Vers Une Culture Mondialisée Reve Ou Cauchemar - Bart Van Steengergen

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    Culturemon

    dialise

    les dbats

    Bart van

    Steenbergen,

    Sociologue,

    professeur lUniversit dUtrecht, Pays-Bas

    Dept ASW, FSW,

    University of Utrecht, the Netherlands,

    Post Box 80140, 3508 TC Utrecht the Netherlands

    E-mail : [email protected]

    La mondialisation peut tre perue comme une

    menace ou comme un challenge. Dans le dbat

    actuel sur la question de la mondialisation de la

    culture, le discours porte surtout la menace

    induite. Cet article passe en revue un certainnombre dhypothses-cauchemar sur lavenir

    de la culture mondialise et dmontre quen

    dpit de linquitude ambiante propos de

    lamricanisation rampante et du "choc des

    civilisations", aucun de ces scnarios nest

    crdible, ni confort par la ralit empirique.

    par Bart VAN STEENBERGENTraduction de Grazia Santagati

    La mondialisation de la culture

    Tout le monde a le mot mondialisation la bouche (...), un mot de passe qui ouvriraitles grilles de tous les mystres prsents etfuturs. Pour les uns, la mondialisation est

    le passage oblig pour le bonheur, pour lesautres ce mme mot signifie la cause de notre

    malheur . (Bauman, 1998)Il nest pas excessif de dire que la mondia-

    lisation est le sujet le plus dbattu des annesquatre-vingt-dix et que, vraisemblablement,il le sera encore pour un certain temps.

    Au dbut de cette dcennie, la mondialisa-

    tion tait avant tout associe lconomie etaux finances et tait considre comme unprocessus irrpressible qui subordonnaittoute la vie conomique aux fluctuations desmarchs mondiaux. La conviction taitrpandue que le contrle de ces marchs etdes entreprises transnationales qui y oprenttait impossible. On imaginait que les nationsne seraient plus le centre rel de la gestion

    conomique et quelles perdraient leur auto-nomie en matire daffaires sociales, tantforces dentrer en comptition avec des pays

    Vers une culturemondialise :

    rve ou cauchemar ?

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    revenus et dpenses publiques faibles.Une mondialisation qui reviendrait au

    triomphe du capitalisme libral, la findautres types de systmes conomiques, lasuppression des dpenses sociales des tats.

    Cest au tournant du sicle que le cur dudbat a t dplac du plan de la mondialisa-tion conomique celui de la mondialisation

    culturelle, les consquences ngatives atten-dues de la premire ne stant pas matriali-

    ses, du moins pas dans les socits occiden-tales. Les tats ont en effet poursuivi leuraction sociale, dans la plupart des pays occi-dentaux le chmage a recul et nous sommesen train dassister une reprise qui a cr unevision optimiste de lavenir, tout au moins entermes conomiques. Mme les socialistesadoptent actuellement une forme de libra-lisme modr et la politique de nombreux

    pays europens, qui peut tre vue comme uneforme de social-libralisme ou libralisme visage humain , semble tre un compromisassez bien russi entre gauche et droite.

    Les inquitudes que cre actuellement leprocessus de mondialisation concernent plusles problmes de lidentit, deluniformisation, de la reprsentation symbo-

    lique, de la signification de la vie, bref, dudomaine culturel. Pour citer les diteursdAgora, la mondialisation est pour beaucoup un processus de nivellement des diffrenceset des particularits, qui impose luniformitet qui pourrait tre qualifi de McDonaldi-sation de la socit ou amricanisation desstyles de vie et des valeurs .

