir quel sera le point de vente des organisations de producteurs des petites exploitations lorsque le label du commerce Ă©quitable sur leur pro-duit ne sera plus unique.

Cet article prĂ©sente les dĂ©fis qui accompagnent la croissance et les dilemmes concernant l’ex-pansion des marchĂ©s d’exportation organiques et de commerce Ă©quitable basĂ©s sur les ex-pĂ©riences du plus grand importateur, distribu-teur et agent de commercialisation de fruits

du commerce Ă©quitable de l’Europe: AgroFair Ltd. AgroFair a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 1996 par une ONG nĂ©erlandaise ; c’est la premiĂšre sociĂ©tĂ© du monde Ă  appliquer les normes de commerce Ă©quitable Ă  l’industrie d’exportation de fruits. Elle coordonne et facilite le flux logistique et la transformation des produits sans avoir en fait son propre parc de camions ou des ins-tallations de mĂ»rissement. La sociĂ©tĂ© reprĂ©-sente les intĂ©rĂȘts des producteurs de pays en dĂ©veloppement dans le marchĂ© europĂ©en. Elle est basĂ©e Ă  Barendrecht, aux Pays-Bas, et possĂšde des filiales en Italie, au Royaume-Uni, en France, aux USA et en Finlande.

Du « créneau » au « grand public » : les défis de la

croissance

La plus grande victoire du commerce Ă©quita-ble et des mouvements « vert » c’est proba-blement l’acceptation de leurs produits par des chaĂźnes de supermarchĂ© dans toute l’Europe et l’AmĂ©rique du Nord. Ces magasins de dĂ©tail desservent un pourcentage de plus en plus important de la population et cette demande a permis Ă  des sociĂ©tĂ©s d’importation et de distribution comme AgroFair d’augmenter leur taux de rotation de plus de 30 % par an au cours des quatre derniĂšres annĂ©es. Toutefois, du point de vue du producteur, cette crois-sance rapide de la demande pour les produits haut de gamme pose diffĂ©rents dĂ©fis.

Indexation des normes de salubrité et de la qualité des aliments

Ces derniĂšres annĂ©es, nous avons constatĂ© une amĂ©lioration des normes de la qualitĂ© alimentaire et des exigences du marchĂ© qui obligent constamment les producteurs Ă  met-tre Ă  niveau leurs installations techniques et leurs capacitĂ©s de gestion. Les normes de salubritĂ© des aliments comme GlobalGap et HACCP obligent les producteurs Ă  investir des ressources considĂ©rables en infrastructure de manutention prĂ©- et post- rĂ©colte ; cepen-dant, les petits producteurs ont des difficultĂ©s Ă  se conformer Ă  ces exigences. C’est pour-quoi AgroFair a crĂ©Ă© l’AgroFair Assistance & Development Foundation (AFAD) en 2002, pour complĂ©ter son travail et traiter de ma-niĂšre spĂ©cifique ces questions. Les experts de l’AFAD pour la qualitĂ© et la certification enca-drent les gestionnaires de la qualitĂ© des orga-nisations de producteurs et les met en rapport avec des experts locaux et rĂ©gionaux pour les aider Ă  amĂ©liorer leurs compĂ©tences en ma-tiĂšre de gestion de la qualitĂ©.

Elever le niveau des Ă©conomies d’échelle et de la compĂ©titivitĂ©

En dehors de la crĂ©ation d’opportunitĂ©s, le suc-cĂšs actuellement enregistrĂ© par le commerce Ă©quitable et les marchĂ©s organiques reprĂ©-sente Ă©galement une grande menace pour les petites et moyennes entreprises concernĂ©es. L’« intĂ©gration » des deux catĂ©gories de pro-duits demande des Ă©conomies d’échelle que les organisations de producteurs isolĂ©es ne peuvent pas rĂ©aliser facilement. Il

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La demande croissante de bananes en Europe peut apporter des avantages, et Ă©galement des dĂ©fis, pour les producteurs de fruit d’El Guabo, Equateur.

n’est pas exagĂ©rĂ© de dire que les supermar-chĂ©s rĂ©clament haut et fort une diversification rapide du portefeuille de produits mais souhai-tent en mĂȘme temps diminuer le nombre de fournisseurs. En outre, les sociĂ©tĂ©s d’importa-tion Ă©tendent l’éventail gĂ©ographique de leurs sources de produits, crĂ©ant ainsi un climat de concurrence accrue entre producteurs.

AgroFair a essayĂ© Ă  maints Ă©gards de prendre en charge cette question. Par exemple, il Ă©tablit un lien direct entre les sociĂ©tĂ©s d’importation et de distribution et les producteurs, Ă©liminant ainsi les intermĂ©diaires qui n’apportent pas de la valeur ajoutĂ©e au processus de production et d’exportation. NĂ©anmoins, AgroFair a com-mencĂ© Ă  organiser son programme global de sĂ©lection des fournisseurs en renforçant les al-liances stratĂ©giques avec les centres rĂ©gionaux, les sociĂ©tĂ©s d’exportation ou les prestataires de services qui sont tous capables de s’associer avec un important portefeuille de produits et de producteurs de la mĂȘme rĂ©gion. WAFF Ltd. (au Ghana), Cauquen (en Argentine) et Frui-tOne (en Afrique du Sud) sont des exemples de ces centres rĂ©gionaux stratĂ©giques.

Renforcement organisationnel et en leadership

Il est Ă©vident que pour que les producteurs souscrivent Ă  un commerce Ă©quitable et aux normes organiques, il faut que AgroFair in-vestisse dans le renforcement des capacitĂ©s des leaders et organisations individuels dans le processus de production et de commercia-lisation. Pour ce faire, le modĂšle de gestion d’AgroFair est basĂ© sur les structures du capital social et de la gouvernance participative. Cin-quante pour cent des parts de la sociĂ©tĂ© se trouvent entre les mains de la coopĂ©rative in-ternationale de production, CPAF (« Co-opera-tive Producers AgroFair »), alors que les autres cinquante pour cent sont dĂ©tenus par des ONG europĂ©ennes et des sociĂ©tĂ©s financiĂšres d’in-novation durables.

Nouveaux obstacles techniques au com-merce et barriĂšres non tarifaires

Le commerce sur une grande distance fait ac-tuellement l’objet d’un dĂ©bat passionnĂ© comp-te tenu des « kilomĂštres alimentaires » et des « empreintes carbone ». Alors que les univer-sitaires et les dĂ©cideurs se concentrent encore sur les meilleures mĂ©thodologies de mesure de l’impact, de nombreux dĂ©taillants ont com-mencĂ© Ă  indiquer l’origine de leurs produits sur leurs Ă©tiquettes. Les organisations de produc-teurs ont peur que ce type d’étiquetage puisse finir par constituer une nouvelle entrave au commerce, retardant ainsi l’introduction de produits provenant des pays en dĂ©veloppe-ment. Actuellement, l’AFAD collabore avec des Instituts de recherche en matiĂšre d’économie agricole, Ă  la Haye. Elle se focalise sur les ba-nanes et les ananas importĂ©s d’Equateur et de Costa Rica, ces Ă©tudes visent Ă  faciliter l’étude des « empreintes carbone» du point de vue de la manutention.

L’utilisation des Technologies de l’Information et de la communication (TIC) revĂȘt la mĂȘme

importance en tant que partie intĂ©grante du commerce international. Il faut y inclure des technologies qui aident Ă  suivre et Ă  localiser des produits ou qui peuvent aider Ă  commer-cialiser des produits spĂ©cifiques (par exemple Ă  travers des «portails virtuels»). En gĂ©nĂ©ral, ces technologies exigent un niveau Ă©levĂ© de compĂ©tences et d’importants investissements financiers. Les supermarchĂ©s favorisent l’utili-sation des outils de TIC pour une plus grande efficacitĂ© et une meilleure transparence mais de nombreux producteurs pensent qu’ils ral-longent la liste des conditions Ă  satisfaire. La GET Support Foundation, initiative Ă©galement basĂ©e aux Pays-Bas, a rĂ©cemment lancĂ© un portail sur Internet en vue de mettre les pro-ducteurs en rapport avec les dĂ©taillants de fa-çon plus transparente. Ces initiatives donnent aux organisations de producteurs une plus large gamme d’options pour vendre leurs pro-duits. A compter de cette annĂ©e, les partenai-res de l’AFAD au Maroc, au Ghana, en Afrique du Sud et en Argentine participent aux projets pilotes pour tester de nouvelles opportunitĂ©s d’accĂšs au marchĂ© par ce portail.

Futurs dilemmes pour le commerce Ă©quitable

Garantie d’un prix minimal

Le concept de commerce Ă©quitable a Ă©tĂ© prin-cipalement axĂ© sur la garantie aux producteurs et travailleurs agricoles d’un prix minimal. Ce-pendant, les pratiques commerciales courantes montrent certaines insuffisances. Les organisa-tions de producteurs, par exemple, ne sont ja-mais en mesure de vendre tous leurs produits dans les conditions du commerce loyal. Les avantages du commerce Ă©quitable sont donc ainsi rĂ©duits dans la mesure oĂč les organisa-tions commerciales importatrices de produits alimentaires « Ă©quitables » ont tendance Ă  obtenir des rĂ©sultats trĂšs faibles sur les mar-chĂ©s traditionnels. Par exemple, les fruits frais importĂ©s sont gĂ©nĂ©ralement vendus en consi-gnation, ce qui veut dire que le producteur reçoit un prix qui dĂ©pend des fluctuations quo-tidiennes du cours sur le marchĂ©, ce qui peut entraĂźner une perte rĂ©elle. Ensuite, la stratĂ©gie du prix minimal ne reflĂšte pas toujours la dy-namique de marchĂ© : les taux de change qui Ă©voluent rapidement et les coĂ»ts des intrants agricoles (en hausse) ont rendu inutile la plu-part des processus d’établissement de prix mi-nima. Bon nombre de personnes soutiennent que le systĂšme est devenu si bureaucratique que la commission d’établissement des prix du commerce Ă©quitable ne peut pas faire face aux rĂ©visions des prix minima, Ă  plus forte raison dĂ©terminer les prix de nouveaux produits.

Entraves aux « initiatives nationales »

Il existe, pour chaque pays, une « initiative na-tionale » qui dĂ©termine la possibilitĂ© pour un pays d’accĂ©der ou non Ă  ses marchĂ©s. Dans bien des cas, cela se fait selon des politiques arbi-traires. AgroFair, par exemple, n’est pas auto-risĂ© Ă  vendre ses agrumes en Suisse, mĂȘme s’ils sont vendus dans l’Union europĂ©enne ; la prime du commerce Ă©quitable et la structure

des tarifications semblent ĂȘtre de plus en plus dĂ©sĂ©quilibrĂ©es en faveur de la zone nord de la chaĂźne des valeurs.

Profil idéal du « Producteur du commer-ce équitable »

Un dernier dilemme concerne la dĂ©finition du producteur idĂ©al du commerce Ă©quitable. Dif-fĂ©rents exemples montrent qu’au lieu d’utiliser la conformitĂ© au code social de conduite (de-grĂ© de contrĂŽle et copropriĂ©tĂ©) comme critĂšres de base pour un certificat de commerce Ă©qui-table, le principal indicateur pour dĂ©cider de la certification ou non d’une exploitation agricole se trouve au niveau de sa petite taille. La dĂ©-termination de la taille maximale d’une ferme est incompatible avec l’objectif initial qui don-ne aux petits producteurs accĂšs aux marchĂ©s d’exportation : comment pouvons-nous leur permettre de se dĂ©velopper si nous Ă©tablis-sons des tailles maxima pour les exploitations agricoles ? Il est probable que des Ă©lĂ©ments comme la copropriĂ©tĂ© et les prises de dĂ©ci-sions conjointes seront des critĂšres plus impor-tants pour se distinguer des sociĂ©tĂ©s fruitiĂšres traditionnelles qui embrassent de plus en plus le commerce Ă©quitable.

Prochaine phase : du « grand public » Ă  « l’approfondissement »

Au lieu de se limiter au « mainstreaming », la prochaine phase de l’évolution du marchĂ© du commerce Ă©quitable passera au « broadstrea-ming ». Il se rĂ©fĂšre gĂ©nĂ©ralement Ă  une diver-sification accrue, qui ajoute de nouvelles catĂ©-gories de produits et des parts de marchĂ© plus importants. Du point de vue de la localisation de sources d’approvisionnement, le continent africain Ă©tendra davantage son rĂŽle de jardin horticole pour l’Europe et l’Asie. Cela aura un impact considĂ©rable compte tenu des grandes opportunitĂ©s d’emploi, des volumes et des re-cettes du commerce qui nĂ©cessiteront une plus grande attention aux programmes de dĂ©velop-pement des producteurs. Des alliances stratĂ©-giques sont donc nĂ©cessaires pour relever les dĂ©fis et saisir les opportunitĂ©s avant que les grands acteurs du marchĂ© ne le fassent.

Dave Boselie. AgroFair Assistance & Development Foun-dation (AFAD). Koopliedenweg 10, 2991 LN Barendrecht, the Netherlands. E-mail : [email protected] ; http://www.agrofair.com

Références-Codron, J.-M., L. Sirieix et T. Reardon, 2006. Social and environmental attributes of food products in an emerging mass market: Challenges of signalling and consumer perception, with European illustrations. Agriculture and Human Values, 23-3.

-Meer, C.L.J. van der, 2006. Exclusion of small-scale far-mers from coordinated supply chains. Market failure, policy failure or just economies of scale?. In: Ruben, R., M. Slingerland et H. Nijhoff (eds.), Agro-food chains and networks for development. Springer, Dordrecht, the Netherlands.

-Reardon, T., 2006. The rapid rise of supermarkets and the use of private standards in their food pro-curement systems in developing countries. In: Ruben, R., M. Slingerland et H. Nijhoff (eds.), Agro-food chains and networks for development. Springer, Dordrecht, the

Netherlands.

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En route vers le marché. AprÚs une soigneuse sélection, une partie de la moisson atteindra les supermarchés en Europe.

Relever les dĂ©fis de l’exportation des mangues du Burkina FasoHans-Willem van der Waal

Les consommateurs europĂ©ens apprĂ©cient les mangues fraĂźches. La demande est crois-sante, mais il est difficile d’accĂ©lĂ©rer l’appro-visionnement, car les manguiers mettent des dizaines d’annĂ©es pour produire. Au Burkina Faso, comme dans d’autres pays, de nom-breux petits agriculteurs possĂšdent des man-guiers. Depuis 2000, une sociĂ©tĂ© europĂ©enne du commerce Ă©quitable essaie de mettre ces agriculteurs en rapport avec des clients europĂ©ens. Ce n’est pas de tout repos : les agriculteurs et les cueilleurs de mangues ne sont pas toujours rĂ©munĂ©rĂ©s pour leur travail, et une coopĂ©rative est tombĂ©e en faillite. Aujourd’hui, la sociĂ©tĂ© essaie d’engager des commerçants traditionnels, mais les rĂ©gle-mentations du commerce Ă©quitable ne per-mettent pas d’optimiser leur potentiel. C’est une histoire de tĂątonnements et de succĂšs.

Culture traditionnelle des mangues au Burkina Faso

Partout en Afrique de l’Ouest, les agriculteurs procĂšdent Ă  l’assolement de cultures vivriĂšres et commerciales, et s’occupent aussi d’activi-tĂ©s non agricoles. Les manguiers font partie des systĂšmes agricoles locaux. Il existe plus de 160 variĂ©tĂ©s de mangues de diffĂ©rente qualitĂ©, dont deux ou trois conviennent Ă  l’ex-portation, et d’autres qui sont meilleures pour le sĂ©chage et la vente sur le marchĂ© local. Le problĂšme le plus compliquĂ© est peut-ĂȘtre liĂ© au droit de propriĂ©tĂ© sur les arbres et la terre. Tant que la terre est mise en jachĂšre, le chef de village (gĂ©nĂ©ralement une personne ĂągĂ©e issue des premiers habitants de la rĂ©gion) peut l’attribuer Ă  toute personne qui en a be-soin pour des cultures commerciales annuel-les. Les premiers habitants peuvent revendi-quer la terre en plantant des agrumes, des manguiers ou des noix de cajou, Ă©galement utilisĂ©s pour le combustible, la lutte contre l’érosion et, en temps de famine, pour leur consommation. Les premiers habitants peu-vent s’approprier la terre s’ils ont plantĂ© des arbres, ce qui lĂšse davantage les nouveaux venus. La plupart des mĂ©nages agricoles vi-vant dans cette zone disposent d’un verger, mais la principale prioritĂ© ne revient pas toujours Ă  la production fruitiĂšre. Les agricul-teurs utilisent peu ou pas d’intrants. Certains d’entre eux ajoutent du compost et rares sont ceux qui pratiquent l’élagage.

La demande croissante en mangues en Euro-pe et ailleurs signifie que les agriculteurs dis-posant d’un bon verger peuvent facilement vendre leur production, surtout s’ils ne sont

pas loin des ports et centres commerciaux. Toutefois, les systĂšmes agricoles mixtes com-me ceux rencontrĂ©s au Burkina Faso connais-sent de nombreuses difficultĂ©s pour atteindre la qualitĂ© requise pour l’exportation. A la lon-gue pĂ©riode entre la plantation et la matura-tion des fruits, s’ajoute le problĂšme liĂ© Ă  la production rĂ©guliĂšre et conforme aux normes minimales de qualitĂ©. Les exportateurs du commerce Ă  juste prix et les organisations de dĂ©veloppement ont par consĂ©quent introduit de nombreux programmes de formation sur l’agriculture bio, l’élagage, la lutte organique contre les ravageurs (Ă  l’aide de fourmis tisse-randes), l’irrigation et d’autres aspects relatifs Ă  la production de mangues bio. Toutefois, l’effet de ces cours en termes de qualitĂ© et/ou de quantitĂ© semble infime. Les agricul-teurs et les propriĂ©taires de manguiers ne semblent pas intĂ©ressĂ©s par l’exportation de leurs fruits.

Les sous-traitants et la chaĂźne commerciale des mangues

Les agriculteurs du Burkina Faso vivent loin des centres d’exportation. Alors, jusqu’à une pĂ©riode rĂ©cente, les mangues n’étaient pas commercialisĂ©es en grandes quantitĂ©s. Une petite partie Ă©tait exportĂ©e par le biais des sociĂ©tĂ©s de la CĂŽte d’Ivoire voisine, qui uti-lisaient la production du Burkina Faso pour complĂ©ter leur approvisionnement local (jusqu’à ce que la crise politique ivoirienne survenue au dĂ©but des annĂ©es 2000 conduise Ă  une fermeture temporaire de la frontiĂšre). L’autre particularitĂ© est que les agriculteurs

rĂ©coltent rarement les fruits eux-mĂȘmes. Les sous-traitants prennent ce qu’ils pensent ĂȘtre commercialisables et rĂšglent l’agriculteur en consĂ©quence. Ils transportent les fruits Ă  la station fruitiĂšre de l’exportateur, parfois situĂ©e Ă  des centaines de kilomĂštres. L’ex-portateur ne paie que pour les fruits sĂ©lec-tionnĂ©s. Par consĂ©quent, les sous-traitants courent un grand risque avec les agriculteurs, car ils subissent des pertes lorsque leurs fruits contiennent des ravageurs comme les mou-ches du fruit. Cependant, ils achĂštent parfois les mangues Ă  crĂ©dit, ce qui signifie que les agriculteurs et d’autres ouvriers ne sont pas payĂ©s pour les fruits de mauvaise qualitĂ©. Les sous-traitants sont, pour leur part, prĂ©financĂ©s par l’exportateur.

Les fruits frais sont Ă©galement vendus via les (petites) organisations de producteurs aux sous-traitants ou exportateurs. Ces derniers s’occupent souvent du contrĂŽle qualitĂ©, du lavage, de la sĂ©lection, du conditionnement et de la logistique. En raison de la nature fluc-tuante de la qualitĂ©, les importateurs euro-pĂ©ens ne s’engagent pas gĂ©nĂ©ralement dans des volumes et prix fixes, mais acceptent de vendre les fruits sur la base de commissions. En d’autres termes, ils reçoivent les fruits et les vendent aux supermarchĂ©s et dĂ©taillants, en dĂ©duisant une commission de 6 Ă  10 % du montant payĂ© Ă  l’exportateur. Toutefois, il peut arriver que les importateurs europĂ©ens prĂ©tendent que les fruits n’ont pas respectĂ© les normes de qualitĂ©, ce qui est du reste dif-ficile Ă  rĂ©futer. Dans pareille situation, com-ment un exportateur africain peut-il prouver

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qu’un importateur europĂ©en n’est pas de bon-ne foi ? Les supermarchĂ©s europĂ©ens consti-tuent un dĂ©bouchĂ© Ă©norme pour les man-gues fraĂźches. Ils exigent une qualitĂ© bonne et constante, un approvisionnement heb-domadaire fiable et recherchent de plus en plus des garanties quant aux normes sociales et biologiques de base. Etant donnĂ© que les mangues sont saisonniĂšres, elles doivent ĂȘtre importĂ©es de diffĂ©rents pays pour garantir un approvisionnement durant toute l’annĂ©e. Le prix de vente varie considĂ©rablement : en pĂ©riode d’abondance, il peut baisser radicale-ment, donnant ainsi l’occasion aux acheteurs d’ĂȘtre trĂšs exigeants sur le plan de la qualitĂ©. C’est l’inverse qui se produit en pĂ©riode de manque.

Une institution locale pour satisfaire les besoins en ap-

provisionnement

Parfois, les agriculteurs du Burkina Faso se plaignent des prix bas et de la demande ir-rĂ©guliĂšre imposĂ©s par les sous-traitants qui vendent leurs mangues aux exportateurs de la CĂŽte d’Ivoire voisine. En 2000, une ONG hollandaise a donc essayĂ© de faciliter l’ex-portation directe de mangues fraĂźches du Burkina Faso vers Europe. Elle a octroyĂ© du crĂ©dit et encouragĂ© les organisations paysan-nes Ă  former une union des coopĂ©ratives en mesure de vendre directement Ă  AgroFair, un importateur de fruits du commerce Ă©quitable basĂ© aux Pays-Bas. Entre 2001 et 2005, la coopĂ©rative a exportĂ© plusieurs centaines de tonnes de mangues bio et certifiĂ©es Fairtrade. Toutefois, la mise sur pied d’un syndicat Ă©tait une expĂ©rience nouvelle, d’oĂč les nombreu-ses difficultĂ©s rencontrĂ©es par la coopĂ©rative. La fermeture de la frontiĂšre avec la CĂŽte d’Ivoire a provoquĂ© des complications liĂ©es au transport. En outre, le commerce inter-national relatif Ă  l’exportation de fruits frais est devenu trop compliquĂ© Ă  gĂ©rer pour un groupe d’agriculteurs. Par exemple, les agri-culteurs ne bĂ©nĂ©ficiaient d’aucune motivation financiĂšre pour garantir le respect des normes de qualitĂ© de l’exportation. Enfin, la coopĂ©ra-tive a subi des pertes et a dĂ» abandonner ses activitĂ©s d’exportation.

Cet Ă©chec a accĂ©lĂ©rĂ© les projets de dĂ©mar-rage d’une nouvelle sociĂ©tĂ© d’exportation. AgroFair a dĂ©cidĂ© de financer cette initiative et a contribuĂ© Ă  la mise sur pied d’une sociĂ©tĂ© locale, en l’occurrence Fruiteq. Entre 2002 et 2004, AgroFair a consenti des efforts considĂ©-rables pour Ă©couler les mangues du commer-ce Ă©quitable du Burkina Faso vers ses clients. Elle est Ă©galement parvenue Ă  les introduire dans les supermarchĂ©s europĂ©ens durant la haute saison des mangues. AgroFair avait un grand intĂ©rĂȘt Ă  faire de cet approvisionne-ment un succĂšs car il ne reprĂ©sentait qu’une des quatre sources diffĂ©rentes d’approvision-nement en mangues nĂ©cessaires pour pou-voir satisfaire la demande des supermarchĂ©s sur toute l’annĂ©e. Si une seule source rate son approvisionnement, c’est tout le marchĂ© des

mangues qui risque d’ĂȘtre perdu, au dĂ©tri-ment des trois autres fournisseurs.

