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Wild ThingBLANDINE P. MARTIN

S p i n o f f 2

MENTIONS LÉGALES

Copyright © 2018 Blandine P. MartinAutoéditionTous droits réservés.Couverture réalisée par Blandine P. MartinImage Couverture : Lindee RobinsonModèle : Travis BendallImages intérieur livre : ShutterstockCorrection : Espaces ComprisesISBN : 979-10-359-3155-1

Publié par Bookelis

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions

destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction

intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le

consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite

et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du

Code de la propriété intellectuelle.

www.blandinepmartin.fr

ORDRE DE LECTURE

TOME 1 : ADDICTION

TOME 2 : RÉVÉLATION

TOME 3 : CONFESSION

TOME 4 : DÉVOTION

TOME 5 : RÉDEMPTION

SPIN OFF 1 : WILD SON

SPIN OFF 2 : WILD THING

AVANT-PROPOS

Il est possible de lire Wild Thing sans avoir lu au préalable la saga Wild Crows. Cependant, il sera bien plus intéressant de le découvrir dans l’ordre chronologique, et donc après avoir déjà terminé la saga, et Wild Son. Libre à chacun de faire en fonction de ses envies. Je préfère néanmoins vous prévenir, lire ce spin-off vous spoilera obligatoirement certains points de la saga, puisque bien évidemment, des couples se sont formés, la vie a suivi son cours. À vous de voir !

L’intrigue de Wild Thing se passe quelques années après le premier spin off, Wild Son.

Pour ceux qui le souhaitent, voici un bref récapitulatif de la saga, dans ses grandes lignes.

Joe, 27 ans, apprend lors du décès de sa mère le nom de son père biologique. Elle décide de tout plaquer pour aller le rencontrer. Elle découvre un homme d’affaires charismatique, mais aussi le leader d’un gang de bikers aux activités douteuses. Esseulée et avide de ce temps perdu sans le connaître, elle reste, en dépit du danger, afin de découvrir celui qui lui a tant manqué jusque-là. Elle fait la connaissance des membres du club, et à force de ténacité, se forge une place de choix dans le cœur de ces hommes pourtant peu avenants au départ. Très vite, des liens amicaux se tissent, et plus que cela même. Elle trouve

une famille et se découvre prête à risquer sa peau pour leur venir en aide, de la même manière que tous seraient prêts à se sacrifier pour elle. Elle perdra beaucoup par la faute des affaires du club, mais elle trouvera malgré tout, une famille soudée, prête à tout pour elle, et plus encore, elle rencontrera l’amour, celui auquel elle ne croyait plus réellement. Une histoire qui coulera de source dès le départ, se moquant bien des « qu’en-dira-t-on » ou des codes de la société, à l’image de ce club qui tend le majeur dressé à tout ce qui l’entoure. Alors que la mort ne cesse de heurter les Wild Crows, Joe se découvrira plus vivante que jamais, et apprendra à devenir celle qu’elle avait jusqu’alors reniée : une amoureuse de la liberté et la digne fille de Jerry Welsh.

Dans Wild Thing, c’est le personnage de Gale qui est mis en avant.

Bonne route avec les corbeaux !

PLAYLIST

Pour ceux qui aiment lire en musique, voici une petite playlist suggérée pour la lecture de ce roman. Ainsi, chaque chapitre aura son ambiance. Vous pouvez la retrouver déjà prête à écouter sur Youtube.