    En rsum, les prvisions de crise socio-

    conomique lissue des processus de mon-dialisation paraissent devoir tre remplacespar une vision de cauchemar culturel dans

    lequel lamricanisation est souvent leconcept majeur et inclusif, du moins en

    Europe.Il est frappant que cette peur

    damricanisation soit le plus fortement dve-loppe en France. Les tats-Unis sont vuspar les Franais davantage que par lesautres Europens comme le pays barbarede la restauration rapide (le pendant vulgairede la haute cuisine ), des sries tlvisessentimentales et des films hollywoodienssuperficiels, plutt que le pays de Arthur Mil-ler, Frank Lloyd Wright, Leonard Bernstein,Eugene ONeill, Saul Bellow, William Faulk-ner, Jackson Pollock pour ne citer quequelques-uns des gants de la grande cultureAmricaine du XXe sicle qui viennent lesprit.

    Le scnario-cauchemar

    Il est logique dexaminer la question Cul-ture mondialise : rve ou cauchemar ? encommenant par la deuxime option, cellequi domine le discours actuel.

    Plusieurs auteurs ont exprim cette peur,parfois en dressant des scnarios pessimisteso la culture mondialise est soumise uneforme dimprialisme culturel des tats-Unis

    ou plus largement de lOccident.Un premier scnario a dj t dveloppdans les annes quatre-vingt par lAmricainHerbert Schiller (Schiller, 1979), thoricienmarxiste des mdias. Dans son approche,lide de culture globale doit tre mise surle mme plan quune culture global-capita-liste . Le pouvoir conomique et politiquedes mult inat ionales et leur capacit

    dexpansion mondiale saccompagne selonSchiller du pouvoir idologique de dfinir laralit culturelle mondiale. Dans un tel

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    contexte le rle crucial est jou par les com-pagnies transnationales de presse : la distri-

    bution et la commercialisation de leurs pro-duits vhicule les ethos et valeurs ducapitalisme dentreprise et du consumrisme.Dune manire similaire, Samuel Barber(1995) prvoit la possibilit dune culturemondiale uniformise et commercialise.

    Dans son ouvrage Jihad versus McWorld,ildveloppe trois scnarios. Dans son scna-

    rio de rve la culture est mondiale et com-munautaire, menace cependant par deuxcauchemars : lun tient la possibilit dunenouvelle forme de tribalisme mondial avecdes haines croissantes et des tensions natio-nalistes et ethniques, pour lesquelles il utilisele mot Jihad .

    Lautre, le plus intressant en loccurrenceest le scnario Mc World . Barber affirme

    que lconomie mondiale et les puissancestechnologiques mergentes crent une cul-ture de masse et hypnotisent les publics avecune musique au rythme acclr, des ordina-teurs performants et la restauration rapide :MTV, MacIntosh et McDonald. Les troisimplmentent conjointement une culture glo-bale uniformise, un McWorld uni par les

    moyens de communication, dinformation, decommercialisation et de divertissementmodernes.

    La McDonaldisation

    Lhypothse la plus connue dans cecontexte est celle de Ritzer. Il dfinit ce quilappelle McDonaldisation de la socit (Rit-zer, 1996) comme tant le processus parlequel les principes de la restauration rapide

    parviennent dominer de plus en plus desecteurs de la socit amricaine aussi bienque du reste du monde.(Ritzer, 1996, p. 1)

    On est face au cauchemar ultime de la cul-ture globale, une forme la fois

    dexpansionnisme et dimprialisme. En pre-mier lieu, dans les mots de Ritzer LaMcDonaldi sa tion n a ffec te pas quelindustrie de la restauration, mais aussilducation, le travail, la sant, le voyage, lesloisirs, lalimentation, la politique, la familleet virtuellement tous les autres aspects de lasocit (Ritzer 1996, p. 1). Le deuximeargument de Ritzer est que la McDonaldisa-tion sest rpandue de sa source aux tats-Unis, venant affecter de plus en plus desocits dans le monde (Ritzer, 1996, p. 292).Il faut souligner ici que pour Ritzer la McDo-naldisation ne doit pas tre essentiellementassocie un modle spcifique de consom-mation ou un style de vie, mais plutt untype spcifique de culture dentreprise. Ce

