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Psychologie Interculturelle Laurent Licata 1 Introduction 1.1 Objectifs du cours C'est un cours d'introduction car le domaine est très large et recouvre plusieurs branches. Le cours se compose d'une par de bases théoriques: Culture et comportement: le comportement est-il déterminé par la culture? Contact culturel: que se passe-t-il lorsqu'il y a contact entre deux personnes de culture différente comme dans le cas de l'immigration, de la colonisation, des entreprises multinationales, des formations avec un public différent. Approche psychosociologique: ce n'est donc pas une approche clinique comme c'est le cas en ethnopsychiatrie ou en ethnopsychanalyse. Et d'autre part d'une préparation à la pratique de terrain que ce soit pour un travail psychosocial (travail avec des cultures différentes), clinique, pédagogique (dans les écoles), dans les organisations, dans la coopération au développement, etc. L'apprentissage de la psychologie interculturelle permet d'éviter les malentendus et de rendre la coopération avec les autres cultures plus efficace. 1.2 Table des matières Introduction Psychologie et culture Développement et enculturation: comment transmet-on la culture? L’individualisme: comment mieux connaitre sa propre culture? Quelles sont les implications de notre culture sur par exemple notre manière de rentrer en relation? Le rapport à l’Autre qui appartient à d'autres cultures La comparaison interculturelle des valeurs (2 cours) Identité et culture L’acculturation Les stratégies identitaires Conclusions 1.3 Évaluation Des notes de cours et les transparents se trouvent sur l'université virtuelle. Un recueil de textes se trouve aussi à la coopérative. On doit aussi lire un roman: Coetzee, J. M. (2007). L’âge de fer. Paris: Seuil (Points). 1

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Psychologie InterculturelleLaurent Licata1 Introduction1.1 Objectifs du coursC'est un cours d'introduction car le domaine est très large et recouvre plusieurs branches.Le cours se compose d'une par de bases théoriques:••Culture et comportement: le comportement est-il déterminé par la culture?Contact culturel: que se passe-t-il lorsqu'il y a contact entre deux personnes de culture différente comme dans le cas de l'immigration, de la colonisation, des entreprisesmultinationales, des formations avec un public différent.Approche psychosociologique: ce n'est donc pas une approche clinique comme c'est le casen ethnopsychiatrie ou en ethnopsychanalyse.•Et d'autre part d'une préparation à la pratique de terrain que ce soit pour un travail psychosocial(travail avec des cultures différentes), clinique, pédagogique (dans les écoles), dans lesorganisations, dans la coopération au développement, etc. L'apprentissage de la psychologieinterculturelle permet d'éviter les malentendus et de rendre la coopération avec les autres culturesplus efficace.1.2 Table des matières••••••••••IntroductionPsychologie et cultureDéveloppement et enculturation: comment transmet-on la culture?L’individualisme: comment mieux connaitre sa propre culture? Quelles sont les implicationsde notre culture sur par exemple notre manière de rentrer en relation?Le rapport à l’Autre qui appartient à d'autres culturesLa comparaison interculturelle des valeurs (2 cours)Identité et cultureL’acculturationLes stratégies identitairesConclusions1.3 ÉvaluationDes notes de cours et les transparents se trouvent sur l'université virtuelle. Un recueil de textes setrouve aussi à la coopérative. On doit aussi lire un roman: Coetzee, J. M. (2007). L’âge de fer. Paris:Seuil (Points).1

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L'examen écrit est un QCM avec des questions de restitution, réflexion et une question ouverte surle roman.1.4 Qui dort auprès de qui?Une famille est constituée de la mère (m), du père (p), d'un fils de 15 ans (g15), d'un fils de 11 ans(g11), d'un fils de 8 ans (g8), d'une fille de 14 ans (f14) et d'une fille de 3 ans (f3).La maison de cette famille dispose de 3 chambres et on veut organiser la répartition des chambresentre les membres de la famille. Plusieurs dispositions sont possibles. Quelle est la meilleure?Quelle est la moins bonne?Pour la majorité des étudiants, la dispositions la meilleure consiste à mettre les parents dans unechambre, les filles dans une autre et les garçons dans la dernière.Pourquoi certaines solutions nous paraissent impossibles? On évite de combiner la mère avec sonadolescent et le père avec son adolescente pour éviter la possibilité d'inceste par exemple.Des études ont été faites par Shweder en 2003. Le chercheur a comparé les réponses des américainset des indiens.Personnes par pièceNombre de solutionspossibles (total = 301)Oriyas (19) Nord-Est del'Inde1/1/52101/2/410501/3/37022/2/310517 Américains (18) Illinois00117Le solution choisie est pratiquement toujours en 2/2/3 ce qui correspond le mieux à un partageéquitable des chambres.Quelles sont les répartitions choisies? Seules cinq solutions ont été envisagées par les répondants.Oriyas (N = 19) Américains (N = 18)p m / f14 f3 / g15 g11 g8p m f3 / f14 g8 / g15 g11p g8 / g15 g11 / m f14 f3p m / g15 g11 / f14 f3 g8844115001 g11 g8 / g15 f14 / p m f301On constate que les solutions des américains sont les mêmes que les nôtres. Chez les indiens ladistribution entre les différentes solutions est plus grande.Chez les américains, le couple parental n'est jamais séparé et les enfants ne se retrouvent pas dans lachambre des parents. Un père ne se retrouve jamais avec un garçon de 15 ans et chez les Indiens, ilest impensable de laisser seul un enfant de 3 ans.Quelles sont les solutions dans le cas où il n'y a que deux chambres?Pour les indiens, 16 réponses sur 19 ont été obtenues. Soit p g15 g11 g8 / m f14 f3, soit p g15 g11 /m f14 f3 g8. Pour les Américains, 7 réponses sur 18 ont été obtenues, elles sont toutes identiques: pm f14 f3 / g15 g11 g8. Le couple parental a été mis avec les filles et les garçons ont été mis del'autre côté.Quelles sont les solutions dans le cas où il y a quatre chambres? Quelle est la pire et la moins2

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grave solution pour chacun des groupes?Pour les indiens, la fille de 14 ans ne doit jamais se retrouver seule pour éviter les relationssexuelles avec quelqu'un de l'extérieur. Certaines transgressions sont plus ou moins acceptées.Quels sont les principes à la base de ces choix?Pour les américains, il faut respecter l'intimité du couple, les parents sont sensés dormir ensembleet seuls.1.5 Préférences culturellesQuels sont les principes à la base de ces choix?Évitement de l’inceste: les mâles et les femelles pubères et non mariés ne doivent pas avoir derelations sexuelles et doivent éviter les situations qui le permettent (universel même si la définitionde la famille change d'une culture à l'autre).Anxiété à propos de la chasteté féminine: les filles pubères doivent être chaperonnées (Inde).Respect de la hiérarchie: entre mâles pubères, la supériorité sociale s’exprime par la déférence et ladistance (Inde). Dormir avec quelqu'un est considéré comme un manque de respect.Protection du vulnérable: les jeunes enfants ne doivent pas rester seuls la nuit (Inde).Idéal d’autonomie: apprentissage de l’indépendance (USA). Ici, si on a suffisamment de place, onlaisse le jeune enfant dormir seul. Il est donc normal en occident de laisser un bébé tout seul, cen'est pas le cas en Inde. On voit donc le lien entre la culture et l'éducation, ici, on demande que lesgens soient indépendants. L'autonomie se marque par la distance entre la mère et l'enfant. Celagarantirait selon certains psychologues du développement occidentaux, un meilleur développementde l'enfant.Le couple sacré: l’intimité émotionnelle, l’engagement mutuel et l’intimité sexuelle requièrent queles adultes mariés dorment ensemble et seuls (USA)En résumer, dans l'ordre de préférence:Inde: 1. Évitement de l’inceste2. Protection du vulnérable3. Anxiété à propos de la chasteté féminine4. Respect de la hiérarchieUSA: 1. Évitement de l’inceste2. Le couple sacré3. Idéal d'autonomie1.6 Culture et comportementLe comportement humain est fondamentalement social. On est en relations avec les autrespersonnes, leurs comportements et les produits de leurs comportements. Par exemple, quandquelqu'un fume, on respire la fumée. Lorsque quelqu'un vide le frigo, on est embêté parce que celui-ci est vide. Les lois émanent aussi du comportement des autres.Mais le comportement humain n'est pas que social car l'homme est un être biologique et cela nedépend pas du comportement des autres.Selon Segall et al. (1990), les stimuli sociaux (ce qu'on perçoit du monde social), qui sont le produitdes comportements d’autres personnes, constituent la culture. La culture est donc tout ce qui n'estpas la nature.3

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Selon Herskovits (1948), la culture est la partie de l’environnement faite par l’Homme: les objetsmatériels, les idées (à partir du moment où elles sont exprimées), les institutions.Par exemple, l’auditoire fait partie d'une certaine philosophie de l'enseignement, il est le produit ducomportement des gens.1.7 Variations culturelles (Segall et al., 1990)Beaucoup de choses changent en fonction du contexte social et culturel. Les positions et les rôlessont-ils identiques dans toutes les cultures?Une positions dans l’espace social telle qu'une position de mère, fils, patron, employé, étudiant,professeur est-elle la même en Belgique qu'au Japon?Les rôles qui sont le comportement prescrit ou attendu des personnes qui occupent une certaineposition changent-ils?Les normes sont des règles de conduites qui contrôlent le comportement des membres du groupe(conventions et obligations morales). Un exemple de convention est qu'on ne peut pas aller enpyjama à l'école. Un exemple d'obligation morale est de ne pas tuer un camarade, une obligationmorale ne peut pas être transgressée.Le contrôle social montre comment les normes sont inculquées (socialisation et enculturation) etcomment les comportements déviants sont sanctionnés.La structure sociale change en fonction du degré de stratification sociale (classes ou castes). Lesclasses sociales sont perméables alors que les castes sont imperméables. La complexité de lastructure est variable aussi, il peut y avoir deux classes sociales ou plusieurs paliers.1.8 Constitution mutuelleDeux domaines subissent des processus permanent de constitution mutuelle:••Domaine «Psychologique»: modèles de pensée, émotions et actions ≈ esprit, psyché, Soi,mentalités, manières d’être…Domaine «Socioculturel»: modèles situés dans le monde social ≈ socialités, contextessocioculturels, systèmes sociaux, environnement, structure sociale, culture… donc ce qui esten dehors des individus.Le psychologique est ancré dans, et génère le socioculturel et le socioculturel est ancré dans, etgénère le psychologique. Pour développer un psychisme, il faut être dans un groupe, il faut doncune culture. Le psychologique génère aussi le socioculturel, celui-ci est le produit de la psychologiedes gens, transmis de génération en génération. Il y a donc interdépendance entre la psychologie etla culture. Cette interdépendance est dynamique (Markus & Hamedi, 2007)1.9 Le concept de ‘culture’1.9.1DéfinitionsDescriptives: «Ce tout complexe qui inclut savoir, croyance, art, morale, lois, coutumes et toutesautres capacités et habitudes acquises (et donc pas innées) par l’Homme en tant que membre d’unesociété (groupe limité dans le temps et l'espace» (Tylor, 1871). La culture existe parce qu'on faitpartie d'un groupe.Historiques: «La totalité (ne concerne pas uniquement une société, la culture est globale) de4

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l’hérédité sociale de l’humanité» (Linton, 1936)Normatives: L'ensemble des règles partagées qui gouvernent l’activité d’un groupe de personnes.Fonctionnelles: La culture permet à un groupe de s’adapter à ses problèmes récurrents, elle estapprise, et le résultat de cet apprentissage est l’établissement d’habitudes propres au groupe. C'estl'ensemble des solutions créatives mises en place pour faire face à des problèmes.Structurelles: La culture forme un schéma intégré d’éléments reliés entre eux. Cette définitionimplique le structuralisme de Claude Levy-Strauss et définit par exemple comment une pratiqueartistique est liée à un mythe.Génétiques (origines des cultures): Adaptation, interaction sociale et/ou créativité de l’espècehumaine.Psychosociologique: «La culture est l’ensemble plus ou moins lié des significations acquises lesplus persistantes et les plus partagées que les membres d’un groupe, de par leur affiliation à cegroupe, sont amenés à distribuer de façon prévalente sur les stimuli provenant de leurenvironnement et d’eux-mêmes, induisant vis-à-vis de ces stimuli des attitudes, représentations etcomportements communs majoritairement valorisés, dont ils tendent à assurer la reproduction pardes voies non-génétiques» (Camilleri cité par Canet, 2000, p. 189). Cette définition se focalise surl'interprétation. La culture nous permet d'interpréter ce que l'on perçoit (l'environnement et nous-même). La culture peut être large si l'ensemble est plus ou moins lié, si les éléments sont très en lienavec les autres, l'évolution n'est pas facile.1.10Une faculté de l’espèce humaine?Les animaux peuvent-ils avoir une ‘culture’? Exemple du lavage de patates par des macaques auJapon. Les patates ne sont pas lavées. Imo (femelle macaque de 18 mois) trouve la solution, elle vales laver à la rivière. Après 3 mois, ses 2 copines et leur mère font la même chose. Après 5 ans, ¾des jeunes et des jeunes adultes le font aussi. Ce comportement n'est pas basé sur la génétique, lesanimaux ont donc une certaine culture. Selon Frans de Waal «Quand les singes prennent le thé», laculture est un mode de vie partagé par les membres d’un groupe, mais pas forcément avec ceuxd’autres groupes de la même espèce. (2001)Ça met les gens mal à l'aise de parler de culture chez les animaux car chez les humains, on a desrègles, des valeurs... Une des fonctions de la culture ne serait-elle pas précisément de nousconvaincre que nous sommes radicalement différents des animaux?1.11La culture est-elle toujours adaptative?Contre exemple chez les Vikings «Norse»: ils sont arrivés au Groenland vers l'an 1000, ils ont étéjusqu'à 5000 personnes mais disparaissent vers 1450.Selon Jared Diamond «Collapse» (2005), les Norses ont voulu adapter l’environnement à leurculture. Comme ils mangeaient de la viande, ils ont fait des prairies pour y mettre des bœufs, pourcela, ils ont fait une déforestation et il y a donc eu dégradation du milieu naturel. Ils investissentdans les églises et meurent de faim. Cette version est très controversée.Les Inuits ont survécu dans les mêmes conditions, mais les Norses n’ont pas voulu apprendre leurmode de vie. Ils ont fini par manger leurs chiens, mais pas de poisson car c'était un tabou culturel.«Pour eux, soucieux de leur survie sociale autant que de leur survie biologique, il était hors dequestion d’investir moins dans les églises, d’imiter ou de se marier avec les Inuits, et ainsi derisquer une éternité en enfer juste pour survivre à un autre hiver sur terre» (Diamond, 2005)5

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«Pourquoi les Norses ont-ils choisi de ne pas manger de poisson? Parce qu’ils ne pensaient pas àleur survie biologique. Ils pensaient à leur survie culturelle» (Diamond, 2005). Cela est enopposition avec une vision adaptative de la culture.Autre exemple: île de Pâques: disparition d’une civilisation due à la déforestation. Qu’a pu pensercelui qui a coupé le dernier arbre?Cela pose bien sûr la question de la bonne adaptation de nos cultures à notre environnement: notremode de vie est-il adéquat pour assurer notre survie?2 Psychologie et cultureC'est un deuxième cours d'introduction qui nous donnera une grille de lecture pour tout le cours.2.1 Culture et comportementIl y a deux erreurs qu'on peut commettre:••Sous-estimer l’influence de la cultureSurestimer l’influence de la culture2.1.1Sous-estimer l’influence de la cultureOn prétend que la psychologie occidentale est universelle. On croit que tous les autres hommes sontpareils que nous. La psychologie est la science du comportement humain, on met en œuvre desthéories et on pense qu'elles concernent tous les hommes partout et de tous temps.La culture serait ajoutée à l'individu humain. On pense pouvoir expliquer le comportement de tousles humains à partir de nos théories.Mais Amir et Sharon (1987) ont fait une réplication de six recherches classiques (biaisd'attribution) de la psychologie sociale en Israël. Sur 30 essais, ils ont eu 6 réplications réussies, 4réplications partielles et 20 échecs. Il faut donc tenir compte du cadre culturel.Il faut donc étudier les modèles culturels grâce auxquels les gens pensent, ressentent, jugent etagissent. Il faut se méfier des généralisations.2.1.2••Surestimer l’influence de la cultureCroire que l’on peut tout expliquer grâce à la cultureNégliger d’autres facteurs qui peuvent être importants comme la position sociale, lasituation politique, l'économie, la personnalité, etc. La culture pourrait faire écran.Surestimer l'influence de la culture c'est:Cette surestimation peut entrainer le relativisme culturel absolu. On pense que les autres sontdéterminés par leur culture. Chaque culture forme un tout distinct et cohérent. Les pratiquesculturelles doivent être acceptées quelles qu’elles soient. Ce qui peut mener à des excès, parexemple le danger de légitimation culturelle des atteintes aux Droits de l’Homme (Ex.: Mobutu). Ala fin des années 60, Mobutu pend ses opposants politiques. Dans un interview, il légitimise cetteaction en disant que cela fait partie de sa culture. Le relativisme entraine aussi l'idée que les culturessont réifiées et figées. Elles sont considérées comme des choses alors que les cultures bougent enfonction des gens, elles évoluent.6

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Il y a donc une nécessité de réflexion sur les limites de l’explication culturaliste (Bayart: L’illusionidentitaire, 1996).Il faut donc trouver un juste milieu entre la sous-estimation et la surestimation de la culture.L'étude de l'association entre la psychologie et la culture est assez récente. La fondation de l’IACCP(International Association of Cross-Cultural Psychology) date de 1972 et l'ARIC (Association pourla Recherche Interculturelle) date de en 1984.Auparavant, Wilhelm Wundt qui est le fondateur de la psychologie expérimentale a écrit 10volumes de «Völkerpsychologie» (la psychologie des peuples) où il parle d'expériences collectivesdes groupes culturels, de langage, des mythes, des coutumes. Il établit des raisonnements(dialectique) entre la psychologie individuelle et collective. Il se pose la question: les processusmentaux sont-ils universels ou sont-ils liés aux cultures spécifiques? Qu'est-ce qui est universel etqu'est-ce qui est culturel? Les aspects universaux des processus mentaux sont insérés dans leurscontextes historico-culturels. La culture peut être une apparence particulière de quelque chosed'universelle.2.2 Trois branches différentesIl y a des liens entre les branches et les limites ne sont pas toujours très claires.1. Psychologie (inter)culturelle comparative (Cross-cultural psychology): on compare les membres de culture différente sur des aspects psychologiques.2. Psychologie culturelle: on étudie la psychologie des membres d'une culture.3. Psychologie interculturelle: que se passe-t-il quand deux cultures rentrent en contact?2.2.1Psychologie culturelle comparativeC'est la branche la plus dominante.«La psychologie interculturelle est l’étude des similarités et des différences des fonctionspsychologiques des individus dans différents groupes culturels et ethniques; des relations entrevariables psychologiques, socioculturelles, écologiques et biologiques; et le changement actuel deces variables» (Berry, 1992)On compare différentes dimensions entre cultures: valeurs, attitudes, rôles sociaux, perception,cognition, développement, acculturation.La questions principales que les psychologues se posent est: les processus psychologiques sont-ilsuniversels? On cherche ce qui dépend de la culture et ce qui n'en dépend pas.2.2.1.1La fonction de démêlage (Segall et al., 1990)Le complexe d’œdipe est-il universel?Rêve d’un garçon de 12 ans: Lui et son père voyageaient ensemble en bus vers le musée dessciences et technologies, où ils allaient tous deux admirer les expositions de machines. Soudain, lebus dérape sur le pavé humide et heurte la remorque d’un tracteur. Les passagers sont projetésparmi les débris de verre et de métal. Après l’accident, le garçon, miraculeusement indemne,recherche frénétiquement son père. Se frayant un chemin parmi les corps enchevêtrés, il découvrefinalement le corps de son père, ensanglanté, les jambes écrasées, ses yeux le fixant dans un regardde mort accusateur.Comment interpréter ce rêve?7

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Freud:1. Un rêve est un mécanisme de réalisation des souhaits2. Le souhait du garçon doit donc concerner la mort de son père3. Dans le rêve, il y a plusieurs indices qui suggèrent qu’il aime son père --> ambivalence, il était content d'y aller.4. Pourquoi cette haine? Rôle du père: amant de la mère5. Le garçon voudrait la place du père comme amant de sa mère symboliquement.6. La littérature occidentale est riche de récits, comme celui d’œdipe, qui a tué son père et épousé sa mère. Cela suggère que le triangle mère-enfant-père est universel et atemporel.7. Tous les mâles traversent probablement un développement psychosexuel qui implique de tomber amoureux de leur mère et d’être jaloux de leur père, que l’on peut appeler le complexe d’œdipeCette interprétation est-elle universelle? Freud avait-il suffisamment d’informations pour conclure àl’universalité du complexe d’œdipe? Qu’en serait-il si le garçon avait raconté un autre rêve?Imaginons qu'il chasse avec son oncle. Celui-ci trébuche sur sa lance et est éventré. S’agit-il ducomplexe d’Oedipe?Malinowski (1927) se pose la question et étudie une tribu en Papouasie Nouvelle Guinée. C'est unesociété avunculaire où l’oncle maternel éduque l’adolescent, il prend le relai du père et l'oncle n'estpas l’amant de la mère. Le père occidental a deux rôles confondus, celui de donner de la discipline,c'est l'éducateur de l'enfant (ce qui génère des frustrations) et c'est le rival sexuel. Quel rôleexplique le rêve? Celui d'éducateur car c'est le point commun. On parle de fonction de «démêlage»des données interculturelles (Campbell & Naroll, 1972). On essaie de séparer les rôles. Si le mêmerêve peut concerner l'oncle, ce n'est pas le rôle de rival qui compte.2.2.1.2Du transculturel à l’écoculturelL’approche ‘transculturelle’ (universaliste) a progressivement incorporé les éléments de lapsychologie culturelle (relativiste). Les deux disciplines sont en dialogue. La psychologieinterculturelle comparative tente aujourd’hui une synthèse des deux approches. On verra le modèleécoculturel la semaine prochaine.2.2.2Psychologie culturelleC'est la branche qui a tendance à surestimer l'influence de la culture. La culture est envisagéecomme un tout complexe et on étudie une seule culture à la fois.Dans ce domaine, il y a une grande influence de l’anthropologie psychologique: Malinowski, Mead,Benedict, Linton et Kardiner. C'est le prolongement de ces auteurs-là. Les anthropologues étudientle lien entre la culture et la personnalité, ils cherchent des traits de personnalité communs au sein dela culture.Pour eux, il existe une relation intime entre les structures socioculturelles et le développementpsychique individuel. Ce n'est pas l'avis du pluralisme psychologique: «one mind, many mentalities:universalism without the uniformity» (Shweder, 2003, p. 30). Certaines propriétés de l'espritseraient universelles, mais une bonne partie des manières de penser ne le seraient pas et varieraiententre les cultures.L'approche émique (psychologie culturelle) consiste à comprendre une culture de l’intérieur sans8

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but de généralisation.L'approche étique (psychologie interculturelle comparative) consiste à comparer des cultures àpartir de critères jugés absolus ou universels. Les outils méthodologiques sont considérés commevalides à travers les cultures alors que ce n'est pas forcément le cas.2.2.2.1Mutilations Génitales FémininesCAMPAGNE PARLEMENTAIRE "HALTE A LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES"Circoncision ou "sunna": ablation du prépuce et du gland du clitoris.Excision ou clitoridectomie: ablation du clitoris et, souvent, des petites lèvres. Cette opération, laplus fréquente, est pratiquée partout en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient et dans la Péninsulearabe.Infibulation ou circoncision pharaonique: excision et ablation des grandes lèvres et scellementdes deux bords, au moyen de points de suture ou en permettant une soudure naturelle des tissus dela cicatrice. Il en résulte une surface très lisse, avec une petite ouverture permettant la miction et lepassage des menstrues. Cette ouverture artificielle est, parfois, à peine plus grosse que la tête d'uneallumette.Introcision: Cette forme de mutilation est pratiquée par les aborigènes Pitta-Patta d'Australie :Lorsqu'une fillette atteint la puberté, l'ensemble de la tribu (des deux sexes) se réunit. L'officiant, unhomme âgé, élargit l'orifice vaginal en le déchirant vers le bas à l'aide de trois doigts attachés parune ficelle d'opossum. Dans d'autres régions, le périnée est déchiré à l'aide d'une lame en pierre.Cette opération est généralement suivie d'actes sexuels, sous la contrainte, avec de nombreux jeuneshommes. …Cela concerne 130 millions de femmes, 28 pays africains, Océanie, Asie, Pérou, Europe, Canada,USA, Australie, etc. L'Europe est surtout touchée de part ses flux migratoires.Selon la compagne parlementaire, les conséquences sont les suivantes:Physiques: décès, hémorragies, chocs, lésions des organes voisins, infections, douleurs aiguës,absence de cicatrisation, formations d'abcès, dermoïdes, kystes, chéloïdes, neuromes de cicatrice,dyspareunie, VIH/SIDA, hépatite B et autres maladies transmises par le sang, pseudo-infibulation,infection des voies génitales, dysménorrhées, rétention urinaire, infection des voies urinaires,obstruction chronique des voies urinaires, incontinence urinaire, sténose de l'ouverture artificielledu vagin, complications lors du travail et de l'accouchementPsychologiques: complications psychiatriques, angoisses, et dépressionsSexuelles: absence de plaisir sexuelMais Shweder (2003) a fait une étude sur le sujet «What about female genital mutilation»Fuambai Ahmadu (Sierra Leone), anthropologue: «Il est difficile pour moi – étant donné lenombre de cérémonies que j’ai observées, y compris la mienne – d’accepter que ce qui semble êtredes expressions de joie et des célébrations extatiques de la féminité masquent des expériencescachées de coercition et de subjugation. En effet, je crois que la plupart des femmes Kono qui seprêtent à ces rituels le font parce qu’elles le veulent – elles reconnaissent les pouvoirs surnaturelsqu’ont les maîtresses de rituels envers les hommes de la société, et elles acceptent la légitimité del’autorité féminine, et particulièrement l’autorité de leurs mères et grand-mères».Dans son pays, l'excision se fait sur des femmes adultes, elle pense que c'est volontaire et qu'il n'y apas domination de l'homme, que ça renforce le pouvoir des femmes.9

