Virgile Eneide Livre 2

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  • 7/25/2019 Virgile Eneide Livre 2

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    Ces livres ont t expliquslittralement par M. Sommer,agrgdes classes suprieures, doeur s lettres, traduits en franais et an-nots par M. Aug. Deortes.

    Restitution v. 0.1 : Grard Grco 2009 Cette cration estmise diosition selon le Contrat Paternit-Pas dUtilisationCommerciale-Partage des Conditions Initiales lIdentique 2.0Francedionible en lignehttp://creativecommons.org/ licenses/by-nc-sa/ 2.0/fr/ ou par courrier postal Creative Commons,171 Second Street, Suite 300, San Francisco, California 94105,USA.

    12978. Imprimerie A. Lahure, rue de Fleurus, 9, Paris.

    LES

    AUTEURS LATINS

    PAR DEUX TRADUCTIONS FRANAISES

    avec des sommaires et des notes

    PAR UNE SOCIT DE PROFESSEURS

    VIRGILE

    DEUXIME LIVRE DE LNIDE

    PARIS

    79 -, 79

    1886

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    AVIS

    On a runi par des traits les mots franais qui traduisentun seul mot latin.

    On a imprim en italique les mots quil tait ncessairedajouter pour rendre intelligible la traduion littrale, et quinont pas leur quivalent dans le latin.

    Enfin, les mots placs entre parenthses, dans le franais,

    doivent tre considrs comme une seconde explication, plusintelligible que la version littrale.

    ARGUMENT ANALYTIQUE.

    ne fait Didon le rcit de la prise et du sac de Troie. Les Grecs,aprs dix ans de combats inutiles, ont recours la ruse. Ils feignentdabandonner le sige et de retourner dans leur pays ; mais ils se re-tirent seulement derrire Tndos, en laissant dans le camp un chevalde bois dune grandeur monstrueuse et plein de soldats arms, vers1-40. Les Troyens, sans dfiance, viennent en foule et admirent laconstruioncolossale. Laocoon sefforce en vainde la leurrendresus-pee, 41-56. Stratagme de Sinon, 57-199. Laocoon et ses filstouffs par deux serpents, 200-226. Les Troyens placent le chevaldans la citadelle, 227-248. La nuit venue, Sinon ouvre les flancs ducheval ; les Grecs en sortent et envahissent la ville, 249-266. ne

    voit en songe Heor qui lavertitde se prparer la fuite et demporterles dieux de la patrie, 267-296. Panthe, prtre dApollon, instruit

    nedes vnements quiviennent de se passerdansla ville.Le hros,suivi de quelques guerriers troyens, se prcipite au milieu des com-bats. la faveur dun dguisement ils obtiennent dabord quelquesavantages ; mais bientt ce dguisement devient funeste la troupe,297-436. Le palais de Priam est assig. Mort de Priam, tu parPyrrhus, 437-558. Vnus se montre ne au moment o il allaitimmoler Hlne aux mnes de ses concitoyens ; elle le dtourne de cecrime inutile et lengage soccuper du salut de son pre, de sa femmeet de sonfils, en lesemmenant hors de Troie , 559-630. Anchise re-fusede partir. Unprodige le dcideenfin.ne sort de la ville portantAnchise sur ses paules, et suivi dAscagne et de Cruse, 631-728. Poursuivipar lesGrecs dans safuite,neperd de vueCruse ; dses-

    pr, il revient surses pas, rentredansla ville et lacherchepartout in-utilement. Lombre de Cruse lui apparat et lui annonce quelle nestplus, 729-789. ne va rejoindre ses compagnons, dont le nombresest grossi en son absence, et il gagne avec eux les montagnes, 789-804.

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    AENEISLIBER II

    Conticuere omnes, intentique ora tenebant ;

    Inde toro pater neas sic orsus ab alto : Infandum, regina, jubes renovare dolorem ;Trojanas ut opes et lamentabile regnumEruerint Danai ; quque ipse miserrima vidi,Et quorum pars magna fui ! Quis talia fandoMyrmidonum, Dolopumve, aut duri miles UlysseiTemperet a lacrimis ? Et jam nox humida cloPrcipitat, suadentque cadentia sidera somnos.Sed si tantus amor casus cognoscere nostros,Et breviter Troj supremum audire laborem,Quamquam animus meminisse horret, luuque refugit,Incipiam. Frai bello, fatisque repulsi,

    Duores Danaum, tot jam labentibus annis,Instar montis equum, divina Palladis arte,

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    Tous se taisent, et tiennent leurs regards attentivement fixs surne.Alorslehros,dulitlevoilestassis,commenceencestermes:

    Vous mordonnez, reine, de rappeler le souvenir dinexprimablesdouleurs ; vous voulezque je vous disecommentles Grecsont abattulapuissance troyenneet renvers ce dplorable empire : affreux malheursquejai vusde mesyeuxet quejai moi-mmepartags! Quel homme,ce rcit, ft-ce un Dolope, un Myrmidon ou un soldat du cruel Ulysse,pourrait retenir ses larmes ? Dj la nuit humide abandonne les cieux,

    et les astres, sur leur dclin, nous invitent au sommeil ; cependant sivous avez un si grand dsir de connatre nos malheurs et dentendre lecourtrcitdes derniersmomentsdIlion, quoique monme frmisse ausouvenir de tant de maux et recule devant ces tristes images, jobirai.

    puiss par la guerre et toujours repousss par les destins, leschefs des Grecs, aprs tant dannes defforts inutiles, construisentenfin, aids par le secours divin de Pallas, un cheval haut comme

    NIDELIVRE 2

    Omnes conticuere,intentique

    tenebant ora ;inde pater neasorsus sic a toro alto :

    Jubes, regina,renovaredolorem infandum ;ut Danaieruerint opes Trojanaset regnum lamentabile,miserrimaquque vidi ipse,et quorum fui magna pars !Fando talia,quis miles Myrmidonum,

    Dolopumve,aut duri Ulyssei,temperet a lacrimis ?Et jam nox humidaprcipitat clo,sideraque cadentiasuadent somnos.Sed si tantus amorcognoscere nostros casus,et audire brevitersupremum laborem Troj,quamquam animushorret meminisse,refugitque luu,

    incipiam.Frai bello,repulsique fatis,duores Danaum,tot annis jam labentibus,dificant equuminstar montis,

    Tous se turent,et tendus-versne

    ils tenaientleursvisagestourns vers lui,de l (alors) le pre (le hros) necommena ainsi desonlit lev :

    Tumordonnes,reine,de renouvelerune douleur inexprimable ;de direcomment les fils-de-Danasont renvers la puissance de-Troieetceroyaume dplorable,vnementstrs-malheureuxet que jai vus moi-mme,et dont jai t une grande part.En entendant-dire de telles choses,quel soldat des Myrmidons,

    ou des Dolopes,ou du cruel Ulysse,pourrait-sabstenir de larmes ?Et dj la nuit humidese prcipite (descend) du ciel,et les astres qui tombent (qui se couchent)conseillent le sommeil.Mais si un si grand dsirest toide connatre nos malheurs,et dentendre en-peu-de-motsle dernier travail (dsastre) de Troie,bien quemoneritait-horreur de sensouvenir,etsyrefuse par affliion,

    je commencerai.Briss par la guerre,et repousss par les destins,les chefs des Grecs,tant dannes d j scoulant,construisent un chevalcomme une montagne,

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    4 NEIS. LIBER II.

    dificant, seaque intexunt abiete costas :Votum pro reditu simulant : ea fama vagatur.Huc delea virum sortiti corpora furtimIncludunt cco lateri, penitusque cavernasIngentes uterumque armato milite complent.

    Est in coneu Tenedos, notissima fama

    Insula, dives opum, Priami dum regna manebant ;Nunc tantum sinus, et statio male fida carinis.Huc se provei deserto in litore condunt.Nos abiisse rati, et vento petiisse Mycenas.Ergo omnis longo solvit se Teucria luu :Panduntur port ; juvat ire, et Dorica castra,Desertosque videre locos, litusque relium.Hic Dolopum manus, hic svus tendebat Achilles,Classibus hic locus, hic acie certare solebant.Pars stupet innupt donum exitiale Minerv,Et molem mirantur equi ; primusque ymtes

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    unemontagne. Ilsen revtentles flancs dais de sapin troitementunis.Ils feignent que cest un vu pour obtenir un heureux retour. Ce bruitserpandet saccrdite. Cependantils renferment secrtementdans lesflancs tnbreux du colosse une lite de guerriers que le sort dsigne :bientt le ventre norme, les cavits profondes de la gigantesque ma-chine sont entirement remplis de soldats arms.

    En face de Troie est Tndos, le fameuse, le opulente tant quesubsista lempire de Priam, mais qui nest aujourdhui quune rade,abri peu sr pour les vaisseaux. Les Grecs gagnent cette le et secachent sur la cte inhabite. Nous croyons, nous, quils sont par-tis et que les vents les poussent vers Mycnes. Aprs un si longdeuil, la Troade entire renat la joie. On ouvre les portes, on

    sempresse de sortir ; on aime visiter le camp des Grecs, ces plaines,ces rivages quils ont abandonns. Ici campaient les Dolopes ; l sedressaient les tentes du cruel Achille; ici tait la flotte, l combat-taient les armes. Plusieurs contemplent bahis ce prsent fait lachaste Minerve, prsent qui devait nous tre si funeste ! Ils admirentla masse prodigieuse du cheval. ymte le premier, soit trahison,soit que le destin de Troie lordonnt ainsi, nous conseille de lin-

    NIDE. LIVRE 2. 5

    arte divina Palladis,intexuntque costasabiete sea :simulant votumpro reditu :ea fama v agatur.Sortitiincludunt huc furtimlateri ccocorpora delea virum,complentque penitusmilite armatoingentes cavernasuterumque.

    In coneu est Tenedos,insula notissima fama,dives opum,dum regna Priamimanebant ;nunc sinus tantum,et statio male fidacarinis.Provei hucse condunt

    in litore deserto.Nos ratiabiisse,et petiisse Mycenas vento.Ergo omnis Teucriase solvit longo luu :port panduntur ;juvat ire,et videre castra Dorica,locosque desertos,litusque relium.Hic manus Dolopum,hic svus Achillestendebat ;hic locus classibus ;

    hic solebantcertare acie.Pars stupetdonum exitialeMinerv innupt,et mirantur molem equi ;ymtesque primushortatur

    par lart divin de Pallas,et tissent (forment)sesflancsde sapin coup :ils feignentdaccomplirun vupourleurretour :ce bruit se rpand.Ayant tir-au-sortils enferment l la drobedans le flanc obscurdu chevaldes corps choisis de guerriers,et ils remplissent jusquau-fonddun soldat arm (de soldats arms)les vastes cavitset le ventre.

    En vuede Troieest Tndos,le trs-connue par la renomme,riche en ressources,tant que le royaume de Priamsubsistait;maintenantcestun golfe seulement,et une station peu-sreaux carnes (aux vaisseaux).Tranorts lils se cachent

    sur le rivage dsert.Nous,nous sommespersuadseuxtre partis,et avoir gagn Mycnes laide du vent.En consquence toute la Troadese dlie (se dlivre) dun long deuil :les portes souvrent ;il plat daller,et de voir le camp Dorien,et les lieux dserts,et le rivage abandonn.Ici la troupe des Dolopes,l le cruel Achilledressait-ses-tentes ;icitaitle lieurservaux flottes ;

    l on avait coutumede combattre en-bataille-range.Une partie regarde-avec-stupeurle prsent pernicieuxde Minerve (offert Minerve) la viergeet ils admirent la masse du cheval ;et ymts le premierexhorte

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    6 NEIS. LIBER II.

    Duci intra muros hortatur, et arce locari.Sive dolo, seu jam Troj sic fata ferebant.At Capys, et quorum melior sententia mentiAut pelago Danaum insidias sueaque donaPrcipitare jubent, subjeisve urere flammis,Aut terebrare cavas uteri et temptare latebras.