    qui se passe dans lindustrie de la restaura-tion rapide est, selon lui, typique du proces-sus de rationalisation qui mne finalement ce que le sociologue Max Weber a appel la cage de fer de la rationalisation . LaMcDonaldisation est caractrise par des

    procds extrmement efficaces qui sont lecalcul, laccent mis sur la quantit (au dtri-

    ment de la qualit), la prvisibilit, lecontrle et le remplacement dune technolo-gie humaine par une technologie nonhumaine. L o pour Max Weber la bureau-cratie reprsentait lultime dshumanisationde la technologie moderne et la rationalitfonctionnelle, pour Ritzer le symbole le plustypique de ce dveloppement est, notrepoque, le restaurant fast-food.

    Le receveur passif

    Le dnominateur commun de ces trois sc-narios consiste dans le fondement thorique et

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    empirique des peurs et inquitudes existantesvis--vis dune culture amricaine prdomi-nante, expansionniste et, surtout, vulgaire.

    Jetons un regard critique et plus rapproch ces scnarios et thories.

    En premier lieu elles sont bases sur lanotion de receveur passif .Des recherches en anthropologie ont

    prouv que les nouveaux lments culturelssont la plupart du temps reus de manireactive, cest--dire restructurs et adapts laculture nationale ou locale.

    notre av i s , c es t auss i l e cas delamricanisation et de loccidentalisation.

    Prenons lexemple dun McDonald. Aucunautre genre de restaurant ressemble, pre-mire vue, une transplantation typique de laculture amricaine dans dautres socits,sans adaptation. Il sagit pourtant dunereprsentation errone.

    Une tude de cas effectue sur les restau-rants McDonald Moscou montre que

    llment mentionn par Ritzer comme tanttypique de la McDonaldisation ne fonctionnepas ici et quun McDonalds a une significa-tion compltement diffrente Moscouquaux tats-Unis. L o on devrait avoir delefficacit on peut voir de longues queues de

    personnes qui attendent dtre servies et cenest pas le ct prvisible qui attire lesRusses mais le caractre exotique de ce type

    de restaurant, certainement pas bon marchpour eux. Aussi, lide de contrle uniformedes clients et des employs ne sapplique-t-

    e ll e p as i ci . A ucontraire, la direc-

    t ion a int roduittoutes sortes devariantes dans le

    contrle du travail et des plages horaires fun motivation pour familles et autresclients quon autorise se conduire de faonindiscipline en restant assis des heures enconsommant juste un caf et profitant delambiance.

    Lexemple montre quil sagit l dune adap-tation active aussi bien au march qu la cul-ture du local, selon un procd souvent appel glocalisation . La thorie typiquementmoderniste de Ritzer et de Barber selon laquelleune culture de suprmatie forte comme dansnotre cas celle des tats-Unis mne ncessai-rement luniformisation, peut aussi tre rfu-

    te en faisant remarquer laugmentation de cequil est convenu dappeler les restaurants eth-niques dans toutes les villes europennes. Ici, lathorie de la McDonaldisation est battue surson propre terrain.

    Dans la vision de Ritzer et de Barberlimprialisme culturel est une sorte desomme rsultante zro, une situation dans

    laquelle laugmentation, lamlioration ou lacroissance dun lment culturel va ncessai-rement de pair avec la rduction voire ladtrioration dun autre lment culturel. Endautres termes, dans notre exemple, la crois-sance des restaurants fast-food impliqueraitla diminution dautres types de restaurants.Pourtant cest le contraire qui est vrai. Onvoit une augmentation de toutes sortes de

    restaurants fast-food, ethniques mais lesbistrots et les tablissements cots par leguide Michelin se portent aussi trs bien.

    La source fondamentale de conflits dans le

    monde nouveau ne sera plus dordreidologique ou conomique mais civilisationnel.

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    Ce quoi nous assistons nest pas un appau-vrissement de notre culture sous linfluence de

    lamricanisation, mais un pluralisme crois-sant, une augmentation des choix et desoptions. Ceci nest pas seulement vrai pour laculture de lalimentation, mais pour toutes lesautres manifestations culturelles, soient-ellesde niveau plus ou moins lev .