Fruiteq est une sociĂ©tĂ© commerciale qui four-nit des services d’exportation aux agriculteurs. Dans le but de crĂ©er une activitĂ© financiĂšre-ment viable, il a rĂ©intĂ©grĂ© les sous-traitants (comme cueilleurs) dans le systĂšme. Tout comme dans le modĂšle des coopĂ©ratives, Fruiteq traite directement avec les organi-sations paysannes, et ce sont ces derniĂšres qui s’attachent les services des sous-traitants. Ainsi, le systĂšme offre aux agriculteurs un pouvoir de nĂ©gociation plus important et des avantages tout aussi intĂ©ressants pour les sous-traitants. Ces derniers n’ont pas besoin d’aller d’agriculteurs en agriculteurs pour re-chercher des mangues et discuter des prix in-dividuellement, d’entrer en concurrence avec d’autres sous-traitants, ou encore de recher-cher des exportateurs prĂȘts Ă  accepter leurs fruits. Il est possible de remonter jusqu’à l’ori-gine des mangues car elles proviennent tou-tes du groupement d’agriculteurs. En d’autres termes, il est beaucoup plus facile d’obtenir des certifications de qualitĂ© exigeant une traçabilitĂ© claire des fruits. L’implication des sous-traitants dans le systĂšme et la collabora-tion avec les organisations paysannes a paral-lĂšlement permis Ă  Fruiteq et ses partenaires d’obtenir cette certification supplĂ©mentaire, en plus du certificat Fairtrade.

Fruiteq rĂ©alise dĂ©jĂ  des bĂ©nĂ©fices, prouvant la viabilitĂ© du modĂšle. Les ventes ont aug-mentĂ©, passant de 180 000 en 2005 Ă  plus de 900 000 en 2007, soit environ 1200 tonnes de mangues fraĂźches. En 2007, les agriculteurs ont encaissĂ© plus de 200 000 directement, sur une base bord-champ. Plus de 400 familles d’agriculteurs, ainsi qu’un grand nombre de sous-traitants, transporteurs et employĂ©s de stations fruitiĂšres ont pu en bĂ©nĂ©ficier.

Tout n’est pas Ă©quitable dans le commerce Ă©quitable

Les rĂšgles du commerce Ă©quitable prĂ©co-nisent l’octroi d’une prime aux agriculteurs pour les projets sociaux. Depuis 2005, plus de 100 000 ont Ă©tĂ© payĂ©s comme prime de commerce Ă©quitable. Les organisations pay-sannes ont utilisĂ© cet argent pour construire une pharmacie et une bibliothĂšque de vil-lage. Ils ont mis sur pied un fonds scolaire et envisagent maintenant de creuser des puits pour fournir de l’eau potable et de l’eau d’irri-gation pour leurs vergers.

Toutefois, les rĂ©glementations du commerce Ă©quitable ne permettent pas Ă  certains ac-teurs clĂ©s de bĂ©nĂ©ficier de ses avantages : les cueilleurs et les travailleurs des stations fruitiĂšres n’ont pas droit Ă  la prime. Sur le ter-rain, cela ne semble pas toujours Ă©quitable. AprĂšs tout, les sous-traitants, conditionneurs et commerçants font partie de la chaĂźne de valeur du commerce Ă©quitable, et le mieux serait que tous les acteurs profitent Ă©quitable-ment des avantages. Dans les rĂ©gions telles que l’AmĂ©rique latine, les coopĂ©ratives expor-tatrices semblent bien fonctionner, alors que dans d’autres rĂ©gions, un modĂšle de chaĂźne avec des organisations spĂ©cialisĂ©es dans la cueillette et le transport peuvent ĂȘtre plus appropriĂ©es et plus viables. Par consĂ©quent, toutes les parties prenantes de la chaĂźne doi-vent bĂ©nĂ©ficier des avantages du commerce Ă©quitable, lesquels ne devraient pas aller uniquement aux producteurs. AprĂšs tout, les sous-traitants et leur personnel prennent des risques et travaillent dur. Les intĂ©grer dans le modĂšle du commerce Ă©quitable pourrait contribuer Ă  la rĂ©duction de la pauvretĂ© et au dĂ©veloppement de l’économie agricole en Afrique de l’Ouest.

Hans-Willem van der Waal. Fruiteq. 01 BP 2092, Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso.E-mail : [email protected]

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Les mangues sont cueillies dĂšs la premiĂšre phase de la maturitĂ©, lorsque la chair du fruit commence Ă  jaunir. Les cueilleurs opĂšrent une premiĂšre sĂ©lection sur le champ, emballent minutieusement les fruits dans du papier ou des feuilles, les placent dans des cageots avant de les acheminer vers la station fruitiĂšre. La distance entre le verger et la station fruitiĂšre est de 80 Ă  400 km. Etant donnĂ© que les fruits commencent Ă  mĂ»rir aprĂšs la rĂ©colte, il est essentiel que la pĂ©riode de transition soit courte. Dans la station fruitiĂšre, l’on procĂšde au lavage, Ă  la sĂ©lection et au tri des fruits en fonction de la taille. Les fruits sont emballĂ©s dans des cartons de 4 kg. 240 cartons forment une palette. Les palettes sont conservĂ©es au froid Ă  10 °C. Vingt Ă  22 palettes sont chargĂ©es dans un conteneur rĂ©frigĂ©rĂ©, ce qui permet de conserver les fruits au froid pendant tout le trajet. Un groupe Ă©lectrogĂšne fonctionnant au diesel alimente le conteneur pendant le transport ferroviaire. Une fois chargĂ©s dans un bateau de fruits, les conteneurs restent au froid pendant 10 Ă  12 jours de voyage maritime vers l’Europe. A l’arrivĂ©e, un contrĂŽleur indĂ©pendant dresse un rapport de qualitĂ© et c’est sur cette base que le rĂšglement final est effectuĂ© au profit de l’exportateur.

Le trajet des mangues

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Fin avril 2003, le BĂ©nin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad dĂ©posaient une proposition de nĂ©-gociation Ă  l’OMC intitulĂ©e «RĂ©duction de la pauvretĂ© : initiative sectorielle sur le coton». En septembre 2003, lors de la ConfĂ©rence ministĂ©-rielle de l’OMC Ă  CancĂșn, l’Afrique dĂ©frayait la chronique sur le dossier coton. Portes drapeaux de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC), les quatre pays soumissionnaires illustrent de ma-niĂšre emblĂ©matique les contradictions liĂ©es aux conditions actuelles de la production de coton dans le monde et, au-delĂ , les conditions de l’insertion internationale des pays africains dans un monde libĂ©ralisĂ©. La production mondiale de coton tourne autour de20 millions de tonnes de coton-fibre. Les grands pays producteurs sont la Chine, les Etats-Unis (EU), l’Inde, le Pakistan et, dans une moindre mesure l’OuzbĂ©kistan et la Turquie (
).

Les principaux pays exportateurs de coton-fi-bre sont les EU, largement en tĂȘte avec prĂšs de 40% du marchĂ©, suivis par l’Afrique franco-phone (environ 15%), l’OuzbĂ©kistan (13%) et l’Australie (10%). (...) Le coton contribue pour 30 Ă  40% des recettes d’exportations de ces quatre pays et fait vivre environ 10 millions de personnes et peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une des rares success story africaine. D’un autre cĂŽtĂ©, les deux grandes puissances Ă©conomiques perturbent le marchĂ© mondial en subvention-

nant leurs producteurs de coton (
). La dĂ©prime des cours du coton en 2001 est, selon les analystes, largement imputable Ă  la politique de subvention amĂ©ricaine aux produc-teurs de coton. La disproportion des chiffres et l’iniquitĂ© flagrante mise en Ă©vidence par leur comparaison ont permis au dossier africain de bĂ©nĂ©ficier aisĂ©ment d’une trĂšs large sympathie et de nombreux soutiens lors de la ConfĂ©rence de CancĂșn. Le facteur de blocage principal a Ă©tĂ© le refus des pays en dĂ©veloppement de dĂ©bat-tre des “questions de Singapour” concernant la concurrence, les investissements, la facilitation des Ă©changes et la transparence des marchĂ©s publics (
).

Pour la premiĂšre fois, une nĂ©gociation commer-ciale internationale achoppait sur une revendi-cation africaine reconnue comme lĂ©gitime par la plupart des autres pays. (
)Dans un premier temps, l’article examinera suc-cinctement la pertinence relative de la thĂšse de l’instrumentalisation pour analyser ce qui s’est passĂ© a priori Ă  CancĂșn. Ensuite, un examen de la genĂšse de la ConfĂ©rence et de la construc-tion du dossier coton permettra d’analyser plus finement les jeux d’acteurs et montrera les enchaĂźnements d’évĂšnements qui ont conduit le dossier coton, initialement ouvert par des reprĂ©sentants de producteurs, sur la scĂšne des nĂ©gociations commerciales avec l’entrĂ©e en lice

d’ONG internationales, de firmes cotonniĂšres et de pays agro-exportateurs libĂ©raux.Enfin, quelques enseignements seront tirĂ©s sur la maniĂšre d’analyser les processus de construc-tion d’alliances et de jeux multi-acteurs.

La lente genùse du “dossier coton”

Les producteurs africains de coton ont Ă©tĂ© les premiers, en novembre 2001, Ă  investir l’es-pace international par une dĂ©claration dĂ©non-çant l’effet nĂ©gatif des subventions amĂ©ricaines et europĂ©ennes sur les cours du coton. Sous la houlette de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina Faso (UNPCB), trois autres organisations de producteurs (BĂ©nin, Mali puis Cameroun et Madagascar dĂ©but 2002) enga-gent leur nom sur la scĂšne internationale et interpellent leurs gouvernements respectifs. Cette dĂ©claration insiste sur les contradictions entre les politiques commerciales et les politi-ques de dĂ©veloppement : “Au moment oĂč il est question de lutter contre la pauvretĂ©, les pro-ducteurs de coton de l’Afrique de l’Ouest ont tout de suite compris que ce n’est qu’au prix de leurs efforts qu’ils peuvent venir Ă  bout de cette pauvretĂ©. Ils se sont mis Ă  la tĂąche, et au moment oĂč ils obtiennent un nouveau record de production, voilĂ  que subitement les cours

L’AFRIQUE DU COTON À CANCÚN : RETOUR SUR LA GENÈSE D’UNE NÉGOCIATIONDenis PESCHE et Kako NUBUKPO

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Le transport de la moisson de coton brut se fait par camion vers les usines pour le dĂ©grainage avant l’exportation

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du coton s’effondrent. Nous en arrivons Ă  nous interroger sur la volontĂ© rĂ©elle des pays riches Ă  faire reculer la pauvretĂ© dans les pays pau-vres”.A peu prĂšs au mĂȘme moment, en fĂ©vrier 2002, un travail rĂ©alisĂ© en 2001 par deux ONG sur la durabilitĂ© des filiĂšres coton en Afrique permet de rĂ©unir des reprĂ©sentants de producteurs de coton Ă  Dakar. Lors de cette rencontre, des contacts sont nouĂ©s entre les organisations de producteurs (OP) et les ONG : leur objectif est alors d’ĂȘtre plus prĂ©sent dans les rĂ©unions inter-nationales sur le coton pour faire connaĂźtre les positions des producteurs.

Les OP et les ONG se font inviter Ă  une rĂ©union organisĂ©e Ă  LomĂ© par la Banque ouest africaine de dĂ©veloppement (BOAD) sur l’avenir de la filiĂšre coton, mais les reprĂ©sentants de pro-ducteurs ne sont qu’au nombre de 3 pour 180 participants (..). La ConfĂ©rence des ministres de l’Agriculture d’Afrique de l’Ouest et du centre (CMA/AOC) organise une rĂ©union en juin 2002 Ă  Abidjan : le “dossier” coton commence Ă  prendre forme, avec une implication combinĂ©e des reprĂ©sen-tants de producteurs Ă©paulĂ©s par des ONG. (...)

Fin juin 2002 Ă  Abidjan, un mandat est confiĂ© Ă  la CMA/AOC pour analyser l’impact des subven-tions sur les filiĂšres cotonniĂšres et nĂ©gocier avec les EU et l’UE. A la suite de la rĂ©union d’Abidjan, l’Association cotonniĂšre africaine (ACA) voit le jour et regroupe les principales sociĂ©tĂ©s coton-niĂšres de la sous-rĂ©gion. (..)Le processus s’accĂ©lĂšre en septembre 2002 avec la plainte dĂ©posĂ©e par le BrĂ©sil contre les EU sur les subventions cotonniĂšres et la publica-tion d’un rapport accablant prĂ©parĂ© par OXFAM International. En plus de la CMA/AOC, l’Uemoa (Union Ă©conomique et monĂ©taire ouest-afri-caine) et la Cedeao (CommunautĂ© Ă©conomique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) se mobilisent pour rĂ©aliser des Ă©tudes similaires qui dĂ©taillent l’impact des subventions sur la production co-tonniĂšre africaine.

(
). L’engagement tardif des gouvernements africains peut ĂȘtre analysĂ© comme le rĂ©sultat d’une pression croissante et mĂ©diatisĂ©e des pro-ducteurs de coton, accompagnĂ©s par les ONG, qui ont su utiliser les scĂšnes sous-rĂ©gionales africaines pour amplifier leurs messages. Re-prĂ©sentants de producteurs et ONG parviennent Ă  tisser un rĂ©seau de soutiens associant une ex-pertise diversifiĂ©e, articulĂ©e Ă  des bureaux ge-nevois spĂ©cialisĂ©s dans l’accompagnement des pays en dĂ©veloppement dans les nĂ©gociations commerciales (le «groupe de GenĂšve») : le lien est fait avec les nĂ©gociateurs africains auprĂšs du siĂšge de l’OMC. En dĂ©pit d’une certaine volontĂ© des reprĂ©sen-tants africains auprĂšs de l’OMC, on soulignera la fragilitĂ© du dispositif puisque seuls deux des quatre pays disposent d’un ambassadeur per-manent Ă  GenĂšve (le BĂ©nin, qui assurera la coordination des quatre pays) et le Mali ; le Burkina Faso mobilisant son ambassadeur per-manent Ă  Bruxelles sur ce dossier. Par ailleurs, la nĂ©cessitĂ© pour ces ambassadeurs de retour-ner vers leur capitale pour disposer de dĂ©cisions politiques complexifiera d’autant le travail tout en limitant les capacitĂ©s de rĂ©action. (..)

Une derniĂšre rĂ©union de prĂ©paration est or-ganisĂ©e Ă  Saly (SĂ©nĂ©gal) entre les diffĂ©rents acteurs africains en vue de bĂątir une stratĂ©gie cohĂ©rente de dĂ©fense du dossier coton Ă  Can-cĂșn. Une autre tension est perceptible entre la Cedeao et l’Uemoa : la multiplicitĂ© des arĂšnes sous-rĂ©gionales et leur rivalitĂ© a sans doute fa-cilitĂ© l’ouverture d’espaces pour les producteurs et les ONG qui ont su utiliser les organisations rĂ©gionales pour accroĂźtre la pression sur leurs Etats et consolider leurs positions.

(
) Juste avant la confĂ©rence, un «cotton tour» est organisĂ© en France, en Belgique, aux Pays-Bas puis aux Etats-Unis, avec un panel d’acteurs d’AOC. Ces rencontres permettent de diffuser les principaux Ă©lĂ©ments du dossier coton au grand public et d’amorcer un dialogue avec des reprĂ©sentants politiques. Une pĂ©tition de 250 000 producteurs africains est remise aux mi-nistres africains du Commerce qui se rendent Ă  CancĂșn. La pression est ainsi maintenue sur les reprĂ©sentants des Etats qui devront dĂ©fendre le dossier coton.

Le blocage de CancĂșn

Deux jours avant l’ouverture de la confĂ©rence, un “cotton day” est organisĂ©, sous la houlette du ministre allemand de la CoopĂ©ration, qui per-met aux dĂ©lĂ©gations de tester leurs arguments et de commencer Ă  interpeller les mĂ©dias sur place. DĂšs l’ouverture de la confĂ©rence, les qua-tre ministres des pays africains prĂ©sentent la soumission coton faite Ă  l’OMC. La dĂ©lĂ©gation europĂ©enne cherche Ă  minimiser ses responsa-bilitĂ©s en arguant qu’elle n’exporte pas de coton et ne dispose pas de mĂ©canisme de soutien aux exportations. Les EU, principale cible des reven-dications du dossier coton, rejettent toute idĂ©e de concession sur les subventions et proposent une approche plus large englobant le coton et le textile.

L’importance accordĂ©e Ă  ce dossier est indĂ©nia-ble : le Directeur gĂ©nĂ©ral de l’OMC est invitĂ© par le prĂ©sident de la ConfĂ©rence - le ministre mexicain des Affaires Ă©trangĂšres, Luis Ernesto Derbez - Ă  conduire personnellement des consultations sur ce dossier avec l’ensemble des pays concernĂ©s. Des confĂ©rences de presse et plusieurs rencontres bilatĂ©rales ponctuent les quelques jours de la ConfĂ©rence ; mais le projet rĂ©visĂ© de la DĂ©claration ministĂ©rielle reprend pratiquement les propositions faites par la dĂ©lĂ©-gation amĂ©ricaine que les partenaires africains avaient pourtant rejetĂ©es en bloc. (
)

Pour sortir de l’impasse, un groupe de pays re-groupĂ©s dans le G20, dont le BrĂ©sil, la Chine et l’Inde, soumet un nouveau texte, suivi d’un autre conçu par les pays africains. Une solution, qui se rĂ©vĂ©lera par la suite pĂ©rilleuse, est propo-sĂ©e par le prĂ©sident de la ConfĂ©rence, Ă  savoir, la division des nĂ©gociations en cinq groupes dis-tincts : Agriculture, DĂ©veloppement, AccĂšs aux marchĂ©s des produits non agricoles, “Questions de Singapour”, et Autres questions. Les facili-tateurs dĂ©signĂ©s pour prĂ©sider chaque groupe de travail sont responsables de l’élaboration de projets provisoires relatifs Ă  leur groupe respec-tif. Le rĂ©sultat de cette organisation est la para-lysie des nĂ©gociations.

Le vĂ©ritable thĂ©Ăątre des opĂ©rations s’est vite dĂ©placĂ© des salles de nĂ©gociation vers des lieux de contacts informels, ce qui eut pour rĂ©sultats concrets, d’une part, la constitution d’une nou-velle alliance (le G-90), rĂ©unissant les Pays les moins avancĂ©s (PMA), les pays de l’Union afri-caine (UA) et les pays (ACP) et, d’autre part, la formation d’une coalition objective UE-EU faisant de l’ouverture des discussions sur les questions dites “de Singapour”, le prĂ©alable Ă  toute Ă©ventuelle concession sur d’autres sujets, notamment l’agriculture. Au regard de la rigiditĂ© des positions des diffĂ©rents groupes d’acteurs et du temps limitĂ© de la ConfĂ©rence (du 10 au 14 septembre 2003), cette derniĂšre ne pouvait que dĂ©boucher sur une impasse, dont l’apprĂ©-ciation fut contingente aux objectifs annoncĂ©s, aux espĂ©rances cachĂ©es et Ă©ventuellement aux arriĂšre-pensĂ©es des diffĂ©rents acteurs.

Quels enjeux aprĂšs CancĂșn ?

Peu aprĂšs CancĂșn, le coton est retenu comme une des quatre questions prioritaires Ă  traiter par l’OMC. Deux divergences principales consti-tuent alors la toile de fond. En premier lieu, il y a dĂ©saccord sur le fait de verser les questions cotonniĂšres dans le dossier plus large des ques-tions agricoles. Les EU et l’UE10 sont favorables Ă  cette option alors que les pays africains s’y opposent, mĂ©fiants face au risque de faire per-dre au coton sa spĂ©cificitĂ© et de retarder des dĂ©cisions concrĂštes. C’est pourtant l’option de verser les questions cotonniĂšres dans le dossier plus large des questions agricoles qui prendra le dessus aprĂšs les nĂ©gociations de fin juillet 2004.

En second lieu, les discussions internationales opĂšrent une distinction entre questions com-merciales et questions de dĂ©veloppement. Ainsi, l’unitĂ© de l’initiative africaine en faveur du coton se trouve Ă©cartelĂ©e entre le volet com-mercial (les subventions) et le volet dĂ©velop-pement (des engagements financiers en faveur des filiĂšres cotonniĂšres). Les pays africains cherchent Ă  s’opposer Ă  cette sĂ©paration alors que les organisations inter-nationales, mĂȘme si elles soulignent les liens entre les deux, veulent en faire un traitement diffĂ©renciĂ©. Paradoxalement, l’OMC, aprĂšs avoir rejetĂ© sur les institutions de Bretton Woods les questions de dĂ©veloppement, prend l’initiative, en mars 2004, de tenir une rĂ©union Ă  Cotonou sur la filiĂšre coton. Cette volte-face illustre-t-elle le malaise de cette institution qui cherche Ă  masquer l’immobilisme sur les questions com-merciales ?

Depuis CancĂșn, le coton continue de mobi-liser certains acteurs mais plutĂŽt sur le regis-tre «dĂ©veloppement» : la France puis l’Union EuropĂ©enne se sont efforcĂ©es de mobiliser la communautĂ© des bailleurs de fonds pour rĂ©flĂ©-chir Ă  des actions visant Ă  renforcer les filiĂšres cotonniĂšres africaines. Le Forum UE - Afrique sur le coton, qui s’est tenu Ă  Paris en dĂ©but juillet 2004, a traitĂ© presque exclusivement de ques-tions liĂ©es au dĂ©veloppement des filiĂšres coton-niĂšres, malgrĂ© l’insistante demande des Etats africains de trouver des pistes de solution aux questions commerciales.

Alors que les reprĂ©sentants africains attendaient des signaux clairs d’un engagement europĂ©en sur le volet commercial, les autoritĂ©s europĂ©en-nes et les bailleurs de fonds les ont surtout invi-tĂ©s Ă  utiliser les moyens financiers auxquels ils ont dĂ©jĂ  accĂšs dans le cadre de l’aide publique au dĂ©veloppement pour soutenir les filiĂšres co-tonniĂšres. Ainsi, ce Forum aura surtout Ă©tĂ© l’oc-casion de dĂ©bats sur des questions importantes pour l’avenir la compĂ©titivitĂ© des filiĂšres notam-ment les mĂ©canismes possibles de rĂ©gulation du prix du coton et les biotechnologies (le coton gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©). Fin juillet 2004, Ă  Ge-nĂšve, un accord d’intention a Ă©tĂ© passĂ© entre les USA et les pays africains porteurs du dossier coton. Cet accord signe la fin de « l’exception coton « en rĂ©intĂ©grant la question cotonniĂšre dans le dossier plus gĂ©nĂ©ral des nĂ©gociations agricoles internationales. L’évĂšnement africain de CancĂșn semble loin et tout se passe com-me si chacun Ă©tait retournĂ© Ă  ses occupations, guidĂ© par ses “agendas” spĂ©cifiques. Le dossier coton n’était-il qu’un feu de paille ? Probable-ment oui sur le plan des rĂ©sultats concrets Ă  attendre suite Ă  la dĂ©marche des pays africains avec l’Initiative en faveur du coton. Par contre, on peut Ă©mettre l’hypothĂšse que l’irruption du dossier coton dans le dĂ©bat public international aura fait progresser l’idĂ©e que le secteur agricole nĂ©cessite des rĂ©gulations que les seuls mĂ©canismes d’un marchĂ© international libĂ©ralisĂ© ne peuvent assurer. Les producteurs africains l’ont bien compris : lors d’une rĂ©union du Roppa en mai 2004 Ă  Cotonou, ils soulignaient l’importance pour eux de s’assu-rer un dĂ©veloppement de la filiĂšre coton dans le cadre plus large d’une amĂ©lioration et de la sĂ©curisation du revenu des producteurs, en rĂ©-duisant la dĂ©pendance de la filiĂšre du marchĂ© international au profit d’un marchĂ© rĂ©gional. Les producteurs africains insistent aussi sur l’impor-tance d’avoir une approche centrĂ©e sur l’exploi-tation familiale agricole dont il faut s’assurer le maintien du potentiel de production dans un souci du respect de l’environnement. Ces prises de positions tĂ©moignent d’une Ă©tape dans la construction du mouvement paysan africain.