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Carla Obermeyer (1999) a fait une revue de la littérature. Elle n'a trouvé aucune observationempirique dans la plupart des articles. Il y a beaucoup de biais méthodologiques (échantillons troppetits…). Les études valides montrent que les complications sont l’exception, l'excision estcompatible avec le plaisir sexuel et il y a très peu de décès.Les réactions occidentales: «Franchement, je m’en fous si s’opposer à cela, c’est la violation dela culture de quelqu’un. Pour moi, les mutilations génitales féminines sont une violation del’intégrité physique et spirituelle d’une personne» (Hasche in Egan, 1994). Cette pratique estcondamnée en générale en Occident.La réaction des anthropologuesKenyatta (anthropologue, 1938): Kikuyu (Kenya). Les mutilations génitales sont une conditionsine qua non de l’apprentissage de la loi tribale, religion et moralité. C'est une pratique liée à desrituelles qui ont un sens. Aucun homme ou femme Kikuyu n’accepterait d’avoir des relationssexuelles avec une personne non circoncise ou excisée.Kratz (1994): la mutilation est associée à la propreté, la beauté et la maturité. Elle prouve lecourage de surmonter la douleur et donc de devenir une personne Okiek (Kenya). Il faut faire sespreuves, surmonter une épreuve.Ce n’est donc pas considéré comme une mutilation. «Fils de non circoncise!» est une insulte, lesfemmes non circoncises suscitent moquerie et dégoût.Le «beurk» mutuelC'est la normalité dans les groupes ethniques qui le pratiquent (80-98%). Toutes les femmes passentpar là. Les femmes n’invoquent généralement pas les Droits de l’Homme. Quand on la pratique, elleest considérée comme un important héritage culturel et quand on ne la pratique pas, c'est parce quece n'est pas permis par la culture ou la religion. La plupart des femmes en sont contentes et ontl’intention de le faire subir à leurs filles. Elles pensent que cela les rend plus belles, féminines,civilisées, honorables. Les organes génitaux naturels sont considérés comme imparfaits, impurs,disgracieux, peu attractifs. La mutilation rend donc le corps plus conforme. Elle permet de sedébarrasser d'une certaine ambiguïté sexuelle, le clitoris étant un vestige de l’organe masculin et leprépuce, un vestige de l’organe féminin. Dans nos sociétés, on a d'autres moyens de se débarrasserde l’ambiguïté sexuelle.La mutilation est considérée comme civilisée, c'est une action symbolique dénotant le contrôle desoi envers le plaisir sexuel. Elle est honorable, c'est un engagement à perpétuer le lignage.Pour eux: «Beurk! Qui sont ces sauvages qui ne se circoncisent pas?»Que peut-on faire avec ces différentes visions des choses? Si cette pratique a du sens à l'intérieur dugroupe culturel, comment effectuer un changement?2.2.3Psychologie interculturelleLe but est de proposer un schéma d’analyse pour cerner l’ensemble des processus (psychiques,relationnels, groupaux, institutionnels) générés par les contacts de cultures ethniques, nationales,régionales, (générationnelles, de genre), etc. (Guerraoui et Troadec, 2000)2.2.3.1AcculturationComment les membres de cultures différentes peuvent-ils faire face aux situations de contactculturel?C'est une question importante pour l'immigration mais aussi pour les étudiants étrangers, pour les10

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personnes qui travaillent dans des multinationales, dans des pays en voie de développement...On constate des changements physiques, biologiques, on doit s'habituer à un environnementdifférent. On subit aussi des transformations culturelles: les structures économiques, politiques,linguistiques, religieuses sont différentes. Les relations sociales changent aussi, elles sontorganisées différemment. Le psychisme est transformé aussi, on essaie de s’adapter au nouveaumilieu.L'acculturation c'est «L’ensemble des phénomènes résultant du contact direct et continu entre desgroupes d’individus de cultures différentes, avec des changements subséquents dans les types decultures originaux de l’un ou des deux groupes» (Social Science Research Council, 1936)Est-ce une adaptation mutuelle? Le groupe d'accueil peut aussi évoluer pour s'adapter.La distinction entre enculturation (apprendre sa propre culture) et acculturation (apprendre une autreculture) tend à s’estomper car on vit de plus en plus dans un contexte culturel non-homogène.2.3 Racialisation de la cultureDepuis la fin de la deuxième guerre mondiale, on assiste à une racialisation de la culture.Les cultures sont représentées comme distinctes, homogènes, déterministes (la culture détermine lesindividus), stables à travers le temps. Elles définissent les individus dans leur essence presquecomme si c'était l'ADN des personnes.La race remplace la culture comme base du préjugé (Taguieff, 1988).Extraits d’interventions au forum sur le vote des immigrés extra-européens, site de La LibreBelgique, 2002"On reste toujours sous l’influence de sa culture d’origine et on continue à en partager les idées - ouau moins à les accueillir avec bienveillance - pendant des générations. Bien sûr, on ne s’en vantepas en public. (…) Alors, lier l’octroi du droit de vote à une durée de séjour en Belgique ou au faitde payer des impôts, comme le défendent certains, est une vision artificielle des choses.""Certaines choses sont miscibles entre-elles, l'eau et la grenadine par exemple. Au-delà de cetteimage, c'est ce que l'on appelle l'enrichissement culturel. Mais l'eau et le feu, ça ne marche pas, jerespecte l'être humain, quelle que soit sa couleur, son origine, sa culture, sa religion, je n'ai pas laprétention d'appartenir à un groupe supérieur, loin de là. Nous sommes TOUS des citoyens dumonde, ni plus ni moins. MAIS, j'ai la conviction d'après ce que je vois, dans nos villes, nosquartiers, nos rues, que la coupe est pleine; si on continue à inverser la tendance démographique quise creuse inexorablement, insidieusement, notre culture dans peu de temps aura vécu. Nos aïeuxont versé leur sang, dans d'indicibles souffrances pour qu'aujourd'hui nous soyons ce que noussommes. Que quelques politiciens en mal de voix s'adonnent à de bas calculs politico-spéculatifs estTRES GRAVE! Car, notre héritage, notre vie, la vie de nos enfants en dépendent. Le cheval deTroie est déjà dans la place... Ouvrez donc les yeux!!!"La couleur est une notion biologique alors que la culture est tout ce qui n'est pas la nature, les deuxsont donc des notions totalement différentes.On sent à travers ces textes une peur de perdre son appartenance culturelle, son identité culturelle.On doit, en tant que psychologue, entendre ces problèmes.Les groupes de migrants se retrouvent dans une majorité, ils ont aussi peur de perdre leur indentitécar ils sont minoritaires.11

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3 Modèle éco-culturel, développement et enculturationL'enculturation c'est comment apprendre aux enfants à faire partie de leur propre culture.3.1 Le modèle éco-culturel Relativisme culturelDéterminisme universaliste Cultures = systèmes cohérents et incomparables Recherche d'universaux psychologiques au-delà des différences culturelles ↓↓ Pas de théorie généraleEthnocentrisme \/ \/ Universalisme culturel Constitution mutuelle et dynamique de la culture et du psychismeLe modèle est basé sur Segall et al. (1999) et Troadec (1999)Ce modèle est une tentative des psychologues interculturels comparatistes qui tiennent compte descritiques des psychologues culturels relativistes pour arriver à un modèle qui met en lien le contexteavec des caractéristiques psychologiques.Le problème étant que dans le relativisme, on ne peut pas comparer une culture à l'autre et dansl'universalisme, il existe des universaux psychologique au-delà des différences culturelles. Les deuxpoints de vue ont des inconvénients: dans le premier cas, il n'y a pas de théorie générale ce quiembête beaucoup les psychologues car ils aiment développer des théories générales. De l'autre côté,il y a un risque de glissement vers l'ethnocentrisme car un groupe dominant développe sa théorie etl'impose aux autres en décidant que c'est bon pour tout le monde. Il y a donc une grande tensionentre le relativisme et le déterminisme.Donc on essaie de faire une synthèse et on parle d'universalisme culturel, les deux termes étantcontradictoire. Ce modèle se base sur l'idée que la culture et le psychisme sont en interaction et seconstituent mutuellement.Ce modèle possède plusieurs hypothèse de base.La psychologie humaine dépend de la culture, mais cette contingence est gouvernée par desprincipes universels (Fiske et al., 1998). Ce qui est universel, c'est le lien entre les modèlesculturelles et le développement psychologique.En effet, l’esprit humain a évolué pour opérer dans des mondes sociaux structurés par la culture.(phylogenèse: histoire de l'espèce, on est déterminé à apprendre une culture). On observe que lenouveau-né possède des capacités pour s’insérer dans le monde social. Il sourit dès qu'on estsuffisamment proche pour qu'il nous voit. Chez tous les humains, le bébé amorce une relation quipour pouvoir se développer va devoir s'inscrire dans des modalités culturellement déterminées. Cescapacités peuvent être réalisées en utilisant des modèles culturels spécifiques qui médiatisentl’interaction sociale. L'enfant s'adapte à l'environnement culturel dans lequel il est né. Afin des’insérer dans des relations sociales harmonieuses, les gens se réfèrent à des modèles culturels, quiconstituent en partie leur psychologie car ils ont très jeunes intériorisé ces modèles. Le psychismen’est pas un ensemble séparé et autonome de processus (on ne peut pas comparer le systèmecognitif à un ordinateur); il existe et fonctionne uniquement en conjonction avec la culture, c'est unsystème ouvert (Kimura, 1972). Le cadre culturel permet à l'enfant de réaliser ses potentialitésrelationnelles, de devenir un être social.12

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Variables en arrière-planNiveau groupalProcessus Caractéristiques psychologiquesNiveau individuelSur le schéma, on voit les liens entre comportements, caractéristiques psychologiques et le contexteécologique et sociopolitique. Au milieu, on voit les processus qui se situent entre. Notonsl'importance du sens des flèches. On a un retour des caractéristiques psychologiques vers lesvariables en arrière-plan, et donc le contexte écologique et sociopolitique.3.1.1Contextes écologiquesLe contexte écologique est le milieu dans lequel les êtres humains interagissent avec unenvironnement physique donné. Les êtres humains s'adaptent à cette environnement. Cetteadaptation s'est faite à travers la phylogenèse (histoire de l’espèce qui a évolué physiquement etpsychologiquement) et à travers l'ontogenèse c'est-à-dire le développement individuel et cela passedonc par des facteurs qui ne sont pas génétiques. C'est à travers l'ontogenèse que se transfert laculture, c'est de l'apprentissage. Ces deux niveaux d'adaptation sont responsables de la diversitébiologique et culturelle des êtres humains.Par exemple, le degré d’accumulation de la nourriture a un impact sur certaines caractéristiqueculturelle et psychologique (Barry, Child, & Bacon, 1959). Dans cette étude, on compare deux typesde société. D'un côté les sociétés vivent de la chasse et de la cueillette. Il n'y a pas de stockage denourriture, quand le système est épuisé, ils bougent et recommencent. Ces groupes sont Nomades etpeu peuplés (quelques dizaines de personnes). De l'autre côté les sociétés vivent de l’agriculture etde l’élevage à grande échelle (pas forcément en Europe, en Afrique aussi), elles font donc unstockage important pendant la saison et même plus tard, des végétaux doivent être stockés pour lebétail par exemple. Les sociétés sont sédentaires et denses (des milliers de personnes). On constatequ'il y a moins de différenciation des rôles sexuels (fonction, tâche et statut, liberté) chez lesnomades que chez les sédentaires. Pourquoi? Dans le premier cas, le rôle des femmes est actif dansla subsistance du groupe, ce qui leur donne un statut différent que si elles se limitent à l'éducation13

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des enfants. On constate aussi un impact sur la structuration du groupe: dans le premier groupe,toutes les femmes vont cueillir, dans le second groupe, plus le nombre de personnes augmententplus on spécialise les tâches, donc on a une segmentation et une hiérarchisation de la société, lesstatuts sont de plus en plus différencié et donc les hommes sont plus différenciés des femmes. Lesfemmes ont plus de contraintes que les hommes, elles doivent être humbles, faire attention auxbesoins des autres. Cela se répercute sur les relations maritales, sur les pratiques éducatives, sur lavaleur accordée aux femmes, la liberté, … On a observé moins de différences psychologiques entregarçons et filles dans les sociétés de chasseurs cueilleurs que dans les sociétés agricoles.Cela montrerait que les différences psychologiques entre les hommes et les femmes ne sont pasuniverselles mais fonction du groupe. Donc c'est différent que de dire que la différence provientd'une différence psychologique au départ.3.1.2Contextes sociopolitiquesLe contextes sociopolitiques sont les différentes formes d’organisation des États et des sociétés.C'est-à-dire la façon dont sont organisés les rapports de pouvoir (un chef ou plusieurs, lesinstitutions politiques). On peut mettre en opposition tribalisme et organisation démocratique, casteset classes sociales, communautarisme et individualisme. Le contexte est aussi caractérisé parl'économie en mettant en opposition nomadisme et sédentarisme, cueillette, pêche, chasse,agriculture, industries… et donc la façon dont on subsiste.Ce sont toutes ces variables qui jouent dans le contexte sociopolitique. Le contexte sociopolitique aun effet sur le processus d'acculturation car il détermine en partie la possibilité qu'aura la société des'acculturer. Les modalités de contact dépendent de décisions politiques, qui on laisse rentrer etcomment on organise les rapports, quel type d'acculturation on favorise?3.1.33.1.3.1Processus au niveau groupalAdaptation culturelle à l’environnementCe sont toutes les inventions qui permettent au groupe de s’adapter aux contraintes écologiques entenant compte de l’histoire du groupe, par exemple, l'histoire des vikings.Par exemple, l'accumulation de nourriture permet le sédentarisme qui implique un systèmehiérarchique car le groupe augmente en taille et qu'il faut le structurer.Mais toutes les significations et pratiques culturelles n’ont pas un caractère fonctionnel. Il y a deséléments de culture qui n'ont pas de fonction adaptative.D'autre part, les croyances et les valeurs constituent en retour l’environnement. La culture est à lafois le processus et le contexte, celui-ci étant le résultat du processus. Les traditions, les manières devie, constituent le contexte que les nouveau né découvre en débarquant dans le groupe.3.1.3.2Adaptation biologique au niveau groupalCe sont les transformations génétiques pour s’adapter aux contraintes environnementales. Parexemple, la sensibilité aux maladies diffère d'un groupe humain à l'autre (anémie falciforme).Il y a aussi une interactions entre l'adaptation culturelle et biologique. Par exemple, pour digérer dulait il faut de la lactase, elle disparait à l'age adulte donc on ne digère plus une grande quantité delait. La plupart des adultes ne la possèdent donc plus, sauf dans les groupes dont les ancêtres ont dûse nourrir de lait. En Asie et Afrique, dans les sociétés sans élevage, il y a une aversion culturelle àboire du lait liée à l’absence génétique de lactase chez les adultes.14

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3.1.43.1.4.1Transmission culturelleEnculturationLa définition de Herskovits (1948): tout l’apprentissage qui a lieu au cours de la vie humaine àcause de ce qui est disponible pour l’apprentissage.Chaque fois que nous apprenons par observation un aspect de notre société, l’enculturation a lieu.En voyant comment les autres se comportent, on apprend à bien se comporter dans notre société.C'est un apprentissage sans enseignement délibéré, personne n'a décidé de faire ça comme ça. Lespersonnes n’en sont généralement pas conscientes que ce soit les éducateurs ou les enfants. Ça sefait naturellement, passivement. Les gens ne savent pas ce qui ne peut pas être appris dans leursociété. Pour savoir, il faut être confronté à d'autres sociétés. Les gens ont l'impression que c'estnaturel.3.1.4.2SocialisationCes sont les efforts délibérés réalisés par d’autres pour contrôler notre comportement et le rendre«acceptable». Donc quelqu'un décide de nous socialiser de façon consciente, c'est l'éducation d'unmembre plus jeune du groupe.Définition de Child (1954): «l’ensemble du processus par lequel un individu, né avec une gammeénorme de potentialités comportementales, est amené à développer un comportement confiné dansune gamme beaucoup plus réduite – la gamme de ce qui est coutumier et acceptable pour lui enfonction des normes de son groupe»Par exemple, le comportement linguistique de Chomsky: on a tous les potentialités au départ puispar contact, on réduit les capacités.Dans ce cas-ci, on a une grande influence des «agents de socialisation» c'est-à-dire des personnesqui ont du pouvoir (parents, enseignants, anciens, pairs, etc.) par rapport à ceux qu'il faut socialiser.Les pères ont du pouvoir sur ceux qui entrent dans le groupe.Lorsqu'il y a des conflit, cela provoque des punitions, récompenses ou comportements subtils pourque les comportements de l'enfant deviennent compatibles avec ceux du groupe. Dans le cas de lasocialisation, l'aspect normatif est beaucoup plus fort. On peut par exemple empêcher certainscomportements, sauf à des lieux et moments bien précis (nourriture).L'enculturation et la socialisation mènent à des similarités comportementales à l’intérieur dessociétés (même type de valeur) et à des différences comportementales entre sociétés.La culture subsiste au delà de la vie des individus, notre culture ne disparait pas avec notre mort.Elle se transmet à travers le comportement des gens.3.1.5Variables psychologiquesLes variables psychologiques sont tous les aspects mesurables du comportement individuel dont onpeut montrer qu’ils sont liés à des variables écologiques ou adaptatives. Donc on s'intéresse à tousles comportements observables et à toute les caractéristiques inférées du comportement des gens:traits de personnalité, valeurs, motivations, attitudes, compétences, etc. On déduit cela ducomportement des gens. Maintenant, on peut aussi évaluer des choses à partir des méthodesneurologiques.Dans le modèle écoculturel, «La relation des variables écologiques et sociopolitiques avec ledéveloppement psychologique individuel est fonction d’un contexte épistémologique d’élaboration15

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des connaissances par le sujet, sous l’effet du processus d’enculturation durant l’enfance» (Troadec,1999, p. 38). Le sujet n'est pas passif mais essaie d'élaborer du sens à partir de ce qu'il a vu autourde lui. C'est lui qui prend des décisions sur ce qu'il adopte, rejette, modifie si on lui laisse la libertéde la faire. Ce n'est donc pas un modèle déterministe.Le modèle est très larges pour mettre le domaine psychologique en rapport avec le reste. On verraun autre modèle compatible avec celui-ci.3.2 Les niches développementalesSuper & Harkness (1986): le développement de l’enfant est envisagé dans son contexte culturelgénéral. Dans ce modèle, l'environnement et l'individu sont considérés comme deux systèmesouverts en interaction.Les niches développementales sont constituées de 3 sous-systèmes1. Agencement du contexte physique et social2. Traditions culturelles de soin et d’éducation3. Ethnothéories des éducateurs: croyances relatives à l’éducation des enfantsCes trois sous-systèmes médiatisent le lien entre le développement individuel et la culture.L'enfant se trouve au centre et la niche est l'interface entre l'enfant et le reste du monde.3.2.1Contexte écologique et socioculturelC'est l'agencement des contextes quotidiens dans lequel l'enfant se développe.Par exemple, on compare les enfants de la communauté rurale Kipsigis au Kenya (Super &Harkness, 1997) avec des enfants américains. On observe les relations entre l’organisation de la viequotidienne et le développement. Pour le sommeil, l'enfant dort seul aux USA et avec la mèrerelativement tard au Kenya. Par conséquence, les enfants kényans dorment moins en moyenne queles Américains. Les enfants kényans passent plus de temps en position assise, par conséquence, ilss’assoient seul de façon plus précoce que chez les enfants américains.Autre exemple par rapport à la densité de population par foyer (nombre de personne dans le mêmefoyer) au Kenya (Munroe & Munroe, 1971): à l'intérieur du Kénya, s'il y a une haute densité, lesenfants sont portés plus souvent et reçoivent de l’attention plus rapidement, mais la mère est moinsaccessible; elle n’est pas le principal donneur de soins. Donc quelqu'un d'autre s'occupe de l'enfantet la relation avec la mère est différente.16

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3.2.2Traditions de soin: comment on prend soin de l'enfant«Les traditions évoquées ici sont des séquences de comportements mises en œuvre habituellementpar les membres d’une communauté, et si parfaitement intégrées dans la culture au sens large duterme qu’elles ne nécessitent pas de rationalisation individuelle particulière, et ne sont pas non plusnécessairement conscientes» (Super & Harkness, 1986). On le fait par tradition sans se poser dequestions. Pour les éducateurs, ce sont des choses naturelles et raisonnables à faire pour l’éducationcorrecte d’un enfant. Si on pose la question aux parents, ils répondront, parce que c’est comme çaque l’on fait.Tout le monde a des traditions de soin mais ici on essaie de les rationaliser en les médicalisant carc'est la légitimité du savoir en occident. Le discours autour des soins ont changé, par exemple en cequi concerne la position de l'enfant.3.2.2.1Portage de l'enfantAu Kenya, la mère peut porter l'enfant dans tous les types de circonstance, le portage peut êtreexercé par une grande sœur aussi mais jamais par des hommes.Le portage sur le dos est rare le premier mois, ensuite, il constitue 17% du portage quotidien del'enfant (il peut aussi être dans les bras). Au début, seule la mère porte l'enfant, ensuite, la sœur leporte 25% du temps de portage.Les buts sont de calmer le bébé et le protéger (ou parce que c'est comme ça qu'on fait).Par conséquences, les enfants ont une expérience visuelle plus riche que s'il reste seul sur un tapisde sol. Ils ont aussi plus d'interactions sociales car ils rencontrent tout ceux que la mère rencontre.Ils font de l'exercice physique (ajustement aux mouvements). On constate une émergence plustardive de la reptation (rampe moins vite) qu’aux USA, mais une actualisation plus précoce del’assise (vers 3 ou 4 mois) et de la marche.Une autre comparaison a été faite entre la France et le Mali (Bril & Sabatier, 1986). Les bébésfrançais passent plus de la moitié du temps d'éveil allongés, les bébés maliens (Bambara) seulement5 à 6% de leur temps (et sur le dos uniquement). Cela a donc une conséquence sur l'expérience del'enfant et son développement affectif.3.2.2.2Temps consacré au jeu ou au travail (aide au travail domestique) (Whiting & Whiting, 1975)Au Kenya, les enfants passent 41% de leur temps libre au travail, aux USA, 2%. Si on étudie letemps de travail en fonction du type de société, on voit que le temps est fort bas pour les sociétésnomades et industrielles et très haut pour les sociétés agricoles.On voit que les chiffres de l'âge moyen où les enfants commencent à effectuer certaines tâchesvarient fort d'un pays à l'autre. On constate aussi une forte différence entre les filles et les garçons.Les filles travaillent de plus en plus quand elles grandissent tandis que les garçons travaillent demoins en moins.Les conséquences du travail sont l'acquisition de savoir-faire: être capable de faire des tâches qu'onsaura faire plus tard, l'intégration du système de valeurs: contribuer au bien de la communauté, êtrereconnu comme un membre valorisé.Selon Whiting & Whiting, 1975, les enfants qui travaillent offrent affection et assistance aux autres,sont plus altruistes, les enfants qui travaillent peu cherchent attention et assistance, sont pluségoïstes. Le travail des enfants dont on parle ici est différent de l'exploitation industrielle.17

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3.2.3Ethnothéories des éducateursCe sont les croyances associées aux pratiques éducatives qui leur donnent leur signification et lesjustifie. Les modèles de développement sont associés à des objectifs implicites, on dit à quoi on estsensé préparer les enfants, ce qu'on veut qu'ils soient capables de faire. Les objectifs sont implicitescar pas formalisés. On n'est pas conscient de ce qu'on est en train de faire.Cela est équivalent aux représentations sociales de l’éducation (sens commun) contrairement auxthéories scientifiques.Super & Harkness se sont posés plusieurs types de questions sur les ethnothéories:1. Quel est la nature de ces théories? En quoi elles sont liées à des systèmes de valeurs?2. Existe t'il des variabilité intra et inter culturelle? Et à quel point?3. Niveau d’exigence (beaucoup de discipline ou pas), explicite/implicite, formel (dans un manuel) /informel, idéologie individualisme/communautarisme, etc.4. Comment s’expriment-elles? Se traduisent-elles en pratiques éducatives? (pas toujours). Par exemple, quand on interroge des femmes sur le mode d’allaitement le meilleur, elles disent que le mieux c'est le sein mais elles préfèrent quand même donner le biberon.5. Conséquences des ethnothéories? Est-ce que ça a un effet sur le développement?Exemple: représentations de l’enfant au Cameroun (Nsamenang, 1992)La mère et l’enfant à venir sont les membres les plus valorisés de la famille étendue (lignageincluant les ancêtres décédés). La représentation en lignage est très importante.L’enfant appartient à toute la communauté. Chacun peut lui demander un service ou le punir mêmesi ce n'est pas son propre enfant.Exemple: Aborigènes australiens (Hamilton, 1981)Ils croient en une forme de réincarnation. Les âmes des morts restent dans un lieu secret jusqu’aujour où elles sautent dans le ventre d’une femme qui passait par là. Après la naissance, le père ou unchamane essaie de déterminer qui est l’enfant. L’enfant est un ancêtre qui naît avec une personnalitécomplètement développée, il mérite le respect il faut donc le laissez faire et on essaie de lereconnaitre. Cela donne lieu à des pratiques très très laxistes.Exemple opposéSi on considère que l'enfant se présente comme un récipient vide qu’il faudra remplir de manière àréaliser les souhaits des parents, l'éducation est beaucoup plus exigeante.3.2.4Lien entre niches développementales et changement socialLes systèmes sont ouverts et changent en fonction des circonstances socio-historiques. Donc il fautfaire attention aux changements sociaux globaux.Par exemple, Nsamenang (1992) définit l’environnement socioculturel de l’Afrique – y compris lesinfluences de l’esclavage et de la colonisation – avant d’étudier le développement humain. Il montreque la niche développementale s’adapte au changement social et à l’acculturation quand le groupeest confronté à un autre modèle culturel. Par exemple, les gens sont de plus en plus confrontés à lamodernisation et la mondialisation.Toutes les sociétés changent, mais à des rythmes différents. Les cultures sont dynamiques.Si le changement est lent, l'enculturation et la socialisation tendent à être homogènes. Il y a donc18