    Ce quon pourrait craindre dans ce proces-sus dlargissement des choix et de pluralit

    croissante serait la disparition de certains l-ments culturels qui ne pourraient survivre lacomptition accrue. Dans cas cest aux gouver-nements nationaux de jouer leur rle afin deprotger les lments menacs, lorsquon auraconsidr que leur protection est souhaitable.

    Il existe essentiellement deux typesdobjections contre limprialisme culturelamricain. La premire est reprsentative de

    largument chauviniste, nationaliste ou euro-centr is te selon leque l toute formedimprialisme est vue comme une menace.

    La deuxime objection concerne la vulgaritprsume de la culture en question lamenace dune culture de bas niveau ayantraison dune culture de haut niveau .Essayons une spculation qui pourrait tre

    intressante : imaginons que la culture prdo-minante et imprialiste ne soit pas celle destats-Unis mais celle dun autre pays occiden-tal, disons lAllemagne ou le Royaume Uni.Cela crerait-i l les mmes sentimentsdinquitude et danimosit dans les autrespays europens, et particulirement enFrance ? Cest peu probable, non seulementparce que nous faisons tous partie du mme

    continent, mais encore plus parce que les cul-tures de ces pays sont perues comme tantdun niveau lev.

    En plus du nationalisme nous avons ici faire du paternalisme. Nos citoyens, et

    plus forte raison les jeunes, devraient treprotgs de ces vulgaires influences amri-caines. Cest l la peur dun amricanismerampant comparable la notion courante lpoque de la guerre froide dun commu-nisme rampant qui aurait abm les mesinnocentes de nos (jeunes) populations .

    La culture des loisirs

    Lobjection suivante que nous opposons ces thories concerne le fait que les lmentsde culture amricaine quon rejette sont limi-ts essentiellement lalimentation et auxmdias. Il est toujours question de CocaCola, McDonalds et Dallas, bref, le mondedu diver ti ssement. Daprs Barber, McWorld est lexprience du grand mar-ch du divertissement qui met centres com-

    merciaux, salles de cinma multiplex, parcs thme, stades, chanes de restauration rapideet de tlvision dans une seule et vaste entre-prise qui, dans son chemin verslaccroissement de ses bnfices, transformeles tres humains (Barber 1995, p. 97).

    Avec cette notion des loisirs, on nentre quesuperficiellement dans le royaume de la cul-

    ture sans en avoir saisi la substance. Ritzer etBarber pourraient alors rtorquer que cestbien de cela quil sagit, car daprs euxlessence de lamricanisation est la superfi-cialit, ce qui parat avoir un norme attraitsurtout auprs des jeunes. Cette vision estexagre, car nos cultures sont , plusrobustes et surtout plus riches que cesauteurs ne le croient. Dans un tel contexte, il

    faut oprer une distinction entre ce qui est lintrieur dune culture et ce qui est compris dans une culture. Il me semble

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    que les restaurants McDonald ou les sallesmultiplexes o on projette des superproduc-

    tions hollywoodiennes sont vcus commeintgrant un lment de notre environne-ment culturel, des choses dont nous faisonsusage en Europe et qui nous sont devenuesfamilires et peut-tre mme confortables,mais que nous ne possdons pas, ni au

    sens littral ni au sens culturel.Cosmopolitisme et universalisme

    Examinons maintenant lautre face de lamdaille, cest--dire la notion dune culturemondiale vue comme rve ou utopie.

    On ne pourrait pas envisager un scnarioplus positif.

    Il est intressant de noter que diffrentessortes de rves et de spculations surlmergence dune culture mondiale ontexist tout le long de lre moderne.

