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XVI. La puissance et la gloire Italie, France, Allemagne, Autriche, XVII et début du XVIII siècle En Italie, l’architecture baroque s’affirme. Il visait à des effets de diversité et de surprise. Dès l’instant où l’on considère comme essentiel de compliquer et d’étonner, chaque artiste nouveau venu doit, s’il veut faire quelque impression, se livrer à une surenchère de complexité dans le décor, d’originalité dans la conception. L’église romaine de Sainte-Agnès, œuvre du célèbre architecte Borromini (1599-1667) et de ses aides, est un exemple parfait de cet art. Tout en continuant de faire usage des éléments architecturaux de la Renaissance, il a combiné toutes sortes d’éléments divers : vaste coupole, façade proprement dite et tours latérales. La façade s’incurve avec la souplesse d’une maquette de glaise. L’architecture a accumulé des détails inattendus. Le premier étage des tours est de plan carré, le second circulaire, et le passage d’un étage à l’autre est ménagé par un entablement étrangement brisé. L’encadrement des portes latérales est encore plus extraordinaire. La manière dont une espèce de fronton y circonscrit une fenêtre ovale est absolument sans précédent. Les courbes et les volutes de style baroque en sont arrivées à commander à la fois le plan d’ensemble et la décoration. On a reproché à ce type d’édifice leur excès de théâtralité. Lorsqu’on pénètre dans une telle église, on saisit avec évidence que les marbres précieux, l’or et le stuc ont été employés à profusion dans le but délibéré de nous proposer une vision de gloire céleste capable d’agir plus puissamment sur nos sens que le mystère des cathédrales médiévales. Plus les réformés s’attaquaient à la pompe des églises, plus Rome désirait s’assurer les prestiges de l’art. C’est ainsi que la Réforme, qui, en condamnant le culte des images, eut une telle influence sur l’évolution des arts, joua aussi, indirectement, un rôle dans le développement du style baroque. Architectes, peintres et sculpteurs furent invités à faire des églises un déploiement de magnificence et de féérie, capable de transporter le fidèle. Sainte-Agnès à Rome, Francesco Borromini, 1653 Cet art théâtral atteignit son apogée dans l’œuvre de Gian Lorenzo Bernini (1598-1680) dit Bernin. Il était un grand portraitiste. Il a mis cette particulière maîtrise au service du sentiment religieux, comme Rembrandt l’avait fait de sa science du geste. Sainte Thérèse d’Avila, religieuse espagnole qui vécut au XVI siècle, a laissé, en une œuvre fameuse, le récit de ses visions mystiques. Elle parle de l’instant d’extase céleste où un ange du Seigneur a transpercé son cœur d’une ardente flèche d’or, la remplissant à la fois de douleur et d’une félicité

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XVI. La puissance et la gloire

Italie, France, Allemagne, Autriche, XVII et début du XVIII siècle

En Italie, l’architecture baroque s’affirme. Il visait à des effets de diversité et de surprise. Dès l’instant où l’on

considère comme essentiel de compliquer et d’étonner, chaque artiste nouveau venu doit, s’il veut faire quelque

impression, se livrer à une surenchère de complexité dans le décor, d’originalité dans la conception. L’église

romaine de Sainte-Agnès, œuvre du célèbre architecte Borromini (1599-1667) et de ses aides, est un exemple

parfait de cet art. Tout en continuant de faire usage des éléments architecturaux de la Renaissance, il a combiné

toutes sortes d’éléments divers : vaste coupole, façade proprement dite et tours latérales. La façade s’incurve

avec la souplesse d’une maquette de glaise. L’architecture a accumulé des détails inattendus. Le premier étage des

tours est de plan carré, le second circulaire, et le passage d’un étage à l’autre est ménagé par un entablement

étrangement brisé. L’encadrement des portes latérales est encore plus extraordinaire. La manière dont une

espèce de fronton y circonscrit une fenêtre ovale est absolument sans précédent. Les courbes et les volutes de

style baroque en sont arrivées à commander à la fois le plan d’ensemble et la décoration. On a reproché à ce type

d’édifice leur excès de théâtralité. Lorsqu’on pénètre dans une telle église, on saisit avec évidence que les marbres

précieux, l’or et le stuc ont été employés à profusion dans le but délibéré de nous proposer une vision de gloire

céleste capable d’agir plus puissamment sur nos sens que le mystère des cathédrales médiévales. Plus les

réformés s’attaquaient à la pompe des églises, plus Rome désirait s’assurer les prestiges de l’art. C’est ainsi que la

Réforme, qui, en condamnant le culte des images, eut une telle influence sur l’évolution des arts, joua aussi,

indirectement, un rôle dans le développement du style baroque. Architectes, peintres et sculpteurs furent invités

à faire des églises un déploiement de magnificence et de féérie, capable de transporter le fidèle.

