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Vie et histoire du IXe arrondissement

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Page 4: Vie et histoire du IXe arrondissement

Wnce Msto&P© dlon

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Page 5: Vie et histoire du IXe arrondissement

cg 1986 - Editions Hervas 123, avenue Philippe-Auguste 75011 Paris ISBN 78 2 903118 23 X

Page 6: Vie et histoire du IXe arrondissement

V 3 @ c e L t M s t o S m e

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a i n ° n m M f e s ® D n D ® m ( t

Chaussée d'Antin - Saint-Georges - Faubourg Montmartre - Rochechouart

Histoire - Anecdotes - Curiosités Monuments - Musées - Jardins - Promenades

Dictionnaire des rues - Vie pratique

Jocelyne Van Depu t t e Chargée de mission au Musée Carnavalet

Collection dirigée par

Jean Colson

assisté de

Marie-Chris t ine Bellanger

EDITIONS HERVAS

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R e m e r c i e m e n t s A tous ceux qui nous ont aidés à réaliser cet ouvrage, nous adressons nos plus vifs remerciements, en particulier à :

Monsieur Gabriel Kaspereit, Ancien Ministre, Député de Paris, Adjoint au Maire de Paris, Maire du IXe arrondissement

Madame Anne-Marie Lefèvre, directrice de la Bibliothèque Drouot, secrétaire de la Société Historique du IXe arrondissement

Madame Geneviève Bourgeade, bibliothécaire à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris.

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A travers les siècles...

... des chanoines de Sainte-Opportune

au Chat Noir de Rodolphe Salis

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De la préhistoire à l'enceinte de Louis XIII

Découvertes archéologiques

La Seine sculpta peu à peu le relief de la colline de Montmartre et sa rive droite suivait à peu près le tracé de la rue Saint-Lazare. Les alluvions ont progressivement formé une vaste zone marécageuse traversée par un ruisseau tour à tour dénommé le ruisseau de Ménilmontant, le Grand Égout et la Grange Batelière, rivière mythique qui coulerait sous l'Opéra, dernier avatar, immortalisé par Gaston Leroux dans Le fantôme de l'Opéra. En fait, aucune de ces supputations n'a jamais été clairement prouvée.

L'humidité restera toujours un problème majeur dans notre arrondisse- ment. Les infiltrations seront persistantes et des quartiers comme celui de la Chaussée d'Antin connaîtront les affres des inondations, en 1910, notamment.

Des fouilles pratiquées au cours des années 1870, dans les fondations des immeubles nos 7 et 9, avenue de Clichy, ont révélé une présence humaine préhistorique. Plus de quatre-vingts fossiles - éléphants, rhinocéros, cerfs, rennes, aurochs - et près de soixante-dix spécimens d'outils en silex y furent découverts.

En 1836, des terrassements effectués rue Ballu (ancienne impasse Tivoli) ont mis à jour une nécropole gallo-romaine, composée d'une cinquantaine de squelettes, prouvant l'existence d'un petit hameau dans ces parages. A proximité des ossements humains, Jollois, directeur des Ponts et Chaussées, trouva des vases en terre cuite vernissée et en verre, de longs clous disposés çà et là autour des pieds, des épaules et des têtes des défunts, des objets en bronze, enfin des monnaies datées du règne de Constantin.

Les chanoines de Sainte-Opportune

Fuyant devant les Normands en 853, Hildebrand, évêque de Sées et quatre de ses chanoines, rapportèrent à Paris les reliques de sainte Opportune. Vers 866, Louis le Bègue leur offrit un territoire «sous Montmartre», dont les limites dépassaient l'arrondissement, terres marécageuses qui ne furent assé- chées et défrichées qu'au milieu du XIIe siècle. Le 19 avril 1153, l'évêque de Paris, Thiébaud donna l'autorisation d'élever en censive ces terres, après les avoir louées et fait mettre en culture, démarche confirmée l'année suivante par Louis VII qui fit don aux chanoines de «seigneurerie, censive, voirie et police dans toute l'étendue des prés et marais».

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La ferme de la Grange Batelière. Reconstitution du XIXe siècle. Lithographie de Champin d'après Régnier.

Le pape Alexandre III ratifia, en octobre 1178, toutes les possessions de Sainte-Opportune, ce qui eut pour effet de provoquer des dissensions avec le chapître de Saint-Germain l'Auxerrois, qui voyait avec envie prospérer les terres jadis incultes des chanoines. De 1214 à 1299, l'évêque servit d'arbitre près de seize fois et cette discorde perdura jusqu'au XVIIIe siècle.