    Plus particulirement, le XVIIIe sicle adonn naissance quantit de ces utopies.Sous linfluence des Lumires lide de cos-mopolitisme a merg dans la pense poli-tique et on peut dceler un sens assur delinterdpendance mondiale et de la commu-naut dintrts dans le travail de philosophestels que Kant, Voltaire et Leibnitz. Ce der-

    nier, plus particulirement, tait enthou-siasm par une ide de socit mondiale, uni-fie par la politique, la religion, la langue et laculture.

    Comme il le dit lui-mme : Je suis indiff-rent ce qui constitue un Allemand ou unFranais, car je ne veux que le bien delhumanit entire (cit par Tomlinson1999, p. 75). Il sagit l de lidal cosmopolite

    quon a l habitude d assoc ier aveclhumanisme, le pacifisme et un certain sensde lgalit humaine universelle.

    Cette notion dune culture mondiale uni-verselle en tant quidal a presque totalement

    disparu. Le sociologue britannico-polonaisZygmunt Bauman, la justifi dans son essaiau titre rvlateur de Universaliser ou tremondialis. Cette notion duniversalisationqui trouve ses racines dans les Lumires et quifut, une poque, constitutive du discours surles questions mondiales, est maintenant tom-be en dsutude, rarement entendue etpresque oublie par tous, hormis les philo-sophes (Bauman 1998, p. 59).

    La diffrence essentielle entre dun ct desf amil les de concepts inh rents luniversalisme (et auxquels appartiennentcertainement le cosmopolitisme, mais aussi lesides marxistes de linternationalisme socia-liste du XIXe sicle) et, dun autre ct, lamondialisation, est que ce dernier concept se

    rfre aux effets inattendus et imprvus de cequi nous arrive actuellement, alors quelinternationalisme est bas sur linitiativemondiale et la promesse et la volontconjointe de faire du monde une placemeilleure.

    La fin de lhistoire

    Cette diffrence se reflte dans lutopie

    mondiale sans doute la mieux connue desannes quatre-vingt-dix :La fin de lhistoiredeFrancis Fukuyama (Fukuyama 1992). De sonpoint de vue, avec la chute du communisme, lagrande confrontation entre idologies qui adomin lhistoire du monde ces dernierssicles est termine. Le libralisme politique etconomique du dbut a t concurrencensuite par deux autres idologies, le Fas-

    cisme/National-Socialisme et le Socia-lisme/Communisme. La premire idologieavait dj t anantie par la Deuxime

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    Guerre mondiale, alors que la deuxime aperdu sa bataille avec la chute du mur de Ber-

    lin, permettant le triomphe final de ladernire : la dmocratie librale, lidal qui valongtemps gouverner le monde matriel.Fukuyama prvoit quavec llargissement delconomie de march (et la disparition de sonconcurrent, une conomie contrle et plani-

    fie), associe un systme libral-dmocrateen remplacement des systmes politiques dic-

    tatoriaux et autocrates, nous aurons lemeilleur des mondes possibles dans lequel lesconflits large chelle diminueront. Il est cer-tainement vrai que pendant les derniresdcennies la dmocratie a gagn du terrain.On peut le penser au vu des dveloppementsen Europe du Sud au cours des annessoixante-dix, en Amrique Latine dans lesannes quatre-vingt, en Europe Centrale et de

    lEst et en Afrique du Sud au dbut desannes quatre-vingt-dix. La dmocratie poli-tique se rpand dans le monde malgr tout,lIndonsie tant lexemple le plus rcent decette tendance. Le caractre bnin de ladeuxime issue de cette fin de lhistoire,lconomie de march (ou le systme capita-liste, comme nous avions lhabitude de

    lappeler), laisse, quant lui, un peu plus hsi-tant. Bien que sa supriorit par rapport uneconomie contrle soit incontestable, elle aaussi trs clairement ses points faibles, en par-ticulier en ce qui concerne lidal dgalit.Mais ce thme ne sera pas dvelopp ici.