Sainte-Agnès à Rome, Francesco Borromini, 1653

Cet art théâtral atteignit son apogée dans l’œuvre de Gian Lorenzo Bernini (1598-1680) dit Bernin. Il était

un grand portraitiste. Il a mis cette particulière maîtrise au service du sentiment religieux, comme Rembrandt

l’avait fait de sa science du geste. Sainte Thérèse d’Avila, religieuse espagnole qui vécut au XVI siècle, a laissé, en

une œuvre fameuse, le récit de ses visions mystiques. Elle parle de l’instant d’extase céleste où un ange du

Seigneur a transpercé son cœur d’une ardente flèche d’or, la remplissant à la fois de douleur et d’une félicité

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ineffable. C’est cet instant précis que l’artiste, avec une audace certaine, a voulu représenter. La sainte est

emportée vers les cieux, étendue sur un nuage ; elle monte vers des flots de lumière matérialisés par des rayons

d’or. Un ange assiste la sainte qui défaille en extase. Le groupe est conçu de telle sorte qu’il semble flotter. Cette

œuvre porte l’émotion à un degré de tension que l’on n’avait pas imaginé jusqu’alors. Dans l’expression du

visage notamment, l’artiste a atteint une intensité rare. Le traitement des draperies est, lui aussi, tout à fait

nouveau. Au lieu de les faire tomber en plis majestueux, à la manière classique, Bernin les fait se tordre et

tourbillonner, accentuant par là le mouvement et l’effet dramatique.

Extase de Sainte-Thérése, Bernin, 1645-1652, Détail

marbre, h : 350cm

S’il est vrai que des sculptures telles que Extase de sainte Thérèse ne donnent leur pleine expression que

dans le décor pour lequel elles ont été conçues, le fait est encre plus patent lorsqu’il s’agit de la décoration peinte

des églises baroques (voûtes notamment qui voulaient nous donner l’illusion qu’elle s’ouvre sur la gloire des

cieux). Peut-être n’est-ce pas un hasard si, après l’apogée du style baroque, époque où les artistes travaillaient en

équipe pour un effet d’ensemble, la peinture et la sculpture comme arts indépendants ont connu, en Italie

surtout, un sensible déclin.

Au cours du XVIII siècle, les artistes italiens se distinguèrent surtout par leurs grandioses décors intérieurs.

Ces décorations firent à travers l’Europe entière leur réputation de stucateurs et de fresquistes hors pair,

capables de transfigurer n’importe quelle salle de château ou de monastère. Le plus célèbre d’entre eux fut le

vénitien Tiepolo (1696-1770). Ce type d’œuvres, eurent une moins grande portée que les créations plus sobres

des siècles précédents et marquent la fin de la grande époque de l’art italien.

Dans un genre seulement, l’art italien s’est montré vraiment novateur au cours du XVIII siècle. Il s’agit de la

peinture et de la gravure de vedute, de vues. Les voyageurs qui, de tous les coins du monde, affluaient en Italie

pour en admirer les beautés, désiraient souvent emporter des souvenirs de leur séjour. A Venise qui, plus que

toute autre ville italienne, offre aux peintres des thèmes incomparables, se développa une école susceptible de

répondre à cette demande. L’un de ses représentants, Francesco Guardi (1712-1793), montre à quel point, dans

ses œuvres, l’art vénitien n’avait rien perdu ni de son sens du spectacle ni de sa maîtrise dans le traitement de la

lumière et de la couleur. Guardi est allé plus loin que les peintres du XVII siècle. Il a compris que l’impression

générale d’une vue d’ensemble est essentielle et que le spectateur ne demande qu’à laisser jouer son imagination

pour en préciser le détail.

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Francesco Guardi, Vue de San Girogio Maggiore à Venise, vers 1775-1780, huile sur toile, 70,5 X 93,5 cm

User des prestiges de l’art pour manifester sa propre puissance n’était pas le monopole de l’Eglise romaine. Les

princes souverains de l’Europe étaient également désireux de faire étalage de leur pouvoir pour affermir leur

emprise sur les peuples. Ils tenaient à s’élever au-dessus du commun des mortels. Cela s’applique surtout au plus

puissant monarque de cette époque, le roi Louis XIV. Le magnifique édifice qui est le vrai symbole de l’immense

pouvoir de ce despote éclairé, c’est Le palais de Versailles construit, pour l’essentiel, entre 1660 et 1680. C’est

plutôt par ses proportions gigantesques que par son style que Versailles se rattache à l’art baroque. Ses

architectes, Louis Le Vau et Jules Hardouin-Massart, s’appliquèrent surtout à articuler l’énorme masse de

l’édifice en un corps central flanqué de deux ailes, chacun de ces éléments nettement détaché et chacun

manifestant magnificence et grandeur.

Louis Le Vau et Jules Hardouin-Mansart, Le Château de Versailles, façade sur les jardins, 1655-1682

La leçon fut exploitée à fond par les architectes de la génération suivante. Les églises baroques romaines, les

châteaux français suscitèrent une émulation sans pareille. Il n’est pas un petit prince souverain d’Allemagne du

Sud qui n’ait brûlé d’avoir son propre « Versailles ». Pas un monastère, autrichien ou espagnol, qui n’ait voulu

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rivaliser avec les conceptions grandioses de Bernin. Les années 1770 correspondent à une des plus grandes

époques de l’architecture. Palais et églises n’étaient pas conçus comme de simples édifices ; tous les arts devaient

contribuer à créer l’illusion d’un univers féérique. Des villes entières furent employées comme toile de fond ; de

grands espaces de campagne furent transformés en jardins, des ruisseaux contraints à tomber en cascades.