1. Joshua James – “Crash this train” 2. This train – “Fire” 3. Nothing but thieves – “Excuse me” 4. Nothing but thieves – “Hell, yeah” 5. Black Atlass feat Jessie Reyez - “Sacrifice” 6. Tones and I - “Bad Child” 7. Green day - “Good riddance” 8. Green day - “Boulevard of broken dreams” 9. Nothing but thieves - “Honey Wiskey” 10. Ashe - “Moral of the story” 11. Sub Urban- “Cradles” 12. Lewis Capaldi feat Jessie Reyez - “Rush” 13. Adam Lambert - “Mad World” 14. Andra Day - “Rise up” 15. Jessie Reyez - “Apple Juice” 16. Joshua James – “Ghost in the town” 17. Nothing but thieves - “Hanging” 18. Green day - “Junkies on a high” 19. Rag’n’bone - “Human”

20. Hanson - “Yearbook” 21. Bradley Cooper & Lady Gaga - “Shallow” 22. Billy Valentine & the Forest rangers - “Someday never comes” 23. SHAED - “Trampoline” 24. Hanson - “ Man from Milwaukee” 25. Damien Rice - “The Blower’s daughter” 26. Pixies - Where is my mind” 27. The White Stripes - “Seven nation army” 28. Jaymes Young - “ Happiest year” 29. Nothing but thieves - “Crazy” 30. Curtis Stigers & The Forest Rangers - “John The Revelator” 31. Nothing but thieves - “Particles” (piano version) 32. Backtstreet Boys - “Clumbing the Walls” 33. Vitaa & Slimane - “Avant toi” 34. Elina – “Blue” 35. Janis Joplin - “Cry baby”

Aux Wild Crows addicts,Merci pour tout !

« Notre seule liberté est de choisir entre

l’amertume et le plaisir. »

MILAN KUNDERA

PROLOGUE

GaleLe pire, dans la vie, ce n’était pas la mort, mais ce qu’elle

laissait derrière elle. Sa rengaine insupportable, les questions qu’elle avait pris soin de semer avant de passer au suivant sans pour autant dessiner de réponses.

Il se tenait là, devant moi, furieux. Ses iris rétrécirent, tels ceux d’un fauve.

Ce regard, putain…Les années défilaient et le doute subsistait en moi.Tout ça me semblait dingue, je délirais, c’était sûr.Il me manquait trop, ce con, et voilà que je me mettais à

penser à des trucs aussi aberrants…Mais, putain, ce regard !Et cette façon de sourire quand sa mère le défiait ! Son air

de petit coq en rut, prêt à bouffer le monde entier…

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Impossible de mettre de côté cette petite voix qui me criait que j’étais dans le vrai. Elle hurlait au fond de moi depuis plusieurs années déjà, pourtant, jamais encore je n’avais osé poser la question.

Le gamin m’observait en silence, et sans un mot je comprenais qu’il me traitait de vieux con. J’en ris malgré moi. On avait tous eu cet âge où on se sentait trop en vrac dans le monde des adultes et pourtant plus assez innocent pour celui des gosses. Cette foutue période au cours de laquelle on se sentait pousser des ailes au point de se croire en mesure d’envoyer valser n’importe qui, n’importe quand. Il avait de la fureur à revendre, comme un énième maillon à cette chaîne qui se dessinait dans ma caboche depuis des lustres.

Lui aussi, il en avait.Le gosse leva les yeux au ciel puis soupira avec un air

qui aurait mérité une putain de remontrance. Mais je n’étais pas son père. J’avais beaucoup de défauts, je n’avais rien d’un ange, mais à ce jour, et je touchais du bois pour la suite, je n’avais aucun gosse égaré dans la nature.

Pas moi.Tu dérailles, mec…Ouais, j’me plantais probablement. Mais alors pourquoi

cette maudite rengaine me revenait sans cesse dès que je croisais la route de ce petit con ?

— T’es personne pour moi, siffla-t-il. T’as pas de leçons à me donner.

Et sur ce, il me bouscula pour me laisser comme un idiot.Je l’observai rentrer dans la vieille bagnole garée dans

l’allée, la mâchoire contractée. En temps normal, je l’aurais chopé par le tee-shirt et lui aurais expliqué vite fait bien fait le code de la route. Mais ces conneries qui me bouffaient le cerveau m’avaient ramolli.

Putain, je n’en démordrais pas.

Ce gosse, c’était lui tout craché.

CHAPITRE 1

GalePutain, ça faisait un bien fou de se retrouver là au complet !