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une similarité dans les valeurs et les traits psychologiques. «Ils ont eu le temps de se cristalliser enun héritage traditionnel étendu, généralement respecté au point d’être sacré» (Camilleri &Malewska-Peyre, 1997, p.45). On a le devoir de transmettre les traditions et les changements sontvécus comme un sacrilège.Si le changement est rapide, on constate l'apparition de sous-groupes qui ne partagent pas lesmêmes valeurs et pratiques, ça va rompre l'homogénéité du groupe.La culture de la société ne suffit plus à prédire et comprendre ses représentations. On ne peut plusfaire autant de généralisation. L’individu peut choisir entre différentes sous-cultures. L'individugagne en liberté.En cas de migration: «Les individus doivent être prêts à des désocialisations et resocialisationssuccessives au cours de leur vie» (Camilleri & Malewska-Peyre, 1997, p.46). C'est un effortimportant!3.2.4.1Critique de cette visionL’occident se caractériserait par un changement rapide et continu et les sociétés ‘traditionnelles’ parune grande stabilité? C'est beaucoup moins simple que ça et souvent faux!Il y a des changements rapides dans le tiers-monde en voie d’urbanisation ce que n'a pas vécul'occident. En occident, on l'a vécu au 19° siècle et ça a pris plus d'un siècle, là ils doivent s'adapteren moins d'une génération. Le changement est très important, de la tradition orale à la culture quifait éclater le système.L'environnement est non prévisible et donc pour quel monde doit-on socialiser les enfants puisqu'onne sait pas prédire ce qu'il va se passer? Cela mène à des conflits de générations car les personnesâgées tiennent à transmettre leur culture.Kagitcibasi (1998): avec le développement socioéconomique et la disponibilité d’autres sourcesd’aide pour les personnes âgées, une éducation orientée vers l’obéissance – qui assure la loyautéenvers les anciens – perdrait sa fonction. Au contraire, l’autonomie de l’enfant devientfonctionnelle pour s’adapter à des métiers urbains qui demandent des prises de décision. Il y a uncontraste entre l'obéissance et les systèmes où il faut être autonome pour pouvoir prendre desdécisions.On est donc face à un dilemme: s’adapter et perdre son identité culturelle sans savoir ce qu'on vagagner, ou maintenir son identité culturelle et être condamné à rester en marge du développement àjamais? Comment ne pas perdre son identité en faisant face au défis de modernisation?4 L’individualisme4.1 Négociation interculturelleMargalit Cohen-Emerique estime que pour communiquer entre cultures différentes il faut passerpar trois phases: décentration par rapport à notre propre culture, compréhension du cadre deréférence de l’autre, négociation, confrontation et éventuellement changement.Mais avant de pouvoir se décentrer par rapport à notre culture, il faut essayer de la comprendre.Qu'est-ce que l'individualisme, d'où vient-il et où mène-t-il? On va essayer de décrire l'évolution del'occident vers l'individualisme. Les autres sociétés ne vont pas forcément évoluer dans le mêmesens.19

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4.2 Quel niveau visez-vous?Assez bon, bon, très bon, le meilleur dans votre domaine, le meilleur du monde?Un livre nous invite à nous mettre sur un piédestal: vous pouvez être ce que vous voulez être. Celivre nous donne des conseils pour arriver à ce que l'on veut, c'est caricaturale mais ces livresexistent et on les trouve autour de nous. Ce sont des caricatures de l'individualisme.4.3 StructureHistoire••••••La voie religieuse: comment dans l'évolution du christianisme a pu émerger l'idéed'individualisme?La voie économique: l'influence de notre manière de vivre.Alexis de Tocqueville et l’individualisme politique au tout début du 19ème s. aux États-Unis.Norbert Elias et la civilisation des mœursDavid Riesman: La foule solitaireRichard Sennett: Les tyrannies de l’intimitéDynamiques sociétales et caractéristiques psychologiques4.4 Histoire – la voie religieuse4.4.1Le holisme originelJusqu’au 4ème siècle avant Jésus-Christ, les sociétés étaient holistes. C'est le modèle qui existaitavant l'individualisme. Il s'agissait soit de communautés tribales (petites dimensions) ou des cités-empires. Les ‘Touts’ étaient organiques et hiérarchisés, tout se tient bien ensemble et chacun a saplace dans une hiérarchie précise. Les membres sont liés par des interdépendances fortes etcontraignantes (beaucoup de solidarité, exigence de conformisme). Le comportement est déterminépar l’appartenance au groupe et la position qu'on occupe dans le groupe. On se soumet aux lois eton reproduit les traditions via l'éducation des enfants. Les individus sont des parties dépendantes du‘nous’.4.4.2Émergence de l’individuLes religions ‘holistes’ légitiment l’antériorité et la supériorité du principe d’ordre collectif. C'est unordre sacré. Le groupe préexistait à l'individu et il continuera après l'individu. Il importait avant toutde préserver le groupe, ses lois et sa culture plutôt que le bien-être et la liberté individuelle.Selon Platon, seul le tout est stable, le collectif est permanent, réel, pas les individus de passage.Donc les individus ont moins de réalité que le collectif.Les premières apparitions de l’individualisme viennent de Grèce et de Rome. Les auteurss'individualisent en signant les œuvres de leur nom.Maïeutique de Socrate: «Connais-toi toi-même». Il reconnait donc l'existence d'un individu.Mais, à cette époque, l'individu est toujours dépendant du collectif. Il n'y a pas de mot pour désignerl’individu. Dans les tragédies grecs, les individus sont dans des situations difficiles car ils ont deuxrôles sociaux en opposition et c'est ça qui crée le dilemme.20

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4.4.3ChristianismeLouis Dumont (1986), anthropologue français compare la France et l'Allemagne. Il estime quecette dernière garde plus d'accent holistique. Pour lui, on est passé d'un «individu-hors-du-monde» àun «individu-dans-le-monde». Le christianisme a été la religion dominante dans l'occident pendantlongtemps et a donc beaucoup influencé l'évolution vers l'individualisme.L’individualisme apparaît d’abord en opposition avec le modèle holiste, sous forme de l’individu-hors-du-monde. Le chrétien est considéré comme un individu en relation avec Dieu. L'individu estreconnu au niveau spirituel mais il vit en tant que membre d'une communauté. Sa spiritualité esthors du monde car dans le monde idéale. Les Chrétiens se rencontrent dans le Christ Il y a lacommunauté des chrétiens, ils constituent un collectif dans la spiritualité. La spiritualité est à unniveau transcendant le monde des hommes et des institutions. Tout cela se passe car il y a undualisme entre le monde et l’esprit. L'individu n'existe qu'en tant qu'esprit.«L’émancipation de l’individu par la transcendance personnelle, et l’union des individus-hors-du-monde dans une communauté qui marche sur terre mais qui a le cœur au paradis, pourraitconstituer une formule passable pour la Chrétienté» (Dumont, 1986). La communauté désinvestit lemonde matériel. Mais l'individu va redescendre petit à petit sur terreL’empereur Constantin (IVème s.) se convertit au christianisme, cela devient la religion de l'empireromain. Qu’est-ce qu’un État chrétien? Le monde chrétien doit gérer un empire et donc fairecorrespondre l'idéal avec le concret.Pour le Pape Gelasius (Vième s.), «Si l’Église est dans l’Empire en ce qui concerne les chosesterrestres, l’Empire est dans l’Église en ce qui concerne les choses divines». Chacun son domaine,l'empire s'occupe de la politique et l'église s'occupe de l'esprit.Au VIIIème siècle, les papes rompent avec Byzance et s’arrogent le pouvoir temporel (politique) enOccident. Ils doivent donc à nouveau gérer leurs états en lien avec leur religion. L’individu chrétienest impliqué dans le monde. Le domaine matériel se rapproche du domaine spirituel.4.4.4Calvinisme (XVIème siècle)On a une unification du champ, l’individu est dans le monde. Dieu est volonté et majesté, il est trèsdistant et très puissant, sa volonté domine les hommes. Mais il y a une affirmation de l’individudoué de volonté et de raison et donc un certain individualisme. L'homme est chargé de satisfaire lesvolontés divines.Il y a une certaine prédestination: certains élus sont choisis par Dieu, ils ont accès au paradis. Si onest prédestiné, notre élection ne dépend pas de nos actions. L’élu doit travailler à la gloire de Dieudans le monde, sur terre. La Richesse devient un signe d’élection, ils ont été favorisé par Dieu. Onse rapproche de l'idéal de Dieu. Plus les gens sont riches, plus ils sont élus. Le protestant exerce lavolonté de Dieu. Le Soi est assujetti à Dieu, mais il est en même temps exalté car il est à la base dela réalisation des projets de Dieu sur terre. La volonté est hors-du-monde mais l’action est dans-le-monde. Calvin accepte le pouvoir politique de l’Église donc il faut gérer la cité avec des précepteschrétiens. On rapproche d'avantage les deux domaines.Weber (1905) fait le lien entre protestantisme et capitalisme. L'évolution de l'idéologie a permisl'évolution économique. Tout le monde n'est pas d'accord avec cette explication. Pour les marxistes,c'est l'infrastructure matérielle qui détermine l'idéologie.4.5 Histoire - La voie économiqueJacques Bude fait deux propositions théoriques.21

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••Les éléments constituants d’une personnalité sont la cristallisation de ses manières de vivrehabituelles. On devient ce que l'on fait.Le caractère habituel d’une manière de vivre tend à générer le sentiment de sa légitimité. Ontrouve tout à fait légitime ce que l'on fait. Si on vit d'une certaine façon pendant longtemps,on pense que c'est la bonne façon de vivre. Donc ce que les autres font, c'est pas bien.Pour lui, les manières de vivre déterminent les manières de penser. L'économie implique donc unecertaine idéologie ce qui reprend l'avis de Marx.4.5.1Renaissance urbaine au XIIIème siècle.Certaines villes commencent à se développer et d'autres manières de vivre se développent. On voitémerger des nouvelles classes sociales: les artisans et boutiquiers et les marchands.Les artisans et boutiquiers ont une manière de vivre. Ils vendent différents type de marchandise enville et sont organisés en guildes et corporations, ils sont proches les uns des autres. On assiste à uneidentification positive, on s'identifie aux autres, on considère les besoins des autres comme sespropres besoins, on doit amitié aux autres. Tout cela repose sur un principe égalitaire qui impliqueamitié, aide et protection mutuelle. À l'intérieur des corporations, il y a un partage égal d’unequantité limitée de travail entre de nombreux travailleurs. La compétition est interdite. On connaitles besoins de la ville, on sait combien il y a de forgeron et on réparti le travail, on ne peut pasrentrer en compétition avec un autre forgeron. On a donc un monopole, des règles et lois pourcontrôler les prix, etc. On assiste au partage d'un nombre limité de travail plutôt que la productionpour augmenter la taille du marché ou pour que chacun s'enrichisse. La loi fondamentale est lastabilité (hommes, ville, État). Les choses doivent rester comme elles sont. C'est donc un typed'holisme. C'est une nouvelle manière de vivre mais toujours de façon communautaire.Concernant les manières de penser, la compétition est considérée comme immorale etantichrétienne. Les prix sont fixés par la tradition, il est interdit de vendre moins cher que les autres.Du point de vue théologique, on s’interroge sur les raisons de la création de l’Homme.Deux groupes de théologiens s'opposent:•Les théologiens ruraux (monastiques): pour eux, Dieu a créé l'homme pour remplacer lesanges déchus (certains anges se sont révoltés et donc ne se sont pas laissés faire et Dieu les aenvoyés en enfer) et servir Dieu. L'homme doit se comporter comme un ange. Il doitdésinvestir le monde matériel. Donc l'individu est hors du monde.Les théologiens urbains: l'homme a été créé pour lui-même, il fait partie de la nature. Ilpeut agir et avoir un effet sur le monde, sur la nature et donc il n'y a pas de disjonction entrele matériel et le spirituel.•Ces deux point de vue ne remettent pas en cause la stabilité.Au niveau Scientifique, on a une représentation aristotélicienne, l'univers est inaltérable, chaquechose a une place. Le mouvement est dû au fait que les choses, ayant été déplacées, tentent deretrouver leur place naturelle. La place de la pierre est par exemple d'être sur le sol et pas dans notremain. C'est une vision stable, chaque chose à sa place, le monde reste toujours le même.Les manières de penser justifient les manières de vivre. On pense et vit dans la stabilité.Les marchands sont la deuxième classe sociale émergente à la même époque. Ce ne sont pas desboutiquiers, ils organisent les échanges, montent des expéditions pour aller chercher desmarchandises là où elles ne sont pas chers pour les vendre là où elles sont rares. Chez lesmarchands, l'Unité n'est plus la personne mais le capital, ce qu'on apporte à l'expédition.22

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L'importance est mise sur l'égalité de rémunération pour chaque unité de capital investie dansl’entreprise. Un marchand qui investit beaucoup doit recevoir beaucoup. Cela correspond à lanorme d'équité et pas la norme d'égalité. Les marchands spéculent sur les besoins des autres: acheteroù c’est abondant et bon marché et vendre là où c’est rare et cher. Il y a une identification négativeau travail, ce que tu gagnes, je le perds et inversement, cette identification se fait envers les clientsmais pas entre les marchands. Par contre, l'identification positive se fait en famille (famillebourgeoise) donc le groupe est plus petit que la corporation, il comporte le père, la mère et lesenfants. On assiste à une maximisation du profit individuel. Les marchands se rendent compte quel'argent leur permet de changer de statut social et de gagner l'aristocratie. Le progrès individuel estlié au travail.Concernant la manières de penser, pour l'Église: le travail est une punition, pas une manière des’élever et de changer de statut social. D'ailleurs la racine de travail: «Tripalium» est un instrumentde torture constitué de trois pieux. Donc le travail est une punition parce qu'on a été chassé duparadis terrestre.Pour les bourgeois, le travail induit des richesses et donc une élévation du statut social. Le travaildevient positif et n'est plus une punition. Le bourgeois aime son travail, il trouve normal detravailler. C'est la même chose à l'heure actuelle: «Vous pouvez réussir l'impossible».4.5.2La philosophie des lumièresLa philosophie des Lumières est un aboutissement de la logique marchande. L’homme n’est pasfondamentalement mauvais, ce n'est pas un pêcheur. Il préfère la bonne vie sur terre plutôt qu’aprèsla mort. L’homme est capable, guidé par la raison, d’améliorer la vie sur terre. Pour pouvoir faireça, il doit se débarrasser de l’ignorance et de la superstition, ce à quoi tous les gens croyaient auMoyen-age. Trois mots résonnent dans la philosophie des lumières: raison, liberté par rapport aupréjugé et nature. La raison, libérée des préjugés, perçoit et exprime immédiatement la nature. Lareligion nous empêche de regarder les choses tels qu'elles sont. Ce qui est évident est naturel, doncvrai. Cette vision se base sur un sentiment d'évidence, ce qui est évident est naturel, ils se sontdébarrassé de leur préjugés. On retrouve cette tendance dans la philosophie positiviste du 19 èmesiècle, selon laquelle le scientifique peut percevoir la réalité telle qu'elle est, simplement enl'observant, dès lors qu'il s'est débarrassé de toute croyance.Les bourgeois sont en accord avec la raison et la nature et considère que ce qui s’oppose à eux estcontre nature et donc mauvais. Ce que vous pensez est faux car ce n'est pas naturel. Ils considèrentque leurs manières de vivre sont universelles et bénéfiques à chacun et doivent donc convaincre lesautres hommes.4.5.3Newton et les sciences socialesLe modèle atomiste est différent de celui d'Aristote. On s'intéresse à des éléments qui ne sont pasdéterminé par leur nature mais par des caractères: poids, masse et relation entre eux. Les corpsindividualisés sont définis en termes de quantité de matière et de distance. Les lois impersonnellessont exprimées mathématiquement.Les encyclopédistes sont les philosophes de l'époque. Ils invoquent la physique pour légitimer leurreprésentation de l’Homme et de la société. Bude appelle ça la scientification: projeter desconcepts d’origine sociale sur les choses; considérer cette projection comme scientifique; accorderle statut de vérité aux concepts projetés sur les choses.Par exemple, Jeremy Bentham (1748-1832) propose le principe d’Utilité, la recherche de l’intérêtmaximal de chaque individu. C'est l'équivalent social de la loi de la gravitation universelle.23

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L’individu, en tentant de maximiser ses profits, maximise en même temps les intérêts de l’humanitétout entière donc ça a du bénéfice pour tout le monde. Si c'est une loi naturel, on ne la discute pas,on doit l'accepter parce que c'est la nature.«En fait, la relation de Bentham au principe d’utilité aurait été celle de Newton à sa loi de lagravitation si Newton avait établi sa loi en persuadant les planètes d’obéir à la relation de l’inversede la distance au carré, dans leur propre intérêt» (Gillispie, 1960, pp. 153-154). C'est la différencequ'il existe entre science descriptive et prescriptive. On essaie de convaincre en disant que c'estnaturel, cet argument est difficile à démonter. Les lois du marché ne sont pas naturel. Si elles étaientnaturelles, on aurait plus qu'à s'y soumettre.4.6 Histoire - Alexis de TocquevilleIl essaie de prendre exemple sur la société américaine car leur révolution a eu lieu juste avant larévolution française.De la démocratie en Amérique (1835): «L'individualisme est un sentiment réfléchi qui disposechaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables de telle sorte que, après s'être créé unepetite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle même».Le terme réfléchi renvoie à quelque chose lié à la raison et pas à l'instinct. La raison relie les gens àdes petites sociétés, ils abandonnent donc la grande société. Il est dangereux dans les démocratiesd'oublier d'investir le niveau politique sous peine de voir resurgir le despotisme.L'individualisme n'est pas l'égoïsme. L'égoïsme est un amour de soi passionné et exagéré qui a sesracines dans l'instinctif, c'est un vice aussi vieux que le monde que l'on trouve dans n'importe queltype de société. Par contre, l'individualisme regroupe des jugements erronés plutôt que dessentiments dépravés, ce sont des fautes de raisonnement. L'individualisme implique un retrait de lavie publique dans la vie privée, il est lié à la démocratie qui invite à l'égalité des conditions entretous les citoyens. Le danger du système est qu'il peut mener à l’égoïsme et au retour à la dictature.Des facteurs politiques entre en jeu, on veut se débarrasser de la société aristocratique or elle reliaitchaque homme à d’autres de manière à ce qu'ils en soient conscients. Les positions étaient fixes ethiérarchisées. Cela organisait des relations de Coopération où on devait faire attention aux besoinsdes autres. C'était une grande chaîne qui reliait le paysan au roi.Dans la démocratie, on a une destruction des niveaux intermédiaires. L'individu se retrouvedirectement seul face à l’État car tous les individus sont égaux. Le danger est la disparition del’intérêt commun car il quitte le domaine de la vie quotidienne. Les relations interindividuellescessent d’être politiques. Petit à petit, les problèmes politiques ne concernent plus les individus. Lapolitique est éloignée des gens. Donc la chaîne est brisée. Et si on ne met rien pour la remplacer, onrisque de retrouver la dictature. Si les individus n'investissent plus la démocratie, le pouvoir peutêtre confisqué par n'importe qui et l'on risque dès lors de revenir à une gouvernance autoritaire.Certains facteurs sociologiques sont important. La révolution a mis les classes moyennes au pouvoir(la classe des marchands), ils sont naturellement individualistes et imaginent que leur destin estentre leurs mains et ne s'intéressent pas aux autres. La solution serait de ne pas séparer l’Homme ducitoyen. Chaque homme a une identité politique. Il faut aussi veiller au maintien des Institutionsdémocratiques intermédiaires, ne pas laisser l’individu seul face à l’État. Donc il faut organiser despartis politiques, des syndicats, quelque chose qui face tampon entre l'individu et l'état.4.7 Dynamiques sociétales et caractéristiques psychologiquesComment ces changements sociétaux ont-ils influencés la psychologie individuelle en Occident?24

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4.7.1Norbert Elias (1969), La civilisation des mœursElias est un sociologue allemand, il compare la France et l'Allemagne sur les processus de maîtrisedes fonctions corporelles (manger, aller aux toilettes, avoir des relations sexuelles), et leursimplications sociales et politiques. Il étudie le rôle de la maîtrise des pulsions et des affects dans ladynamique de la modernité (fait référence à la psychanalyse). Il analyse les manuels de savoir vivre(pour l'aristocratie) en partant du Moyen-âge jusqu'au 20 ème siècle. Par exemple, il étudie lesmanières de table.4.7.1.1XIIIème siècle«Celui qui souffle comme un saumon et claque de la langue comme un blaireau et qui se racle lagorge en se mettant à table se conduit de façon incongrue»«Celui qui se mouche sur la table et essuie le résultat avec la main est un sot qui, à mon avis, ne saitpas se conduire»4.7.1.2XVème siècle«Enfant, garde toy de maschier En ta bouche pain ou viande, Oultre que ton cuer ne demande, etpuis après le recrascher»4.7.1.3XVIème siècle1530, De civilitate morum puerilium (chap. 1) Erasme de Rotterdam: «Se moucher dans sonbonnet ou sa veste, est d'un paysan, dans son bras ou son coude, d'un marchand de poissons; il n'estpas beaucoup plus poli de le faire dans la main, si la morve tombe sur la veste. Il est de recueillir lessaletés du nez dans un mouchoir, en se détournant un moment, si l'on est avec des supérieurs. Si, ense mouchant dans les doigts, quelque chose tombe à terre, il faut l'écraser aussitôt avec le pied. […]Il n'y a guère de différence entre le mucus et la morve, sinon que le mucus est plus épais et la morveplus liquide.»4.7.1.4XVIIème siècleAntoine de Courtin «Nouveau traité de civilit黫Que si par malheur on s’estoit brûlé, il faut le souffrir si l’on peut patiemment et sans le faireparoître: mais si la brûlure estoit insupportable comme il arrive quelquefois, il faut promptement etavant que les autres s’en aperçoivent, prendre son assiette d’une main, et la porter contre sa bouche,et se couvrant de l’autre main remettre sur l’assiette ce que l’on a dans la bouche, et le donnervistement à un laquais. La civilité veut que l’on ait de la politesse, mais elle ne prétend pas que l’onsoit homicide de soy-même». Le comportement est un peu plus codé.4.7.1.5XVIIIème siècleLa Salle «Les règles de la bien-séance et de la civilité chrétienne»«C’est à la personne la plus qualifiée de la compagnie à déplier sa serviette la première, et les autresdoivent attendre qu’elle ait déplié la sienne, pour déplier la leur. Lorsque les personnes sont à peuprès égales, tous la déplient ensemble sans cérémonie». Les manières sont de plus en plus codées.25

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4.7.1.6XIXème siècleThe habits of Good society (1859)«Les fourchettes ont sans aucun doute été inventées après les doigts, mais comme nous ne sommespas des cannibales, j’incline à croire qu’il s’agit d’une bonne invention». On ne décrit pas lecomportement, c'est juste une petite allusion et les gens sont sensés savoir. On voit un glissementvers de plus en plus de formalisme et de moins en moins de description car les comportements sontintégrés dans la population. Le seuil de ce qui est tolérable évolue.Autres domaines: les besoins naturelsErasme (16ème siècle): «Certains recommandent au jeune de retenir un vent en serrant les fesses. Ehbien! Il est mal d’attraper une maladie en voulant être poli. Si l’on peut sortir, il faut le faire àl’écart. Sinon, il faut suivre le très vieux précepte: cacher le bruit par une toux»Se moucher, cracher, dormir, avoir des relations sexuelles tout cela est codé et pris en compte dansles manuels de savoir vivre. À travers ces exemples, Elias met en évidence une évolution vers uneexigence croissante à de plus en plus de maîtrise des fonctions corporelles.4.7.1.7L’agressivitéC'est le domaine le plus centrale pour Elias, il faut maitriser sont agressivité. Le monopole de laviolence légitime va de pair avec la construction de l’État moderne. L’état, en se centralisant,s’arroge peu à peu la légitimité de l’usage de la violence (police, armée, etc.). Qui peut utiliser laviolence? les acteurs de l'état. Dans la société féodale c'était permis pour chaque seigneur.Cela implique la maîtrise des pulsions et l’auto-contrôle des émotions et des affects, en particulier àla Cour pour ne pas que ça débouche sur des actes violents. Cette demande a commencé à la courdevant le roi devenu extrêmement puissant.XVIème s.: On voit l'apparition d'une nouvelle aristocratie de cour, elle ne prend plus les armes maissuit le roi, demande ses faveurs.XVIIème s.: La société de cour est consolidée (Louis XIV). Les manières de cour se diffusent versles classes sociales inférieures et on va exiger des manières de plus en plus distinguées à l'ensemblede la société.XVIIIème s.: La société de cour est élargie à la bourgeoisie. On voit un déplacement du seuil de cequi est jugé honteux, le raffinement est progressif. On ressent de la honte pour les comportementsde non maitrise de nos pulsions. Cela est lié à la constitution de sociétés centralisées, exigeant desrègles de civilité fortement réguléesOn assiste donc à un refoulement de la part animale de l’homme et à de plus en plus d'auto-contrôle.Le processus se fait à 2 niveaux: le collectif et l'individuel. Ça se répercute sur les membres de lasociété. «L’histoire d’une société se reflète dans l’histoire interne de chaque individu». Lerefoulement est du à des règles sociales particulières, c'est le fruit de l'évolution sociale. Lasociogenèse et la psychogenèse sont liées. L’individualisation va de pair avec une exigence accruede contrôle de soi en occident. C'est un individualisme qui demande beaucoup de contrôleintériorisé. Elias ne s'intéresse qu'à un groupe culturelle, il n'a étudié que le contrôle de soioccidental.4.7.2David Riesman, La foule solitaireUn autre grand penseur, David Riesman (1950), sociologue américain fait une jonction avec lapsychologie. Il introduit la notion de caractère: organisation, plus ou moins stable et permanente,26