Mais les tensions restent bien prĂ©sentes : la crĂ©ation rĂ©cente, en dĂ©cembre 2004, de l’As-sociation des producteurs de coton africains (APROCA) vient rajouter un piĂšce importante dans l’échiquier pourtant dĂ©jĂ  complexe du paysage institutionnel des organisations de producteurs africains.En menant des activitĂ©s de plaidoyer et de lob-bying sur la filiĂšre coton, le ROPPA dĂ©fend en fait l’ensemble des produits agricoles concernĂ©s par les Ă©changes internationaux : cĂ©rĂ©ales, olĂ©a-gineux, cafĂ©, cacao, bĂ©tail, viande, lait 
 Ainsi, le premier enjeu pour le ROPPA est d’établir une stratĂ©gie de dĂ©fense de toutes les spĂ©culations et produits agricoles majeurs des exploitations familiales.

Au-delĂ  du coton, le vrai enjeu est sans doute la capacitĂ© qu’auront les africains (et plus large-ment les pays en dĂ©veloppement) Ă  se doter de politiques agricoles leur permettant de garantir un revenu dĂ©cent Ă  leurs agriculteurs tout en contribuant au dĂ©veloppement Ă©conomique de leurs pays.

Quels enseignements tirer de cette expérience ?

En conclusion, cette expĂ©rience illustre bien la limite d’interprĂ©tations ne prenant en compte que des acteurs Ă  l’échelle nationale ou in-ternationale : les Etats africains, l’Union Euro-pĂ©enne,
 Plusieurs exemples dĂ©montrent les limites de ce type d’analyse qui restent sou-vent en surface des vĂ©ritables jeux d’acteurs. Quelques exemples permettent d’illustrer cette idĂ©e. Plusieurs pays europĂ©ens (France, Pays-Bas et Allemagne) ont jouĂ© un rĂŽle actif pour tenter d’impulser une issue positive au dossier coton Ă  CancĂșn. Comme le prĂ©cise un observa-teur, “l’Union europĂ©enne disposait d’une forte volontĂ© en interne de faire des propositions concrĂštes mais cette dĂ©marche constructive de l’UE restera attendue jusqu’à la fin de la confĂ©-rence”. La position de la France sur le dossier coton est souvent prĂ©sentĂ©e comme favorable aux revendications africaines : cette attitude bienveillante ne doit pourtant pas masquer les rĂ©ticences du ministĂšre français de l’Agriculture, peu enclin Ă  soutenir des positions portant en elles la menace d’une suppression des subven-tions agricoles.

L’engagement des Etats africains dans le dossier coton a Ă©tĂ©, pendant pratiquement toute l’annĂ©e 2002, un des objectifs du travail de pression des producteurs de coton et des ONG. Ces mĂȘmes Etats, en premiĂšre ligne du combat internatio-nal en faveur des filiĂšres cotonniĂšres africaines, n’en demeurent pas moins ambigus dans leurs comportements au sein des filiĂšres nationales. Dans ces exemples, on voit bien que les po-sitions de ces “macro -acteurs” existent bel et bien, mais qu’elles peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es elles-mĂȘmes comme le fruit d’équilibres inter-nes : en tant que positions visibles et officielles (Ă  travers les dĂ©clarations ou communiquĂ©s), il est intĂ©ressant dans l’analyse de les considĂ©rer aussi comme un enjeu en soi pour dĂ©crypter le travail d’influence des groupes d’intĂ©rĂȘts.

L’analyse de ce dossier coton illustre aussi l’im-portance de la prise en compte des diffĂ©rentes Ă©chelles gĂ©ographiques Ă  la fois comme espace de position des acteurs mais aussi arĂšne d’in-

vestissement dans les stratĂ©gies de dĂ©fense des intĂ©rĂȘts. Par exemple, l’espace sous-rĂ©gio-nal africain, avec sa multiplicitĂ© d’acteurs (Ue-moa, Cedeao, CMA/AOC,
) a Ă©tĂ© largement investi et utilisĂ© par les producteurs de coton et les ONG pour amener progressivement les Etats africains Ă  s’engager sur le dossier coton. La France a cherchĂ© Ă  convaincre l’Europe de l’im-portance d’assumer une position bienveillante et de porter le dĂ©bat sur les questions de dĂ©ve-loppement face Ă  l’impossibilitĂ© de progresser sur les questions commerciales

On pourrait dire que certains acteurs peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des acteurs clĂ©s dans ce dossier (les organisations de producteurs, les ONG,
) alors que d’autres acteurs sont plutĂŽt des “acteurs relais” ou des “acteurs cibles” dont il s’agit d’entraĂźner la conviction ou d’obtenir une position attendue. Enfin, l’analyse de la nĂ©gociation suppose dans un premier temps la prise en compte des allian-ces et des jeux d’acteurs Ă  un moment donnĂ©. Beaucoup d’analyses privilĂ©gient des jeux de position entre acteurs sans toujours prendre en compte la dimension historique de la construc-tion des alliances, les logiques d’apprentissages entre acteurs lors des consultations et des nĂ©-gociations. L’analyse de la nĂ©gociation comme processus, dans un second temps, permet de comprendre la genĂšse des positions, l’évolution des allian-ces et souligne le fait que tout processus est aussi un moment d’apprentissage et de forma-tion pour les acteurs qui s’y sont engagĂ©s : il est probable qu’on ne puisse plus parler des “pro-ducteurs de coton” oĂč des autres acteurs (so-ciĂ©tĂ©s cotonniĂšres, Etats africains) de la mĂȘme façon en 2001 qu’en 2005 !

Denis PESCHE est sociologue ([email protected]) Kako NUBUKPO est Ă©conomiste([email protected]). Ils font partie de l’UnitĂ© de recherche ARENA «Action collective, marchĂ©s et politiques publiques» du Centre de coopĂ©ration internationale en recherche agrono-mique pour le dĂ©veloppement (CIRAD) Ă  Montpellier. Cet article est la synthĂšse d’une communication Ă©cri-te par les auteurs et publiĂ©e en 2005 par Enda Tiers Monde, prospectives et dialogues politiques sous le titre «The white paper on cotton».

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Vivre du coton ? Extrait de l’interview de François TraorĂ©

Je vais prendre mon contexte pour vous expliquer. J’ai commencĂ© Ă  cultiver le coton dans les annĂ©es 1979. Dans la zone oĂč je suis allĂ© cultiver, je suis arrivĂ© avec un cheval, une charrue, et juste quelque chose Ă  manger. Quelques annĂ©es aprĂšs, tout en continuant le coton, j’ai fait de l’élevage ; Ă  cĂŽtĂ© j’arrive Ă  faire des cĂ©rĂ©ales.

Aujourd’hui, grĂące aux moyens gagnĂ©s dans le coton j’ai pu acquĂ©rir du matĂ©riel et je suis devenu Ă©leveur et grand producteur de cĂ©rĂ©ales. Mais aussi, avec le systĂšme de rotation des cultures, en dehors du coton, on fait des cĂ©rĂ©ales. Et aujourd’hui, je suis citĂ© parmi les grands producteurs de cĂ©rĂ©ales du Burkina.

Et, cela n’empĂȘche pas mes enfants d’aller Ă  l’école. Actuellement, je paie mĂȘme des Ă©tudes qui me coĂ»tent plus d’un million et demi (1.500.000) de francs CFA1 par an pour un de mes enfants qui est Ă  l’UniversitĂ©. Et j’en ai cinq autres au second cycle (CollĂšge). Et, grĂące Ă  la production du coton, nous arrivons mĂȘme, par nos propres moyens, Ă  construire des Ă©coles primaires dans les villages. Imaginez tout ce que cela reprĂ©sente. Au Burkina Faso, nous appelons le coton la locomotive de l’agriculture.

* François TRAORÉ est un producteur de coton Ă©tabli au Burkina Faso. Il est le PrĂ©sident de l’Association des Producteurs de Coton Africain (AProCA) et prĂ©sident de l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina Faso (UNPCB).Interview rĂ©alisĂ©e Ă  Dakar par Mohamed GUÈYE, Desk Economique du journal «Le quotidien». [email protected]

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LES SYSTÈMES PARTICIPATIFS DE GARANTIE : AUTRE MODE DE CERTIFICATIONTegan Renner

Au cours des trois derniĂšres dĂ©cennies, l’agri-culture biologique est rentrĂ©e dans un sys-tĂšme mondial de commerce international et de certification dĂ©livrĂ©e par une tierce partie. Ce systĂšme a enregistrĂ© un essor phĂ©nomĂ©-nal ces derniĂšres annĂ©es ; il prĂ©sente cepen-dant plus de contraintes que d’opportunitĂ©s pour les petits producteurs, notamment ceux du Sud. Beaucoup en respectent les princi-pes mais ne sont pas en mesure de com-mercialiser leurs rĂ©coltes sous l’estampille bio faute de certification qu’exige le marchĂ© mondial. En vĂ©ritĂ©, la plupart des agriculteurs ne peuvent supporter les coĂ»ts Ă©levĂ©s liĂ©s Ă  ce type de certification. Rien que la pape-rasserie qu’elle demande en repousse plus d’un. Hormis ces obstacles, il y a le fait que les normes organiques internationales telles que les Normes de base de la FĂ©dĂ©ration internationale des mouvements d’agricul-ture biologique (IFOAM) ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©es dans les pays du Nord, bien que 75 pour cent des membres de l’IFOAM soient du Sud. RĂ©sultat : ces normes ne tiennent pas compte des climats ou des Ă©conomies du Sud.

Face Ă  ces contraintes, les petits exploitants du monde ont crĂ©Ă© d’autres systĂšmes de certification organique plus adaptĂ©s Ă  leurs rĂ©alitĂ©s Ă©cologiques et Ă©conomiques locales. Toujours sur la base des principes de l’agri-culture biologique, ces systĂšmes s’inspirent souvent, des normes de base de l’IFOAM avec, cependant, quelques modifications nĂ©cessaires reflĂ©tant les besoins de leur communautĂ©, notamment au niveau des diffĂ©rents modes culturels de mesure quan-titative et qualitative de l’« organique ». Les changements les plus Ă©lĂ©mentaires sont re-latifs aux coĂ»ts rĂ©duits de la certification et au volume de la paperasserie requise, alors que les diffĂ©rences structurelles sont les plus significatives. Une vraie organisation commu-nautaire, l’importance reconnue de la partici-pation Ă  l’ensemble de ces systĂšmes alterna-tifs a menĂ© au terme gĂ©nĂ©ral de « SystĂšmes Participatifs de Garantie » ou SPG. Avec la communautĂ© locale comme point focal, les normes sont crĂ©Ă©es conjointement par les producteurs et les consommateurs auxquels le systĂšme est destinĂ©. Ainsi, et de diverses autres maniĂšres, la transparence comme la participation sont ancrĂ©es en tant que va-leurs communes dans ces systĂšmes alter-natifs de certification. La confiance est aussi une pierre angulaire des SPG non seulement en raison de la participation conjointe Ă  sa crĂ©ation, mais aussi du fait de la relation per-

manente entre producteur et consommateur dans l’achat direct aux niveaux des marchĂ©s ou des ventes bord-champs, et Ă  l’étroite coopĂ©ration qu’entretiennent producteurs et consommateurs qui oeuvrent ensemble au fonctionnement des SPG. Le partage des informations et des expĂ©riences est l’un des moyens par lesquels cette confiance s’éta-blit. Le renforcement des capacitĂ©s est un volet capital des SPG et la formation consti-tue souvent une exigence, de mĂȘme que les rencontres pour discuter des questions rela-tives Ă  la gestion de la production. La plupart des SPG sont non hiĂ©rarchiques, ce qui s’ob-tient Ă  travers une rĂ©partition relativement Ă©gale des responsabilitĂ©s entre producteurs appartenant au SPG.

Des principes guidĂ©s par la participation Ă  l’action, le rĂ©seau Ecovida du BrĂ©sil constitue un exemple de SPG. Mis en place par des institutions de recherche et des ONG loca-les, ce SPG qui regroupe trois Etats compte parmi ses membres 2.300 familles paysan-nes, 25 organisations d’appui, 15 groupes de consommateurs, 8 entreprises de com-mercialisation et 7 petites agro-industries. La plupart des paysans membres du rĂ©seau vendent, Ă  titre individuel ou Ă  travers des groupements paysans, lors des foires ou dans les marchĂ©s ; d’autres cependant ven-dent aux magasins des coopĂ©ratives ou aux usines agro-alimentaires qui font partie du rĂ©seau. Les membres peuvent obtenir une bonification pour leur certification bio et garder une plus grande partie de leurs bĂ©-nĂ©fices dans la mesure oĂč il n’y aucun in-termĂ©diaire.

Selon l’IFOAM, il existe des douzaines de SPG Ă  travers le monde ; ils varient aussi bien dans leur portĂ©e que dans leurs ap-proches. Bien qu’ils partagent les mĂȘmes principes de base, leur mode de fonctionne-ment diffĂšre suivant les dĂ©sirs de leur com-munautĂ© locale. A noter que mĂȘme dans le cadre d’un systĂšme tri-Ă©tatique comme le RĂ©seau Ecovida, la consommation locale directe demeure le point de mire. Au sein du mouvement des SPG, certains souhaitent accĂ©der aux crĂ©neaux qu’offrent les mar-chĂ©s du Nord mais cette ambition est loin d’ĂȘtre satisfaite. Plusieurs signes indiquent que l’IFOAM reconnaĂźt l’importance des SPG dans les rapports de consommation directe et locale, mais pas en tant que systĂšme axĂ© sur les exportations. NĂ©anmoins, l’IFOAM a publiĂ© un certain nombre de suggestions pour aider les ONG et les dĂ©cideurs Ă  pro-

mouvoir les SPG. Parmi ces suggestions, il faut notamment citer la nĂ©cessitĂ© de rendre crĂ©dibles les SPG Ă  travers la mise en place de marchĂ©s locaux, la facilitation de l’accĂšs des agriculteurs ruraux aux zones urbaines, la redynamisation du rapport existant entre les questions socioĂ©conomiques et l’agricul-ture biologique, ainsi que d’autres actions aptes Ă  promouvoir les SPG, tant dans les rĂ©gions oĂč ils existent que lĂ  oĂč ils sont ab-sents. Le SPG est une opportunitĂ© pour les mouvements d’agriculture biologique visant, encore une fois, Ă  soutenir la consommation locale, ce qui, en retour, renforce les liens dans la communautĂ©, les Ă©conomies et les moyens locaux de subsistance.

Tegan Renner UniversitĂ© de Waterloo, 320-D Spruce St. Waterloo, Ontario N2L 3M7 Canada.E-mail : [email protected]

RĂ©fĂ©rences-FAO, 2007. Participatory Guarantee Systems for marketing organic products, BrĂ©sil. Orga-nisation pour l’Alimentation et l’Agriculture Rome, Italie.

-IFOAM, 2007. Participatory Guarantee Sys-tems: shared vision, shared ideals. FĂ©dĂ©ra-tion internationale des mouvements d’agri-culture biologique. Bonn, Allemagne. Raynolds, Laura T., 2004. The globalization of organic agro-food networks. World Develop-ment 32(5):

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LES TECHNOLOGIES DE LA COMMUNICATION APPUIENT LE COMMERCE EN AFRIQUEAndreas Mandler

La commercialisation des denrĂ©es agricoles sur les marchĂ©s ruraux africains est gĂ©nĂ©ra-lement une affaire personnelle. D’habitude, les petits agriculteurs connaissent trĂšs bien leurs clients, mais leur production est limitĂ©e et peu d’autres opportunitĂ©s commerciales se prĂ©sentent Ă  eux. Dans cet environnement traditionnel et statique, il est difficile de gĂ©-nĂ©rer plus de bĂ©nĂ©fices ou de maĂźtriser la fluctuation des prix. Dans les zones rurales, les marchĂ©s des petits producteurs ne sont ni concurrentiels ni transparents. Cette situa-tion gĂ©nĂ©ralement dĂ©favorable s’accompagne souvent d’autres facteurs, tels que le manque de moyens de transport et de communica-tion, l’insuffisance du niveau d’éducation ou l’absence de capitaux pour l’investissement, ce qui stimule Ă  peine l’innovation et le dĂ©ve-loppement agricoles.

L’explosion rĂ©cente des tĂ©lĂ©phones mobiles en Afrique va trĂšs probablement changer la donne. Comment la gĂ©nĂ©ralisation des tĂ©lĂ©phones mobiles affectera-t-elle les zo-nes rurales africaines ? Cette question a fait l’objet de nombreuses discussions. Le dernier

«Information Economy Report » (Rapport sur l’économie de l’information) de la ConfĂ©rence des Nations Unies sur le Commerce et le DĂ©-veloppement (CNUCED) constate par exem-ple un impact Ă©conomique positif pour tous les acteurs du commerce, y compris les petits agriculteurs Ă©loignĂ©s. Selon ce rapport, l’utili-sation des technologies de l’information et de la communication (TIC) contribue largement Ă  la croissance Ă©conomique : « Les TIC susci-tent de nombreuses innovations, augmentant ainsi la productivitĂ© Ă  travers la crĂ©ation de nouveaux produits, services et procĂ©dĂ©s ». Ce que nous constatons dĂ©jĂ  est que les tĂ©lĂ©-phones mobiles, en association avec d’autres appareils TIC, sont en passe de changer les modes de commercialisation au niveau des marchĂ©s des denrĂ©es agricoles.

L’implication du secteur privĂ© dans les tĂ©lĂ©-communications et les activitĂ©s similaires dans de nombreux pays a conduit Ă  l’avĂšne-ment de nouvelles stations radio FM, de chaĂź-nes de tĂ©lĂ©vision, de sociĂ©tĂ©s de presse, de fournisseurs d’accĂšs Ă  Internet et de sociĂ©tĂ©s de tĂ©lĂ©communications. Etant donnĂ© que le

secteur privĂ© s’intĂ©resse Ă  l’investissement dans les nouvelles technologies susceptibles d’amĂ©liorer le volume des affaires, de plus en plus d’initiatives sont mises en place et l’on assiste Ă  l’émergence d’un vaste Ă©ventail d’informations et de services. Certaines de ces initiatives sont particuliĂšrement opportunes pour le secteur agricole. Le cas le plus intĂ©-ressant semble ĂȘtre les systĂšmes d’informa-tion commerciales basĂ©s sur Internet, opĂ©rant dĂ©jĂ  dans diffĂ©rentes rĂ©gions de l’Afrique. Bien qu’ils fournissent tous des informations commerciales agricoles, ils sont structurĂ©s diffĂ©remment. Par exemple, certains d’en-tre eux fonctionnent actuellement au BĂ©nin (via l’ONASA – Office Nationale d’Appui Ă  la SĂ©curitĂ© Alimentaire) et au SĂ©nĂ©gal (via la Manobi Development Foundation). « Trade at Hand », un projet financĂ© par le Centre du commerce international des Nations Unies basĂ© Ă  GenĂšve, opĂšre dans beaucoup de pays, en l’occurrence, au Burkina Faso, Mali, Mozambique et SĂ©nĂ©gal. Quelques-unes de ces structures sont prĂ©sentĂ©es ci-dessous, montrant comment les TIC bien organisĂ©es et systĂ©matiquement utilisĂ©es peuvent Ɠuvrer au bĂ©nĂ©fice des agriculteurs, particuliĂšrement dans le processus de recueil et de distribution des informations commerciales.

Recueil et diffusion des infor-mations en Afrique

TradeNet, en activitĂ© depuis 2004, propose des donnĂ©es en ligne sur 600 marchĂ©s dans 17 pays africains, se considĂ©rant ainsi comme une plateforme des affaires. Toutes les infor-mations, y compris les offres et les deman-des, peuvent ĂȘtres transmises par SMS aux tĂ©lĂ©phones mobiles et stockĂ©es Ă©galement sur le site Web de TradeNet. A la demande, le site Web renvoie des informations spĂ©ci-fiques au tĂ©lĂ©phone mobile, service gratuit pour le moment. A travers le site Web, il est trĂšs facile d’identifier les prix du marchĂ© et les vendeurs locaux. Les correspondants locaux tĂ©lĂ©chargent en amont les informa-tions commerciales dans le but d’attirer les acheteurs. En outre, TradeNet a placĂ© des « points commerciaux » de reprĂ©sentation, permettant aux personnes ne disposant pas d’accĂšs Ă  Internet de s’inscrire. Ainsi, Trade-Net recueille un vaste Ă©ventail d’informations commerciales et les met ensuite en ligne Ă  la disposition de tout le monde, ou encore via SMS aux utilisateurs inscrits. Demander des informations commerciales peut s’avĂ©rer un peu plus compliquĂ©, car le SMS doit ĂȘtre Ă©crit d’une certaine maniĂšre pour que le systĂšme informatique puisse le dĂ©coder. Bien entendu,

En enregistrant l’information, un tradepoint aide les personnes qui n’ont pas accĂšs Ă  l’Internet Ă  obtenir les informations facilement par l’intermĂ©diaire des tĂ©lĂ©phones portables.

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le site Web publie assez rapidement toutes les informations et il est Ă©galement possible de contacter les vendeurs facilement via le service SMS. En gĂ©nĂ©ral, TradeNet semble convenir mieux aux grossistes qui achĂštent d’habitude de grandes quantitĂ©s. Jusqu’ici, TradeNet a enregistrĂ© environ 6.000 utilisa-teurs commerciaux. Tous doivent payer une redevance pour chaque transaction exĂ©cutĂ©e.

Le Kenya Agricultural Commodity Exchange (KACE) recueille et fournit des informations commerciales au niveau rĂ©gional, mais, Ă  la diffĂ©rence de TradeNet, il se focalise explici-tement sur les effets pro-pauvres de ces pro-cessus. KACE a dĂ©marrĂ© ses activitĂ©s dĂšs 1997 en mettant sur pied un systĂšme MILS (Market Information and Linkage System - SystĂšme d’informations et de relations commerciales), qui indique les prix du marchĂ© au quotidien. Pour le moment, ce systĂšme se compose de 12 services d’assistance commerciale dif-fĂ©rents, dont quatre entitĂ©s franchisĂ©es. En fonction de la taille du marchĂ©, ces services d’assistance deviennent un centre de res-sources commerciales (MRC), proposant bien d’autres services supplĂ©mentaires : courtage en transport, services d’entreposage et de stockage, service de bascule, contrĂŽle qua-litĂ© (test d’humiditĂ© des graines), amĂ©lio-ration des denrĂ©es par sĂ©lection, fourniture d’intrants agricoles (engrais, semences), de services financiers (micro finance) ou d’un crĂ©dit fournisseur Ă  court terme (par exemple pour louer des services de transport vers les marchĂ©s). En outre, les MRC participent Ă  la prĂ©paration des documents et fournissent des services de tĂ©lĂ©phonie mobile et de messa-gerie Ă©lectronique Ă  leurs clients.

Alors que KACE recueille ces informations, les parties intĂ©ressĂ©es peuvent y accĂ©der par dif-fĂ©rents moyens. PremiĂšrement, en Ă©tant un membre KACE actif, il est possible de trouver ces informations sur le site Web. La deuxiĂšme option est le service SMS, qui envoie des in-formations spĂ©cifiques Ă  la demande. Une troisiĂšme mĂ©thode consiste Ă  Ă©changer des informations et Ă  Ă©tablir des relations com-merciales via une Ă©mission de radio FM ap-pelĂ©e Soko Hekawi (ou « supermarchĂ© en ligne ») diffusĂ©e pour les auditeurs de l’ouest du Kenya. Bien que l’émission Soko Hekawi ne soit diffusĂ©e qu’une fois par semaine pendant une heure, elle fournit un vĂ©ritable service Ă  la population rurale, atteignant un nombre total d’auditeurs estimĂ© Ă  5 millions. Durant l’émission, les offres approuvĂ©es par les MRC font l’objet d’une promotion et les commerçants intĂ©ressĂ©s peuvent appeler au tĂ©lĂ©phone pour soumissionner. Ainsi, l’on met Ă  la disposition du public des prix transparents, aidant les agriculteurs dans leurs calculs Ă©co-nomiques. En mĂȘme temps, l’émission attire la publicitĂ© d’autres entreprises.