En Autriche, en Bohème, en Allemagne du Sud, le baroque italien et le classique français se sont fondus en un

style original, audacieux et parfaitement cohérent. Il suffit d’observer le palais construit à Vienne par l’architecte

autrichien, Lucas von Hildebrandt (1668-1745), pour le prince Eugène de Savoie. C’est en pénétrant à

l’intérieur des édifices qu’on éprouve dans sa plénitude le charme d’un décor fantastique. Le grand escalier d’un

château allemand dû au même Hildebrandt dégage une féérie extraordinaire. Il suffit de l’imaginer animé,

illuminé le soir d’une fête offerte par le maître de ces lieux, peuplés d’une foule d’invités vêtus avec toute la

fantaisie et l’apparat des modes du XVIII siècle (il devait contraster avec les rues sombres, malodorantes, sales).

Le Belvédère à Vienne, de Lucas von Hildebrandt, 1720-1724 Le grand escalier du château de Pommersfelden,

Lucas von Hildebrandt, vers 1713-1714

Les mêmes effets grandioses s’appliquaient aux édifices religieux. Lorsque, descendant le Danube, on découvre

le monastère de Melk en Autriche, il se dresse sur sa colline comme une apparition fantastique. Il a été

construit par un architecte nommé Jacob Prandtauer et décoré par ces virtuosi italien, itinérants toujours

féconds en idées nouvelles susceptibles de renouveler le répertoire infini de l’ornementation baroque. Ils

savaient doser le décor, n’employer les motifs les plus extravagants qu’avec retenue. Dans le décor intérieur, en

revanche, ils ont rejeté toute mesure. Sur les campagnards une telle féérie devait avoir un effet prodigieux. Tout

semble vivre et danser. Dans une telle église, rien de « naturel. Il s’agit de nous donner un avant-goût de la gloire

du paradis. Si différente soit l’idée que l’on peut se faire du paradis, lorsqu’on se trouve sous ses voûtes, il n’y a

plus place pour l’esprit critique. On se sent transporté dans un monde où nos normes habituelles cessent de

s’appliquer.

Au nord des Alpes comme en Italie, cette orgie de décoration tendait à éclipser l’indépendance de chaque art à

tout absorber. Certes, cette époque centrée sur 1700 a connu des peintres et des sculpteurs de valeur, mais seul

l’un d’entre eux peut sans doute être comparé aux grandes figures des époques antérieures. C’est Antoine

Watteau (1684-1721). Il a peint son rêve d’une existence qui n’accepterait aucune rudesses ni médiocrités

quotidiennes, une vie de songe toute consacrée à de douces conversations dans des parcs de féérie où il ne pleut

ni ne vente, à des sérénades où les femmes seraient toutes belles, et charmants tous les amoureux. On ne peut

voir en lui un simple reflet des modes de son temps. C’était un réel artiste dont la propre pensée, cette sorte de

médiation rêveuse qui le caractérise, a contribué à former ce que nous appelons le goût rococo.

Divertissements champêtres (vers 1719) représente une réunion dans un parc. Nous voici loin de la gaieté

bruyante de Steen ; l’atmosphère est toute de douceur et presque de mélancolie. Ces jeunes hommes, ces jeunes

femmes ne font rien d’autre que reposer et songer. La lumière qui fait chatoyer les étoffes de leurs costumes

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transforme ce simple sous-bois en une sorte de paradis terrestre. C’est seulement devant une de ses peintures

que l’on peut comprendre quelle étonnante sensibilité était celle de ce peintre, que l’on peut apprécier toute la

délicatesse de son pinceau, tout le raffinement de ses harmonies de couleur. Il avait l’art, comme Rubens qu’il

admirait, d’exprimer la vie, le frémissement de la chair, d’une simple indication de son crayon. Il y a cependant

dans ces songes harmonieux une pointe de tristesse qui échappe à toute définition et qui élève l’art de Watteau

bien au-dessus de la simple virtuosité. Watteau était malade et mourut jeune de consomption.

Antoine Watteau, Divertissements champêtres, vers 1719, huile sur toile, 127,6 X 193 cm

LEXIQUE

vedute (italien) : vues (à Venise, de la lagune)

style rococo : style décoratif étant l’aboutissement du style baroque.

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XVII. Le siècle de Lumières

France et Angleterre au XVIII siècle

Le mouvement baroque a atteint son apogée en Europe catholique aux alentours de 1700. Les pays

protestants ne pouvaient se soustraire complètement à l’influence d’une mode aussi généralement adoptée ;

néanmoins ils ne s’y plièrent pas. Cela est vrai en Angleterre qui connut son plus grand architecte en la

personne de Sir Christopher Wren (1632-1723) à qui incomba la tâche de reconstruire les églises de

Londres après le grand incendie de 1666.

Il est clair que, bien qu’il ne soit jamais allé à Rome, Wren a suivi l’architecte baroque dans la conception

générale comme dans l’effet. La cathédrale de Wren est beaucoup plus vaste que la cathédrale de

Borromini, mais comme elle, elle comporte une coupole centrale, des tours latérales et un portique

d’inspiration romaine encadrant l’entrée principale. En dépit des points communs, pourtant, l’effet général

est très différent. La façade de Saint Paul n’est pas incurvée ; la suggestion de mouvement a disparu pour

faire place à la robustesse et à la stabilité. Si l’on examine les détails, il est permis de se demander si on peut

vraiment appeler baroque le style de Wren. Sa décoration n’a rien de capricieux ni de fantastique. Toutes les

formes se rattachent directement aux meilleurs modèles de la Renaissance italienne. Le style de Wren nous

frappe par sa sobriété et sa réserve par rapport à l’exubérance de Borromini ou de Melk.