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conditionnée socialement et historiquement, des désirs et satisfactions d’un individu.Erich Fromm (1944): les membres d’une société doivent acquérir le type de caractère qui les faitvouloir agir comme ils doivent agir et désirer ce qu’ils doivent désirer en tant que membres d’unesociété ou d’une classe sociale particulière. La force extérieure est remplacée par la compulsioninterne. Quand on se sent libre, on ne l'est pas. On demande de plus en plus d'auto-contrôleindividuel.Riesman voit une succession de trois types de caractères aux USA. Au départ, le caractère est dirigépar la tradition. Il se développe dans des sociétés stables, traditionnelles, des sociétés rurales oules comportements sont conformistes. Il y a une conformité liée aux classes d’âges, genre, clans,castes, professions, etc.Ce caractère a laissé place au type intro-dirigé (dirigé de l'intérieur). Avec cette notion, on a unemobilité individuelle (une personne peut faire carrière et changer sa condition) et une croissanceéconomique. Le travail, l'esprit d’entreprise, le créateur d'entreprise qui prend des risques etdéveloppe des entreprises sont mis en avant. Les normes sont intériorisées pendant l’enfance parl'éducation reçue par leur parent. On a un respect des autorités.Ensuite, ce caractère laisse la place au type extro-dirigé. C'est ce qu'il observe à la fin des années40, il se développe dans une société d’abondance où il y a plein de loisirs disponibles, moins decontraintes car les parents ont de l'argent. Les individus sont influencés par leurs contemporains(amis, médias). A travers l'influence des autres, on demande de plus en plus de contrôle de soi caron est attentif aux signaux émanant des autres et on essaie d'éviter la désapprobation des autres. Onn'est donc pas spécialement libre. On en arrive à une conformité car il y a une grande sensibilité auxactes et aux souhaits des autres donc cet individu est moins libre que l'intro-dirigé. Les normes sontbeaucoup moins fixes. L'individu manque d’autonomie.«Si les extro-dirigés pouvaient découvrir combien de travail inutile ils accomplissent, découvrir queleurs propres pensées et leurs propres vies ne sont pas plus intéressantes que celles des autres, que,de fait, ils ne remédient pas plus à leur solitude dans une foule de pairs que l’on ne remédie à la soifen buvant de l’eau de mer, alors nous pourrions nous attendre à ce qu’ils deviennent plus attentifs àleurs propres sentiments et aspirations» (Riesman, 1950)4.7.3Richard Sennett (1979), Les tyrannies de l’intimitéPour lui, on assiste à un repli dans la vie privée. «Le moi de chaque individu est devenu sonprincipal fardeau. Se connaître soi-même est devenu un but, une fin en soi, au lieu d’être un moyende connaître le monde». Les gens ne s'intéressent plus qu'à eux-même. Il interprète comme cela lesuccès de la psychanalyse, on ne s'intéresse plus qu'à sa vie intérieur. Nous attendons des bénéficespsychologiques de tous les domaines de l’expérience. La psychologie serait le critère et cela mène àune déception car la relation avec les autres ne peut pas toujours être intimes.Toute la vie sociale est mesurée à l’aune de la psychologie. On ne s’intéresse aux institutions quequand elles sont liées à des personnalités. On s'intéresse à la vie privée des politiciens.«Plus cette tyrannie de la proximité s’impose, plus les gens cherchent à se libérer des coutumes, desmanières sociales, des codes, etc., pour s’ouvrir de façon inconditionnée les uns aux autres. (…) Oncherche ainsi une sociabilité plus intense, mais la réalité vient démentir cette attente. Plus les genssont intimes, plus leurs relations deviennent douloureuses, fratricides et associables»On attend des autres qu'ils nous fassent des confidences intimes. Cela se fait aux dépens desrapports sociaux moins personnels. Les citadins vont vivre en banlieue car tout le monde se connait,on rechercher des relations intimes un peu partout. Cela dissimule les inégalités sociales car on lesvoit comme des individus psychologiques et donc il n'y a plus de mobilisation contre les inégalités27

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sociales. Le communauté devient un lieu de révélation des individus et n'est plus investie en tantqu'elle-même. Les rapports sociaux avec les inconnus sont sous-estimés alors que c'est aussi ça quifait la richesse d'une vie sociale.«En ce sens, l’idolâtrie de l’intimité est le signe d’une société non civilisée»5 Le rapport à l’«Autre»Qu'est-ce que c'est d'être en relation avec quelqu'un qui est autre? On fait beaucoup d'études pourconnaitre l'autre, celui qui est dans une autre catégorie sociale (stéréotypes...).On va étudier comment on se forme une représentation de l'autre. Selon une perspective un peuhistorique, on va voir quelle est l'histoire de notre relation aux autres.5.1 Les images des sauvagesC'est un livre de Gustav Jahoda (1999), psychologue social britannique, fondateur de la psychologieinterculturel. Le livre retrace l’évolution des représentations des «autres» par les Occidentaux. Il y apas mal de variations sur les contenus mais on constate une continuité depuis l'antiquité dans laconstante dépréciation des autres cultures par rapport à ce qui nous caractérise.L’héritage historique est important par rapport aux représentations actuelles des autres cultures. Onest l'héritier d'une longue tradition et on ne peut pas faire sans, les représentations des autres nousont été léguées.La psychologie du préjugé et des stéréotypes néglige souvent cette dimension historique, elles'intéresse à des processus qui ont lieu ici et maintenant.Dans son livre, il s'intéresse à la catégorie des races monstrueuses. Pline l’Ancien (23-79 après J-C)a écrit un traité d'histoire naturelle antique. C'est ancien mais moderne par rapport aux sources qu'ilcite: les récits d'Hérodote (484-425 avant J-C), de Ctésias (Vème siècle avant J-C) et de Mégasthènes(IIIème siècle avant J-C). Il parle de gens sans tête, avec les yeux dans les épaules, à tête de chien,avec un seul pied, sans bouche qui se nourrissent de «l'air qu'ils respirent et des parfums qu'ilsaspirent par les narines; telles sont, parmi d'autres, quelques variétés de l'espèce humaine, quel'ingénieuse nature a créées pour son amusement à elle, pour notre émerveillement à nous». On estloin d'une froideur scientifique, ces créatures sont assez rares de nos jours et il les caractérisecomme espèce humaine. Ces créatures proviennent de la Mythologie grecque, des récits devoyageurs ou de l'observation de singes qu'on confond avec les êtres humains.5.1.1SciapodeUmberto Eco, Baudolino (2000): C'est un italien du onzième siècle qui raconte ses aventures. Lapersonne est un peu mythomane, il mélange le réel et son imagination. Il voyage en orient etrencontre des créatures étranges. «Quand l'être s'arrêta devant eux, ils virent que son seul piedavait deux fois la grandeur d'un pied humain, mais bien formé, avec des ongles carrés, et cinqdoigts qui ressemblaient tous à des orteils, trapus et robustes. (…) Baudolino et ses amis lereconnurent aussitôt, pour en avoir lu et entendu parler tant de fois: c’était un Sciapode». Il a uneseul jambe et un énorme pied. C'est une créature qu'on retrouve au moyen-âge. Ils le reconnurent,c'est quelque chose dont ils avaient déjà une représentation.28

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5.1.2BlemmyeC'est une autre créature. Dans ce cas-ci aussi, il y a l'idée d'une pré-connaissance de la créature. Ilsentendent parler du concept avant de voir la créature.«Il était très différent du Sciapode, et, au reste, à entendre nommer un Blemmye, nos amiss'attendaient à voir ce qu'ils virent. (…) Sur sa poitrine, là où les hommes ont des bouts de sein,s'ouvraient deux yeux en amande, très vifs, et, sous un léger renflement avec deux narines, unesorte d'orifice circulaire, mais très ductile, si bien que lorsqu'il se mit à parler il lui faisait prendredifférentes formes, selon les sons qu'il produisait.»C'est l'illustration d'un processus qui fait que les gens de l'époque utilisent un répertoire dereprésentation pour donner un sens à ce qu'ils vont observer. Ils sont plein de croyance avant derencontrer les autres, les voyageurs reviennent en disant ce qu'ils ont rencontré.5.1.3AutresCynocéphale: «On les voit souvent en Russie comme captifs, et ils prononcent leurs mots enaboyant» (Adam de Brème, XI ème siècle). C'est un homme avec une tête de chien. À l'origine, cesont des hommes qui quand ils parlent, on a l'impression qu'ils aboient, on leur associe une tête dechien.Anthropophages et Garamantes: peuple cannibale aux mœurs dissoluesPygmées (Iliade d’Homère): leur sexe est si long qu’il leur tombe jusqu’aux chevilles. Ils ne sontpas très grands. Albertus Magnus (XIIIème siècle) cherche le chaînon manquant entre le singe etl’Homme. Il y a une réflexion sur l'espèce humaine, où est la limite, que faut-il pour être un êtrehumain? La réflexion se poursuit jusqu'au 19ème siècle.5.1.4Les races monstrueusesElles habitent quelque part mais pas chez nous, elles vivent dans des régions lointainesindéterminées: Asie, Afrique, Nord de l’Europe, à un endroit qu'on ne connait pas bien.Saint-Jérôme, Vème siècle, traducteur de la bible, dit «… lorsque j'étais enfant en Gaule, je vis desAttacoti, un peuple britannique, manger de la chair humaine, lorsqu'ils rencontrent des troupeauxde porcs et de bétail et de moutons, ils tranchent les fesses des bergers et les poitrines des femmeset les jugent la meilleure des nourritures. La nation écossaise ne pratique pas la monogamie… maiscomme il plaît à chacun, ils satisfont la luxure à la manière des brutes. Les Perses, Mèdes, Indienset Éthiopiens … s'accouplent avec leurs mères et grands-mères, avec leurs filles et leurs nièces.»Donc les peuples dont on parle, ne sont pas toujours si loin. Les pratiques qui sont jugées immoralesici seraient courantes là-bas.5.1.5L’homme sauvage des boisIls proviennent de la mythologie grecque et sont issus de l'inter-fécondité entre les hommes, lesdieux et les animaux, c'est le fruit d'une hybridité.Malédiction de Ham: Noé avait planté une vigne, goûté le vin et s’était enivré. Alors qu’il dormaitnu dans sa tente, son fils Ham le vit et appela ses frères. Dans une société où la différence entre pèreet fils s'exprime par la distance et le respect, on n'est pas sensé voir son père nu. Ceux-cidétournèrent le regard et couvrirent Noé. En représailles, Noé maudit Canaan, le quatrième fils deHam. Toute sa lignée fut maudite. Et de Canaan descendent les hommes sauvages qui sont noirs etpoilus.29

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Cette histoire biblique a permis une justification raciste de l’exploitation des Noirs jusqu’à la moitiédu XXème siècle. Il serait donc légitime de coloniser un pays parce que ses habitants sont lesdescendants d'un fils maudit de Noé.L'homme sauvage des bois fait partie du folklore médiéval européen comme le carnaval... Ils sontsans Dieu ni moralité, sans langage, esclave de leurs passions sexuelles. Ils violent puis mangent lesfemmes. Les femelles ont un besoin irrépressible de copuler avec des hommes ordinaires.Tout comme les satyres, ils sont à moitié animal et ont une sexualité débridée.Cela correspondrait à une projection freudienne de pulsions libidinales prohibées: on projette surl'autre tout ce qu'on ne peut pas faire à cause de la civilisation.Jahoda accorde beaucoup d’importance à la dimension sexuelle dans la construction de l’ «Autre».Joffe (2005) a fait une théorisation plus générale, l'individu fait un clivage entre le bon et le mauvaispuis fait une projection du mauvais vers l'autre. Il s’agirait d’un processus universel, pasuniquement occidental.5.1.6Les récits de voyageLes premiers voyageurs interprètent ce qu’ils voient, ou ce qu’on leur raconte, à partir de leurspréconceptions.Pigafetta (équipage de Magellan, les premiers explorateurs XV ème siècle) raconte que les Indiens del’Est mesurent 45 centimètres de haut et ont des oreilles si longues qu’ils peuvent en utiliser unecomme matelas et l’autre comme couverture. Ils rapportent des choses qui tiennent plutôt du mythe.On constate une comparaison ou une assimilation des «autres» (Indiens d’Amérique, puis Africains)à des animaux, on leur attribue des comportements animaux, pas de langage, des pulsions sexuellesnon dominées. La première grande rencontre avec une quantité importante d'autres, c'est larencontre avec les indiens d'Amérique au 15ème siècle. Les rencontres avec les africains étaient plusmarginales. On considère les autres comme pas aussi humain que nous. Il y a une confusion entreles singes et les hommes sauvages.Plus tard (après les guerres coloniales), les sauvages sont assimilés à des enfant. Ils sont considéréscomme immatures, l'européen est supérieur, doit s'occuper de lui et l'éduquer.Extrait du film «La controverse de Valladolid»: les Indiens ont-ils une âme? Ça se passe au 16 èmesiècle. Ils recherchent des critères pour savoir si les indiens ont une âme et donc s'ils sont humainset ont des droits. Deux théologiens s'opposent: le grand défenseur des indiens contre un autre prêtrequi donne des arguments religieux pour essayer de prouver que les indiens n'ont pas d'âme. Lescritères sont religieux car ce sont ceux qui font autorité. Dans la suite de l'histoire, on passera à uneépistémologie scientifique. Ils discutent sur les mœurs des indiens, leur ignorance de certainsoutils... D'un autre côté, les gens sont encore dans un état d'innocence.La cruauté des Indiens est représentée sur des tableaux où on voit une scène de cannibalisme; on yvoit aussi des femmes et des enfants comme si c'était une scène de la vie quotidienne. Elle donnel'impression que les indiens pratiquent le cannibalisme pour se nourrir. En fait, quand lecannibalisme existe, il est toujours lié à un rituel.Les livres de sciences naturelles au 18ème siècle comprennent des représentations de créaturesétranges. Elles sont présentées comme des descriptions de créatures existantes. Les Africains et leshommes des bois sont confondus. On voit un Troglodyte recouvert de poils et un pygmée avec despieds différents.Au 19ème et 20ème siècle, on assiste à un racisme scientifique. On fait des comparaisons et deshiérarchisations entre les races humaines et animales. Les idées fausses ont la peau dure et ont30

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mené au comportement exterminatoire du 20ème siècle.5.1.7Comment expliquer cette continuité?Axiome de Vico (18ème), philosophe: «Lorsque les Hommes ne peuvent pas se faire une idée dechoses distantes et inconnues, ils les jugent à partir de ce qui est familier et à portée de main».L'image de la licorne part peut-être du cheval et du rhinocéros. On fait des synthèses, on essaie dereconstruire des récits, on essaie de représenter ce que les voyageurs racontent.Levine & Campbell (1972): «Les conditions menant à une faible précision des stéréotypesproduiront les images ou les stéréotypes reflétant le plus les motivations, souhaits, culpabilités,peurs et frustrations de l’endogroupe». On perçoit des autres ce que nous avons construits nous-même.5.2 La théorie des représentations socialesUne représentation sociale est une «forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayantune visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social»(Jodelet, 1991 p. 51). C'est donc une théorie de la connaissance. La connaissance est construite àtravers les interactions entre les personnes, elle sert à orienter les conduites. Elle concoure à uneréalité commune à un ensemble social.Moscovici (1961): La psychanalyse, son image et son public Savoir scientifiqueStyle de pensée formelProduit dans des cadres déterminésValidité empiriqueCritères logiques Sens communStyle de pensée naturelProduction décentraliséeValidité consensuelleValeurs et normes socialesLa représentation est une instance médiatrice entre l’objet perçu et le sujet percevant. On lesutilise quand on perçoit les choses. La représentation se situe entre le sujet et l'objet. C'est une grilled'interprétation du réelle. Elle dépend à la fois de l'objet et du sujet.Deux processus mènent à la constitution d'une représentation sociale: l'objectivation et l'ancrage.5.2.1ObjectivationDans l'objectivation, on rend concret ce qui est abstrait. On remplace un concept par une image quia des propriétés visuelles. L'objectivation est un processus qui rend la perception (quelque chosequ'on considère comme un objet) et le concept interchangeables. «Ainsi l’objet du concept peut êtrepris pour objet d’une perception, le contenu du concept être perçu» (Moscovici, 1976). On al'impression qu'on perçoit les idées.L'image est importante car elle va résumer tout un raisonnement qui pourrait être au départcomplexe, afin de le simplifier et le rendre perceptible. «La figure est un stimulus visuel pouvant,par simple association avec un thème donné, véhiculer, entretenir ou produire une signification.Cette dernière peut à son tour susciter l’image» (Sanchez-Mazas, 2004). On a donc un processusd'aller-retour entre le concept et l'image.La représentation est le rapport entre une figure et une signification.Par exemple, la nudité des Indiens par Christophe Colomb (Sanchez-Mazas, 2004, racisme etxénophobie): Christophe Colomb avait rapporté, dans son récit de la découverte des Amériques,31

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avoir rencontré des Indiens qui vivaient nus (Todorov, 1982). Il dit j'ai vu des indiens nus. C'est peuprobable car ils ne sont complétement nus, il y a toujours un petit quelque chose qui fait qu'ils nesont pas complétement nus. Il faut aller au delà de ce qu'il dit avoir perçu. Il faut prendre en comptela symbolique de la nudité: il dit avoir vu les Indiens nus car la nudité signifie la pureté (concept),en référence avec la représentation de l’Eden. La symbolique de la nudité pour Colomb, c'est lesymbole de la pureté. Colomb voulait dire à ses contemporains qu’il avait rencontré des gens quivivaient comme à l’époque du paradis terrestre. Ce n'est pas stupide quand on demande auxautorités de financer les voyages, j'ai trouvé le paradis perdu, ce n'est pas rien pour la chrétienté del'époque. Il évoque le percept : «J’ai vu des Indiens nus». Dans le musée des caravelles à Huelva enAndalousie, les statues d'indiens sont nues et cela a été matérialisé pour les touristes, on perd ladimension pureté en faisant cela. C'est une interprétation à la lettre des propos de Colomb.Ce processus est utile pour comprendre la persistance et la construction des stéréotypes.On voit la cristallisation de couplages qu'on rencontre souvent. Par exemple, étranger-danger,immigré-décrochage scolaire, femme maghrébine-soumission, musulman-fondamentalisme... àforce de rencontrer des choses qui vont ensemble, on fait des associations. On peut provoquer uneimage sans l'évoquer.On peut jouer sur l’image seule… «Why Americans Hate Welfare?», Gilens, 1999. Pourquoi lesaméricains détestent le partage des ressources? Les articles sont modérés mais ils sont accompagnésde photos qui représentent des familles minoritaires, au niveau visuel, on fait émerger l'idée quel'état providence est construit pour ces minoritaires et pas pour l'américain comme eux. On assimilealors ce groupe à des profiteurs.Les mots peuvent être codés: «The race card», T. Mendelberg, 2001. On peut faire naitre desreprésentations avec des concepts froids. On peut prendre l'image pour le concept.5.2.2AncrageL'ancrage est le processus par lequel a lieu l'intégration cognitive de l’objet représenté dans lesystème de pensée préexistant. Quand il y a quelque chose de nouveau, on essaie de voir où on peutle classer. Il permet de rendre familier ce qui est étrange et de faire face à la menace de lanouveauté. En effet, la nouveauté fait naitre l'angoisse. C'est surtout vrai quand le groupe rencontreune crise.L’élaboration de représentations sociales est une activité collective stimulée lors de situationsanxiogènes (n'importe quelle crise). Si on choisit la métaphore de la guerre, ça légitime un certaintype de réponse, si on considère un évènement comme un crime, ça appelle des mesures de typelutte contre la criminalité et pas entrée en guerre, c'est très différent.La rencontre avec les «autres», surtout ceux qu'on n'a jamais rencontré, est une situation anxiogène,elle mène au repli identitaire et à la réaffirmation des valeurs du groupe.L'ancrage de la représentation de l’Autre dans les représentations préalablement partagées par lesmembres du groupe (races monstrueuses, hommes des bois, etc.) a servit de première grille delecture pour comprendre les autres.Jahoda (1999) appelle cela le principe de ‘familiarité’.5.2.3Fonctions des représentations socialesL'homme à tête de chien, si on dit que quelqu'un parle comme un chien, l'autre va se le représenteravec une tête de chien, une idée est matérialisée et cette matérialisation est transmise.Les fonctions individuelles32

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•••••••••Fonction ‘épistémique’: motivation des individus à disposer d’une vision cohérente, simpleet stable de la réalité. Elle permet aux gens de faire face à ce qui se passe.Construction et interprétation de la réalité.Affiliation sociale et communication, si on partage des représentations, on rentre plusfacilement en communication avec d'autres individus du même groupe.Orientation des conduites.Établissement et maintien du lien social et donc l'existence même du groupe.Définition de l’identité sociale, qui sont les gens qui partagent les mêmes représentationsque nous?Faire face à la menace, décider des actions à prendre. Comme par exemple l'affaire Dutrouxa conduit à une vision dichotomique de la société.Légitimation des structures sociales surtout quand elles sont inégales.Justification des pratiques passées, présentes ou planifiées. Par exemple, considérer qu'ungroupe possède une arme de destruction massive pour se permettre de l'attaquer.Les fonctions collectives5.2.4Produit et processusLa représentations sociales à trois niveaux différents:1. Cadre symbolique: la représentation sociale définit le cadre contextuel, structurel et culturel dans lequel les autres expressions des individus et des groupes auront lieu.2. Activité: représenter: un individu en s'exprimant représente quelque chose, c'est une activité expressive.3. Produit: la représentation: on peut étudier le contenu d'une représentation sociale. A partir du moment où les gens se sont exprimés, il y a formation d'une représentation.Étudier les représentations sociales consiste donc à interpréter les prises de position des individus etdes groupes sociaux à partir de l’analyse du sens qu’elles acquièrent en regard de l’environnementsymbolique dans lequel elles sont exprimées (Doise, 1990)5.3 Formes et figures de l’altéritéDenise Jodelet (2005) définit ce qu'est l’altérité en tant qu'objet d’étude en psychologie sociale.L'altérité est un objet d'étude situé au plan du lien social «apparaissant non comme un attribut quiappartiendrait à l’essence de l’objet visé, mais comme une qualification qui lui est appliquée del’extérieur, c’est une propriété qui s’élabore au sein d’une relation sociale, et autour d’unedifférence». L'autre n'est jamais intrinsèquement autre, c'est quelqu'un d'autre qui nous met danscette place là, il faut plusieurs personnes, ça part toujours d'une relation. C'est pas unecaractéristique interne de la personne. Mais on oublie que c'est dans une relation que l'autre estautre.Il y a plusieurs type d'altérité. L'altérité du dehors concerne les pays, peuples situés dans unlieu/temps distant. On les considère comme exotiques et il sont définis en fonction des critères de laculture. L'altérité du dedans est celle qui se trouve à l’intérieur d’un ensemble social. Ce sont despersonnes ou groupes marqués du sceau d’une différence (physique, mœurs, ethnie, religion, la33

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couleur de la peau etc.).«L’altérité est le produit d’un double processus de construction et d’exclusion sociale qui,indissolublement liées comme les deux faces d’une même feuille, tiennent ensemble par un systèmede représentations»Processus de «mise en altérité»: invention, symbolique et matérielle, par laquelle s’opère unbasculement de la différence dans l’extériorité. Il n'y a pas seulement la mise en œuvre d'unedifférence, la relation avec l'autre n'est plus considérée comme possible.Altérité et identité sont liées: l’autre se définit par rapport à un même; la réflexion sur l’altéritépermet la définition identitaire (Augé, 1994). Les autres sont ce que l'on n'est pas! Ils sont donc plusdifférents qu'ils ne le sont en réalité.L'autrui, c'est le prochain, il suppose une communauté, une appartenance commune (groupe,humanité). "L'homme entre dans des relations de vie avec autrui, d'action pour, avec, contre autrui,dans des situations de corrélation avec autrui" (Simmel, 1908/1984). La conscience de soi estdérivée de l’échange avec les autres, vient de l’intériorisation de la perspective de l’autre sur soi(Mead). C'est un processus qui se développent dans un espace social/culturel commun.L'autre, c'est l’alter, on suppose une différence découlant d’appartenances distinctes. Lacatégorisation sociale joue là-dedans. On a une opposition entre l’identique et le différent selon descodes culturels, des critères. À l’extrême, il y a l'étranger à qui l’on dénie jusqu’à la communautédes attributs généraux de l’espèce ou de l’humanité. Le rapport avec eux devient un non rapport, onne peut pas avoir de rapport avec cet autre. Ce n'est pas un processus automatique, c'est quelquechose qui se construit socialement dans des contextes sociaux particuliers.Il existe plusieurs types de racisme:•Racisme auto-référentiel: supériorité du raciste (comme le nazisme). Cela implique del'exclusion pour mettre l'autre à l'écart voire à des entreprises d'extermination dans le but depurifier le groupe. Ça devient assez rare.Racisme hétéro-référentiel: infériorité des autres mais nous ne sommes pas supérieurs. Onretrouve ce racisme dans l'idée de l'universalité de l'homme qui est né dans le siècle deslumières. Chaque personne ne se considère pas comme le membre essentiel d'unecollectivité, mais comme des individus uniques, citoyens du droit de l'autre. Mais ce citoyenrencontre des problèmes quand il rencontre d'autres moins universels que lui, qui sont prisdans la religion et qui ne veulent pas se mélanger avec l'universel. Ça ne mène pas à desgénocides mais on peut dénier certains droits et légitimer des procédés d'exploitation. Doncon a le droit de les oppresser et les exploiter.•5.4 La délégitimation: théorie de Oren et Bar-Tal (2005)Délégitimer consiste à opérer une catégorisation excluant un groupe de la sphère où les groupeshumains sont tenus pour agir selon des normes et/ou des valeurs acceptables, et le construisantcomme violant les principes fondamentaux sur lesquels repose l’humanité. Les valeurs du groupecontribue à définir ce que c'est l'humain donc les autres ne méritent pas de participer à la mêmehumanité que nous.On applique aux autres des traits négatifs, on les exclut, on utilise des étiquettes politiquesnégatives, on fait des comparaisons intergroupes, etc.Déshumanisation: assimilation de l'autre soit à des catégories infra-humaines (animaux, sauvages,etc.) soit à des catégories surhumaines négatives (démons, monstres, etc.)34