Renforcement des capacités

Les activitĂ©s privĂ©es semblent ĂȘtre la voie adĂ©quate pour stimuler l’activitĂ© agricole Ă  petite Ă©chelle. Etant donnĂ© que l’intĂ©rĂȘt res-

tera trĂšs probablement intact, les TIC se dĂ©ve-lopperont davantage dans les zones rurales, facilitant l’expansion de nouveaux systĂšmes d’informations commerciales agricoles. Tou-tefois, le principal problĂšme semble ne pas se trouver dans le dĂ©veloppement des tech-nologies. Selon Adrian Mukhebi, prĂ©sident de KACE, la principale difficultĂ© rĂ©side dans le fait qu’il n’existe pas suffisamment d’en-trepreneurs locaux dotĂ©s de connaissances et capacitĂ©s nĂ©cessaires pour mettre en place et fournir les services dans les zones rurales Ă©loignĂ©es oĂč vivent la plupart des agricul-teurs. Par consĂ©quent, la mise Ă  l’échelle est un processus lent, mĂȘme si le renforcement des capacitĂ©s bĂ©nĂ©ficie d’une attention beau-coup plus grande que le dĂ©veloppement d’in-frastructures.

En fournissant des informations de maniĂšre ciblĂ©e Ă  un grand groupe de personnes, l’on parvient Ă  des rĂ©sultats positifs. Mais en mĂȘme temps, il est devenu clair qu’une telle tĂąche devra non seulement dĂ©pendre des infrastructures et de la technique, mais Ă©galement des capacitĂ©s. Ces derniĂšres sont nĂ©cessaires pour gĂ©rer les TIC comme des dispositifs de communication et non pas seu-lement comme des instruments imposĂ©s du sommet. Comme le montrent les systĂšmes d’informations commerciales agricoles dans les diffĂ©rents pays, il est impossible de faire fonctionner le systĂšme si les agriculteurs ne participent pas au projet en fournissant les informations commerciales locales. KACE a peut-ĂȘtre prĂ©vu ce problĂšme et a donc ins-tallĂ© dĂšs le dĂ©part des reprĂ©sentants locaux au niveau des marchĂ©s, tous exĂ©cutant des fonctions clĂ©s sans nĂ©cessairement ĂȘtre en ligne. Sa vulgarisation au niveau de la popu-lation rurale a donc lieu sur diffĂ©rents canaux de communication.

L’initiative BROSDI (Busoga Rural Open Source and Development Initiative) sous-tend les di-mensions sociales de la productivitĂ© rurale. Cette organisation ougandaise contribue Ă  relever le niveau de vie des communautĂ©s rurales de maniĂšre durable via un Ă©change d’informations et de connaissances. C’est une initiative Ă  but non lucratif avec des racines rĂ©gionales. En plus d’envoyer des consultants en mission, d’organiser des manifestations publiques et de produire des programmes radio, elle fournit aujourd’hui un service de vulgarisation en ligne, et diffuse les mĂȘmes informations Ă  travers diffĂ©rents canaux. BROSDI utilise plusieurs formats diffĂ©rents basĂ©s sur Internet tels que les blogs, wikis, podcasts et flux RSS (dans le cadre de ce que l’on appelle applications Web 2.0) pour diffu-ser des informations sur des thĂšmes tels que l’agriculture, la santĂ© et l’éducation. BROSDI atteint une grande partie de sa clientĂšle ru-rale via le SMS. Mais des moyens de com-munication plus traditionnels sont Ă©galement utilisĂ©s pour diffuser des informations : radio, publications, musique, danse et thĂ©Ăątre. L’un des enjeux les plus importants de leur travail reste les Ă©changes personnels avec les clients ruraux.

La branche chargĂ©e de la vulgarisation agri-cole de BROSDI, Ă  savoir CELAC, entreprend un vaste programme d’ateliers sur le terrain. Les rĂ©sultats de ces ateliers, ou « forums de partage d’informations », sont nombreux. L’un des plus importants est l’identification d’un reprĂ©sentant du village, qui devient par consĂ©quent le « dĂ©positaire des connaissan-ces du village ». Cette personne doit ĂȘtre so-ciable et disposĂ©e Ă  partager des connaissan-ces. Elle doit rĂ©sider dans la zone rurale, ĂȘtre agriculteur et de prĂ©fĂ©rence une femme Ce dĂ©positaire peut parfaitement jouer un rĂŽle trĂšs positif pour tout dĂ©veloppement futur. BROSDI compte sur un dĂ©veloppement futur rapide du rĂ©seau tĂ©lĂ©phonique ougandais dans les zones rurales, comme cela a Ă©tĂ© rĂ©cemment le cas en zones urbaines. Cela pourrait stimuler la communication locale en gĂ©nĂ©ral et les marchĂ©s agricoles locaux obtiendraient davantage d’opportunitĂ©s com-merciales.

En conclusion, ces exemples montrent que mĂȘme en prĂ©sence d’infrastructures de com-munication et d’informations commerciales agricoles utiles, une mĂ©diation reste nĂ©cessai-re pour appuyer les populations rurales dans l’adaptation de ces informations. En d’autres termes, il s’agit de trouver et d’utiliser au niveau local les canaux appropriĂ©s Ă  travers lesquels communiquer et d’appuyer les pro-cessus de renforcement des capacitĂ©s. L’idĂ©al est que tout progresse en mĂȘme temps : les infrastructures, les informations disponibles et les connaissances des personnes. Avec une certaine formation, les agriculteurs sont bien placĂ©s pour commencer eux-mĂȘmes la tran-sition du marchĂ©.

Andreas Mandler Consultant indĂ©pendant pour la FAO et la GTZ. Florence, 50122 Italie.E-mail : [email protected] ; [email protected]

Autres informations :ONASA, Office National dŽAppui å la Sécurité Alimentaire. 06 B.P. 2544, Cotonou, Bénin http://www.onasa.org

Manobi Development Foundation. Amitié II, BP 25026, Dakar-Fann, Sénégalhttp://www.manobi.sn

Trade at Hand. c/o International Trade Centre (ITC), Palais des Nations, 1211 Geneva 10 – Switzerland.http://www.intracen.org/trade-at-hand

Kenya Agricultural Commodity Exchange, KACE. Brick Court 2nd Floor, Mpaka Road, Westlands, Nairobi, Kenyahttp://www.kacekenya.com

Busoga Rural Open Source and Development Initiative, BROSDI. Plot 22, Bukoto Street, Kam-pala, Uganda.http://www.brosdi.or.ug

TradeNet http://www.tradenet.biz

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FACE À LA CRISE DU CAFÉ : NOUER DES ALLIANCES ENTRE PRODUCTEUR ET CONSOMMATEURRoberta Jaffe, Devon Sampson et Annie Shattuck

En 2001, les prix mondiaux du cafĂ© ont dĂ©gringolĂ©, atteignant leur plus bas niveau historique, anĂ©antis-sant les familles agricoles qui vivent du cafĂ©, ainsi que leurs communautĂ©s, dans ce qu’il est convenu d’appeler la « crise du cafĂ© ». Par nĂ©cessitĂ©, de nombreuses familles agricoles ont abandonnĂ© leurs communautĂ©s en quĂȘte d’un travail salariĂ©, tandis que d’autres ont coupĂ© leurs plants de cafĂ© et les arbres d’ombrage pour en faire du fourrage. L’émigration a eu un effet nĂ©faste sur l’intĂ©gritĂ© des communautĂ©s productrices de cafĂ© au Mexi-que et en AmĂ©rique centrale ; la dĂ©forestation a menacĂ© la biodiversitĂ© et les flancs de coteau sans arbres et victimes du piĂ©tinement ont commencĂ© Ă  s’éroder sous l’action des pluies tropicales. La mĂȘme annĂ©e, un groupe de chercheurs a formĂ© un rĂ©seau basĂ© sur des relations de longue durĂ©e avec diverses communautĂ©s agricoles latino-amĂ©-ricaines, toutes victimes des effets de la chute des prix du cafĂ©. Ils ont constituĂ© le rĂ©seau CAN (Commu-nity Agroecology Network – RĂ©seau agroĂ©cologique communautaire), une organisation Ă  but non lucratif. Parmi les communautĂ©s associĂ©es au rĂ©seau CAN, quatre produisent et exportent du cafĂ©. Dans leurs discussions avec les chercheurs, les communautĂ©s du Costa Rica, du Nicaragua, du Salvador et du Mexique ont affirmĂ© que la recherche de mar-chĂ©s stables alternatifs Ă©tait leur prioritĂ©. Peu de temps aprĂšs, CAN s’est assignĂ© comme mission de constituer des marchĂ©s alternatifs mettant en rap-port producteurs et consommateurs de cafĂ© le plus directement possible, afin qu’ils puissent vendre une partie de leur production en dehors du mar-chĂ© mondial du cafĂ© fluctuant et jouir d’avantages Ă©conomiques plus importants. CAN est aujourd’hui un rĂ©seau d’agriculteurs, de chercheurs, d’étudiants

et de consommateurs trĂšs dynamique, entretenant des liens avec l’UniversitĂ© de Californie Ă  Santa Cruz (UCSC), l’UniversitĂ© du Vermont, cinq com-munautĂ©s mexicaines et d’AmĂ©rique centrale, trois coopĂ©ratives de cafĂ© et de nombreuses organisa-tions paysannes. Beaucoup de coopĂ©ratives de cafĂ© associĂ©es au rĂ©seau CAN sont dĂ©jĂ  certifiĂ©es FLO (Fairtrade La-belling Organizations). La quantitĂ© de cafĂ© du com-merce Ă©quitable vendue dans le monde connaĂźt une hausse spectaculaire, mais le mĂ©canisme de certification a rĂ©cemment fait l’objet de critiques acerbes pour son incapacitĂ© Ă  suivre le rythme de l’inflation et les coĂ»ts de production. Le rĂ©seau CAN essaie de porter l’« Ă©quitĂ© » plus loin en crĂ©ant une mĂ©thode de commercialisation du cafĂ© similaire Ă  un marchĂ© local des agriculteurs oĂč les ventes sont directes et les prix sont gĂ©nĂ©ralement meilleurs pour le consommateur et le producteur. En outre, les opportunitĂ©s d’échanges directs sont nombreu-ses. Comme la plupart des amateurs de cafĂ© vivent loin des exploitations agricoles et que les ventes directes, sans intermĂ©diaire sont presque impossi-bles, le rĂ©seau CAN a dĂ©veloppĂ© un autre modĂšle de commerce du cafĂ© appelĂ© « Fairtrade-Direct » (Commerce Ă©quitable direct).

Deux modĂšles de Fairtrade-

Direct : Valeur ajoutée et intéressement aux bénéfices

En tirant parti de la fiabilitĂ© du systĂšme postal du Costa Rica et de la capacitĂ© Ă  torrĂ©fier le cafĂ© loca-lement, le rĂ©seau CAN a aidĂ© la coopĂ©rative d’Agua Buena Ă  mettre sur pied un systĂšme lui permettant d’envoyer du cafĂ©, torrĂ©fiĂ© et emballĂ©, directement

aux consommateurs des Etats-Unis. Pour 11 $ EU (livraison comprise), les consommateurs reçoivent une livre (environ 450 grammes) de cafĂ© frais ex-pĂ©diĂ© dans leur boĂźte aux lettres. Une fois toutes les charges payĂ©es, la coopĂ©rative obtient un bĂ©nĂ©fice net d’environ trois dollars par livre de cafĂ© torrĂ©fiĂ©. A Santa Cruz, une petite Ă©quipe d’étudiants et de nouveaux diplĂŽmĂ©s s’occupent de la logistique rela-tive Ă  l’importation : commandes, gestion des paie-ments, formalitĂ©s juridiques et rĂŽle d’intermĂ©diaire entre les consommateurs et les producteurs de cafĂ©. Le rĂ©seau CAN apporte Ă©galement son assis-tance en enregistrant chaque commande auprĂšs de la Food and Drug Administration pour respecter les exigences du gouvernement amĂ©ricain en matiĂšre d’importation de produits alimentaires. Les fonds basĂ©s sur les commandes reçues sont virĂ©s chaque mois dans le compte bancaire de la coopĂ©rative. Ils comprennent les frais de torrĂ©faction, de condi-tionnement, de livraison et les bĂ©nĂ©fices. Le rĂ©seau CAN appelle ce modĂšle « valeur ajoutĂ©e », car en vendant un produit, et non une matiĂšre premiĂšre, directement aux consommateurs, la communautĂ© peut conserver en son sein la valeur liĂ©e Ă  la tor-rĂ©faction, au conditionnement et Ă  la distribution. Au Nicaragua et au Salvador, la nĂ©cessitĂ© d’un marchĂ© plus direct est tout aussi urgente, mais le systĂšme de courrier n’est pas suffisamment fiable pour reproduire le modĂšle de valeur ajoutĂ©e. Dans ce modĂšle d’« intĂ©ressement aux bĂ©nĂ©fices », le cafĂ© vert est achetĂ© au prix minimal certifiĂ© ou supĂ©rieur du commerce Ă©quitable, puis torrĂ©fiĂ© et conditionnĂ© dans la zone de Santa Cruz. AprĂšs l’opĂ©ration de vente aux consommateurs, la moitiĂ© des bĂ©nĂ©fices est virĂ©e aux coopĂ©ratives, avec un rapport dĂ©taillĂ© des ventes et des coĂ»ts d’impor-tation, de torrĂ©faction et de conditionnement. Au cours des trois derniĂšres annĂ©es, le rĂ©seau CAN a pu gĂ©nĂ©rer un rendement de 2 $ EU par livre de cafĂ© vert (plus que le prix minimal certifiĂ© du commerce Ă©quitable qui est de 1,51 $ EU pour le cafĂ© bio) au profit des coopĂ©ratives partenaires du Nicaragua et du Salvador. L’engagement Ă  l’égard de la transparence, les relations personnelles et l’enregistrement d’une plus grande partie de l’ar-gent encaissĂ© au dĂ©tail au profit des coopĂ©ratives d’agriculteurs est essentiel dans les deux modĂšles.

Education par l’action

Fairtrade-Direct comprend Ă©galement une compo-sante « Ă©ducation par l’action », dans laquelle des Ă©tudiants stagiaires contribuent Ă  la pĂ©rennisation et Ă  l’amĂ©lioration du modĂšle d’échange. Les Ă©tu-diants du premier cycle universitaire, effectuant un stage dans les bureaux de CAN Ă  l’UniversitĂ© de Californie Ă  Santa Cruz ou auprĂšs d’organisations partenaires dans les communautĂ©s agricoles, se sont engagĂ©s dans une initiative d’« Ă©ducation par l’action », dĂ©finie comme un type d’éducation avec un objectif et un apprentissage par l’action. Les Ă©tudiants apprennent en travaillant sur le marchĂ©

Arjun Ponambalum, un des stagiaires de la coopérative de café avec Clementino Rosales, Berta Alicia Rosales et Maximina Mendoza, tous membres de El Sincuyo

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direct et ce dernier se dĂ©veloppe suivant leur crĂ©a-tivitĂ©. L’expĂ©rience d’un Ă©tudiant dĂ©bute souvent Ă  UC Santa Cruz, oĂč il effectue une bonne partie des tĂąches quotidiennes de l’organisation, puis se pour-suit sous la forme d’un stage d’étude de terrain au Mexique ou en AmĂ©rique centrale. A Santa Cruz, un stagiaire peut Ă©laborer des plans marketing, rĂ©diger des documents de promotion, travailler dans un stand au marchĂ© des agriculteurs locaux, rĂ©diger des demandes de subventions et mĂȘme se familiariser Ă  la bureaucratie de l’Etat en ma-tiĂšre d’importation. Toute cette Ă©ducation pratique constitue un apport inestimable Ă  l’enseignement souvent passif dispensĂ© dans les amphithĂ©Ăątres. Les Ă©tudiants vivent et travaillent avec cinq agricul-teurs et leurs organisations. Les Ă©tudiants consa-crent du temps aux travaux agricoles en com-pagnie des familles agricoles. Les frais de stage constituent une contribution salutaire aux moyens de subsistance des agriculteurs et les indemni-sent Ă  juste titre en tant qu’éducateurs. Quant Ă  la prise en charge des Ă©tudiants, elle fait partie des droits d’inscription et frais de subsistance dans une universitĂ© publique. Autant le programme Fairtrade-Direct bĂ©nĂ©ficie aux consommateurs et aux producteurs, autant l’expĂ©rience du stage de terrain reprĂ©sente une coopĂ©ration mutuellement bĂ©nĂ©fique entre les agriculteurs et les Ă©tudiants. MalgrĂ© son existence relativement rĂ©cente, ce modĂšle Ă©ducatif a produit des rĂ©sultats positifs. Les stagiaires ont contribuĂ© au dĂ©veloppement du marchĂ© direct, avec un rendement de 100 000 $ EU par an pour les coopĂ©ratives. L’essentiel de l’ex-pansion du marchĂ© s’est dĂ©roulĂ© en 2004. AprĂšs une campagne ciblĂ©e menĂ©e par les Ă©tudiants, l’UCSC a commencĂ© Ă  acheter 50 % du volume total de son cafĂ© destinĂ© aux rĂ©fectoires et roulot-tes-cafĂ© (buffets roulants) auprĂšs des coopĂ©ratives partenaires du rĂ©seau CAN au Salvador, au Nica-ragua et au Costa Rica. GrĂące Ă  leur engagement pour ce cafĂ© et d’autres politiques d’approvisionne-ment local, les services de restauration de l’UCSC sont devenus un modĂšle national de prestation de services alimentaires responsable du point de vue Ă©cologique et social.

Recherche-action participative Les programmes marketing et d’éducation sont le rĂ©sultat des relations de longue durĂ©e entre les chercheurs, agriculteurs et organisations paysan-nes affiliĂ©s au rĂ©seau CAN. La confiance et l’enga-gement qui se sont dĂ©veloppĂ©s au fil des annĂ©es ont permis d’établir des liens entre le commerce alternatif et les pratiques agricoles durables dans ces Ă©cosystĂšmes ultra sensibles. Les chercheurs utilisent la « Recherche-Action Participative » (RAP) pour gĂ©nĂ©rer des informations que la communautĂ© jugera utile pour son propre dĂ©veloppement. Les chercheurs abordent leur travail comme un cycle, par l’identification, dans le cadre d’une colla-boration, des sujets de prĂ©occupation sur lesquels la recherche est axĂ©e, la rĂ©percussion des rĂ©sul-tats prĂ©liminaires sur la communautĂ© impliquĂ©e, la crĂ©ation d’étapes pour une action concrĂšte et le partage des rĂ©sultats de la recherche avec toutes les parties impliquĂ©es. Dans la mĂ©thode RAP, les donnĂ©es permettent de jeter les bases des dĂ©ci-sions communautaires relatives au dĂ©veloppement durable.

Fairtrade-Direct sur le terrain Toutes ces activitĂ©s ont pour but de reconnecter les deux plus importants acteurs du systĂšme alimen-taire, Ă  savoir les producteurs et les consomma-teurs. L’augmentation des frais d’expĂ©dition dans le modĂšle de valeur ajoutĂ©e a entravĂ© les efforts vi-sant Ă  maintenir le prix Ă  un niveau Ă©quitable pour les consommateurs et les producteurs. Bien que le volume des ventes du rĂ©seau CAN soit relative-ment bas comparĂ© Ă  la production totale de cha-que communautĂ©, les trois communautĂ©s partenai-res qui participent au marchĂ© direct ont gagnĂ© un montant considĂ©rable en 2007. Au fur et Ă  mesure que ces modĂšles se renforcent, que le marchĂ© di-rect se dĂ©veloppe et que les organisations de pro-ducteurs deviennent plus solides, il est possible de porter encore plus loin ce type de marchĂ© alternatif. L’impact le plus important de ce modĂšle de mar-keting s’est notĂ© chez les agriculteurs de la zone d’Agua Buena au Costa Rica. En 2004, un groupe de 50 familles agricoles a formĂ© une nouvelle coopĂ©rative, CoopePueblos, aprĂšs la faillite de leur grande coopĂ©rative rĂ©gionale en raison de la crise et de la mauvaise gestion du cafĂ©. Cette nouvelle coopĂ©rative s’est engagĂ©e dans des pratiques du-rables et est parvenue Ă  fournir Ă  ses membres des gains plus Ă©levĂ©s que les autres coopĂ©ratives de la rĂ©gion grĂące aux revenus accrus issus du marchĂ© direct. La coopĂ©rative travaille en Ă©troite collaboration avec le rĂ©seau CAN dans la planifi-cation des stratĂ©gies marketing et l’éducation des consommateurs. Les avantages Ă©conomiques de ces efforts sont ressentis au-delĂ  de l’exploitation agricole Ă©tant donnĂ© que tous les coĂ»ts liĂ©s Ă  la valeur ajoutĂ©e restent dans le pays d’origine.

Pour les consommateurs, ce modĂšle permet de s’engager dans des rĂ©seaux commerciaux alter-natifs. Les consommateurs du rĂ©seau savent d’oĂč provient le cafĂ© et ont l’opportunitĂ© de s’engager davantage avec les agriculteurs. Lors de la rĂ©colte du cafĂ©, un agriculteur sait qu’il est destinĂ© Ă  une personne qui est consciente de sa qualitĂ©. Selon les

termes d’un agriculteur de CoopePueblos, « je sou-haite vendre mon cafĂ© Ă  des clients spĂ©ciaux qui savent que nous produisons de maniĂšre durable ». En conclusion, il est important de se demander si ce modĂšle alternatif peut se dĂ©velopper pour ven-dre davantage de cafĂ© des coopĂ©ratives. Toutes les coopĂ©ratives actuellement partenaires du rĂ©seau CAN souhaiteraient augmenter leurs volumes de vente Ă  travers ce marchĂ© et, bien entendu, beau-coup d’autres communautĂ©s peuvent potentielle-ment tirer parti de ce rĂ©seau. Dans les prochaines annĂ©es, le potentiel de collaboration avec les so-ciĂ©tĂ©s de cafĂ© socialement responsables fera l’objet d’une Ă©tude pour proposer une marque fondĂ©e sur la prĂ©servation et le renforcement de la biodiversi-tĂ© et l’amĂ©lioration des moyens de subsistance des producteurs de cafĂ©. Nous espĂ©rons un jour voir ce modĂšle se dĂ©velopper dans le cadre de collabora-tions avec d’autres communautĂ©s de producteurs. Les produits actuellement commercialisĂ©s sous d’autres modĂšles du commerce Ă©quitable, tels que le cacao et le thĂ©, ainsi que d’autres produits spĂ©-ciaux cultivĂ©s dans les rĂ©gions tropicales pourraient facilement ĂȘtre introduits dans le « marchĂ© mon-dial des agriculteurs ».

Roberta Jaffe, Devon Sampson et Annie Shattuck. The Commu-nity Agroecology Network. P.O. Box 7653, Santa Cruz, California 95061-7653, U.S.A.E-mail : [email protected]

Références -Bacon, C., V.E. Mendez et M. Brown, 2005. Participatory action research and support for community development and conserva-tion: examples from shade coffee landscapes in Nicaragua and El Salvador. Center Research Brief #6. Center for Agroecology and Sustainable Food Systems, University of California Santa Cruz, Santa Cruz, California, U.S.A. -Holt-Giménez, E., I. Bailey et D. Sampson, 2007. Fair to the last drop: Corporate challenges to Fair Trade coffee. Development Report #17. Food First/ Institute for Food and Development Policy. Oakland, California, U.S.A. -Jaffe, R.M. et C. Bacon, 2008. From differentiated coffee markets towards alternative trade and knowledge networks. In: Bacon, C.M., V.E. Méndez, S.R. Gliessman, D. Goodman et J.A. Fox (eds.), Confronting the coffee crisis: Fair Trade, sustainable livelihoods and ecosystems in Mexico and Central America. MIT Press, Cambridge, Massachusetts, U.S.A.