    Scinditur incertum studia in contraria vulgus.Primus ibi ante omnes, magna comitante caterva,Laocoon ardens summa decurrit ab arce,Et procul : O miseri, qu tanta insania, cives ?Creditis aveos hostes ? aut ulla putatisDona carere dolis Danaum ? sic notus Ulysses ?Aut hoc inclusi ligno occultantur Achivi,Aut hc in nostros fabricata est machina muros,Ineura domos, venturaque desuper urbi,Aut aliquis latet error : equo ne credite, Teucri.Quidquid id est, timeo Danaos et dona ferentes .Sic fatus, validis ingentem viribus hastam

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    troduiredansnosmursetdeleplacerdanslacitadelle.MaisCapyset les plus sages veulent qu linstant on prcipite dans la mercette offrande insidieuse, ce donsue de la Grce,quon la livreaux flammes, ou que du moins on en perce les flancs et quon ensonde lesprofondes cavits. La multitude incertainese partage ensentiments contraires.

    Soudain, suivi dune foule nombreuse, Laocoon, enflamme decolre, accourt des hauteurs de la citadelle, et de loin : Malheu-reux citoyens, scrie-t-il, quelle est votre dmence ? croyez-vousaudpartde vosennemis? croyez-vousexempt depigeun donde

    laGrce ? est-ce l connatre Ulysse? Ouce boisperfiderenfermeleurs soldats, ou cette machine impie fut fabrique pour abattrenos murailles, pour explorer nos demeures et dominer Ilion ; oubien elle recle quelque autre embche. Troyens, dfiez-vous dece cheval. Quoi que ce puisse tre, je crains les Grecs, mme dansleurs prsents. Il dit, et dun bras vigoureux il lance sur le flanc

    NIDE. LIVRE 2. 7

    duci intra muroset locari arce,sive dolo,seu fata Trojferebant jam sic.At Capys,et menti quorumsententia melior,jubentaut prcipitare pelagoinsidias Danaumdonaque suea,urereveflammis subjeis,aut terebrare et temptarelatebras cavas uteri.Vulgus incertumscinditurin studia contraria.

    Ibi primus ante omnes,magna caterva comitante,Laocoon ardensdecurrit a summa arce,et procul :

    O miseri cives,qu insania tanta ?Creditis hostes aveos ?aut putatisulla dona Danaumcarere dolis ?sic Ulysses notus ?Aut Achivi occultanturinclusi hoc ligno ;aut hc machinafabricata estin nostros muros,ineura domos,venturaque desuper urbi,aut aliquis error latet :

    Teucri, ne credite equo.Quidquid id est,timeo Danaos,et ferentes dona. Fatus sic,viribus validiscontorsit ingentem hastamin latus

    le chevaltre conduit en dedans des murset tre plac dans la citadelle,soit par fourberie,soit que les destines d e Troieleportassent (le voulussent) dj ainsi.Mais Capys,etceux lerit desquelstaitun jugement meilleur,conseillentou de prcipiter la merles embches des Grecsetleursprsents sues,ou delesbrlerles flammes tant mises-dessous,ou de percer et de sonderles cachettes creuses du ventre du cheval.La foule incertainese partageen sentiments opposs.

    L (alors) le premier avant tous,une grande troupe laccompagnant,Laocoon enflammaccourt du sommet de la citadelle,et de loinscrie:

    malheureux citoyens,quelle dmence si grandeest la vtre ?Croyez-vous les ennemis partis ?ou pensez-vousaucuns dons des Grecstre exempts de ruses (dembches) ?est-ceainsiquUlysseestconnude vous ?Ou des Achens sont cachsenferms dans ce bois ;ou cette machinea t fabriquecontre nos murs,devant avoir-vue-surnosmaisons,et devant venir par-dessus la ville ;ou quelque tromperie est cache :

    fils-de-Teucer, ne vous fiez pas cecheval.Quelque chose que cela soit,je crains les Grecs,mme apportant des prsents. Ayant parl ainsi,avec des forces puissantesil lana un grand javelotcontre le flanc

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    8 NEIS. LIBER II.

    In latus inque feri curvam compagibus alvumContorsit : stetit illa tremens, uteroque recusso,Insonuere cav gemitumque dedere cavern.Et, si fata Deum, si mens non lva fuisset,Impulerat ferro Argolicas fdare latebras ;Trojaque nunc stares, Priamique arx alta maneres !

    Ecce manus juvenem interea post terga revinumPastores magno ad regem clamore trahebantDardanid, qui se ignotum venientibus ultro,Hoc ipsum ut strueret, Trojamque aperiret Achivis,Obtulerat ; fidens animi, atque in utrumque paratus,Seu versare dolos, seu cert occumbere morti.Undique visendi studio Trojana juventusCircumfusa ruit, certantque illudere capto.

    Accipe nunc Danaum insidias, et crimine ab unoDisce omnes.Namque ut coneu in medio turbatus, inermisConstitit, atque oculis Phrygia agmina circumexit :

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    arrondi dumonstre unenorme javeline. Le trait sy fixeen tremblant ;la masse en est branle, et de ses profondes cavits sort un long g-missement. Ah ! si les dieux ne nous avaient pas t contraires, si noserits navaient pas t gars, nous suivions cet exemple ; le fer lamain, nous brisions ce tnbreux repaire des Grecs ; et maintenant, Troie, tu serais encore debout ! palais superbe de Priam nous te ver-rions encore !

    Mais voici quau mme instant des bergers phrygiens amnent auroi, avec de grands cris, les mains lies derrire le dos, un jeunehomme, un inconnu qui de lui-mme stait offert leur rencontre,pour mieux couvrir sa ruse et ouvrir aux Grecs les portes dIlion :

    plein daudace et prt tout, soit poursuivre jusquau bout son stra-tagme, soit mourir sil le fallait. Attire par la curiosit, la jeu-nesse troyenne accourt en foule de toutes parts, insultant lenvile prisonnier. Apprenez maintenant, reine, toute la fourberie desGrecs, et que le crime dun seul vous les fasse connatre tous. Dsquil se voit seul et sans armes au milieu de cette multitude, il setrouble,il sarrte, et promenant ses regardssur les Troyens rassembls:

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    inque alvum fericurvamcompagibus :illa stetit tremens,uteroque recusso,cavern cav insonuerededereque gemitum.Et, si fata deum,si mensnon fuisset lva,impuleratfdare ferrolatebras Argolicas ;nuncque stares, Troja,maneresque,arx alta Priami.

    Intereaecce pastores Dardanidtrahebant ad regemmagno clamorejuvenemrevinum manuspost terga,qui ultro

    se obtulerat ignotumvenientibus,ut strueret hoc ipsum,aperiretque TrojamAchivis ;fidens animi,atque paratus in utrumque,seu versare dolos,seu occumbere morti cert.Undique,studio visendi,juventus Trojana ruitcircumfusa,certantque illuderecapto.

    Accipe nuncinsidias Danaum,et ab uno criminedisce omnes.Namque ut constititIn medio coneu,turbatus, inermis,atque circumexit

    et contre le ventre de lanimalcourb (fait en courbe)par les assemblagesde planchesce javelotse tint (se fixa) tremblant,et le ventre ayant t branl,les cavits creuses rsonnrentet donnrent (rendirent) un gmissement.Et si les destins des dieux,sinotreeritnavait pas t -gauche (aveugl),ilnousavait pousss ravager avec le ferles cachettes des-Argiens ;et maintenant tu serais-debout, Troie,et tu subsisterais,citadelle leve de Priam.

    Cependantvoil que des bergers Dardanienstranaient vers le roi grands crisun jeune hommeli quant aux mainsderrire le dos,qui de-lui-mme

    stait prsent inconnu euxvenant deson ct,afin quil diost ceci-mme,et quil ouvrt Troieaux Achens ;confiant (hardi) de cur,et prpar lun et lautre,soit agiterdans son eritdes ruses,soit succomber une mort certaine.De toute part,par envie de voir,la jeunesse troyenne se prcipiterpandue-autourde lui,et ils luttent se jouer (ils se jouent lenvi)de luifait-prisonnier.

    Reois (entends) maintenantles embches des Grecs,et par un seul crime (par le crime dun seul)apprends lesconnatre tous.Car ds quil se tint-deboutau milieu des regards,troubl, sans-armes,et quil aperut-autourde lui

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    Heu ! qu nunc tellus, inquit, qu me quora pos-suntAccipere ? aut quid jam misero mihi denique restat,Cui neque apud Danaos usquam locus, et super ipsiDardanid infensi pnas cum sanguine poscunt ? Quo gemitu conversi animi, compressus et omnisImpetus. Hortamur fari quo sanguine cretus,Quidve ferat ; memoret, qu sit fiducia capto.Ille hc, deposita tandem formidine, fatur :

    Cunaequidemtibi,rex, fuerit quodcumque, fateborVera, inquit ; neque me Argolica de gente negabo :Hoc primum ; nec, si miserum fortuna SinonemFinxit, vanum etiam mendacemque improba finget.Fando aliquid, si forte tuas pervenit ad auresBelid nomen Palamedis et inclyta famaGloria, quem falsa sub proditione PelasgiInsontem, infando indicio, quia bella vetabat,Demisere neci ; nunc cassum lumine lugent :

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    Hlas ! quelle terre prsent, quelles mers peuvent moffrirun refuge ! Quel eoir me reste-t-il encore, moi, malheureux,qui nai plus dasile chez les Grecs et qui vois les Troyens irritsdemander mon supplice ! Cette plainte change subitement ladiosition des erits et fait tomber leur colre. On lexhorte parler, dire de quel sang il est n, ce quil a nous apprendre, etsi nous pouvons compter sur la foi dun captif. Remis enfin de sapremire frayeur, il nous parle en ces termes :

    roi, scrie-t-il, quoi quil puisse marriver, je dirai la vrittout entire. Etdabord je ne vous cacherai pasque je suis Grec. Si

    lafortunecruelleafaitSinonmalheureux,jamaisdumoinsellenele fera ni imposteur, ni tratre.Quelque rcit peut-tre aura portjusqu vous le nom de Palamde, prince issu du sang de Blus, etdont la renomme se plat publier la gloire. Faussement accusde trahison, viime innocente dune trame perfide, les Grecs lelivrrent la mort parce quil sopposait la guerre. Ilsle pleurent

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    agmina Phrygia : Heu ! inquit,

    qu tellus, qu quorapossunt nunc accipere me ?aut quid restat denique jammihi misero,cui neque locususquam apud Danaos,et superDardanid ipsi infensiposcunt pnascum sanguine ? Quo gemitu animi conversi,et omnis impetuscompressus.Hortamur fariquo sanguine cretus,quidve ferat ;memoret,qu fiducia sitcapto.Ille,formidine deposita tandem,fatur hc :

    Rex, inquit,equidem fatebor tibicuna vera,quodcumque fuerit ;neque negabome de gente argolica :hoc primum ;nec, si fortunafinxit Sinonem miserum,improba finget etiamvanum mendacem que.Fando aliquid,si fortenomen Palamedis Belidpervenit ad tuas aures,

    et gloriainclyta fama,quem Pelasgidemisere neci insontemsub proditione falsa,indicio infando,quia vetabat bella ;nunc lugent

    la multitude Phrygienne : Hlas! dit-il,

    quelle terre, quelles merspeuvent prsent recevoir moi ?ou que reste-t-il enfin dsormais moi malheureux, qui ni un lieude retraitenestquelque part chez les Grecs,et en outreles Dardaniens eux-mmes irritsdemandentmonsuppliceavecmonsang ? Par cette plainte les erits furentchangs,et tout emportementrprim.Nouslexhortons direde quel sangil estissu,ou ce quil apporte (ce quil annonce)quil expose,quelle confiance peut treaccordeluiprisonnier.Lui,la crainte tant dpose enfin,dit cesparoles :

    Roi, dit-il,moi assurment javouerai toitouteschosesvraies (toute la vrit),quoi quilendoive tre ;et je ne nierai pasmoitrede la race argienne :javouececi dabord ;et, si la fortunea fait Sinon malheureux,la cruelle nelefera pas de plusfaux et menteur.En disant quelque chose,si par hasardle nom de Palamde descendant de Blusest arriv jusqu tes oreilles,

    et (ainsi que)sagloirefameuse par la renomme,luique les Plasgesont envoy la mort innocentsousprtexte dunetrahison fausse,sur une dnonciation indicible (infme)parce quil dfendait la guerre ;maintenant ils pleurent

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    12 NEIS. LIBER II.