    Ce qui est plus controvers chez Fukuyamacest son hypothse dun monde avec moinsde conflits, rfutable en constatant le nombre

    de conflits qui ont lieu au cours des annesquatre-vingt-dix. Dun autre ct ses attentesconcernaient le fait que les conflits large

    chelle diminueraient et cest ici quil marqueun point, car il est vrai que dans les annes

    quatre-vingt-dix la nature des conflits achang ; les guerres entre tats sont deve-nues rares alors quont augment les conflitsnationaux et ceux dits ethniques. Pour don-ner un exemple, parmi les 25 conflits les plusimportants recenss en 1997, un seul taitinter-tats alors que tous les autres taientdes conflits internes.

    Le choc des civilisations

    Avec lintroduction du scnario optimistede Fukuyama nous semblerions nous tredtourns de notre thme principal de lamondialisation de la culture. Ce passage taitcependant ncessaire afin dintroduire lathorie de Samuel Huntington selon laquelleles conflits dans notre monde qui commence se globaliser seraient de plus en plus de

    nature culturelle (Huntington 1993 et 1996).Huntington concorde avec Fukuyama sur lefait que la source fondamentale de conflitsdans le monde nouveau , comme i llappelle, ne sera plus dordre idologique ouconomique, mais civilisationnel. Daprs

    Huntington, les grandes divisions dans lasocit humaine et la source dominante de

    conflits sera culturelle... les principauxconflits de la politique mondialise se produi-ront entre nations et groupes de civilisationsdiffrentes. Les lignes de partage entre civili-sations seront les lignes de bataille du futur (Huntington 1993 p. 22). Le concept crucialdans une civilisation est celui didentit. Ilexiste diffrents niveaux didentit, de formesouvent circulaire. Un rsident de Rome peut

    par exemple se dfinir, selon diffrents degrsvariables dintensit, romain, italien, catho-lique, chrtien, europen, occidental. La civi-

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    lisation laquelle il, ou elle, appartient est leniveau didentification le plus largi aveclequel il, ou elle, sidentifie. (Huntington1993, p. 24).

    Le point central du raisonnement de Hun-

    tington est sa notion de civilisation suprana-tionale dun ct mais submondiale delautre : il ne croit pas la possibilit duneculture mondiale, avec lhumanit, le mondeou la plante en tant que formedidentification ultime. Au contraire, il penseque dans le futur proche on verra augmenterles tensions entre civilisations quil distingueau nombre de huit : occidentale, islamique,

    confucianiste, japonaise, hindoue, slavo-orthodoxe, latino-amricaine et, probable-ment, africaine.

    Une des raisons pour lesquelles cette hypo-thse a pris autant de poids, est quelle expli-quait les conflits en ex-Yougoslavie, o coha-bitaient trois civilisations diffrentes : lecatholicisme occidental, lorthodoxie orientale

    et lislam.La faiblesse la plus grande de lhypothse deHuntington est quil regarde une civilisationcomme sil sagissait dune balle de billard,dure, robuste, impntrable, avec une propen-sion la confrontation, de substance homo-

    gne, ferme sur elle-mme et difficile chan-ger. On reconnat ici lcho des tudesmacro-historiques qui avaient t conduites

    dans la premire partie de ce sicle par deschercheurs comme Sorokin et von Spengler,qui ont travaill sur la naissance et la chute

    des civilisations sebasant sur le modle

    classique plutt isolde lgypteancienne et de

    lEmpire romain, gure valable notre poque.On peut facilement se rendre compte, sanspour autant convenir avec les post-modernesqui analysent la mondialisation de la culture entermes de crolisation , d hybridation etde mlange mondial (Nederveen Pieterse1995), que de notre temps la plupart des civili-sations sont ouvertes, transparents, pluralisteset htrognes, en un mot loppos des idesde Huntington.

    Ceci nimplique pas que les dveloppementsvers des formes de culture mondiale se ferontsans conflits ni problmes, cependant noussommes persuad que la plupart des civilisa-

    tions indiques par Huntington vivront en paixles unes avec les autres. Lide dune collisiontait largement base sur la conviction dundveloppement de lesprit de croisade dun cer-tain nombre de grandes religions. Ce sont parti-culirement les tendances fondamentalistesdans lIslam, que Barber avait dcrites dans son scnario-Jihad , qui ont donn naissance

    beaucoup dinquitude et, dans le cas de Hun-tington, la conviction que cette tendance laconfrontation deviendrait gnrale.