Le contraste entre l’architecture protestante et l’architecture baroque est encore plus marqué si l’on

considère l’intérieur des églises de Wren. L’architecte (Saint Stephen Walbrook) ne s’est nullement efforcé

de suggérer une vision céleste, il a pensé plutôt à favoriser le recueillement.

La Cathédrale Saint Paul à Londres, 1625-1710, Intérieur de St Stephen Walbrook, Londres, 1672

Sir Christopher Wren Sir Christopher Wren

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Le même esprit se retrouve dans l’architecture civile. Aucun roi d’Angleterre n’aurait pu réunir les

sommes immenses qu’a exigées Versailles, ou construire selon cette fièvre d’extravagance des souverains

allemands. L’Angleterre du XVIII siècle a construit des maisons de campagne plutôt que des palais.

Les architectes de ces demeures écartaient presque toujours les extravagances du style baroque. Leur

ambition était de n’enfreindre aucune des règles de ce qu’ils considéraient comme « le bon goût » (celles de

l’architecture antique). Ils s’inspirèrent de manuels sur la Renaissance italienne, destinés à fournir des

modèles aux architectes et aux artisans. Le plus fameux de ces ouvrages est l’œuvre d’Andrea Palladio, et

on peut dire que les architectes anglais du XVIII siècle l’ont considéré comme la plus haute autorité.

Construire dans le style paladien était le dernier mot de l’élégance. Le style antique de Chiswick House à

Londres de Lord Burlington et William Kent (vers 1725), imitation de la Villa Rotonda de Palladio, est

plus que respecté. Le noble portique présente des formes semblables à celles d’un temple antique du style

corinthien. Les murs sont simples et nus ; pas de courbes, pas de volutes, pas de statues couronnant l’édifice,

pas de décor rocaille et de surcharges. Le goût se fondait sur la raison. Le génie même de la nation

s’opposait aux exubérances du style baroque, à un art visant à l’effet et à l’outrance dans l’expression.

Ainsi, les architectes anglais de ce siècle inventèrent le jardin « paysager », pour entourer leurs villas

palladiennes. Leur vision de la nature fut largement influencée par les peintures de Claude Lorrain.

Chiswick House, à Londres, vers 1725 Les jardins de Stourhead dessinés en 1741

Lord Burlington et William Kent

A vrai dire en ces temps de raison et de bon goût, la situation des peintres et des sculpteurs n’était pas

particulièrement enviable. La victoire du protestantisme en Angleterre et l’hostilité puritaine à l’égard des

images et du luxe avaient, nous l’avons vu, porté un coup sévère aux traditions artistiques anglaises. On ne

commandait plus guère que des portraits ; qui restait le quasi-monopole d’artistes étrangers qui, comme

Holbein et van Dyck, venaient en Angleterre alors que leur réputation était déjà faite.

Les artistes nationaux souffrirent de cette situation où ceux qui désiraient acquérir un tableau pour le décor

de leur villa préféraient se tourner vers l’œuvre de quelque fameux maître italien. Cet état de choses gênait,

parmi tant d’autres, un jeune graveur anglais, réduit, pour vivre, à illustrer des livres. Il se nommait William

Hogarth (1697-1764). Il sentait en lui l’étoffe d’un grand peintre mais il savait aussi que dans l’Angleterre

d’alors, il y avait peu de place pour l’art contemporain. Aussi créa-t-il délibérément un nouveau genre de

peinture qui pût toucher certaines catégories de ses concitoyens. Il savait que pour toucher un public élevé

dans la tradition puritaine, il fallait que l’œuvre ait une utilité évidente. Il se mit donc à peindre des tableaux

célébrant les bons effets de la vertu et le châtiment du péché. Il suivit la Carrière du Libertin, de la

prodigalité et de la paresse au crime et à la mort. Il peignit les Quatre degrés de la cruauté, depuis l’enfant

qui taquine un chat jusqu’au meurtre sauvage de l’adulte… Bref, il apportait « des leçons morales »…

Hogarth lui-même comparait ce nouveau genre à l’art du dramaturge et du metteur en scène. Il s’efforçait

de mettre en évidence le caractère de chaque personnage non seulement par l’expression du visage mais

encore par la mimique et jusque par le détail du costume. Chacune de ses séries de tableaux se lit comme

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une histoire ou mieux encore comme un sermon. Dans La Carrière du Libertin, tous les types de folie sont

représentés. La technique de ce peintre est remarquable. Malgré tout, ce peintre, qui était aussi théoricien, ne

parvint toutefois pas, malgré ses beaux discours, à détourner ses compatriotes de leur penchant pour la

peinture ancienne.