    Illi me comitem, et consanguinitate propinquum,Pauper in arma pater primis huc misit ab annis.Dum stabat regno incolumis, regumque vigebatConciliis, et nos aliquod nomenque decusqueGessimus : invidia postquam pellacis Ulyssei(Haud ignota loquor) superis concessit ab oris,Adflius vitam in tenebris luuque trahebam,Et casum insontis mecum indignabar amici.Nec tacui demens ; et me, fors si qua tulisset,Si patrios unquam remeassem vior ad Argos,Promisi ultorem, et verbis odia aera movi.Hinc mihi prima mali labes ; hinc semper UlyssesCriminibus terrere novis ; hinc argere vocesIn vulgum ambiguas, et qurere conscius arma.Nec requievit enim, donec Calchante ministro....

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    maintenant quil nest plus. Mon pre, qui tait pauvre et queles liens du sang attachaient ce hros, menvoya combattre

    auprs de lui ds le commencement du sige. Tant que Pala-mde a conserv son haut rang dans lempire, tant quil a eude lautorit dans les conseils des rois, moi-mme aussi jai pume flatterde quelque crditet de quelque gloire; mais quand lahaine jalouse du perfideUlysse (jene disrienqui nesoitconnu)leut prcipit sur les sombres bords, morne et chagrin je tra-nai, dans le deuil et les larmes, une vie misrable, mindignanten secret du coup qui frappait un ami innocent. Insens ! jene sus pas me taire. Je jurai que si jamais la fortune men of-frait loccasion, si jamais je rentrais vainqueur dans Argos, mapatrie, je serais le vengeur de Palamde, et mes menaces allu-

    mrent contre moi dimplacablesressentiments.De l tous mesmalheurs. Depuis ce temps, Ulysse na cess de me poursuivredatrocescalomnies, de semerdans la multitudemille souponsodieux ; et,tourment parsa conscience, de chercher desarmescontre moi. Enfin, sa haine neut point de repos jusqu ce que,par le ministre de Calchas.... Mais pourquoi prolonger ces

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    cassum lumine :pater paupermisit me hucin armaa primis annis,comitem illi,et propinquumconsanguinitate.Dum stabat incolumisregno,vigebatqueconciliis regum,et nos gessimusaliquodque nomendecusque :postquam invidiapellacis Ulyssei(loquor haud ignota)concessitab oris superis,adflius trahebam vitamin tenebris luuque,et indignabar mecumcasum insontis amici.

    Nec tacuidemens;et promisi me ultorem,si qua fors tulisset,si unquamremeassem viorad Argos patrios,et verbismovi odia aera.Hinc mihiprima labesmali ;hinc Ulyssesterrere sempercriminibus novis ;

    hincargere in vulgumvoces ambiguas,et consciusqurere arma.Nec enim requievit.donecCalchante ministro....

    luipriv de la lumire :monpre pauvreenvoya moi icidans les armes ( la guerre)ds les premires annesdu sige,commecompagnon pour lui,tantaussisonprocheparentpar la communaut-du-sang.Tant quil se tenait sain-et-saufdans son royaume (son autorit),et quil avait-de-la-forcedans les conseils des rois,nous aussi nous avons port (eu)et quelque nom (un nom)etquelquehonneur :aprs que par suite de lenviedu perfide Ulysse(je parle defaitsnon ignors)il se fut retirdes bords den-haut (de la terre),afflig je tranaismaviedans les tnbres et le deuil,et je mindignais avec moi (en moi mme)de la chute demoninnocent ami.

    Et je ne me suis pas tuinsensque jtais ;et je promis moidevoir tre sonvengeur,si quelque hasardmenoffriraitloccasion,si jamaisje pouvais retourner-vainqueur Argos ma patrie,et parmesparolesjexcitai des haines farouches.De l pour moila premire tache (le premier conta)du mal ;de l (ds lors) Ulyssecommena meffrayer toujourspar des accusations nouvelles ;

    ds lorsil commenarpandre dans le publicdes paroles quivoques,et ayant consciencede son crimechercher des armescontre moi.Et en effet il ne se reposa pas,jusqu ce que [Calc has)...Calchas tant ministre (par le ministre de

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    Sed quid ego hc autem nequiquam ingrata revolvo ?Quidve moror ? Si omnes uno ordine habetis Achivos,Idque audire sat est ; jamdudum sumite pnas :Hoc Ithacus velit, et magno mercentur Atrid.

    Tum vero ardemus scitari et qurere causas,Ignari scelerum tantorum artisque Pelasg.Prosequitur pavitans, et fio peore fatur :

    Spe fugam Danai Troja cupiere reliaMoliri, et longo fessi discedere bello :Fecissentque utinam ! Spe illos aera pontiInterclusit hiems, et terruit Auster euntes.Prcipue, quum jam hic trabibus contextus acernisStaret equus, toto sonuerunt there nimbiSuensi Eurypylum scitatum oracula PhbiMittimus ; isque adytis hc tristia dia reportat : Sanguine placastis ventos et virgine csa, Quum primum Iliacas, Danai, venistis ad oras ;

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    rcits qui peut-tre vous importunent ? Pourquoi retarder votre ven-geance ? Si tous les Grecs sont les mmes vos yeux, sil vous suffit desavoir que je suis Grec, punissez-moi. Ulysse ne dsire rien tant, et lesAtrides mettraient un si haut prix mon supplice !

    Cesmots enflammentnotre curiosit; nous brlons de connatrelescauses de sa fuite, ignorant, hlas ! jusquo peut aller la sclratesse etla perfidie dun Grec. Alors, dune voix tremblante, il reprend son rcitmenteur :

    Souvent les Grecs, rebuts par une si longue guerre, ont voulu fuirde ces lieux, abandonner Troie et retourner dans leur patrie. Plt auxdieux quils leussent fait ! Mais tantt la tempte leur ferma les mers,tanttlAuster imptueuxles menaa leur dpart; depuissurtoutque

    ce cheval, form de bois drable, est l debout, cent fois les nues reten-tirent des clats du tonnerre. Incertains du sens de ce prodige, nousenvoyons Eurypyle consulter loracle dApollon. Eurypyle rapporta dusanuaire ces dsolantes paroles : Ce fut par le sang, ce fut par le sa-crifice dune vierge que vous apaistes les vents, Grecs, quand vousvntes pour la premire fois chercher les rivages dIlion: cest par le sangque vous obtiendrez

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    Sed autem quidrevolvo ego nequiquamhc ingrata ?Quidve moror ?Si habetis uno ordineomnes Achivos,estque sataudire id,jamdudumsumite pnas :Ithacus velit hoc,et Atridmercentur magno.

    Tum vero ardemusscitariet qurere causas,ignaritantorum scelerumartisque Pelasg.Prosequitur pavitans,et fatur peore fio :

    Spe Danaicupiere moliri fugam,Troja relia,

    et discedere,fessi longo bello :utinamque fecissent !Spe hiems aera pontiinterclusit,et Auster terruitillos euntes.Prcipue,quum jam hic equuscontextus trabibus acernisstaret,nimbi sonueruntthere toto.Suensimittimus Eurypylum

    scitatum oracula Phbi ;isque reportat adytishc tristia dia ; Placastis ventos sanguine et virgine csa, quum primum, Danai, venistis ad oras Iliacas ;

    Mais pourquoidroul-je (racont-je) inutilementceshistoiresdsagrables entendre ?Ou pourquoi tard-je ?Si vous avez (placez) sur un seul rangtous les Achens,et si cest assezpour vousdentendre cela (que je suis Grec),depuis longtemps (au plus tt)prenez (excutez) le chtiment :lIthacien voudrait cela (mon supplice)et les Atrideslachteraient dun grandprix.

    Mais alors nous brlonsdinterrogeret de rechercher les causesde sa fuite,ignorants (nayant pas dide)de si grandes sclratesseset de lartifice des-Plasges.Il poursuit tremblant,et il parle avec un cur dguis :

    Souvent les Grecsont dsir dexcuter une fuite,Troie tant abandonne,

    et de se retirer,fatigus dune longue guerre :et plt-aux-dieux quilsleussent fait !Souvent la tempte rigoureuse de la merenferma (arrta),et lAuster effrayaeux quisenallaient.Principalement,lorsque dj ce chevaltiss (construit) de poutres d-rablese tenait-debout,les nuages retentirentdans lther tout-entier.En-suensnous envoyons Eurypyle

    interroger loracle de Phbus ;et celui-ci rapporte du sanuaireces tristes paroles : Vous avez apais les vents par du sang et par une jeune-fille gorge, lorsque p our-la-premire-fois, descendants-de-Danas, vous tes venus aux bords dIlion ;

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    Sanguine qurendi reditus, animaque litandum Argolica. Vulgi qu vox ut venit ad aures,Obstupuere animi, gelidusque per ima cucurritOssa tremor, cui fata parent, quem poscat Apollo.Hic Ithacus vatem magno Calchanta tumultuProtrahit in medios ; qu sint ea numina DivumFlagitat. Et mihi jam multi crudele canebantArtificis scelus, et taciti ventura videbant.Bis quinos silet ille dies, teusque recusatProdere voce sua quemquam, aut opponere morti.Vix tandem magnis Ithaci clamoribus aus,Composito rumpit vocem, et me destinat ar.Assensere omnes, et, qu sibi quisque timebat,Unius in miseri exitium conversa tulere.Jamque dies infanda aderat : mihi sacra parari,Et sals fruges, et circum tempora vitt.

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    votre retour : sacrifiez un Grec. peine cette fatale sen-

    tence est-elle arrive aux oreilles de la multitude, la ter-reur sempare de tous les erits, glace tous les curs. Quelest celui que les destins ont marqu ? Quelle est la vic-time que demande Apollon ? Alors le roi dIthaque en-trane grand cris le devin Calchas au milieu de la fouleet le somme dexpliquer la volont desdieux. Dj plusieursmannonaient le cruel artifice de mon ennemi, et, silen-cieux, pressentaient mon triste sort. Dix jours entiers Cal-chas se tait, et, par une feinte piti, refuse de nommer lemalheureux quattend la mort. Enfin, cdant comme re-

    gret aux instances dUlysse, il rompt le silence, et, daccordavec lui, me dvoueaux autels. Tousapplaudirent,et le coupque chacun redoutait pour soi-mme, on le vit avec joietomber sur la tte dun seul infortun. Dj le jour fataltait arriv : tout tait prt pour le sacrifice, et la farine,et le sel, et les bandelettes qui devaient ceindre mon front.

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    sanguine reditus qurendi, litandumque anima Argolica. Ut qu vox venitad aures vulgi,animi obstupuere,tremorque gelidus cucurritper ima ossa,cuifata parent,quem poscat Apollo.Hic Ithacus magno tumultuprotrahit in mediosvatem Calchanta ;flagitatqu sint ea numina divum.Et multi jamcanebant mihiscelus crudele artificis,et tacitividebant ventura.Ille siletbis quinos dies,

    teusque recusatprodere quemquamsua voce,aut opponere morti.Vix tandemaus magnis clamoribusIthaci,rumpit vocemcomposito,et destinat me ar.Omnes assensere,et qu quisquetimebat sibi,tulereconversa

    in exitium unius miseri.Jamque dies infandaaderat :sacraparari mihi,et fruges sals,et vitt circum tempora.Me eripui leto,

    cestpar du sangquele retourest -rechercher (peut tre obtenu), et il-faut-faire-un-sacrifice avec une me Argienne. Ds que cette parole fut arriveaux oreilles de la multitude,les erits furent frapps-de-stupeur,et un tremblement glacial courutdans lintrieur des os (des m embres),les Grecs se demandant quiles destins prparaientla mort,qui demandait Apollon.Ici (alors) lIthacien avec un grand bruitentrane au milieudes Grecsle devin Calchas ;illuidemande-avec-instancequelles sont ces volonts des dieux.Et beaucoup djprdisaient moile crime cruel de lartificieux Ulysse,et se taisantvoyaient ce qui arriverait.Lui (Calchas) garde-le-silencependantdeux fois cinq j ours,

    et couvert (dissimulant) il refusedindiquer quelquunde sa voix,ou (et) dexposerquelquun la mort.Avec-peine enfinpouss par les grandes clameursde lIthacien,il laisse-chappersavoixdaprs-une-conventionfaite avec Ulysse,et dsigne moi pour lautel.Tous consentirent,etles malheursque chacuncraignait pour soi,illessupportrentsans peinetourns (dtourns)

    vers la perte dun seul malheureux.Et dj le jour indicible (affreux)tait arriv :les crmoniessacrestre (taient) prpares pour moi,et les fruitsde la terre(la farine) sals,et les bandelettes autour de mestempes.Je marrachai la mort,

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    Eripui, fateor, leto me, et vincula rupi ;Limosoque lacu per noem obscurus in ulvaDelitui, dum vela darent, si forte dedissent.Nec mihi jam patriam antiquam es ulla videndi,Nec dulces natos exoptatumque parentem,Quos illi fors ad pnas ob nostra reposcentEffugia, et culpam hanc miserorum morte piabunt.Quod te, per superos et conscia numina veri,Per, si qua est qu restet adhuc mortalibus usquamIntemerata fides, oro, miserere laborumTantorum ! miserere animi non digna ferentis !

