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NOUVEAUX MODES DE VIE : appels de Laudato Si’ Voici trente-cinq ans, les évêques de France publiaient une déclaration Pour de nouveaux modes de vie. Ils s’adressaient aux catholiques, mais aussi plus largement aux Français dans un contexte de crise économique qui générait bien des situations de chômage, de précarité et de misère socio-économique qui affectaient la vie familiale et sociale. Trente-cinq ans plus tard, la crise économique est toujours là, malheureusement. Elle s’est aggravée et s’est doublée d’une crise écologique dont les opinions publiques commencent seulement a prendre la mesure. En mai 2015, le pape François publie l’encyclique Laudato si’ qui traite de cette question. Elle est publiée alors qu’en France, les responsables politiques, les associations agissant pour la protection de l’environnement et les religions se mobilisent en vue de la COP 21.11 fallait à la fois aboutir à des accords politiques internationaux pour enrayer les effets du réchauffement climatique, et sensibiliser tous les citoyens à leur propre responsabilité dans la protection de l’environnement. Les changements climatiques et leurs effets dévastateurs soulèvent des questions scientifiques, environnementales, socio-économiques, mais aussi et surtout éthiques. Les politiques étatiques et la loi des marchés ne peuvent suffire à résoudre les crises interdépendantes liées au réchauffement climatique, à la pauvreté et à l’exclusion. Cela demande une révision radicale de nos modèles de développement pour en corriger les dysfonctionnements et les déséquilibres car « aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous empêcher de reconnaître qu’une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (Laudato si’, 49). L’approche de la crise écologique doit être globale: « Tout est lié. Il faut donc une préoccupation pour l’environnement unie à un amour sincère envers les êtres humains, et à un engagement constant pour les problèmes de la société » (Laudato si’, 91). Le Conseil famille et société de la Conférence des évêques de France, tenant compte de la perspective élargie adoptée par l’encyclique, a voulu reprendre la réflexion sur les modes de vie à l’intérieur du nouveau paradigme de l’écologie intégrale. Que ceux et celles qui ont collaboré avec les évêques dans l’élaboration de ce document soient ici vive ment remerciés. Le texte garde la tonalité du propos de Laudato si’. Le discours, s’il se veut interpellant, n’est ni désespérant, ni culpabilisant. Comme le Saint-Père l’a fait, il veut inviter les chrétiens et tous les

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NOUVEAUX MODES DE VIE : appels de Laudato Si’

Voici trente-cinq ans, les évêques de France publiaient une déclaration Pour de nouveaux modes de vie. Ils s’adressaient aux catholiques, mais aussi plus largement aux Français dans un contexte de crise économique qui générait bien des situations de chômage, de précarité et de misère socio-économique qui affectaient la vie familiale et sociale.

Trente-cinq ans plus tard, la crise économique est toujours là, malheureusement. Elle s’est aggravée et s’est doublée d’une crise écologique dont les opinions publiques commencent seulement a prendre la mesure. En mai 2015, le pape François publie l’encyclique Laudato si’ qui traite de cette question. Elle est publiée alors qu’en France, les responsables politiques, les associations agissant pour la protection de l’environnement et les religions se mobilisent en vue de la COP 21.11 fallait à la fois aboutir à des accords politiques internationaux pour enrayer les effets du réchauffement climatique, et sensibiliser tous les citoyens à leur propre responsabilité dans la protection de l’environnement.Les changements climatiques et leurs effets dévastateurs soulèvent des questions scientifiques, environnementales, socio-économiques, mais aussi et surtout éthiques. Les politiques étatiques et la loi des marchés ne peuvent suffire à résoudre les crises interdépendantes liées au réchauffement climatique, à la pauvreté et à l’exclusion. Cela demande une révision radicale de nos modèles de développement pour en corriger les dysfonctionnements et les déséquilibres car « aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous empêcher de reconnaître qu’une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (Laudato si’, 49).L’approche de la crise écologique doit être globale: « Tout est lié. Il faut donc une préoccupation pour l’environnement unie à un amour sincère envers les êtres humains, et à un engagement constant pour les problèmes de la société » (Laudato si’, 91).

Le Conseil famille et société de la Conférence des évêques de France, tenant compte de la perspective élargie adoptée par l’encyclique, a voulu reprendre la réflexion sur les modes de vie à l’intérieur du nouveau paradigme de l’écologie intégrale. Que ceux et celles qui ont collaboré avec les évêques dans l’élaboration de ce document soient ici vive ment remerciés. Le texte garde la tonalité du propos de Laudato si’. Le discours, s’il se veut interpellant, n’est ni désespérant, ni culpabilisant. Comme le Saint-Père l’a fait, il veut inviter les chrétiens et tous les autres hommes, au réalisme et au courage pour élaborer des solutions qui garantiront la « sauvegarde de la maison commune ». Cela passe nécessairement par la « conversion écologique » de chacun, afin qu’il adopte d’autres styles de vie, plus sobres, plus respectueux de l’environnement, de la justice et de la solidarité avec les plus fragiles.Ce document, pas plus que l’encyclique, ne prétend prescrire des solutions toutes faites. Il établit des constats, ouvre des possibles à investir et questionne sur ce qu’il y aurait lieu de décider, là où chacun vit, dans son domaine de responsabilité.L’esprit du propos se situe dans la ligne de ce que le pape François souhaitait: « Bien que cette observation de la réalité nous montre déjà en soi la nécessité d’un changement de direction, et nous suggère certain es actions, essayons à présent de tracer les grandes lignes de dialogue à même de nous aider à sortir de la spirale d’autodestruction dans laquelle nous nous enfonçons. »Ce document des évêques de France veut ainsi favoriser le dialogue et la réflexion entre nous, en vue de dessiner les nouveaux modes de vie qui témoigneront de notre conversion écologique. Puisse cet outil favoriser la réception de l’encyclique pour nous éveiller à l’urgence de prendre soin ensemble de notre maison commune et des plus pauvres. Pour les disciples du Christ, par qui tout fut créé, nous trouvons là un axe mobilisateur important pour l’évangélisation.

JEAN-LUC BRUNINEvêque du Havre,Président du Conseil Famille et Société de la CEF

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Introduction

En 1982, la Conférence des évêques de France a publié un document qui a fait référence intitulé « Pour de nouveaux modes de vie » et qui fut complété par un deuxième document en 1988 sous le titre de « Créer et partager ». A l’époque, la crise économique et sociale du pays marquée notamment par la croissance du chômage était à l’origine de la réflexion des évêques. Aujourd’hui une nouvelle crise s’est ajoutée, qui complique et aggrave les précédentes, la crise écologique. L’encyclique Laudato Si’ publiée par le pape François en mai 2015, qui fait une analyse approfondie de la question écologique, propose comme réponse à cette crise un changement radical de nos « styles de vie ». En écho à l’appel du pape et en continuité avec la réflexion de 1982, les évêques du Conseil famille et société de la Conférence épiscopale de France en proposent une actualisation en intégrant notamment la référence écologique qui était absente à l’époque. La réflexion vise, comme celle de 1982, à donner des repères et à proposer des questions pour que chacun, individuellement et collectivement, s’interroge sur son mode de vie.La question écologique pose trois défis majeurs en termes de modes de vie. En premier lieu, elle nous fait prendre conscience de l’impact sur l’environnement de nos modes de consommation, de déplacement et d’habitat. Nos modes de vie actuels sont à l’origine de l’épuisement et de la dégradation des ressources naturelles, du changement du climat, de la disparition des espèces, de la pollution de l’eau, de l’air et de la destruction des écosystèmes.La « culture du déchet », fortement dénoncée par l’encyclique Laudato Si’, a conduit à un tel dépérissement de la nature que les possibilités de vie des générations futures sont aujourd’hui compromises. Or la question écologique ne se réduit pas au seul impact sur l’environnement: à travers celui-ci, c’est la vie humaine et sociale qui se voit également atteinte. Laudato Si’ établit un lien intrinsèque entre crise environnementale et crise sociale et les présente comme deux dimensions d’un seul et même problème. De ce fait, le premier changement proposé par le pape consiste à déplacer notre regard: la nature n’a pas été créée uniquement pour être au service de l’humain, elle a une valeur propre, et son existence est totalement interdépendante de la vie humaine. La notion d’écologie intégrale proposée dans l’encyclique exprime clairement que la question écologique ne concerne pas uniquement l’environnement, mais qu’elle interfère avec toutes les dimensions de la vie et notamment les conditions de vie des familles 1 C’est la raison pour laquelle le pape associe dans un même cri la clameur de la terre et la clameur des pauvres. Le changement de « style de vie » auquel le pape nous invite ne vise pas uniquement à préserver et protéger la nature, mais à inventer une autre manière de vivre ensemble sur la terre qui permette à tous les êtres qui l’habitent de mieux vivre.1

Enfin, la question écologique pose également un défi d’ordre politique en ce sens qu’elle interroge, d’une part, l’articulation entre l’échelle locale, nationale et internationale et, d’autre part, le rapport entre le système économique et le bien commun. Le changement de style de vie ne concerne pas uniquement nos habitudes quotidiennes, il pousse également à trouver de nouvelles formes d’action collective en prenant en compte l’impact de chaque niveau de décision sur les autres. Ceci suppose également d’intégrer dans nos choix individuels et collectifs le fait que la situation des différents pays et populations sur la planète est très inégale. Le changement ne peut être le même pour ceux qui ont le plus bénéficié des fruits de la terre que pour ceux qui en ont le moins profité. Ce changement au niveau planétaire devrait se traduire par une nouvelle définition de ce que c’est le progrès: Il s’agit d’ouvrir le chemin à différentes opportunités qui n’impliquent pas d’arrêter la créativité de l’homme et son rêve de progrès, mais d’orienter cette énergie vers des voies nouvelles (Laudato Si’, 191).L’enjeu de la crise écologique n’est donc pas uniquement technique, il est aussi et surtout économique, social et politique et il concerne nos choix individuels et collectifs. Car il s’agit avant tout d’une crise de «sens2». La crise écologique interroge en premier lieu notre sens d’une vie bonne

1 La question a été abordée en profondeur par le pape dans l’exhortation Amoris Laetitia, dont une édition commentée a été réalisée par le Conseil famille et société de la Conférence des évêques (Bruxelles, Fidélité Lessius, 2016). La réflexion ici présentée sur les modes de vie est donc à mettre en lien étroit avec celle déjà réalisée sur la famille.

2 Ce travail s’inscrit ainsi en cohérence et en continuité avec le document publié par la CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DE FRANCE en 2012: Enjeux et défis écologiques pour l’avenir,Paris, Bayard, Ed. du Cerf, Fleurus-Mame.

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(qu’est-ce que « bien vivre ») et la manière dont cette représentation oriente nos choix de vie. Développer un lien avec la nature qui ne soit pas réduit au lien instrumental en tant que ressource, pourrait nous aider à découvrir la Création d’une manière nouvelle et ainsi revisiter le sens de notre présence dans cette « maison commune » qui nous a été donnée. La réflexion présentée dans ce document a pour objectif de soutenir l’effort de discernement auquel nous sommes tous invités face à la crise écologique.Il s’agit d’aider chacun à faire évoluer son mode de vie de telle sorte qu’il devienne compatible avec une vie bonne pour tous dans notre « maison commune ». Or nous savons bien que trop de personnes n’ont pas la possibilité de choisir leur mode de vie.

Être responsable, c’est donc aussi faire des choix qui donnent des libertés aux autres, pour leur permettre de faire eux-mêmes des choix porteurs de vie.Nous avons identifié sept dimensions qui touchent de manière différente nos choix de vie: le temps, la consommation, l’argent, la production, l’espace, les besoins sociaux et la migration. Chacune de ces dimensions renvoie à des enjeux énormes que nous ne prétendons pas aborder de manière exhaustive. Nous avons choisi de mettre en évidence quelques aspects dans chaque dimension qui nous semblent plus directement en lien avec nos modes de vie. Pour chacune de ces dimensions, nous présentons un bref constat sur ce qui pose aujourd’hui problème, des éléments qui préfigurent un nouveau possible, et des questions pouvant aider le discernement personnel sur le choix de mode de vie à faire. En guise de conclusion, nous présentons une dernière dimension, transversale aux sept précédentes, qui permet de les rassembler et de les unifier autour de « faire vivre la communauté humaine ».

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CHAPITRE 1 : Mieux vivre le temps

L’accélération continuelle des changements de l’humanité et de la planète s’associe aujourd’hui à l’intensification des rythmes de vie et de travail, dans ce que certainsappellent rapidacion. [...] les objectifs de ce changement rapide et constant ne sont pas nécessairement orientés vers le bien commun ni vers le développement humain, durable et intégral.Laudato Si’, 18.

Nos vies sont structurées par le temps et organisées autour du temps du travail et du temps libre: quel que soit l’âge de la vie dans lequel nous nous trouvons, qu’on soit étudiant, ouvrier, employé, cadre ou retraité, il y a toujours un temps pour l’action et un temps pour le repos. C’est autour de ces deux temps qui structurent toute vie humaine que nous interrogeons l’organisation de notre existence individuelle et collective.