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Exemples récents: George Bush Ben Laden, Obama...: on transforme la personne en animal.5.5 Edward Saïd, intellectuel palestinien: L’orientalisme (1978)"L’Orient n’est pas seulement le voisin immédiat de l’Europe, il est aussi la région où l’Europe acréé les plus vastes, les plus riches et les plus anciennes de ses colonies, la source de sescivilisations et de ses langues, il est son rival culturel et lui fournit l’une des images de l’Autre quis’impriment le plus profondément en elle. De plus, l’Orient a permis de définir l’Europe (oul’Occident) par contraste: son idée, son image, sa personnalité, son expérience. La cultureeuropéenne s’est renforcée et a précisé son identité en se démarquant d’un Orient qu’elle prenaitcomme une forme d’elle-même inférieure et refoulée."L'origine de l'orientalisme sont les savants, les poètes, le sens commun."L’orientalisme repose sur l’extériorité, c’est-à-dire sur ce que l’orientaliste, poète ou érudit, faitparler l’Orient, le décrit, éclaire ses mystères pour l’Occident."Les habitants des contrées étudiées (jamais définie précisément) sont réduits à des "ombresmuettes", à des "types". C'est toujours un occidental qui décrit l'orient sans donner la parole auxorientaux. Karl Marx: "Ils ne peuvent se représenter eux-mêmes; ils doivent être représentés."L’orientalisme n'a pas de réciprocité, parle-t-on d'occidentalisme en orient?Le pouvoir de l’Occident sur l’Orient est non seulement physique, militaire, économique, maisaussi représentatif. L'occident représente l'orient à sa place. Il se donne le pouvoir de nommer,décrire, catégoriser. "L’orientalisme a plus de valeur en tant que signe de la puissance européenneet atlantique sur l’Orient qu’en tant que discours véridique sur celui-ci.""Les représentations ont des fins". On représente toujours dans le but de faire quelque chose.On a une oppositions entre les caractéristiques de l'occident et de l'orient.5.6 Typologie des relations à autruiTzvetan Todorov (1982), la conquête de l’Amérique: la question de l’autre. Trois axes permettraientde qualifier les différents types de relations à l'autre:••Plan axiologique: jugement de valeur. L’autre est bon ou mauvais, égal ou inférieur. Il a desattitudes différentes.Plan praxéologique: action de rapprochement ou d’éloignement par rapport à l’autre. Ilexiste trois possibilité: soumission à l’autre (j’adopte ses valeurs, je m’identifie à lui),soumission de l’autre (je l’assimile à moi, lui impose mon image) ou neutralité ouindifférence.Plan épistémique: je connais ou j’ignore l’identité de l’autre. Est-ce qu'on est curieux del'autre?•Ces trois axes sont indépendants. On peut donc les combiner pour donner des typologies différentes.«Conquérir, aimer et connaître sont des comportements autonomes et, en quelque sorte,élémentaires»Cette typologie est appliquée à différentes personnes:Christophe Colomb n’aime pas, ne s’identifie pas et ne connaît pas les Indiens. Il les décrit defaçon intéressante pour pouvoir avoir le financement d'autres expéditions. Les indiens lui sontindifférents, il veut découvrir des territoires.35

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Hernan Cortès veut comprendre, prendre et détruire. Il conquiert l’empire Aztèque de Moctezumaà la tête de quelques centaines d’hommes. Il connaît, mais il n’aime pas et veut imposer sa culture.Il rassemble des informations précises sur les cultures indiennes mais il ne les aime pas du tout, ilveut imposer sa culture et les soumettre pour des raisons économique (esclavage). Il a exploité descroyances indiennes pour pouvoir conquérir militairement ce peuple là. On peut essayer deconnaitre un autre peuple mais pas le respecter.Bartolomé de Las Casas les aime, mais ne les connaît pas et vise l’assimilation. C'est l'abbé quidéfend les indiens dans le film, il crée des dispensaires pour soigner les indiens, il les protège. Il nerespecte pas leur culture, il veut les assimiler au christianisme.L'autre est parfois ramené au même, les autres et soi, c'est la même chose, on les assimile, ons'attend à ce qu'ils respectent les mêmes valeurs que nous. Il peut être construit comme un autreradicalement différent. L'autre peut aussi être l'envers du nous, tout ce qui est bon chez nous estconsidéré comme étant inverse chez l'autre.5.7 DéfiLe défi consiste à reconnaître la différence sans hiérarchiser: l'Autre est différent, mais pasinférieur. Il est aussi de reconnaître l’Autre en tant qu’interlocuteur d’égale valeur dans le jeudémocratique. Au niveau politique, il faut reconnaitre que l'autre puisse prendre la parole même s'iln'a pas les mêmes idées que la majorité.6 La comparaison interculturelle des valeursExtrait d'un film: Fish and Chips: George Khan, que ses enfants surnomment “Gengis”, estpakistanais et fier de l'être. Propriétaire d'un fish and chips, petit restaurant où il trime sans relâche,il élève ses sept enfants d'une poigne de fer et veut faire d'eux de bons petits Pakistanais. Mais noussommes à Salford, dans le nord de l'Angleterre, en 1971. Et même si Ella, l'épouse anglaise deGeorge, s'efforce d'aimer et de respecter son tyran domestique de mari, elle souhaite au moinsautant contribuer au bonheur de ses enfants. Tiraillés entre la mode des pantalons à pattes d'éléphantet les mariages arrangés par leur père, ceux-ci n'aspirent qu'à devenir tout simplement des citoyensbritanniques de leur temps: hip, cool et sexy.Qui a la parole dans le film? Les deux femmes mais pas de la même façon. Le fauteuil permet demettre le père en avant, les deux hommes ont un statut supérieur. La voisine ne respecte absolumentpas les règles. Les futurs époux ne parlent pas: les filles n'ont pas le droit de parler, les garçons sontstupéfaits et ne veulent pas contrarier leur père. La tenue vestimentaire des femmes est importantedans le respect de la tradition. Jusqu'à quel point, on peut s'en écarter surtout dans unenvironnement non pakistanais? La mère ignore totalement certaines coutumes puisqu'elle parle dela circoncision de son fils alors qu'elle ne devrait pas en parler en publique. Elle formalise sesdemandes ce qui n'est pas ordinaire dans la famille. On voit des différences très clairs de genre dansl'arrangement des chambres aussi, la fille a droit à un lit seul. La sculpture post-moderne montre ladifférence à l'intérieur de la culture, la mère ne comprend pas.Autre exemple: les petites annoncesSan Francisco Chronicle: Homme blanc célibataire de 28 ans, beau, artistique, ambitieux cherchejeune femme blanche attractive entre 24 et 29 ans pour amitié, romance ou relation permanente.Jeune fille blanche célibataire très attractive et indépendante de 29 ans, qui aime le resto, le théâtre,le jardinage et les soirées à la maison cherche un homme blanc célibataire entre 28 et 34 ans avecdes intérêts similaires.36

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Indian Tribune: journal pour un lectorat indien de la même région: Des parents de la région deGujarati, de religion Vaishnav cherche un jeune homme Gujarati qui n'a jamais été marié et quipossède la carte verte américaine pour leur fille de 29 ans, belle, qui suit des études supérieurs etpossède la carte verte.Famille de Gujarati, de la caste Brahmin cherche un correspondant de la même culture pour unebelle fille de 29 ans, le jeune homme doit être beau et avoir une bonne situation.Quelle est la différence entre les deux types d'annonces? Dans le journal indien, c'est la famille quicherche alors que chez les américains, ce sont les individus eux-même. On ne parle pas d'intérêtsdans la famille indienne, ni de trait de personnalité. On parle de la position sociale parmi la sociétéindienne (religion, région, caste) et la situation dans la société américaine. C'est plus psychologisantchez les américains blancs.6.1 Les valeurs (Segall et al.,1999)Les valeurs sont des préceptes généraux d'une société entière. On s'en sert pour savoir ce qu'on doitfaire et pour voir si les autres les respectent, ce sont des règles de conduite. Elles ont des référencesmorales et éthiques et sont liées aux croyances, attitudes et comportements. Ce sont des conceptsabstraits: liberté, égalité mais elles sont utilisées pour évaluer des comportements spécifiques etdonc dans le monde concret. Les valeurs sont importantes dans ce qu'il est bon d'essayer d'atteindre.Elles définissent les objectifs à atteindre et les comportements jugés appropriés pour les atteindre.Elles sont investies émotionnellement et ça se manifeste quand on les transgresse. Si la piété filialeest une valeur culturelle (Chine), on s'attend à ce que les membres de cette culture se soucientprofondément de leurs parents. C'est un des thèmes principaux de la psychologie culturellecomparative.6.2 Geert HofstedeIl est un des père de la psychologie interculturelle comparative en ce qui concerne les valeurs.Livre: Vivre dans un monde multiculturel: comprendre nos programmations mentales (1994). On vaprendre une perspective critique par rapport à sa théorie, son modèle car dans cette théorie, onsemble surévaluer la culture.Pour lui, la culture serait une sorte de programmation mentale. On fait une analogie entre le cerveauet un ordinateur. Le hardware est le cerveau et le software serait tout ce qui vient de notre culture.Donc pour lui, la culture c'est une programmation collective de l'esprit qui distingue les membresd'un groupe par rapport à un autre groupe. Cette vision est problématique. Sa représentation del'homme est très passive, très déterministe. Or, les personnes sont des sujets et interprètent leurenvironnement. Il y a des influences culturelles, on est influencé par une culture, ce qui est différentde dire qu'on est programmé par une culture, on peut négocier son rapport avec la culture.C'est une théorie qui a vu le jour dans le cadre d'une entreprise et qui doit être implémentée dans lecadre de la gestion des entreprises. «La culture est plus souvent une source de conflit que desynergie. Les différences culturelles sont au mieux une nuisance, et souvent un désastre.» Cettephrase se trouve sur le site internet de Hofstede. C'est un constat négatif, ça risque d'être couteuxpour l'entreprise. C'est un site qui vend des formations à la diversité dans l'entreprise donc c'estaussi du marketing. C'est une manière d'attirer le lecteur, on se situe donc entre le domainescientifique et le domaine commerciale.Par exemple, comment conclure un marché? Il y a une différence entre l'ouest et le moyen orient.En Occident, on négocie, on trouve un accord, et on se serre la main. Les négociations sontterminées et on peut commencer à travailler ensemble. Au Moyen Orient, on négocie, on trouve un37

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accord, on se serre la main. Ensuite, on peut commencer à négocier sérieusement. Il y a donc unenécessité de tenir compte des différences culturelles.Théoriquement, les sociétés humaines font face aux mêmes problèmes mais les solutions trouvéessont différentes ce qui a donné lieu à des cultures différentes. Il se base sur les travaux de Ikeles etLevinson (1954) pour diviser en trois catégories les problèmes fondamentaux: le rapport avecl'autorité, la représentation de soi (comment les personnes se représentent elles-mêmes, la relationentre soi-même et la société, est-ce qu'on se considère libre et autonome, qu'est-ce que ça signified'être une femme), la gestion des conflits (maîtrise des émotions et expression des sentiments).Les résultats de son étude paraissent en 1980: les différentes cultures impliquent des différencesdans les valeurs relatives au travail. C'est une large étude sur la manière dont les valeurs et lescomportements sur les lieux de travail sont influencés par la culture. De 1967 à 1973, il étaitpsychologue chez IBM. Il a recueilli et analysé des données de plus de 100000 personnes provenantde 50 pays. Il a passé son questionnaire dans toutes les succursales IBM à travers le monde. Il a faitd'autres études aussi, cette quantité de personne est exceptionnelle. Il a interrogé des salariésoccupant des postes similaires dans des pays différents. Les autres études ont concernés des pilotesde lignes, des étudiants (23 pays), des fonctionnaires (14 pays), des consommateurs (15 pays)...De ces études, il fait ressortir quatre dimensions primaires différenciant les cultures: la distancehiérarchique, l'individualisme/collectivisme, la masculinité/féminité et le contrôle de l'incertitude.6.2.1Distance hiérarchiques«Stockholm, 13 décembre 1988, le roi de Suède Carl Gustav a été considérablement retardé dansses achats de Noël pour ses enfants: un vendeur a refusé son chèque car il ne pouvait fournir depièce d’identité. Le vendeur n’a fini par céder que grâce à l’intervention d’autres clients qui ontsorti de leurs poches des pièces d’une couronne à l’effigie du roi. Le vendeur a cependant vérifiél’authenticité du chèque et noté scrupuleusement le nom et l’adresse de l’émetteur».Ça montre que le vendeur traite le roi comme n'importe quel client. Donc ce serait un pays à faibledistance hiérarchique. C'est la mesure du degré d'acceptation par ceux qui ont le moins de pouvoirdans les institutions ou les organisations d'un pays d'une répartition inégale du pouvoir. C'est aussile degré d'égalité ou d'inégalité entre les membres d'une société.Comment il a mesuré la dimension? Il a posé trois types de questions.•••Là où vous travaillez, le personnel craint-il souvent d’exprimer son désaccord avec sessupérieurs?Description du style de direction du patron (autocrate, paternaliste, consultatif)Type d’attitude d’encadrement qu’ils préfèrentPour mesurer ces trois dimensions, il utilise beaucoup d'items avec des échelles à 5 ou 7 niveauxainsi qu'une analyse factorielle, les trois dimensions sont fortement corrélées.38

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Distance hiérarchique élevéeInégalités de pouvoir et de richesse.Peu de mobilité sociale: les classes socialessont très contrastées comme dans le systèmede castes.Forte dépendance aux supérieurs ou contre-dépendance (se mettre en conflit mais çan'égalise pas les personnes).Distance hiérarchique faibleInégalités de pouvoir et de richesse réduites.Insiste sur l'égalité sociale. Interdépendance: les gens ne sont pas supérieurs mais ça fonctionne mieux si certains prennent la direction de certaines tâches, le but est la collaboration. Les subordonnés sont donc consultés.Distance émotionnelle élevée.Distance émotionnelle faible: on peut aborder des sujets personnelles avec ses supérieurs.Il classe ensuite les pays par indices de distance hiérarchique pour 50 pays et 3 régions. EnBelgique, la distance hiérarchique est assez forte. Ce classement est contestable mais il est toujoursutilisé.6.2.1.1IDH élevéDistance hiérarchique dans la familleIDH faibleEnfants considérés comme des égaux.On encourage les expériences.On demande beaucoup d'autonomie, de sedébrouiller tout seul. Les relations sont plusfroides, l'enfant est plus facilement détaché desparents.Relation égalitaires à l'âge adulte.Obéissance aux parents: hiérarchie dans lafratrie.Respect inconditionnel.Tendresse et attention, mais dépendance. Lafamille est chaleureuse mais il y a peud'autonomie.Déférence pour ses parents même à l’âge adulte.6.2.1.2Distance hiérarchique dans l'entrepriseSi le statut est modeste et le niveau d'étude bas (manœuvres, ouvriers spécialisés), la distancehiérarchique est élevée. Si le statut est élevé et le niveau d'études élevé (cadres), alors on a unedistance hiérarchique faible. Les écarts entre statuts sont plus importants dans les pays à distancehiérarchique faible.6.2.1.3DH et relations à l'étatDans ces sociétés [IDH élevé], les puissants ont droit à des privilèges et on s’attend à ce qu’ilsutilisent leur pouvoir pour accroître leurs richesses. Leur statut est rehaussé par un comportementsymbolique qui les fait paraître aussi puissants que possible. Leurs principales sources de pouvoirsont leur famille et leurs amis, leur charisme et/ou leur capacité à utiliser la force; cette dernièreexplique la fréquence des dictatures militaires dans les pays à fort IDH. (…) Si cela va vraimenttrop mal, la seule façon de modifier le système consiste à remplacer les gens en place en recourant àla révolution. La plupart de ces révolutions échouent, même sous une réussite apparente, puisque lesnouveaux maîtres finissent par rééditer les comportements de leurs prédécesseurs, soutenus en celapar les valeurs dominantes vis-à-vis de l’inégalité.Dans les pays à faible IDH, le sentiment général est que l’usage du pouvoir doit être légitimé etsoumis au jugement entre le bien et le mal. L’inégalité n’est pas souhaitable; bien qu’inévitable, elledoit être réduite par des moyens politiques. (…) Il n’est pas nécessaire que pouvoir, richesse etprestige aillent de pair, au contraire. Les symboles de prestige sont suspects et les leaders peuvent39

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voir leur prestige augmenter s’ils renoncent à certains attributs du pouvoir. C’est l’exemple duministre qui se rend à son bureau en autobus. L’origine du pouvoir tient à la position officielle decelui qui le détient, à la compétence qu’on lui prête et à sa capacité à donner des récompenses. (…)Les révolutions sont impopulaires. (…) La vie politique est rarement violente. Les pays à faibleIDH ont le plus souvent des gouvernements pluralistes et peuvent passer de façon pacifique d’unparti ou d’une coalition à l’autre selon le résultat d’élections démocratiques.Ces interprétations montrent une polarisation très forte entre le bien et le mal. On explique desdifférences politiques à travers des différences culturelles. La culture détermine le cadre politiqued'un pays, c'est stable et déterministe. Les explications ne devraient pas être uniquementculturalistes. Il n'a pas fait d'étude sur la politique des pays. Hofstede se permet de porter desjugements qui dépassent de loin ce que ses données lui permettent d’avancer.6.2.1.4Origine de la distance hiérarchiqueIl essaie de comprendre l'origine des différences entre distance hiérarchique. Il remarque desdifférences entre les langues et les civilisations. Les pays de langue romane ont un IDH fort tandisque les pays de langue germaniques ont un IDH faible. Ce serait du à l'influence de l'empireRomain.La latitude serait aussi un indice de distance hiérarchique. Plus un pays est éloigné de l’équateur,plus l’IDH est faible. Ce serait du à la lutte contre la nature plutôt que contre les autres hommes.La taille de la population joue un rôle aussi. Plus elle est grande, plus on a besoin de centralisation,d'autorité et donc de distance hiérarchique.Un autre facteur important est la richesse (PIB), plus le pays est riche, plus il est égalitaire et doncplus il a un IDH faible. Ce serait du à l'agriculture qui est moins traditionnelle, à la technologie, àl'urbanisation, à la mobilité sociale, au système d'éducation et à l'existence de classe moyenne.Pour Hofstede, l'indice de distance hiérarchique est donc un produit de la modernité.6.2.2Individualisme - CollectivismeL’individualisme caractérise les sociétés dans lesquelles les liens entre les personnes sont lâches,chacun doit se prendre en charge, ainsi que ses parents les plus proches. Les individus ne doiventpas dépendre des autres.Le collectivisme caractérise les sociétés dans lesquelles les personnes sont intégrées, dès leurnaissance, dans des groupes forts et soudés qui continuent de les protéger tout au long de leur vie,en échange d’une loyauté indéfectible6.2.2.1IndividualismeQuestionsCollectivismeFormation: avoir des possibilités d'apprendre oude se perfectionner.Temps pour soi: avoir un travail qui laissesuffisamment de temps pour la vie personnelle etfamiliale.Liberté: avoir une très grande liberté pourpouvoir organiser son travail comme on l’entend.Challenge: avoir un travail stimulant, qui donnele sentiment de se réaliser, remporter des défis. Conditions de travail: bonnes conditions matérielles. Utilisation des capacités: avoir la possibilité d'utiliser pleinement ses aptitudes et ses capacités.Pour le collectivisme, on ne voit pas le rapport entre les questions et le collectivisme. Quand on40

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demande ce qui se trouve dans la colonne de gauche, c'est que les demandes de la colonne de droitesont déjà satisfaites (pyramide des besoins). Les besoins exprimés par la colonne de droite sont plusprimordiaux. On a donc plutôt le reflet des conditions matérielles de travail plutôt qu'une relationavec la vie de tous les jours.La Belgique se trouve dans les pays les plus individualistes.6.2.2.2Individualisme et relations familialesCollectivismeFamille élargie.Contacts sociaux fréquents.On évite l'affrontement: vous avez peut-être raison.L'important est de ne pas heurter l'autre. On ne doitpas exprimer ces émotions.Exemple de la parabole.Partage des ressources mais le contexteéconomique est différent.Honte: émotion qui touche l'identité de la personnecar on a l'impression d'être mauvais parce qu'on amal agit ou que quelqu'un de notre groupe a malagit. On peut se sentir honteux pour les autresmembres de la famille. Honte aussi si un ancêtre acommis une erreur. Ce sont des émotions quiservent de contrôle social. Pour qu'on rentre dans lerang, on peut nous faire sentir honteux.Obligations rituelles: film du début du cours.IndividualismeFamille nucléaire.Solitude: dormir seul.On dit ce qu’on pense. On doit savoir dire non.on doit donner l'impression d'être sincère. Sion nous soupçonne d'hypocrisie, il n'y a riende pire.Valorisation des opinions personnelles.Indépendance matérielle: on ne doit pasdépendre des autres.Culpabilité: porte sur le fait qu'on se focalisesur un comportement qu'on a commis, ce qu'ona fait.Peu d’obligations.Exemple: parabole: «Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit ‘Mon enfant,va travailler aujourd’hui à ma vigne.’ Il répondit ‘Je ne veux pas’. Mais ensuite, s’étant repenti, il yalla. Abordant le second, le père lui dit la même chose. Celui-ci répondit: ‘Oui, Seigneur’ et n’y allapas. Lequel des deux a fait la volonté du père?»Réponse biblique: le premier. Les Indonésiens répondent le second car il n’a pas contredit le père, lerespect de l’harmonie est formelle. L'important est de ne pas contredire son père.6.2.2.3Individualisme et communicationEdward Hall (1976): Dans une communication à contexte fort, l’essentiel de l’information setrouve dans l’environnement physique ou dans les relations entre personnes. La partie explicite dumessage importe peu. Par exemple dans la visite de famille à Java, on vient sans s’annoncer et onreste ensemble en parlant peu. Dans le film, au début de la conversation, il ne se passe rien,l'important est de se rencontrer et de se trouver dans la bonne position, ce qui se dit est peuimportant.Dans la communication à contexte faible, l'essentiel de l'information est contenue dans le messageexplicite. Ce qui est dit est important, on fait moins attention au rituel, aux règles de bienseillance.La face: «Une personne perd la face quand, du fait d’un acte personnel ou accompli par un proche,elle manque aux devoirs essentiels exigés d’elle par sa situation sociale». En Chine, il existe dessauveur de face. En thérapie familiale, il ne faut jamais aborder la dispute qui a amené à la41

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consultation. Dans les sociétés individualistes, on voit l'attachement au respect de soi.6.2.2.4Individualisme dans l'enseignementDans les cultures collectivistes, les enfants prennent difficilement la parole quand la questions’adresse au groupe. Il est difficile de s’exprimer sans l’assentiment du groupe, l'enseignant doits’adresser à un élève particulier. Il y a une forte distance hiérarchique avec l’enseignant. Il ne fautpas faire perdre la face. On peut invoquer l’honneur du groupe pour le contrôler. «Les membres dugroupe se chargeront eux-mêmes de ramener leur camarade dans le droit chemin».6.2.2.5Individualisme au travailPour l'individualisme, le salarié est une personne individuelle avec ses propres besoins(psychologiques et économiques). La relation patron-salarié se base sur un contrat, c'est unetransaction commerciale. Une mauvaise performance implique une perte d'emploi.Pour le collectivisme, le salarié est quelqu’un qui appartient à un groupe, et qui veille aux intérêtsde ce groupe. Les entreprises sont des groupes familiaux et ethniques, elles veillent aux intérêts dugroupe. On voit des réseaux familiaux à l'intérieur des entreprises. Le recrutement se fait via lafamille de l'employeur puis celle des salariés, la famille corrigera les comportements déviants. Larelation patron-salarié est la même qu'une relation familiale. On ne renvoie pas son enfant.Étude de Earley (1989):•••48 stagiaires en management de Chine du Sud, 48 américains40 activités (rédiger une note, évaluer un projet …)Chaque groupe est divisé en deux. Une partie doit traiter 200 rubriques en 1 h, en équipe de10 et l'autre doit traiter 20 rubriques en 1 h, seuls. Les réponses sont soit signées, soitanonymes.Résultats: les Chinois ont de meilleurs résultats en groupe et de façon anonymes alors queles Américains ont de meilleurs résultats dans exercices individuels et personnalisés.•Pour l'universalisme, chacun doit être traité sur un pied d’égalité, faire bénéficier un client d’untraitement de faveur est non éthique.Pour le collectivisme, le groupe d’appartenance prime, traiter un ami mieux que les autres estéthique. Il faut instaurer une relation de confiance pour être admis dans le groupe et bénéficier alorsd’un traitement de faveur. On traite avec la personne plutôt qu’avec l’entreprise.«Dans une société collectiviste, la relation personnelle l’emporte sur l’affaire à traiter et doit êtreétablie prioritairement; dans la société individualiste, l’affaire est censée l’emporter sur toutes lesrelations personnelles».6.2.2.6Les origines de l'individualismeLes origines sont les même que pour la distance hiérarchique: latitude, taille de la population,richesse.Historiquement, ce serait l'influence de l’empire romain en Europe, du confucianisme en Asie, descaractéristiques des fondateurs des USA, etc.42

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6.2.3Masculinité / féminité (MAS)A quel point la société renforce ou pas les modèles traditionnels (qui correspondent aux stéréotypeshommes/femmes) de différenciation des rôles?••Traits masculins: assurés, compétitifs et durs (travail à l'extérieur pour ramener des biens aufoyer)Traits féminins: modestes, coopératives et tendres (à l'intérieur du foyer)Dans les pays masculins, il y a une forte différenciation des genres. Les hommes sont très masculinset les femmes très féminines. Les mâles dominent et les femmes sont dominées.Dans les pays féminins, il y a peu de différenciation. On tolère par exemple qu'un homme montreses émotions et qu'une femme soit autoritaire. Il y a une tendance à l’égalité des hommes et desfemmes.6.2.3.1Pôle masculinRémunération.Être reconnu.Avancement.Challenge.QuestionsPôle fémininHiérarchie: bonnes relations de travail avec son patron direct.Coopération.Cadre de vie: environnement agréable.Sécurité de l'emploi.Qu'est-ce qui est important pour vous?Ça ne saute pas aux yeux que ces valeurs correspondent à des pays féminins ou masculins.C'est la seule dimension qui différencie systématiquement les hommes et les femmes.Dans le classement, la Belgique se situe à peu près au milieu mais du côté des pays masculins. Lepays le plus masculin est le Japon et le pays le plus féminin est la Suède.6.2.3.2Exemple: entretien d'embaucheAu pays bas, qui est un pays de culture féminine, le CV est court et modeste. Il contient uniquementles informations pertinentes. Aux USA, pays de culture masculine, on essaie d'en mettre plein lavue, le CV est long et plein de superlatifs. On peut donc avoir des malentendus si les cultures secroisent: un recruteur américain face à un CV hollandais pensera qu'il a à faire avec un pauvre typealors qu'un recruteur hollandais face à un CV américain pensera: quel vantard!Il y a une mutation des valeurs quand on passe d'un système matérialiste à un système post-matérialiste. Avant, on voulait plus de richesse et donc faire une carrière pour acquérir des choses.Maintenant, on a envie de découvrir le monde.43