    His lacrimis vitam damus, et miserescimus ultro.Ipse viro primus manicas atque arta levariVincla jubet Priamus, diisque ita fatur amicis : Quisquis es, amissos hinc jam obliviscere Graios,Noster eris ; mihique hc edissere vera roganti :

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    Je me suis drob la mort, je lavoue ; jai rompu mes liens, et,cachlanuitdanslesroseauxdunmaraisfangeux,jattendaisqueles Grecs missent a la voile, si par hasard ils prenaient ce parti.Hlas ! plus derance pour moi de revoir le pays de mes aeux,monpre,mes enfants,objetssi chers et si regretts ! Peut-tre lesGrecs vengeront-ils ma fuite sur ces infortuns et demanderont-ils leur sang pour expier ma faute. Au nom des dieux, princemagnanime, de ces dieux qui savent que je dis la vrit, au nomsacr de la justice, sil en est encore quelques vestiges parmi lesmortels, ayez piti, je vous en conjure, des maux dont je suisaccabl ; ayez piti dun malheureux digne dun meilleur sort.

    Il pleurait ; ses larmes veillent la piti dans tous les curs :

    nous lui accordons la vie. Priam lui-mme ordonne le premierquon laffranchisse de ses liens, quon dgage ses mains encha-nes, et il lui adresse ces paroles amies : Qui que tu sois, oubliedsormais laGrce perdue pour toi : tu seras undes ntres ; maisrponds avec franchise ce que je vais te demander. Pourquoiont-ils construit

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    fateor,et rupi vincula ;perque noemobscurusdelitui lacu limosoin ulva,dum darentvela,si forte dedissent.Nec jam mihiulla esvidendi patriam antiquam,nec natos dulcesparentemqueexoptatum,quos illireposcent fors ad pnasob nostra effugia,et piabunt hanc culpammorte miserorum.Quod oro te,per superoset numinaconscia veri,

    per,si est qua fides intemerataqu restet adhuc usquammortalibus,misererelaborum tantorum !miserere animiferentisnon digna !

    Damus vitamhis lacrimis,et miserescimus ultro.Priamus ipse primus jubetmanicas et vincla artalevari viro,

    faturque ita diis amicis : Quisquis es,hinc jamobliviscere Graios amissos,eris noster ;edissereque hc veramihi roganti :Quo statuere

    je lavoue,et je rompismesliens ;et pendant la nuitobscur (dans lobscurit)je me cachai dans un lac fangeuxau milieu de lalgue,jusqu ce quils abandonnassentleursvoilesaux vents,si par hasard ilslesabandonnaient.Et dsormaisil nestplus moiaucune erancede voirmapatrie antique,nimesfils doux mon cur(chris)etmonpresouhait (que je dsirais revoir),euxque ceux-l (les Grecs)rclameront peut-tre pour le supplice cause de notre vasion,et ils e xpieront (puniront) cette fautepar la mort decesmalheureux.Je prie toi,par lesdieuxden-hautet par les divinitsqui-ont-connaissance du vrai,

    parla bonne foi,sil est quelque bonne foi non-violequi reste encore quelque partaux mortels,aie-pitide peines si grandes !aie-piti dun curqui supportedes malheursnon dignes (non mrits) !

    Nous accordons la vie ces larmes,et nous avons-pitide luiontanment.Priam lui-mme le premier ordonneles menottes et les l iens troitstre allgs (ts) cethomme,

    et parle ainsi avec des parole amies : Qui que tu sois,dici (ds prsent) dsormaisoublie les Grecs perdus pour foi,tu seras ntre (un des ntres) ;et expose ces choses vraies moi qui linterroge :Dans-quel-but ont-ils tabli (construit)

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    Quo molem hanc immanis equi statuere ? quis auor?Quidve petunt ? qu religio ? aut qu machina belli ? Dixerat. Ille, dolis instruus et arte Pelasga,Sustulit exutas vinclis ad sidera palmas : Vos, terni ignes, et non violabile vestrumTestor numen, ait ; vos, ar, ensesque nefandi,Quos fugi ; vittque deum, quas hostia gessi :Fas mihi Graiorum sacrata resolvere jura ;Fas odisse viros, atque omnia ferre sub auras,Si qua tegunt ; teneor patri nec legibus ullis.Tu modo promissis maneas, servataque servesTroja fidem, si vera feram, si magna rependam.

    Omnis es Danaum, et cpti fiducia belliPalladis auxiliis semper stetit. Impius ex quoTydides sed enim scelerumque inventor Ulysses,Fatale aggressi sacrato avellere temploPalladium, csis summ custodibus arcis,Corripuere sacram effigiem, manibusque cruentis

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    cemonstrueux cheval ? Quien donnale conseil ? Quen erent-ils ? Est-ceuneoffrandeauxdieux ?Est-ceunemachinedeguerre ? Ainsiparlaitle vieux Priam. Alors Sinon, instruit chez les Grecs dans lart de feindre,levant vers les cieux ses mains libres dentraves : Feux ternels, invio-lables divinits, scrie-t-il, et vous autels funbres, couteaux sanglantsquejai fuis,bandelettessacres queportait mon frontdvou la hache,je vous prends tmoin. Oui, je puis maintenant sans crime rompre lessaints engagements qui mattachaient aux Grecs ; il mest permis de harmesoppresseurs,et dervler tous, laclart dusoleil,ce quils cachentdans lombre. Je ne tiens plus ma patrie par aucune loi. Et vous, roi,soyez fidle vos promesses. Si je sauve Troie en disant la vrit, si je fais

    dimportants aveux, que du moins mon salut soit le prix du vtre. Toute lerance des Grecs, toute leur confiance dans la guerrecontre Pergame, taient fondes sur la proteion de Pallas ; mais dujour que limpie Diomde et quUlysse, artisan de crimes, entreprirentdarracher de son sanuaire le fatal Palladium, et quaprs avoir gorgles gardes de la citadelle, ils osrent saisir limage auguste de la desse etporter leurs mains sanglantes sur ses bandelettes virginales,

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    hanc molem equi immanis ?quis auor ?quidve petunt ?qu religio ?aut qu machina belli ? Dixerat.Ille, instruus doliset arte Pelasga,sustulit ad siderapalmas exutas vinclis : Testor, ait, igne s terni,vos et vestrum numennon violabile ;vos, ar, ensesque nefandi,quos fugi ;vittque deum,quas gessi hostia :fas mihi resolverejura sacrata Graiorum ;fas odisse viros,et ferre sub aurasomnia,si tegunt qua ;nec teneor

    ullis legibus patri.Tu modomaneas promissis,servataque, Troja,serves fidem,si feram vera,si rependammagna.

    Omnis es Danaum,et fiducia belli cptistetit semperauxiliis Palladis.Sed enim ex quoimpius Tydides,Ulyssesque

    inventor scelerum,aggressi avelleretemplo sacratofatale Palladium,custodibus arcis summcsis,corripuere effigiem sacram,manibusque cruentis

    cette masse dun cheval norme ?quiestle conseiller ?ou que demandent-ils (que cherchent-ils) ?quel objet-religieuxest-ce ?ou quelle machine de guerre ? Il avait dit.Lui (Sinon), muni des ruseset de lartifice des-Plasges,souleva vers les astressesmains dpouilles de liens : Jatteste, dit-il, feux ternels,vous et votre divinitinviolable;vous, autels, et glaives abominables,que jai fuis ;etvousbandelettes des dieux,que jai portescommeviime :il estpermis moi de rompre (de renier)les droits sacrs des Grecs ;il estpermis moide harceshommes,et de porter sous les airs (de dcouvrir)toutes choses,silsencachent quelques-unes ;et je ne suisplustenu (oblig)

    par aucunes lois demapatrie.Toi se ulementreste danstespromesses (tiens-les),et sauvepar moi, Troie,gardetafoi (ta parole),si je rapporte des choses vraies,si je donne-en-changede mon salutde grandsservices.

    Tout leoir des Grecs,etleurconfiance en la guerre commencea consist (repos) toujoursen (sur) les secours de Pallas.Mais depuis quelimpie fils-de-Tyde,et Ulysse

    inventeur de crimes,ayant entrepris darracherdesontemple sacrle fatal Palladium,les gardiens de la citadelle leveayant t tus,ont saisi limage sainte,et de leurs mains sanglantes

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    Virgineas ausi div contingere vittas,Ex illo fluere ac retro sublapsa referriSpes Danaum, fra vires, aversa de mens.Nec dubiis ea signa dedit Tritonia monstris.Vix positum castris simulacrum, arsere coruscLuminibus flamm arreis, salsusque per artusSudor iit, terque ipsa solo (mirabile diu !)Emicuit, parmamque ferens hastamque trementem.Extemplo tentanda fuga canit quora Calchas,Nec posse Argolicis exscindi Pergama telis,Omina ni repetant Argis, numenque reducantQuod pelago et curvis secum avexere carinis.Et nunc, quod patrias vento petiere Mycenas,Arma Deosque parant comites, pelagoque remensoImprovisi aderunt : ita digerit omina Calchas.Hanc pro Palladio, moniti, pro numine lso

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    de ce jour svanouit et fut emporte sans retour lerance desGrecs. Leurs forces furent brises, la desse leur retira son appui.Des prodiges nondouteux ne manifestrentque trop le courrouxde limmortelle. peine, en effet, la statue fut-elle place dans lecamp, de ses yeux menaants et levs sur nous jaillirent des tin-celles ; unesueuramre ruisselasur tous sesmembres, et trois fois(surprise !)elle bonditsur le sol, agitant songideet salancefr-missante. Aussitt Calchas scrie quil faut repasser les mers, queTroie ne peut tomber sous le fer des Argiens, sils ne retournentdans Argos pour y prendre de nouveaux auices et ramenerlimage sacrequils ont emporte surleurs vaisseaux travers lesondes.Et maintenant que, pousss pardes vents amis, ils vont re-

    voir leur Mycnes, cest pour vous prparer de plus rudes attaques,associer les dieux leur entreprise, et, repassant une seconde foisles eaux, reparatre limproviste sur vos bords. Ainsi Calchasinterprte les divers prsages. Afin dapaiser la desse offense etpour remplacer le Palladium, ils ont, daprs les conseils du de-vin, construit ce vain simulacre dun cheval, en expiation de leur