Constat sur le LE TEMPS DU TRAVAIL

Le problème de l’emploi, qui était déjà une préoccupation majeure en 1982 au moment de la parution du texte Pour de nouveaux modes de vie, est l’un des plus difficiles qu’ait à affronter notre pays. Il s’agit en réalité d’un problème mondial, même s’il présente chez nous une gravité particulière. Les dégâts humains du chômage sont considérables, en particulier pour les jeunes et les chômeurs de longue durée. D’un point de vue collectif, il fragilise l’ensemble du système social (notamment le financement des régimes de retraite et de la sécurité sociale). Enfin, sur le plan de la vie politique, l’incapacité des gouvernements successifs à tenir leurs promesses en ce domaine suscite une défiance compréhensible vis-à-vis de la démocratie représentative, qui fait le lit du populisme.Dans un tel contexte, aucune solution ne peut être écartée a priori, quelle que soit l’idéologie qui l’inspire, pour multiplier les emplois et faciliter l’intégration dans le monde du travail de ceux qui en ont le plus besoin. Sans entrer dans le détail, on peut mentionner deux types de mesures qui font ou ont fait l’actualité: Les mesures visant à assouplir le droit du travail pour faciliter les embauches, du type de celles figurant dans la loi Travail discutée au printemps 2016. Des réformes de ce type peuvent être efficaces, comme on le constate dans d’autres pays, mais les effets attendus sur l’emploi, dont l’ampleur fait débat parmi les économistes, sont à mettre en regard des conséquences négatives pour les travailleurs d’une précarisation du contrat de travail.Dans une économie où, pour les raisons rappelées ci-dessus, le nombre total de postes de travail n’augmentera pas suffisamment, la question du partage de l’emploi ne peut être éludée. Compte tenu des effets incertains et controversés du passage aux 35 heures, la réduction du temps de travail ne peut être mise en avant comme une solution globale qu’il conviendrait d’imposer par des mesures s’appliquant à toutes les entreprises. Mais il existe d’autres manières d’envisager le partage de l’emploi.

Nouveau possible

Le partage du travail pourrait être envisagé en considérant l’ensemble du cycle de vie des individus, la diversité des formes d’emploi et des manières d’être utile à la société. La dernière partie de la vie professionnelle et le temps de la retraite devraient être repensés pour permettre une pluralisation des formes d’activité et d’utilité sociale dans la perspective d’un allongement de la vie active: préretraite progressive permettant un changement d’activité, détachement de fin de carrière, activités financées partiellement par les collectivités et les caisses de retraite, incitation au bénévolat des seniors, etc.Le congé sabbatique est également une autre manière de partager l’emploi et de prendre du recul par rapport à sa propre vie. Le service civique a constitué une modalité nouvelle de travail d’utilité publique pour les jeunes. En veillant à ce que ce type d’activités ne devienne pas de l’emploi précaire déguisé, on pourrait en créer de nouvelles formes.Il convient, par ailleurs, de rappeler que les enjeux sociaux de l’organisation du temps ne se limitent pas à l’emploi, ce qui devrait conduire à promouvoir une véritable « écologie du temps » fondée sur la recherche d’un équilibre entre les différents temps de la vie — travail, engagements sociaux, vie

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familiale et loisirs. La nécessité de limiter le recours au travail dominical et au travail à horaires décalés apparaît clairement dès que l’on élargit le cadre où se déploient généralement les raisonnements économiques.La « flexisécurité », à savoir un système combinant une meilleure protection sociale et de nouveaux droits (notamment en matière de formation) pour les salariés en cas de perte d’emploi et, en contrepartie, une plus grande liberté laissée aux entreprises dans la gestion de leurs effectifs, est une voie prometteuse si l’on en juge par l’expérience de certains pays (Danemark, notamment).Quelle que soit la difficulté de trouver un point d’équilibre techniquement satisfaisant, il semble nécessaire d’explorer cette voie, afin d’inventer un nouveau compromis entre le droit à la sécurité des salariés et les exigences de flexibilité liées au fonctionnement actuel de l’économie de marché. Sur ces différents sujets, on ne saurait trop insister sur l’importance de la négociation collective à tous les niveaux. C’est par le dialogue que peuvent émerger les meilleurs compromis entre les intérêts légitimes des entreprises, des salariés en poste et des demandeurs d’emploi. Les tensions sont inévitables entre le besoin de protection des travailleurs et les assouplissements que réclament les entreprises dans une économie mondialisée, sans oublier le désir croissant d’autonomie dans le travail manifesté par les jeunes. Ces tensions doivent être explicitées et reconnues par toutes les parties si l’on veut qu’un véritable dialogue s’instaure. En tout état de cause, il est important de réaffirmer que le travail ne sera jamais une marchandise comme une autre.Une initiative collective intéressante est celle qui a été lancée initialement par le mouvement ATD Quart-Monde appelée « territoires zéro chômeur de longue durée» et qui consiste à faire un inventaire des besoins non couverts par le marché (parce qu’insuffisamment « rentables ») et des compétences des chercheurs d’emploi. En faisant se rencontrer ces talents inemployés et ces besoins non couverts, par la mobilisation de tous les acteurs sur un territoire à taille humaine et par la création d’entreprises « à but d’emplois », l’expérience permet de réorienter des aides vers la création d’emplois d’utilité sociale. L’Etat a accepté d’en faire une expérimentation sur certains territoires. Mais la mise en oeuvre est complexe étant donné que les fonds nécessaires relèvent des usagers, du secteur privé, associatif et d’administrations différentes au niveau local, départemental et national.Indépendamment des solutions collectives, il convient de rappeler que nous avons tous des responsabilités personnelles à l’égard des questions sociales que l’on vient d’évoquer, à divers titres: solidarité à l’égard des personnes en recherche d’emploi, qualité de la vie au travail, recherche d’équilibre entre le travail, la vie de famille et les autres activités. La solidarité vis-à-vis des chômeurs peut s’exercer notamment dans les multiples associations d’aide et d’accompagnement, en prenant en compte le caractère irremplaçable de la relation directe entre les personnes.Dans le monde du travail, il nous revient d’être attentifs aux difficultés d’intégration professionnelle des personnes les plus vulnérables, celles qui pour différentes raisons ont le plus à craindre du chômage.Le devoir d’aider les personnes en difficulté doit intégrer un impératif de solidarité entre les générations. De nombreuses études montrent que les jeunes arrivant aujourd’hui sur le marché du travail doivent affronter une situation plus difficile que celle qu’ont Connue leurs aînés. C’est une injustice que la société dans son ensemble doit s’efforcer de corriger.Enfin, comme le rappelait Benoît XVI dans Caritas in veritate, le principe de gratuité et la logique du don peuvent et doivent trouver leur place dans l’activité économique ordinaire. Ce qui signifie notamment que la pression de la concurrence économique ne peut suffire à justifier des décisions et des pratiques managériales qui ne tiennent pas suffisamment compte de la situation des personnes.

Questions

• Que faisons-nous concrètement pour contribuer à ce que chaque personne puisse trouver une place dans notre société, se sentir utile et intégrée dans le tissu social? • Quelle attention portons-nous aux personnes au chômage et aux personnes en difficulté, dans notre entourage, sur le plan local et au-delà? • A quels efforts de solidarité sommes-nous prêts pour soutenir les associations d’aide aux chômeurs?• En tant qu’employeurs, ou au titre de responsabilités d’encadrement, avons-nous le souci de l’intégration professionnelle des jeunes et des personnes en difficulté?

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• Concrètement, dans le travail, sommes-nous attentifs aux difficultés de ces personnes?• Avons-nous le souci, quelles que soient les contraintes qui s’exercent sur notre travail, de lui donner plus de sens et d’y intégrer une part de don et de gratuité?• Avons-nous le souci de promouvoir, à tous les niveaux, la coopération plutôt que la compétition? • En tant qu’employeurs ou responsables hiérarchiques, avons-nous le souci de développer le travail en équipe et de prévenir les situations génératrices de solitude et de stress? Avons-nous le souci de permettre à nos collaborateurs de donner du sens à leur travail?• Avons-nous le souci d’un juste équilibre entre le travail rémunéré et nos autres activités, et notamment celui d’une répartition équitable des tâches au sein du couple?• Que faisons-nous pour soutenir les organisations représentatives réellement soucieuses de faire progresser le dialogue social? Que faisons-nous nous-mêmes pour faire progresser la culture du dialogue dans les organisations auxquelles nous appartenons?• Avons-nous le souci de chercher une information objective sur l’efficacité des mesures prises ou envisagées pour lutter contre le chômage?• Pour les jeunes, particulièrement: avons-nous conscience du rôle des syndicats, et avons-nous envisagé d’adhérer à l’un d’entre eux?

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Constats sur LE TEMPS LIBRE

Il y a le temps contraint, dès la prime enfance avec l’école, puis le travail: ces occupations obligatoires permettent à l’être humain de tout âge de grandir en humanité par l’acquisition de connaissances, la mise en oeuvre de compétences, la rencontre d’autres personnes... Mais les temps libres bénéficient d’un priori favorable, puisqu’ils relèvent de choix personnels et permettent de nouvelles découvertes.

Cette part de liberté cohabite avec des frustrations: l’impression d’un temps fragmenté, difficile à maîtriser en raison de multiples envies et sollicitations, sans oublier les difficultés liées à des causes économiques. En effet, depuis plusieurs décennies, notre société a été marquée par une marchandisation croissante de toutes les activités humaines. Une priorité a été donnée à la rentabilité financière, au détriment des autres motivations. Aussi, l’évaluation monétaire devient prépondérante, y compris en ce qui concerne les vacances et les loisirs. Actuellement, la référence obsessionnelle à la «croissance » comme seule solution aux problèmes sociaux amplifie cette tendance, au risque d’altérer notre jugement. Par exemple, alors que la France est l’une des premières destinations touristiques, allons-nous réduire cette réalité à ses seules retombées financières ou y verrons-nous une chance d’échanges culturels, d’heureuses rencontres? Si l’évaluation monétaire devient le critère prépondérant, voire le seul, d’appréciation des activitéshumaines, cela risque d’engendrer une aliénation: l’humain n’est pas considéré pour lui-même et pour les relations qu’il peut entretenir avec ses semblables et avec le monde, il est seulement pris en compte pour ses capacités actuelles et potentielles à générer du profit. L’utilité sociale des activités risque d’être corrélée à la seule mesure monétaire, ce qui dévalue le bénévolat, alors qu’il remplit une fonction déterminante dans la qualité de la vie sociale. On remarque aussi que l’obsession de la marchandise, avec une polarisation exclusive sur ce qui donne lieu à des échanges financiers, au détriment de toute autre considération humaine et environnementale, est l’une des causes majeures du drame écologique dont nous prenons conscience aujourd’hui.On peut cependant se réjouir que le week-end et les vacances soient des temps privilégiés pour les rencontres familiales et amicales, pour les reprises spirituelles et culturelles. Tous les temps dits libres, y compris pour les retraités, représentent des opportunités pour la vie associative: en ces instances, le goût de la rencontre l’emporte sur la recherche d’avantages financiers. Le bénévolat, qui associe désir de participation, gratuité et compétence, est déterminant pour la qualité de notre vie commune, mais il est parfois déprécié parce qu’il diminue l’impact des échanges monétaires. À ce propos, on peut considérer comme un scandale majeur le contraste saisissant entre les revenus de professionnels du sport et l’engagement quotidien de bénévoles, au service notamment des enfants et des jeunes, qui donnent non seulement de leur temps, mais aussi de leur argent. Aujourd’hui, la fascination pour les réussites tapageuses des stars en tout genre, ainsi qu’une tendance au repli individuel, induisent une crise dans l’engagement associatif.

Nouveau possible

Pourtant, les temps libres permettent de cultiver la vie familiale et amicale, voire de faire des rencontres imprévues. Le pape François aime à dire que les parents qui ne prennent pas le temps de jouer avec leurs enfants manquent à leurs devoirs!C’est aussi un bon moment pour cultiver la vie spirituelle et la contemplation. Le temps consacré à la contemplation n’est pas du temps perdu. Admirer la beauté d’un paysage, la finesse d’un oiseau, le bruissement d’un cours d’eau constitue une autre manière de sauver la vie. Rendre grâce pour les beautés naturelles, mais aussi pour l’action de générations successives qui ont su embellir cet environnement, c’est se reconnaître comme faisant partie de quelque chose de plus grand que nous qui nous dépasse. Goûter les arts et la culture, c’est une manière d’apprécier les fruits de l’heureuse créativité humaine.Le temps des vacances peut associer découverte de lieux et de personnes, enrichissement culturel et spirituel et repos bienfaisant. Mais la logique productiviste peut affecter gravement les temps libres, avec une polarisation sur la performance: le nombre de kilomètres parcourus et le nombre de sites visités semblent alors plus importants que la joie et l’enrichissement dont on a pu bénéficier. Par

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ailleurs, le tourisme peut constituer une manière de contribuer au développement d’une région, notamment dans le cadre du tourisme solidaire.

Questions

• Comment considérons-nous le dimanche, tant d’un point de vue personnel, familial que social?• Quel équilibre établir entre banalisation de ce temps et opportunité pour le développement affectif, spirituel, culturel? Ce moment différent dans le déroulement du temps peut-il avoir un impact positif sur la vie commune?• Quel regard portons-nous sur la nature ? Est-ce seulement un gisement d’éléments matériels utiles pour notre vie, au risque de l’abîmer définitivement? Ou bien la considérons-nous d’abord en sa beauté, avec sa richesse de biodiversité, comme une source d’émerveillement?• Comment arbitrons-nous dans notre vie le temps de l’action et celui de la contemplation?• Consacrons-nous du temps aux activités artistiques: groupe musical, chorale, théâtre, club photo, association poétique, etc.?• Savons-nous garder la maîtrise dans l’usage des moyens d’information et de communication pour consacrer du temps et de la disponibilité à la méditation et à la réflexion personnelle, mais aussi à la rencontre tant de nos proches que d’autres personnes?• Considérons-nous le bénévolat comme une dimension essentielle de notre existence personnelle et collective? Participons-nous effectivement à une culture de la gratuité dans nos choix d’actions et dans nos relations humaines? Par exemple, prenons-nous l’initiative d’animations de proximité (fête des voisins ou autres) qui sont peu coûteuses, favorisent des rencontres et sont susceptibles de promouvoir des solidarités concrètes?• Quels sont nos critères de choix en ce qui concerne les loisirs et les lieux de vacances? Prenons-nous en compte l’impact environnemental, notamment dans le choix de la destination et du mode de transport (bilan carbone)? Envisageons-nous également l’impact social? Des séjours bon marché peuvent induire des conditions de travail et des rémunérations indignes pour les personnes qui assurent les services.• Pour les jeunes : avons-nous le souci de participer à des activités qui nous font rencontrer des personnes de toutes les générations?