Le Devil’s Trip était bondé ce soir, comme tous les week-ends depuis des semaines. Casey nous avait tous surpris quelques années plus tôt en s’improvisant super businessman. Tous les commerces gérés par le club sous sa présidence se portaient à merveille et rapportaient un max aux caisses du club ! Il était doué, ce con !

Pourtant, au tout début, on n’aurait pas donné cher de sa peau. C’est vrai quoi, un président si jeune, ça n’inspirait pas grand monde. Ça ne courait pas les rues, logique. La sagesse de l’âge et l’expérience étaient généralement les meilleures alliées pour être en mesure de diriger un club. Les conflits sous haute tension, les merdes imprévues qui nous pétaient à la gueule, nos petits trafics…

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Pourtant, il avait relevé le défi avec brio, le prez’ ! On avait eu du mal à le considérer comme tel au départ, en partie parce que les plus anciens membres l’avaient vu naître et grandir, et qu’ils le considéraient encore comme un gosse, pas n’importe lequel en somme. Le fils presque unique de Jerry, président emblématique des Wild Crows.

Mais Casey avait eu les couilles de nous tenir tête, de gérer le MC d’une main de maître. Il avait de qui tenir, en même temps ! Sous sa gouvernance, le club avait changé de voie sur un vote unanime de la table. Fini les armes, place aux bars et aux clubs, c’était une question de survie. On avait déjà perdu trop de proches à cause de représailles. Il y en avait toujours dans le business de la came et des flingues.

Alors on avait depuis opté pour un rythme plus pépère : moins d’emmerdes, plus de plaisir… même si parfois, la montée d’adrénaline de certains runs à haut vol nous manquait, pour les plus timbrés d’entre nous… dont je faisais partie.

— À la santé du con qui paye ! hurla le prez’, une chope de bière remplie à ras bord.

Certes, il y avait foule, mais aucun client en vue : juste le club pour une putain de soirée privée déjà bien entamée ! Casey fêtait ses trente ans ce soir ! Il avait grandi, Jerry Junior ! D’ailleurs, son paternel n’avait pas manqué l’occasion. J’étais persuadé que le club lui manquait trop depuis sa fin de présidence. Il avait beau revenir de façon régulière histoire de vérifier que le garage tournait toujours aussi bien, son poste de maire l’avait éloigné de nos affaires. Quand on avait ça dans le sang, on ne s’en débarrassait pas. Le goût du risque, l’amour du danger, la sensation grisante d’être un équilibriste sur le fil de la vie… ça n’avait pas de prix.

Même du haut de ses soixante berges et des poussières, Jerry gardait en lui cette part d’ombre qui nous unissait tous. C’était un corbeau.

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À ses côtés, sa moitié, Mona, qui retrouvait le temps d’une soirée sa place derrière le bar, juste pour le plaisir. Elle avait lâché du lest ces dernières années, confiant les clés du Devil’s à l’employée en qui elle avait toute confiance, Jenna.

— Au fait, Casey, t’oublies pas que l’heure tourne, le tacla Foxy. C’est pour quand la mini portion ?

— Pas pour tout de suite ! lui répondit Charlie, la jolie blonde qui avait gagné le rang de First Lady1 en devenant la régulière du président.

— Si la dame le dit… plaisanta le prez’Tout le monde se marrait à les voir faire. Aucun doute

probable avec la nana qu’il s’était dégotée, dans l’ombre du club, c’était elle qui tenait les rênes… comme souvent. Mais on ne dirait rien, c’était le cas pour pas mal d’entre nous. Du moment qu’en public chacun gardait sa fierté intacte… Personnellement, mon célibat me convenait à merveille, et ce depuis belle lurette !

Putain, même Joe et Ash s’étaient libérés ! Ça devenait rare ! En même temps, avec deux marmots à gérer, forcément, ils avaient moins de temps pour la bringue. Les années défilaient et je me retrouvais souvent à jouer les aînés au comptoir, passée une certaine heure. Pas grave, j’assumais.