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La méthode RAP en action

Tacuba est une petite communautĂ© productrice de cafĂ© situĂ©e dans l’ouest du Salva-dor. Les coopĂ©ratives d’agriculteurs collaborant avec le rĂ©seau CAN Ă  Tacuba longent toutes le Parc national El Imposible et offrent une importante zone tampon Ă©colo-gique Ă  la plus grande aire protĂ©gĂ©e du pays. Le chercheur Ernesto MĂ©ndez mĂšne une recherche-action participative dans cette communautĂ© depuis plus de dix ans. La recherche initiale de MĂ©ndez dĂ©crit la diversitĂ© des arbres d’ombrage dans les champs de cafĂ© et la maniĂšre dont la propriĂ©tĂ© fonciĂšre, l’accĂšs au marchĂ© et la ges-tion des coopĂ©ratives affecte la diversitĂ© au niveau de l’exploitation agricole. Tous les objectifs de la recherche ont Ă©tĂ© dĂ©finis avec les agriculteurs conjointement. Il a utilisĂ© les informations sur la gestion locale des arbres d’ombrage afin d’aider les agriculteurs Ă  amĂ©liorer les mĂ©thodes agroĂ©cologiques.

Il a associĂ© la recherche relative aux avantages Ă©conomiques et Ă©cologiques de diverses exploitations agricoles avec les ressources pour aider les agriculteurs Ă  accĂ©der aux marchĂ©s directs des Etats-Unis et Ă  nouer des relations avec les torrĂ©-facteurs-importateurs. En Ă©tudiant les organisations paysannes, il a accompagnĂ© les agriculteurs locaux dans la formation d’une fĂ©dĂ©ration de coopĂ©ratives plus grande (processus ayant durĂ© six ans) afin que les agriculteurs puissent exporter sans in-termĂ©diaire. Dans ce cas, tout le processus RAP a gĂ©nĂ©rĂ© de nouvelles connaissance et un changement social positif, ce qui est l’objectif de tout projet de recherche-action. Enfin, la recherche permet d’appuyer les coopĂ©ratives financiĂšrement, par le biais de stages et d’études Ă  l’étranger dans lesquels les agriculteurs partagent les revenus.

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LES DÉFIS DE L’ENTREPRISE FACE AU COMMERCE ÉQUITABLE OU FAIRTRADEEric Holt-GimĂ©nez, Ian Bailey et Devon Sampson

C’est suite au dĂ©veloppement rĂ©cent extraor-dinaire de son marchĂ©, et au moment d’une lĂ©gĂšre reprise du marchĂ© du cafĂ©, que le mou-vement du Fairtrade tombe sous le feu des critiques. MĂȘme des associations estudianti-nes, des groupements pour la justice sociale et certains torrĂ©facteurs du Fairtrade remettent en cause les allĂ©gations de dĂ©veloppement, le caractĂšre « Ă©quitable » et l’avenir de l’industrie du cafĂ© Ă  juste prix, pour diffĂ©rentes raisons. Les organisations paysannes telles que Via Campesina et le Mouvement brĂ©silien des Sans terre, dĂ©fient le mouvement Fairtrade de don-ner la preuve qu’il Ɠuvre pour une politique de changement structurel. De nombreux consom-mateurs Ă©thiques et militants du commerce Ă©quitable vivent Ă©galement une situation dif-ficile avec la vente de produits Ă  juste prix Ă  travers les multinationales avec des pratiques professionnelles injustes et un pouvoir mono-polistique sur le marchĂ©.

FLO International (Fairtrade Labelling Orga-nization) et les techniciens de la certification Fairtrade encouragent l’idĂ©e selon laquelle le commerce Ă©quitable doit devenir plus « ordi-naire ». Les critiques les plus rĂ©centes tournent autour de cette stratĂ©gie. Pour les plus grands acheteurs de cafĂ©, le commerce Ă©quitable n’oc-

cupe qu’une partie infime dans leurs achats de cafĂ©. Pour ces sociĂ©tĂ©s, le commerce Ă©quitable n’est pas un mouvement social ou une Ă©thique professionnelle, mais plutĂŽt une opportunitĂ© de dĂ©veloppement des relations publiques et un crĂ©neau rentable. Un seul produit du commerce Ă©quitable peut faire paraĂźtre toute la marque socialement responsable, mĂȘme si l’entreprise continue Ă  acheter l’essentiel de son cafĂ© sur le marchĂ© classique. Ce phĂ©nomĂšne a amenĂ© de nombreux acteurs du Fairtrade Ă  s’interroger sur son sens.

L’objectif est-il d’aider autant que possible les paysans en vendant leur cafĂ© Ă  un juste prix ? Ou alors, de transformer les structures du marchĂ© du cafĂ© historiquement inĂ©quitables ? Les marchĂ©s sont-ils le moteur du changement social ? Les mouvements sociaux seraient-ils au contraire la force qui va changer les marchĂ©s ? Ces questions traduisent le dĂ©saccord grandis-sant chez les dĂ©fenseurs du Fairtrade s’agissant de la question de savoir s’il est judicieux d’intĂ©-grer le commerce Ă©quitable dans les entrepri-ses et structures mĂȘmes du marchĂ© qui ont Ă©tĂ© les premiĂšres Ă  provoquer la crise du cafĂ©.

Changement social et chaĂźnes de valeur

Bien que la qualité supérieure du Fairtrade ait constitué un filet de sécurité important durant les pires moments de la crise du café, des étu-des récentes remettent en cause nombre des avancées dont se targuent les techniciens de la certification et détaillants généraux.

Dans une Ă©tude portant sur les familles et com-munautĂ©s agricoles intervenant dans la filiĂšre cafĂ© du Mexique et de l’AmĂ©rique centrale, des chercheurs du RĂ©seau AgroĂ©cologique Commu-nautaire (CAN) ont indiquĂ© qu’il n’y avait pas de diffĂ©rences significatives dans la capacitĂ© Ă  envoyer les enfants Ă  l’école ou au niveau de la sĂ©curitĂ© alimentaire entre les familles agricoles du commerce Ă©quitable et celle du commerce classique. L’étude du rĂ©seau CAN n’a pas trouvĂ© d’élĂ©ments permettant d’affirmer que la certi-fication Fairtrade Ă  elle seule a pu libĂ©rer les agriculteurs de la pauvretĂ©. En lieu et place, les chercheurs ont notĂ© que la coopĂ©rative qui a semblĂ© le plus bĂ©nĂ©ficier du Fairtrade avait des relations directes avec un client nord-amĂ©ricain qui lui a achetĂ© tout le cafĂ© Ă  un prix supĂ©rieur au minimum fixĂ© par le systĂšme Fairtrade cha-que annĂ©e.

Julio Cesar Rumaldo, membre de la Coopérative La Concordia, à Tacuba, au Salvador, triant des cerises de café de sa moisson.

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24Les Ă©tudes laissent Ă©galement Ă  penser que les succĂšs sur le plan du dĂ©veloppement revendi-quĂ©s par le commerce Ă©quitable s’expliquent aussi bien par les efforts des agriculteurs en matiĂšre d’organisation locale que par la certifi-cation. Dans de telles circonstances, il est diffi-cile d’imaginer que le Fairtrade puisse prendre racine sans tenir compte des luttes agraires historiques pour la rĂ©forme fonciĂšre, des orga-nisations coopĂ©ratives et des droits des autoch-tones. Toutefois, aucun de ces aspects n’appa-raĂźt dans le marketing d’entreprise du Fairtrade, oĂč les succĂšs revendiquĂ©s dans le dĂ©veloppe-ment sont Ă©dulcorĂ©s pour la consommation de masse.

Salaire minimum ou salaire de survie ?

En dĂ©cembre 2006, l’Association des coopĂ©ra-tives de petits producteurs de cafĂ© du Nicara-gua (CAFENICA) et le Corps de coordination des petits producteurs du Fairtrade en AmĂ©rique latine et dans les CaraĂŻbes (CLAC) ont soumis un rapport Ă  FLO demandant une augmenta-tion de 15% par livre du prix Fairtrade. A la suite de pressions d’organisations paysannes et de groupements de consommateurs, FLO a acceptĂ© une augmentation de cinq centimes par livre.

Le rapport de CLAC et d’autres Ă©tudes d’impact dĂ©crivent quelques-uns des inconvĂ©nients du processus de certification Fairtrade et de ses mĂ©canismes de commercialisation. Le prix mi-nimal fixĂ© dans le cadre du commerce Ă©quita-ble a sauvĂ© beaucoup de personnes durant la crise du cafĂ©. Mais il n’a jamais Ă©tĂ© indexĂ© sur le coĂ»t de production ou sur le coĂ»t de la vie, et l’on constate de plus en plus son manque d’effectivitĂ© s’agissant des avantages sociaux. Certaines Ă©tudes indiquent que les agriculteurs perdent aujourd’hui de l’argent dans le cadre

du Fairtrade (juste un peu moins que les pro-ducteurs classiques). En poursuivant une ap-proche ordinaire, Fairtrade garantit davantage un « salaire de survie » qu’un « salaire mini-mum ». Aujourd’hui, les agriculteurs reprĂ©sen-tĂ©s dans le CLAC et qui cherchent un « salaire de survie » sont en conflit avec les techniciens de la certification du commerce Ă©quitable, qui doivent maintenir le prix Ă  son niveau bas pour rendre ordinaires les produits Ă  juste prix auprĂšs du grand commerce de dĂ©tail gĂ©nĂ©ral.

Des solutions autres que Fairtrade

Les modalitĂ©s commerciales telles que mises en Ɠuvre par de nombreuses organisations du commerce alternatif (ATO) amĂ©liorent vĂ©-ritablement les conditions et opportunitĂ©s des coopĂ©ratives de cafĂ© avec lesquelles elles trai-tent directement, car la certification est perçue comme un premier palier et non comme un pla-fond. Les torrĂ©facteurs comme Equal Exchange aux Etats-Unis et CafĂ©direct au Royaume-Uni se sont engagĂ©s Ă  vendre du cafĂ© certifiĂ© Fairtrade Ă  100 %, et Ă  utiliser la certification comme point de dĂ©part de la crĂ©ation de partenariats durables avec les coopĂ©ratives de producteurs. Pour les qualitĂ©s de luxe, Thanksgiving Coffee paie jusqu’à 40 centimes de plus par rapport au prix Fairtrade. Paul Katzeff, le propriĂ©taire, recherche des coopĂ©ratives certifiĂ©es bio et les aide Ă  obtenir la certification Fairtrade, puis, travaille avec beaucoup de zĂšle avec les communautĂ©s productrices en vue de les aider Ă  amĂ©liorer la qualitĂ© du cafĂ©. Le modĂšle de commerce direct du rĂ©seau CAN circonscrit le processus de valeur ajoutĂ©e dans ses limites et propose un autre modĂšle Ă  la place de la certification. D’autres sociĂ©tĂ©s sont codirigĂ©es par des organisations paysannes.

Les Alternative Trade Organisations (Organi-sations du commerce alternatif) partagent un certain nombre de caractéristiques qui les dis-tinguent des acteurs, beaucoup plus nombreux, du Fairtrade général, notamment dans les do-maines suivants :

La transparence

Les producteurs certifiĂ©s Fairtrade sont tenus d’ouvrir leurs livres aux contrĂŽleurs. Inverse-ment, la plupart des entreprises qui vendent le cafĂ© au dĂ©tail divulguent le moins d’infor-mations possible sur leur volume de vente de cafĂ© via Fairtrade. Les sociĂ©tĂ©s organisĂ©es en «Mouvement» font preuve d’une grande trans-parence Ă  propos du prix d’achat du cafĂ© qu’ils appliquent aux agriculteurs, et de la part que reprĂ©sente le Fairtrade dans leurs ventes.

Engagement Ă  long terme

Les sociĂ©tĂ©s organisĂ©es en « Mouvement » col-laborent avec les coopĂ©ratives de producteurs pour investir dans la qualitĂ© de leur cafĂ©. Il peut s’agir de la formation de dĂ©gustateurs de cafĂ© pour qu’ils soient en mesure de reconnaĂźtre la qualitĂ© du cafĂ©, ou encore d’aider les coopĂ©rati-ves agricoles Ă  diversifier leur production en les transformant en d’autres produits, d’appuyer les projets de santĂ© et d’éducation.

Localisation de la valeur du café

GĂ©nĂ©ralement, l’essentiel de la valeur du cafĂ© est exportĂ©, gĂ©nĂ©rant de gros bĂ©nĂ©fices aux Ă©tapes de torrĂ©faction et de distribution de la chaĂźne de valeur. MĂȘme si les agriculteurs ven-dent au prix Fairtrade, ce dĂ©sĂ©quilibre au ni-veau du pouvoir demeure. Les sociĂ©tĂ©s organi-sĂ©es en « Mouvement » appuyant les initiatives commerciales directes permettent de maintenir une plus grande partie de la valeur du cafĂ© au sein de la communautĂ© de producteurs.

Prodecoop au Nicaragua

L’un des rĂŽles les plus importants du Fairtrade rĂ©side dans sa contribution Ă  la constitution et au maintien de coopĂ©ratives d’agriculteurs. Au Nicaragua, lorsque le mouvement sandiniste de gauche a perdu le pouvoir en 1990, les coopĂ©ratives d’agriculteurs se sont retrou-vĂ©es sans soutien de l’Etat. Elles ont constituĂ© des coopĂ©ratives Ă  partir de plusieurs autres plus petites pour proposer des stratĂ©gies marketing, de crĂ©dit et d’autres programmes. Prodecoop (Promotion of Co-operative Development of the Segovias region – Promotion du dĂ©veloppement des coopĂ©ratives de la rĂ©gion de Segovias), a Ă©tĂ© la premiĂšre organisation de ce genre. Rosario CatellĂłn, co-fon-dateur de Prodecoop, en raconte l’histoire :

« En 1991, les premiĂšres coopĂ©ratives qui forment aujourd’hui Prodecoop ont d’abord exportĂ© vers Equal Exchange, un acheteur de cafĂ© Ă  juste prix basĂ© aux Etats-Unis. Certains des membres de la coopĂ©rative de Prodecoop ont contractĂ© des prĂȘts durant la rĂ©volution sandiniste, mais le nouveau gouvernement a exigĂ© leur remboursement immĂ©diat. La banque a retenu leur cafĂ© en guise de nantis-sement et a saisi leur terre. Face Ă  cette situation difficile, les reprĂ©sentants des coopĂ©ratives membres se sont rendus aux bureaux de Prodecoop.

« Jonathan Rosenthal, alors Directeur exĂ©cutif de Equal Exchange, a Ă©coutĂ© les coopĂ©ratives, et a pris le risque qu’aucune institution financiĂšre n’était disposĂ©e Ă  prendre. Il nous a avancĂ© une partie du prix d’achat de notre cafĂ©. Une fois les nĂ©gociations avec la banque terminĂ©es, Prodecoop a rachetĂ© le cafĂ©, promettant de consacrer tous les bĂ©nĂ©fices de la vente au remboursement des dettes des coopĂ©ratives.

Equal Exchange a contribuĂ© Ă  faire sortir Prodecoop de l’anonymat. Ils ont Ă©tĂ© les premiers acheteurs de notre cafĂ© et nous ont aidĂ©s Ă  le faire dĂ©couvrir au marchĂ© nord-amĂ©ricain. Jonathan Rosenthal et Equal Exchange se sont consacrĂ©s Ă  la mise en place de liens, afin que toutes ces personnes historiquement dĂ©favorisĂ©es puissent passer de l’autre cĂŽtĂ© de la barriĂšre, lĂ  oĂč se trouve l’industrie du cafĂ©, et briser la longue chaĂźne des intermĂ©diaires. Les petits exploitants de Prodecoop n’ont jamais imaginĂ© qu’ils seraient, encore et toujours, assis autour de la table, Ă  nĂ©gocier directement avec des importateurs et torrĂ©facteurs de cafĂ© nord-amĂ©ricains et europĂ©ens. Prodecoop a Ă©tĂ© un exemple pour le pays et le monde. Il a provoquĂ© la renaissance de nombreuses coopĂ©ratives de petits agriculteurs du Nicaragua et dans d’autres pays ».

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Commerce équitable et souveraineté alimentaire

Le dĂ©bat sur l’intĂ©gration du commerce Ă©qui-table dans le courant gĂ©nĂ©ral fait ressortir les divergences grandissantes portant sur l’équitĂ©, les prĂ©tentions au dĂ©veloppement et l’avenir des Ă©changes Ă  juste prix. Ces diffĂ©rences sont dues aux conflits entre les stratĂ©gies basĂ©es sur le marchĂ© et celles basĂ©es sur le mouve-ment pour un changement social. D’une part, les techniciens de la certification basĂ©s sur le marchĂ© plaident en faveur des avantages du volume accru facilitĂ© par un prix plancher du Fairtrade relativement bas. D’autre part, de nombreux producteurs et ATO dĂ©fendent les prix basĂ©s sur les coĂ»ts de production et s’in-quiĂštent de la perte de contrĂŽle et de l’authen-ticitĂ© du Fairtrade.

Cette situation place le mouvement du com-merce Ă©quitable dans une position difficile. Si le mouvement s’écarte du courant gĂ©nĂ©ral, il risque ne pas ĂȘtre suffisamment adaptĂ© pour changer la situation des agriculteurs. Mais en favorisant une relation interdĂ©pendante avec les tendances gĂ©nĂ©rales, le mouvement risque de se diluer et les avantages de diminuer. Le souci de gĂ©nĂ©ralisation du commerce Ă©quitable risque de marginaliser militants et agriculteurs, les vrais moteurs du changement social.

L’équitĂ© des Ă©changes Ă  juste prix est plus qu’un simple dĂ©bat Ă©thique. L’équitĂ© Ă  l’égard de la transparence, du risque, des pratiques professionnelles et des profits est le reflet du pouvoir du marchĂ©. Dans le marchĂ© du cafĂ© aujourd’hui non rĂ©glementĂ©, ce sont les par-ties les plus lucratives de la chaĂźne de valeur qui fixent les rĂšgles, Ă  savoir la torrĂ©faction et la distribution. Tant que les agriculteurs ne pourront pas dĂ©tenir leurs propres parts subs-tantielles dans la torrĂ©faction et la distribution, ils seront toujours dĂ©pendants de ceux qui contrĂŽlent le marchĂ© du cafĂ©. Heureusement, il existe dĂ©jĂ  des expĂ©riences encourageantes au sein du reste de la communautĂ© du cafĂ© Ă©changĂ© Ă  juste prix, qui fait basculer le pou-voir de la chaĂźne de valeur vers les produc-teurs. La mise Ă  l’échelle de ces expĂ©riences pourrait aider Ă  faire pencher la balance en faveur des agriculteurs plutĂŽt que des grandes entreprises.

Filet de sécurité ou stratégie de développement ?

La position nĂ©olibĂ©rale selon laquelle les mar-chĂ©s eux-mĂȘmes suffisent pour rĂ©duire la pau-vretĂ©, mettre un terme Ă  la faim et promouvoir le dĂ©veloppement durable est une notion qui a Ă©tĂ© rĂ©futĂ©e par deux dĂ©cennies de mondiali-sation dĂ©sastreuse menĂ©e par les entreprises. Les spĂ©cialistes en marketing qui soutiennent que le commerce Ă©quitable « autonomise les agriculteurs », affirment pour l’essentiel que la certification constitue le petit rĂ©ajustement nĂ©cessaire pour combler les lacunes de la pro-messe nĂ©olibĂ©rale.

Lorsque les prix du café ont chuté de maniÚre catastrophique en 2001 et 2002, il est devenu manifeste que les prix plancher du commerce

Ă©quitable fournissent un filet de sĂ©curitĂ© vital pour les agriculteurs. L’on peut trouver des centaines de tĂ©moignages d’agriculteurs ex-trĂȘmement conscients de cette valeur, car ils foisonnent sur les sites Web et documents de promotion de techniciens de la certification et de sociĂ©tĂ©s de nĂ©goce du cafĂ© qui vendent des produits Fairtrade. Toutefois, les agriculteurs qui organisent des coopĂ©ratives, les Ă©tudiants et consommateurs plaidant pour le commerce Ă©quitable, ainsi que les militants d’ONG qui mĂšnent des cam-pagnes en faveur des Ă©changes Ă  juste prix ont plus qu’un simple filet de sĂ©curitĂ© Ă  l’esprit : ils veulent mettre un terme Ă  la faim, Ă  la pau-vretĂ© et Ă  l’extrĂȘme injustice provoquĂ©es par le « libre-Ă©change ».

MĂȘme si ces filets de sĂ©curitĂ© garantissent aux agriculteurs une certaine sĂ©curitĂ© contre les fortes chutes des prix et l’extrĂȘme pauvretĂ©, il est nĂ©cessaire de mettre en place une stra-tĂ©gie de dĂ©veloppement complĂšte afin de permettre aux communautĂ©s de renforcer les institutions locales et le pouvoir de marchĂ© des agriculteurs. Il est clair que la certification en elle-mĂȘme n’a pas tenu ses promesses sur ces questions plus importantes. Pour tenir ses promesses de dĂ©veloppement, le commerce Ă©quitable, au lieu de penser Ă  sa gĂ©nĂ©ralisation, doit intensifier sa collaboration avec les mouvements paysans du Global South (Sud mondial) pour faire reculer la mondialisa-tion des entreprises et rĂ©tablir les institutions sociales et les politiques rurales nĂ©cessaires pour une agriculture productive et saine.

Perspectives : bùtir la souve-raineté du marché

L’avenir du commerce Ă©quitable dĂ©pendra de sa capacitĂ© Ă  amener les producteurs, consom-mateurs et torrĂ©facteurs-distributeurs non seu-lement sur son marchĂ©, mais Ă©galement au sein des mouvements sociaux qui luttent pour une rĂ©forme agraire. Il est Ă©vident que la for-

mation de mouvements dĂ©pend du sens d’ap-partenance, de l’engagement et de la partici-pation Ă  la prise de dĂ©cisions. Cependant, le commerce Ă©quitable Ă©tant Ă  la fois une activi-tĂ© Ă©conomique et un mouvement, cette parti-cipation dĂ©pend Ă©galement de l’appropriation. Pour garantir une participation politiquement engagĂ©e des agriculteurs dans le commerce Ă©quitable, ils doivent non seulement ĂȘtre des « parties prenantes » au dĂ©veloppement, mais aussi des « actionnaires » aux affaires. En accordant aux agriculteurs une participation majoritaire au Conseil d’administration de FLO, l’on franchirait un grand pas vers la rĂ©alisation de cet objectif.

Il est peu probable que les grandes entrepri-ses mettent en avant un calendrier d’actions orientĂ© vers les agriculteurs et les mouve-ments pour un changement social au sein du commerce Ă©quitable. Ils essaieront de vendre la plus petite quantitĂ© de cafĂ© possible dans le cadre du commerce Ă©quitable au prix le plus bas possible, comptant sur leur vaste pouvoir de marchĂ© pour continuer Ă  entretenir la dĂ©pendance des agriculteurs du Fairtrade. Ce n’est pas une raison pour abandonner le marchĂ© du commerce Ă©quitable. Au contraire, pour ne pas rendre le commerce Ă©quitable inadaptĂ© dans la lutte des agriculteurs pour leurs moyens de subsistance, il appartient aux organisations alternatives, aux ONG et aux mi-litants d’aider les producteurs de cafĂ© pauvres Ă  Ă©largir non seulement leur marchĂ©, mais Ă©galement leur pouvoir de marchĂ©, non seu-lement leur activitĂ© Ă©conomique, mais aussi la maĂźtrise des parts au sein de l’activitĂ©.

Enfin, la possibilitĂ© de tenir les acteurs du Fair-trade publiquement responsables de normes plus Ă©quitables dĂ©pend de la maniĂšre dont le mouvement du commerce Ă©quitable fera Ă©voluer la souverainetĂ© des agriculteurs sur le marchĂ©. Cette souverainetĂ© du marchĂ© dĂšs le bas de l’échelle ne sera pas aisĂ©e ; la forte rĂ©-sistance des acteurs du monde des entreprises lui sera opposĂ©e.

Il est heureux que le mouvement du com-merce Ă©quitable soit dynamique et dĂ©gage constamment de nouvelles formes d’organi-sations sociales, Ă©conomiques et politiques. MĂȘme FLO a surpris les sceptiques en rĂ©visant ses statuts pour accorder des siĂšges aux orga-nisations paysannes dans son Conseil d’admi-nistration, prenant ainsi des mesures concrĂš-tes pour faire participer enfin les agriculteurs Ă  l’appropriation de la certification pour le commerce Ă©quitable. Tant que le pouvoir des agriculteurs s’agrandit au sein du commerce Ă©quitable, et que le mouvement s’allie de ma-niĂšre stratĂ©gique aux mouvements paysans et consommateurs, le commerce Ă©quitable sera en bonne position pour rĂ©aliser ses objectifs de dĂ©veloppement.