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CHAPITRE 2 : Mieux consommer

Il est important d’assimiler un vieil enseignement présent dans diverses traditions religieuses et aussi dans la Bible. Il s’agit de la conviction que « moins est plus ». En effet l’accumulation constante de possibilités de consommer distrait le coeur et empêche d’évaluer chaque chose et chaque moment. En revanche, le fait d’être sereinement présent à chaque réalité, aussi petite soit-elle, nous ouvre beaucoup plus de possibilités de compréhension et d’épanouissement personnel. La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété et une capacité de jouir avec peu. La sobriété qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice.Laudato si’ 222 et 223

Constat

Dans nos sociétés, dites « de consommation », la qualité de vie est directement associée au niveau d’accès aux biens et services et mesurée en fonction du confort matériel dont on dispose. Cette prévalence de l’« avoir » sur l’« être » conduit à une confusion entre le nécessaire et le superflu et à un besoin toujours plus grand de consommer. Pourtant on constate que l’accumulation des biens n’est pas corrélée à une amélioration du sentiment de bien-être.Par ailleurs, cette course à la consommation a un impact très négatif sur l’environnement. Nous prélevons sur notre planète des quantités de plus en plus importantes de ressources non renouvelables, en creusant des carrières, extrayant des métaux, du charbon, du pétrole... Chaque habitant consomme en moyenne en France 12, 5 tonnes de matières par an et au total 23 tonnes avec les flux cachés comme les déchets de carrières ou les matériaux extraits pour les produits que nous importons, dont les 3/4 sont non renouvelables !En termes de mode de vie, la consommation peut être abordée à différents niveaux: l’alimentation, les modes de déplacement, les ressources énergétiques, les ressources minérales, la biodiversité.

L’alimentation

Deux problèmes majeurs sont à souligner en termes d’alimentation: le gaspillage et la sécurité alimentaire. En France, on estime que, par an et par habitant, à domicile, près de 30 kg de produits alimentaires consommables sont jetés, dont 7 kg de nourriture encore emballée, ce qui représente un budget de plus de 400 €. C’est toute l’Europe qui est concernée: en Grande-Bretagne, 25 % des aliments achetés sont jetés. Selon une analyse menée en 2011 par la FAQ 3, la quantité de gaspillage alimentaire dans le monde s’élève à 1, 3 milliards de tonnes par an, soit environ un tiers de la production totale de denrées alimentaires destinée à la consommation humaine. Parmi les causes, on trouve, dès la production, les critères esthétiques (ni trop grands, ni trop petits, ni trop tordus) qui impliquent que les agriculteurs jettent jusqu’à 40 % de leur récolte. Il y a également le besoin, dans nos pays, d’écouler une production nettement supérieure aux besoins. Les données existantes montrent que plus de 3 500 kcal sont produites par jour et par personne, pour des besoins autour de 2 000-2 500 kcal 1• Il faut enfin mentionner l’impact des règles relatives à l’hygiène et à la sécurité sanitaire. Nous ne pouvons ici qu’évoquer en passant la problématique des étiquetages, des dates limites de consommation fixées en fonction de considérations parfois plus commerciales que sanitaires. Une réflexion sur cette question, non prise en compte par les politiques actuelles de lutte contre le gaspillage, devrait être menée avec l’industrie agroalimentaire. Un travail sur les politiques agricoles devrait aussi être conduit au niveau français et européen pour analyser les causes, et pas seulement les effets, de ce gaspillage.Entre 6 et 8 millions de personnes, soit 12, 2% de la population, sont considérés en situation d’insécurité 4 alimentaire en France alors que notre pays est classé parmi les plus riches et n’a pas de

3 www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr 1. www.p1anetoscope.com4 Les Échos 22 décembre 2014. Etude Fors-Recherche sociale « Inégalités Sociales etAlimentation», décembre 2014.

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problèmes de production ni d’approvisionnement. On estime que 3, 6 millions de personnes ont bénéficié de l’aide alimentaire en France en 2012. Faute d’une vraie politique de sécurité alimentaire et d’accès à une alimentation digne pour tous, nous sommes contraints de gérer les surplus et de légiférer pour permettre aux distributeurs d’« écouler » les stocks auprès d’associations caritatives. Il serait préférable de travailler à une meilleure régulation pour ne pas se retrouver avec autant d’invendus. Les personnes qui se nourrissent grâce aux surplus sont placées dans la situation de devoir accepter ce qu’on leur propose, y compris des rebuts de mauvaise qualité au risque d’être jugées si elles refusent. Il n’existe pas non plus de recours pour faire respecter le droit à l’alimentation.

Les modes de déplacement

La mobilité constitue une valeur dans nos modes de vie actuels. Au niveau du travail, des loisirs ou des choix d’habitation, le déplacement plutôt que la stabilité, le mouvement plutôt que la permanence, le changement plutôt que la continuité sont devenus des vertus. Or, la mobilité n’est ni durable ni généralisable: étant directement associée à l’utilisation des transports, et notamment de la voiture, elle est responsable en bonne partie de la pollution de l’environnement et de l’épuisement des ressources énergétiques. En 2015, le transport était responsable de 28,9 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 95 % imputables aux voitures et camions5

Des aménagements au niveau des communes sont nécessaires pour faciliter la vie des piétons et l’utilisation des vélos et des transports en commun. Des efforts importants ont été réalisés (trams, pistes cyclables, etc.) mais il reste encore beaucoup à faire. L’encouragement au covoiturage peut être réalisé à travers des plateformes mises en place au niveau des mairies et des entreprises, mais également à travers la réduction du péage quand la voiture est pleine.Le développement des voitures électriques et hybrides rechargeables reste encore très modeste. La prédominance du diesel sur l’essence à cause d’un prix plus avantageux a des effets très négatifs sur la santé. La dangerosité des particules fines, notamment émises du fait des transports routiers, est aujourd’hui reconnue.

Les ressources énergétiques

En France, nous émettons, en moyenne, quatre fois plus de gaz à effet de serre que ce qu’implique rait une juste contribution de tous à la lutte contre le changement climatique. Notre pays a d’ailleurs pris, dans plusieurs textes officiels, l’engagement de se conformer à cette exigence d’ici 2050, mais tous les experts conviennent que cet objectif est très ambitieux et qu’il ne pourra être atteint par le seul progrès technique. L’augmentation de la production d’énergie décarbonée ne dispensera pas d’économiser l’énergie dans ses différents domaines d’utilisation, sans oublier le problème spécifique des émissions liées à l’agriculture et, surtout, à l’élevage. Dans toutes les activités d’une organisation (entreprise, mouvement, paroisse, diocèse), d’une famille ou d’un individu, des gaz à effet de serre sont émis de diverses manières: par le bâtiment (chauffage principalement), par les transports (salariés, bénévoles, fournisseurs, etc.), par les produits consommés (alimentation, papier, mobilier, matériel informatique, etc.), par les déchets produits (quantité, mode de traitement: le bilan sera différent selon que le déchet ira dans un compost, sera recyclé, sera incinéré, etc.). Les émissions de gaz à effet de serre en France se sont élevées en 2015 à 6,8 tonnes équivalent C02/habitant quand elle aurait dû être au maximum de 2 tonnes pour stabiliser le taux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère si l’on se place sur le plan mondial et pour éviter ainsi un réchauffement climatique supérieur à 2 °C 6Mais il est plus juste de considérer l’empreinte carbone 7qui mesure l’ensemble de ces émissions par habitant, y compris celle des produits importés; celle-ci se serait élevée en 2015 à environ 12 tonnes

5 www.statistiques.developpementdurable.gouvfr

6 J-M. JANCOVICI, Transition énergétique pour tous, Paris,Odile Jacob, 2013, p. 124-125.

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équivalent C02/habitant8. S’agissant de l’empreinte carbone, cet objectif de 2 tonnes par habitant et par an pourrait être considéré comme un objectif éthique d’équité planétaire.

Les ressources minérales

Les ressources minérales sont par nature non renouvelables, certains minéraux ont déjà disparu 9, Les ressources en argent, cuivre, sélénium et tellure, utilisés en électronique et dans l’industrie métallurgique, seront en situation critique dans quelques dizaines d’années10.Le recyclage est insuffisant pour faire face aux besoins actuels . Par ailleurs l’exploitation de ces ressources s’effectue pour certaines dans des conditions inhumaines ou très préjudiciables pour la biosphère (or, coltan congolais de nos téléphones portables, etc.). Cette utilisation des ressources minérales ne sera plus possible à échéance de quelques décennies11, ou à un coût beaucoup plus élevé: elle est donc injuste.

La biodiversité12

La diversité génétique, la diversité des espèces et celle des milieux naturels sont menacées. Compte tenu du rythme actuel de disparition des espèces, la moitié des espèces vivantes que nous connaissons pourrait disparaître d’ici un siècle.13 La Liste rouge des espèces menacées en France est réalisée par le Comité français de l’UICN3et le Muséum national d’Histoire naturelle. Elle permet de déterminer le risque de disparition de notre territoire des espèces végétales et animales qui s’y reproduisent en milieu naturel ou qui y sont régulièrement présentes.En France métropolitaine, 9 % des mammifères,19 % des reptiles, 21 % des amphibiens et 27 % des oiseaux nicheurs sont menacés de disparition du territoire. Tout comme 22 % des poissons d’eau douce et 28 % des crustacés d’eau douce. Pour la flore, 500 espèces sont menacées. En France, environ 165 hectares de milieu naturel sont détruits14chaque jour à des fins diverses. Chaque aunée par exemple, plus de 60 000 hectares de terrains agricoles et de milieux naturels sont transformés en routes, habitations, zones d’activités (cela représente l’équivalent d’un département tous les 7 ans).

Nouveau possible

A la lumière de ce que nous venons de rappeler, comment imaginer le monde dans une dynamique de consommation en équilibre durable avec les capacités de la terre? La transformation de notre rapport à la consommation est un aspect majeur (mais certainement pas unique) de la transformation requise de

7 Le carbone, comme le C02, sont les unités de mesure utilisées comme des équivalences d’un ensemble de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote, hydrofluorocarbures, etc.).

8 Source cabinet Carbone 4.

9 La cryolithe est principalement utilisée pour la production d’aluminium et dans l’industrie des céramiques. Elle a été découverte sur la côte ouest du Groenland. Pour faire face aux besoins de l’industrie, la cryolithe est désormais produite artificiellement.

10 CRITICALITY 0F THE GEOLOGICAL COPPER FAMILY, Environ. Sci. Technol., 2012, 46 (2), Center for Industrial Ecology, School of Forestry and Environmental Studies, YaIe University. L’exploitation des nodules métalliques sous-marins est encore hypothétique.

11 F. GROSSE, Le Découpage croissance/matière première, Paris, Futuribles, n° 365, juillet-août 2010.

12 Fiches bleues «Biodiversité: crise, et réponses de la société»,SERVICE NATIONAL FAMILLE ET SOCIÉTÉ DE LA CEF, décembre 2013

13 Ministère du développement durable. www.developpement-durable.gouv.fr

14 Union Internationale pour la Conservation de la Nature.

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nos styles de vie. Le pape François nous propose une « croissance par la sobriété ».Trois niveaux d’action peuvent être distingués pour favoriser des modes de vie marqués par la sobriété: un niveau personnel, un niveau collectif pour le conforter au sein des structures à travers lesquelles nous agissons dans et sur la société (groupes d’échanges, de proximité, associations, paroisses, rassemblements, etc.), un niveau politique qui est déterminant pour la modification du contexte (infrastructures de transport, législation, fiscalité, etc.). A chacun de ces niveaux, diverses actions peuvent être menées; leur mise en œuvre peut être rapide, comme la décision de louer ou emprunter un outil plutôt que de l’acheter, ou plus longue quand elle concerne des investissements personnels ou collectifs.

Plusieurs types d’initiatives se développent ainsi avec des modalités diverses:— Utilisation des énergies renouvelables dans l’habitat: panneaux solaires, chaudière à

biomasse, pompes à chaleur, isolation avec des produits naturels.— Mutualisation des moyens de transport: covoiturage, autopartage, garage solidaire.— Mutualisation de l’habitat et du jardin: habitat partagé, jardin solidaire, etc.— Recyclage: tri des déchets, système de compost dans les immeubles, dépôt et achat des

vêtements, du mobilier et d’ordinateurs dans les ressourceries.— Achat en privilégiant les circuits courts: AMAP, commerces de proximité, Jardins de

Cocagne, la Ruche qui dit oui, etc.— Achat des biens non produits localement via le Commerce équitable: produits labellisés Max

Havelaar, boutiques Artisans du Monde, etc.— Participation aux systèmes d’échange direct sans contrepartie monétaire: SEL (Système

d’échange local), accorderies (banque de temps qui permet l’échange de services sans utiliser de l’argent), Réseau d’échanges de savoir, etc.

— Utilisation des Monnaies locales complémentaires (plus d’une vingtaine en France) : des monnaies valables uniquement à l’intérieur d’un territoire, utilisées pour favoriser le développement local.