— Elle est où la princesse ? demandai-je à la jolie brune. — Aidan la garde. — De la main-d’œuvre gratuite !— Autant profiter de nos progénitures, s’amusa-t-elle. — Je croyais que faire bosser les gamins, c’était interdit…— Et depuis quand les Wild Crows respectent les règles ?— Tu marques un point, plaisantai-je en trinquant avec

elle.La digne héritière de Jerry Welsh. Elle avait débarqué un

1 First Lady  : première femme du club, d’un point de vue hiérarchique.

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beau jour dans nos vies en quête de son paternel qu’elle n’avait jamais connu. La pauvre n’avait pas été déçue du voyage ! Elle en avait fait du raffut, sans le vouloir, jusqu’à poser son dévolu sur le meilleur ami de son père… Bref, heureusement, l’eau coulait plutôt vite sous nos ponts, à Monty Valley, et si on avait frôlé la Troisième Guerre mondiale à cause de ces tourtereaux surprises, désormais, tout roulait. C’était aussi ça notre vie : on s’adaptait à tout, de vrais caméléons. C’est ce qui arrivait quand le destin vous rappelait de façon trop régulière que tout ne tenait qu’à un fil.

Je filai recommander à boire quand Xander se vautra lamentablement sur le comptoir, déjà trop bourré pour tenir la distance, ce soir.

— T’es un rapide, me marrai-je en le tapant dans le dos.Trop tard : il avait déjà déclaré forfait, et commençait un

roupillon sur son tabouret. J’interpellai Jenna. La jolie brune tatouée s’affairait à servir une flopée de bières et en profita pour se renseigner :

— La même chose ?— On ne change pas une équipe qui gagne…Elle sourit et me tendit une pinte remplie de houblon. — Tu bois un truc, toi ?Elle haussa les épaules, étonnée que l’un de nous pense à

son gosier. — Va pour un whisky !— Je t’attends pour trinquer.Ma remarque la fit rire, sans trop que je sache pourquoi.

Elle se servit et revint à mon niveau pour faire claquer son verre contre le mien.

— Santé, alors !Son sourire en coin fit mouche, je me demandais si elle se

doutait de l’effet qu’elle pouvait provoquer chez la plupart des mecs. Sans doute.

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C’est alors que deux mains glissèrent sous mon tee-shirt estampillé du corbeau. Un corps brûlant se greffa dans mon dos et un parfum trop sucré envahit mon espace.

— Alors, champion, d’humeur festive ?Pas le temps de rétorquer qu’une grande blonde me

contourna, ses doigts toujours ancrés sur ma peau, pour me voler un baiser langoureux.

— Eh ben… on dirait, ouais, m’amusai-je contre ses lèvres.

Bon, là, ce n’étaient plus deux, mais quatre mains qui me fouillaient au corps. Une chevelure brune apparut devant moi, guère moins frileuse que sa copine.

— On n’a pas épuisé tout mon stock d’idées, hier soir, Gale…, glissa la prénommée Ginger.

— Autant remédier à ça au plus vite, répondis-je à ces deux nanas en feu.

OK, c’était un avantage indéniable.Ces sweeties2, prêtes à tout pour devenir régulières…

pourquoi chercher ailleurs quand j’avais déjà à domicile ce qu’il me fallait ? Même pas besoin de lever le petit doigt, elles étaient toujours partantes…

J’élus domicile sur un tabouret abandonné par Lazar, parti pisser, et recueillis mes deux pouliches égarées. Cette soirée devenait enfin un peu plus pimentée. La première me dévorait le cou avec une lenteur désarmante quand la seconde glissait ses doigts sous ma ceinture avec une discrétion très subjective.

Pas grave, on filerait en coulisse un peu plus tard si trop de paires d’yeux semblaient choquées. La présence de certaines régulières méritait parfois un petit effort de notre part pour le « bien vivre ensemble », comme le rappelait souvent Casey.