Eric Holt-GimĂ©nez, Ian Bailey et Devon Sampson. Food First / Institute for Food and Development Policy. 398 60th Street, Oakland, California 94618, U.S.A. E-mail : [email protected]

Cet article est une version originale revue, avec des rĂ©fĂ©ren-ces complĂštes, publiĂ©e par Food First. Pour en obtenir une copie, vous pouvez leur Ă©crire ou la tĂ©lĂ©charger Ă  l’adresse : http://www.foodfirst.org/node/1794

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Comme tous les producteurs de café dans le monde, les membres de la Coopérative La Concordia méritent de

recevoir un prix juste pour leur production

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L’ARTISANAT PHILIPPIN : SOURCE DE REVENU ET PROTECTEUR DES FORÊTS Michelle Arts

Les Philippines ont une tradition longue et riche de production d’objets d’art fabriquĂ©s Ă  partir de matĂ©riaux naturels. Les ob-jets d’art actuellement commer-cialisĂ©s ont traditionnellement constituĂ© une part importante de la culture pour quelques communautĂ©s et tribus. A ce ti-tre, les Philippines sont l’un des principaux producteurs d’objets d’art du monde. Cependant, deux pour cent seulement des objets d’art importĂ©s des pays en dĂ©veloppement par l’Union europĂ©enne proviennent des Philippines. Cette situation prĂ©-sente une opportunitĂ© intĂ©res-sante de marketing qui pose certains dĂ©fis.

GrĂące au Programme de l’Arti-sanat du Groupe de Travail des Produits forestiers non Ligneux (GT-PFNL), les objets d’art des communautĂ©s autochtones des Philippines sont mis Ă  la dispo-sition des marchĂ©s local et in-ternational. Le Groupe de travail est le partenaire, aux Philippi-nes, du Programme d’échange de PFNL pour l’Asie du Sud et du Sud-est qui constitue un rĂ©-seau de collaboration d’ONG et d’organisations communautai-res. Leur objectif commun est d’habiliter les communautĂ©s forestiĂšres Ă  utiliser et Ă  gĂ©rer durablement leurs ressources forestiĂšres. ProFound, mem-bre fondateur du programme d’échange des PFNL est une organisation-conseil au service des exportateurs des pays en dĂ©veloppement pour ce qui concerne le dĂ©veloppement et le marketing de produits destinĂ©s Ă  l’exportation. Dans le cadre du Programme de l’artisanat, ProFound leur facilite l’accĂšs aux marchĂ©s de l’Union europĂ©enne, leur fournit un soutien au plan professionnel, du renforcement des capa-citĂ©s, des informations pertinentes sur le mar-chĂ©, des contacts et de la formation.

Programme d’artisanat

Le programme d’artisanat est en vigueur de-puis cinq ans. Il vise la rĂ©duction de la pauvretĂ© et l’utilisation durable des ressources forestiĂš-res non ligneuses par la fourniture d’un revenu tirĂ© de la commercialisation de produits faits Ă  la main. Le projet favorise Ă©galement la parti-cipation des hommes et des femmes. En plus d’un revenu durable, les communautĂ©s reçoi-

vent une formation leur permettant d’amĂ©liorer leurs produits et de les aligner sur la demande du marchĂ© europĂ©en. Des communautĂ©s de six des provinces les plus pauvres des Philip-pines participent au projet: Oriental Mindoro, Palawan, Negros Occidental, Bukidnon, South Cotabato et Maguindanao. Cinq de ces com-munautĂ©s ont Ă©tĂ© choisies puisqu’elles Ă©taient des partenaires de rĂ©seau du Groupe de Travail sur les PFNL. Elles produisaient de l’artisanat autochtone traditionnel, mais n’avaient pas d’accĂšs au marchĂ©. Le sixiĂšme groupe de com-munautĂ©s de Maguindanao, a Ă©tĂ© choisi parce que ses principes cadraient avec la commercia-lisation des produits du programme sans sacri-fier la culture, l’environnement ou les traditions des communautĂ©s.

Le CustomMade Crafts Center (CMCC) a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en tant que partie intĂ©grante de ce programme pour servir d’intermĂ©diaire entre les commu-nautĂ©s et le marchĂ©. C’est une organisation Ă  but non lucratif basĂ©e Ă  Manille. Le CMCC vend les produits sur le marchĂ© local oĂč ses marques (telles que CustomMade et MODI) sont Ă©tablies

et connues. Les produits sont prĂ©sentĂ©s comme un travail d’artiste traditionnel local philippin, bien que doublĂ© d’une conception moderne. Ils peuvent ĂȘtre divisĂ©s en deux groupes : articles de maison et mode, notamment les bi-joux et les accessoires. Parmi les exemples de produits on compte les lampes, accessoi-res de bureau, cartes posta-les, chĂąles, taies d’oreillers et colliers. Les produits sont faits de matĂ©riaux naturels comme l’herbe, l’abaca (Musa texti-lis), le rotin, les sarments de vigne et le papier Ă  la cuve.

Vaincre les diffi-cultés

Le Groupe de Travail sur les PFNL procĂšde au renforce-ment des capacitĂ©s des com-munautĂ©s dans le domaine de la gestion de l’entreprise. Les artisans sont essentiellement des populations autochtones qui produisaient dĂ©jĂ  des objets d’art dans le cadre de leurs activitĂ©s de subsistance. Le CMCC dĂ©cide des produits Ă  vendre sur les marchĂ©s local et international. Ils donnent des avis sur les aspects qu’il

convient d’ajuster avant de commercialiser le produit, en fonction des exigences du marchĂ© d’exportation. Chaque fois qu’un besoin de changements se fait sentir dans les produits existants ou sur le dĂ©veloppement de nou-veaux produits, des producteurs sont formĂ©s sous la direction du CMCC. En outre, une rĂ©u-nion se tient chaque annĂ©e entre le CMCC et les diffĂ©rentes communautĂ©s pour concevoir de nouvelles collections et de nouveaux produits.

Au cours des cinq annĂ©es de mise en oeuvre du programme, les communautĂ©s ont connu de nombreuses difficultĂ©s. Les artisans, en particulier, avaient des problĂšmes pour satis-faire la demande – et dans les dĂ©lais prescrits. Ces problĂšmes sont entrain d’ĂȘtre rĂ©solus par l’augmentation du nombre de producteurs et la mise Ă  niveau de leur matĂ©riel et de leurs connaissances et par l’introduction, dans le CMCC, de systĂšmes permettant des pĂ©riodes convenables. Des systĂšmes sont Ă©galement introduits dans les communautĂ©s pour assurer des opĂ©rations plus souples et une production Ă  bref dĂ©lai.

DĂ©pouiller l’écorce de l’abaca pour des fibres est une compĂ©tence traditionnelle. Les produits de vente faits Ă  partir de l’abaca aident les communautĂ©s Ă  contrĂŽler leurs ressources forestiĂšres de maniĂšre durable.

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En outre, les artisans ont eu des difficultĂ©s Ă  rĂ©pondre aux exigences du marchĂ© europĂ©en. Les artisans fabriquaient leurs produits confor-mĂ©ment Ă  certaines mĂ©thodes et en utilisant des modĂšles particuliers. Ils les ont trouvĂ©es difficiles Ă  changer surtout au tout dĂ©but. Ils ne pouvaient pas en saisir le sens et ne pouvaient mĂȘme pas croire qu’ils en Ă©taient capables. Cependant, lorsqu’on leur a montrĂ© de nou-veaux produits et de nouvelles techniques au cours des sĂ©ances de formation dispensĂ©es par le CMCC, ils ont pu constater personnellement que cela pouvait effectivement marcher. A prĂ©sent, les artisans participent constamment au processus de dĂ©veloppement de produits et deviennent plus ouverts Ă  de nouvelles conceptions et spĂ©cifications.

Le dernier problĂšme qui s’est posĂ© est que le prix des produits Ă©tait au dĂ©part trop Ă©le-vĂ© pour le marchĂ© europĂ©en du fait du coĂ»t Ă©levĂ© de la main d’Ɠuvre et du transport. Ce problĂšme a Ă©tĂ© rĂ©solu par la rationalisation et l’amĂ©lioration du processus de production qui a cependant pris du temps dans la mesure oĂč les artisans avaient besoin de se familiariser avec les nouvelles mĂ©thodes de production. Selon le CMCC, la solution la plus efficace consiste Ă  cibler les marchĂ©s des petites et moyennes entreprises et du commerce Ă©quitable oĂč les consommateurs souhaitent payer un prix juste qui reflĂšte la main d’Ɠuvre mise en valeur. Toutefois, dans la mesure oĂč le produit n’est pas encore parvenu sur le marchĂ© europĂ©en, il reste encore beaucoup de travail Ă  faire pour rĂ©ussir.

Stratégie internationale

Bien qu’onĂ©reuse, la certification pourrait s’im-poser pour prouver que les produits sont Ă  juste prix et sans danger pour l’environnement. Ce-pendant, il n’existe actuellement pas de certifi-cation de commerce Ă©quitable pour l’artisanat et l’habillement. En vue de prouver le respect des questions sociales, il y a des systĂšmes de

gestion comme SA8000 et OHSAS 18000, mais ces derniers ne couvrent pas les questions en-vironnementales. Il existe cependant des ini-tiatives commerciales Ă©quitables concernant la production durable.

Les objets d’art fabriquĂ©s avec des fibres d’Aba-ca revĂȘtent un intĂ©rĂȘt spĂ©cial pour le marchĂ© europĂ©en. L’Abaca est encore nouveau dans ce marchĂ©, peu de consommateurs connaissent son existence et c’est Ă  peine si l’on trouve des produits dĂ©rivĂ©s destinĂ©s Ă  la vente. L’Abaca est originaire des Philippines qui, actuellement dĂ©tiennent un monopole sur la production. A cet Ă©gard, son utilisation peut convaincre les consommateurs que le produit est spĂ©cial et unique, et qu’il reflĂšte les traditions de la cultu-re des Philippines. Pour accĂ©der au marchĂ© europĂ©en, Le CMCC va cibler deux segments de marchĂ©, Ă  savoir le segment supĂ©rieur dĂ©jĂ  mentionnĂ© et le mar-chĂ© des produits Ă©quitables. Ces consomma-teurs ont un pouvoir d’achat plus Ă©levĂ© et sont normalement disposĂ©s Ă  payer un prix plus Ă©levĂ©. Aussi, le nombre de dĂ©taillants conven-tionnels qui vendent des produits Ă  juste prix augmente, ce qui devrait relier les deux seg-ments du marchĂ©. Le seul problĂšme est que les produits ne sont toujours pas de la qualitĂ© attendue ; par exemple, les couleurs de cer-tains produits palissent lorsqu’ils sont exposĂ©s au soleil.

Avantages et attentes

Les communautĂ©s tirent profit des meilleu-res connaissances et compĂ©tences dont elles disposent en matiĂšre de gestion d’entreprise. En outre, les ventes locales se dĂ©veloppent et les producteurs sont capables de traiter direc-tement avec les marchĂ©s. L’argent qu’ils tirent de la vente des objets d’art est l’une de leurs principales sources de revenu. Etant donnĂ© que le CMCC achĂšte toujours ses produits, ce revenu est stable. Dans un sens, c’est le CMCC qui a besoin de la garantie des artisans dans la me-

sure oĂč le commerce entre les deux parties est essentiellement limitĂ© en raison des questions de production.

Le CMCC espĂšre que dans l’avenir, un marchĂ© sera Ă©tabli en Europe pour certains produits de la communautĂ©. Les communautĂ©s s’attendent Ă  leur tour Ă  devenir des entrepreneurs qua-lifiĂ©s, compĂ©tents et dignes de confiance afin de pouvoir poursuivre la conduite de leurs af-faires aprĂšs la fin du projet. L’on s’attend Ă  ce que le marchĂ© des ouvrages maison se dĂ©ve-loppe dans les prochaines annĂ©es. Les produits du commerce Ă©quitables sont de plus en plus vendus dans des boutiques et magasins « rĂ©-guliers », ce qui les rend plus disponibles pour de nombreux consommateurs.

Le Programme d’artisanat se trouve encore au stade d’adaptation des produits pour le marchĂ© mondial. Dans l’avenir, les produits seront mis Ă  la disposition du marchĂ© d’exportation et les contacts avec les importateurs et les points de vente sont dĂ©jĂ  Ă©tablis. L’on s’attend Ă  ce qu’il soit possible, dans deux ans, de trouver certains produits de marque MODI en Europe. A la fin du projet, dans deux ans et demi, le CMCC continuera d’exister en tant qu’organisa-tion indĂ©pendante et connaĂźtra, avec un peu de chance, un succĂšs dans la vente des objets d’art durablement produits par les communau-tĂ©s philippines.

Michelle Arts. ProFound – Conseiller en DĂ©veloppement, Lange Smeestraat 55, 3511 PV Utrecht, the Netherlands. E-mail : [email protected]

RemerciementsL’auteur voudrait remercier Nola Andaya, du CustomMade Crafts Center, pour les informations fournies en vue de la prĂ©paration du prĂ©sent article. De plus amples informations peuvent Ă©galement se trouver dans les sites Web suivants : http://www.thisispro-found.com ; http://www.ntfp.org ; http://www.cmcrafts.org ; http://www.modiphilippines.com

La production artisanale favorise l’utilisation durable des ressources naturelles

L’une des communautĂ©s participantes est la tribu T’boli de Lake Sebu, Ă  Mindanao. Elle est connue pour le tissage des tissus traditionnels inspirĂ©s par les rĂȘves des femmes que l’on appelle “T’nalak”. Elles vont dans la forĂȘt rassembler des troncs d’abaca pour en extraire des fibres Ă  l’aide d’un couteau. Elles raccordent les fibres qui peuvent mesurer deux mĂštres pour en faire du fil qui sert Ă  tisser des Ă©toffes. De nouveaux modĂšles (comme les rayures et les fleurs) et couleurs ont Ă©galement Ă©tĂ© introduits.

A prĂ©sent que les artisans ont dĂ©couvert que les plantes d’abaca constituent une source de revenu prĂ©cieuse, ils ont commencĂ© Ă  les plan-ter eux-mĂȘmes. L’abaca a besoin d’ombre pour bien se dĂ©velopper, aussi, les artisans ont-ils Ă©galement plantĂ© des arbres qui procurent de l’ombre. Auparavant, les arbres Ă©taient rĂ©guliĂšrement coupĂ©s pour laisser la place Ă  la culture du riz, mais Ă  prĂ©sent que l’on peut utiliser les plantes d’abaca pour les besoins de l’artisanat, les artisans sont impatients d’investir dans la biodiversitĂ© et utilisent durablement leurs forĂȘts. En outre, dans la mesure oĂč l’abattage semble accroĂźtre l’effet des maladies sur les plantes d’abaca, ils essayent d’éviter cette pratique.

Les artisans utilisent les teintures naturelles pour de nombreux produits. Ils s’assurent que le bois qu’ils utilisent pour la teinture est constituĂ© de dĂ©chets ligneux, buyo-buyo (plante ligneuse) ou de bambou. Le buyo-buyo est taillĂ© et la coupe est contrĂŽlĂ©e en vue d’assurer la crois-sance d’autres espĂšces dans la zone. En outre, les tisserands ont Ă©tĂ© formĂ©s aux techniques de rĂ©colte de l’écorce utilisĂ©e pour teindre de maniĂšre durable, en utilisant l’écorce d’un seul cĂŽtĂ© de l’arbre pour l’empĂȘcher de mourir. Les artisans font Ă©galement pousser de nouveaux arbres que l’on peut utiliser comme colorants et ils ont commencĂ© Ă  mettre en place une pĂ©piniĂšre. Enfin, un systĂšme d’évacuation des eaux usĂ©es doit ĂȘtre installĂ© dans un proche avenir.

Le CMCC rencontre rĂ©guliĂšrement l’ensemble des communautĂ©s pour leur poser directement des questions sur l’utilisation durable de l’en-vironnement. De plus, le personnel du CMCC rend visite aux communautĂ©s pour contrĂŽler l’utilisation durable des forĂȘts et des matĂ©riaux et prĂ©parer un « rapport annuel sur le suivi de l’impact ».

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Un autre systÚme alimentaire local soutenu par la communautéPetra van de Kop, Klaas Nijhof, Henk Kloen et Arnoud Braun

Avec la globalisation croissante des systĂšmes alimentaires, des questions sont de plus en plus soulevĂ©es eu Ă©gard Ă  l’intĂ©gritĂ© de nos sources d’alimentation, l’impact de leur pro-duction sur l’environnement et des animaux, et l’équitĂ© des Ă©changes commerciaux entre consommateurs et intervenants de la chaĂźne alimentaire. Les inquiĂ©tudes des consomma-teurs se sont traduites par la crĂ©ation d’un marchĂ© international grandissant pour des produits Ă©changĂ©s de maniĂšre Ă©quitable, mais aussi par des initiatives locales permet-tant de s’approvisionner directement auprĂšs des producteurs. Face aux Ă©volutions des systĂšmes alimentaires du monde, les petits exploitants, partout, diversifient leur produc-tion et leurs revenus. La « Community Sup-ported Agriculture (CSA) » [Agriculture sou-tenue par la communautĂ© ou ASC au QuĂ©bec - Association pour le maintien de l’agricul-ture paysanne ou AMAP en France] est un modĂšle de commercialisation qui favorise une production alimentaire locale et durable du point de vue de l’environnement.

L’ASC est un concept qui a Ă©mergĂ© dans les annĂ©es 1960, en Suisse et au Japon. Il s’agit d’un partenariat qui lie des consommateurs soucieux d’avoir des aliments « sĂ»rs » et des producteurs Ă  la recherche de marchĂ©s sta-bles pour leurs rĂ©coltes. Au Japon, l’ASC est appelĂ©e Teikei qui, littĂ©ralement, signifie «le visage du fermier est sur le produit ». L’ASC est un partenariat Ă©conomique et social fon-dĂ© sur un engagement rĂ©ciproque entre une ferme (le producteur) et une communautĂ© d’adhĂ©rents (les consommateurs). L’ASC peut prendre plusieurs formes mais, fondamen-talement, ses membres s’engagent auprĂšs du producteur pour soutenir la ferme tout au long de la saison culturale, en achetant, d’avance, une partie de la rĂ©colte. La ferme fournit, du mieux qu’elle peut, un ensemble de produits frais tout au long de cette saison. En retour, elle est assurĂ©e de disposer d’un marchĂ© fiable garantissant ainsi un revenu permanent au producteur. L’une des diffĂ©-rences essentielles entre l’ASC et le systĂšme alimentaire industriel rĂ©side dans le partage Ă©quitable des risques de production entre les

partenaires. En Europe et aux Etats-Unis, l’on assiste depuis le dĂ©but des annĂ©es 1990 Ă  un dĂ©veloppement croissant des ASC.

L’expĂ©rience de De Nieuwe Ronde

Aux Pays-Bas, on dĂ©nombre plus de 100 initiatives de type ASC, dont 80 pour cent sont des fermes biologiques. De Nieuwe Ronde (ou « le Nouveau cercle ») est une ferme ASC situĂ©e Ă  Wageningen, dans le centre des Pays-Bas. L’initiative a dĂ©marrĂ© en 1998 et s’est transformĂ©e en une ferme de 1,5 hectares qui fournit ses produits Ă  150 foyers (soit environ 220 adultes). Le modĂšle commercial ASC consiste en un partenariat entre un producteur et une association de membres (consommateurs). Le premier objectif de De Nieuwe Ronde est d’utiliser l’espace de la ferme de maniĂšre durable tant du point de vue social, Ă©cologique et Ă©co-nomique (d’oĂč l’appellation 3 P, « Personnes, PlanĂšte et Profit »).

Juin 2007 «célébration des fraises», les enfants sont encouragés à se rapprocher de la nature.

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Agriculture sociale

Les membres ont diverses raisons de se join-dre Ă  De Nieuwe Ronde, raisons allant de la qualitĂ© du produit (biologique, frais, savou-reux), au souhait pur et simple de soutenir un systĂšme alimentaire plus durable, en pas-sant par le manque de temps ou d’énergie pour s’adonner eux-mĂȘmes Ă  l’activitĂ© agri-cole, l’aspiration Ă  un environnement sain et agrĂ©able, le dĂ©sir d’une relation plus Ă©troite avec le systĂšme de production alimentaire. Bien que le producteur soit propriĂ©taire de la ferme, les membres considĂšrent celle-ci comme « leur terre ». Ils peuvent en effet l’utiliser comme lieu de rencontre, de dĂ©-tente et parfois pour participer aux activitĂ©s agricoles. Un site Web et un bulletin d’in-formations Ă©lectronique mensuel informent les membres des activitĂ©s sociales (fĂȘte de la moisson, ateliers culinaires ou d’arrange-ment floral) et agricoles, y compris la dis-ponibilitĂ© de lĂ©gumes Ă  rĂ©colter. Ils peuvent aussi aider en participant Ă  divers travaux sur la ferme tels que le dĂ©sherbage ou la prĂ©paration de confitures. Globalement, les membres sont satisfaits de l’initiative et prĂšs d’un tiers d’entre eux participent activement Ă  la vie de l’association (Cf. rĂ©partition des tĂąches dans l’EncadrĂ©).

Agriculture Ă©cologique

La ferme est certifiĂ©e bio, conformĂ©ment aux normes de la sociĂ©tĂ© nĂ©erlandaise de certi-fication, la SKAL. Toutefois, les membres ont voulu aller au-delĂ  en utilisant une rotation des cultures plus importante pour prĂ©venir les maladies des plantes. En outre, certains Ă©lĂ©ments du paysage (haies et bandes d’ar-bustes) ont Ă©tĂ© placĂ©s afin d’en accroĂźtre la biodiversitĂ© et la valeur Ă©cologique. Les

enfants des membres fréquentent la ferme pour découvrir certaines cultures et en savoir davantage.

Agriculture Ă©conomique

Les membres s’acquittent d’une cotisation annuelle fixe qui couvre tous les frais, y com-pris le salaire du producteur. Cette contribu-tion donne droit en retour Ă  une partie des lĂ©gumes, fruits, pommes de terre et fleurs produits au cours de la saison culturale. Tout surplus Ă©ventuel est transformĂ© par l’associa-tion et vendu Ă  de tierces parties pour crĂ©er d’autres revenus. Les membres de l’associa-tion partagent Ă©quitablement les risques : si la production d’une certaine culture est en deçà des attentes, chacun rĂ©colte moins que prĂ©vu. D’autre part, ils profitent de tout ex-cĂ©dent de rĂ©colte si la production dĂ©passe les prĂ©visions. Chaque annĂ©e, un rapport annuel fait Ă©tat de la situation des « 3P » et le producteur partage son rapport financier avec les membres au cours de l’assemblĂ©e annuelle. C’est aussi lors de cette assemblĂ©e que le producteur et les membres dĂ©cident du plan de culture et du montant de la coti-sation Ă  verser pour l’annĂ©e suivante.

Principaux enseignements tirés

De Nieuwe Ronde est un exemple concluant d’une relation commerciale de type ASC. L’une de ses caractĂ©ristiques marquantes est que le producteur a dĂ©marrĂ© l’activitĂ© sans soutien financier extĂ©rieur. Il s’agit unique-ment de personnes motivĂ©es qui font tout pour rĂ©aliser leurs ambitions de maniĂšre autonome. Dans l’idĂ©al, ce risque devrait

ĂȘtre partagĂ© avec l’association, mais il a fallu installer la confiance d’abord. Au nombre des valeurs clĂ©s devant garantir le succĂšs il faut citer l’intĂ©gritĂ©, la confiance, le sens de la responsabilitĂ©, la collaboration et l’ouverture. Outre le temps, il faut une communication intensive, formelle et informelle, entre le producteur et les consommateurs pour dĂ©-velopper la confiance et les valeurs parta-gĂ©es. Une fois Ă©tabli, ce lien s’avĂšre assez puissant pour une coopĂ©ration durable entre producteur et membres, mais aussi au sein mĂȘme des membres. L’expĂ©rience montre qu’avec le temps, cette vision claire et parta-gĂ©e a Ă©voluĂ©. Comme l’association est deve-nue un rĂ©seau de personnes aux atouts dif-fĂ©rents, leur connaissances, force de pensĂ©e et moyens financiers peuvent ĂȘtre mobilisĂ©s pour surmonter les difficultĂ©s.