Questions

• Que privilégions-nous dans nos choix de consommation: le « moins cher » ou le « prix juste » (qui tient compte du respect de la nature et des besoins du producteur)?• Faisons-nous attention à l’empreinte écologique des aliments que nous consommons?• Faisons-nous attention à ne pas avoir à jeter des produits non consommés et à privilégier des produits avec moins d’emballages?• Trions-nous nos déchets?• Est-ce que nous sommes conscients que les produits de saison sont moins polluants? Cherchons-nous à les privilégier dans nos achats?• Nous interrogeons-nous sur l’origine du lieu de production des biens que nous achetons?• Sommes-nous prêts à utiliser moins la voiture de manière individuelle et à utiliser plus le covoiturage et les transports en commun?• Sommes-nous prêts à soutenir les mesures qui limitent l’utilisation de voitures en ville comme les péages urbains?• Sommes-nous prêts à payer une taxe carbone?• Faisons-nous preuve de discernement dans le choix des modes de transport, pour tenir compte de leur impact environnemental?• Existe-t-il un Plan de Déplacement dans notre entreprise ? Sinon, serions-nous prêts à l’impulser?• Sommes-nous prêts à investir dans un chauffage moins consommateur d’énergie et dans l’isolation de nos logements?• Cherchons-nous à réparer nos équipements plutôt que de les jeter et les remplacer?• Donnons-nous les appareils que nous n’utilisons plus à des associations qui peuvent les remettre en service ou en recycleries composants15?

15 Des entreprises d’insertion sont souvent impliquées dans les circuits de la réparation et du réemploi comme Envie, lié à Emmaüs, qui s’occupe de l’électroménager.

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• Privilégions-nous la location plutôt que l’achat des biens qui peuvent être utilisés par plusieurs personnes: outils de bricolage, voitures, vélos, maisons de vacances?• Si nous participons à des associations de consommateurs ou à des centrales d’achat, demandons-nous que le respect de l’environnement, la rémunération juste au producteur, et la priorité aux producteurs locaux soient des critères de notation et de sélection?

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CHAPITRE 3 : Mieux utiliser l’argent

La crise financière de 2007-2008 était une occasion pour le développement d’une nouvelle économie plus attentive aux principes éthiques et pour une nouvelle régulation de l’activité financière spéculative et de la richesse fictive. Mais il n’y a pas eu de réaction qui aurait conduit à repenser les critères obsolètes qui continuent à régir le monde.Laudato si’, 189.

Constat

L’argent devrait être un moyen pour échanger et pour épargner. Or il est devenu une fin en soi: principal critère de valorisation de l’activité économique, appréciée avant tout par le profit réalisé, mais également de l’action culturelle, sociale etpolitique. L’importance des projets, même ceux qui visent l’intérêt public et la solidarité, est mesurée en fonction des ressources monétaires engagées.

La crise financière de 2008 a marqué une nouvelle étape de l’évolution de nos sociétés face à l’argent. Elle est la conséquence d’une financiarisation excessive de l’économie qui a creusé un abîme entre la production réelle et la circulation financière. Le secteur bancaire, qui devrait servir avant tout à financer la production des biens et des services, est devenu un secteur autonome obéissant à ses propres objectifs de profit. Des rémunérations exorbitantes, des parachutes dorés, des placements dans les paradis fiscaux sont ainsi la cause et la conséquence d’une spéculation financière exacerbée qui a fait perdre de vue la fonction sociale de l’argent et provoqué un accroissement indécent, immoral et socialement explosif des inégalités. La crise financière actuelle est d’abord une crise de confiance, sous-tendue par un sentiment de tromperie et de perte de sens. La sophistication des outils financiers ne peut masquer le caractère essentiellement spéculatif du fonctionnement des marchés, leur incapacité à évaluer et à faire émerger la vraie valeur des actifs, le manque d’indépendance des agences de notation, l’opacité sur l’état de santé des banques, l’irresponsabilité dans l’attribution des crédits et le contrôle du surendettement, etc.La crise de confiance est généralisée et présente à tous les niveaux, entre les épargnants et les investisseurs, entre les banques et les Etats, entre les traders et les managers. Cette réalité financière dont la complexité semble souvent nous dépasser est pourtant directement liée à nos choix individuels notre épargne et nos impôts constituent les principales ressources du système financier Si nous privilégions dans nos choix d’épargne, les combinaisons les plus avantageuses de taux d’intérêts élevés et de disponibilité des fonds places sans prendre en compte l’usage qui sera fait de cet argent, nous contribuons à favoriser les placements spéculatifs et nous sommes indirectement complices des formes les plus immorales d’enrichissement. Si nous soutenons sans discernement les politiques visant une baisse des impôts, sans même parler des pratiques d’évasion fiscale (qu’elle soit ou non légale), nous privons 1’Etat des moyens de financer les politiques sociales etla redistribution au profit des plus pauvres.

Nouveau possible

Comment retrouver un bon rapport à l’argent? Car il ne s’agit ni de le diaboliser ni de refuser son utilisation. L’argent et la finance sont nécessaires au fonctionnement de l’économie. Ce n’est pas l’argent qu’il faut dénoncer, mais le fait que tout lui soit soumis. Or, grâce à de nombreuses initiatives inspirées par le souci de mettre l’argent au service du bien commun, il existe aujourd’hui des solutions pour redonner du sens à l’épargne. D’une part, la finance éthique avec la création des fonds TSR (Investissement Socialement Responsable) qui prennent en compte des critères environnementaux et sociaux pour choisir les entreprises dans lesquelles ces fonds sont placés16 D’autre part, la finance solidaire, qui propose de partager l’intérêt généré par l’épargne avec des projets d’utilité sociale

16 Voir notamment le travail de l’association Éthique et Investissement, créée par des congrégations religieuses pour définir ensemble des critères éthiques de placement: www.ethinvest.asso.fr

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(fonds de partage) ainsi que d’investir directement dans des projets solidaires (des structures qui facilitent l’accès à l’emploi, au logement, à la santé, qui favorisent la solidarité internationale ou le développement des énergies renouvelables17). Par ailleurs, les systèmes de crowdfunding ou financement participatif, qui connaissent actuellement un développement rapide, offrent la possibilité de donner, prêter ou investir directement son argent dans des projets à utilité sociale, à travers des plateformes numériques18.Nous disposons aujourd’hui des outils nous permettant de contribuer à mettre la finance au service du bien commun. Lutter contre les dérives du système financier relève de la responsabilité de chacun de nous.Enfin, le soutien d’un système fiscal juste et la lutte contre l’évasion fiscale relèvent également de notre responsabilité. Les décisions sont prises aux niveaux de l’Etat, de l’Europe et des Institutions Internationales, mais nous en sommes ultimement responsables en tant qu’électeurs. Nos choix politiques doivent refléter nos choix de société. Les politiques visant la baisse des impôts répondent parfois à la nécessité bien réelle de renforcer la compétitivité de l’économie nationale, mais il ne faut jamais perdre de vue qu’elles profitent d’abord aux plus riches.

Questions

• Quels critères utilisons-nous pour placer notre argent? Cherchons-nous avant tout le taux d’inté rêt le plus élevé ou demandons-nous à qui bénéficie le placement de notre argent?• Privilégions-nous le placement dans des produits éthiques et solidaires?• Faisons-nous attention aux critères éthiques de notre banque?• Payons-nous les impôts dont nous sommes redevables ou cherchons-nous des moyens de les éviter?• Sommes-nous prêts à soutenir des politiques ou des actions contre l’évasion fiscale?• Comment assumons-nous notre responsabilité de citoyen pour promouvoir un bon usage de l’argent public?

17 Voir notamment FINANSOL qui attribue un label aux produits d’épargne et d’investissement solidaire et publie tous les ans un baromètre de la finance solidaire : www.finansol.org

18 Plusieurs plateformes de crowdfunding « solidaire » existent, par exemple: www.babyloan.org/fr ou www.pretdechezmoi.coop/fr

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CHAPITRE 4 : Mieux produire

Pour que surgissent de nouveaux modèles de progrès, nous devons convertir le « modèle de développement global » ce qui implique de réfléchir de manière responsable « sur le sens de l’économie et de ses objectifs afin de corriger les dysfonctionnements et les déséquilibres ». Il ne suffit pas de concilier dans un juste milieu la protection de la nature et le profit financier,ou la préservation de l’environnement et le progrès. Sur ces questions les justes milieux retardent seulement l’effondrement. Il s’agit simplement de redéfinir le progrès.Laudato Si’, 194.

Les modes de vie concernent la consommation mais également la production: l’une ne va pas sans l’autre. L’acteur central de la production est l’entreprise: qu’elle soit multinationale ou petite entreprise locale, elle est directement concernée par la crise écologique et par le défi de redéfinir le progrès.

Constat

L’ENTREPRISEDepuis les années 1980, la financiarisation a transformé le contexte où évoluent les entreprises. Dans le même temps, la théorie économique dite de la « valeur pour l’actionnaire » selon laquelle l’entreprise ne peut avoir d’autres objectifs que la maximisation des gains des actionnaires, s’est imposée comme une norme pour le management. Cependant, au cours des deux dernières décennies, la succession des crises et la prise de conscience des limites de la planète ont suscité de nouvelles interrogations sur la nature et la vocation des entreprises. Ainsi la crise asiatique des années 1997-1998 a alerté sur les risques financiers des placements dans des projets excessivement spéculatifs. Puis l’éclatement de la bulle des télécoms en 2001-2002, ainsi que quelques faillites retentissantes dans le domaine de l’énergie (ENRON) ou de l’alimentation (Parmalat en Italie) ont montré que les marchés peuvent se tromper gravement dans l’évaluation des entreprises. Cela n’a pas empêché la crise financière de 2008 et ses multiples répliques, et les problèmes systémiques sous-jacents n’ont pas été corrigés, ce qui laisse craindre de nouvelles secousses. Parallèlement aux crises financières, plusieurs catastrophes écologiques (Seveso, Deepwater horizon), sociales et humanitaires sont venues souligner la relative irresponsabilité des actionnaires et des donneurs d’ordre au regard des conséquences potentielles de l’activité des entreprises. L’un des événements qui a marqué les esprits a été l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013, bâtiment qui abritait plusieurs ateliers de confection travaillant pour diverses marques internationales de vêtement, dans lequel plus de 1 000 personnes ont perdu la vie. Cette catastrophe a mis en évidence le manque de responsabilité des multinationales à l’égard de leurs fournisseurs et conduit au besoin d’établir des normes pour les protéger.Ces crises diverses ont mis en évidence que l’entreprise n’est pas seulement un acteur économique mais qu’elle assume de fait un ensemble de responsabilités sociales. Ne serait-ce qu’à travers les ressources financières, humaines ou naturelles qu’elle mobilise, l’entreprise a aujourd’hui un impact majeur sur la vie des populations, sur la distribution de la richesse et sur la pérennité de l’écosystème planétaire. Cette prise de conscience conduit à envisager l’entreprise, indépendamment de sa forme juridique, comme une communauté de personnes orientées vers un projet commun. Elle a ainsi une responsabilité d’acteur social autant à l’égard de ses membres que de la société d’une manière générale.

Nouveau possible

La prise en compte de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE) s’est beaucoup développée ces dernières décennies. Les entreprises du CAC4O sont obligées, depuis 2001, de présenter un rapport sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, en plus de leurs bilans financiers. Des agences de notation se sont multipliées pour évaluer les entreprises à ce niveau. La norme ISO 26 000 propose un cadre général pour évaluer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Des projets de partenariat entre les entreprises et le monde

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associatif se développent de plus en plus, faisant évoluer les pratiques classiques de mécénat vers de véritables pratiques de collaboration. Des modèles économiques nouveaux sont apparus, comme le «social business plan » associé à des fonds dont la rentabilité est évaluée au niveau social et environnemental.Par ailleurs, le développement du secteur de l’Economie sociale et solidaire (ESS) répond également au souci d’une économie qui n’est pas évaluée uniquement en termes de rentabilité financière. Que ce soit à travers des formes juridiques fondées sur la lucrativité limitée, la gouvernance démocratique et le partage équitable des bénéfices (coopératives, mutuelles, associations, fondations), ou à travers des sociétés commerciales classiques avec une claire finalité d’utilité sociale (entrepreneuriat social), l’ESS présente une multiplicité de manières de concevoir et d’organiser l’activité économique de manière solidaire et respectueuse de l’environnement. La loi-cadre de l’ESS de 2014, première loi sur le secteur, lui a donné de la légitimité et a établi des conditions favorables pour l’aider à se développer.L’entreprise peut ainsi être levier du changement des modes de vie à plusieurs niveaux :

— en cherchant des solutions plus sobres en énergie et moins émettrices de gaz à effet de serre (GES). Ainsi en Europe, depuis la signature du Protocole de Kyoto, les industriels ont déjà abaissé de 38 % leurs émissions de GES globales en 2013 par rapport à 1990. Les programmes de Recherche et Développement sur l’efficacité énergétique et la « décarbonation » des économies doivent se poursuivre activement, malgré la baisse récente des cours de pétrole,

— en proposant des produits mieux adaptés aux nouveaux modes de vie recherchés, économes en énergie notamment (éco-conception), et en développant des services propres à assurer de nouveaux besoins (vieillissement, familles monoparentales, etc.) ainsi que des besoins non couverts de façon optimale (comme les transports). Le passage d’une économie fondée sur l’appropriation d’objets à usage exclusif, à une économie d’usage ou de partage (économie de fonctionnalité ou économie collaborative) demande un engagement fort de la part des entreprises comme des individus,

— en développant l’économie circulaire afin de réutiliser les déchets générés dans une activité comme ressource pour en développer une autre, en minimisant ainsi le gaspillage et la dépense d’énergie,

— en veillant au bien-être et à l’épanouissement des salariés, des fournisseurs et des sous-traitants. Des collaborateurs mieux respectés et valorisés ainsi que mieux informés des objectifs poursuivis et développant leur créativité dans un environnement harmonieux seront à même de contribuer à l’invention de solutions durables. Les investisseurs auront également de plus en plus tendance à s’orienter vers le financement de telles entreprises,

— en privilégiant l’accès au travail sur le bénéfice financier, afin de contribuer à créer les conditions pour que chaque homme et chaque femme puissent déployer leur dignité de créateur,

— en redistribuant les bénéfices de manière équitable à l’intérieur de l’entreprise à travers une politique de salaire juste et sans écart excessif entre celui qui se trouve au niveau le plus élevé et celui qui est en bas de l’échelle19,

— en refusant de trop avantager les actionnaires dans le partage de la valeur ajoutée de l’entreprise,

— en partageant les bénéfices avec des projets d’utilité sociale, — en respectant les obligations fiscales sans chercher des stratégies pour payer moins d’impôts,

afin de contribuer ainsi aux systèmes de solidarité que les Etats assurent auprès des personnes plus vulnérables.