— Putain, dégagez de là ! grogna une voix féminine que

2 Les sweeties, aussi appelées « brebis », sont des femmes gravitant autour d’un club avec l’espoir d’obtenir un statut.

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je n’avais pas anticipée.Charlie débarqua, les traits froncés. Cette poupée blonde

pouvait être le diable en personne quand elle n’était pas d’humeur.

— Allez faire ça ailleurs ! me lança-t-elle en poussant sans ménagement la reine du pelotage.

Ginger râla, mais Charlie s’en foutait pas mal. Quand elle nous menaça d’une carafe d’eau remplie de glaçons, je déclarai forfait face à la First Lady des Wild Crows.

Les mains en l’air, je quittai mon tabouret.— OK, OK, inutile d’en venir là. Mollo, la tornade !Le prez’ débarqua et enlaça la taille de sa furie. — Vas-y doucement avec Gale, Charlie, il n’a pas

l’habitude de devoir se tenir en soirée…— Ouais, ben je préfère de loin quand vos nanas ne sont

pas conviées, prez’ ! lui affirmai-je avant de passer un bras sur les épaules des jumelles de l’extase avant de leur fausser compagnie.

J’adorais la faire monter en pression, cette fille. Elle avait un tempérament de feu… le pauvre Casey en ferait les frais. Je me marrais déjà rien que d’y penser. Je ne marchais plus forcément très droit, mais rien à battre, j’allais enfin pouvoir me faire plaisir.

J’embarquai mes deux nouvelles meilleures amies en direction des chiottes et me calai contre un mur. Habituée, Shelby s’attela à déboutonner mon jean tout en me dégustant de sa langue experte. Je basculai la tête contre le béton et soupirai déjà d’extase. Sa copine Ginger en profitait pour se dandiner devant moi, histoire de me faire profiter d’une vue idéale sur ses courbes de malade.

Fallait bien l’admettre : j’aimais ma vie. Putain, je l’adorais, même !

Je planais dans un foutu nirvana, mis à mal par un savant

mélange de bière et de pétards. L’issue si prévisible et pourtant foutrement bonne de ma soirée se dessinait derrière mes paupières closes, quand cet enfoiré de destin fit éclater ma bulle de volupté. La musique du bar s’interrompit soudain et quelques mots me parvinrent.

— Shérif, on peut vous aider ?Et merde. Les affaires reprenaient...Ah, putain ! Synchronisation de merde, tiens…Je repoussai la chevelure blonde qui s’acharnait avec trop

de virulence sur mes burnes et me rhabillai en vitesse. Elle chuta en arrière, guère plus sobre que moi. Je bousculai Ginger sans la ménager et filai dans la salle principale, découvrant le shérif Thompson avec un gamin que je connaissais trop bien sous le bras.

CHAPITRE 2

JennaJe crus défaillir.Le shérif Thompson, mon fils sous le bras.Mon fils défiguré. Du sang séché ornait son beau visage désormais marqué

par les coups. Un hématome se formait déjà sous son sourcil. — Vous êtes la mère de ce jeune homme, je me trompe ?

demanda Thompson avec un air détaché qui m’horrifia.Ni une ni deux, je contournai le comptoir et accourus vers

Jonas tandis que quelqu’un jugea bon de baisser le son de la musique. Par réflexe, j’allais poser une main sur sa mâchoire, mais il recula d’instinct et fronça les yeux en sifflant.

— Que… Qu’est-ce que…Aucune cohérence possible dans mes mots. Le choc, si

puissant, les maintenait arrimés à mon cœur, mis à mal par

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cette vision d’horreur.— Votre fils s’est retrouvé au cœur d’une bagarre générale

en centre-ville. Pouvez-vous m’expliquer ce qu’un gamin de son âge faisait tout seul dehors à une heure pareille ?

Son ton moralisateur m’aurait mise en rage en d’autres circonstances, mais pas cette fois. L’inquiétude prédominait sur tout le reste.

— T’étais supposé rester chez Jeffrey, murmurai-je en cherchant le regard de mon fils, fuyant.

