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MÉMOIRANDOM Mémoires au hasard du temps qui passe n°78 20 mars 2020 En Février et Mars, mon planning d’écriture a été bouleversé par les événements : je ne me suis pourtant pas lavé les mains devant l’épidémie du virus couronné, j’ai préparé puis commenté des municipales hors du commun, j’ai observé l’empreinte carbone de notre vie quotidienne, et comme d’habitude j’ai critiqué les médias et lu des romans et des livres d’images. Des chauves-souris, des virus et des hommes Chapitre 1 : C’était avant A la fin de l’année 2019, c’est-à-dire il y a très longtemps, le monde est principalement préoccupé par la guerre commerciale que se livrent la Chine et les USA, guerre qui vient perturber, par des répliques plus ou moins prévisibles, les balances exportatrices de nombreux pays développés. Accessoirement, les Etats européens s’inquiètent aussi des conséquences de la sortie, au 31 janvier 2020, du Royaume-Uni de l’Union Européenne. De façon encore plus marginale, et malgré une prise de conscience croissante des populations, notamment parmi les jeunes, les gouvernements du monde, certains d’entre eux tout au moins, commencent à prendre quelques décisions pour lutter contre le changement climatique. Mais c’est trop peu et trop tard, comme le clament les pessimistes, accusés de propager la théorie de l’effondrement. Les engagements pris par la communauté mondiale lors de la COP 21 à Paris en décembre 2015 par

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MÉMOIRANDOM Mémoires au hasard du temps qui passe n°78 20 mars 2020

En Février et Mars, mon planning d’écriture a été bouleversé par les événements : je ne me suis pourtant pas lavé les mains devant l’épidémie du virus couronné, j’ai pré-paré puis commenté des municipales hors du commun, j’ai observé l’empreinte car-bone de notre vie quotidienne, et comme d’habitude j’ai critiqué les médias et lu des romans et des livres d’images.

Des chauves-souris, des virus et des hommes

Chapitre 1 : C’était avantA la fin de l’année 2019, c’est-à-dire il y a très longtemps, le monde est principale-ment préoccupé par la guerre commerciale que se livrent la Chine et les USA, guerre qui vient perturber, par des répliques plus ou moins prévisibles, les balances exporta-trices de nombreux pays développés. Accessoirement, les Etats européens s’inquiètent aussi des conséquences de la sortie, au 31 janvier 2020, du Royaume-Uni de l’Union Européenne. De façon encore plus marginale, et malgré une prise de conscience croissante des populations, notamment parmi les jeunes, les gouverne-ments du monde, certains d’entre eux tout au moins, commencent à prendre quelques décisions pour lutter contre le changement climatique. Mais c’est trop peu et trop tard, comme le clament les pessimistes, accusés de propager la théorie de l’effondrement. Les engagements pris par la communauté mondiale lors de la COP 21 à Paris en dé-cembre 2015 par chaque pays pour faire baisser ses émissions de GES afin de limiter l’élévation de température du globe à + 2°C en 2050, ont été en effet dénoncés par certains des plus gros pollueurs et de toute façon n’ont pas été sérieusement mis en œuvre par les autres. Mais la nature se rappelle au bon sou-venir de tous ces dirigeants à courte vue, avec des phéno-mènes climatiques de plus en plus fréquents et drama-tiques : incendies, sécheresses, tornades, inondations, fonte des glaciers et des banquises, suivis d’une augmen-tation sans précédent du nombre des réfugiés climatiques. Mais en vain, la croissance du PIB et surtout le taux de ré-munération des capitaux investis l’emportent sur toutes autres considérations, jusqu’à ce que … Mais c’est une autre histoire.

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Chapitre 2 : C’était en- core plus avantAu début des années 2000, un petit virus de rien du tout, prénom-mé SRAS, apparaît sur le marché. Quelques accidents génomiques, indé-pendants de sa volonté propre, lui font franchir des frontières normalement étanches, de la chauve-souris à la civette, de la civette à l’homme et de l’homme à l’homme, ce qui finit par s’appeler une épidémie et n’est enrayé qu’avec des mesures drastiques s’opposant à sa prolifération, non sans que les autorités aient à déplorer un nombre important de victimes.