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6.2.4Contrôle de l’incertitude (ICI)«Ce qui frappe le voyageur étranger en Allemagne c'est l'importance accordée par ce peuple à lanotion de ponctualité... Dans un compartiment, les conversations ne s'engagent pas à propos dutemps qu'il fait mais de la ponctualité du train. Sur les grandes lignes, un document appelé leZugbegleiter est distribué dans tous les compartiments; il donne la liste de tous les arrêts avecl'heure d'arrivée et l'heure de départ, et toutes les correspondances possibles sur le trajet. C'estpresque un sport national de se ruer sur le Zugbegleiter à chaque arrivée dans une gare et de vérifiermontre en main la progression du train. Quand un train a du retard, ce qui arrive, les haut-parleursdiffusent une annonce dont le ton hésite entre le stoïque et le tragique. Ce qui peut arriver de pire,c'est le retard de durée indéterminée (unbestimmte Verspatung): le ton devient alors celui del'oraison funèbre.» (Lawrence, 1980)44

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6.2.4.1QuestionsVous sentez-vous souvent tendu ou nerveux pendant votre travail?Les règlements d’une entreprise ne doivent pas être enfreints, même si l’employé estime que c’estdans l’intérêt de l’entreprise?Combien de temps pensez-vous continuer à travailler chez IBM?On calcule les moyennes par pays. Si une majorité de personnes est stressée au travail, la majoritédes gens souhaite que l’on respecte les règlements et apprécie la stabilité de l’emploi. On ne tientpas compte des corrélations individuelles. On mesure le niveau d’anxiété, le niveau de sécuritéattendu pour ma population.Le contrôle de l’incertitude (ICI) c'est le niveau de tolérance envers l’incertitude et l’ambiguïtédans une société. Lorsque le contrôle de l’incertitude est haut, les gens ont une faible tolérance pour45

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l’incertitude, la société est orientée vers les règlements: lois, règles, contrôles. Il est important queles gens se comportent comme ils sont sensés le faire. Lorsque le contrôle de l’incertitude est faible,les gens se font moins de soucis à propos de l’incertitude, il y a moins de règles, on accepte lechangement et la prise de risque. La prise de risque est importante pour les capitalistes car il fautpouvoir investir des capitaux, cela donne des pays très libéraux.La Belgique se trouve en cinquième position avec les pays latins avec un un contrôle de l'incertitudeélevé. Le premier est la Grèce et le dernier Singapour.6.2.5Indice du contrôle de l'incertitude et MasculinitéSi l’on croise les scores ICI et MAS, on peut prédire les motivations dominantes dans les différentescultures.••••Faible ICI et culture masculine: besoin de réussite et d’estime (ex: USA)Faible ICI et culture féminine: besoin de réussite et d’appartenance (ex.: Suède)Fort ICI et culture masculine: besoin de sécurité et d’estime (ex.: Japon, Allemagne)Fort ICI et culture féminine: besoin de sécurité et d’appartenance (ex.: France)6.3 Évolution récente de l'individualisme / collectivismeLa théorie de Hofstede a été beaucoup critiquée et on a pris un peu de distance vis à vis d'elle. Lapartie la plus retenue est celle de la différence entre individualisme et collectivisme.L'individualisme/collectivisme est donc la principale dimension retenue pour comparer les cultures.Harry C. Triandis (1995) a critiqué la méthodologie de Hofstede et il propose un outilméthodologique plus ciblé. Il propose une théorie modifiée.L'individualisme et le collectivisme ne sont pas les deux pôles d’une même dimension. Ce sontdeux dimensions indépendantes. L’individualisme s’oppose à l’autoritarisme: l'obéissance àl’autorité, l'approbation de la punition de ceux qui s’écartent des normes, le soutien aux contraintessociales. Il ajoute aussi une autre dimension, la relation au pouvoir qu'il propose de croiser avecl'individualisme et le collectivisme afin d'obtenir une typologie des cultures. Le pôle horizontalreprésente l'égalité des statuts à l'intérieur des groupes, alors que le pôle vertical exprime un rapporthiérarchique.6.3.1Typologie I-C / H-VIndividualisme horizontal: Les gens veulent être uniques et distincts, mais égaux et sans statutsdifférenciés (ex.: Suède)Individualisme vertical: Les gens veulent se différencier d’autrui en fonction de leur statut,compétition (USA)Collectivisme horizontal: Les gens se perçoivent comme similaires, soulignent les buts communs,mais peu de liberté individuelle (Kibboutz, communisme). On est égaux mais pas libres. Lacommunauté existe plus que l'individu.Collectivisme vertical: Intégrité de l’endogroupe, sacrifice des intérêts personnels et soumission àl’autorité: ni libres, ni égaux (fascisme)La classification des pays n'est pas figée. Par exemple, le Japon traditionnel (collectivisme vertical)passe au Japon moderne (collectivisme horizontal).46

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6.3.2Variations intra-culturellesDe plus, contrairement à l'hypothèse de Hofstede, les gens sont différents à l'intérieur d'une culture,ils n'ont pas la même personnalité.Les individus idiocentriques sont ceux dont l'orientation est plus individualiste que la moyennedans leur culture. Les individus allocentriques sont ceux dont l'orientation est plus collectiviste quela moyenne. Il faut donc tenir compte de ces différences.Il y a aussi des changements en fonction des domaines: «Tout être humain est conscient qu’il a desperspectives individualistes et collectivistes». Les perspectives dépendent du domaine: famille,travail, amitié, religion, politique, etc.Il fait passer un questionnaire avec des items où il faut répondre qu'on est plus ou moins d'accordsur une échelle de 1 à 7. En italique, la phrase mesure la dimension contraire. Avec ces questions,on mesure mieux ce que l'on doit mesurer.47

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6.4 Les corrélats de l'individualisme et du collectivisme6.4.1Identité sociale et biais pro-endogroupeLe conflit: le conflit intergroupe (ethnique, linguistique, racial, religieux, nationaliste, etc.) est plusprobable dans les sociétés collectivistes. Les préjugés et la discrimination sera plus grande dans lespays avec collectivisme vertical que individualisme vertical que collectivisme horizontal et queindividualisme horizontal.Le biais pro-endogroupe est plus grand et plus courant chez les collectivistes que chez lesindividualistes. Il y a des études qui le prouvent et d'autres qui vont dans le sens contraire.Al-Zahrani & Kaplowitz (1993): Saoudiens ont plus de biais pro-endogroupe et plus dedénigrement de l’exogroupe que les Américains.Mais l’identification au groupe ne dépend pas des mêmes facteurs: chez les collectivistes, on a uneperception des liens sociaux à l’intérieur du groupe alors que chez les individualistes, on a uneperception de l’homogénéité et du statut du groupe (Yuki, 2007). D'autres recherchent montrent lephénomène inverse. Dans les groupes chez les individualistes, les individus sont considérés commesemblables tandis que chez les collectivistes, le groupe est un réseau très grands, épais et diffus. Lespréjugés, liés à la différence entre les individus sont donc plus grand chez les individualistes.L'identité sociale est plus importante pour les collectivistes. Par exemple dans les réponses au test«Je suis…», on doit donner 10 attributs. Ensuite, on analyse le contenu des attributs, est-ce destraits de caractère ou des appartenances liées à un rôle. Les Occidentaux donnent + ou – 15% deréponses liées aux groupes d’appartenance (je suis chrétien, je suis belge) et les Asiatiques endonnent + ou – 30%. Si on regarde la réponse la plus fréquente, les Illinois ont 0% de réponse liéeau groupe d'appartenance et les Chinois 100%.6.5 Nisbett et Masuda (2003): Américains - AsiatiquesAttribution causale: comment explique-t-on les choses, les évènements? En Occident, lesexplications se font par référence aux propriétés de l’objet. Par contre, en Extrême orient, lesexplications se font à partir de l'interaction entre l’objet et le contexte.Par exemple, concernant l'explications de meurtres (Morris & Peng, 1994) et d’événements sportifs(Lee et al., 1996), les Américains parleront de traits de personnalité ou de capacités individuellesalors que les Chinois trouveront des facteurs contextuels comme la pression sociale, le rôle de lafamille.L’individualiste est censé être responsable de tout ce qui lui arrive. On se félicite de nos réussitesmais on est responsable de ce qui nous arrive.Catégorisation d’objets: On demande de faire une association entre une poule, de l'herbe ou unevache. Pour associer les objets, les Asiatiques tiennent compte des relations et de la ressemblancefamiliale. Ils associeront donc la vache avec l'herbe car la vache mange l'herbe. Par contre, lesAméricains feront de l'appartenance catégorielle basée sur une règle. Ils associeront la poule et lavache car ce sont deux animaux. (Liang-Hwang Chiu, 1972).48

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A quel groupe appartient cet objet?L'argument logique ferrait appartenir l'objet au groupe deux à cause de la tige alors que le contexteest plus ressemblant dans le groupe 1.Les américains d'origine asiatique se trouvent entre les deux.Perception visuelle: Les asiatiques prêtent plus d’attention au contexte, les Occidentaux aux objetssaillants. La dépendance au champ est la difficulté à séparer un objet de son environnement.Lorsqu'on doit dire si une ligne est verticale dans un appareil où elle n'est pas parallèle au cadre, lesasiatiques devraient être plus susceptibles de ressentir cette difficulté et cela se confirme (Ji et al.,2000).Masuda & Nisbett (2001) montrent 2 fois un film de 20 secondes à des participants japonais etaméricains, c'est un film qui montrent des poissons en mouvement dans un aquarium avec unegrenouille, des plantes, un fond vert. La question est: «Qu’avez-vous vu?». Il y a des objets saillants(plus grands, bougent plus vite, plus colorés que les autres) et l'environnement (couleur de l’eau,sol, objets inertes). Les Américains mentionnent plus souvent les objets saillants alors que lesJaponais mentionnent des éléments de l’environnement quasi 2 fois plus que les Américains. Ilsmentionnent deux fois plus de relations (un poisson passe derrière la plante) entre le contexte et lesobjets que les Américains.On peut aussi demander de prendre une photo en portrait. Les Américains feront des plans plusrapprochés tandis que les Japonais prendront plus le contexte.Ce qui est important, c'est le type d'explication. La perception n'est pas la même. Les illusions49

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d'optique changent d'un endroit à l'autre, on y est plus ou moins sensible. Elles dépendent du typed'environnement où on vit soit saturé en verticale comme dans les forêts ou dans les horizontales(en plaine) et cela n'a donc rien à voir avec les valeurs.6.6 Critiques à l’égard des théories sur l'individualisme et le collectivismeEva Green (2005). «L’Autre collectiviste: processus de mise en altérité dans la psychologieinterculturelle»••••Occidentalocentrisme: considérer que la culture individualiste est la meilleure.Négligence des contextes économiques et politiques.Présupposition d’homogénéité culturelle.Manque de preuves et contradictions empiriques.C'est une conceptualisation dichotomique qui mène à une classification implicitement hiérarchiséedes populations nationales en fonction d’un critère psychologique. Ces recherches valorisentimplicitement certain contextes ou traits culturels, et en dévalorisant d'autres.6.6.1OccidentalocentrismeOngel & Smith (1994): analyse des articles publiés dans le Journal of Cross Cultural Psychologyentre 1970 et 1993••••2/3 des études contiennent des comparaisons avec des échantillons Nord-américains.Plus de 70% testent des théories américaines.50% des auteurs sont américains.70% diplômés aux USA.Ces données datent de 1993 mais ça se diversifie récemment. Il y a des cultures complétementabsentes car on n'a pas de données. On compare les USA à l'Asie de l’Est ou à l'Amérique Latine.De plus les outils développés en Occident sont difficilement adaptables.Dans une perspective évolutionniste, on passe de la tradition à la modernité et on l'associe aupassage du collectivisme à l’individualisme qui serait une forme de vie plus adaptée. Lamodernisation serait synonyme d'occidentalisation, de progrès. L'individualiste serait plus adapté.L'ethnocentrisme nous fait croire que la pauvreté et le manque de démocratie sont causés par descaractéristiques psychologiques des habitants de ces pays (voir Staerklé, 2005). Par exemple,Triandis (1994) explique l’épuration ethnique en ex-Yougoslavie par le collectivisme des Serbes,c'est réductionniste et assez dangereux. De plus, il y a une projection en négatif de l’Occident surl’Orient (Saïd, 1980). Nous serions en train de projeter l'inverse de nos valeurs sur les autres.6.6.2Négligence des facteurs économiques et politiquesLes études se centrent sur les caractéristiques psychologiques des populations nationales, sans tenircompte de leurs interactions avec les contextes concrets comme les facteurs historiques (guerres),l'économie (capitalisme, communisme, etc.), le religieux (christianisme, confucianisme), lespolitiques (dictature, démocratie). Ces études auraient besoin d'un peu plus de contextualisation.50

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6.6.3HomogénéisationLa catégorisation au niveau national ne prend pas en compte les milieux de vie concrets et lesdifférences entre individus. Il y a différentes cultures à l'intérieur d'un pays, la nation n'est pas laculture. La nation est une unité politique aux frontières arbitraires (voir Licata, 2003). Dans laplupart des études, on néglige des variations intra-nationales.Par exemple, Marshal (1997) compare les éboueurs et les profs d’université en Nouvelle Zélande eten Indonésie. Les NZ sont plus individualistes que les Indonésiens. Mais l’effet de la classe socialeest plus fort: les profs indonésiens sont plus individualistes; les éboueurs NZ sont pluscollectivistes.Autre exemple, Matsumoto et al. (1996) montre des effets générationnels. Les Japonais âgés ont desattitudes plus collectivistes que les jeunes.6.6.4Manque de preuves empiriquesIl y a une exagération de différences minimes, on donne beaucoup d'importance à des preuvesminimes quand elles vont dans le sens des théories.Les résultats sont contradictoires (Oyserman et al., 2002). Les ressortissants des pays d’AmériqueLatine se montrent parfois plus individualistes que les Nord-Américains. Les Américains sontgénéralement plus individualistes que les Chinois, mais ils ne sont pas moins collectivistes que lesJaponais.Green (2005) a étudié 3029 étudiants de 25 pays, les résultats sont surprenants. Le besoin deréussite personnelle au Mexique, Liban, Pérou et Bolivie est plus grand qu'en Argentine, Espagne etBelgique. L'échantillon est universitaire et dans un pays où il n'y a pas égalité des chances, lesuniversitaires sont beaucoup plus individualistes qu'ailleurs. Il y a du vrai dans ces théories maisc'est une orientation très générale.7 Identité et culture7.1 La notion d’identitéL'identité est multidimensionnelle, elle touche plusieurs domaines de la personne. On peutdistinguer trois types d’identités en étroite interaction: l'identité personnelle, l'identité sociale etl'identité culturelle et/ou ethnique (concept proche de l'identité social).7.2 L’identité personnelle7.2.1Le soiLe concept de Soi est indissociable de la notion d’identité. On peut le définir comme «L’ensembledes idées, croyances ou sentiments que chacun a de lui-même». On peut distinguer troiscomposantes fondamentales du Soi.•••Cognitive: concept de soi = l’ensemble des idées que chacun a sur soi-même.Affective: estime de soi = sentiments découlant d’une activité d’évaluation que chacuneffectue vis-à-vis de soi-même.Comportementale: présentation de soi = aspect de soi-même que l’on présente aux autres.51

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Il faut également distinguer deux points de vue, selon que l’attention se porte sur les aspects de Soiintérieurs ou sur les aspects perceptibles de l’extérieur.••Soi privé: aspects de soi invisibles aux autres (croyances, valeurs).Soi public: aspects de soi visibles aux autres (apparence physique, comportement).7.2.2G. H. Mead: le Soi socialGeorge Herbert Mead analyse les relations entre les individus et la société: «l’esprit, le soi et lasociété».William James déclare que le Soi est constitué du «moi» et du «je». «Le soi a la caractéristiqued’être un objet pour lui-même – ce qui le distingue des autres objets et du corps». Le moi est l'objetde la cognition. C'est l'ensemble des rôles sociaux intériorisés et assumés par l’individu. Le social adonc une influence sur l’identité. Le je est le sujet de la cognition. Il est ce qu’il y a de personneldans la conduite (spontanéité + créativité). «Je me pense» (Je pense à Moi).Le Soi est une interaction dialectique du Moi et du Je. La conscience de soi apparaît dans ledialogue entre le Moi et le Je. Seul le Moi est directement présent à la conscience, le Je n’est saisiqu’après coup car dans le moi, il y a des traces de l'activité du je.La formation du soi s’élabore dans l’interaction avec autrui. Le langage et le jeu vont modéliser leSoi. Le langage va permettre une représentation symbolique de l’autre (il), on peut se représenterquelqu'un qui n'est pas là. Par le jeu, l'enfant va prendre en charge des rôles joués par ses proches(autres significatifs): l'enfant s'invente un "double", un "personnage". Le jeu va lui permettre de seregarder lui-même d’un point de vue extérieur et d'adopter les attitudes des autres à son égard.Lorsqu'il intériorise les règles du jeu, il intègre les normes. Les jeux deviennent de plus en plus"contrôlé", on observe les autres et on intériorise les normes sociales.Les autres significatifs sont les personnes qui ont une influence particulière sur le Soi (parents, amisproches, amoureux, etc.). L’enfant intériorise la perspective des autres sur lui: "The looking-glassSelf" (le Soi en miroir): on a besoin des autres pour savoir qui on est.L'autrui généralisé est la résultante des conduites tenues par les autres à son égard et à l’égard desactivités communes du groupe. «C’est sous la forme de l’autrui généralisé que le processus socialinfluence le comportement des individus qui y sont impliqués et qui y participent, autrement dit quela communauté exerce du contrôle sur la conduite de ses membres individuels; car c’est sous cetteforme que le processus social ou la communauté entre en tant que facteur déterminant dans lapensée de l’individu».La socialisation et l'individualisation sont les deux faces d’un même processus qui constitue le soisocial. «On doit être membre d’une communauté pour être soi». Être un individu unique, c'est aussiêtre membre d'une communauté. On n'est jamais tout seul. Le Soi est l'instance de médiation entrel’individu et les autres (société).7.2.3Le développement de l’identité à l’adolescenceModèle d’Erikson (1968): À l’adolescence, on assiste à une répudiation sélective et uneassimilation des identifications de l’enfance en une nouvelle configuration. On vit une criseidentitaire: on remet en question tout ce qu'on a construit en tant qu'enfant et on "embête" sesparents. Les adolescents remettent en question leur identité pour construire quelque chose qui leurconvient mieux. C'est un processus d’exploration des choix (on s'interroge sur soi-même) etd’engagement (on solidifie la construction identitaire) qui mènent au développement d’un sentimentd’identité sûr.52

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Point de vue interaction individu/société: L’identité dépend du «processus par lequel une société,par l’intermédiaire de sous-sociétés, identifie le jeune individu, le reconnaît comme quelqu’un quiavait à devenir ce qu’il est, et l’étant, est accepté». Les sous-sociétés sont les parties de la sociétéqui sont directement en contact avec le jeune. L'individu trouve une place dans la société. Leprocessus n'aboutit que s'il reçoit l'entérinement de la société. «A son tour, la communauté se sent‘reconnue’ par l’individu qui a le souci de rechercher sa reconnaissance». L'interaction va dans lesdeux sens. L'individu a besoin de son entourage mais la société a besoin de ses membres pour êtrelégitime. Si une société n'est pas capable de reconnaitre ses membres, cette société ne va pas durer.James Marcia définit l’identité comme la structure interne et dynamique des pulsions, deshabiletés, des croyances et des identifications antérieures. À un moment donné de sondéveloppement, l'individu peut se retrouver dans différentes positions par rapport à la constructionde son identité: c'est son statut identitaire. Ce n'est pas le même concept que le stade car on ne doitpas passer par tous les statuts identitaires. Il applique cela à trois domaines: l'orientation sexuelle,les valeurs et les idéaux et la vocation.Si on croise l'engagement (choix identitaire particulière ou pas) et l'exploration (de l'identité), onobtient quatre statuts identitaires.EngagementExplorationOuiOuiAboutieNonMoratoire NonForclose (fermée de l'extérieur)DiffuseIdentité moratoire: étape de transition pendant laquelle l’individu est au milieu de sa recherched'identité, c'est-à-dire qu'il explore activement différentes options en matière de choix professionnel,idéologique ou sexuel.Identité diffuse: l’individu n'a pas ou pas encore fait ses choix, évite de s’engager.Identité mûre ou aboutie: l'individu a fixé ses choix au terme d'un processus de recherche etd'exploration active, voire de crise.Identité forclose (fermée): l’individu a fait ses choix sans véritable crise, en particulier parce qu'ilne fait que reprendre à son compte des choix faits pour lui par son entourage. Par exemple, tel filsde commerçant ou de fermier sera commerçant ou fermier pour reprendre l'exploitation de son père.L'identité professionnelle est ainsi acquise ou héritée.C'est intéressant de voir comment se déroule le processus à travers les valeurs interculturelles.Comment ça se fait chez les membres d'une majorité, d'une minorité, quelle est la marche deliberté?7.3 L’identité socialeC'est l'identité que l'on dérive de nos appartenances catégorielles.La théorie de l’identité sociale: Henri Tajfel et John Turner (1979) ont élaboré une théoriegénérale de l’action collective et des relations intergroupes. Cette théorie est souvent utilisée pourexpliquer les conflits intergroupes, les stéréotypes, les préjugés, la discrimination. Elle est trèsinfluente depuis la fin des 70’.Cette théorie a une double origine épistémologique: le processus cognitif de catégorisation et lathéorie de la comparaison sociale.53

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7.3.1La catégorisationTajfel (1978) explique le processus cognitif de catégorisation. Une catégorie est un ensemble danslequel tous les éléments sont équivalents par rapport à un critère donné. Elle sert à simplifier laperception de l’environnement. En effet, la surabondance d'information nous pousse à utiliser desfiltres. La catégorisation sociale permet de séparer eux/elles et nous. On se catégorise donc soi-même. Quand on fait de la catégorisation, on s'observe soi-même, on fait de l'auto-perception. Lacatégorisation mène à la minimisation des différences intragroupes (les autres se ressemblent tous)et à la maximisation des différences intergroupes (ils sont très différents de nous).Le sujet percevant fait partie des objets à catégoriser donc les autres sont plus semblables entre euxque nous car on peut se différencier par différenciation interpersonnelle à l’intérieur des catégoriesd’appartenance.La catégorisation sociale permet de structurer l’environnement social et de définir l’identité socialede l'individu. Il y a deux aspects, un aspect inductif qui consiste à assigner une personne à unecatégorie à partir de certaines caractéristiques observées et un aspect déductif qui permet, sur basede l’appartenance de la personne à une catégorie, de lui attribuer des caractéristiques de cettecatégorie, ce qui mène à l'utilisation des stéréotypes.7.3.2La comparaison socialeFestinger (1954) explique la théorie de la comparaison sociale. Pourquoi les stéréotypes envers lesautres groupes sont-ils le plus souvent négatifs? Et les stéréotypes envers notre groupe sont positifs?Qu’est-ce qui mène un individu à considérer une proposition comme vraie?Il existe deux types de validation: «Cet objet est solide»Validation: Coup de marteau.Physique.Ressources individuelles.Motivation épistémique: savoir si l’objet estsolide. «Je suis sympathique»Validation: Qu'en pensent les autres?Sociale.Ressources sociales.Motivation épistémique et narcissique: obtenirune représentation positive de soi.On a besoin des autres pour valider nos croyances. On est motivé à avoir une représentation claire etpositive de qui on est. On se compare avec des gens un petit peu inférieurs à nous. On a besoin desavoir qui on est point de vue groupe sociale et d'avoir une image positive de notre groupe.7.3.3Identité, comportement et perception«L’identité sociale est la connaissance individuelle que le sujet a du fait qu’il/elle appartient àcertains groupes sociaux avec, en même temps, les significations émotionnelles et les valeurs queces appartenances de groupe impliquent chez elle/lui» (Tajfel, 1972). Les émotions montrentl'attachement à un groupe, est-ce qu'on trouve notre appartenance à ce groupe importante ou pas?Est-ce que le groupe est valorisé ou pas dans le contexte social?Le concept de soi comprend les identités sociales, on peut se sentir très individuel dans unesituation et très membre d'un groupe dans une autre. De la même façon, la perception de l'autre vade l'individu au membre d'un groupe en fonction de la façon dont on se représente. Notrecomportement va aussi varier entre un comportement en tant qu'individu et un comportement entant que membre d'un groupe.Le passage entre la saillance de l’identité individuelle et la saillance d’une identité sociale dépend54