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    ausi contingerevittas virgineas div,ex illoes Danaumfluere,et referri retrosublapsa,vires fra,mens de aversa.Nec Tritonia dedit ea signamonstris dubiis.Vix simulacrumpositum castris,flamm coruscarsereluminibus arreis,sudorque salsusiit per artus,terque ipsa(mirabile diu !)emicuit solo,ferens parmamquehastamque trementem.Extemplo Calchas canit

    quora tentandafuga,nec Pergama posse exscinditelis Argolicis,ni repetant Argisomina,reducantque numenquod avexere secum pelagocarinisque curvis.Et nunc,quod petiere ventoMycenas patrias,parant armadeosque comites,pelagoque

    remensoaderunt improvisi :ita Calchasdigerit omina.Moniti,statuere pro Palladio,pro numine lso,hanc effigiem,

    ont os toucherles bandelettes virginales de !a desse,depuis ce tempslerance des Grecscommena scouler (svanouir),ettre reporte en arrire ( dcrotre)se retirant-peu--peu,leursforcesfurentbrises,lerit de la desse dtourndeux.Et Tritonie ne donna pas ces signespar des prodiges douteux. peine la statueeut tdpose dans le camp,des flammes tincelantesbrlrent (brillrent)dans ses yeux levs (ouverts),et une sueur salealla (coula) le long desesmembres,et trois foisdelle-mme(prodigetonnant tre dit !)elle bondit du sol,portant etsonbouclieretsapique tremblante.Aussitt Calchas chante (prophtise)

    les mers devoir tre tentespar la fuite,et Pergame ne pouvoir pas tre dtruitepar les traits des-Argiens,sils ne vont-reprendre dArgosles prsages,et ne ramnent la divinitquils ont emporte avec eux sur la meret surleurscarnes (vaisseaux) courbes.Et maintenant,quils ont gagn laide du ve ntMycnes leur-patrie,ilsseprparent des armeset des dieuxpourcompagnons,et la mer

    ayant t mesure (traverse)-de-nouveau,ils seront-ici imprvus ( limproviste) :cestainsiqueCalchasdiose (explique) ces prsages.Avertispar lui,ils ont dress en place du Palladium,en place de la divinit offense,cette figure (ce cheval),

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    Effigiem statuere, nefas qu triste piaret.Hanc tamen immensam Calchas attollere molemRoboribus textis, cloque educere jussit,Ne recipi portis aut duci in mnia possit,Neu populum antiqua sub religione tueri.Nam si vestra manus violasset dona Minerv,Tum magnum exitium (quod Di prius omen in ipsumConvertant !) Priami imperio Phrygibusque futurum :Sin manibus vestris vestram ascendisset in urbem,Ultro Asiam magno Pelopea ad mnia belloVenturam, et nostros ea fata manere nepotes.

    Talibus insidiis, perjurique arte Sinonis,Credita res, captique dolis lacrimisque coais,Quos neque Tydides, nec Larissus Achilles,Non anni domuere decem, non mille carin.

    Hic aliud majus miseris multoque tremendumObjicitur magis, atque improvida peora turbat.Laocoon, duus Neptuni sorte sacerdos,

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    sacrilge. Calchas a voulu quon en levt jusquaux cieux la gigan-tesque struure, afin quil ne pt entrer par les portes de votre ville,pntrer dans vos murs et les couvrir ainsi de lombre tutlaire dunculte antique. Car si vous portez des mains tmraires sur cette of-frande agre par Minerve, (puissent les Dieux tourner ce prsagecontre Calchas lui-mme!) malheur lempire de Priam ! malheurauxPhrygiens ! Si, au contraire, vos mains religieuses introduisentlecolosse dansla ville, alorslAsie, sontour,porterala dsolation dansles murs de Plops : ces tristes destins attendent nos descendants.

    Ce discours insidieux, cet abominable artifice de Sinon surpren-nent notre confiance. Des larmes feintes, la ruse dun fourbe triom-

    phrent ainsi de guerriers que navaient pu vaincre ni Diomde, filsde Tyde,ni le bouillant Achille,ni dixans de sige, ni millevaisseauxgrecs.

    Bientt, dans notre malheur, un prodige nouveau, un eacleplus effrayant encore, soffre nos yeux et achve dentraner noserits aveugls. Laocoon, que le sort avait fait grand-prtre de

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    qu piaret triste nefas.Calchas tamenjussit attollerehanc molem immensamroboribus textis,educereque clo,ne possitrecipi portisaut duci in mnia,

    neu tueri populumsub religioneantiqua.Nam si vestra manusviolassetdona Minerv,tum (di priusconvertant in ipsumquod omen !)magnum exitiumfuturum imperio PriamiPhrygibusque ;sin vestris manibusascendissetin vestram urbem,

    Asiam venturam ultromagno belload mnia Pelopea,et ea fatamanere nostros nepotes.

    Talibus insidiis,arteque perjuri Sinonis,res credita,captique dolislacrimisque coais,quos neque Tydides,nec Achilles Larissus,non decem anni,non mille carindomuere.

    Hic aliud majusmultoque magis tremendumobjicitur miseris,atque turbat peoraimprovida.Laocoon,duus sortesacerdos Neptuni,

    qui expitleurfuneste crime.Calchas cependanta ordonn dlevercette masse normeavec des chnes tissus (assembls),et delaconduire jusquau ciel,afin quelle ne puisse pastre reue parvosportesou tre conduite dansvosmurs,

    ni dfendrevotrepeuplereplacsous la proteion-religieuseantique.Car si votre mainavait viol (profan)les dons de Minerve (offerts Minerve),alors (que les dieux auparavanttournent contre lui-mmece prsage !)il disaitune grande calamitdevoir tre lempire de Priamet aux Phrygiens ;mais si par vos mainsce chevalavait mont (tait entr)dans votre ville,

    lAsie devoir venir delle-mmeavec une grande guerreaux murs de-Plops,et ces destinesattendre nos descendants.

    Par de telles embcheset par lartifice du parjure Sinon,la chosefutcrue,etils furentpris par des ruseset par des larmes forces,ceuxque ni le fils-de-Tyde,ni Achille de-Larisse,ni dix annesde sige,ni mille carnes (vaisseaux)navaient dompts.

    Ici (alors) un autrevnementplus grandet beaucoup plus effroyablesoffre nousmalheureux,et troublenoscursqui-ne-sy-attendaient-pas.Laocoon,amen (choisi) par le sortprtre de Neptune,

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    Solemnes taurum ingentem maabat ad aras.Ecce autem gemini a Tenedo tranquilla per alta(Horresco referens) immensis orbibus anguesIncumbunt pelago, pariterque ad litora tendunt.Peora quorum inter fluus arrea, jubqueSanguine exsuperant undas ; pars cetera pontumPone legit, sinuatque immensa volumine terga.Fit sonitus umante salo. Jamque arva tenebant,Ardentesque oculos suffei sanguine et igni,Sibila lambebant linguis vibrantibus ora.Diffugimus visu exsangues : illi agmine certoLaocoonta petunt ; et primum parva duorumCorpora natorum serpens amplexus uterqueImplicat, et miseros morsu depascitur artus :Post ipsum auxilio subeuntem ac tela ferentemCorripiunt, irisque ligant ingentibus ; et jamBis medium amplexi, bis collo squamea circumTerga dati, superant capite et cervicibus altis.

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    Neptune, immolait, avec solennit, un superbe taureau sur les autelsdu Dieu. Voil quetout coup (jen frmisencore),sortisde Tndos,par une mer calme, deux normes serpents sallongent sur les eaux,et, droulant leursorbes immenses, savancent de front versle rivage.Leur poitrine cailleuse se dresse au milieu des flots et de leur crtesanglanteils dominent lesondes; le reste du corps se traneen effleu-rant la meret leur queue monstrueusese recourbe en tortueux replis.Onentendmugirsurleurpassagelamercumante.Djilsatteignentlebord.Les yeux ardents,rougesde sang etde feu, lagueulebante,ilsfont sifflerleurtripledard. cettevue, nous fuyonsples deffroi.Eux,dun lan commun, vont droit au grand prtre ; et dabord, se jetantsurses deuxfils, ils embrassent dune horribletreinte,ils dchirentdecruelles morsures lecorpsde cesjeunes infortuns. Puis, ilssaisissentle pre lui-mme qui venait, une hache la main, au secours de sesenfants. Ils lenlacent, ils lenveloppent de leurs anneaux immenses.Deux fois repliant autour de ses reins, deux fois roulant autour desoncou leurs cercles dcailles,ils dpassentencore sonfrontde leurs

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    maabat ingentem taurumad aras solemnes.Ecce autem(horresco referens)gemini anguesorbibus immensisa Tenedoper altatranquilla

    incumbunt pelagotenduntque ad litorapariter.Quorum peoraarrea inter fluus,jubque sanguineexsuperant undas ;cetera parslegit pontum pone,sinuatque volumineterga immensa.Sonitus fit salo umante.Jamque tenebant arva,suffeique oculos ardentessanguine et igni,

    lambebantlinguis vibrantibusora sibila.Diffugimusexsangues visu :illi agmine certopetunt Laocoonta ;et primum uterque serpensamplexus parva corporaduorum natorumimplicat,et depascitur morsuartus miseros :post corripiunt ipsumsubeuntem auxilio

    et ferentem tela,ligantque ingentibus iris ;et amplexi jam bismedium,bis dati circumcolloterga squamea,superant capite

    immolait un superbe taureauau pied des autels solennels.Mais voici que(je frissonne enlerapportant)deux serpentsaux anneaux immensespartisde Tndospar leseauxprofondestranquilles (par une mer calme)

    se couchent-sur la meret se dirigent vers le rivagegalement (de front).Desquels les poitrinesdresses au milieu des flots,et les crtes sanglantesdpassent (dominent) les eaux ;lautre partiedu corpseffleure la mer par derrire,et replie par une irale (en anneaux)leursdos immenses.Un bruit se fait sur la mer cumante.Et dj ils tenaient (touchaient) les terres,et colors dansleursyeux ardentsde sang et de feu,

    ils lchaientdeleurslangues vibrantesleursgueules sifflantes.Nous f uyons-de-tous-ctsprivs-de-sang (glacs) cettevue :eux dune marche certainegagnent Laocoon ;et dabord lun et lautre serpentayant embrass les petits corpsdesesdeux filslesenlace,et dvore desamorsureleursmembres malheureux :ensuite ilslesaisissent lui-mmevenant au secours

    et apportant des traits,et ilslenchanent dimmenses anneaux ;etlayant embrass dj deux foisau-milieu (par le milieu du corps),deux fois stant donns (rouls) autoursoncou (de son cou)avecleursdos cailleux,ilsledpassent deleurtte

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    Ille simul manibus tendit divellere nodos,Perfusus sanie vittas atroque veneno ;Clamores simul horrendos ad sidera tollit :Quales mugitus, fugit quum saucius aramTaurus, et incertam excussit cervice securim.At gemini lapsu delubra ad summa draconesEffugiunt, svque petunt Tritonidis arcem,Sub pedibusque de clipeique sub orbe teguntur.

    Tum vero tremefaa novus per peora cunisInsinuat pavor ; et scelus expendisse merentemLaocoonta ferunt, sacrum qui cuide roburLserit, et tergo sceleratam intorserit hastam.Ducendum ad sedes simulacrum, orandaque divNumina, conclamant.Dividimus muros, et mnia pandimus urbis.Accingunt omnes operi, pedibusque rotarumSubjiciunt lapsus et stuppea vincula colloIntendunt. Scandit fatalis machina muros,

    Feta armis : pueri circum innuptque puell

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    ttes altires. Lui, tout tremp de leur bave immonde, et dgouttant dunoir venin qui souille ses bandelettes sacres, roidit ses bras contre cesnuds pouvantables et pousse vers le ciel des cris affreux. Tel mugit letaureau quand, bless lautel, il fuit, secouant de son cou saignant lahache incertaine. Enfin les dragons vainqueurs sloignent en glissant surleurs cailles, gagnent les hauteurs du temple, et, rfugisdans le sanuairede Minerve irrite, sy cachent, aux pieds de la desse, sous lorbe de sonbouclier.

    ce prodige nouveau tous les curs sont saisis dune nouvelle pou-vante. On scrie que Laocoon a reu le juste chtiment de son crime, lui qui

    dune main sacrilge, profanant le cheval sacr, lana contre ses flancs unejaveline impie ; quil fautconduire au temple le divin simulacreet flchir pardes prires le courroux de Minerve. Aussitt on fait une large brche auxmurs de la ville ; nous en ouvrons lenceinte au colosse. Chacun sempresse louvrage. On glisse sous les pieds du cheval des madriers roulants ; onattache a son cou de longs cordages. La fatale machine franchit nos murs,grossede soldats arms. Desenfantset desviergeslaccompagnent en chan-

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    et cervicibus altis.Ille simul tenditdivellere nodos manibus,perfusus vittassanie atroque veneno ;simul tollit ad sideraclamores horrendos :quales mugitustaurus,

    quum saucius fugit aram,et excussit cervicesecurim incertam.At gemini draconeseffugiunt lapsuad delubra summa,petuntque arcemTritonidis s v,tegunturquesub pedibus desubque orbe clipei.