Puis il semble que notre virus du SRAS, après sa sortie ratée, reste cantonné chez des espèces qui s’accommodent d’être des porteurs sans dégât majeur, car les patholo-gies que vient aggraver le virus y sont peu présentes. Et par ailleurs, la mortalité ac-crue au sein de ces espèces pendant cette période, si elle est observée, est légitime-ment portée au compte du changement climatique, et des modifications induites dans leur habitat, dont les effets sur les atteintes à la biodiversité commencent alors à être largement reconnus. Bref, le virus se repose, les chauves-souris s’en portent à peine plus mal, et en surface tout va bien. En surface seulement, car en-dessous de la barrière génomique, d’infinitésimales mu-tations sont à l’œuvre, bout de chromosome après bout de chromosome, comme nous l’a enseigné la science depuis Darwin.C’est ainsi qu’au bout d’une quinzaine d’années, un epsilon de temps pour la théorie de l’évolution, mais une durée confortable pour un être vivant aussi minuscule et op-por- tuniste qu’un virus, une des nombreuses mutations affec-

tant ici ou là le génome du virus du SRAS, porté incognito par des chauves-souris, trouve une fenêtre d’expression

pour que les éléments ainsi mutés puissent se reproduire. Non seulement ils se reproduisent, mais les individus résultant

de la mutation jouissent d’une mobilité, d’une aptitude à franchir certaines barrières bien supérieures à celles de leurs ancêtres du SRAS. Et une nouvelle aventure a dé-marré : le nombre de chauves-souris porteuses du virus muté croit assez rapidement pour supplanter celles abritant seulement le virus dormant, qui semble bien avoir fait son temps. Avec le secours de la statistique, plus précisément d’une de ses disposi-tions les plus utiles, la loi des grands nombres, cette croissance accélérée, qui rappe-lons-le n’est pas observable sur les populations de chauves-souris, autorise quelques individus de la famille du nouveau virus, au cours de l’année 2019 et à l’issue d’un contact entre espèces dont on ne cherchera pas à élucider la nature, à s’installer chez des hôtes improbables comme le pangolin, genre de gros rat préhistorique couvert d’écailles, habitant ce qui reste de forêts de Chine centrale, où il se nourrit de fourmis et d’autres insectes qu’il va cueillir avec sa langue démesurée.Rare parce que son habitat se réduit et parce que de riches gourmets chinois lui ima-ginent des vertus aphrodisiaques (les autori-tés feraient bien de mettre le Viagra en vente libre, ce qui soulage- rait les requins et les rhino-céros, et donc semble-t-il aussi d’autres animaux sauvages, de la pression cupide exer-cée par le braconnage sur leurs espèces déjà me-nacées), le pangolin ne se porte pas plus mal de cette occupation sans autorisation. En tous cas la police aux frontières entre espèces ne relève aucune anomalie dans la santé du pan-golin, qui, il faut bien le reconnaître, ne doit pas être scrutée avec grande attention par les autorités sanitaires chi- noises. Du moins à cette époque, car plus tard les choses allaient changer.

Chapitre 3 : C’était hier

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A une date que je ne sais préciser ici, mais sans doute fin décembre 2019, les médecins chinois de Wuhan s’aperçoivent que de plus en plus de patients at-teints de pneumonies arrivent dans leurs hôpitaux, et le signalent à leurs au-torités locales. « Que nenni » leur intiment ces dernières, soucieuses avant

tout de ne pas se faire remarquer par Pékin. Et d’emprisonner illico ces fauteurs de troubles. Au bout de peu de semaines, le virus restant insensible à ces in-jonctions bureaucratiques et se répandant rapidement, le grand timonier du pays et du Parti Communiste Chinois est obligé de prendre des mesures radicales : • chercher, décoder et partager avec le reste du monde le génome du nou-

veau virus,• confiner la ville de Wuhan et ses 10 millions d’habitants,• communiquer au monde entier chaque jour le nombre de personnes contaminées et

le nombre de morts, c’est-à-dire s’astreindre à une discipline très inhabituelle, la transparence,

• bâtir en moins de dix jours un nouvel hôpital, sous l’oeil des caméras, pour l’édifica-tion du peuple chinois et accessoirement de l’étranger.