La Grange Batelière A la même époque, Philippe-Auguste accepta que les chanoines de Sainte-Opportune puissent concéder des baux à rentes à certains seigneurs.

Parmi les territoires élevés en fief, l'un d'eux s'articulait autour d'un bâtiment qui se dressait vers l'actuel n° 9 de la rue Drouot. Dénommé tour à tour «Granchia Batiliaca», «Grange Bataillé» (1252), «Grange Bateillère» et même «Granchia Praeliata» (1628), son vocable s'est altéré pour devenir «Grange Batelière». L'origine du mot est loin d'être claire. S'il faut écarter toute corrélation avec la batellerie, peut-être pouvons-nous, avec prudence, souscrire à l'hypothèse que propose l'abbé Lebeuf dans son Histoire du diocèse à Paris, en évoquant un pré utilisé pour des joutes (batailles), appartenant à l'évêque de Paris. La discussion reste ouverte.

Le fief de la Grange Batelière, composé de «granche, maison, terres cultivables et marais, terres à foy et hommâge de l'evesque de Paris», fut ensuite cédé aux sires de Laval, puis en 1410 à Jean de Malestroit, évêque de Saint-Brieuc. Le comte de Vendôme l'acquit en 1435. Au XVIe siècle, la ferme et les terres furent morcelées et partagées entre les membres de la famille Vivien. Le bâtiment principal fut transformé en un luxueux hôtel au XVIIIe siècle.

Les frères de l'Hôtel-Dieu

Une autre communauté, les frères de l'Hôtel-Dieu, propriétaire de terrains situés dans l'actuel quartier de la Chaussée d'Antin, s'opposa au début du XIIIe siècle aux chanoines, à propos d'une autre grange entourée de sept arpents de terre.

Sur ces mêmes terrains, se dressait boulevard Haussmann, près du Printemps une ferme entourée de vignes. Au xvie siècle, les religieux Trini-

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taires ou Mathurins en firent l'acquisition et augmentèrent progressivement leur domaine dont les revenus étaient en partie affectés au rachat de captifs enlevés par les barbaresques.

Le moulin des Dames

de Montmartre

Au Xe siècle, la reine Adélaïde, veuve de Louis VI le Gros, avait fondé l'abbaye de Montmartre dont elle fut la première abbesse. Elle constitua, grâce aux dons de l'abbaye de Saint-Denis, le fief des Dames de Montmartre qui s'étendait du sommet de la Butte, d 'un côté, jusqu'à l'actuelle rue Richer et de l'autre, jusqu'à l'emplacement de l'église de la Trinité.

Les Dames de Montmartre possédaient un moulin en forme de tourelle, situé vers l'actuel n° 4 de la rue de la Tour des Dames. Il marquait peut-être la limite méridionale de leurs propriétés. Jaillot dans Recherches sur Paris signale un bail passé entre l'abbesse et un meunier, à la fin du xvie siècle, avec obligation pour ce dernier de moudre le blé nécessaire aux besoins des religieuses et de leurs domestiques. On sait qu'en 1717, le moulin ne tournait déjà plus. Les terres situées à proximité furent louées à un marchand de chevaux, puis à M. de Saint-Germain. Le petit moulin fut converti en colombier et ses vestiges rasés en 1822.

Au cours des XIIe et XIIIe siècles, les friches souvent inondées se métamorphosèrent néanmoins en cultures maraîchères. Au sud de la rue Saint-Lazare, quelques vignes étaient exploitées.

Les Porcherons et le château du Coq

Des habitants de ce territoire, un nom a traversé les siècles, celui d'André Pocheron, dont la maison était suffisamment importante pour qu'un acte du 17 mars 1290 l'évoquât en signalant le «chemin allant du Roule à la maison André Pocheron», aujourd'hui rue Saint-Lazare. Les frères Pocheron ou Porcheron y possédaient de nombreuses maisons, si bien que le hameau situé à l'alentour de ce chemin prit, par déformation, le nom de «Village des Porcherons». En 1310, pour renforcer peut-être leur prestige, les Porcheron firent élever une sorte de forteresse, flanquée de cinq tours à poivrières et ceinte d'un mur percé d'une porte cintrée. Ce château occupait l'espace compris entre les nos 75 et 91 de la rue Saint-Lazare. Vers 1350, se forma

Vue du château du Coq ou des Porcherons, rue Saint-Lazare. Gravure de Marie-Louise Legrand.