    Tum vero pavor novusinsinuat cunisper peora tremefaa ;et ferunt

    Laocoonta merentemexpendisse scelus,qui lserit cuiderobur sacrum,et intorserit tergohastam sceleratam.Conclamantsimulacrum ducendumad sedes div,numinaque oranda.Dividimus muros,et pandimus mnia urbis.Omnes accingunt operi,subjiciuntque pedibuslapsus

    rotarum,et intendunt collovincula stuppea.Fatalis machinascandit muros,feta armis :circum pueriet puell innupt

    et deleurscous levs.Lui en mme temps sefforcede dtacher les nuds avec sesmains,arros sursesbandelettesde bave et dun noir venin ;en mme temps il lve vers les astresdes cris horribles :telsque les mugissementsquepousse un taureau,

    lorsque bless il sest enfui de lautel,et a secou desoncoula hache incertaine (mal assure).Mais les deux serpentssenfuient en-glissantvers les temples les plus levs,et ils gagnent la demeure-hautede Tritonie irrite,et ils se cachentsous les pieds de la desseet sous lorbe de son b ouclier.

    Mais alors une pouvante nouvellese glisse nous tousdans nos curs effrays ;et on rapporte (on dit)

    Laocoonlemritantavoir pay son crime,luiqui avait endommag dun javelotle chne (le cheval de bois) sacr,et qui avait lanc-contre son flancun dard criminel.Touscrient-ensemblelimage devoir tre conduitedans la demeure de la desse,etsadivinit devoir tre prie.Nous divisons les murs,et nous ouvrons les remparts de la ville.Tous se diosent louvrage,et placent-sous les piedsdu chevalle glissement

    de roues (le font glisser sur des roues),et tendent soncoudes cordes d-toupe (de chanvre).La fatale machinefranchit les murs,pleine darmes :autourdelledes jeunes-garonset des jeunes-filles non-maries

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    Sacra canunt, funemque manu contingere gaudent.Illa subit, medique minans illabitur urbi.O patria, o divum domus Ilium, et inclyta belloMnia Dardanidum ! quater ipso in limine portSubstitit, atque utero sonitum quater arma dedere.Instamus tamen immemores, ccique furore,Et monstrum infelix sacrata sistimus arce.Tunc etiam fatis aperit Cassandra futurisOra, dei jussu non unquam credita Teucris.Nos delubra deum, miseri, quibus ultimus essetIlle dies, festa velamus fronde per urbem.

    Vertitur interea clum, et ruit Oceano nox,Involvens umbra magna terramque polumque,Myrmidonumque dolos : fusi per mnia TeucriConticuere ; sopor fessos compleitur artus.Et jam Argiva phalanx instruis navibus ibatA Tenedo, tacit per amica silentia lun ,

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    tantdes hymnespieux et se plaisent toucherles cordesqui la tranent.Elle entre enfin, elle entre et savance menaante jusquau centre de laville. ma patrie ! Ilion ! sainte demeure des Dieux ! cit de Dar-danus ! remparts illustrs par tant dexploits ! quatre fois sur le seuilmme de nos portes le colosse sarrta : quatre fois ses vastes flancsretentirent du bruit des armes. Mais, insenss que nous sommes, en-trans par un aveugle tranort, nous poursuivons notre entreprise,et nous plaons le monstre fatal dans lenceinte sacre de la citadelle.Alors Cassandre, levant sa voix prophtique, nous prdit nos mal-heurs. Mais un Dieu voulut que Cassandre ne ft jamais crue desTroyens. Et nous, nous malheureux, qui voyions se lever notre der-nier jour, nous ornions de guirlandes, comme en un jour de fte, lestemples de nos Dieux!

    Cependant le soleil a termin sa course, et la nuit, slanant dusein de lOcan, enveloppe de son ombre immense et la terre, et lescieux, et les artifices des Grecs. Les Troyens, rpandus et l sur lesremparts, se sont tus : le sommeil enchane leurs membres fatigus.Djla flotte argienne, sortiede Tndos, savanaiten ordre, voguant, la faveur du silence et de la lune encore absente, vers des rivages,

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    canunt sacra,gaudentquecontingere funem manu.Illa subit,illabiturque minansmedi urbi.O patria, o Ilium,domus divum,et mnia Dardanidum

    inclyta bello !quater substititin limine ipso port,atque quaterarma dedere sonitumutero.Instamus tamenimmemores.ccique furore,sistimusque arce sacratamonstrum infelix.Tunc etiam Cassandraaperit ora fatis futuris,jussu deinon unquam credita

    Teucris.Nos miseri,quibus ille diesesset ultimus,velamus delubra deumfronde festaper urbem.

    Interea clum vertitur,et nox ruitOceano,involvens umbra magnaterramque polumque,dolosque Myrmidonum :Teucri fusi per mniaconticuere;

    sopor compleiturartus fessos.Et jam phalanx Argivaibat a Tenedo,navibus instruis,per silentia amicalun tacit,petens litora nota ;

    chantent deshymnessacrs,et se rjouissentde toucher la corde deleurmain.Elle (la machine) entre,et glisse menaantejusquau milieu de la ville. ma patrie, Ilion,demeure des dieux,etvous,remparts des fils-de-Dardanus

    fameux par la guerre !quatre fois elle sarrtasur le seuil mme de la porte,et quatre foisles armes rendirent un bruitdans son ventre (dans ses flancs).Nous poursuivons cependantne-nous-souvenant-pasde ce bruit,et aveugls p ar lgarement,et nous plaons dans la citadelle sacrele monstre (le colosse) funeste.Alors aussi Cassandreouvresabouche aux destines futures,elle quipar lordre dun dieunefutjamais crue

    des Troyens.Nous malheureux,pour lesquels ce jourtait le dernier,nous voilons les temples des dieuxdun feuillage de-ftepartoutela ville.

    Cependant le ciel tourne,et la nuit se prcipite (sort rapidement)de lOcan,enveloppant desonombre immenseet la terre et le ple (le ciel),et les ruses des Myrmidons :les Troyens rpandus sur les rempartsse sont tus ;

    le sommeil embrasse (sempare de)leursmembres fatigus.Et dj la phalange argienneallait de Tndos,les vaisseaux tant rangs, la faveur du silence amide la lune muette,gagnant des rivages connus ;

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    Litora nota petens ; flammas quum regia puppisExtulerat, fatisque deum defensus iniquis,Inclusos utero Danaos et pinea furtimLaxat claustra Sinon : illos patefaus ad aurasReddit equus, ltique cavo se robore promuntessandrus Sthenelusque duces, et dirus Ulysses,Demissum lapsi per funem, Acamasque, oasque,Pelidesque Neoptolemus, primusque Machaon,Et Menelaus, et ipse doli fabricator Epeus.Invadunt urbem somno vinoque sepultam :Cduntur vigiles, portisque patentibus omnesAccipiunt socios, atque agmina conscia jungunt.

    Tempus erat quo prima quies mortalibus grisIncipit, et dono divum gratissima serpit.In somnis ecce ante oculos mstissimus HeorVisus adesse mihi, largosque effundere fletus,Raptatus bigis, ut quondam, aterque cruentoPulvere, perque pedes trajeus lora tumentes.

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    hlas ! trop connus. Le vaisseau duroi fit brilleren ce momentun fanalsur sa poupe. Alors Sinon, que protgeaient les dieux et les destinsennemis, Sinon ouvre secrtement aux Grecs la prison de sapin quiles enfermait dans ses flancs. Le colosse souvre et les rend la lumire.De ses vastes profondeurs slancent, avec des tranorts de joie, et englissant le long dun cble, essandre, Sthnlus et lexcrable Ulysse,suivis bientt dAcamas, de oas, de Noptolme, fils dAchille, deMachaon, de Mnlas et de linventeur du stratagme, le cruel Epus.Ils fondent sur cette ville ensevelie dans le vin et dans le sommeil.Ils massacrent les gardes, semparent des portes, les ouvrent leurscompagnons et se rallient leurs bataillons conjurs.

    Ctait lheure o le sommeil, doux prsent des dieux, secoue sespremiers pavots sur les mortels malheureux et fait couler dans leurssens ses douces langueurs. Je dormais, et voil que tout coup sedresse devant moi Heor, accabl de tristesse et versant dabondanteslarmes; tel quon le vit autrefois tran au char dun vainqueur in-humain, le visage souill dune poussire sanglante, les pieds gon-fls et traverss par des courroies. Hlas, dans quel tat il soffrait

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    quum puppis regiaextulerat flammas,Sinonque, defensusfatis iniquis deum,laxat furtim Danaosinclusos uteroet claustra pinea :equus patefausreddit illos ad auras,

    ltique se promuntrobore cavo,essandrus Sthenelusqueduces,et dirus Ulysses,lapsi per funem demissum,Acamasque, oasque,Neoptolemusque Pelides,Machaonque primus,et Menelaus,et fabricator ipsedoli,Epeus.Invadunt urbemsepultam somno vinoque ;

    vigiles cduntur,portisque patentibusaccipiunt omnes socios,atque junguntagmina conscia.

    Erat tempusquo prima quies incipitmortalibus gris,et serpit gratissimadono divum.In somnisecce Heor visus mihiadesse ante oculosmstissimus,effundereque fletus largos,

    raptatusbigis,ut quondam,aterque pulverecruento,trajeusque loraper pedes tumentes.Hei mihi, qualis erat !

    aprs que la poupe du-roieut lev des flammes (un fanal),et que Sinon, protgpar les destins malveillants des dieuxrelche furtivement les Grecsenferms dans le ventredu chevaletouvreles cltures de-pin :le cheval ouvertrend ceux-ci aux airs ( la lumire),

    et joyeux ils se tirentdu chne creux (des flancs du cheval),essandre et Sthnluschefsdes Grecs,et le cruel Ulysse,se glissant le long dune corde jete en bas,et Acamas, et oas,et Noptolme fils-de-Ple,et Machaon le premier,et Mnlas,et le construeur lui-mmede la ruse (de la machine),Epus.Ils envahissent la villeensevelie dans le sommeil et le vin :

    les gardes sont massacrs,et, les portes tant-ouvertes,ils reoivent tousleurscompagnons,et ils joignentles bataillonsleurscomplices.

    Ctait le tempso le premier repos commencepour les mortels malades (fatigus),et se glisseen euxtrs-agrablepar un prsent des dieux.Dansmonsommeilvoil quHeor parut moitre-prsent devantmesyeuxtrs-triste,et verser des pleurs abondants,

    ayant t tranpar un char--deux-chevaux,comme autrefois,et noir (souill) dune poussireensanglante,et travers de c ourroies traverssespieds gonfls.Hlas ! moi, quel (dans quel tat) il tait !

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    Hei mihi, qualis erat ! quantum mutatus ab illoHeore, qui redit exuvias indutus Achillis,Vel Danaum Phrygios jaculatus puppibus ignes !Squalentem barbam, et concretos sanguine crines,Vulneraque illa gerens qu circum plurima murosAccepit patrios. Ultro flens ipse videbarCompellare virum, et mstas expromere voces : O lux Dardani, es o fidissima Teucrum,Qu tant tenuere mor ? Quibus Heor ab orisExeate venis ? Ut te post multa tuorumFunera, post varios hominumque urbisque laboresDefessi aicimus ! Qu causa indigna serenosFavit vultus ? aut cur hc vulnera cerno ?