Mais hélas les deux ou trois semaines consommées à refuser puis à essayer de cacher la réalité conduisent à un développement accéléré de l’épidémie en Chine, sous l’oeil compréhensif de l’OMS, qui ne veut pas s’attirer les foudres de Pékin, et celui atten-tiste du reste du monde, qui s’inquiète seulement pour ses livraisons d’i-phones et de paracétamol. Le 23 janvier, le confinement est étendu à 150 millions de Chinois, et la réduction de mobilité s’applique à 750 millions de personnes, plus de la moitié de la population. C’est maintenant toute la Province du Hubei qui est totalement bouclée, ainsi que nombre d’autres villes chinoises où ont été repérés des foyers d’infection, dissémination favorisée, avant les mesures radicales, par le Nouvel An Chinois au cours duquel des millions de personnes voyagent de province à province. Ce n’est qu’au bout de 3 semaines de ce traitement de choc, vers le 14 février, que le taux de croissance quotidien du nombre de personnes contaminées par le virus passe durable-ment en dessous de 10%, ce qui peut être interprété comme le début de la maîtrise

de l’épidémie.Mais en même temps, les pays voisins commencent à être touchés, no-tamment la Corée du Sud, qui se lance aussi dans une politique très stricte de contrôle de la population, de dépistage et de désinfection. En France, on commence à mettre en quarantaine (14 jours !) des sala-riés rapatriés de Chine avec leurs familles, puis un cas de contamina-tion est identifié aux Contamines (ça ne s’in-

vente pas !) un Anglais revenant de Chine. Ce cas devient 5 puis 12, puis plop, plop, plop éclosent ainsi en différentes parties du territoire des foyers de personnes atteintes par le virus, entre temps baptisé COVID 19. Alors que l’épidémie commence à se stabiliser en Chine, et croît dangereusement en Corée, et que les yeux des Fran-çais se portent généreusement vers les pays d’Afrique qui “n’auraient pas les moyens sanitaires de répondre à une telle épidémie“, c’est en Iran puis en Italie que les choses paraissent s’emballer, en Lombardie et en Vénétie, où travaillent de très nombreux immigrants chinois. On commence partout à compter les cas de contamination, mais aussi les décès, et à s’interroger sur les stratégies à mettre en place pour en limiter le nombre. Alors qu’en France on recherche toujours le patient zéro de chaque foyer, de façon à tester puis isoler les personnes avec lesquelles il aurait été en contact, l’Italie commence à confi-ner de façon stricte les petites villes de Lombardie qui présentent le plus de cas.(On est au 29 février, reste de l’aventure à suivre)

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Municipales : vaguelette ou tsunami ?Le dimanche 15 mars, les bars étaient fermés, les écoles allaient l’être, mais les élec-tions municipales se sont néanmoins tenues, baignées dans les vapeurs des solutions hydro-alcooliques généreusement répandues par les employés municipaux à l’entrée des bureaux de vote. Attention quand même à l’overdose !

Mais, au lendemain de ce week-end où la démocratie formelle n’a pas voulu s’effacer devant l’urgence sanitaire, que peut-on en retenir sous l’angle politique ?

• D’abord une très forte abstention, mais ce n’est pas une surprise pour des élections qui n’ont été maintenues que par la volonté de certains irresponsables politiques.

• Puis une très bonne résistance en général des maires sortants, c’est logique aussi en période d’inquiétude généralisée.

• Egalement, un net tassement des voix de l’extrême droite, pour ne pas dire un recul, une bonne nouvelle presque surprenante.

• Et ce qui vient surtout bousculer les positions acquises, c’est le succès des listes écologistes, souvent d’union de la gauche, dans de nombreuses grandes villes. Sauf bien sûr à Toulon où je réside, une ville qui semble vouloir rester figée dans son passé de sous-préfecture, et dont le maire sortant a été réélu dès le premier tour, malgré (ou peut-être grâce à) un bilan désespérément vide. Avec moins de 10% des voix, ma liste Toulon en Commun, soutenue par Nouvelle Donne, voit bien mal ré-compensés les efforts de ses membres, certes beaucoup trop tardifs et désordonnés pour espérer faire advenir le printemps, comme il a pu pointer son nez à Marseille, Lyon ou Bordeaux.