La Carrière du libertin : le libertin à Beldam, 1735, huile sur toile, 62,5 X 75 cm, William Hogarth

Ce n’est qu’une génération plus tard que naquit un peintre capable d’émerger, en satisfaisant les

aspirations de la société élégante. Il s’agit de Sir Joshua Reynolds (1723-1792). Il connaîtra cette Italie où

Hogarth n’était jamais allé. Il ira dans le sens des amateurs en pensant que les maîtres de la Renaissance

italienne, Raphaël, Titien, Michel-Ange, Corrège, demeurent comme des exemples incontournables de

perfection artistique. Il fera sienne la doctrine attribuée aux Carrache, selon laquelle il n’y a de salut pour

un artiste que dans l’étude attentive et dans l’imitation de chacun de ces maîtres, le dessin de Raphaël, le

coloris de Titien. Il fut nommé Président de la Royal Academy qui venait d’être fondée. Il exposa sa

doctrine « académique » en une série de discours qui peuvent encore être lus avec profit. Il était convaincu

qu’il n’y a pas de Grand Art qui ne sacrifie au grandiose. Pour lui, il fallait s’efforcer de perfectionner ses

tableaux par la noblesse des idées.

Reynolds était un intellectuel qui fréquentait les demeures de la haute société, à la ville comme à la

campagne. Il croyait sincèrement à la supériorité de la peinture d’histoire qu’il voulait faire revivre en

Angleterre mais il reconnaissait que le seul genre pour lequel existait une véritable demande dans ces

milieux était le portrait. Il savait, aussi bien qu’aucun autre, peindre des portraits flatteurs et distingués, mais

il aimait ajouter une touche susceptible de caractériser le personnage et son rôle social. Même quand il

devait peindre un enfant, il tendait à faire une véritable petite scène qui parlât à l’imagination, comme

l’atteste Miss Bowles avec son chien. On voit, dans cette œuvre, que l’artiste est soucieux de montrer la

touchante affection de l’enfant pour son animal favori. La pose est concertée ; elle montre une composition

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équilibrée. Il est décevant par rapport à un Velasquez si on regarde la touche. Mais il visait autre chose : il

voulait seulement saisir le caractère de l’enfant, sa douceur et son charme.

Le même musée londonien conserve cette dernière œuvre et le portrait d’une autre petite fille, Miss

Haverfield, œuvre de Gainsborough (1727-1788), qui était seulement de quatre ans plus jeune.

Gainsborough l’a peinte en train de nouer les rubans de son petit manteau. Rien là de particulièrement

touchant. Mais l’artiste a su donner tant de grâce et de charme à ce simple geste qu’il nous ravit autant que la

tendresse de Miss Bowles pour son chien. Il mettait dans ses œuvres moins d’intention que Reynolds.

Comparé à Reynolds c’est presque un autodidacte pour qui le contact avec la nature est essentiel. Si nous

considérons le portrait de Miss Haverfield, en gardant présent à l’esprit le caractère de son auteur, nous

saisissons parfaitement cette qualité de fraîcheur et de spontanéité qui distingue Gainsborough de l’art plus

voulu de Reynolds.

C’est sans enthousiasme que ces deux artistes consacraient le plus clair de leur temps aux commandes de

portraits dont ils étaient accablés. Tous deux désiraient peindre autre chose. Mais tandis que Reynolds

aspirait aux loisirs de peindre d’ambitieux sujets empruntés à la mythologie ou à l’histoire ancienne,

Gainsborough aimait à peindre ce que précisément son rival méprisait : des paysages. Ceci reflète bien

l’opposition de leurs caractères : tandis que Reynolds, fort répandu dans le monde, aimait à fréquenter la

société, le second se plaisait dans le calme de la campagne, et la musique de chambre était son

divertissement de prédilection. Malheureusement, ses paysages trouvaient peu d’amateurs et beaucoup

d’entre eux, peints pour son propre plaisir, sont restés à l’état d’esquisse.

Miss Bowles avec son chien, Portrait de Miss Haverfield, vers 1780,

1775, huile sur toile, 91,8 X 71,1 cm Sir Joshua Reynolds huile sur toile, 127,6 X 101,9 cm Thomas Gainsborough,

En France, aussi, le faste de Versailles s’était effacé devant un goût plus délicat, plus intime, que l’art de

Watteau symbolise parfaitement. A l’époque où nous sommes parvenus, tout ce monde de féérie

aristocratique se défait peu à peu. Les peintres commencent à s’attacher à la vie quotidienne des gens qui les

entourent, en tirant parfois des sujets touchants ou amusants, de caractère anecdotique. Cette attitude a

trouvé son meilleur représentant en la personne de Jean-Baptiste Siméon Chardin (1699-1779). Chardin

aimait ces scènes paisibles de la vie populaire. On peut le rapprocher de Vermeer par sa manière d’exprimer

la poésie d’une scène domestique, sans aucune recherche d’effet et dans l’absence complète de toute arrière-

pensée allégorique. Sa couleur même a quelque chose de tranquille et de réservé.

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En France comme en Angleterre, cet intérêt nouveau, porté sur l’individu, dépouillé des pompeux attributs

du pouvoir, a largement bénéficié à l’art du portrait. Le plus grand des portraitistes français de cette époque

est sans doute le sculpteur Jean Antoine Houdon (1741-1828). Par ses admirables bustes, Houdon poursuit

cette tradition où Bernin s’était illustré plus d’un siècle auparavant. Son Buste de Voltaire nous fait vraiment

voir, dans les traits de ce champion de la raison, tout le mordant de son ironie, toute la profondeur de son

intelligence et ce sentiment de pitié sans lequel il n’est pas de grand esprit.