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Dernier vestige du château du Coq, sa porte Renaissance disparue sous le second Empire. Gravure d'Aglaus Bouvenne.

autour de ce bâtiment, un fief qui s'étendrait aujourd'hui entre les rues Saint-Lazare, du Havre, de Provence et Cadet. Un acte de 1380 stipule que le domaine appartient désormais au sieur Jean Le Cocq II «Seigneur du Château et fief de la maison riche des Porcherons-lez-Paris», héritier de Jean I, anobli par le roi en 1363.

Le 30 août 1461, le roi Louis XI, nouvellement sacré à Reims, y passa la nuit en revenant de Saint-Denis où avait été célébré un service funèbre à la mémoire de son père. Vers la fin du XVe siècle, la propriété fut cédée à Jean Bureau, puis, par alliance, réintégra la famille Le Cocq. Dénommée «château du Coq», la propriété, quelque peu remaniée, resta dans cette famille jusqu'au XVIIIe siècle. En 1724, le dernier des Le Cocq mourut sans postérité. Le manoir fut vendu en 1738 au duc d'Aumont. Épargné par la Révolution, et abandonné, il tomba peu à peu en ruine et fut remplacé par un manège, puis servit de salle d'exposition avant d'abriter les concerts Sainte-Cécile en 1863. Les travaux d'Haussmann emportèrent les restes, notamment la porte Renais- sance, à pilastres et fronton angulaire, à demi enterrée dans le sol près de la rue de Clichy. A la fin du XVIIIe siècle, on voyait encore sur la porte les armoiries des Le Cocq et cette inscription : «hôtel Cocq 1320».

Chemins carriers et routes

de pélerinage

Un certain nombre de rues actuelles du 9e arrondissement trouvent leur origine dans les chemins tracés aux XIIIe et XIVe siècles.

Selon A. Maillard - Les Origines du Vieux Montmartre - il existait plusieurs chemins d'accès à Montmartre. Celui cité à partir de 1239 passait par la rue Lallier, rejoignait la rue des Martyrs, plus ancienne, et se poursuivait par ce qui est devenu la rue du Faubourg Montmartre. Une autre voie, indiquée dans des actes de 1398 et de 1411, était celle qui conduisait des carrières de Montmartre à Paris. Il s'agit de la rue Blanche, fréquemment désignée, à partir de 1492, comme «chemin de la Porte Blanche». En 1316 et 1323, on signale une voie partant de l'angle de la rue Pigalle et suivant

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ensuite le tracé de la rue de La Rochefoucauld, pour aboutir au Moulin des Dames.

L'agglomération des Porcherons était coupée par la rue Saint-Lazare, la plus fréquentée; l'actuelle rue Pigalle était une sorte de chemin de pélerinage destiné à relier le village à l 'abbaye de Montmartre; enfin, la rue de la Chaussée d'Antin, plus sinueuse qu'aujourd'hui, permettait aux habitants des Porcherons de rejoindre Paris.

Plus à l'est, «le chemin de Paris à Clignancourt» épousait le tracé de la rue de Rochechouart. Au XVe siècle, un tronçon, disparu trois siècles plus tard, reliait le boulevard de Rochechouart et la rue du Faubourg Poissonnière. Il portait le nom de «chemin du Pressoir Benedicité» et traversait au nord-est l 'emplacement du lycée Jacques Decour.

Les Marais sous Montmartre

et le Grand Égout

Au sud de la ligne - rues Saint-Lazare, Lamartine, Montholon s'étendait un vaste terrain plat appelé les «Marais de Paris», les «Marais sous Montmartre» ou plus simplement les «Marais». Le remblaiement de ces marécages débuta au XIIe siècle pour être achevé au XIVe. Des canaux y furent aménagés et, dans une dépression naturelle qui traversait l'arrondissement d'est en ouest, on ménagea un fossé. Il prit le nom de «fossé Chantereine», à cause de la proximité d'un marais où l'on pêchait la grenouille, «fossé Sainte-Opportune» ou encore «fossé du Roy», avant d'être baptisé «le Grand Égout», nom qui correspondait à sa fonction.