    Ille nihil ; nec me qurentem vana moratur,Sed graviter gemitus imo de peore ducens : Heu ! fuge, nate dea, teque his, ait, eripe flammis :Hostis habet muros ; ruit alto a culmine Troja.Sat patri Priamoque datum. Si Pergama dextra

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    nos yeux ! quil ressemblait peu cet Heor qui revenait charg desdpouilles dAchille, ou la main fumante des feux phrygiens quil avaitlancs sur les vaisseaux des Grecs ! Sa barbe tait hideuse ; un sang noircollait ses cheveux, et il portait encore les marques des blessures sansnombre quil reut sous les murs de la patrie. Moi-mme alors il mesemblaqueje versais deslarmeset queje luiadressaiscesparolespleinesde tristesse : toi, la douce lumire de la Dardanie ! toi, la plus fermeerance des Troyens, que ton retour sest fait attendre! De quellescontres viens-tu, noble Heor, si longtemps appel ? Aprs tant defunrailles, lorsque tantde combatset de travaux divers ontpuisTroieet ses dfenseurs, nouste revoyons ; mais, hlas ! dansquel tat ! Quellemainbarbare a dfigurce visage autrefois si serein, et quemannoncentces larges blessures ?

    Il ne rpond rien et ne sarrte pas ces vaines questions; maistirant de sa poitrine un profond soupir : Fuis, me dit-il, fils deVnus ; drobe-toi aux flammes qui tenvironnent. Lennemi est matrede ces murs ; Troie tombe du fate de ses grandeurs. Tu as assez faitpour la patrie et pour Priam. Si Pergame et pu tre sauve par le bras

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    quantum mutatusab illo Heore,qui redit indutusexuvias Achillis,vel jaculatuspuppibus Danaumignes Phrygios !gerens barbam squalentem,et crines

    concretos sanguine,illaque vulneraqu accepit plurimacircum muros patrios.Ipse flens ultrovidebarcompellare virum,et expromeremstas voces : O lux Dardani,o es fidissima Teucrum,qu tant mor tenuere ?A quibus oris venis,Heor exeate ?Ut aicimus te,

    defessi,post multa funera tuorum,post labores varioshominumque urbisque !Qu causa indignafavit vultus serenos ?aut curcerno hc vulnera ?

    Ille nihilnec moraturme qurentemvana,sed ducens graviter gemitusde imo peore : Heu ! fuge, nate dea,

    eripeque te, ait,his flammis :hostis habet muros ;Troja ruit a c ulmine alto.Sat datumpatri Priamoque.Si Pergama possentdefendi dextra,

    combien chang (diffrent)de cet Heor,qui revient revtudes dpouilles dAchille,ou ayant lancaux poupes des Grecsles feux des Phrygiens !portant (il portait) une barbe sale,et des cheveux

    colls par le sang,et ces blessuresquil reut trs-nombreusesautour des murs de-la-patrie.Moi-mme pleurant ontanmentjemeparaissais (il me semblait)interpeller lhomme (le hros),et profrerde tristes paroles : lumire de la Dardanie, erance la plus sre des Troyens,quels si grands retardstont retenu ?De quels bords viens-tu,Heor silongtempsattendu ?Comme (dans quel tat) nous voyons toi,

    nousfatigus,aprs de nombreuses funrailles des tiens,aprs des travaux diverset des hommes et de la ville !Quelle cause indignea dfigurtonvisage serein ?ou pourquoivois-je ces blessures ?

    Il neme rpondrien ;et il ne sarrte pas moi quiluidemandaisdes choses vaines,mais tirant fortement des gmissementsdu fond desapoitrine : Hlas! fuis,hrosn dune desse,

    et arrache-toi, dit-il, ces flammes :lennemi a (occupe)cesmurs ;Troie scroule de son fate lev.Assez atdonn (fait) (pour) la patrie et Priam.Si Pergame avait putre dfendue par un bras

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    Defendi possent, etiam hac defensa fuissent.Sacra suosque tibi commendat Troja penates :Hos cape fatorum comites ; his mnia qure,Magna pererrato statues qu denique ponto. Sic ait : et manibus vittas, Vestamque potentem,

    ternumque adytis effert penetralibus ignem.Diverso interea miscentur mnia luu ;

    Et magis atque magis (quamquam secreta parentisAnchis domus arboribusque obtea recessit)Clarescunt sonitus, armorumque ingruit horror.Excutior somno, et summi fastigia teiAscensu supero, atque arreis auribus adsto :In segetem veluti quum flamma furentibus AustrisIncidit, aut rapidus montano flumine torrensSternit agros, sternit sata lta boumque labores,Prcipitesque trahit silvas, stupet inscius altoAccipiens sonitum saxi de vertice pastor.Tum vero manifesta fides, Danaumque patescunt

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    dun mortel, le bras dHeor let sauve. Troie te confie en ce momentses dieux tutlaires, leurs images sacres. Quils deviennent les com-pagnons de tes destines. Cherche pour eux labri dune ville dont tunlveras lesmursquaprs avoirtraversles mers. Il dit, et lui-mmeil mapporte du sanuaire de Vesta la statue de lauguste desse, et seschastes bandelettes, et le feu ternel qui lui est consacr.

    Cependant le trouble et le deuil se rpandent dans nos murs ; etquoique la demeure de mon pre Anchise ft place lcart, souslombragedun boispais,des bruits plusdistins en ontperclenceinte,et de moment en moment lhorrible fracas des armes sen rapprochedavantage. Je marrache brusquement au sommeil, je monte au fate dupalais, et, loreille attentive, jcoute. Ainsiquandla flamme, pousse parlAuster furieux, court en ptillant dans les moissons, ou quun rapidetorrent, grossi par les eaux des montagnes, sabat dans la valle, couchesur son passage les riantes moissons, doux trsor du laboureur, et em-porte dans ses ondes les forts dracines, debout sur la cime dun roc,le bergercoute et cherche la cause dun bruitqui le glace deffroi.Alorsse rvle moi lhorrible vrit : le stratagme des Grecs est dvoil.

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    fuissent defensaetiam hac.Troja commendat tibi sacrasuosque penates :cape hoscomites fatorum ;qure his mnia,qu statues deniquemagna,

    ponto pererrato. Ait sic :et manibuseffert adytis penetralibusvittas,potentemque Vestam,ignemque ternum.

    Interea mnia miscenturluu diverso ;et magis atque magis(quamquam domusAnchis parentisrecessit secretaobteaque arboribus)sonitus clarescunt,

    horrorque armorumingruit.Excutior somno,et supero ascensufastigia tei summi,atque adstoauribus arreis :veluti, quum flammaincidit in segetem,Austris furentibus,aut torrens rapidusflumine montanosternit agros,sternit sata ltalaboresque boum,

    trahitque silvasprcipites,pastor insciusstupet,accipiens sonitumde vertice alto saxi.Tum verofides manifesta,

    elle aurait t dfendueencoreaujourdhuipar celui-ci.Troie confie toises objetssacrset sesdieuxpnates :prends-lespour compagnons detesdestines ;cherche-leur des murailles,que tu tabliras (lveras) enfingrandes (glorieuses),

    la mer ayant t parcourue partoi.Il dit ainsi :et desesmainsil apporte-hors du sanuaire retirles bandelettes,et la puissante Vesta,et le feu ternel.

    Cependant les murs sont troublspar un deuil (des gmissements) divers ;et plus et plus (de plus en plus),quoique la maisondAnchisemonpresoit-retire sparedes autres,et entoure darbres)les sons sclaircissent,

    et lhorreur (le bruit horrible) des armessapproche-rapidement.Je me secoue demonsommeil,et je gravis en-montantle fate du toit le plus lev,et je me tiens-deboutles oreilles dresses :comme, lorsque la flammeest tombe sur des bls,les Autans tant-furieux,ou quun torrentrendurapidepar un flux-deau de-la-montagneabat (ravage) les champs,abat les semailles rianteset les travaux des bufs,

    et entrane les fortsprcipites (dracines),le pasteur qui-ignorela cause de ce bruitest-dans-la-stupeur,recevant (entendant) le sonde la crte leve dun rocher.Mais alorsla vritestvidente,

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    38 NEIS. LIBER II.

    Insidi. Jam Deiphobi dedit ampla ruinam,Vulcano superante, domus ; jam proximus ardetUcalegon : Sigea igni freta lata relucent.Exoritur clamorque virum clangorque tubarum.Arma amens capio ; nec sat rationis in armis ;Sed glomerare manum bello, et concurrere in arcemCum sociis ardent animi : furor iraque mentemPrcipitant, pulchrumque mori succurrit in armis.

    Ecce autem telis Panthus elapsus Achivum,Panthus Othryades, arcis Phbique sacerdos,Sacra manu, viosque deos, parvumque nepotemIpse trahit, cursuque amens ad limina tendit. Quo res summa loco, Panthu ? quam prendimus ar-cem ? Vix ea fatus eram, gemitu quum talia reddit : Venit summa dies et ineluabile tempus

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    Dj le vaste palais de Diphobe sest abm dans les flammes;dj, tout prs de l, le feu dvore la maison dUcalgon. Leslueurs de lincendie clairentau loinle dtroit de Sige. Partoutretentissent et les cris des guerriers, et le son des trompettes.Hors de moi, je prendsmes armes sans savoirquel secoursjenpuis attendre. Mais enfin je brle de rassembler une troupede braves et de me jeter avec eux dans la citadelle. La fureuret la colre emportent toute rflexion ; cette pense seule estprsentemonerit:ilestbeaudemourirlesarmeslamain.

    Mais voil quchapp non sans peine aux traits des Grecs,Panthe, fils dOthrys, prtre de la citadelle et du temple

    dApollon, accourt perdu dans le palais de monpre,portantdune main les dieux vaincus et les objets sacrs, et condui-sant de lautre son petit-fils. Panthe, mcriai-je, o ensommes-nous ? avons-nous encore la citadelle ? Jachevaisces mots peine, il me rpond dune voix gmissante : Ilest venu le jour suprme, le terme fatal de nos grandeurs !

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    insidique Danaumpatescunt.Jam ampla domusDeiphobidedit ruinam,Vulcano superante ;jam Ucalegonproximusardet;

    lata freta Sigearelucent igni.Exoriturclamorque virumclangorque tubarum.Amens capio arma,necsat rationisin armis ;sed animi ardentglomerare manum bello,et concurrere in arcemcum sociis ;furor iraqueprcipitant mentem,

    succurritquepulchrum mori in armis.Ecce autem Panthus,

    elapsus telis Achivum,Panthus Othryades,sacerdos arcis Phbique,trahit ipse manusacra, deosque vios,parvumque nepotem,amensquetendit cursuad limina. Quo locores summa,Panthu ?

    quam arcemprendimus? Vix fatus eram ea,quum reddit taliagemitu : Venit dies summaet tempus ineluabileDardani !

    et les embches des Grecsse dcouvrent.Dj la vaste maisonde Diphobea donn ruine (sest croule),Vulcain (le feu) slevant-au-dessusdelledj Ucalgonle plus prochevoisin de Diphobeest-en-flammes,

    le large dtroit de-Sigereluit par lefeu (rflchit le feu).En mme tempsslveet le cri des guerrierset le son des clairons.Hors-de-moi je prends les armes,etilntaitpas moiassez de raison (je ne me rendais pas compte)de ce que je pouvais faireavec les armes ;maismessens brlentde rassembler une troupe pour la guerre,et de courir la citadelleavec mes compagnons ;lgarement et l a colreprcipitent (emportent)monerit,

    etcette pensese prsente moiquil estbeau de mourir en armes.Mais voici que Panthe,

    chapp aux traits des Achens,Panthe fils-dOthrys,prtre de la citadelle et de Phbus,emporte lui-mme desamainlesobjetssacrs, et les dieux vaincus,etsonjeune petit-fils,et hors-de-luise dirige la course (en courant)vers le seuilde ma demeure. Dans quel lieu (en quel tat)estlaffaire capitale (le sort de Troie),Panthe ?

    quelle c it adel le [ cit adel le) ? occupons-nous (occupons-nous encore la peine avais-je dit cesmots,lorsquil rend (rpond) desparolestellesavec un gmissement : Il est venu le jour suprmeet le temps invitable (lheure fatale)de la Dardanie !

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    Dardani ! fuimus Troes ; fuit Ilium, et ingensGloria Teucrorum : ferus omnia Jupiter ArgosTranstulit ; incensa Danai dominantur in urbe.Arduus armatos mediis in mnibus adstansFundit equus ; viorque Sinon incendia miscetInsultans. Portis alii bipatentibus adsunt,Milia quot magnis unquam venere Mycenis.