— J’y étais, grogna Jonas, bien trop distant.— Jeffrey Monaghan ? Stupéfaite, je hochai la tête en écoutant le shérif. — Lui aussi se trouvait au milieu de cette rixe. — Super…, m’horrifiai-je. — Une chance pour lui, nos cellules de garde à vue sont

pleines. Plusieurs majeurs ont été arrêtés sur les lieux. Voilà l’unique raison de ma venue ici, pour vous ramener votre petit délinquant…

— Je ne comprends pas, chuchotai-je pour moi-même, complètement abasourdie de vivre une telle situation.

— Prenez ceci comme un avertissement, madame Holloway. Je n’aime pas regretter de telles décisions.

— Heu… oui, merci…Le shérif Thompson n’était pas du genre à plaisanter. Cette

femme avait suffisamment roulé sa bosse à Monty Valley pour que l’on connaisse sa détermination. Elle jeta un bref regard à la salle, tous les regards étaient tournés vers nous. La mauvaise mère que j’étais venait d’être jetée en pâture à des loups, mais peu m’importait. Mon cœur cognait trop fort. Voir son fils roué de coups, c’était inconcevable pour une mère…

Thompson salua l’assemblée avant de quitter les lieux. Il me faudrait penser à remercier plus tard celui ou celle qui avait eu l’idée de remonter un peu le son afin de détourner

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l’attention de nous deux. Le show des danseuses reprit et par réflexe, je saisis le poignet de Jonas avant de le traîner derrière le comptoir et de nous emmener dans le petit local réservé aux employés. Il s’effondra sur une chaise avec sa nonchalance habituelle. Sauf que cette fois, je ne le tolérai pas.

— Je veux tout savoir, décrétai-je, bras croisés sur la poitrine.

Lâche, il balaya la pièce du regard en soupirant.— Jonas ! Parle-moi. C’est quoi tout ça ?— C’est rien, m’man… on était juste au mauvais endroit

au mauvais moment…— Tu te fous de moi ? m’emportai-je. Tu as quinze ans !

Quinze ans ! Qu’est-ce que vous foutiez dehors ?— On voulait juste aller voir des copines, rien de plus !

On est tombés sur une bande de tarés bourrés !Je cherchai à discerner le vrai du faux dans sa réplique,

consciente qu’il mentait souvent comme il respirait ces derniers temps. Question d’âge, sans doute… Mais mon fiston continuait de noyer le poisson et ça me rendait dingue. Je fulminai. Je m’accroupis pour me poser devant lui, les mains sur son jean.

— Regarde-moi, Jonas !Nouveau soupir.— Regarde-moi ! insistai-je.Cette fois, il finit par obtempérer, sans doute conscient du

fait que j’allais devenir folle.— C’était qui, ces types, et pourquoi s’en sont-ils pris à

vous ? — J’en sais rien, m’man ! J’te dis, on les a croisés par

hasard, la faute à pas de chance !Son côté je-m’en-foutiste m’exaspérait ! — Non mais tu as vu ton visage ? Je n’appelle pas ça la

faute à pas de chance ! Demain matin, on ira déposer plainte !

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— Non ! m’interdit-il.— Pourquoi ?— Parce que ! Ça te servirait à quoi ?— À m’assurer que ces cinglés ne s’en prennent plus à

des gamins de ton âge ! — C’est inutile, maman. Ils n’étaient même pas d’ici, et

puis… on s’est pas laissé faire, t’inquiète.Devais-je en rire ou en pleurer ?Mon fils de quinze ans venait d’être passé à tabac et s’en

tirait fier comme un paon ? — Mais putain, Jonas ! Quand tu me dis que tu vas chez

un copain, je te fais confiance, je ne m’imagine pas que tu vas filer en douce à la première occasion !