Réaménagé entre 1738 et 1740, il fut couvert en 1771 pour permettre l'ouverture des rues de Provence et Richer. Quelques ponts permettaient de franchir cet égout. Le pont «Arcans» (débaptisé après le XVe siècle) était jeté

Plan et description du quartier de Montmartre avec ses rues et ses limites, par Lacaille, 1774. La large artère plantée d'arbres représente les grands boulevards. Plus au nord on distingue le cime- tière Saint-Eustache et la première église Notre-Dame de Lorette. A l'extrémité est, le moulin des Dames de Montmartre.

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entre «la chaussée dans le marais» (autre nom de la rue de la Chaussée d'Antin) et le chemin de Clichy qui serpentait de part et d'autre de l'actuelle rue de Clichy. Le pont dit «des Porcherons» se trouvait à la croisée des rues du Faubourg Montmartre, de Provence et Richer. Le «ponceau des Filles Dieu», signalé dès 1431, reliait la rue Richer et la rue du Faubourg Poissonnière, appelée «chemin du Val Laronneux», parcourue par les trans- porteurs qui acheminaient vers Paris le poisson pêché à Dieppe. Les sentiers trop étroits enjambaient le Grand Égout par une simple planche.

Notre-Dame des Cabaretiers

Au XVIIe siècle, le 9e arrondissement se développa lentement. Des chemins se convertirent en rues et quelques voies nouvelles furent percées. Citons notamment celles qui deviendront les rues de Bellefond, Bergère, Cadet (ancienne rue de la Voirie) et la rue des Mathurins.

Le village des Porcherons prit davantage d'importance. Aucun lieu de culte n'existait à proximité. L'augmentation de la population encouragea Jean-François de Gondi, archevêque de Paris à faire construire en 1645 la première église Notre-Dame de Lorette. Elle occupait l'emplacement actuel des nos 62 et 64 de la rue Lamartine comme le montre le plan Verniquet. Elle fut surnommée aussi «Notre-Dame des Porcherons» ou «Notre-Dame des Cabaretiers». Saint-Vincent de Paul, curé de Clichy entre 1612 et 1625, devait faire de fréquentes visites aux Porcherons car son autorité s'étendait jusqu'au chemin de Clichy et à la rue des Porcherons, près du Château du Coq.

En 1644, un confiseur acheta un terrain situé vers le n° 77 de la rue du Faubourg Poissonnière. Il obtint de l'abbesse de Montmartre l'autorisation d'y bâtir une chapelle qu'il lui rétrocéda en 1656. Consacrée en 1657, la «chapelle Sainte-Anne» fut fermée en 1790 et démolie cinq ans après.

Les « Fossés Jaunes» Décidée au début des années 1560, la création de profonds fossés entre la Bastille et la porte Saint-Honoré s'accomplit à partir de 1566. La terre qui en avait été extraite permit d'élever une nouvelle enceinte dite de Louis XIII ou des «Fossés Jaunes». Interrompu très rapidement, l'ouvrage ne sera repris qu'en 1633 et terminé en 1654.

Seize ans plus tard Louis XIV, fort de ses victoires, décida de supprimer ces fortifications devenues inutiles et d'y faire passer le «cours», large chaussée flanquée de deux contre-allées, plantées chacune d'une double rangée d'arbres. On donna à ces nouvelles promenades le nom de «boulevard», terme employé pour désigner le terre-plein des remparts militaires. Les boulevards des Capucines, des Italiens, Montmartre et Poissonnière seront aménagés entre 1680 et 1705.

Hôtels, folies et petites maisons du XVIII siècle

En venant se fixer à Paris, le roi Louis XV entraîna derrière lui toute la cohorte de seigneurs et des officiers de la Cour. Quittant le quartier du Louvre engorgé, les artisans qui y étaient installés refluent vers la périphérie. Devant cette situation préoccupante, les échevins obtiennent du roi l'autorisation de créer un nouveau quartier le long du rempart et hors les murs. Le 4 décembre 1720, «le Roi étant de l'avis de Mgr le duc d'Orléans ordonne l'établissement d'un nouveau quartier entre la Ville l'Évêque et la Grange Batelière, jusqu'à la rue des Porcherons». Ce sera la Chaussée d'Antin.

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Le 12 juillet 1789, le prince de Lambesc, après avoir fait charger la foule rassemblée aux Tuileries, détacha du régiment, le Royal Allemand, une soixantaine d'hommes afin de surveiller le dépôt des Gardes françaises qui avaient rejoint l'émeute. Les deux détachements s'affrontent sur le boulevard devant le dépôt, à l'angle de la Chaussée d'Antin. Gravure de Berthault d'après Prieur.