En dehors de la participation positive des consommateurs, une organisation de type ASC impose de nouvelles exigences aux pro-ducteurs. Ils doivent en effet consacrer beau-coup plus de temps Ă  la communication avec les consommateurs mais aussi abandonner un peu de leur autonomie et contrĂŽle. Il leur faut accepter de voir les membres se prĂ©-senter Ă  la ferme Ă  divers moments et pro-cĂ©der de maniĂšres diffĂ©rentes des leurs. Ces questions reflĂštent une importante barriĂšre psychologique pour nombre de fermiers. NĂ©anmoins, le fermier reste libre d’expri-mer certaines limites : il peut par exemple fermer l’accĂšs Ă  une partie de la ferme, ou mĂȘme restreindre les types de travaux que les membres peuvent y entreprendre.

De Nieuwe Ronde n’est qu’un exemple d’ini-tiative ASC qui a prospĂ©rĂ© dans une situation particuliĂšre. L’on compte plusieurs formes

Agriculture durable et inclusion sociale

Les inĂ©galitĂ©s existent dans toutes les sociĂ©tĂ©s en raison du sexe, de l’ñge, de la religion, des castes ou de l’appartenance culturelle, du faible niveau d’instruction ou de revenu, du chĂŽmage, des maladies, des handicaps, ou de la situation gĂ©ographi-que, entre autres. Ces Ă©lĂ©ments sont facteurs d’exclusion sociale et de marginalisation au sein de la sociĂ©tĂ© et peuvent porter atteintes Ă  la dignitĂ© et Ă  l’estime de soi.

A la diffĂ©rence de l’agriculture conventionnelle, l’agriculture durable Ă  faibles apports externes peut offrir la possibilitĂ© d’attĂ©-nuer ces diffĂ©rences. Ce numĂ©ro du magazine AGRIDAPE est Ă  la recherche d’exemples dans lesquels des personnes exclues ont surmontĂ© ces obstacles. Par exemple, lorsqu’un groupe marginalisĂ© pose des actes pour amĂ©liorer leur vie, se mobilise pour accĂ©der Ă  la terre, Ă  l’eau, ou au marchĂ©, ou lorsqu’une communautĂ© stigmatisĂ©e trouve une voie d’inclusion au travers de l’agrotourisme ou de la commercialisation des produits artisanaux.

L’inclusion sociale peut venir du gouvernement, des ONG, des entreprises ou des responsables de la communautĂ©, par exem-ple, dans des programmes oĂč les orphelins, les veuves, certaines groupes ethniques ont peu renforcer leurs capacitĂ©s dans les activitĂ©s agricoles, amĂ©liorant ainsi leurs moyens d’existence. Ou encore, le gouvernement peut modifier les rĂšgles d’accĂšs au marchĂ©, Ă  la terrer Ă  l’éducation en faveur de certains groupes exclus

Nous cherchons des histoires qui mettent en valeur ces initiatives locales.

DĂ©lai de soumission des articles 31 juillet 2008.

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diffĂ©rentes d’agriculture soutenues par la communautĂ© et, partout dans le monde, on assiste au dĂ©veloppement de nouvelles variantes sur ce thĂšme. Par exemple, les consommateurs peuvent recevoir un panier hebdomadaire de produits alimentaires plu-tĂŽt que de les rĂ©colter eux-mĂȘmes ; les fer-miers peuvent fournir un groupe de consom-mateurs Ă  la fois, offrant ainsi une gamme plus vaste de produits ; les consommateurs peuvent avancer les frais d’investissements requis contre la production de plusieurs an-nĂ©es de la ferme.

Pertinence du modĂšle pour la petite exploitation agricole

RĂ©agissant aux Ă©volutions sociĂ©tales, les marchĂ©s alimentaires locaux commencent aussi Ă  se dĂ©velopper dans les pays Ă  reve-nus intermĂ©diaire et faible. D’autre part, les petits exploitants font de plus en plus face Ă  un essor rapide, dans leurs pays, de prĂ©pa-rateurs industriels d’aliments, commerçants grossistes et dĂ©taillants dynamiques et mo-dernes. D’oĂč des dĂ©fis importants qu’il leur faut relever car ils doivent fournir des pro-duits de haute qualitĂ©, de maniĂšre rĂ©guliĂšre et en quantitĂ©s voulues tout en respectant les normes sociales, Ă©cologiques et d’hygiĂšne. Par ailleurs, beaucoup de pays industrialisĂ©s assistent Ă  l’émergence, dans les grandes agglomĂ©rations, de classes moyennes sou-cieuses de la qualitĂ© de leur alimentation. Cette situation prĂ©sente des opportunitĂ©s pour les petits producteurs agricoles, en par-ticulier ceux qui sont Ă  proximitĂ© des centres urbains. Au Vietnam par exemple, l’on note l’importance grandissante d’un groupe de consommateurs urbains intĂ©ressĂ©s et dispo-sĂ©s Ă  payer plus cher pour avoir des lĂ©gu-mes « sains », exempts de pesticides.

Alors que les populations rurales sont plus susceptibles de pouvoir cultiver un petit carrĂ© de lĂ©gumes pour leur propre consom-mation, beaucoup de consommateurs des zones urbaines ne peuvent gĂ©nĂ©ralement pas bĂ©nĂ©ficier de cette option. Le modĂšle des ASC peut, virtuellement, jouer un rĂŽle dans la planification de l’espace. Il pourrait aider Ă  conserver des espaces verts prĂšs des centres urbains ou mĂȘme Ă  l’intĂ©rieur de ces derniers, servant ainsi de contrepoids Ă  l’ex-pansion des villes.

De nouvelles initiatives apparaissent Ă  l’échelle du globe, sous diverses formes, et dans lesquelles les fermiers et les consom-mateurs ont dĂ©veloppĂ© conjointement des systĂšmes alimentaires adaptĂ©s aux possibi-litĂ©s locales et aux besoins de deux parties. Dans l’Etat de Jalisco, au Mexique, le Circle of Responsible Production (Cercle de production responsable), regroupe des fermiers produc-teurs biologiques et des consommateurs. Le Cercle s’est constituĂ© au milieu des annĂ©es 90 et regroupe producteurs, consommateurs et promoteurs partageant des buts com-muns eu Ă©gard Ă  la rĂ©alisation de la sĂ©curitĂ© alimentaire, de la justice Ă©cologique et de la fourniture d’aliments sains. Des Ă©ducateurs Ă©cologistes soutiennent Ă©galement le Cercle Ă  travers l’organisation de programmes ra-diophoniques, de prĂ©sentations et d’ateliers dans lesquels ils discutent des effets nĂ©ga-tifs des produits agrochimiques sur la santĂ© humaine et sur l’écologie. Au BrĂ©sil, dans le plateau Serra Grande de l’Etat de Ceara, une autre initiative ASC a dĂ©marrĂ© en 1997. Un nombre croissant de fermiers biologiques de la zone ont voulu crĂ©er des dĂ©bouchĂ©s commerciaux pour leurs produits au mo-ment oĂč des consommateurs ont exprimĂ© leur souhait d’avoir accĂšs Ă  des aliments pro-duits de maniĂšre biologique. Ils ont tenu des

rĂ©unions pour discuter des coĂ»ts de produc-tion et de la disponibilitĂ© des lĂ©gumes tout au long de la saison. En consĂ©quence, les consommateurs s’acquittent d’une cotisation mensuelle convenue et peuvent opter soit pour un « choix libre » soit pour un panier hebdomadaire contenant dix variĂ©tĂ©s diffĂ©-rentes de lĂ©gumes bios. En 2002, le projet a nourri 450 consommateurs avec les fruits et lĂ©gumes fournis par quatre petits pro-ducteurs, trois autres fournissant le lait et la volaille. L’initiative a permis aux consomma-teurs d’obtenir des aliments bios Ă  des prix infĂ©rieurs Ă  ceux pratiquĂ©s par les dĂ©taillants traditionnels ; elle a aussi permis aux pro-ducteurs de recevoir un revenu garanti deux fois plus Ă©levĂ© que la moyenne rĂ©gionale.

Pour conclure, les expĂ©riences ASC montrent Ă  quel point les inquiĂ©tudes croissantes des consommateurs urbains peuvent se traduire en une coopĂ©ration avec les fermiers, res-taurant ainsi l’équilibre entre zones rurales et urbaines et chaĂźnes alimentaires mondia-les et locales.

Petra van de Kop (Membre du Conseil), Klaas Nijhof (Producteur), Arnaud Braun (Membre), De Nieuwe Ronde, Wageningen, The Netherlands. E-mail : [email protected], [email protected], [email protected] Kloen, CLM consultancy, Culemborg, The Netherlands. E-mail : [email protected]

Références-Simmons, L. et S. Scott, 2007. Health concerns drive safe vege-table production in Vietnam. Magazine AGRIDAPE 23-3

-Friends of the Earth, 2002. Towards a Community Supported Agriculture. Friends of the Earth, Brisbane, Australia.

-Altieri, M.A., L. Ponti et C.I. Nicholls, 2006. Managing pests

through plant diversification. Leisa magazine 22-4Friends of the Earth, 2002. Cultivating Communities. 14th IFOAM Organic World Congress

RĂ©partition des tĂąches et des responsabilitĂ©s entre producteurset membres de l’association

Gestion de la ferme et culture de légumes, fruits, herbes et fleurs.

Tentative d’atteindre une lĂ©gĂšre surproduc-tion pour pallier aux mauvaises rĂ©coltes et assurer une plus grande valeur Ă©cologi-que

Informer les membres de l’association des cultures Ă  rĂ©colter

Apporter une main d’oeuvre suffisante pour la gestion des terres de la ferme

Apporter et assurer l’entretien des Ă©quipe-ments agricoles appropriĂ©s

Acheter les intrants nécessaires à une pro-duction durable

Administration de la ferme

Moisson de cultures indiquĂ©es par le producteur, Ă  l’aide de techniques appro-priĂ©es.

Participation aux travaux de la ferme éven-tuellement (désherbage, transformation)

Supervision de l’utilisation de la ferme en l’absence du producteur

ActivitĂ©s telles que production de bulletin d’information, gestion de site Web, orga-nisation d’activitĂ©s sociales, transformation de l’excĂ©dent de production

S’assurer que tous les membres de l’asso-ciation s’acquittent de leur cotisation

‱ Elaboration de plan de culture, une fois que le producteur a fait une proposition et dĂ©terminĂ© les «conditions limites»

‱ DĂ©termination du taux de la cotisation, le conseil de l’association fait une premiĂšre proposition

‱ DĂ©finition de la stratĂ©gie Ă  court et Ă  long terme

‱ Communications externes (journĂ©es com-munautaires, sĂ©minaires, ateliers et publi-cations)

Producteur Association Responsabilité partagée

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NOTES DE TERRAINUne journée sur une plateforme multiacteursà Zé, BéninH.Hocdé, J. Lançon, B. Lokossou, A.Kouké, H. Hounsi

En cette journĂ©e de fĂ©vrier 2008, sous une magnifique rangĂ©e de palmiers Ă  huile offrant une ombre bienfaisante, un groupe de paysans et paysannes conversent tranquillement avec une dĂ©lĂ©gation d’une quinzaine de personnes venues du BĂ©nin mais aussi de plus loin, Burkina Faso, Cameroun, France, Gabon, Philippines et SĂ©nĂ©gal. A cĂŽtĂ© d’une majoritĂ© de chercheurs, on trouve un reprĂ©sentant d’organisation paysanne, un technicien d’ONG et mĂȘme un restaurateur de Libreville qui a bĂąti sa rĂ©putation grĂące aux « beignets » de plantain. Tous travaillent au sein de projets soutenus par la CoopĂ©ration française Ă  travers le programme DURAS qui vise Ă  la promotion du dĂ©veloppement durable dans les systĂšmes de recherche agricoles au Sud. Les visiteurs sont rĂ©unis pendant une semaine Ă  la capitale Cotonou pour partager leurs expĂ©riences et capitaliser leurs rĂ©sultats. La rencontre avec les paysans de ZĂ©, un des sites bĂ©ninois du projet INNOBAP (Innovation en banane et plantain) est destinĂ©e Ă  illustrer la rĂ©alitĂ© d’une organisation impliquant producteurs, commerçants et chercheurs

autour d’activitĂ©s d’évaluation de variĂ©tĂ©s de plantain.AprĂšs les civilitĂ©s d’usage, le responsable du groupe visiteur propose d’engager la rencontre par un Ă©change libre qui sera suivi d’une visite de champ ; Ă  leur retour les visiteurs se retrouveront entre eux pour dĂ©gager une premiĂšre synthĂšse et la partager ensuite avec leurs hĂŽtes. Et, tradition oblige, la route ne sera donnĂ©e aux visiteurs qu’aprĂšs avoir partagĂ© le repas organisĂ© par le comitĂ© d’accueil (au menu : Carpe Ă  l’huile de palme, Abloh de maĂŻs 
 et bien entendu Alocos de plantain).

Premiers Ă©changes

La majeure partie des interlocuteurs sont des producteurs et productrices de plantain, l’un d’entre eux annonçant qu’il a chez lui 8 Ă  9 variĂ©tĂ©s. A cĂŽtĂ© des planteurs, on trouve aussi une commerçante, un pĂ©piniĂ©riste et le responsable agricole de la commune chargĂ© du suivi des parcelles. Les paysans de ZĂ© racontent qu’ils ont reçu du Cameroun sous forme de rejets et de

vitro-plants huit variĂ©tĂ©s qu’ils ont plantĂ©es sur une parcelle commune et dans leurs parcelles. Au champ, les variĂ©tĂ©s se sont toutes bien comportĂ©es mais lors de la dĂ©gustation, crues Ă  l’état frais, en frites (aloco) ou en chips, beaucoup ont Ă©tĂ© rejetĂ©es pour finalement n’en retenir que 3 issues de prospection rĂ©alisĂ©es par le CARBAP, centre africain de recherche sur la banane et le plantain (Ekon Zok, Big Ebanga et BĂątard) et un hybride L 5449 crĂ©Ă© par ce mĂȘme centre1.Avant de visiter la parcelle commune, l’impression des visiteurs se forme : la Recherche est intervenue Ă  4 niveaux: i) fournir des variĂ©tĂ©s, ii) assurer une formation technique sur le mode de conduite des bananiers (semis, fumure 
.), iii) former Ă  une mĂ©thode de multiplication rapide des rejets, iv) proposer une dĂ©marche de concertation entre recherche, paysans et autres acteurs. Les paysans sont convaincus : ils affirment bien connaĂźtre les

1 La variĂ©tĂ© locale, intercalĂ©e parmi les variĂ©- La variĂ©tĂ© locale, intercalĂ©e parmi les variĂ©-tĂ©s Ă  Ă©valuer, sert de rĂ©fĂ©rence pour toutes les Ă©valuations, qu’elles soient agronomiques ou culinaires.

Le projet INNOBAP a mis en place des plateformes répondant à deux objectifs : i) évaluer des variétés ou du matériel génétique plantain fournis dans un premier temps par le CARBAP, ii) améliorer la prise en compte des attentes des utilisateurs dans les programmes de recherche du CARBAP.

La plateforme associe un dispositif de terrain destinĂ© Ă  observer et tester du matĂ©riel gĂ©nĂ©tique et un dispositif de concertation qui formalise le partenariat entre la recherche et les utilisateurs. Ses organes sont le CP ou comitĂ© de pilotage et le CUEL ou club d’utilisateurs et d’experts locaux.

La mission gĂ©nĂ©rale du CP est de conduire la Plateforme vers l’objectif qu’elle s’est fixĂ©. Il est chargĂ© de dĂ©finir et de valider les orientations stratĂ©giques (notamment objectif et plan d’action), contribuer Ă  l’apport des ressources nĂ©cessaires Ă  la conduite des activitĂ©s, contrĂŽler la bonne gestion des ressources mises Ă  disposition, veiller Ă  la bonne circulation de l’information entre les acteurs concernĂ©s, assurer la diffusion des rĂ©sultats obtenus, entreprendre les actions visant la pĂ©rennisation des activitĂ©s.

Pour faire partie du CP, il faut ĂȘtre mandatĂ© par une organisation partenaire1. Le CP inscrit dans une charte qu’il adopte les rĂšgles essentielles de son fonctionnement, concernant notamment les modalitĂ©s de dĂ©cision, les conditions d’exercice et d’exclusion. Il rend rĂ©guliĂšrement compte Ă  ses mandataires. A ZĂ©, il est composĂ© de 6 membres : le coordonnateur de l’Union des producteurs du sud (prĂ©sident), le prĂ©sident de l’Union Communale des Producteurs (vice-prĂ©sident), un chercheur (secrĂ©taire), le directeur adjoint de l’ONG Germe spĂ©cialisĂ©e dans l’appui-conseil aux OP, enfin, le responsable local du Centre RĂ©gional de Promotion de l’Agriculture (vulgarisation).

Une Parcelle Commune de RĂ©fĂ©rence (PCR) a Ă©tĂ© installĂ©e chez Omer pour comparer les variĂ©tĂ©s proposĂ©es par la recherche. C’est le CUEL qui est chargĂ© de l’évaluation de ces variĂ©tĂ©s du point de vue agronomique, culinaire et Ă©conomique. Il est constituĂ© de personnes volontaires, jugĂ©es expertes dans la culture ou transformation du plantain, sĂ©rieuses dans leur travail et dĂ©sireuses de partager leur expĂ©rience. Parmi la trentaine de personnes qui le constituent, on trouve des agriculteurs volontaires pour tester chez eux 2-3 variĂ©tĂ©s de plantain mais aussi des pĂ©piniĂ©ristes multiplicateurs, des transformateurs, des restaurateurs, des agents de vulgarisation et autres utilisateurs potentiels, finaux ou intermĂ©diaires, de ces variĂ©tĂ©s.

1 Sont considérées comme partenaires, les institutions, organisations représentatives ou privées qui mettent des ressources (financiÚres, humaines, logistiques et matérielles) au service du projet collectif.

La plateforme d’innovation variĂ©tale, son comitĂ© de pilotage et sa charte

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NOTES DE TERRAINvariĂ©tĂ©s qui leur conviennent. Ils regrettent l’insuffisance de rejets disponibles qui permettraient aux autres paysans de tester Ă  leur tour, de planter et de vendre. Car les voisins sont curieux : ils viennent Ă©couter, veulent savoir et connaĂźtre eux aussi. Mais le souci actuel des paysans de ZĂ© n’est pas tant de diffuser les rĂ©sultats que de disposer d’une gamme Ă©largie de matĂ©riel gĂ©nĂ©tique de base pour atteindre voire dĂ©passer les rĂ©sultats escomptĂ©s au dĂ©marrage du projet.

Echanges sur la parcelle commune

La visite intĂ©resse beaucoup les visiteurs et les demandes de prĂ©cisions fusent. Le paysan responsable de la parcelle commune est sollicitĂ© de toute part et plus particuliĂšrement sur un point « Si le projet se termine en juin prochain, que vas-tu faire de ta parcelle ? » et la rĂ©ponse, exemplaire, est immĂ©diate « j’ai signĂ© la convention pour 4 ans ; je dois la respecter ou discuter avec tout le monde ». Dans l’immĂ©diat, la parcelle est entretenue par les 16 paysans membres de la plateforme. Tout en y travaillant, ils s’interrogent : « Comment imaginer un mode de financement de la plateforme qui assurerait la relĂšve de DURAS ? ».

Echanges sur la perception des visiteurs

Les visiteurs restituent leur point de vue autour de 3 points : i) le renforcement des capacitĂ©s, ii) la participation, iii) la gestion des connaissances. « Nous avons Ă©tĂ© heureux de constater Ă  la base, une plateforme trĂšs active. Vous avez une Parcelle commune qui permet d’expĂ©rimenter, d’accepter et de refuser des rejets (
). Le transfert de connaissances se fait dans les 2 sens : en mĂȘme temps que vous recevez des chercheurs, vous leur apportez
 Vous avez une approche intĂ©grale : sĂ©lection, transformation, commerce 
 vraiment nous vous encourageons. 
 Nous constatons que vous avez un vrai leadership mais que celui-ci n’est pas Ă©crasant. Il permet Ă  tout le monde de s’exprimer
. »Enfin, HervĂ©, le restaurateur gabonais, conclut : « Quant Ă  moi, je vous fĂ©licite pour la façon dont vous vous appropriez le processus 
 ce qui n’est pas vraiment le cas chez moi ». Il est chaleureusement applaudi.Les paysans de ZĂ© manifestent, en retour, leur satisfaction : « Nous sommes trĂšs contents de votre visite. Nous voyons une

coopĂ©ration entre tous ces Ă©trangers... Notre seule dolĂ©ance, c’est celle de pouvoir aller chez vous pour voir comment vous cultivez. 
 »

AprĂšs la visite

Le lendemain Ă  Cotonou, les visiteurs essaient de reprĂ©senter, de maniĂšre subjective, leur apprĂ©ciation du partenariat sur un schĂ©ma reprĂ©sentant une cible dont chaque quadrant illustre un thĂšme particulier promu par DURAS : partage des connaissances, participation, renforcement des capacitĂ©s et institutionnalisation. L’apprĂ©ciation est bonne lorsque les points sont proches du centre de la cible.Alors que, dans la plupart des projets de recherche on s’appesantit d’abord sur l’élaboration des protocoles et dispositifs expĂ©rimentaux, le projet INNOBAP a dĂ©marrĂ© d’une toute autre maniĂšre. Dans chaque pays, un petit noyau de personnes issues d’organisations de producteurs, d’ONG, de la recherche se sont rĂ©unies au cours d’un atelier de lancement, pour Ă©laborer un cahier des charges pour l’amĂ©lioration variĂ©tale, rĂ©diger et adopter une charte de gouvernance, prĂ©ciser leurs engagements, constituer un comitĂ© de pilotage, dĂ©crire et localiser les dispositifs d’expĂ©rimentation Ă  mettre en place. Cet ensemble dĂ©nommĂ© plateforme (voir encadrĂ©) constitue en fin de compte un dispositif formel de concertation entre la recherche et les utilisateurs de ses produits.

Henri HocdĂ©CIRAD-ES (Environnements et SociĂ©tĂ©s)UPR 88 Action collective, marchĂ© et rĂ©novation des politiques publiquesTA C-88/15 ; 73, av. Jean François Breton 34938 Montpellier Cedex 5Tel (33) 4 67 61 71 70 Fax (33) 4 67 61 44 [email protected]

Dr Jacques LançonCIRAD-PERSYST (Performance des systĂšmes de production)UPR 102 SystĂšmes de culture annuels Conseiller auprĂšs du Directeur gĂ©nĂ©ral de l’INRABAmbassade de France, 01 BP 966, Cotonou, BĂ©[email protected]

Bernardin LokossouChef Programme Cultures FruitiĂšres INRAB Institut national de recherches agricoles du BĂ©ninBP 58 Attogon, BĂ©[email protected]

Alphonse KoukĂ©BP 03 Attogon, BĂ©[email protected]

Omer HounsiProducteur, responsable de la parcelle commune ZĂ©, BĂ©ninAdresse : c/o Bernardin Lokossou

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Plate forme pour un commerce Ă©quitable http://www.commercequitable.org

CrĂ©Ă©e en 1997, la Plate-Forme pour le Com-merce Équitable (PFCE) est un collectif national de concertation et de reprĂ©sentation d’acteurs de commerce Ă©quitable français. Forte de 37 institutions, la PFCE rĂ©unit des organisations nationales de commerce Ă©qui-table auxquelles s’associent des structures qui appuient cette dĂ©marche. Depuis 2002, des associations de tourisme Ă©quitable en sont aussi membres. La principale mission de la plateforme est de dĂ©fendre et promouvoir le commerce Ă©quitable en France. Le site de la plate forme regroupe diverses in-formations sur le commerce Ă©quitable : l’histo-rique, les diffĂ©rentes dĂ©finitions du concept et des termes avoisinants, les enjeux, les rĂ©seaux d’acteurs etc
Ce site contient Ă©galement des documents de synthĂšse tĂ©lĂ©chargeables sur le commerce Ă©quitable et des fiches repĂšres pour les acteurs institutionnels.