    Obsedere alii telis angusta viarumOppositi ; stat ferri acies mucrone coruscoStria, parata neci : vix primi proelia tentantPortarum vigiles, et cco Marte resistunt.

    Talibus Othryad diis et numine divumIn flammas et in arma feror, quo tristis Erinnys,Quo fremitus vocat et sublatus ad thera clamor.Addunt se socios Ripheus et maximus armis

    pitus, oblati per lunam ; Hypanisque, Dymasque ;

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    Cen est faitdIlion et de sa gloire : Troienest plus. Argos triomphe ;limpitoyable Jupitery a tranorttoutce quilnouste ; lesGrecssont partout les matres dans la ville embrase. Le fatal colosse,firement debout au sein de nos remparts, vomit des bataillonsarms. Sinon vainqueur, Sinon, une torche la main, allume surtous les points lincendie et insulte notre crdulit. Ici, par nosportes ouvertes, les ennemis arrivent en plus grand nombre quilnen vint jamais de la populeuse Mycnes ; l, des rangs pais desoldats hrissent chaque passage dune fort de lances et dpestincelantes, prtes donner la mort. peine la garde avancetente de dfendrenos portes et oppose danslombre une rsistanceinutile.

    Excit par ces paroles, entran par les dieux, je mlance, jecoursme jeter aumilieu desflammeset destraitsennemis,partouto memporte une aveugle furie, partout o mappellent le bruitdesarmes, le tumulte et lescris pousss jusquaux cieux.Bienttsejoignent moi Riphe et le valeureux pitus.Bientt aussi je recon-nais,auxpleslueursdelalune,HypanisetDymasquiserangent

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    Troesfuimus ;Ilium fuit,et ingens gloriaTeucrorum :ferus Jupitertranstulit omnia Argos ;Danai dominanturin urbe incensa.

    Equus arduus,adstansin mediis mnibus,fundit armatos,Sinonque viormiscet incendia,insultans.Alii adsunt,portis bipatentibus,milia quotvenere unquammagnis Mycenis.Alii oppositiobsedereangusta viarum ;

    acies ferrimucrone coruscostat stria.parata neci :vix primi vigilesportarumtentant proelia, et resistunt,Martecco.

    Talibus diis Othryad et numine divum,feror in flammaset in arma,quo vocat tristis Erinnys,quo fremitus,

    et clamorsublatus ad thera.Ripheus, et pitusmaximus armis,oblati per lunam,se addunt socios,Hypanisque Dymasque ;agglomerantque

    Nous,Troyens,nous avons t (nous ne sommes plus) ;Ilion a t (nest plus),et (non plus que) la grande gloiredes Troyens :le cruel Jupitera tranort tout Argos ;les Grecs dominentdans la ville embrase.

    Le cheval lev,se tenant-deboutau milieu des remparts,verse (vomit) deshommesarms,et Sinon vainqueurmle (allume de tous cts) les incendies,insultant notre crdulit.Dautres arrivent,les portes tant ouvertes--deux-battants,autantde millie rs (aussi nombreux) queils vinrent jamaisde la grande Mycnes.Dautres placs-en-faceont assig (occupent)lespassagestroits des rues ;

    le tranchant du feravecsapointe brillantese tient serr (tir),prt donnerla mort ; peine les premires sentinellesdes portesessayent le combat, et rsistent,Mars (la lutte)tantobscure (dans les tnbres).

    Par de telles paroles du fils-dOthryset par la volont des dieux,je suis emport au milieu des flammeset au milieu des armes,omappelle la triste Erinnys,omappellele bruit,

    et les crislevs dans lair.Riphe, et pitustrs-grand dans les armes,offerts mes yeuxgrce la lune,sajoutent moi commecompagnons,et Hypanis et Dymas ;et ils sattroupent

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    Et lateri agglomerant nostro, juvenisque CorbusMygdonides. Illis ad Trojam forte diebusVenerat, insano Cassandr incensus amore,Et gener auxilium Priamo Phrygibusque ferebat.Infelix, qui non ons prcepta furentisAudierit!

    Quos ubi confertos audere in proelia vidi,

    Incipio super his : Juvenes, fortissima frustraPeora, si vobis audentem extrema cupido estCerta sequi, qu sit rebus fortuna videtis :Excessere omnes, adytis arisque reliis,Di, quibus imperium hoc steterat ; succurritis urbiIncens : moriamur, et in media arma ruamus.Una salus viis, nullam erare salutem. Sic animis juvenum furor additus. Inde, lupi ceuRaptores atra in nebula, quos improba ventrisExegit ccos rabies, catulique reliiFaucibus exeant siccis, per tela, per hostes

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    nos cts, ainsi que le jeune Corbe, fils de Mygdon, Corbe qui,dans ce jour funeste, tait venu Troie, pris dun fol amour pourCassandre. Il demandait sa main,et il avait apport,comme gendre,des secours Priam et aux Phrygiens : malheureux, de navoir pas

    voulu croire aux avis dune amante inire !Les voyant runis autour de moi et pleins dardeur pour le com-

    bat : Guerriers, leur dis-je, vous portez vainement un cur nobleet courageux; le courage est maintenant inutile. Vous voyez onous a rduits la fortune : ils se sont retirs de nous, ils ont aban-donn leurs autels et leurs temples, les dieux par qui subsistait cetempire, et vous ne dfendez plus que des ruines fumantes. Si vous

    tes, comme moi, rsolus tenter les derniers hasards, mourons,jetons-nous au milieu des glaives ennemis. Le seul salut des vain-cus est de ne point erer de salut. ces mots leur courage sechange en fureur. Alors, tels que des loups ravisseurs que par unenuit de noirs frimas fait sortir de leur repaire la faim dvorante etquattendent leurs petits altrs de carnage, nous courons travers

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    nostro lateri,juvenisque CorbusMygdonides.Venerat ad Trojamillis diebus forte,incensus amore insanoCassandr,et generferebat auxilium

    Priamo Phrygibusque.Infelix,qui non audieritprcepta onsfurentis !

    Quos ubi vidi confertosaudere in proelia,incipio superhis : Juvenes,peora fortissima frustra,si cupido certa vobissequi audentemextrema,videtis qu fortuna

    sit rebus :omnos di,quibus hoc imperiumsteterat,excessere,adytis arisquereliis ;succurritisurbi incens :moriamur,et ruamus in media arma.Una salus viis,erare nullam salutem. Sic furor additusanimis juvenum.

    Inde, ceu lupi raptoresin atra nebula,quos exegitccosrabies improba ventris,catulique reliiexeant faucibus siccis,per tela, per hostes.

    notre ct,et le jeune Corbefils-de-Mygdon.Il tait venu Troieces jours-l par hasard,enflamm dun amour insensde (pour) Cassandre,eten qualit degendreil apportait du secours

    Priam et aux Phrygiens.Infortun,qui ncouta pasles recommandations desafiancehors-delle-mme (inire) !

    Lesquels ds que je vis serrs (runis)tre-pleins-daudace pour les combats,je commence de plus les exhorteren cestermes : Jeunes-guerriers,curs trs-courageux mais inutilement,si un dsir arrtest vousde suivre unhommequi osedesaionsextrmes,vous voyez quelle fortune

    est nosaffaires :tous les Dieux, laide desquels cet empirestait-maintenu-debout,se sont retirs,leurssanuaires etleursautelsayant t abandonns pareux ;vous portez-secours une ville incendie ;mourons,et jetons-nous au milieu des armes.Il nest quun seul salut pour des vaincus,cestde nerer aucun salut. Ainsi lenthousiasmefutintroduitaux curs decesjeunes-guerriers.

    De l, comme des loups ravisseursau milieu dun noir brouillard,qua fait sortiraveugles (dans lobscurit)la rage cruelle deleurventre.et queleurspetits abandonnsattendent avec des gosiers secs (affams), travers les traits, travers les ennemis.

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    Vadimus haud dubiam in mortem, medique tenemusUrbis iter. Nox atra cava circumvolat umbra.

    Quis cladem illius nois, quis funera fandoExplicet, aut possit lacrimis quare labores ?Urbs antiqua ruit, multos dominata per annos :Plurima perque vias sternuntur inertia passimCorpora, perque domos, et religiosa deorum

    Limina. Nec soli pnas dant sanguine Teucri :Quondam etiam viis redit in prcordia virtus ;Vioresque cadunt Danai. Crudelis ubiqueLuus, ubique pavor, et plurima mortis imago.Primus se, Danaum magna comitante caterva,Androgeos offert nobis, socia agmina credensInscius, atque ultro verbis compellat amicis : Festinate, viri ; nam qu tam sera moraturSegnities ! Alii rapiunt incensa feruntquePergama : vos celsis nunc primum a navibus itis !

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    les traits, travers la mle, une mort certaine. Nous arrivons aumilieu de la ville ; une nuit paisse nous enveloppe de son ombre.Nuit de sang, nuit de deuil ! quelle voix pourrait redire tant

    de funrailles ! quels yeux auraient assez de larmes pour de telsmalheurs ! Elle scroule, elle tombe la ville antique si longtempssouveraine. Des milliers de cadavres jonchent ses rues, ses mai-sons, le parvis sacr de ses temples. Toutefois les Troyens seulsne rougissent pas de leur sang la poussire ; quelquefois le cou-rage se rveille au cur des vaincus, et sous leur fer vengeur leGrec vainqueur tombe son tour. Partout le deuil, la dsolation,lpouvante ; partout la mort et ses horribles images.

    Le premier des Grecs qui soffre nous est Androge, suivi dun

    nombreux bataillon. Limprudent croit voir en nous des frresdarmes, et dans son erreur il nous adresse ces confiantes paroles : Guerriers, htez-vous ! do vient cette lenteur, et qui vous ar-rte? Dj tantdautres, anims au butin, emportentles dpouillesdIlionen flammes, et vous,vousdescendez seulementde vosvais-seaux !

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    vadimusin mortem haud dubiam,tenemusque itermedi urbis.Nox atra circumvolatumbra cava.

    Quis explicet fandocladem illius nois,quia

    funera,aut possit lacrimisquare labores ?Urbs antiqua ruit,dominataper multos annos ;corpora inertiasternuntur plurimapassim,perque vias, perque domos,et limina religiosa deorum.Nec Teucri solidant pnassanguine :quondam etiam virtus

    redit in prcordia viis,Danaique viores cadunt.Ubique luus crudelis,ubique pavor,et imago plurima mortis.

    Androgeos primusse offert nobis,magna caterva Danaumcomitante,credensagmina socia,inscius,atque ultro compellatverbis amicis : Festinate, viri ;

    nam qu segnities tam seramoratur ?Alii rapiunt feruntquePergama incensa :vos itisa navibus celsisnuncprimum !

    nous marchons une mort non douteuseet nous tenons (suivons) le chemindu milieu de la ville.La nuit noire vole-autourde nousavecsonombre creuse (qui nous enferme).

    Qui pourrait drouler en parlantle dsastre de cette nuit,quipourrait raconter

    les funrailles (les meurtres),ou pourrait parceslarmesgalerde telstravaux (de tels malheurs) !Une ville antique scroule,qui avait dominpendant de nombreuses annes ;des corps sans-mouvementsont tendus trs-nombreux et l,et par les rues, et par les maisons,et sur les seuils sacrs des dieux.Etcenesontpas les Troyens seulsquidonnent des peinesparleursangvers:quelquefois aussi le courage

    rentre dans le cur aux vaincus,et les Grecs v ainqueurs tombent.Partout le deuil cruel,partout la crainte,et limage multiplie de la mort.

    Androge le premiersoffre nous,une grande troupe de Grecslaccompagnant,nouscroyantdes bataillons allis,ne-sachant-pasqui nous tions,et de lui-mme ilnousinterpelleavec des paroles amies : Htez-vous, guerriers ;

    car quelle nonchalance si lentevousretarde ?Dautres ravissent et emportent (pillent)Pergame incendie :vous, vous allez (vous venez)devosvaisseaux levsmaintenantpour la premire fois (seulement) !

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