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du contexte social. On fait partie de plusieurs catégories différentes. De même, c’est le contextesocial (par comparaison) qui détermine quelle catégorie d’appartenance sera saillante.Une motivation épistémique nous pousse à avoir une définition cohérente de soi en tant quemembre d’un groupe (catégorisation sociale). On veut savoir qui on est. Une motivation narcissiquenous pousse à augmenter ou maintenir l’estime de soi collective par comparaison intergroupe surdes dimensions de comparaison qui nous paraissent importantes.Le but est d'acquérir ou maintenir une estime de soi collective positive. Dans certains cas, certainespersonnes ne perçoivent pas cela. Si on nous renvoie une image négative, ça va blesser l'estime desoi personnelle. Si on est membre d'une catégorie victime de préjugés c'est douloureux pour lesindividus qui en font partie. Cette souffrance va motiver à trouver une solution.7.3.4 Le lien entre l'identité sociale, la mobilité individuelle et lechangement collectifComment faire face à une identité sociale négative quand on appartient à des groupes minoritaires,dominés, stigmatisés? Cela dépend de la représentation de la situation intergroupe sur troisdimensions: stabilité et légitimité des inégalités sociales, perméabilité des frontières entre groupes.Est-ce que ça va changer ou pas? Dans les systèmes inégalitaires, il peut y avoir des idéologies quidisent que les inégalités sont légitimes. Est-ce qu'il est possible de passer dans le groupe nondiscriminé? Dans le livre qui se passe en Afrique du sud, au départ on a deux catégories: le bonblanc et le mauvais noir. On ne voit pas comment on pourrait passer d'un groupe à l'autre. À unmoment, le système donne des signes de faiblesse. Le système est en train de pourrir et estconsidéré de plus en plus comme illégitime. La légitimité est mise en doute à l'extérieur comme àl'intérieur. La narratrice est un membre du groupe dominant qui crève de honte parce qu'elle faitpartie d'un groupe illégitimement dominant.Si la situation est perçue comme stable et légitime et les frontières intergroupes sont jugéesperméables, alors les gens adoptent des stratégies individuelles de mobilité sociale.Si la situation est perçue comme instable et illégitime et les frontières sont jugées imperméables,alors les gens se mobilisent collectivement pour un changement social qui passent par lamobilisation du groupe.Dans les stratégies individuelles, la mobilité sociale consiste à quitter son groupe d’appartenance(désidentification) pour rejoindre un groupe plus prestigieux. C'est donc un processus d'assimilationà un autre groupe. La culture d'origine est laissée tombée au profit de celle du groupe dominant.Pour cela, il faut se désidentifier et le groupe doit laisser son membre partir. C'est un pari car si onquitte son groupe, on a intérêt à ce que les portes soient ouvertes de l'autre côté et ce n'est pastoujours le cas. Une autre stratégie individuelle est la comparaison intra-groupe. Elle consiste à secomparer à des membres de l’endogroupe moins biens lotis que soi. Les autres sont encore piresque moi alors ça va.Dans les stratégies de changement social, on assiste à une redéfinition des attributs du groupe,on va revaloriser les dimensions de comparaison vues comme négatives: dialectes régionaux,«Black is beautiful». On assiste aussi à une créativité sociale, on va mettre en avant de nouvellesdimensions de comparaison (par exemple: être moins compétents mais plus sociables que le groupedominant). Enfin, on peut aussi assister à une compétition sociale: un changement parl’affrontement social (symbolique ou physique).7.3.5Stratégies des individus dominés et systèmes de croyancesLe système de croyance (représentations sociales) (et pas la réalité) détermine l’orientation55

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collective ou individuelle d’une personne. Ses représentations dépendent en partie de la réalité maisil y a une place pour le discours. Croire à la mobilité sociale implique la perméabilité des frontièresintergroupes et la possibilité de se désidentifier. Cela ne modifie pas la structure intergroupe. Croireau changement social suppose l’imperméabilité des frontières et un projet partagé au sein du groupedéfavorisé. La compétition sociale peut modifier la structure intergroupe ce que ne peut pas faire lamobilité individuelle. C'est une théorie qu'on peut remettre en question pour en comprendre lessubtilités mais elle permet de comprendre les minorités.7.4 Identité, affirmation et reconnaissanceXénia Chryssochoou (2003) propose une approche de l'identité qui combine les théories desreprésentation sociales et de l'identité sociale dans une perspective interactionniste. La connaissanceprovient du MOI, l'affirmation du JE et la reconnaissance des AUTRES.Ce modèle distingue trois composantes de l'identité. Celle-ci représente d'une part la connaissanceparticulière de Soi et du monde social du point de vue de celui qui observe, participe, parle, agit.C'est aussi un point de vue particulier sur le monde. Ensuite, l'identité représente les affirmationsqu’il est permis à l’individu de faire sur sa relation avec ce monde: «Je suis…», «Je pense que…».Enfin, l'identité constitue le résultat des négociations que l'individu ou le groupe effectue pour êtrereconnu par les autres. Les aitres peuvent accepter, refuser et dénier l'identité. Le racisme et laxénophobie sont des exemples de dénis de reconnaissance. On répond avec mépris au gens quiexpriment quelque chose. Une reconnaissance fait défaut.L’interaction entre affirmation et reconnaissance nourrit la connaissance de soi, et cetteconnaissance a un impact sur les alternatives d’action (d’affirmation): connaissance, affirmation,reconnaissance (ou connaissance) forment une boucle.Si le groupe n'est pas reconnu, les gens ne sont pas satisfait et on va essayer de s'éloigner de cela.Les personnes doivent retrouver de la reconnaissance ailleurs.7.5 Identité culturelle7.5.1Définition de l'identité culturellePour Tremblay (1983), l'identité culturelle renvoie à l'ensemble des traits et éléments quisingularisent une culture donnée et à la valeur symbolique d'attachement que ces élémentsreprésentent chez ceux qui la constituent. C'est un type particulier d'identité sociale. Être identifié àune culture c'est se référer à un groupe culturelle et développer un attachement à ce groupe.Pour Hall (1996), l'identité culturelle n'est pas figée, elle est hybride et découle toujours decirconstances historiques particulières. Elle n'est pas stable.7.5.2Définition de l'identité ethniqueSouvent, les gens utilisent les mots de manière interchangeable mais il y a une distinction entre lesdeux.Pour Meintel (1993), l'identité ethnique concerne le sentiment des individus d'appartenir à ungroupe auquel leur ancêtre 'réel ou symbolique' appartenait, ainsi que le sentiment du caractèreunique, de l'unité, de l'histoire et du futur partagé d'une communauté. Ce qui est spécifique c'estqu'on met l'accent sur le groupe et pas sur la culture du groupe. Le groupe a une continuité dans letemps, une généalogie. Les frontières intergroupes sont assez rigides. Ce sont des groupes qui ontdes histoires longues.56

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Pour Rotheram et Phinney (1987), l'identité ethnique est le sentiment d'appartenance d'une personneà un groupe ethnique et la part de ses conceptions, perceptions, sentiments et comportements qui estle résultat de cette affiliation.Pour Anthony Smith (1986), les groupes ethnique se définissent par un nom collectif (il se désignepar un nom de groupe), le partage d'un mythe d'origine commun qui inclut des dieux lointains, unehistoire partagée (ils essaient de faire remonter leur origine à très très loin, ils vont chercher deséléments d'archéologie), une culture distinctive partagée, l'association avec un territoire spécifique(le territoire qu'occupe le groupe ethnique ou un qui a été occupé à l'age d'or du groupe et dont onrevendique l'occupation) et des liens de solidarité.Les ethnies sont-elles des constructions sociales ou des entités naturelles? Est-ce qu'ils sontnaturellement différents des autres? La réponse varie selon les auteurs. Les ethnies concernent uncertain type de groupe. Certains groupes culturelles ne revendiquent pas la notion d'ethnie. LesFrançais utilisent beaucoup moins le terme d'ethnie par rapport aux anglo-saxons.7.5.3 Comment concevoir le lien entre la culture et ledéveloppement de l'identité?Par quelles voies le concept de culture peut-il contribuer à l'examen des processus de constructionidentitaire? La culture peut être vue comme un modèle dans la structuration identitaire(culturalisme). On a donc une cohérence interne et il y a une diversité entre les différents groupes.On suppose qu'il y a des identités de base dans les cultures. C'est un peu fort! La culture peut aussiêtre vue comme une ressource à la construction identitaire (l'interactionnisme). Enfin, la culturepeut être vue comme le produit de la construction de l'identité (le constructivisme).7.5.3.1Approche culturalisteLa culture est une part apprise du comportement qui particularise les différents groupes culturels.Cette approche étudie la façon dont une culture donnée imprègne les individus et développe leurpersonnalité. Il existe encore des théories récentes qui sont dans une perspective culturaliste commela théorie de la conception du Soi indépendant ou interdépendant.La culture est un modèle. On a donc une cohérence interne au sein du groupe et une diversité parrapport aux autres groupes. La culture fait partie de la construction identitaire, on a donc uneassimilation de traits et de pratiques à travers la socialisation et l'enculturation. Dans cette approche,il existe des personnalités de base typiques des cultures, elles sont étudiées via l'anthropologiepsychologique.Markus et Kitayama (1991): la théorie de la conception du Soi indépendant ouinterdépendantLa culture a une influence sur la psychologie des individus (cognitions, attitudes, émotions) àtravers son influence sur la conception du Soi. La culture influence le soi qui influence lapsychologie de l'individu.Dans les culture individualistes, le soi est indépendant des autres. Il y a une séparation entre le Soiet les autres. La représentation du Soi est distinctive, autonome et clairement circonscrite.Dans les cultures collectivistes, le soi est interdépendant. Il est connecté aux autres. Le Soi estimpliqué dans un réseau de relations sociales, il se définit en fonction de sa position dans ce réseau.Pour le soi indépendant, les autres ont aussi beaucoup d'importance. On peut être plus ou moinsproche de certains autres. Le soi a avant tout des traits propres à l'individu. Dans le soiinterdépendant, les frontières sont beaucoup plus floue. Les traits les plus importants se situent à57

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l'intersection avec les autres. On va adapter nos comportements par rapport aux autres.Ça se répercute sur l'estime de soi (Chiu & Hong, 2006). L'estime de soi est un besoin universelmais qui s'exprime de façon différente. Le Soi indépendant exprime ses besoins, ses intérêts etrevendique ses droits. Il se focalise sur ses forces et ses potentiels. Il affirme ses qualités distinctiveset ses accomplissements. Le Soi interdépendant honore ses obligations (devoirs). Il reconnait sesfaiblesses, il est motivé à apprendre à partir de ses échecs. Il a une motivation à atteindre desobjectifs qui donneront une image positive du groupe. Il est reconnu comme membre du groupe.Dans cette théorie, la culture influence le concept de soi et donc la personnalité. Elle est assezdéterministe.7.5.3.2Approche interactionnisteElle est développée dans l'approche française. L'identité n'est pas un simple produit de la culture.C'est une recherche active de ce que l'individu juge cohérent et significatif, une recherche dereconnaissance de la part des groupes d'appartenance. Le soi se développe à travers les interactionsavec les autres.La culture sert de ressource symbolique fondamental. L'individu trouve des références pour formerson identité. La culture permet de satisfaire les besoins de sens et de signification, de connaissance,de savoir et la recherche de reconnaissance. En retour, la culture fournit un ensemble de codes et denormes et marque l'appartenance du sujet. C'est un processus actif du sujet dans la recherche desens. On retrouve ça dans la théorie des stratégies identitaires qui est une recherche de solutionsface à des conflits d'identité culturelle.7.5.3.3Approche constructivisteLes acteurs en présence collaborent aux transformations du milieu.Dans une situation interculturelle, les gens vont mettre en place des nouvelles formes et règles devie, des nouveaux systèmes de significations grâce au processus de négociation identitaire, lesindividus recherchent du sens et de l'appartenance et ça influence le concept culturel.Le processus d'interculturation est un processus d'élaboration progressive de système de règles et designifications partagés qui assureront la gestion efficace et adaptée des échanges entre les individuset les groupes culturels différents.Toute situation de contact entre porteurs de cultures différentes porte en elle les possibilitéscréatives d'une nouvelle culture qui est celle de ce contact même. C'est extrêmement optimiste, lesindividus échangent et cherchent des solutions et ensemble créent des solutions nouvelles. Ondéveloppe des cultures de contact. Les individus doivent s'investir dans cette construction.7.5.3.4ApprocheConcept decultureConcept del'individuProcessusSynthèseCulturalisteInteractionnisteConstructivisteStructure de base de la Ressources d'identification Produit d'interaction etpersonnalité "mentalité""identitéd'interculturation "culture culturelle/ethnique"de contact"Passif, reproductifEnculturation,(inter)actif, créatifIdentification culturelle(inter)actif, créatifAcculturation intégrative,58

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socialisationOrientationtemporelleStatique, passéDynamique, présentcréation synergiqueDynamique, avenirReprésentant Anthropologie psychologique, psychologie culturelleThéorie de l'ethnicité, Théorie de l'acculturationidentité sociale7.5.4Lien entre identité ethnique et santé mentaleL'identité ethnique est un facteur essentiel dans le fonctionnement psychologique et le bien-être desminorités, une étude américaine a permis d’établir un lien important entre l’adaptationpsychologique et la fierté ethnique.L’identité ethnique est importante comme ressource personnelle assumant une fonction médiatriceou modératrice sur les effets psychologiques du stress. L’identification au groupe ethnique peutatténuer l’impact négatif de la discrimination sur les résultats scolaires.7.5.4.1Discrimination et santé mentaleDe nombreuses études montrent que la discrimination a des répercussions physiques etpsychologiques néfastes. Le racisme implique une estime de soi négative, celle-ci entraine despertes psychologiques, de la détresse.L’identité ethnique modère l’impact de la discrimination sur la santé mentale. Plus l’identitéethnique est ancrée, plus le lien entre discrimination et dépression est intense.L'identité ethnique peut donc servir de bouclier mais ceux qui sont fortement identifié sont plusvulnérable à la discrimination envers leur groupe.8 L’acculturationLe terme est apparu à la fin du 19 ème siècle aux USA pour parler de l'adaptation des immigrés. Audépart, c'était un facteur tout ou rien, on doit perdre sa propre culture pour adhérer à la culturedominante.Ensuite, le modèle est devenu bipolaire, l'acculturation est présentée sur un continuum, on peut êtresoit tout à fait acculturé, soit pas du tout, soit entre ces deux extrêmes.Depuis les années 80, la plupart des gens se réfèrent à des modèles où deux dimensions sontcroisées.Définition des années 30: «L’ensemble des phénomènes résultant du contact direct et continu entredes groupes d’individus de cultures différentes, avec des changements subséquents dans les types decultures originaux de l’un ou des deux groupes». Selon cette définition, l'acculturation peut se fairedans les deux sens.La socialisation et l'enculturation sont des processus d'influence interne d'une culture à l'intérieurd'un groupe donné. L'acculturation concerne une influence externe. Une personne est d'abordenculturée dans un groupe puis plus tard, elle doit faire face à un groupe externe.Que font les gens confrontés à une autre culture? Ils continuent à vivre comme avant? Ils s’adaptenttotalement à la nouvelle culture? Ils adoptent un modèle complexe de continuité et de changement?59

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8.1 Quels groupes s’acculturent?MobilitéVolontaireSédentaireMigrantPermanentTemporaireGroupes ethnoculturels (Flamand- Wallons)Immigré (cause économique)Expatrié (travail à l'étranger)VolontéInvolontairePeuples indigènes (colonisation) RéfugiésDemandeurs d'asileLes frontières belges sont fermées depuis 1974. Les migrants qui arrivent maintenant sont donc soitdes demandeurs d'asile, soit des regroupements familiaux.Les immigrés classiques étaient de la main d’œuvre non qualifiée. Maintenant, la plupart du temps,les immigrés ont un statut éducatif plus élevé par rapport aux gens de leur pays. Cette situationdemande des politiques d'intégration un peu différentes.D’après John Berry (1999), malgré cette diversité de situations, les processus psychologiques sontessentiellement les mêmes. Il a donc une approche universaliste. C'est un psychologue interculturelcanadien, défenseur du multiculturalisme.Les stratégies d’acculturation sont déterminées à partir des réponses à deux questions: Doit-onvaloriser le maintien de sa culture d'origine? Doit-on valoriser le contact avec le groupe cultureldominant? On obtient donc un tableau croisé.OrigineAccueilOuiNonIntégrationSéparationAssimilationMarginalisationOuiNon8.2 Les stratégies d’acculturation: Modèle de BerryLa culture dominante rend possible ou pas ces différentes stratégies. On utilise les mêmes mots pourdécrire les politiques. Une personne peut explorer différentes solutions en fonction des situations, lemaintien culturel est souvent plus présent en privé qu'en public.Assimilation: les individus ne veulent pas conserver leur identité culturelle et recherchent le contactavec la culture dominante. On appelle cela le Melting pot si l'assimilation est volontaire et lePressure cooker si l'assimilation est forcée (ex: pub provocatrice du Soir: faire changer la couleurdes yeux et de la peau quand on rentre dans un pays). Comme aux USA, on demande aux gens delaisser leur culture d'origine pour devenir comme tout le monde.Intégration: les individus préservent la culture d’origine tout en maintenant le contact interculturel.Ils gardent leur intégrité culturelle, mais ils participent (activement ou pas) à la société. Ils doiventrespecter les lois par exemple. Les groupes non dominants doivent accepter les valeurs de base de lasociété et les groupes dominants doivent être prêts à adapter les institutions pour répondre auxbesoins des différents groupes vivant dans une société plurielle. Cette stratégie suit une idéologiemulticulturelle. Pour que ça soit possible, il faut peu de préjugés, des attitudes intergroupespositives, un attachement des différents groupes à la société.Séparation: les individus maintiennent leur culture d’origine et évitent le contact interculturel. Si lavolonté émane du groupe dominant, on parle de ségrégation.60

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Marginalisation: les individus évitent le contact avec les deux groupes.Souvent à cause de la discrimination et d’une pression à abandonner sa culture, on aboutit à unmélange de pressure cooker et de ségrégation.L’intégration et la séparation sont des stratégies collectives, alors que l’assimilation et lamarginalisation sont des stratégies individuelles. Le modèle est utilisé pour qualifier desorientations individuelles (questionnaire) ou des politiques.Les stratégies d’acculturation varient en fonction du domaine. Dans le domaine privé, on a plus demaintenance et moins de contact intergroupe. Dans le domaine public, il y a moins de maintenanceet plus de contact.Les possibilités données par la société d’accueil sont variables. Elles sont nombreuses dans lessociétés multiculturelles et restreintes dans les sociétés assimilationnistes.En fonction du développement, les individus peuvent explorer différentes stratégies (voir Marcia).8.3 Acculturation psychologiqueL'acculturation psychologique peut être:•Aisée: changements comportementaux, apprentissage culturel, acquisition de compétencessociales. Les individus apprennent un répertoire comportemental adapté au nouveaucontexte culturel. Cela nécessite une part de dé-apprentissage des aspects du répertoirecomportemental qui ne sont plus appropriés. On assiste à une mue culturelle.Conflictuelle: choc culturel ou stress acculturatif. Les individus ont des difficultés à adapterleur répertoire.Psychopathologique: dépression ou anxiété lorsque l’individu ne parvient pas à faire faceau stress acculturatif.••8.4 AdaptationL'adaptation psychologique a des conséquences psychologiques internes: un sens clair de l’identitépersonnelle et culturelle, un équilibre mental, une satisfaction personnelle.L'adaptation socioculturelle a des conséquences psychologiques externes qui relient les individus àleur nouveau contexte. Elle permet une habilité à faire face aux problèmes quotidiens concernant lavie familiale, professionnelle et scolaire.Si on regroupe toute les informations dans un modèle, on regroupe des informations au niveau dugroupe: les caractéristiques de la société d'origine et celles de la société d'accueil. On regroupe aussides informations au niveau de l'individu: des facteurs intervenant avant ou pendant l'acculturation.Tous ces facteurs mènent ou pas à l'adaptation.8.4.1Facteurs existant avant l’acculturationL'age: plus le processus commence tôt, plus il se passe en douceur. Mais il y a des problèmesfréquents à l’adolescence: les adolescents ressent des conflits entre les exigences des parents et despairs. Les problèmes de transition sont complexifiés par la situation interculturelle. Ils doiventrassurer les parents qu'ils ne veulent pas quitter le groupe. Il est difficile d'incarner la figure du pèrelorsqu'on est dominé.Le sexe: les femmes éprouvent souvent plus de difficultés à cause des différences de rôles entre lesdeux sociétés61

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Le niveau d'éducation rend l'adaptation plus facile. Elle prépare à une meilleure connaissance descadres culturels. C'est une pré acculturation.Le statut: lors de l'immigration, on a une perte de statut. On doit recommencer en bas de l'échellesociale, les compétences sont dévaluées alors que le projet va dans le sens d'une augmentation dustatut sociale. Quand on rentre au pays, on veut montrer qu'on a réussi, cela contrecarre donc leprojet de migration.Le projet migratoire est la projection dans l'avenir. On veut réaliser quelque chose. Il se passequelque chose dans le pays où on vit, on ne peut donc pas rester dans le pays ou quelque chose nousattire dans le pays d'accueil. On a une représentation de ce qu'il est possible de réaliser dans un paysdifférent du sien. Il a a des facteurs Push qui poussent à quitter le pays d’origine (réactif ) et desfacteurs Pull qui attirent vers le pays d’accueil (proactif). La motivation réactive est liée à plus deproblèmes d’adaptation psychologique. Dans le pays d'origine, on montre des photos avec unepoule géante, on pense donc qu'aller dans le nouveau monde nous permettra de faire fortune. On aune image fort positive du pays où on va aller.Plus la distance culturelle est grande, plus l’acculturation exige des changements et l'adaptation estplus difficile.La personnalité joue un rôle aussi. Lorsque le lieu de contrôle (locus of control) est interne, lapersonne est la seule maitre de sa destinée, lorsqu'il est externe, le destin est choisi par Dieu. Lestraits introversion/extraversion, le sentiment d'auto-efficacité sont importants aussi.8.4.2Facteurs intervenant en cours d’acculturationIl y a différentes phases qui suivent une courbe en U. Au départ, l'adaptation est facile, on ressentde l'amusement, on fait des découvertes. Ensuite, on a un passage plus difficile, on ressent lanostalgie du pays, on ne comprend pas très bien ce qu'il se passe. Ensuite, il y a amélioration.Il n'y a pas de consensus autour de ce genre de courbe.Stratégies d’acculturation: l'adaptation est la plus facile en cas d'intégration puis en casd'assimilation, puis de séparation et enfin, de marginalisation. Les liens avec des compatriotesminimisent le stress tout comme les liens avec les autochtones. Des relations dans les deux culturesfacilitent l’adaptation. La discrimination a des effets négatifs sur l’adaptation et sur la santé mentaledes migrants.L'acculturation dépend d'une multitude de facteurs à des niveaux différents. Les stratégiesacculturatives adoptées par les migrants dépendent des politiques et des attitudes de la sociétéd’accueil. Le processus d’acculturation peut mener à des résultats positifs, mais peut être stressant,voire pathogène. Selon Berry, la plupart des individus réalisent des adaptations positives et ce nesont pas toujours les dominés qui s’acculturent. Par exemple, les premiers colons britanniques enInde ont souvent adopté les manières de vivre indiennes.8.4.3Les limites du modèle de BerryIl insiste sur l’influence de la société d’accueil sur les stratégies d’acculturation des groupesmigrants (ou culturellement minoritaires), mais il n’envisage pas l’acculturation du groupe cultureldominant.Le Modèle d’Acculturation Interactif tient compte du processus d’acculturation réciproque.62

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8.5 Modèle d’acculturation interactif (Bourhis et al., 1997)L'orientation d'acculturation est la combinaison d’attitudes, de croyances et d’intentions decomportement qui guident les façons de penser et d’agir des individus. Selon Bourhis et al. (1997),les membres de la communauté d’accueil peuvent endosser 6 orientations d’acculturation envers lesimmigrants: intégrationnisme, intégration-transformation, individualisme, assimilationnisme,ségrégationnisme, exclusionnisme.•••••Intégrationnisme: accepter et valoriser qu'un immigrant maintienne sa culture d'origine etadopte certains éléments de la culture d'accueil.Intégration-transformation: être prêt à transformer certains aspects de sa propre culturepour vraiment intégrer les immigrants.Individualisme: se définir et définir les autres en tant qu’individus plutôt qu’en tant quemembres de groupes culturels ou de catégories sociales.Assimilationnisme: s'attendre à ce qu'un immigrant renonce à sa culture d'origine pouradopter la culture de la société d'accueil.Ségrégationnisme: garder ses distances à l'égard des immigrants en souhaitant que ceux-cine mélangent pas leur culture avec celle de la communauté d'accueil tout en admettant qu'ilsconservent leur héritage culturel.Exclusionnisme: s'opposer à ce que les immigrants conservent leur culture d'origine etrefuser qu'ils adoptent celle de la communauté d'accueil.•On peut classer les pays en fonction de leur politique d'immigration et de leur politiqued'intégration. La politique d'immigration consiste à décider qui peut entrer et rester dans le paystandis que la politique d'intégration consiste à mettre en place des lois pour intégrer ceux qui sont enposition légal.Dans le modèle civique, on se base sur la citoyenneté, tous sont égaux en tant que citoyen mais il63