Bénédicité, 1740, huile sur toile, 49 X 38 cm, Buste de Voltaire, 1781, marbre, h : 50,8 cm

Jean-Baptiste Siméon Chardin Jean Antoine Houdon

LEXIQUE

académique : qui suit les règles conventionnelles avec froideur ou prétention ; académisme : observation

étroite des traditions ; classicisme étroit.

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XVIII. Rupture dans la tradition

France, Angleterre, Amérique, fin du XVIII et début du XIX siècle

Depuis la Renaissance et la Réforme, malgré tant d’importants changements, il n’y eut pas de véritable rupture

dans les traditions. Les artistes continuèrent à s’organiser en corporations, à faire travailler des apprentis tout

comme les autres artisans, et à compter sur les commandes de l’aristocratie riche. En somme, avec les temps

modernes (qui débutent à la prise de Constantinople par les Turcs), l’art conservait sa place dans la vie des

classes privilégiées. Les artistes mettaient jusqu’alors l’accent sur la composition, le maniement des couleurs ou

sur l’expression dramatique. Il ne s’agissait pas de remettre l’art en question. Il existait, certes, différentes

doctrines discourant sur la définition du Beau : les uns estimaient raisonnable de s’en tenir à cette fidèle imitation

de la nature, gloire de Caravage ou des peintres hollandais ; les autres tenaient la beauté pour inséparable d’une

certaine « idéalisation » donnant par exemple Raphaël, Carrache. Mais il y avait un fonds commun : le fait de

ne pas remettre en cause l’excellence « inégalée » des œuvres de l’Antiquité.

Vers la fin du XVIII siècle, ce fonds commun semble se désagréger peu à peu. On atteint alors le seuil des

temps modernes au véritable sens du mot, temps dont l’aube coïncide avec la Révolution de 1789, qui allait

mettre fin à quantité de croyances et de certitudes admises durant des siècles. Comme la Révolution, les

nouvelles conceptions artistiques tiraient leur origine du siècle des Lumières. Le premier changement essentiel

concerne l’attitude de l’artiste à l’égard de ce qu’on appelle le « style ». Auparavant, le style du temps c’était tout

simplement la manière courant dont on travaillait, manière qui reflétait le goût généralement adopté. Avec le

siècle nouveau, on commença à se poser des questions sur le style. C’est ce qui arriva en Angleterre au cours du

XVIII siècle. Certains connaisseurs parmi les plus raffinés voulurent se distinguer des autres. Certains firent

édifier leur demeure dans un style qui leur correspondait, imprégné d’étrange, de romantique et choisirent dès

lors le style gothique. D’autres allèrent vers un « renouveau grec » qui atteignit son apogée vers 1810-1820.

C’était alors l’époque de la grande prospérité des villes d’eaux anglaises et c’est là qu’il convient d’étudier cette

architecture néo-grecque, comme telle maison de Cheltenham, conçue comme un temple grec de pur style

ionique. Il y eut aussi des tentatives de faire revivre le style dorique tel que nous le connaissons à travers le

Parthénon. C’est un projet de villa dû au célèbre architecte Sir John Soane (1752-1837). Le projet de Soane

s’applique à employer correctement les éléments du style grec. Considérer l’architecture comme la mise en

pratique de règles simples et strictes ne pouvait que séduire les hommes d’un temps de plus en plus respectueux

de la Raison. Il n’est pas surprenant qu’un homme comme Thomas Jefferson (1743-1826), l’un des fondateurs

des Etats-Unis, dont il fut le troisième président, ait conçu sa résidence dans un clair-style néo-classique. C’est

dans le style néo-grec, que nombreux édifices furent bâtis, en France également. Il se trouva renforcé après la

Révolution. Les styles des derniers règnes s’identifiaient avec un passé aboli. Le style « archaïsant », qui s’était

manifesté vers 1780-1790, devint le style officiel, et lorsque Napoléon, qui se donnait pour le continuateur des

idées de la Révolution, parvint à l’apogée de son pouvoir, du néo-classicisme architectural et décoratif naquit le

style Empire. Parallèlement à ce goût dominant d’un « style grec », un certain intérêt se faisait jour en Europe

comme en Angleterre pour le vieux style gothique.

Une villa néo-gothique Plan maison de campagne Thomas Jefferson, Monticello (Virginie)

1750-1775 de Sir John Soane, 1798 à Londres 1796-1806

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Dans le domaine de la peinture et de la sculpture, la rupture dans la tradition, pour être moins apparente qu’en

architecture, n’en était que plus lourde de conséquences durables. Le fait essentiel est que la peinture avait cessé

depuis longtemps d’être un artisanat transmis de maître à apprenti. Elle était devenue, à l’instar de la philosophie,

matière à enseignement académique. Ce mot même d’ « académie » résume une attitude nouvelle. Il tire son

origine de la villa où Platon réunissait ses disciples et s’est très vite appliqué à toutes sortes de réunions savantes.