Hélas, la vaguelette verte s’est vite dissoute dans le sable jeté à grandes pelletées pour s’opposer au tsunami de la pandémie : confinement de tout le pays, interdiction des réunions, report du second tour, oubli généralisé du danger qui menace à long terme l’humanité, le changement climatique.

Avec le reflux de la crise sanitaire viendra le temps de remettre en question très sé-rieusement les mantras de nos sociétés : l’individualisme, la croissance, la mondialisa-tion, le profit, le consumérisme, le gaspillage, l’asservissement de la nature, qui tous s’avéreront aussi avoir contribué à favoriser la pandémie.Il faudra, au plan local comme au plan national ou mondial, vraiment réorganiser les sociétés autour de la solidarité, pas seulement repartir comme avant ou juste célébrer les espaces verts et les petits oiseaux.

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Dites-moi combien vous rejetez …En 2016, chaque Français rejetait en moyenne 12 tonnes de gaz carbonique dans l’at -mosphère par an, selon le beau tableau ci-après, qui répartit ces rejets par activité. Vue la légèreté intrinsèque du CO2, on peine à imaginer le volume que cela repré-

sente ! Avant que la pandémie du coronavirus vienne limiter drastiquement notre pro-pension à l’agitation et au gaspillage, cette empreinte moyenne s’annonçait d’ailleurs encore supérieure en 2020.Néanmoins, à l’échelle d’un pays, comme d’une ville et même d’un foyer, l’observa-tion de ces données peut aider à faire évoluer nos modes de vie vers une sobriété bé-néfique à chacun comme à l’humanité dans son ensemble. Par exemple, il est stupéfiant de constater que les services publics, y compris la san-té et l’éducation, ont une empreinte carbone inférieure à celle de la voiture, et à peine supérieure à celle de la consommation de viande et de poisson. Ou encore, que l’habillement, secteur où s’exerce massivement le goût de nos sociétés pour le futile, rejette plus de CO2 que la construction et le gros entretien des logements, secteur dont la faiblesse pèse sur la vie quotidienne de millions de personnes.Bref, on voit alors sur quoi faire porter nos efforts. Mais comment le faire ? L’incanta-tion ne suffit pas, la répression non plus, on l’a vu avec la taxe carbone sur le diesel, à l’origine du mouvement des gilets jaunes. C’est la pédagogie, et surtout la mise à dis -position des données qui aideront les citoyens et les responsables des entreprises comme des institutions à réduire les empreintes carbone : chaque Français rejette 12 T en moyenne, mais quelle est mon empreinte carbone personnelle ? comment la cal-culer ? pourrait-on afficher l’empreinte carbone sur tous les biens consommés, du yaourt à la boite de Paracétamol, du litre d’essence au magazine hebdomadaire, du tee-shirt au téléphone portable et à son abonnement ?Voilà une première piste. N’hésitez pas à commenter ou contester ou compléter.

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Les médias et les mots qui m’inspirent

Le sondage fictif du “Point trop n’en faut’’ :

Pourquoi cracher dans la soupe, comme Agnès Buzyn ? Lanceur d’alerte (rétrospectif) ou diffuseur du virus de la discorde ? ◻ OUI ◻ NON

Lisez et écrivez. Passionnant dialogue (France Inter, Grand bien vous fasse) entre l’écrivain Régis Jauffret et l’expert en pédagogie Philippe Mérieux sur la meilleure fa-çon de s’occuper des enfants pendant le confinement. Un peu d’intelligence hors des sentiers battus après tant de rabâchage utile mais répétitif, ça fait du bien.

Des métiers pour demain ? Infectiologue, virologue, épidémiologiste, autant de mé-tiers exotiques qui vont pouvoir inspirer les ambitions de nos chères têtes blondes. Dans vingt ans, on sera prêt.