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n'y a pas de place pour la revendication culturelle.Dans le modèle ethnique, un groupe national se base sur un groupe ethnique, l'accueil des minoritésse fait de manière réticente car les membres d'une culture différente ne sont pas intégrables.9 Les stratégies identitairesCarmel Camilleri (1990): L'identité est conçue comme une dynamique d’aménagement permanentdes différences, y compris les oppositions, en une formation perçue comme non contradictoire. Ondoit faire un tout cohérent de notre identité. Le sentiment d’identité demeure tant que l’individuparvient à donner à l’altération le sens de la continuité. L'individu doit avoir le sentiment quemalgré les changements qu'il vit, il reste la même personne. S'il n'y parvient pas, il rentre en criseidentitaire.Il y a trois pôles: l'identité de fait (manière dont on se représente notre identité), l'identité devaleur (la valeur qu'on y attribue) et l'identité prescrite (attribuée par autrui, ce que les autresrenvoient de notre identité). Les individus font une négociation entre ces trois pôles pour faire uneconfiguration identitaire. La construction se stabilise en fonction du degré d’accord du sujet aveccette configuration, il y a donc stabilisation ou remise en question. L'individu peut ne pas seretrouver dans l'image qu'on revoit de son identité.La gestion de la disparité culturelle ne met pas en jeu des mécanismes exceptionnels, mais elle estsouvent plus difficile. Il est plus difficile de trouver une configuration qui nous convient de manièrestable.La migration amène pour les migrants deux enjeux majeurs: l'atteinte à l’unité de sens et l'atteinte àla valeur de l’identité. Ils doivent faire face à l'image dévalorisante de leur groupe. Pour y faire face,il y a des stratégies identitaires.Les stratégies identitaires remplissent une double fonction. La première est ontologique, c'est ladéfinition de soi, idéal du soi, continuité, cela concerne ce que l'on est. Il s'agit d'une préoccupationde sens et de valeur personnelle. La seconde est pragmatique, c'est la négociation de l'influencesociale, des relations avec autrui (à l’intérieur et entre les groupes culturels). C'est la préoccupationconcrète de l'accord avec les autres.«L’équilibre de l’individu est atteint quand, entre autres conditions, les représentations et valeursauxquelles il s’identifie, par lesquelles il fixe une signification à son être, sont celles-là même quilui permettent de s’accorder avec son environnement» (p. 93) Important, on ne peut pas avoird'équilibre si on ne peut pas donner un sens à son identité et l'utiliser pour donner un sens à sesrelations avec son environnement.Dans une même culture, c'est facile, le sens est donné par le cadre culturel, car tout le mondecommunique avec le même code. C'est moins simple entre plusieurs cultures. On peut avoir desconflits de valeur qui empêchent de s'accorder avec les autres. La cohérence est importante et doncl'identité des personnes en minorité culturelle doit être en cohérence.9.1 Stratégies pour rétablir la valeurIl y a plusieurs types de solution pour rétablir la valeur de l'identité.9.1.1Identité dépendanteL'individu accepte et intègre une identité négative, il intériorise le jugement dépréciatif. C'estmauvais pour l'estime de soi. L'identité négative peut être déplacée. L'individu évacue son identité64

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négative en s’assimilant au groupe dominant et en transférant l’injonction dévalorisante sur lesautres membres du groupe d’origine.9.1.2Identité par distinctionL'individu prend conscience de sa singularité (le fait qu'il est une exception) mais il n'intériorise pasla dévalorisation, elle est évitée par la prise de distance. Par exemple, «Dans la mesure où je suisl’étranger, je le serai toujours. Je suis donc obligé de rester Algérien puisque je ne suis pas acceptépar les autres». Pour autant, on intériorise pas l'identité négative.9.1.3Identités réactionnellesOn parle soit d'identité défense, l’identité est utilisée comme refus, comme bouclier pour seprotéger des autres, on revendique son identité pour protéger son soi des attaques. Soit d'identitépolémique, l'individu fait une distinction vis à vis du groupe dominant et suraffirme son identitéculturelle, d'autant plus qu'il est critiqué.C'est un mécanisme de défense mais il y a danger de s’éloigner du réel pour s’acheminer versl’imaginaire. Plus la société est hostile, plus l’identité risque d’être réactionnelle. Le groupe peuts'impliquer pour résister à l'hostilité, ça peut être positif pour le groupe mais les individus ont moinsde liberté pour établir leur stratégie.9.2 Stratégies pour rétablir une unité de sensLe but est d'arriver à une cohérence entre la fonction ontologique et la fonction pragmatique.Normalement, la culture fournit cette cohérence. Mais que font les sociétés traditionnelles face à unmodèle à dominante industrielle, moderniste. Cette confrontation crée un bouleversement car lescodes sont différents.Les problèmes se trouvent au niveau de la structure et des contenus.La structure: dans les groupes traditionnels, les cultures sont univoques, systématisées etcohérentes, prescriptives (on dit ce qu'on peut faire ou ne pas faire) (hégémonisme (touche tous lemonde et tous les domaines) et pointillisme (très précise)), normes transcendantes (légitimée par lareligion). En Occident, les codes sont flous, il y a moins de cohérence, moins normatif (les normessont plus cachée, pas explicitées), il y a plus de liberté individuelle. C'est décontenançant carcomment savoir se comporter puisque les normes sont implicites? Les normes sont difficiles àdécoder. Cela crée un certain désarroi.Les contenus: il y a une grande distance entre les représentations et valeurs «traditionnelles» et«modernistes». Le défis est d'adapter son identité pour pouvoir faire du sens et rentrer en contactavec les autres.9.2.1 Stratégies d’évitement des conflits identitaires par lacohérence simpleIl s'agit de la résolution de la contradiction par la suppression de l’un des termes.9.2.1.1Survalorisation de la préoccupation ontologiqueLe but est de donner du sens, les individus font donc du maintien culturel. On assiste à uninvestissement total du moi dans un système, accompagné du rejet total de l’autre, cela aboutit aufondamentalisme. Les gens doivent faire des aménagements et délèguent à d’autres membres du65

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groupe de faire le lien avec l'autre, ils font semblant avec l'autre (gesticulation), il n'y a pasd'intériorisation et une minimisation. Il n'y a pas de réflexion sur le contact avec les autres, lecontact reste minimale.9.2.1.2Survalorisation de la préoccupation pragmatiqueIl s'agit d'un investissement plus ou moins exclusif dans le système d’accueil, une primauté du désird’adaptation à l’environnement.L'opportunisme complet consiste à s’adapter indifféremment aux deux modèles sans vraiment yadhérer. Ça demande une totale fluidité identitaire, on change de norme, de manière de penser d'unendroit à l'autre et on ne relève pas la contradiction.L'opportunisme limité (minimum ontologique) consiste à passer d'un code à l'autre sans trop yréfléchir. La mise de côté consiste à choisir le code en fonction de critères pragmatiques (emploi,logement, scolarité; loisirs, etc.), sans réflexion sur son contenu. L'alternance conjoncturelle descodes consiste à passer d’un système à l’autre selon la situation. On a un compartimentage desidentités, elles ne sont jamais en même temps confrontée. Les gens sont traditionnels avec la familleet modernistes au travail. Des étudiants en philo tunisiens affirment: «C’est bien simple, quand onsort des cours, on oublie tout!». On résonne d'une certaine manière à un moment et d'une autreailleurs, ce serait la stratégie la plus répandue selon Camilleri.9.2.2 Stratégies pour rétablir une unité de sens: cohérence complexeLes individus construisent des formations leur permettant de s’y investir (ontologique) et, en mêmetemps, de s’adapter aux temps présents (pragmatique). Ils doivent inventer des modalitésd’articulation des représentations et valeurs des deux systèmes.9.2.2.1Liaisons indifférentes à la logique rationnelleCe sont des espèces de «débrouillages» permettant aux acteurs d’éliminer la contradiction poureux-mêmes et non pas en elle-même. Cette stratégie correspond au principe de maximisation desavantages, il consiste à retenir dans un code tels traits perçus comme avantageux en laissant tomberles obligations corrélatives. Par exemple, attendre de son épouse qu’elle soit «moderne» et«instruite» tout en lui demandant de se conformer au modèle traditionnel. C'est une forme decohérence induite par une logique affective et pas rationnelle. On parle de formations identitaires«syncrétiques», on essaie de mettre ensemble des éléments de système différents sans lessynthétiser.9.2.2.2Les efforts de liaison selon la logique rationnelleLes efforts de liaison selon la logique rationnelle visent à intégrer des éléments nouveaux dans lesanciennes formations. On aboutit à des structures culturelles et identitaires «synthétiques», on essaiede les intégrer les unes avec les autres. La réappropriation est l'investissement dans desreprésentations traditionnelles, mais aussi nouvelles (statut de la femme, science …) en affirmantqu’elles ont toujours été présentes dans le patrimoine originel (ex: textes religieux). Le statut de lafemme est valorisé dans les textes religieux par exemple. On réinterprète sa propre culture pour larendre conciliable. On ne renonce pas à l’identité originelle, on s’y ressource plus profondément.On réinterprète la tradition ou les textes religieux. Ça permet d'intégrer le changement dans lacontinuité. Dans le processus de dissociation, on critique certaines pratiques (ex: éducation), maison défend les acteurs (ex: parents), les parents ne faisaient que se conformer aux pratiques. «dans letemps, ils ne pouvaient pas faire autrement».66

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On a une articulation organique des contraires, on considère que les conduites modernes découlentdu modèle originel. C'est le modèle qui a permis d'arriver à ça. Par exemple, on favorisel’instruction de la femme pour qu’elle puisse remplir ses rôles traditionnels d’épouse (ellesecondera mieux son mari). On peut aussi valoriser l’esprit aux dépens de la lettre. On garde lesvaleurs et attitudes, mais on se dégage des contenus cristallisés par la tradition. Par exemple,l'épouse ne voudra plus que l’on parle d’obéissance au mari, mais de la reconnaissance de son statutglobal de chef de famille. C'est le sujet – plutôt que le groupe – qui se place en médiateur entre lecontenu du code et son application. Ça demande du travail de la part de l'individu. Le groupe nedonne pas une identité toute faite à tous ses membres. Cette pratique est une articulationparticulièrement réussie des préoccupations ontologiques et pragmatiques selon Camilleri. Il peutaussi y avoir une suspension de l’application de la valeur: on reconnaît la valeur (par principe), maison ne l’applique plus, on la laisse en représentation symbolique comme les mères Tunisienne quipensent que l'allaitement est une bonne valeur mais qui nourrissent au biberon.9.2.3Stratégies de modération des conflits de codesCette stratégie est plus problématique. Le conflit ne peut être évité, on tente de modérer lescontradictions.Cela peut se faire en pondérant différentiellement les valeurs en opposition: on donne plusd’importance aux valeurs anciennes (solidarité, dévouement, affection) pour lesquelles on est enaccord avec la famille qu’aux valeurs conflictuelles. On met de côté ce qui pose conflit et onvalorise la convergence. On n'a pas besoin d’une identité totalement intégrée. On se contente des'arranger avec ce qui reste non intégré car non intégrable.Il peut aussi avoir une limitation de l’item perçu comme pénible: on continue à vivre avec desvaleurs opposées à celles auxquelles on adhère, mais en les limitant dans le temps par exemple. Parexemple, "j’accepte de vivre comme le veulent mes parents, mais seulement jusqu’à mon mariage».Enfin, on peut avoir une alternance systématisée des codes. On compense le fait de vivre dans uncode avec lequel on a des difficulté en retournant dans des situations où le code est différent. Parexemple, immersion compensatrice dans des activités sursaturées en représentations traditionnelleschez des cadres tunisiens.10Relativisme culturel et valeurs universelles. Comment respecter la diversité culturelle sans trahir ses valeurs?10.1Violences conjugalesLa lutte contre les violences conjugales nous met dans une situation paradoxale chez les personnesqui se diraient progressistes.D'une part, les violences conjugales heurtent nos valeurs morales. La violence s'oppose au respect.La domination s'oppose à l'égalité. L'injustice s'oppose à la justice. La domination masculine heurtel'égalité des hommes et des femmes.D'autre part, une autre valeur progressiste est le respect des autres cultures qui traite la violenceenvers les femmes d'une autre façon. On se trouve donc dans une situation paradoxale.La prise en compte de la dimension culturelle des violences conjugales nous place dans unesituation délicate. "La diversité culturelle, c’est bien, sauf si elle se fait sur le dos des femmes. Or,67

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dans certains milieux de gauche, les débats sur ce sujet ne sentent pas très bon. Par peur d’êtreaccusés de néo-colonialistes, certains intellectuels tiennent des propos ambigus... ", (F. Kayser,Femmes contre les Intégrismes). C'est en débat actuellement, certains partis laïques sont trèscritiques vis à vis de l'islam et d'autre partis moins.Comment concilier la lutte pour l’égalité des hommes et des femmes et la lutte pour le respect desautres cultures sans entrer en contradiction? Cela nous mène à une réflexion sur le lien entre cultureet comportement et sur le relativisme culturel. Comment concilier nos valeurs avec celles des autrescultures?10.2Culture et comportementPenser le lien entre culture et comportement, c’est toujours faire face à un dilemme. Soit on sous-estime, soit une surestime l'influence de la culture.10.2.1Première erreur: sous-estimer l’influence de la cultureElle découle de la prétention universaliste des cultures occidentales. Nous considérons nos manièresd’être, de penser et d’agir comme ‘naturelles’. Elle découle de l'idée de la modernité. Avant,l'individu était défini par ses appartenances, sa position dans une structure sociale. Puis on est passéà un individu libéré de ses appartenances, porteur de droits universels. On se représente les êtreshumains comme un individu ‘générique’, modèle abstrait censé s’appliquer à tous les Hommes. Onpense que tout ce qu'on observe ici est vrai là-bas. La culture est seulement des légères variationssur un thème commun. L'Occident projette ses propres caractéristiques sur l’ensemble del’humanité.Il y a une nécessité de tenir compte des cadres culturels. Par exemple, une étude a été faite sur lescultures de l’Honneur.Les cultures de l’honneur: qu'est-ce que c'est? La notion d’honneur a deux définitions. L'honneurest une vertu: comportement vertueux, caractère moral, intégrité et altruisme. Dans d'autre culture,l'honneur est lié à un statut: préséance et réputation de la personne. Cet honneur est basé sur laforce et le pouvoir d’imposer sa volonté et d’être traité avec déférence d’un individu (souvent unmâle). Le statut est formel ou informel. On trouve des cultures de l'honneur dans les paysméditerranéens, Proche Orient et monde arabe, Amérique du Sud, Sud des États-Unis.Ce sont des cultures forts différenciées. Les hommes doivent avoir de la force et de la préséancealors que la femme doit être modeste et éviter des comportements qui pourraient compromettrel’honneur de la famille. L'homme est garant de l'honneur de la famille.Les normes de l’honneur impliquent une hypersensibilité aux insultes ou à tout ce qui porte atteinteà l’image des hommes. Les hommes sont sensibles à la réputation de leur femme, de leur fille ou deleur sœur et donc, il y a une grande importance de la chasteté, pureté, modestie. "L’honneur d’unhomme se trouve entre les jambes de sa femme". Un homme trompé par sa femme perd son statutd’homme, paraît faible et vulnérable et porte atteinte à la réputation de sa communauté et passeulement à sa propre réputation. La violence contre les femmes peut être perçue comme nécessaireet adéquate pour préserver l’intégrité de l’homme et de la famille. Ça peut être vu comme uneréponse appropriée. Ne pas réagir au déshonneur par la violence peut être source de honte. Il estattendu de l'homme qu'il se comporte de cette manière.Des études de Vandello & Cohen (2003) ont comparé la culture Nord américaine (non-CH) et descultures de l’honneur (CH: latino américains, Brésiliens, Sud des USA).Dans la première étude, on mesure les impacts de l'infidélité de la femme (connue). Elle a un impact68

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plus négatif sur la perception du mari dans CH que dans non-CH et un impact plus négatif sur laperception de la femme dans non-CH que dans CH.Dans la seconde étude, on demande quelle doit être la réponse à l’infidélité (ils décrivent la réactiondu mari), soit crier, soit crier et frapper. Pour les cultures non-CH, le mari est moins fiable, aimemoins son épouse quand il la frappe. Dans les cultures CH, le mari est plus masculin, plus fort, pasmoins fiable et n’aime pas moins son épouse quand il la frappe.Dans la troisième étude, on observe la perception de la violence conjugale. Un couple arrive dans lasalle d’attente où se trouve le participant à l’expérience. L’homme se fâche car la femme dit qu’ellecompte passer chercher des affaires chez son ex-petit ami. Il crie, la bouscule et lui arrache desmains les clés de la voiture. Ensuite la femme explique au participant:Soit Condition Soumission: C’était mon fiancé. Il est parfois jaloux… c’est sans doute un peu dema faute. C’est sa manière de me montrer qu’il tient à moiSoit Condition Révolte: C’était mon fiancé. Il est parfois jaloux… j’en ai vraiment marre, tu sais?Il me rend dingue. Je devrais lui rendre ses clés et aussi sa bague!Le participant discute puis remplit un questionnaire de perception de la femme. Les résultatsmontrent que dans les cultures non-CH, la femme est perçue plus positivement, et plus forte si ellene tolère pas la violence. Dans les cultures CH, la femme est perçue plus positivement, pas moinsforte mais plus chaleureuse et plus sage si elle se soumet. Il n'y a pas de différence selon le sexe desrépondants.En bref, dans les cultures de l’honneur, l’infidélité féminine porte atteinte à la réputation del’homme. Cette réputation peut être restaurée par l’usage de la violence. On attend des femmesqu’elles tolèrent cette violence. On explique le comportement des gens par rapport à leurappartenance à la culture. Il y a donc une nécessité de tenir compte des cadres culturels.10.2.2Deuxième erreur: surestimer l’influence de la cultureCette erreur consiste à croire que l’on peut tout expliquer grâce à la culture. «Dis-moi quelle est taculture et je te dirai qui tu es, ce que tu penses, ce que tu aimes et ce que tu vas faire». On négligedonc les autres facteurs.Pour le culturalisme, chaque culture forme un tout distinct et cohérent. Les cultures sont réifiées etfigées dans le temps. Elles sont déterministes. On néglige les processus d’acculturation.Il faut relativiser les différences interculturelles, il existe des variabilités dans les groupes et desrecouvrements entre les groupes. Il faut interpréter les données avec nuance.10.3Culturalisme et universalisme: un mariage malheureux?Le racisme moderne (Taguieff, 1987) a deux facettes. Selon l'autoracisation, nous sommes unerace supérieure. Et selon l'hétéroracisation, nous sommes le genre humain, ils sont une raceinférieure. Nous représentons l'universel tandis qu'eux ont quelque chose de particulier.Depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, la culture a supplanté la race comme base du préjugé.«Nous représentons l’universel alors qu’ils sont une culture particulière».Il faut donc trouver un équilibre entre la sous-estimation et la surestimation des influences de laculture sur les comportements.69

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10.4Le relativisme culturelOn se réfère parfois au relativisme culturel comme à une norme. Il consiste à ne pas juger les autresà partir de nos propres cadres de référence. C'est aussi un danger: «Comme la guerre contre leterrorisme durera des années, nous aurons besoin de nous équiper pour neutraliser (...) le principalallié de Ben Laden et de ses associés en Occident, leur plus précieuse ‘cinquième colonne’: lerelativisme culturel» (A. Panebianco)Oui, mais … Qu’est-ce au juste? Qu’est-ce que cela implique réellement concernant notre rapport ànos propres valeurs et notre rapport aux membres d’autres cultures?10.4.1Relativisme cognitif et relativisme moralDans le domaine cognitif, on s’interroge sur les connaissances, les représentations de la réalitépartagées au sein des cultures, la manière dont les gens se représentent le réel.Dans le domaine moral, on s'interroge sur les conceptions du bien et du mal partagées au sein descultures.10.4.2Relativisme métaphysique et relativisme anthropologiqueLa métaphysique s’interroge sur ce qui est vrai ou faux, bien ou mal, dans l’absolu. On se demandece qui est vrai ou bien mais pas ce que les gens pensent. L'enjeu, c'est la vérité, morale.L'anthropologie (sciences humaines) est l'étude scientifique des représentations cognitives et desvaleurs morales partagées par notre propre groupe ou les autres groupes. L'enjeu est de connaître etcomprendre les représentations et conceptions morales des humains. La question est ce qu’ilscroient, on prend de la distance et on voit ce que croient les autres même dans notre culture. Il fautéviter le biais ethnocentrique, il y a une différence entre les cultures mais pas une hiérarchie.10.4.3Plusieurs relativismesPar exemple, pour le relativisme cognitif métaphysique, il existe plusieurs vérités incompatiblesentre elles. Le créationnisme et le darwinisme sont tous deux vrais mais pas compatibles.Pour le relativisme cognitif anthropologique, les êtres humains, en fonction de leur culture et deleur expérience, peuvent aboutir à des représentations du monde radicalement différentes etincompatibles entre elles. Certains croient en la création divine, d’autres aux théories de l’évolution.Si on croise les deux dimensions, on arrive à 4 thèses relativistes logiquement indépendantes. Si onadhère à une des quatre thèses, il n'est pas légitime d'en conclure concernant une autre.MétaphysiqueUniversalismeCognitifIl n'y a qu'une seule véritéRelativismeIl existe plusieurs vérités incompatibles entre ellesIl existe plusieurs biens incompatibles entre euxAnthropologiqueUniversalisme Tous les êtreshumains partagent lamême représentation du mondeTous les être humains partagent la même conception du bienRelativisme Représentantations du monde radicalement différentes etincompatibles entre elles Conception du bienradicalement différentes et incompatibles entre ellesMoralIl n'y a qu'un

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seul bien70

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On ne doit pas passer de la réflexion anthropologique à la conception métaphysique, ce n'est paslogique de passer de l'une à l'autre. Les réflexions sont indépendantes. Le niveau cognitif ne nousapprend pas grand chose sur le côté moral.Dans le relativisme moral, il faut éviter deux sophismes. La divergence radicale des représentationshumaines du bien est scientifiquement établie. Il ne faut pas en conclure qu'il existe une pluralité debiens incompatibles. Qu'est-ce qui varie et qu'est-ce qui est commun? Une partie est universelle etl'autre est variable. En dépit des apparences, les représentations du bien convergent et donc il existeun seul bien objectif et universel. La première phrase n'est pas établie. De plus, elle ne permet detoute façon pas de conclure sur quelque chose de métaphysique.Les questions métaphysiques appellent des réponses catégoriques. Les questions anthropologiquesappellent des réponses nuancées. Ça nous mène à interroger le lien. La culture implique desconceptions morales et donc des pratiques.10.4.4États mentaux et doctrines culturellesLes doctrines culturelles se situent au niveau du groupe, elles sont souvent incompatibles (Ex:créationnisme et darwinisme). Les conceptions morales se situent au niveau des individus, auniveau des états mentaux. Les doctrines sont l’objet des états mentaux, elles ne les déterminent pasdirectement, on n'est pas déterminé par le cadre culturel dans lequel on vit. Ce sont les produitscollectifs des pensées et sentiments d’individus. Les doctrines culturelles divergent souvent plusque les états mentaux des membres des groupes culturels. Les individus sont plus souples, ilsessaient de concilier ce qui est apparemment contradictoire.«… il y avait une diversité parce que Dieu a créé une diversité dès l’origine … une diversité depremier degré. Mais, après, les liens de reproduction ont entraîné l’apparition d’une diversité desecond degré (fruit de l'évolution)…» (Aroua, Coquide et Abbes, 2005)10.4.5Justification des choix morauxOn peut justifier les choix moraux de différentes manières. On peut faire appel à la science, lareligion, l'autorité, l'opinion majoritaire, la raison, les normes… Certaines cultures privilégient laréférence à une autorité, d’autres préconisent l’exercice de la raison individuelle. Le choix moraln'est pas pour autant différent. Les variations dans les justifications ne prouvent pas une divergencefondamentale des principes moraux.10.4.6Morales et pratiquesDes pratiques différentes indiquent-elles forcément des conceptions morales différentes? Lespratiques ne reflètent jamais parfaitement les conceptions morales des individus. Il faut s’assurerque ces comportements sont réellement l’expression de conceptions morales différentes en tenantcompte d’autres facteurs susceptibles de les expliquer. Par exemple, les survivants d'une catastropheaérienne qui mangent des cadavres pour se nourrir, ils n'ont pas des conceptions morales différentesdes nôtres mais la situation les a contraint.Quels liens avec la culture? Certaines pratiques sont dues à la perte de repères culturels plutôt qu’àleur influence. Cela a de l'importance quand on juge les jeunes issus de l'immigration. Est-ce laculture qui est responsable ou une perte de repère, une déchirure entre deux cultures?10.4.7Morale et conventionsLa norme morale est différente de la norme conventionnelle. Ne pas mentir (norme moral) est71

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différent de se tenir droit à table.Les jeunes enfants sont capables de percevoir la différence, dans diverses cultures. Les normesconventionnelles divergent fortement entre cultures. Doit-on en déduire que les normes moralesdivergent également?10.4.8Communauté morale et humanitéLes normes morales concernent les relations à autrui. Quel autrui? Les limites d'application de lanorme peut être différentes entre les cultures. Les autres sont-il l'ensemble de l’humanité? Ou unecommunauté morale définie selon différents critères tel que l'appartenance au groupe, l'age, le sexe?Le fait que les règles morales ne s’appliquent pas à certaines catégories de personnes ne signifie pasqu’elles sont différentes.10.5Comprendre et agirQuels sont les implications concrètes sur la pratique? Par l'analyse de la situation, on peut envisagerles actions à entreprendre. Nos actions dépendent de notre rapport à nos propres valeurs, del'interprétation des actes des autres. On va alors prendre des décisions sur nos actes.Face aux violences conjugales, il faut examiner le lien de causalité entre la culture, les conceptionsmorales et les pratiques. Les comportements sont-ils inspirés par des valeurs morales différentes?Lesquelles? Sont-elles liées à la culture (elles peuvent être individuelles)? Comment? Peut-onremettre en question ce lien? La culture comme cause ou justification a posteriori?Par exemple, un homme chinois tue sa femme à coups de marteau. Un anthropologue témoigne ensa faveur, la violence est normale dans sa culture, il est donc condamné pour homicide involontaire.La culture est-elle une entrave à l’intervention? Elle influence l'interprétation de la situation par lavictime, l'appel à l’aide, la communication vécue comme difficile, etc. On a du mal à toucher lesvictimes. Tout cela peut interagir avec d’autres facteurs. Ce sont des situations sociales où d'autresfacteurs que la culture interviennent. Ce qui est important c'est d'écouter les personnes (en tant quepersonnes).Il faut examiner notre rapport à nos propres valeurs, ne pas confondre relativisme métaphysique etanthropologique. Il ne faut pas conclure, face à la différence culturelle, que mes valeurs ne doiventplus guider mes actes puisque les bénéficiaires de mes actes ne partagent pas mes conceptions dubien et du mal. Il ne faut pas croire que la diversité anthropologique des conceptions du bien et dumal – toute relative – remet en cause mes propres valeurs (métaphysiques) même si elle lesinterroge.Pour agir, il faut trouver le moyen de traduire mes valeurs en actes qui tiennent compte de ladifférence culturelle de l’autre, et la respectent. La question est moins de savoir si l’on a raison ou sil’on a tort que d’être capable d’apporter une aide efficace. Cela n’est possible ni en négligeant lefacteur culturel, ni en se focalisant uniquement sur les causes culturelles des comportementsproblématiques des Autres. On peut adhérer à ses propres valeurs, cela n’implique pas la non-reconnaissance des valeurs des autres.Pour conclure: y a-t-il toujours un paradoxe?72