Questions

19 Voir G. GIRAUD et C. RENOUARD, « Le facteur 12 », Paris, Carnets du Nord-Montparnasse éditions, 2012.

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• En tant qu’entrepreneur, est-ce que je cherche à réduire l’empreinte écologique de mon entreprise?• En tant qu’entrepreneur, est-ce que je suis attentif à la différence des rémunérations à l’intérieur de mon entreprise?• En tant qu’entrepreneur, est-ce que je suis attentif aux conditions de travail de mes sous-traitants?• En tant qu’entrepreneur, est-ce que j’ouvre des possibilités de travail à des personnes en chômage de longue durée, à des personnes en situation de handicap, à des jeunes sans expérience?• En tant qu’actionnaire, est-ce que je me préoccupe de l’impact des choix de l’entreprise sur l’environnement naturel et humain? Est-ce que je privilégie l’investissement à long terme sur le court terme?• En tant que travailleur, est-ce que je m’informe sur les impacts environnementaux, sociaux, voire sociétaux (externes) des entreprises avec lesquelles je travaille? Et sur les produits ou services qu’elles livrent?• En tant que travailleur, est-ce que je participe aux efforts de recherche de solutions durables, économes en énergie et matières premières, au recyclage, aux économies directes que je peux faire de ma propre initiative ou proposer?• Quel que soit mon rôle dans l’entreprise, de quelle manière je participe ou je contribue à créer des espaces de responsabilité et d’action collective?

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CHAPITRE 5 : Mieux habiter l’espace

Pour parler d’un authentique développement il faut s’assurer qu‘une amélioration intégrale dans la qualité de vie humaine se réalise; et cela implique d’analyser l’espace où vivent les personnes. Le cadre qui nous entoure influe sur notre manière de voir la vie, de sentir et d’agir.Laudato Si’, 147.

Deux types d’espace encadrent la vie collective: l’espace urbain et l’espace rural. Chacun d’eux est aujourd’hui traversé par des enjeux et des difficultés différents, même si l’interdépendance entre les deux est très importante. Nos modes de vie sont très déterminés par le type d’espace que nous habitons: le territoire, qu’il soit urbain ou rural, est à la fois une ressource et un objet de transformation en vue de la conversion écologique.

Constat sur l’ ESPACE URBAIN

80 % des Français vivent désormais en ville, tandis que les frontières entre l’urbain, le péri-urbain et le rural s’estompent. L’urbanisation prend la forme d’un étalement urbain rendu possible par l’omniprésence de la voiture et par les grandes zones commerciales de périphérie. Nos modes de vie sont urbains, et pourtant nous n’aimons guère la ville. Nous la subissons en rêvant d’une présence accrue de la nature, de déplacements moins harassants, et de relations de proximité plus conviviales. Nous regrettons la vie de quartier qui s’effiloche, les voisinages difficiles, voire la ghettoïsation de certaines cités, un sentiment d’insécurité et de peur de l’autre. Nous nous plaignons tous de la démocratie locale en panne, du millefeuille institutionnel, des débats compliqués concernant les choix d’aménagement. La polémique autour des ZAD (zones à défendre20) comme l’aéroport Notre-Dame-des-Landes illustre l’absence de consensus sur des choix urbains partagés. Au quotidien, les réflexes conservateurs du « pas dans mon jardin» marquent profondément en négatif notre vision de la ville et de son avenir. Trop souvent, les habitants d’un quartier refusent par exemple l’implantation de logements sociaux, voire de toute construction nouvelle.Mais la ville est devenue aussi l’espace où s’organise la fête des voisins au niveau des immeubles ou d’une nie. Cette rencontre gratuite et conviviale change l’ambiance des réunions de co-propriétaires, créant de la confiance et de l’appartenance commune. Les conseils de quartier permettent aussi, parfois, de transformer la cohabitation en « convivance ». Rien n’interdit d’espérer la diffusion de ces expériences. Au niveau du logement, des besoins restent criants dans notre pays quoiqu’ils soient inégalement répartis selon les zones géographiques.Le logement indigne, la précarité énergétique, les friches et les îlots dégradés, l’absence de domicile concernent de nombreuses personnes et de nombreux quartiers. Le mal logement est un fait massif : il touche les pauvres et de plus en plus souvent les classes moyennes les moins favorisées, les jeunes ménages ou certains retraités, les « recommençants » après un changement de vie familiale ou professionnelle. Pourtant la disposition d’un logement « est très étroitement liée à la dignité des personnes et au développement des familles ». Le pape François encourage à intégrer les « quartiers précaires dans une ville accueillante » par des espaces de mise en relation favorisant la reconnaissance de l’autre.Par nos modes de vie nous avons fait des choix implicites: nos logements offrent de plus en plus de pièces et de mètres carrés par personne, nous avons choisi le confort par l’espace. En parallèle, le nombre de personnes par logement diminue avec les fréquentes décohabitations et la vie en solo des personnes âgées. Le besoin de logements neufs s’explique aussi par notre recherche de confort solitaire. Le regard que nous portons sur notre propre logement concorde mal avec notre attention aux situations d’exclusion dans la ville.La part des dépenses des ménages consacrée au logement a augmenté et le logement constitue une charge en augmentation. La progression formidable des prix immobiliers depuis 20 ans rend difficile l’accession à la propriété. Elle valorise toujours plus le patrimoine immobilier des possédants riches. Le renchérissement du foncier sacralise la propriété privée et oublie la limite fixée par le discours social de l’église : la « destination universelle des biens » prime sur le droit à la propriété. Le partage

20 « ZAD» était au départ une « zone d’aménagement différé ». Le sigle a été transformé par les opposants à ces projets

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de la plus-value dans les opérations immobilières se fait en effet toujours en faveur des propriétaires et des opérateurs, jamais des collectivités et des logés.Les réponses politiques paraissent décalées : les aides au logement diminuent, tant pour la construction ou la réhabilitation, que pour diminuer la charge des loyers. Les objectifs annoncés de construction neuve sont loin d’être atteints. Le droit au logement pourtant inscrit dans la Constitution depuis peu n’a pas changé les choses. La production de logements sociaux s’avère trop faible pour répondre aux besoins, tandis que, dans les agglomérations tendues, l’offre présente un gros manque pour les classes moyennes inférieures: elles ne peuvent acheter faute de patrimoine déjà possédé, ni louer sur le marché libre, ni accéder au logement social faute de place. La responsabilité politique en matière de logement et d’urbanisme est illisible, en se répartissant au minimum entre les communes, les intercommunalités et l’État. Pourtant, tous les économistes s’accordent sur l’intérêt de relancer la construction de logements, de réhabiliter et d’améliorer l’isolation thermique: ces investissements créent beaucoup d’emplois non délocalisables et, surtout, ils ont un impact social considérable.

Nouveau possible

Rendre la ville désirable, vivable et durable, assurer un réel droit au logement pour tous, nous impliquent aussi personnellement. Nous pouvons mieux exprimer notre bienveillance dans nos quartiers, ouvrir la porte à tout ce qui pourra supprimer les poches d’indignité, même si cela affecte un peu notre environnement résidentiel. Nous pouvons soutenir les associations d’aide au logement des personnes défavorisées comme Habitat & Humanisme, Solidarités Nouvelles pour le Logement.Dans nos logements trop grands, nous pouvons héberger un étudiant, une personne en difficulté, un réfugié, comme le proposent les réseaux COSI ou Welcome en France, ou l’association Lazare. Nous pouvons prêter ou louer à bas prix le logement complémentaire ou la résidence secondaire que nous possédons éventuellement. Nous pouvons encore envisager pour nous-mêmes la solution de l’« habitat participatif »: un immeuble ou un hameau réunissant un groupe de familles partageant le goût de concevoir et gérer ensemble leurs logements.

Questions

• Que privilégions-nous dans notre choix d’habitat et de quartier: un abri qui doit procurer isolement et protection, ou bien un lieu ouvert pour la famille, les amis, les voisins, le partage de projets communs, la vie sociale et culturelle?• Quel sens allons-nous donner à notre habitat comme choix de lieu de vie et comme moyen d’épanouissement pour soi, nos proches et l’inconnu?Notre habitat et notre manière d’habiter sont-ils conformes à nos choix de bienveillance, de tolérance et d’ouverture à l’autre?• Est-ce que nous acceptons d’être un peu plus à l’étroit en échangeant un logement devenu le cas échéant trop grand contre un plus petit? Accepterions-nous d’héberger un étudiant, un mal logé temporaire, voire un réfugié ou un migrant?Accepterions-nous de louer à faible prix un logement complémentaire à des personnes ayant des faibles ressources?• Comment arbitrons-nous nos investissements entre placements financiers, investissements dans l’habitat pour soi, pour louer ou pour prêter à des associations de relogement des personnes défavorisées?• En tant que propriétaires fonciers de terrains constructibles, le cas échéant, acceptons-nous de considérer que la terre ne nous appartient en définitive que pour l’usage que nous en faisons, et que les plus-values liées à l’urbanisation peuvent être partagées entre soi et les futurs utilisateurs?• Sommes-nous prêts à accepter dans notre environnement de quartier qu’il y ait davantage de logements sociaux ou de résidences pour personnes à faibles ressources, même si cela « densifie », et sommes-nous prêts à le dire en réunion publique?• Sommes-nous prêts à participer aux débats locaux pour défendre des choix urbains allant vers plus de mixité sociale, plus de place et plus d’occasions de rencontres, plus de relations et d’accueil de la différence?

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• Sommes-nous prêts à choisir de faire les courses davantage dans les boutiques de proximité et non plus exclusivement dans les grandes surfaces pour favoriser la vie de quartier? Sommes-nous prêts à consommer davantage de produits locaux ou à forte proportion d’emplois locaux, et pour cela à nous approvisionner dans les lieux ou les réseaux adaptés?Sommes-nous prêts à accepter un usage partagé d’espaces communs dans notre immeuble, notre lotissement, notre quartier, comme les places de stationnement, les espaces libres ou de jeux, les locaux communs de services (buanderie, salles de réunion, etc.), voire les voitures, les vélos, les outils, etc.?

Constat sur l’ESPACE RURAL

L’agriculture française est en crise. De nombreux agriculteurs connaissent des situations difficiles, parfois jusqu’à la détresse, même s’il demeure de grandes disparités en fonction des lieux et des systèmes de production. La satisfaction des besoins alimentaires d’après-guerre puis la mondialisation croissante des échanges des produits agroalimentaires a poussé l’agriculture à s’industrialiser. Aussi, les agriculteurs ont été amenés à se mécaniser, à agrandir leurs exploitations et à se spécialiser. Cette évolution rapide, qui a conduit l’Europe vers l’autosuffisance alimentaire et lui a donné ensuite sa capacité exportatrice sur le marché mondial, engendre de nombreuses conséquences: au niveau économique, au niveau écologique et au niveau social.L’évolution économique connue par le secteur est le résultat de politiques agricoles qui ont visé depuis l’après-guerre à assurer la sécurité alimentaire des Français et des Européens au moindre prix, en assurant aux agriculteurs des conditions de vie satisfaisantes. Ces politiques ont été de ce point de vue une grande réussite. Mais ce système, aujourd’hui basé sur des aides directes européennes sans rapport avec la production, provoque un malaise chez les agriculteurs de plus en plus exposés aux aléas des cours mondiaux ainsi qu’à de nombreuses critiques sur leurs pratiques. La politique agricole des cinquante dernières années a privilégié une production de masse qui, aujourd’hui, dans une économie mondialisée, fragilise les agriculteurs alors même que nos concitoyens font valoir de nouvelles exigences en matière environnementale et sanitaire vis-à-vis de la production agricole et de leur alimentation. Par ailleurs, la production industrielle qui a conduit à une augmentation spectaculaire des rendements depuis 70 ans, doit faire face aujourd’hui à une stagnation voire une diminution des rendements de certaines cultures dont le blé, du fait de causes complexes: réchauffement climatique, résistance de certaines maladies des plantes, perte de matière organique des sols, érosion, perte d’espèces auxiliaires de l’agriculture, etc.Au niveau écologique, le mode de production industrielle a eu des effets très négatifs: arasement des haies, perte drastique de biodiversité, épuisement des terres, impact des engrais et des pesticides sur le milieu (dont pollutions diffuses des eaux profondes et de surface). Ces effets sont aujourd’hui enrayés par certaines mesures correctives qui se mettent heureusement en place. Mais elles restent limitées par le type d’urbanisation qui est promu actuellement, notamment en raison de l’habitat (logements dispersés), le commerce (grandes surfaces) et les transports: les surfaces cultivables diminuent, les risques d’inondation augmentent.Enfin, au niveau social on constate également des effets pervers autant sur la vie individuelle et familiale que sur l’espace rural. Tout d’abord, les agriculteurs et leurs familles sont soumis à un rythme de travail intense, à des prix de plus en plus instables et donc à des revenus plus aléatoires. Pour nombre d’entre eux, la situation financière est catastrophique et ceci malgré la capacité exportatrice de la France (exportation de 1 tonne sur 2 des céréales et de 4 litres de lait sur 10). Mais les changements de modes de production, ou même de profession, ont mis certains producteurs dans une situation d’extrême fragilité, aggravée par le poids des emprunts à rembourser. Or au niveau social on constate également une transformation profonde des espaces ruraux, marqués par une diminution drastique de la population agricole (2,8 % de la population active totale en 2014, contre 8 % en 1980) et une désertification profonde de certaines régions. Les espaces ruraux offrent encore des opportunités pour des activités non agricoles, industrielles, forestières ou de loisirs, mais cela suppose que demeure une présence humaine minimale. Il faut noter également le risque de déséquilibre économique, foncier et social associé au développement des activités touristiques dans certaines zones. D’autres espaces sont mis sous pression par la périurbanisation incontrôlée et désorganisée. Parfois, ce pseudo-rural présente des dérèglements sociaux que l’on croyait réservés aux banlieues.