RĂ©seau des centres de documentation et d’information pour le dĂ©veloppement et la solidaritĂ© internationale http://www.ritimo.org/

Ritimo est un rĂ©seau d’information spĂ©cialisĂ© sur la solidaritĂ© internationale et le dĂ©veloppe-ment. En France, dans plus de 70 lieux ouverts au public, vous trouverez de la documentation, des informations, des animations et des pistes pour agir. Ce site vous propose une information de base sur les grands thĂšmes de la solidaritĂ© interna-tionale et de l’actualitĂ© Nord Sud, notamment : ‱ Une collection de dossiers thĂ©matiques pour comprendre et agir, notamment sur les thĂš-mes suivants : Agriculture / Alimentation / Altermondialisme / CitoyennetĂ© / Commerce Ă©quitable / CoopĂ©ration internationale / Dette / DĂ©veloppement durable / DiversitĂ© culturel-le / Droits humains / Eau / Economie solidaire / Education / Energie / Enfants / Environne-ment / Femmes / Information / Migrations / Mondialisation / OGM / Paix / PĂȘche / SantĂ© / SociĂ©tĂ© civile / SolidaritĂ© internationale / Tourisme / Volontariat‱ une collection de dossiers pays : Afghanistan / Bolivie / BrĂ©sil / Burundi / Cote d’ivoire / HaĂŻti / Maroc / Mexique / RĂ©publique dĂ©mo-cratique du Congo / Rwanda / Palestine / Sa-hara occidental / Togo‱ des bases de donnĂ©es bibliographiques, d’outils pĂ©dagogiques, des acteurs de la soli-daritĂ© internationale. BibliothĂšque internationale pour un mon-de responsable et solidaire http://www.rinoceros.org/

Lancé en mars 2002 par Ritimo (Réseau des centres de documentation pour le développe-ment durable et la solidarité internationale) à

l’occasion d’une rĂ©union internationale de cen-tres de documentation, le projet rinoceros a pour objet de crĂ©er un espace d’informations internationales pour un dĂ©veloppement res-ponsable et solidaire.Le choix de rinoceros est de mettre un maxi-mum d’informations sĂ©lectionnĂ©es en ligne. Celles-ci sont choisies par le comitĂ© de rĂ©dac-tion et signĂ©es par un auteur qui en assume la responsabilitĂ©. Ces informations sont parfois dĂ©jĂ  disponibles sur le Web et mises Ă  dispo-sition par un lien Ă  partir d’un rĂ©sumĂ© et d‘une indexation rĂ©alisĂ©es par rinoceros.Les informations sont de nature diverse : brĂšves ou informations d’actualitĂ©, articles, expĂ©riences de terrain, dossiers, prĂ©sentation d’ouvrages , annuaire, campagnes citoyennes, agenda de manifestations internationales. Un accĂšs Ă  la base de donnĂ©es bibliographiques Ritimo est proposĂ© ainsi qu’à la base d’expĂ©-riences. Une base de donnĂ©es des auteurs per-met de retrouver l’ensemble des publications.Les informations sont organisĂ©es autour de 9 thĂ©matiques : mondialisation ; dĂ©mocratie et gouvernance ; guerre et paix ; droits fonda-mentaux ; dĂ©veloppement durable ; cultures et identitĂ©s ; mĂ©dias et TIC ; production, travail et consommation ; sciences et technologie.

MĂ©diaterrehttp://www.mediaterre.org/

Le «SystĂšme d’information mondial fran-cophone pour le dĂ©veloppement durable» dĂ©nommĂ© MĂ©diaterre, est une initiative de type II, telle que dĂ©finie Ă  l’occasion du Som-met Mondial sur le DĂ©veloppement Durable. MĂ©diaterre concourre Ă  la mise en Ɠuvre du dĂ©veloppement durable dans l’espace franco-phone par la diffusion et l’échange d’informa-tions. Il s’appuie sur deux principes : le premier considĂ©rant l’information et les connaissances comme un bien public, le second, issu des principes de gouvernance multiacteurs, vise les Ă©changes au sein d’une large communautĂ© nationale et internationale concernĂ©e par l’en-vironnement et le dĂ©veloppement durable. Ainsi, les objectifs du projet sont de contribuer Ă  la rĂ©duction de la fracture numĂ©rique Nord/Sud et au renforcement des capacitĂ©s en per-mettant les Ă©changes entre acteurs du dĂ©ve-loppement durable.La dĂ©marche est focalisĂ©e sur le dĂ©veloppe-ment d’outils et de mĂ©thodes favorisant le par-tage de l’information, en renforçant les foyers de compĂ©tences, toujours dans un objectif de renforcement de capacitĂ©, et en les position-nant sur le rĂ©seau tout en les dotant d’outils fĂ©dĂ©ratifs (bases de donnĂ©es, forums, calen-driers des activitĂ©s, annuaires
).

Forest peoplehttp://www.commercequitable.com/

Ce site prĂ©sente une sociĂ©tĂ© au service de l’homme et de la biodiversitĂ©. Il comprend

une rubrique Commerce Equitable donnant sa définition, ses objectifs, son historique et son fonctionnement.

Organisations de commerce écologique: se battre pour des bénéfices équitables tirés du commerce de produits forestiers non ligneux http://www.fao.org/docrep/x2450f/x2450f04.htm

Dans ce site, K. DĂŒrbeck nous prĂ©sente un do-cument intitulĂ© « Organisations de commerce Ă©cologique: se battre pour des bĂ©nĂ©fices Ă©quitables tirĂ©s du commerce de produits fo-restiers non ligneux ». Il y fait la prĂ©sentation d’organisations et d’alliances rassemblant pro-ducteurs et nĂ©gociants et luttant pour la dura-bilitĂ© Ă©cologique, Ă©conomique et sociale. Les organisations de commerce Ă©quitable visent Ă  garantir aux populations locales des systĂšmes d’approvisionnement durable et les avantages dĂ©rivant du commerce national, rĂ©gional et international. Ces organisations encouragent des pratiques commerciales fidĂšles aux prin-cipes de dĂ©veloppement durable sous toutes ses formes: Ă©cologique (utilisation et conser-vation), Ă©conomique (productivitĂ©) et sociale (Ă©quitĂ©).

Le média expert du développement durable http://www.novethic.fr/

Novethic.fr est le site de rĂ©fĂ©rence sur la Res-ponsabilitĂ© SociĂ©tale des Entreprises (RSE) et l’Investissement Socialement Responsable (ISR). Indispensable pour comprendre ces thĂ©-matiques et leurs enjeux, en connaĂźtre les ac-teurs, anticiper les Ă©volutions, Novethic.fr offre Ă  la fois une source trĂšs riche d’information et de pĂ©dagogie sur ces sujets et un accĂšs Ă  l’actualitĂ© quotidienne. Il offre de plus une in-formation dĂ©taillĂ©e et comparative sur tous les fonds ISR du marchĂ© français.Mis en ligne en octobre 2001, Novethic.fr com-prend des articles et dossiers exclusifs, rĂ©alisĂ©s par des journalistes, des guides pĂ©dagogiques et des bases de donnĂ©es uniques, sur les ONG, les fonds ISR ou les formations au dĂ©veloppe-ment durable.

abcverthttp://www.abcvert.fr/

Ce site contient une section ActualitĂ© dans laquelle l’on trouve des informations sur le commerce Ă©quitable, les ressources naturelles, la culture durable, les mĂ©dias, les Ă©nergies re-nouvelables, l’habitat, le recyclage etc.
 On y trouve Ă©galement une rubrique Eco-gestes qui sont des gestes simples que nous pouvons appliquer chaque jour pour prĂ©server notre planĂšte.

SITES WEB

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Le commerce sera Ă©quitable, Tristan Lecomte ISBN : 2-212-53833-2, 454 pages, Ă©dition Editions d’Organisa-tion, 2007

Le commerce Ă©quitable est une rĂ©ponse crĂ©dible et rentable aux rĂšgles injustes du commerce c o n v e n -t i o n n e l actuel. Un c h a n g e -ment ra-dical des p ra t i ques d’achat des m a t i Ăš r e s premiĂšres est en mar-che ainsi qu’un chan-g e m e n t des men-talitĂ©s dans notre rapport Ă  la consommation. MĂȘme si le mouvement reste encore marginal Ă  l’échelle des Ă©changes mondiaux, sa rĂ©us-site et son utilitĂ© ne sont plus Ă  prouver. Son dĂ©veloppement est solide et pĂ©renne, et la demande est croissante de la part des consommateurs dans le monde entier.Vous trouverez dans ce livre, plus de 50 expĂ©riences vĂ©cues dans des organisations de petits producteurs du commerce Ă©quita-ble dans le monde entier , Des outils mĂ©-thodologiques dĂ©taillĂ©s et le fonctionne-ment des organisations mis Ă  nu, tant pour aider le futur entrepreneur Ă©quitable que le consommateur dĂ©sireux d’en savoir plus

Coton. Des vies sur le fil»Olivier Bailly, StĂ©phane Parmentier, Ox-fam-Magasins du monde - DĂ©cembre 2005Des centaines de mains le traitent. Dans quelles conditions de travail ? Pour quel salaire ? Quel horaire ? Le coton soulĂšve des enjeux de politiques agricoles. Les sub-ventions des pays industrialisĂ©s sont-elles vraiment les premiĂšres responsables de la crise du coton africain ? Faut-il radier le mot «subsides» de l’agriculture ? La culture de coton est-elle condamnĂ©e Ă  exiger toujours plus de pesticides au dĂ©triment de l’envi-ronnement ? Les OGM sont-ils la solution ou le dĂ©mon des champs ? Le bio et l’équitable reprĂ©sentent-ils des alternatives crĂ©dibles ? Agriculture, environnement et conditions de travail sont des enjeux importants, complexes et vitaux pour des millions de personnes. Le champ du coton est vaste.

Ce livre tente de dĂ©mĂȘler les fils. Auteurs : Disponible dans tous les Magasins du mon-de-Oxfam.

L’aventure du commerce Ă©quitableRoozen, Nico et, Van der Hoof, Franz. Éditions JC LattĂšs. ISBN-10: 2709621800, 280 pages, 2002

Nico Roozen et Van der Hooz sont Ă  l’ori-gine d’une des initiatives les plus novatrices du monde Ă©conomique. Ce livre raconte leur histoire et par la mĂȘme l’histoire de la souffrance du tiers-monde et du dĂ©velop-pement du commerce Ă©quitable. En 1986, dans la gare d’Urecht les deux hommes se rencontrent et Ă©laborent le principe gĂ©nĂ©ral de leur idĂ©e. Dans les pays sous-dĂ©veloppĂ©s, il faut remplacer le principe de charitĂ© par un Ă©change mar-chand rentable qui protĂšgerait les petits producteurs. Le concept « Max Havelaar » du nom d’un hĂ©ros de la littĂ©rature est nĂ© : - un prix d’achat sur plusieurs annĂ©es est garanti aux producteurs, ainsi ils ne sont pas victimes des fluctuations du marchĂ©. - la maĂźtrise premiĂšre est ven-due Ă  de grands distributeurs. - le public l’achĂšte 10 Ă  15 % plus cher un produit labellisĂ©. Aujourd’hui 700 000 familles de petits pro-ducteurs de cafĂ©, de thĂ©, de chocolat soit 5 millions de personnes... bĂ©nĂ©ficient du commerce Ă©quitable dans 34 pays... Mais pour arriver Ă  ce rĂ©sultat Nico et Franz ont eu Ă  se battre contre prĂ©jugĂ©s et la mĂ©fian-ce des marchĂ©s contre les mafias locales groupes industriels. C’est cette formidable histoire que nous racontent ici les deux in-venteurs de ce principe rĂ©volutionnaire.

Les coulisses du commerce Ă©quitableChristian Jacquiau , Mille et une nuits, ISBN284205959X

Les ravages de la mondialisation condui-sent les citoyens Ă  rechercher des moyens de peser sur l’évolution de la sociĂ©tĂ©. Leur consommation en est un. À la fin des an-nĂ©es 1990, le concept de commerce Ă©qui-table conquiert le grand public avec un pro-duit-phare, le cafĂ©. TrĂšs vite, tout produit se prĂȘte Ă  sa version «équitable», l’équitable devient tendance. C’est un petit business qui monte. Son concept repose sur un triple engagement, celui des producteurs et des consommateurs arbitrĂ© par de nouveaux

intermĂ©diaires, les «acteurs» de l’équitable : les consommateurs paient «un peu plus cher» un produit achetĂ© Ă  un prix supĂ©rieur aux cours mondiaux pour assurer un revenu dĂ©cent aux petits producteurs du Sud. Les acteurs veillent au respect des normes so-ciales et environnementales. Qu’en est-il de la promesse que les uns et les autres se font ? Les o r g a n i s a -tions relais et entrepri-ses qui font de l’équita-ble tiennent-elles leurs e n g a g e -ments ? Qui est vraiment gagnant ? R Ă© p o n d r e Ă  ces ques-tions, c’est Ă©clairer d’un jour cru un aspect que certains «commerçants de la bonne conscience» aimeraient tenir secret. InitiĂ© par le militantisme citoyen, largement ins-trumentalisĂ© par les bureaux de marketing, le commerce Ă©quitable a Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ© par les marchands d’illusion. En se donnant Ă  la grande distribution et Ă  quelques transna-tionales en quĂȘte d’honorabilitĂ©, les adep-tes de la marchandisation de l’équitable ont ouvert la boĂźte de Pandore. Christian Jacquiau a menĂ© l’enquĂȘte pendant deux ans. Il nous invite dans l’arriĂšre-boutique d’un secteur mĂ©connu et nous dĂ©voile les dĂ©rives et abus commis au nom de l’équi-table.

Commerce équitable : Pro-positions pour des échanges solidaires au service du dé-veloppement durable Pierre Johnson, ed. Charles Léopold Mayer, Coll. Cahiers de Propositions Pour Le XXI° siÚcle. n°9, 2003/10, 182 p.

Face Ă  un commerce international conven-tionnel dont les rĂšgles sont globalement in-justes pour les pays du Sud, et notamment pour leurs producteurs ruraux, le commerce Ă©quitable vise Ă  Ă©tablir des relations en-tre producteurs et consommateurs basĂ©es sur l’équitĂ©, le partenariat, la confiance et l’intĂ©rĂȘt partagĂ©. Au cours des derniĂšres dĂ©cennies, ce mouvement a connu un dĂ©-veloppement soutenu dans certains pays du Nord, mais la question doit se poser de l’impact de ses pratiques et de sa capacitĂ© Ă 

B I B L I O G R A P H I E

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reprĂ©senter une alternative rĂ©elle pour un dĂ©veloppement durable et Ă©quitable. L’ac-tion du commerce Ă©quitable doit s’inscrire dans le contexte plus large d’une Ă©conomie au service des ĂȘtres humains, basĂ©e sur la dimension territoriale. Elle ne peut donc ĂȘtre envisagĂ©e indĂ©pendamment d’autres prĂ©occupations actuelles telles que la res-ponsabilitĂ© de chacun d’entre nous quant Ă  ses choix Ă©conomiques, les solidaritĂ©s rĂ©gionales entre consommateurs urbains et producteurs ruraux, la souverainetĂ© ali-mentaire, le dĂ©veloppement durable et le rĂŽle des territoires dans notre avenir. Ce cahier de propositions a Ă©tĂ© coordonnĂ© par Pierre Johnson, dans le cadre du PĂŽle de socio-Ă©conomie solidaire de l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire. Il synthĂ©tise les contributions de chercheurs et praticiens du commerce Ă©quitable, ras-semblĂ©es entre 1999 et 2002, Ă  l’occasion de plusieurs rencontres internationales et par Internet. Avec le soutien de la Fonda-tion Charles LĂ©opold Mayer pour le progrĂšs de l’Homme.

Nous ferons un monde Ă©qui-table, Francisco van der Hoff, Malthide Munoz, Aymeric Mantoux, et Erick Bonnier, ed. Flammarion, 2005

RĂȘver, mais les yeux grands ouverts : telle semble la premiĂšre devise de Francisco Van der Hoff. La seconde serait : protester, mais aussi proposer ! Proposer une alternative Ă©conomique qui dĂ©fie le modĂšle nĂ©olibĂ©ral et qui a commencĂ© de faire ses preuves : un marchĂ© juste et solidaire, des produits de haute qualitĂ©, des modes de culture respectueux de l’environnement. Soit le commerce Ă©quitable, qui procĂšde d’une « alliance « entre petits producteurs des pays du Sud et consommateurs du Nord, et dont les rĂšgles commerciales ne lĂšsent person-ne. Une rĂ©volution pacifique, initiĂ©e voilĂ  plus de vingt ans au Mexique par Francisco Van der Hoff, qui lutte aux cĂŽtĂ©s des petits producteurs. Le commerce Ă©quitable n’est pas une utopie. Aujourd’hui, c’est un mar-chĂ© en expansion qui remet en question le systĂšme dominant oĂč il n’existe en rĂ©alitĂ© ni relations dĂ©mocratiques ni Ă©conomie du-rable. Sans surprise, la rĂ©ponse des multi-nationales n’a pas tardĂ© : elles essaient de semer la confusion en proposant des labels « Ă©thiques «, des produits prĂ©tendument issus d’une agriculture durable.

Le Commerce Ă©quitable :quelles thĂ©ories pour quelles prati-ques ? CARY Paul , Paris : L’Harmattan, 2005. 149 p. (Collection GĂ©ographies en libertĂ©).

A partir d’entretiens et d’enquĂȘtes de ter-rain, l’ouvrage montre que l’économie Ă©quitable ne doit pas se rĂ©duire Ă  rendre plus juste l’échange marchand mais Ă  per-mettre la rĂ© appropriation des opĂ©rations commerciales par ceux qui les rĂ©alisent L’auteur analyse les expĂ©riences accom-plies dans les pays du Sud.

Le commerce Ă©quitable dans la France contemporaine, IdĂ©ologies et pratiques, Virginie Diaz Pedegral L’Harmattan, ISBN : 978-2-296-02708-4, 268 pages, mars 2007

Depuis une q u i n z a i n e d’annĂ©es, le c o m m e r c e Ă©quitable s’est fortement dĂ©-veloppĂ©, tant au niveau de sa notoriĂ©tĂ© que de ses vo-lumes de ven-te. Les filiĂšres se multiplient, les produits se diversifient et les acteurs se rĂ©clamant de la mouvance Ă©mergent de toutes parts. Pour apprĂ©hen-der ce fait social dans sa totalitĂ©, il importe de revenir sur la construction idĂ©ologique du phĂ©nomĂšne. Cet ouvrage retrace l’histo-rique du mouvement et fait le point sur les diffĂ©rents courants du commerce Ă©quitable en France.

Le guide du commerce Ă©qui-table, Ă©ditions Solar 222 pages, 2007 ISBN 2263043624

Ce livre a pour am-bition de permettre au consommateur de plus facilement des produits issus du com-merce Ă©quitable en lui fournissant 450 adres-ses oĂč acheter. C’est

aussi l’occasion d’un panorama complet du commerce Ă©quitable en en rappelant les dĂ©finitions, les circuits, les acteurs ou bien encore l’histoire. Bref, un ouvrage utile pour comprendre et pour agir

Regards croisĂ©s sur le commerce Ă©quitable, Vers un libĂ©ralisme responsable ? Sous la direction de Jean-Pierre Blanc, Ondine BrĂ©aud et Pierre Massia, lïżœharmattan, ISBN : 2-296-01129-2 ïżœ septembre 2006 ïżœ 136 pages

Dans des dĂ©-bats animĂ©s, des Ă©crivains, scientifiques, philosophes ou encore responsables p o l i t i q u e s d o n n e n t leur point de vue sur le c o m m e r c e Ă©quitable. Ils l ’examinent dans ses si-gnifications profondes et rappellent son fonctionnement rĂ©el. Ils montrent qu’il est directement liĂ© Ă  la question de l’agricultu-re biologique ou encore au surendettement de certains pays du Sud. Enfin, ils abordent la notion en terme de systĂšme politique, qu’il reste Ă  faire pleinement exister.

Du commerce, oui mais différemment EFTA 187 p. Octobre 2007

C’est le titre l’ouvrage collectif publiĂ© par l’EFTA, l’association de commerce Ă©quita-ble regroupant les centrales d’importation europĂ©enne, en collaboration avec les autres organisations internationales de commerce Ă©quitable. VĂ©ritable bible pour celles et ceux qui souhaitent s’initier au commerce Ă©quitable, « Du commerce oui, mais diffĂ©remment » dĂ©crypte le fonction-nement du commerce Ă©quitable Ă  travers les exemples concrets du cafĂ©, du riz , du coton ou encore de l’artisanat, et prĂ©sente les grands dĂ©fis auxquels le commerce Ă©quitable est aujourd’hui confrontĂ©.

B I B L I O G R A P H I E

Au sahel l’eau est rare et la pluviomĂ©trie mal repartie. Les effets combinĂ©s des changements climatiques et la dĂ©serti-fication entraĂźnent des dĂ©ficits agricoles aggravant l’insĂ©curitĂ© alimentaire. Les pay-sans n’ont que 3 Ă  4 mois pour produire suffisamment pour nourrir une population sans cesse croissante rencontrent d’énor-mes difficultĂ©s.Les cultures maraĂźchĂšres occupent une pla-ce prĂ©pondĂ©rante dans la production agri-cole au Burkina Faso. Elles sont constituĂ©es principalement de la tomate, de choux, d’aubergine, de pomme de terre, d’oignon, de carotte, etc.. Ces cultures sont rĂ©alisĂ©es autour de re-tenues d’eau ou des puits ce qui oblige les paysans Ă  sa bonne gestion pour produire plus longtemps. Monsieur Thomas Zongo, un producteur d’une cinquantaine d’annĂ©e, natif du vil-lage de Saria dans la zone du plateau cen-tral situĂ©e Ă  100 km de Ouagadougou dans province du BoulkiemdĂ© ; a dĂ©veloppĂ© la technique de « Cuvette Ă  Tomate » pour venir Ă  bout de ces difficultĂ©s. AnalphabĂšte

mais ayant beaucoup voyagĂ© Ă  l’intĂ©rieur comme Ă  l’extĂ©rieur du pays, il est l’un des plus grands producteurs d’oignon de la zone. Plusieurs autres producteurs mem-bres de son groupement ont Ă©galement expĂ©rimentĂ© la technique. Cette innova-tion a Ă©tĂ© reprise et expĂ©rimentĂ©e dans le jardin expĂ©rimental du CAES Ă  Gomtoaga, Ă  30 km au sud de Ouagadougou.

La rĂ©alisation des cuvettesLa terre prĂ©alablement labourĂ© et arro-sĂ©e est rassemblĂ©e autour d’un canari qui constitue le moule de la cuvette. La taille du canari est choisie en fonction de la lar-geur de la cuvette voulue. Une fois la terre bien tassĂ©e autour du canari, celui-ci est visĂ© pour lisser les parois intĂ©rieures de la cuvette et ensuite retirĂ©.La densitĂ© des cuvettes est de 1 m entre les lignes et de 40 cm entre elles. Le dia-mĂštre de la cuvette est de 30 cm et sa profondeur 15 cm. Un paysan fabrique en moyenne 20 cuvet-tes par heure.

Les tomates sont plantĂ©es au centre de la cuvette. Le compost ainsi que les autres fertilisants sont apportĂ©s directement dans le trou et cela permet une utilisation ef-ficiente des nutriments. L’arrosage se fait une fois tous les deux jours et non deux fois par jour pour les planches ordinaires. Il se dĂ©veloppe un microclimat qui favorise le dĂ©veloppement des plantes.

L’impact sur la production maraüchùre

Les cuvettes permettent une augmentation de 60 Ă  80 % de la production de tomate par rapport aux planches ordinaires grĂące Ă  une meilleure valorisation des Ă©lĂ©ments nutritifs et l’eau par les plantes. GrĂące Ă  l’humiditĂ© permanente dans les cuvettes, les plantes sont moins stressĂ©es et suppor-tent mieux les attaques des insectes et les maladies.

Bernard NonguiermaCentre Ecologogique Albert [email protected]

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Bernard Nonguierma

Les cuvettes Ă  tomate pour faire face Ă  la raretĂ© de l’eau

Le canari servant Ă  confectionner les cuvettes

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