Trois mots-clés de la période :

“Quatorzaine“ : on n’avait rien, jusqu’à ce jour, entre douzaine, utilisée principale-ment, on ne sait pourquoi, pour les oeufs, pour les huitres et pour les heures, et quin-zaine, utilisée presque uniquement pour deux semaines, c’est-à-dire justement qua-torze jours… mystère. Et voici qu’arrive avec l’impétuosité d’une épidémie et la majes-té d’un traitement radical la quatorzaine, calquée sur la quarantaine de sinistre mé-moire, celle de la peste ; mais tout s’use très vite, et avant que sa durée ne soit écou-lée, la voilà remplacée par le confinement, qui indique au moins que l’on fait quelque chose, et pas seulement compter les jours.

“Confinement“ : comme pour tous les mots commençant par con, il ne faut pas plus se fier à la première syllabe qu’à la suite ; cette action autoritairement imposée n’a rien à voir avec la finesse : elle peut commencer par quelques personnes enfermées dans un centre de vacances, pour aboutir à un pays tout entier, confiné sur lui-même ; la planète Terre, à l’exception de quelques rares astronautes, étant déjà confinée, on sait au moins que ça ne devrait pas aller plus loin.

“Dégainer“ : avec son allure dégingandée de redresseur de torts, il arrive parfois que le Premier Ministre de la France se laisse aller à dégainer son arme suprême, le 49.3, au grand plaisir des journalistes, qui préfèrent gloser sur le numéro du calibre que commenter les milliers d’amendements à la loi en cours d’examen déposés par quelques députés amoureux du détail ; Wanted, un Parlement où l’on parlemente avant de tirer !

Romans, récits,… Dans le grand cercle du monde de Joseph BOYDEN Formidable roman du

grand écrivain canadien Joseph Boyden, qui met en scène les luttes tribales oppo-sant Hurons et Iroquois dans les grands espaces canadiens du XVII° siècle, soumis aux maladroites tentatives de christianisation de quelques jésuites sacrifiés par leur congrégation et aveuglés par leur foi. Les chapitres se déroulent avec les té-moignages successifs et les sentiments intimes d’un chef huron, d’une jeune cap-tive iroquoise et du père jésuite responsable de la mission. Cette magnifique épo-pée, au-delà de la guerre et de son absurdité, nous confronte aux surprises de la tactique militaire, à l’art de la survie, aux arcanes de la diplomatie, aux racines du colonialisme, aux contradictions de la foi civilisatrice, à la tristesse du deuil, à la permanence de l’amitié et même aux mystères de la paternité. A lire absolument (2018, 598 p).

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J’ai toujours aimé la nuit de Patrick CHAMOISEAU Sombre comme son titre et comme sa couverture, ce polar introspectif met face à face pour un très long dialogue un tueur en série philosophe et imprévisible et un flic désabusé à la veille de sa retraite. Dans la riche langue

dont il est coutumier, l’auteur fait alterner habilement les faits en cours, les souve-nirs du flic et les confessions ultérieures du dangereux criminel. Mais, désolé, je n’ai pas trouvé ça palpitant, je n’y ai pas senti une allégorie de la Martinique comme l’indique la jaquette du livre généreusement, je l’ai même assez vite ou-blié (2012, 283 p).

Le pèlerin de l’enfer vert d’Auguste BIARD Ce récit étonnant relate le voyage en Amazonie, dans la Province de l’Espirito Santo puis sur l’Amazone, au beau milieu du XIXème siècle, du peintre français Auguste Biard, un aventurier comme on n’en fait plus. Dans un style qui combine le classicisme de son temps et des passages d’une modernité fulgurante, cet artiste célébré à Paris avant son départ devient sans avoir l’air d’y toucher, mais grâce à une volonté de fer qui lui permet de survivre, le révélateur d’une nature et d’une humanité pleines de vita-lité, d’étrangeté, de danger et finalement, de permanence, car l’ailleurs et les autres, c’est toujours un peu nous (1859, 218 p).