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Au total, l’espace rural produit des tensions inédites tant pour les agriculteurs que pour les résidents. Son avenir manque de vision d’ensemble tant il est bousculé dans ses fonctions que dans ses conditions de vie.

Nouveau possible

Au fil du temps, mais plus encore ces dernières années, s’est développée en France une grande diversité de systèmes de production agricole, capables à la fois de fournir des produits sains pour notre alimentation et de préserver la diversité des paysages locaux, sans altérer les potentialités productives de nos campagnes sur le long terme. Ces types d’agricultures associent étroitement cultures et élevages, tout en valorisant au mieux les caractéristiques propres de chacun des terroirs; ils diminuent l’impact environnemental en privilégiant la proximité, tant pour leur approvisionne ment que pour la commercialisation des produits.Ces nouveaux modèles mettent l’accent sur la qualité et la durabilité des systèmes de production avec un nouveau rapport à la nature et au monde animal et un intérêt particulier pour la qualité des produits. Ces systèmes prennent des formes variées: agricul ture raisonnée, de conservation, biologique, permaculture, etc.Les formes d’agriculture plus écologiques et plus résilientes sont aussi souvent plus fécondes en termes d’emplois. Elles ne reposent pas d’abord sur l’agrandissement des exploitations et la mécanisation à outrance. Elles prennent en compte la fonction d’entretien de l’environnement, notamment dans les zones fragiles (montagne, milieux humides, etc.), mais aussi d’ouverture aux activités de loisirs. Elles favorisent également le lien social par la proximité avec les consommateurs (par exemple la vente à la ferme ou les magasins d’exploitants). Cette diversité des fonctions attribuées à l’agriculture (production de biens alimentaires de qualité, mais aussi entretien de l’espace) suppose une rémunération convenable, grâce à des prix suffisants pour les biens alimentaires, mais aussi par des subventions dans la mesure où un service public se trouve ainsi assuré.Ces « nouvelles agricultures » même si elles sont en croissance, restent pour le moment limitées en matière de surfaces (par exemple un peu moins de 6 % de la surface agricole pour le « bio » en 2016, avec un accroissement significatif ces dernières années) et du nombre d’actifs. Elles conduisent pour certaines productions à des rendements moindres: les céréales bio, par exemple, ont des rendements qui se situent le plus souvent entre le tiers et la moitié des rendements des cultures dites « conventionnelles ». Les rendements de certaines cultures conventionnelles, de leur côté, on l’a dit, stagnent voire diminuent, ce qui peut avoir pour conséquence un renchérissement du coût de l’alimentation.Il n’y a pas à l’heure actuelle un modèle de production agricole qui s’impose sur les autres comme la seule bonne solution. Il y a des modèles multiples qui sont à combiner de manière différente selon les besoins et les ressources de chaque lieu. Entre l’agriculture bio et l’agriculture conventionnelle, entre l’agriculture « territorialisée » orientée surtout vers le développement local et privilégiant le savoir faire du terroir et l’agriculture à visée plus commerciale et exportatrice, il y a de nombreuses combinaisons possibles. Plutôt que de les opposer, il s’agit de les articuler.Or, l’agriculture peut également conjuguer ses activités traditionnelles avec l’accueil pour des loisirs et la production d’énergies renouvelables. Le développement de ces nouvelles activités suppose un renouveau de la coopération de proximité, à la fois pour un soutien mutuel des acteurs et l’atteinte d’une taille critique en termes économiques (par exemple la production d’énergie à partir de la biomasse). Il y a aussi un enjeu pour les espaces ruraux à faible population. Le maintien de services publics de qualité, notamment en matière de communication (par exemple les liaisons internet performantes ou les transports publics), favorise la vie des habitants et peut attirer de nouvelles populations notamment grâce au développement du télétravail.

Questions

• Comment, dans mes choix de consommation de légumes, de fruits et de viande, je prends en compte les produits de proximité et de qualité?• Comment en tant que parent ou étudiant, enseignant ou administrateur d’institutions scolaires, j’agis pour favoriser à travers les menus collectifs ?

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CHAPITRE 6 : Mieux répondre aux besoins sociaux

L’amour, fait de petits gestes d’attention mutuelle, est aussi civil et politique et il se manifeste dans toutes les actions qui essayent de construire un monde meilleur.L’amour pour la société et l’engagement pour le bien commun sont une forme excellente de charité qui non seulement concerne les relations entre les individus mais aussi les « macro relations »: rapports sociaux, économiques, politiques. C’est pourquoi l’Eglise proposé au monde l’idéal d’une « civilisation de l’amour». L’amour social est la clef d’un développement authentique.Laudato Si’, 231.

L’amour social et politique que le pape François nous appelle à vivre conduit à interroger l’ensemble de notre politique sociale. Un mode de vie en accord avec la conversion écologique suppose une politique sociale qui permette à chaque homme età chaque femme de vivre dignement et d’être reconnu par ses concitoyens comme un frère ou une soeur. Après une approche générale de la politique sociale, nous aborderons un peu plus longuement deux de ses dimensions essentielles la santé et l’éducation.

Constat

POLITIQUE SOCIALE

Notre société vit une crise de son contrat social. Le sentiment d’injustice21 est puissant.La pauvreté en France a augmenté dans les années 2000 pour se stabiliser, sans diminuer, depuis quelques années (avec un seuil de pauvreté autour de 14 % de la population). Le sentiment de déclassement et de précarisation est très fort dans l’ensemble des classes populaires. Ce déclassement se perçoit aussi dans certaines études sur les inégalités (voir l’étude de l’OCDE en 2015, Tous concernés. Pourquoi moins d’inégalité profite à tous, qui montre le décrochage des 40 % de la population dont les revenus sont les plus bas) Les inégalités se creusent également au niveau mondial (selon le rapport d’Oxfam de janvier 2016, le 1 % des plus riches détiennent à eux seuls 50 % du patrimoine mondial, soit autant que les 99 % restants). Malgré cela, les pouvoirs publics ont insuffisamment pris la mesure de cette dégradation de la cohésion sociale. Les thématiques de la pauvreté et de la précarité sont assez peu présentes dans le débat public. Il existe certes en France un Plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, mais pas de loi de programmation quinquennale.Notre système de protection sociale, pourtant performant, ne répond plus suffisamment aux besoins des plus pauvres et n’est pas adapté aux grandes mutations de notre société, au chômage de masse, au délitement du lien social et aux difficultés familiales. Malgré de nombreuses initiatives prises en matière de lutte contre l’exclusion, d’accès aux droits, la précarité continue de gagner du terrain et des failles apparaissent dans la protection sociale.Surtout, le regard sur la pauvreté a changé. De victime, le pauvre est devenu coupable. Nous constatons que dans le grand public comme dans les discours politiques, beaucoup de préjugés22 sont véhiculés à l’égard des personnes en précarité. Le discours ambiant sur les minima sociaux et sur leurs bénéficiaires a pris depuis quelques années une tournure négative. Nous constatons les ravagescausés par ces préjugés sur les personnes concernées, qui se voient accusées d’être des assistés, alors que souvent ils se donnent beaucoup de peine pour des revenus dérisoires. Ces préjugés remettent en cause la cohésion sociale et le socle de confiance sur lesquels repose notre société. Le contrat social qui lie la société française a besoin d’être renouvelé. Le problème de notre société n’est pas l’excès d’assistance, mais l’ampleur du non-recours (le fait que des personnes pouvant obtenir des aides ne 21 Voir l’enquête CSA - La Croix de février personnes 2016: 71 % des interrogées estiment que la société française est injuste.

22 Voir le CONSEIL PERMANENT DE LA CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DE FRANCE, Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique, Paris, Bayard, Ed. du Cerf, Marne, Paris,2016.

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les demandent pas ou ne vont pas jusqu’au bout des démarches nécessaires pour les obtenir). Il faut donc s’interroger sur les moyens de permettre l’accès de tous aux droits (afin que personne ne soit laissé de côté). Simplifier l’accès aux droits et l’architecture des différents minima sociaux semble nécessaire. Organiser une domiciliation simple et sécurisée (que chaque personne puisse avoir une adresse à déclarer), comme porte d’entrée pour tous les droits, est un minimum vital à assurer.

Nouveau possible

Une mobilisation de tous est nécessaire pour retisser la solidarité, la cohésion sociale et refonder la protection sociale. Les trois grands piliers de la société (les pouvoirs publics, les entreprises et la société civile) doivent travailler en synergie pour renforcer la cohésion sociale et permettre de nouveaux styles de vie plus solidaires et plus durables. La solidarité publique, financée par l’impôt, et la solidarité privée, laissant place aux initiatives et à une saine subsidiarité, se complètent nécessairement. Nous avons besoin de l’engagement de tous. Pour faire accepter par l’opinion une amélioration de la protection sociale, il sera nécessaire de modifier le regard porté sur ses bénéficiaires les plus en précarité. Pour lutter contre les préjugés, il est important de se rencontrer, de s’écouter, de se comprendre entre personnes d’origine et de milieux sociaux différents. Nous devons avoir pour visée de permettre à la société, dans sa diversité, de vivre plus unie et plus solidaire.Le sentiment d’inutilité est une des plus grandes violences subies par les personnes en précarité. Faire société avec l’ensemble des citoyens et des peuples sans laisser personne de côté implique une volonté d’inclure les personnes et les groupes en précarité pour qu’ils soient reconnus et puissent contribuer à la société. C’est le sens de la dénonciation de la « culture du déchet » par le pape François: « Nous avons mis en route la culture du “déchet” qui est même promue. [...] Les exclus ne sont pas des “exploités”, mais des déchets, “des restes” » (Evangelii Gaudium, 53). Les jeunes auxquels on ne fait pas de place sur le marché du travail ou les Seniors trop tôt mis de côté en font l’amère expérience. Il est urgent aujourd’hui de réduire les inégalités de richesses, de donner à tous l’accès aux droits fondamentaux et de favoriser une société plus équitable. L’accès effectif aux droits doit être promu: avoir un travail, se faire soigner, avoir un niveau de vie suffisant, avoir accès à l’éducation et à un logement, etc. Il est crucial également de promouvoir les conditions pour que chacun puisse acquérir les connaissances et les savoirs permettant de s’intégrer pleinement dans la société. L’accompagnement des personnes en précarité est aussi crucial. Il doit pouvoir être personnalisé, de qualité et fait en proximité. C’est pourquoi la notion de «référent de parcours » promue actuellement nous paraît très utile. Encourager par ailleurs le pouvoir d’agir des personnes en situation de précarité, avec la nécessaire dimension collective de cet engage ment, est un complément indispensable pour que la voix de tous soit entendue et prise en compte.

Questions• Quel regard je porte sur les personnes en situation de précarité? Quels sont les préjugés, conscients et inconscients qui m’habitent?• Est-ce que je valorise la protection sociale dont nous bénéficions? Est-ce que je suis conscient que les impôts et charges que je paye permettent son existence et son déploiement?• Est-ce que je conçois la protection sociale comme un droit individuel ou comme une manière de vivre la solidarité au niveau de la société?• Est-ce que je contribue à ce que les personnes en situation d’exclusion connaissent et puissent exercer leurs droits (au logement, aux soins, à l’éducation)? • Est-ce que je participe dans mon territoire à des actions permettant de réduire l’inégalité et la pauvreté?

Constat sur LE SANITAIRE ET SOCIAL

Le monde sanitaire et social est aujourd’hui traversé par une contradiction: celle qu’on ressent entre l’intention des pouvoirs publics et la perception de ses professionnels et usagers. Les pouvoirs publics expriment une réelle intention de répondre aux problèmes sanitaires et Sociaux de la population. Les

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professionnels et usagers du secteur ont une perception désabusée, voire hostile, à l’égard de sa réalité et de la politique développée.L’intention des pouvoirs publics se lit dans les projets de loi votés fin 2015 et début 2016: loi de modernisation du système de santé, loi d’adaptation de la société au vieillissement de la population, loi sur la fin de vie. Ces textes visent à développer la prévention, à permettre un accès aux soins pour tous, à socialiser la prise en charge de tous, à responsabiliser l’ensemble des acteurs. Mais l’application de ces textes se heurte frontalement à l’insuffisance des moyens financiers. Du côté des acteurs, on ressent, en revanche, l’obligation de résultat, un fort niveau d’exigence, le tout-tout-de-suite, la judiciarisation. Il y a paradoxalement une forte insatisfaction et, à la fois, une reconnaissance de la qualité des professionnels.Dans cette réflexion, il est nécessaire de mettre en avant le lien entre le sanitaire et le social. Nous sommes à une époque où l’on ne peut plus penser séparément ces deux notions. Car la maladie d’un parent déstabilise une famille tout autant que le chômage ou le handicap d’un enfant. En effet, la maladie grave entraîne la séparation des couples: ainsi un homme sur 5 quitte alors son épouse, quand seulement une femme sur 30 quitte son mari. La dépression grave, le burn-out et le suicide caractérisent le secteur. 40 % des aidants familiaux meurent avant la personne aidée, souvent à domicile.Depuis 1982, nombre de textes réglementaires ont jalonné la vie du secteur sanitaire et social. Les évolutions techniques, thérapeutiques, organisationnelles, ont eu un impact notamment sur la profession des infirmiers et des soignants. Le coût de plus en plus lourd de la santé et la raréfaction des moyens financiers ont conduit au vote de la LoiEvin de 1991 qui permet le passage d’une centralisation des décisions en matière de politique de santé à une régionalisation pour l’optimisation de l’utilisation des moyens. La réglementation prend aussi en charge les questions des usagers de la santé et du social. En 1999 est instituée la couverture maladie universelle, pour l’accès aux soins des plus démunis, et la mise en place de projets individuels pour les usagers handicapés et âgés. La place donnée aux usagers dans les orientations en matière de santé ouvre la voie, en 2002, à la Loi Kouchner sur les droits des malades et la participation des usagers.Dans ces questions sociétales, on peut repérer la question de l’euthanasie et de l’acharnement thérapeutique, que refuse la Loi Léonetti mais qui appelle un développement des soins palliatifs. Enfin en 2009 est publiée la Loi HPST — hôpital, patients, santé et territoires —, qui a l’ambition de moderniser les établissements de santé, l’accès aux soins, la santé publique et la prévention, et enfin, l’organisation territoriale du système de santé. Cette abondance de textes accompagne les évolutions pratiques, techniques, sociales et sociétales que connaît depuis 30 ans, la société française et qui transforment fortement le secteur:

— une offre de soins dans 1e sanitaire et dans le social en fort développement quantitatif puisque, dans cette période, la France compte 6 fois plus de médecins que dans les années cinquante et elle multiplie par 17 les dépenses de santé; développement qualitatif aussi puisqu’on constate une forte augmentation de l’espérance de vie et qui plus est en bonne santé.