Fermiers généraux, financiers

et architectes

Des privilèges furent accordés, notamment celui de l'exemption, à perpétuité, du logement des gardes françaises et suisses dans les maisons nouvellement construites. Ces troupes disposaient d'ailleurs, depuis 1697, de leur propre caserne à l'angle de la rue de la Chaussée d'Antin et du boulevard des Italiens.

Principaux protagonistes de cette opération immobilière, les fermiers généraux, les financiers et les architectes, en habiles spéculateurs, achetèrent très bon marché de vastes terrains aux congrégations religieuses dont nous avons parlé plus haut.

Les répercussions économiques de la guerre de Sept Ans (1756-1763) avaient freiné quelque peu le mouvement, qui connut un regain d'activité après 1766. Mercier dans son Tableau de Paris (Tome l, 1782) évoque cet élan : «Des corps de logis immenses sortent de terre comme par enchantement et des quartiers nouveaux sont composés d'hôtels de la plus grande magnifi- cence. La fureur de la bâtisse imprime à la ville un air de grandeur et de majesté. Les spéculateurs ont appelé les entrepreneurs qui, le plan dans une main, le devis dans l'autre ont échauffé l'esprit des capitalistes.» Des banquiers tels que Laborde, Sandrié, Boutin, La Reynière, Bouret de Vézelay, Goupy, Benoist de Sainte-Paule firent percer de nouvelles rues (rues Laffitte, de Provence, Le Peletier, Saint-Georges, Taitbout, Chauchat, Riboutté, Papillon, Joubert, de la Victoire, de Caumartin, Boudreau...) et demandèrent aux architectes à la mode de bâtir, pour leur propre usage ou quelquefois celui de leurs protégées, de somptueuses demeures. Grands seigneurs et artistes suivent à leur tour le mouvement, attirés par le charme encore tout campa- gnard de ces quartiers.

De talentueux architectes, comme Brongniart, Ledoux, Cellerier, Aubert, de Wailly, Bélanger, Henry ou Rousseau se révèlent aussi grands bâtisseurs qu'avisés hommes d'argent. Ils achètent des terres, pour les rétrocéder à de futurs clients ou à des entrepreneurs pour lesquels ils exercent leurs talents.

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Les fouilles archéologiques effectuées à Pompéi, Herculanum et Paestum mettent au goût du jour un vocabulaire architectural qui sait harmonieuse- ment allier colonnes, portiques et frontons à la tradition française. La redécouverte de l'art antique devait opérer comme un catalyseur sur ces architectes.

Entre 1775 et 1790, surgissent de grandes demeures néo-classiques, décorées avec un luxe inouï, enfouies dans d'immenses jardins à l'anglaise. Quelquefois cependant, leur façade monumentale donnait directement sur la rue notamment sur les boulevards - forçant ainsi l'admiration de ceux qui en faisaient le but de leurs promenades dominicales.

Rue de la Chaussée d'Antin

La plupart des hôtels construits au XVIIIe siècle ont aujourd'hui disparu. Évoquons les plus importants.

L'ancien chemin de l'Hôtel-Dieu réaligné, c'est-à-dire l'actuelle rue de la Chaussée d'Antin, en comptait plusieurs. Au n° 5, Brongniart construisit un hôtel qu'acheta, encore inachevé en 1776, Mme d'Épinay. Ancienne protectrice de Jean-Jacques Rousseau, elle vécut là en compagnie de Grimm. En 1778, ils y accueillirent Mozart alors âgé de 22 ans. Au n° 7, se trouvait une maison bâtie pour Necker par Cherpitel, où Mme de Staël fut élevée. Le banquier Récamier l'acquit en 1798. J.F. Reichardt, dans Un hiver à Paris sous le Consulat, 1802-1803, nous décrit avec force détails la chambre de Mme Réca- mier : «Cette pièce, fort élevée, est presque entièrement entourée de hautes glaces d'un morceau. Entre les panneaux de glaces et au-dessus des grandes portes en marqueterie, s'aperçoit une boiserie blanche avec filets bruns, relevée par de délicats ornements en bronze... Le lit, de style antique, est ornementé de bronze comme la boiserie avec autant de goût et de richesse. Autour du lit, sur le gradin de deux marches qui le supporte, des vases de forme antique. Du ciel du lit descendent jusqu'à terre les rideaux de mousseline fine, gracieusement drapés...».