Si les artistes nommèrent académies leurs lieux de réunion, ce fut pour bien marquer la valeur intellectuelle de

leur art. Ainsi, l’ancien principe de l’atelier où l’apprenti commençait à apprendre son métier en préparant les

couleurs et en assistant ses aînés tomba en désuétude. Les professeurs des académies faisaient étudier à leurs

élèves les chefs-d’œuvre anciens dans le but d’en assimiler la maîtrise technique. Les académies, au XVIII siècle,

étaient placées sous le patronage du souverain.

Or, malencontreusement, l’admiration même pour les maîtres du passé professée par les académies engageait

les amateurs à acquérir des ouvrages anciens plutôt qu’à commander des œuvres nouvelles aux peintres vivants.

Pour essayer de remédier à cet état de choses, les académies, d’abord à Paris, puis à Londres, se mirent à

organiser des expositions des œuvres de leurs élèves. Ce fut une véritable innovation. Ces expositions annuelles

devinrent bien vite des évènements importants dans la vie de la société cultivée. Certains artistes doués en sont

ainsi venus à dédaigner « l’art officiel » des académies. Un certain désaccord, entre ceux dont les talents

trouvaient un écho dans le goût du public et ceux qui se sentaient incompris, menaça bientôt les bases

traditionnelles qui jusqu’alors avaient été communes à tous.

Peut-être l’effet le plus immédiat et le plus évident de cette crise profonde fut-il la recherche générale de sujets

nouveaux. Jusqu’alors les sujets choisis par les peintres tenaient généralement à une tradition qui n’évoluait que

lentement. Avant le XVIII siècle, les artistes sortaient rarement des limites qui avaient été celles des thèmes

abordés (scènes bibliques, thèmes de l’Antiquité, récit héroïques de l’histoire romaine, sujets allégoriques… à

peine quelques sujets profanes…). Le mouvement se précipita vers le temps de la Révolution française. Les

artistes se sentirent attirés par les sujets les plus divers… Ils se mirent à choisir pour thème tout ce qui parlait à

leur imagination ou éveillait leur intérêt. Un petit groupe de peintres non européens, Américains travaillant en

Angleterre, prit une part qui n’est pas du tout négligeable à cette rupture des traditions anciennes de l’art

européen. Ils traitèrent des sujets historiques récents (une nouveauté !) dans les moindres détails ; allant jusqu’à

la recherche « archéologique ».

La Révolution française donna une impulsion considérable à ce goût de l’archéologie, mais s’attachera surtout

à des sujets héroïques. Les hommes de la Révolution aimaient à se considérer comme de nouvelles incarnations

des Grecs et des Romains ; leur peinture autant que leur architecture reflète cet amour de ce qu’on nommait « la

grandeur et les vertus romaines ». La nouvelle école est dominée par la personnalité de Jacques Louis David

(1748-1825), artiste « officiel » des gouvernements révolutionnaires. Lorsque Marat fut assassiné dans son bain

par Charlotte Corday, David le peignit comme un martyr mort pour sa foi.

De la même génération que David, le grand peintre espagnol Francisco Goya (1746-1828) s’écarta, lui aussi,

des sujets traditionnels. Il s’était formé dans la meilleure tradition de la peinture espagnole, celle de Greco et de

Velasquez. Ses personnages appartiennent à un autre monde. Dans Femmes au balcon (vers 1810-1815), les

deux femmes qui lancent des œillades provocantes aux passants, tandis que deux galants à l’allure sinistre

montent la garde derrière elles, se rapprochent plutôt du monde de Hogarth. Les portraits de Goya, qui

l’imposèrent à la Cour d’Espagne, ont une ressemblance superficielle avec les portraits de van Dyck ou de

Reynolds… Cependant il regarde ses modèles d’un autre œil. Goya, lui, est impitoyable. Il a fait en sorte que

leurs traits expriment toute leur vanité, toute leur laideur, leurs appétits et leur néant. Aucun peintre de cour, ni

avant ni après lui, n’a osé accabler à ce point ses modèles. Ce n’est pas seulement dans le portrait que Goya a

manifesté toute son indépendance à l’égard des conventions admises. Comme Rembrandt il a laissé bon

nombre de gravures, dont la plupart ont été réalisées suivant une technique nouvelle, celle de l’aquatinte

(combinant au jeu des lignes des effets de taches plus ou moins ombrées). La plus grande originalité des gravures

de Goya est que la plupart d’entre elles n’illustrent aucun sujet précis, mais évoquent des visons fantastiques

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pleines de sorcières et d’apparitions insolites. Certaines d’entre elles sont des réquisitoires contre un pouvoir

stupide et arriéré, contre la cruauté et l’oppression ; elles expriment la réaction de l’artiste devant tout ce dont il

avait été témoin dans son pays. D’autres gravures semblent simplement matérialiser les cauchemars de son

auteur. Goya, parmi d’autres, s’était senti libre d’exprimer sur le papier ou sur la toile des visions qui jusqu’alors

étaient du domaine exclusif des poètes.