— L’extraordinaire développement de la technologie et de la biologie, qui apporte de nouvelles réponses aux besoins de santé. La question du transhumanisme apparaît ainsi en filigrane.

— La judiciarisation croissante: la santé qui doit rester certainement un droit, devient de plus en plus une exigence de résultats. On peut relier cette évolution à la place qu’a prise dans les esprits la Sécurité sociale, devenue un droit absolu et non plus un lieu de solidarité, ce que résume l’expression trop souvent entendue : « J’y ai droit! »

— Une prégnance importante des questions financières et économiques marque aujourd’hui le secteur sanitaire et social et conditionne le soin et l’exercice du soin. La question sur cette contrainte se pose encore plus quand il s’agit de soins très coûteux.

Nouveau possible

Des tendances apparaissent dans l’évolution du secteur de la santé et du social qui ouvrent de nouveaux possibles. On peut signaler ainsi la place de plus en plus grande accordée à la prévention: dans les textes législatifs récents en matière de santé, de vieillissement ou de handicap, la prévention

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apparaît comme un investissement sur l’avenir, une manière de préserver la santé, mais aussi de réduire les dépenses liées à la maladie et à la dépendance. On constate également une préoccupation croissante des pouvoirs publics d’organiser mieux le maillage territorial des moyens de santé à travers une présence diffuse de soins primaires (médecins libéraux et professionnels de premier recours) et le regroupement des soins secondaires (hôpitaux, radiologie, maternités). Par ailleurs, le monde associatif est très actif dans le domaine sanitaire et social. Les associations confessionnelles apparaissent comme des opératrices des politiques publiques permettant de donner du sens aux actes de soin, malgré les contraintes financières qui les limitent. De même il est heureux de voir de nombreuses associations d’usagers aider à la meilleure prise en charge des personnes souffrantes.

Questions

• Faisons-nous attention à l’impact de notre alimentation sur notre santé?• Considérons-nous la Sécu comme un droit individuel ou comme une solidarité à préserver?• Comment est-ce que j’utilise les moyens de santé? De façon très concrète, est-ce que j’utilise les génériques, moins coûteux pour la collectivité?• Nous informons-nous suffisamment sur les lois et les textes qui organisent le sanitaire et le social et permettent d’avoir recours aux soins au niveau le plus pertinent pour notre santé?

Constat sur l’EDUCATION

Selon une enquête sociologique publiée en février 2014 (« Génération quoi ? »), seuls 25 % des 1 8-25 ans ont la conviction que leur vie sera meilleure que celle de leurs parents, et pour qualifier leur génération, ce sont les mots « sacrifiée » ou « perdue » qui sont les plus fréquemment utilisés. Par ailleurs, le chômage frappe en premier lieu les jeunes (10 % de la population active, 25 % des 15-24 ans). Face à cette réalité faut-il mettre en cause notre système éducatif? Des projets de réforme se succèdent en permanence, mais ils sont confrontés systématiquement à une résistance majeure à tout changement. La perception d’un système qui se dégrade coexiste avec des attentes de plus en plus fortes. Les évolutions sociétales et l’apparition de nouvelles technologies numériques appellent à des transformations en profondeur au niveau pédagogique. Mais le système semble prisonnier d’une finalité posée en termes « d’égalité de chances» que tous soient à égalité sur la ligne de départ pour que le meilleur gagne, ce qui est d’autant plus utopique que l’idée même d’égalité des chances induit une surenchère des parents les mieux pourvus en capital culturel pour augmenter les chances de leur enfant.Il faudrait peut-être permettre que l’école devienne plutôt un lieu où chacun apprend à devenir soi-même et à vivre avec les autres. C’est peut-être cet objectif premier qu’il faudrait avant tout rechercher. Or notre système éducatif s’inscrit dans une logique basse sur la concurrence et l’évaluation du « mérite », c’est-à-dire du droit de faire partie de l’élite qui accède aux meilleures formations et aux meilleurs emplois.

Nouveau possible

L’éducation à l’environnement, aujourd’hui largement présente dans les programmes scolaires, devient de plus en plus une éducation qui ne se limite pas aux gestes éco-responsables, mais qui concerne de manière intégrale la manière d’être au monde en tant qu’individu et que société. Elle rejoint ainsi l’objectif de se former à l’« écologie intégrale », telle que nous y invite le pape François. Car, comme il le dit lui-même, il s’agit plus d’une « révolution culturelle » que d’une transformation technologique pour mieux gérer les ressources naturelles. A titre d’exemple, le projet sur le « réenchantement23 de l’école » proposé par l’Enseigne ment catholique s’inscrit totalement dans cette approche qui ne vise pas en premier à améliorer l’acquis de compétences pour mieux participer à la concurrence généralisée, mais plutôt à permettre que chaque enfant trouve du goût à la vie et gagne en expérience de fraternité à travers des pratiques éducatives et pédagogiques ajustées.

23 Voir Document Épiscopat rédigé Réenchanter l’école, n° 2, 2012, par P. BALMAND.

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Questions

• Est-ce que je perçois l’école comme un lieu de promotion individuelle ou d’éducation à la fraternité et à la citoyenneté?• Est-ce que l’école est ouverte à la cité et au monde à travers le partenariat avec d’autres acteurs sociaux (associations, entreprises, mairie)?• Au sein de l’école, quelle capacité de dialogue entre divers niveaux et divers domaines d’enseignement, entre diverses catégories de personnel et avec des partenaires extérieurs, quelle pratique du dialogue avec les élèves et entre élèves au sein des activités pédagogiques?• Comment l’école participe-t-elle à la « conversion écologique» à laquelle le pape nous appelle? • Comment l’écologie intégrale est-elle présente dans la formation, non seulement au niveau des connaissances sur l’environnement, mais de manière plus fondamental dans le projet pédagogique de chaque institution ?• Comment l’école peut-elle être un lieu porteur de sens ? • En quoi le dialogue entre les disciplines et le développement des pédagogies coopératives peut-il y contribuer?• Est-ce que je favorise la participation des enfants et des jeunes à des mouvements d’éducation non formelle qui leur permettent d’approfondir l’expérience du collectif, de la gratuité et d’un rapport harmonieux avec la nature?

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CHAPITRE 7 : Mieux accueillir les migrants

L’augmentation du nombre de migrants fuyant la misère, accrue par la dégradation environnementale, est tragique; ces migrants ne sont pas reconnus comme réfugiés par les conventions internationales et ils portent le poids de leurs vies à la dérive, sans aucune protection légale. Malheureusement il y a une indifférence générale face à ces tragédies qui se produisent en ce moment dans diverses parties du monde. Le manque de réaction face à ces drames de nos frères et soeurs est un signe de la perte de ce sens de responsabilité à l’égard de nos semblables, sur lequel se fonde toute société civile.

Laudato Si’, 25.

Constat

La France compte 4, 2 millions d’étrangers, soit 6, 4 % de la population totale, dont 40 % sont européens . Ce pourcentage varie peu dans le temps, nous sommes donc loin d’une immigration massive. Les demandeurs d’asile en 2015 (dont les 2 premières nationalités sont les Syriens et les Soudanais24) ont déposé 80 075 demandes; un quart a reçu une réponse positive. Reste que les déboutés deviennent des clandestins sans papiers, qui n’ont pas le droit de travailler. Nous pouvons constater que le sentiment que la France devient un pays d’immigration massive se renforce, alimenté par la forte médiatisation des arrivées de migrants en bateau sur la Méditerranée et des évacuations de camps comme celui de Calais, le tout accentué par la crise économique depuis 2008 et le contexte des attentats terroristes. Les préjugés sur les migrants ont la vie dure et sont vecteurs de haine et de rejet. Ils apparaissent de façon récurrente dans notre entourage et dans les débats politiques: « Les migrants nous coûtent trop cher! », « ils ne veulent pas s’intégrer », « les migrants sont des délinquants » ou encore «migrant = musulman = problème ». Un sentiment de peur face à l’intégration des migrants apparaît également: peur de se faire « voler » son emploi, peur de voir son salaire baisser, peur de voir se dégrader ses conditions de vie, peur de voir changer l’identité française.La proportion de migrants internationaux dans la population mondiale est longtemps restée stable autour de 3 %, elle augmente un peu aujourd’hui. Nous observons à l’échelle de la planète un niveau de mobilité humaine sans précédent. Les personnesvivant dans un pays autre que celui où elles sont nées sont de plus en plus nombreuses. La plupart se déplacent sans incident. En 2015, ils étaient 244 millions. Parmi eux, 65 millions25 sont déplacés de force, 21 millions sont des réfugiés, 3 millions sont des demandeurs d’asile. Force est de constater que les migrations vont continuer d’augmenter, liées à un développement sans précédent des échanges, des technologies, des transports, mais aussi aux situations de conflit politique ou liées à l’accès à l’eau et aux ressources naturelles, aux changements climatiques, à la pauvreté, et à la croissance démographique dans de nombreux pays en développement. L’arrivée de migrants en Europe pourrait encore augmenter.Il ne servirait à rien de vouloir minimiser cette réalité, même si l’on doit en dédramatiser les conséquences en démontant les argumentaires fondés sur des préjugés plus ou moins racistes. De nombreuses études tendent à montrer que les migrants rapportent plus qu’ils ne coûtent ou que, pour l’immense majorité des migrants, même si le chemin est complexe, au final l’intégration fonctionne. Les difficultés d’intégration sont avant tout la conséquence de la précarité économique et de l’exclusion sociale. Même s’il est utile de dédramatiser, il serait vain de délégitimer les peurs que provoque la perspective d’une croissance de l’immigration à moyen – long terme. Il importe avant tout d’inviter à regarder lucidement cette situation, dans ce qu’elle a d’inévitable et de fondamentalement sain dans un monde en voie d’unification. Nous vivons désormais sous le signe d’une interdépendance croissante à l’échelle de la planète. Nous sommes de fait placés dans la situation de devoir gérer solidairement et équitablement un ensemble de problèmes, parmi lesquels les problèmes environnementaux et les migrations. Chacun devra prendre sa part. Au niveau européen par

24 INSEE, 1er janvier 2014.25 Ce chiffre de 65 millions comprend des déplacés internes qui ne sont pas à compter parmi les migrants.

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exemple, est-il juste et responsable de laisser les Italiens et les Grecs faire face par leurs seuls moyens aux arrivées de migrants? Il faut accepter cette responsabilité commune, se laisser bousculer, être solidaires, avec la certitude que nous y gagnerons tous. Il va falloir aussi créer les conditions pour que la rencontre s’effectue sous le signe de la convivialité et de la bienveillance mutuelle, apprendre à valoriser les contributions de chacun et développer le sens de notre humanité commune.D’un point de vue économique, les migrants qui entrent en France appartiennent en majorité à la tranche d’âge active et contribuent davantage à l’économie et au budget social qu’ils ne lui coûtent en prestations. Ce sont également des consommateurs et ils occupent souvent des postes délaissés par les Français malgré le chômage. Les migrants envoient des sommes importantes à leurs familles restées au pays contribuant ainsi au développement et de leur pays d’origine. D’un point de vue démographique, les migrants viennent rajeunir une population européenne plutôt vieillissante, et contribuent de ce fait au financement des Systèmes européens de protection sociale. D’un point de vue culturel et religieux, les migrants apportent une diversité dont il faut apprendre à voir les effets positifs. La culture française a d’ailleurs été façonnée tout au long de son histoire par de nombreuses vagues d’immigration.La migration peut être pour les habitants du pays d’accueil comme pour les migrants une occasion d’ouverture, de découverte et d’enrichissement personnel. Elle s’inscrit en tout état de cause dans un processus irréversible d’unification d’une humanité toujours plus métissée, interconnectée et prise dans un réseau serré d’interdépendances et de solidarités de fait.