— C’était pas prévu…— Je m’en contrefous, tu m’entends ? Sois tu es digne de

confiance, sois tu ne sors plus, ce sera simple !— Oui, m’man, je sais…De colère, je cognai la table en bois du poing.La porte s’entrouvrit et je reconnus Casey dans

l’embrasure, inquiet. — Tout va bien… ?J’expirai, dépitée.— Autant que si mon fils s’était fait tabasser par un groupe

de mecs plus âgés, Cas’…Il entra dans la pièce avec une poche de glace qu’il jeta à

Jonas. Par chance, il l’attrapa. Il positionna près de son arcade en grognant.

— Ça t’évitera de ressembler à Quasimodo demain !— Quasi… qui ?— Rien, laisse tomber, se marra le président des Wild

Crows. Pour la première fois depuis quelques minutes, je me mis

à rire. La faute à l’un de mes meilleurs amis, Casey Welsh ;

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une bouille d’ange, un cœur gros comme la Californie, et une générosité sans faille envers ses proches.

— Tu peux rentrer, m’informa-t-il. Ramène notre champion du soir à la maison. Joe propose de te remplacer.

— Ta sœur est un ange.— Tu lui diras toi-même, elle va s’imaginer que j’attends

un truc en retour si je m’en charge.Nouveau sourire.— Merci, Cas’…Je me relevai péniblement et attrapai mon sac. — On rentre ! décrétai-je en attendant ce qui me servait

de fils. L’adolescent grogna en me rejoignant, et je le laissai

passer devant pour quitter la pièce. Avant que je n’en sorte, Casey me retint par le bras.

— Congé demain aussi, je ferai venir Carole.— Merci…— Je passerai te voir dans la matinée, si d’ici là tu lui tires

les vers du nez…Sa remarque m’étonna.— Je peux gérer seule.— Tu connais le club, Jenna. Quelqu’un s’en est pris à

ton fils, c’est la moindre des choses qu’on en sache plus sur le sujet…

— Ouais, je sais.Mais c’était bien loin de me rassurer, au contraire. La

démarche de Casey partait d’une bonne intention, cependant, je ne tenais pas à mêler Jonas aux affaires du club. Depuis des années, je faisais de mon mieux pour le tenir éloigné de tout ça. Je pensais ainsi le préserver. Ce soir, je réalisais que j’avais peut-être échoué. Son comportement de plus en plus borderline ces derniers temps me renvoyait en pleine face mes défauts de mère.

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Le président m’embrassa sur la tempe et je filai pour remercier Joe.

— T’inquiète, je gère, me sourit celle-ci en reprenant son ancien poste comme si elle ne l’avait jamais quitté.

Je la soupçonnais d’aimer ça. Tenir ce bar qui était devenu son chez-elle durant ses premiers mois à Monty Valley, célébrer avec cette famille qui était la nôtre, tout un groupe de corbeaux survoltés.

— Tu connais la maison, plaisantai-je, un sourire de façade pour masquer au mieux les doutes qui me bouffaient déjà.

Jonas m’attendait près de la porte, c’était à peine s’il dardait un regard aux danseuses nues. Un bon point pour lui vu le désastre de cette soirée. Je me dépêchai, consciente que ce lieu de débauche n’était pas fait pour un gamin de son âge. Inutile de rajouter une couche à l’éducation douteuse que je lui avais inculquée en pensant agir au mieux.

En sortant, je bousculai Gale malgré moi. — Tu veux que je vous raccompagne ?— Non, j’ai ma voiture.— OK, comme tu veux…— Merci.Je le plantai là, l’esprit complètement dévoré par mes

peurs, ma culpabilité aussi. Les enfants n’étaient que le reflet de la vérité qu’on avait été capable de leur transmettre. Si mon fils devenait violent, s’il partait en vrille, j’en étais par conséquent la première responsable.

Cette pensée ne me quitta pas du trajet retour.Sans dire un mot, il partit se coucher, et je n’eus pas le

courage de l’affronter ce soir. Demain serait un autre jour. D’ici là… j’aurais tout le temps de trouver des solutions. On vivait au jour le jour, Jonas et moi. Depuis toujours. Jusqu’à présent, ça nous avait plutôt réussi.