La terre et le ciel de Jacques Dorne d’Andreï MAKINE Prix Goncourt en 1995 pour son Testament français, Andréï Makine est un écrivain d’origine russe aujourd’hui français, langue dans laquelle il écrit magnifiquement. Dans ce roman publié en 2003, il poursuit l’exploration des liens entre ses deux patries, France et Russie, en mêlant avec subtilité une histoire d’amour contrariée par des destins trop divergents, l’épopée des pilotes venus au secours des russes assiégés par les nazis, et une quête de ses origines par un narrateur qui n’hésite pas à s’investir dans des fouilles de terrain au résultat bien incertain (2003, 199 p).

Un enfant de Dieu de Cormac McCARTHY Prix Pulitzer en 2006 avec The Road (La Route), roman de post apocalypse porté à l’écran avec un immense suc-cès, Cormac Mc Carthy est un très grand auteur américain contemporain. Ici, dans un de ses premiers romans, il laisse libre cours aux pulsions morbides de son per-

sonnage principal, Lester Ballard, un jeune homme abandonné de tous, qui devient presque malgré lui un assassin, un violeur de ca-davres, un réprouvé de la pire espèce et reste pourtant, malgré tout, un enfant de Dieu (1973, 170 p).

… et ImagesLes Américains de Robert FRANK Ce célèbre recueil des photo-graphies prises par Robert Frank dans les années 50 au long d’un voyage en voiture à travers les Etats-Unis est préfacé par Jack Ke-rouac. Le texte du poète, appréciateur et délirant, peut paraître en

opposition avec la rigueur du travail du photographe. Et pourtant, de cette vérité du quotidien que nous dévoile Robert Frank, il se dégage une poé-sie indiscutable, bien au-delà de la recherche d’une démonstration, ou de la poursuite d’un effet de catalogue. C’est plutôt d’une Amérique fugitive qu’il s’agit, souvent prise ou surprise “sur la route’’, ou lors d’un arrêt dans son voyage. Oui, autant que la sociologie, la photographie (de certains photo-graphes) peut documenter ce qu’est (ce qu’était) la vie des habitants d’un pays.Le dernier Atlas de Kehlmann & De Bonneval, Tanquerelle et Blan-chard Les Atlas sont des robots géants qui auraient été construits pour l’ex-ploration pétrolière du Sahara à l’époque où l’Algérie était encore française. Le premier tome de cette uchronie française nous fait voyager de Paris à Oran et

dans le Tassili puis à Bombay, en suivant la quête du principal héros Ismaël, moi-tié truand moitié sauveur de l’humanité, et de quelques autres dont la journaliste Françoise, qui se retrouve enceinte à plus de 50 ans. Les policiers n’y tiennent pas le meilleur rôle, mais il y a aussi des trafiquants, des terroristes présumés, la mafia indienne, des phénomènes plus qu’étranges, etc. On attend la suite avec impatience.

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Paris 2119 de ZEP et Dominique BERTAIL Dans un siècle, le Paris éternel sera quand même très différent, notamment du fait du système Transcore qui permet de se déplacer instantanément d’un point du globe à un autre, ou de la surveillance généralisée par des drones qui volètent partout en scannant les identités de tous les habitants. Vaguement écrivain et réfractaire à ce monde, Tristan essaie de survivre, tout en aimant Chloé qui parait mieux que lui s’y adapter. Mais il finit par découvrir le pot aux roses, après une plongée dans le monde des réprouvés, à Paris puis à Londres. Chouette pirouette finale, qui pour-rait annoncer un prochain volume. Intérêt complémentaire de cette très belle BD, le making-off dans lequel les deux auteurs dévoilent les secrets de leur art.

50 nuances de Grecs tomes 1 et 2 de JUL et Charles PEPIN Encyclopédie des mythes et des mythologies par les auteurs géniaux de Silex and the city. Avec des dessins qui nous renvoient en permanence à nos dérèglements contemporains et des textes qui combinent histoire, pédagogie, philosophie et ironie mordante, les deux auteurs nous proposent deux volumes inépuisables de drôlerie et de culture. Tous les dieux de l’Olympe et tous les résultats de leurs escapades terrestres passent à la casserole. Tout y est, c’est un plaisir de chaque page : de Zeus à Démeter pour le premier volume, de Jason à Artemis

dans le second (2017 et 2019).

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