Nouveau possible

En France, les médias montrent plus souvent les réactions négatives face aux migrants. Pourtant beaucoup de solidarités se sont organisées, un grand nombre d’associations se mobilisent autour des migrants sur la santé, l’éducation, les droits, l’accès au logement, aux premières nécessités, à la domiciliation, à l’apprentissage du français26. Beaucoup ne sont pas très visibles mais agissent efficacement et dans la durée. Les collaborations entre acteurs se développent.Par exemple à Calais, face à la jungle et à l’attitude des autorités en direction des migrants, les associations ont développé de fortes collaborations qui ont permis des avancées: une plus grande dignité dans l’accompagnement des migrants, des solutions proposées après le démantèlement de la jungle, même si beaucoup reste à faire. L’interpellation des élus locaux et nationaux s’organise. Les positions du pape sur les migrants ont interpellé de nombreux catholiques. Des paroisses s’organisent pour les accueillir. Le pape François va plus loin, il souligne que l’arrivée de migrants révèle les failles du système économique mondial. Il pose la question des causes d’une migration aussi massive et invite les chrétiens à une réflexion de fond sur le monde, la place de chacun et le vivre ensemble.Le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme et les migrants demande à l’Europe d’offrir des solutions de mobilité aux réfugiés et aux migrants au lieu de tenter en vain de freiner les mouvements migratoires. En effet, maintenir des migrants en situation d’illégalité, sans papiers, renforce leur vulnérabilité, les empêche d’avoir accès à un emploi, un logement et favorise le recours au travail au noir, le développement des réseaux de passeurs et de la criminalité. Il est préférable à tous égards que les migrations soient sûres et ordonnées.Les Objectifs de Développement Durable adoptés par l’ONU en 2016 et le récent sommet des Nations Unies sur les migrations invitent à créer partout les conditions garantissant la sécurité et la dignité des migrants et des réfugiés au cours de leurs déplacements massifs. L’ambition est de réussir à terme à créer un cadre d’action global et un engagement envers les réfugiés et les migrants pour mettre fin aux déplacements dangereux, s’attaquer aux causes de vulnérabilité, améliorer l’intégration, etc.

26 À titre d’exemple: Médecins du Monde, CIMADE, SCCF, Emmaüs, CCFD, Amnesty International, réseau Welcome, etc.

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Questions

• Comment accueillons-nous les nouveaux arrivants d’origine étrangère dans notre paroisse, quartier, entreprise, association, mouvement? Est-ce que nous avons des opportunités de les rencontrer, d’échanger, de connaître leur culture?• Dans le contexte actuel d’arrivées de migrants et de débats politiques qui s’appuient sur les peurs pour stigmatiser les migrants, comment je prends le temps de regarder la réalité de présence et de situation de migrants autour de moi et de prendre du recul par rapport à des discours politiques simplificateurs? Est-ce que j’ose réagir, tenir un discours de paix?• Lors de débats avec mon entourage, quels arguments je trouve pour aider à prendre du recul, entendre les peurs, combattre les idées reçues, inviter à construire la paix et le vivre ensemble, sans dénigrer les inquiétudes mais en invitant à un dialogue constructif? • Comment interpeller localement et nationalement les élus pour faire respecter les droits des migrants, les protéger dans leur situation de vulnérabilité face aux passeurs, aux marchands de sommeil, aux réseaux de trafic d’êtres humains?

QUELQUES DÉFINITIONS

Un étranger est une personne qui réside sur le territoire français et qui n’a pas la nationalité française.

Un immigré est une personne née à l’étranger, de parents étrangers et qui réside sur le territoire français. Certains immigrés deviennent Français par acquisition de nationalité française, les autres restent étrangers.

Un réfugié est une personne qui a obtenu le statut de réfugié, en application de la convention de Genève (convention des Nations Unies de 1951) destinée à protéger les victimes de persécution en raison de leur origine, leur religion, leur nationalité, leur appartenance à un groupe social ou leur opinion politique.

Un demandeur d’asile est une personne qui demande le statut de réfugié parce qu’elle s’estime menacée pour sa vie ou sa liberté dans son pays. En France, sa demande est examinée par l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) puis en appel par la Cour nationale du droit d’Asile (Cnda) qui ont pour mission d’accorder ou de refuser le statut de réfugié à cette personne.

Un débouté est une personne à laquelle le statut de réfugié a été refusé par l’Ofpra et la Cnda. Elle devient alors « sans-papiers ».

Un sans-papiers est un étranger qui vit en France sans avoir le droit d’y séjourner, soit parce qu’il n’a pas demandé de titre de séjour, soit parce que l’administration le lui a refusé ou ne lui a pas renouvelé (sachant que la plupart du temps, il est entré en France de façon tout à fait légale).

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En guise de conclusion : FAIRE VIVRE LA COMMUNAUTÉ HUMAINE

La prévision de l’impact sur l’environnement des initiatives et des projets requiert des processus politiques transparents et soumis au dialogue [...] Il est toujours nécessaire d’arriver à un consensus entre les différents acteurs sociaux qui peuvent offrir des points de vue, des solutions et des alternatives différents. Mais à la table des discussions, les habitants locaux doivent avoir une place privilégiée.Laudato Si’, 182 et 183.

Cette dernière dimension est proposée en fin de réflexion car elle traverse et unifie les dimensions précédentes. Elle concerne notre participation citoyenne à la vie commune. La place accordée par le pape François au dialogue constitue un appel à convertir tout espace public en lieu de communauté et de communion. De ce fait, le travail, la consommation, la production, l’argent, l’espace urbain et rural, la santé, l’éducation deviennent des fils pour tisser la communauté humaine et la transformer en véritable maison commune.

Constat

Le pouvoir politique issu des urnes s’essouffle. Le sentiment prévaut qu’il est surtout préoccupé de se succéder à lui-même, soucieux uniquement de court terme et trop influencé par les intérêts économiques.Pourtant, le développement de la société civile, autant au niveau national qu’international, a élargi l’espace public et créé de nouvelles formes d’action collective. La participation citoyenne qu’elle a rendue possible ne se limite pas au lobbying en faveur de certains intérêts même s’ils sont en cohérence avec le bien commun. Elle vise la création des espaces de co-construction des décisions communes. Elle ne s’oppose pas à la légitimité issue des urnes, elle ne se situe pas en réaction aux décisions des élus. Elle est plutôt pensée en termes de partenariat avec les décideurs politiques. La participation citoyenne rejoint ainsi l’appel au dialogue social du pape François. Or, dans la réalité, cet espace de participation publique n’est pas évident à construire.La loi a renforcé les modalités de participation citoyenne depuis 1995, à travers la « loi Barnier27» qui institutionnalise la participation du public et crée la Commission nationale du débat public (CNDP). Ensuite, en 2002, une nouvelle loi relative à la démocratie de proximité28 a transformé la CNDP en Autorité administrative indépendante (AAI) et élargi ainsi son champ de compétence : « Elle est chargée de veiller au respect de la participation du public à l’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement d’intérêt national, dès lors qu’ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts significatifs sur l’environnement ou l’aménagement du territoire. »

Ces lois ont favorisé le débat public en amont des décisions sur les grands projets. L’effet est positif à condition que le décideur prenne en compte honnêtement les différents points de vue qui s’expriment et communique clairement les raisons de ses choix.La participation citoyenne peut se situer au plan très local ou à des échelons beaucoup plus globaux par :— l’accès à l’information pour tous (documents budgétaires, délibérations du conseil municipal, communication des documents administratifs, etc.), — les concertations et consultations locales (débat public, enquête d’utilité publique, référendum décisionnel local, conseils de quartiers, commissions consultatives des services publics locaux, conseils de développement, « droit de pétition », etc.),

27 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement.

28 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002.

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— l’initiative citoyenne comme celle organisée par la Commission européenne qui permet à un million de citoyens de l’Union européenne d’un quart au moins des pays de l’Union, de participer directement à l’élaboration des politiques européennes, en invitant la Commission européenne à présenter une proposition législative (voir par exemple, les initiatives passées sur la vivisection, l’eau, l’embryon humain).Sur les questions écologiques, au-delà des lois de participation évoquées ci-dessus, la centralisation administrative rend souvent la participation citoyenne problématique, avec une inflation de règles et de contraintes techniques hors de propos, alors même que des orientations claires, une confiance accordée aux acteurs locaux et un contrôle posteriori donneraient de meilleurs résultats. Il convient surtout de souligner la nécessité d’organiser le débat public suffisamment en amont de la prise de décision. Quand la concertation ou le débat interviennent trop tard, ils ne font qu’exacerber les oppositions et empêcher la construction des consensus.Des exemples de décisions et d’actions collectives réussies:Les « journées citoyennes » où les habitants participent librement à certains travaux d’intérêt collectif aux côtés d’une collectivité, les conseils de quartier qui permettent d’impliquer les citoyens de très près dans les décisions qui les concernent, notamment au plan environnemental, par exemple sur des « liaisons urbaines douces », la participation à l’élaboration d’un budget public (communal ou autre), le « Grenelle de l’environnement » en 2007 a montré la voie d’une concertation environnementale au bon niveau et avec les bons acteurs, avec toutefois des décisions prises très en retrait. Le débat national sur la transition énergétique a permis ensuite en 2012-2013 quelques avancées...

Nouveau possible

Dans de nombreux cas, les conditions de prises de décision publique s’améliorent si des relations de confiance entre élus et citoyens s’établissent dans la durée, en dehors des enjeux partisans ou des intérêts immédiats, visant un bénéfice qui relève avant tout du bien commun. Il ne s’agit pas seulement d’améliorer la qualité des décisions, mais aussi de construire des espaces et des occasions propices au développement d’une fraternité vécue.La fraternité en politique peut être définie comme une qualité de relations humaines dans la vie publique, qui ne gomme pas les différences, les oppositions, mais rend leur expression possible sans déclencher un cycle de violence. Elle n’est pas un « long fleuve tranquille », elle se construit à partir du regard et de l’écoute bienveillants portés a priori envers l’autre, associés à l’exigence de pouvoir exprimer librement ce que l’on pense. Elle implique une prise de risque, elle peut échouer et renaître à nouveau à la faveur de circonstances plus favorables29

Questions

• Comment je participe à mon échelle comme citoyen aux décisions publiques concernant la vie de la cité en général et l’écologie intégrale en particulier?• Pour les jeunes particulièrement: est-ce je suis inscrit sur les listes électorales? Est-ce que j’envisage de militer dans une organisation politique?• Quelles associations visant le bien commun je soutiens et comment participent-elles aux décisions publiques?• Est-ce que je cherche à m’informer sur les normes existantes, les motivations des acteurs qui soutiennent des positions opposées, et la réalité de chaque situation avant d’émettre un avis?• Comment la notion de « fraternité » impacte-t-elle ou pourrait-elle impacter mon quotidien: relations de voisinage et, en général, toutes relations impliquant la sphère publique où j’évolue?

29 Un courant intitulé « Mouvement politique pour l’unité » (MPPU: www.mppu.org/fr) a précisément cette vocation de développer la fraternité en politique au-delà des clivages traditionnels; un autre organisme intitulé ODAS (Observatoire national de l’action sociale) est impliqué dans ce souci de « contribuer à la consolidation du Vivre-Ensemble par la pédagogie et la démonstration des faits, tout particulièrement en période de crise » (www.odas.net), il a suscité une « Agence des pratiques et initiatives locales » (APRILES) qui rassemble de nombreuses initiatives, principalement dans le champ social (www.apriles.net).

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Quelques repères bibliographiques

L’appel à de « nouveaux modes de vie »s’enracine dans l’héritage de l’enseignement social de l’Eglise. Ce patrimoine soutient un discernement pratique concernant les grands enjeux de notre temps. Il offre des repères pour comprendre les défis posés à notre monde et pour agir de manière sensée et efficace.BENOÎT XVI, Caritas in veritate, Encyclique, Paris, Bayard, d. du Cerf, Fleurus-Mame, 2009.CERAS, Le Discours social de l’Eglise catholique de Léon XIII à Benoît XVI, Paris, Bayard, 2009.CONFERENCE DES ÉVÊQUES DE FRANcE, Enjeux et défis écologiques pour l’avenir, Paris, Bayard, Ed. du Cerf, Fleurus-Mame, 20012.SERVICE NATIONAL FAMILLE ET SOCIÉTÉ, Notre bien commun, Paris, Ed. de l’Atelier, 2014.Notre bien commun, vo1. 2, Paris, Éd. de l’Atelier, 2016.

CONSEIL PERMANENT DE LA CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DE FRANCE, Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique, Paris, Bayard, Ed. du Cerf, Fleurus-Marne, 2016.

CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX, Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, Paris, Bayard, Ed. du Cerf, Fleurus-Mame, 2005.

PAPE FRANÇOIS, Laudato si!, Encyclique, Paris, Bayard, Ed. du Cerf, Fleurus-Mame, 2015.

JUSTICE ET PAIX FRANCE, Oser un nouveau développement, Paris, Bayard, 2010.

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Les membres du Conseil famille et société de la Conférence des évêques de FranceMgr Jean-Luc BRUNIN — Évêque du Havre, Président du Conseil Famille et Société Mgr Michel AUPETIT — Évêque de NanterreMgr Yves BOIVINEAU — Évêque d’AnnecyMgr Emmanuel DELMAS — Evêque d’AngersMgr Bruno FEILLET — Évêque auxiliaire de ReimsMgr Jean-Pierre GRALLET — Archevêque de StrasbourgMgr Dominique LEBRUN — Archevêque de RouenMgr Armand MAILLARD — Archevêque de BourgesM. Jacques ARENESMme Thérèse LEBRUNM. Daniel VERGERM. Jérôme VIGNONSoeur Marie-Laure DENES — Directrice du Service national famille et société de la Conférence des évêques de FrancePère Pierre-Yves PECQUEUX — Secrétaire Général Adjoint de la Conférence des évêques de FranceTable des matièresPréfaceIntroduction1. Mieux vivre le temps

Le temps du travailLe temps libre

2. Mieux consommer3. Mieux utiliser l’argent4. Mieux produire5. Mieux habiter l’espace

Espace urbainEspace rural

6. Mieux répondre aux besoins sociauxPolitique socialeLe sanitaire et socialL’éducation

7. Mieux accueillir les migrantsQuelques définitionsEn guise de conclusionQuelques repères bibliographiques