    Au tournant du millnaire elle se nivellepourtant dj vers le bas, comme le montre larcente politique de glasnost engage enIran, champion de Jihad jusqu il y a trspeu de temps.

    Remarques de conclusion

    La conclusion laquelle nous parvenons enpremier lieu concerne le discours sur la mon-dialisation de la culture, presque exclusivement

    Les nouveaux lments culturels sont souvent

    reus de manire active, cest--dire restructurset adapts la culture nationale ou locale.

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    bas sur des perspectives sombres ou des sc-narios de cauchemar. Dans le pass ont tdveloppes des visions plus positives pour uneculture mondiale venir, mais cette attitudesemble avoir disparu presque compltement,comme la dmontr Bauman. Dans le domaine

    de la mondialisation politique et conomique ilsemble exister un plus grand quilibre entre lesdiscours optimistes et pessimistes.

    Dautre part, nous avons aussi dmontrque les soubassements empiriques, la foisargumentatifs et thoriques de ces visions pes-simistes sont pour le moins faibles. De nom-breux arguments contraires, qui semblent

    rfuter ces hypothses, peuvent tre avancs.A notre avis, il ny a, aucune raison decraindre lavnement dune culture capitalisteuniformise, ni une McDonaldisation, unMcWorld ou un choc de civilisations. Cecinimplique pas une adhsion au scnario opti-miste de Fukuyama, surtout parce quil estexcessivement positif au sujet du caractrebnin de lconomie de march. Il y a de la

    place pour un scnario modrment positif,mais critique : un sujet stimulant qui feralobjet dun projet venir.

    Rfrences bibliographiques

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    Last Man, New York, Free Press, 1992.HUNTINGTON, S., The Clash of Civiliza-

    tions ,in Foreign Affairs,vol. 72, n 3, p. 22-49, 1993.

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    Towards a global culture :dream or nightmare ?

    Globalization can be seen as a threat or as a challenge.The discussion on cultural globalization which domi-

    nates the recent discourse emphasizes the first aspect.

    In this article a number of nigthmare-hypothesis with

    regard to the future of a global culture are discussed. It

    appears that despite the prevailing anxiety about

    creeping Americanization and a clash of civiliza-

    tions , none of these scenarios is tenable nor suppor-

    ted by the empirical reality.

    Hacia una cultura globalizada:Sueo o pesadilla?Se puede percibir la globalizacin como una amenaza

    o como un reto. En este debate actual acerca de la glo-

    balizacin de la cultura, el discurso apunta sobre todo

    al aspecto de amenaza. Este artculo pasa revista avarias hiptesis pesadillas en cuanto al porvenir de la

    cultura globalizada y muestra que, a pesar de la inquie-

    tud latente acerca de la americanizacin rampante y

    del choque de las civilizaciones, ninguno de estos

    esquemas es creble, ni tampoco se ve corroborado por

    la realidad emprica.

    In Richtung einer globalisiertenKultur : Traum oder Alptraum ?

    Die Globalisierung kann als Drohung oder als Heraus-forderung empfunden werden. In der aktuellen Debatte

    ber die Frage der Globalisierung der Kultur beschf-

    tigt man sich vor allem mit dem Aspekt der Drohung.

    Dieser Presseartikel gibt eine bersicht einer gewissen

    Anzahl von Alptraum-Hypothesen ber die Zukunft der

    globalisierten Kultur und beweist, dass trotz der herr-

    schenden Sorge ber die schleichende Amerikanisie-

    rung und den Zivilisationenaufprall keines dieser

    Szenarios glaubwrdig ist und auch nicht von der

    empirischen Realitt besttigt wird.