Au n° 9, Mlle Guimard, première danseuse à la Comédie Française, put, grâce à son amant du moment, le maréchal de Soubise, se faire construire par Ledoux, en 1772, un très bel hôtel. La Guimard avait demandé à Fragonard de réaliser quatre compositions mythologiques sur de grands panneaux

L'hôtel de Mlle Guimard. Le bas-relief du tympan représentait le triomphe de Terpsichore. La lunette du péristyle était occupée par un groupe montrant Terpsichore couronnée par Apollon. Cet hôtel fut ensuite transformé en banque puis démoli pour faire place à la rue Meyerbeer. Aquarelle de Prieur, 1791.

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A u t o u r des g r a n d s Anciens chemins et voies nouvelles 39

b o u l e v a r d s : le t r i o m p h e Cafés et restaurants 40 de l ' e sp r i t e t de l ' a r g e n t Brasseries et tavernes 42

Le boulevard des Italiens en 1840 et le café Tortoni 43 La brasserie des Martyrs 45

Clubs et gymnases 45 La mode et les nouveautés 46 La banque et l'assurance 48 La presse 50

La salle d'attente du Figaro vers 1900 53 Galeries d 'art 55

D e l ' O p é r a Premier concert de Paganini dans la salle de l'Opéra

a u c a f ' c o n c ' de la rue Le Peletier, le 9 mars 1831 56 Le bal de l'Opéra n'est plus ce qu'il était 57

L'Opéra de la rue Le Peletier 57 Le Palais Garnier 59

Les caves de l'Opéra 62 Théâtres de boulevard et théâtre d'amateurs 65

Le théâtre moderne, passage de l'Opéra 65 De Médrano à Méliès 68 La Grande Pinte 69

Georges Méliès au théâtre Robert Houdin 70 Le Chat Noir de Rodolphe Salis 71

Le déménagement du Chat Noir rue Victor Massé, en 1885, raconté par Rodolphe Salis 73

Le Casino des Concierges de Maxime Lisbonne 74 Chronologie 76

A p i ed . . .

d e la C h a u s s é e d ' A n t i n a u s q u a r e d ' A n v e r s

La Chaussée d 'Antin 78 Révolte au collège Bourbon, le futur lycée Condorcet, en 1848 78 Les midinettes de Saint-Louis d'Antin 79 L'incendie des grands magasins du Printemps, le 8 mars 1881 80 Jules Védrines atterrit sur la terrasse des Galeries Lafayette le 19 janvier 1919 82

De la rue Blanche à la place Saint-Georges 87 Les grands boulevards 93

Première représentation du cinématographe Lumière dans le Salon Indien du Grand Café, 14, boulevard des Capucines, le 25 décembre 1896 94 Le plan-tarif du Grand Hôtel en 1894 95 Les boulevards 96 La Banque Nationale de Paris, de la rue Bergère .au boulevard des Italiens 99 La Bourse clandestine du passage de l'Opéra, fermée en décembre 1850 102

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Du square Montholon à la mairie du ge arrondissement 105 Les Folies Bergère en 1885 110 Une partie des locaux du Grand Orient de France louée à un organisateur de bals 113 L'Hôtel des Ventes au début du siècle 114

De la place de Clichy à l'église de la Trinité 115 La mort d'Émile Zola 116 La prison pour dettes ' 118

Autour de la rue de Rochechouart 119 A la recherche d'une maison pour George Sand dans le quartier Notre-Dame de Lorette 120 Inauguration de la cité ouvrière, dite Cité Napoléon, 58, rue de Rochechouart 123

Les rues... de A à Z

Plan de l'arrondissement 124 Paris en quelques chiffres 125

Dictionnaire des rues 126 à 151 Au Casino de la rue Cadet 131 L'attentat de Ravachol 39, rue de Clichy, le 27 mars 1892 133 La nouvelle rue Édouard VII 135 Le faubourg Montmartre en 1933 135 Le prolongement du boulevard Haussmann 137 Les «lions» du boulevard des Italiens 139 Prolongement de la rue La Fayette, 1859-1862 139 Rue Le Peletier 141 Le Conservatoire de Mimi Pinson 143 Une nuit sans lune ou «les glaciers de la rue Pigalle» 145 Les salons de la Maison Violet parfumeur de S.M. l'Impératrice 149

Vie pra t ique 153-154