Femmes au balcon, vers 1810-1815 Le Roi Ferdinand VII d’Espagne, 1814 Le Géant, vers 1818, aquatinte, 28,5 x 23 cm

huile sur toile, 195 x126 cm, F. Goya huile sur toile, 207 x 140 cm, F. Goya Francesco Goya

Le plus parfait exemple de cette attitude nouvelle, nous le trouvons en la personne d’un artiste anglais, le poète

mystique William Blake (1757-1827). Esprit profondément religieux, il vivait dans un univers qui n’appartenait

qu’à lui. Dédaigneux de l’art académique, il refusait d’en admettre les canons. Certains de ses contemporains le

considéraient simplement comme un fou. Seuls quelques uns comprirent son génie et l’aidèrent à ne pas mourir

de faim. Il gagnait péniblement sa vie en faisant des gravures, tantôt sur commande, tantôt pour illustrer ses

propres écrits. Il était si absorbé dans ses visions qu’il se refusait à dessiner d’après nature, ne se fiant qu’à son

regard intérieur. Comme les artistes du Moyen Age, il se souciait peu de représentation exacte. Il a été le premier

artiste depuis la Renaissance à se révolter ouvertement contre toutes les traditions établies et nous ne saurions

blâmer ses contemporains d’en avoir été déconcertés. Il fallut près d’un siècle pour qu’il soit reconnu comme

une des principales figures de l’art anglais.

La Création du Monde (Urizen), 1794

eau-forte en relief avec aquarelle,

23,3 x 16,8 cm, William Turner

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L’attitude nouvelle à l’égard du sujet bénéficia considérablement à la peinture de paysage, jusqu’alors considéré

comme un genre mineur. Avec la naissance du Romantisme, vers la fin du XVIII siècle, les idées changèrent et

des artistes considérables consacrèrent leur vie à élever la peinture de paysage à une dignité nouvelle. La tradition

existante pouvait être à la fois un soutien et une entrave, et il est révélateur d’examiner tout ce qui différencie

deux grands peintres de paysage de la même génération : William Turner (1775-1851) et John Constable

(1776-1837).

Turner eut un immense succès officiel, et comme Reynolds, il était hanté par le problème de la tradition. Son

ambition était d’égaler, sinon de surpasser, les paysages de Claude Lorrain. A vrai dire, les deux peintres restent

très différents. La beauté des ouvrages de Lorrain réside dans leur sereine et calme simplicité, dans l’absence de

tout effet brutal. Le monde de Turner est un monde de rêve baignant de lumière et resplendissant de beauté,

mais chez lui la sérénité fait place au mouvement ; l’harmonieuse sobriété cède le pas à tout un déploiement

d’effets prestigieux. Vapeur dans une tempête de neige (1842) montre toute l’originalité de l’artiste. On ne

peut guère, sur la base du seul tableau de Turner, se faire une idée d’un bateau à vapeur du XIX siècle (comme

dans les marines de de Vlieger). On ne perçoit qu’une coque sombre et un pavillon flottant en haut d’un mât.

Mais on sent avec intensité la lutte contre une mer déchaînée. On croit percevoir la force du vent et le choc des

lames. Les détails sont dévorés par les ténèbres de l’orage que déchirent de grands éclats de lumière. Chez

Turner, la nature exprime les émotions de l’homme devant les puissances qui le dépassent.

Vapeur dans une tempête de neige, 1842, huile sur toile, 91,5 x 122 cm, William Turner

L’attitude de Constable est tout à fait différente. Cette même tradition, qui portait Turner à une émulation

féconde, n’était guère pour lui qu’un obstacle gênant. Il cherchait à voir par ses propres yeux, non par ceux d’un

Claude Lorrain. Constable ne se souciait que de la vérité. Le plus grand défaut était pour lui la bravura, la

prétention de dépasser la vérité. Il rejetait toute formule théorique, toutes règles sur la couleur, toutes « recettes »

éprouvées. Pour tous ces préjugés, Constable n’avait que mépris. Il ne se fiait qu’à son œil. Il s’en allait dans la

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campagne faire des esquisses d’après nature qui lui servaient, à l’atelier, à composer ses grands tableaux. Ces

esquisses sont souvent plus libres que les tableaux achevés, mais il était encore trop tôt pour que le public

acceptât la notation d’une impression fugitive comme une œuvre digne de lui être proposée. Pourtant les grands

paysages de Constable firent sensation. Le Chariot de foin (1823) le rendit célèbre quand il l’exposa à Paris en

1824. Il montre une charrette traversant une rivière à gué. Le cours paisible de la rivière, le moulin si simple et si

modeste, les prairies ensoleillées, les nuages légers, tout proclame la sincérité absolue du peintre, son refus de

forcer en rien la nature, son manque total d’affectation.

Le Chariot de foin, 1821, huile sur toile, 130, 2 x 185,4 cm, John Constable

La rupture dans la tradition laissait en somme le choix aux artistes entre deux voies différentes. Ils pouvaient

poursuivre la poésie, rechercher des effets émouvants et dramatiques, tel Caspar David Friedrich (1774-1840),

Allemand contemporain de Turner, qui a peint des paysages qui reflètent l’esprit de la poésie lyrique

romantique. Ils pouvaient aussi s’en tenir aux données immédiates du motif, chercher à en pénétrer les secrets

avec toute l’honnêteté et toute la patience dont ils étaient capables. Et ceux qui, sur les traces de Constable,

cherchèrent à exprimer le monde visible sans souci préconçu d’évoquer un univers poétique ont donné des

œuvres d’une importance plus grande et plus durable.

LEXIQUE

aquatinte (l’) : eau-forte imitant le lavis.

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XIX. La révolution permanente

Le XIX siècle

La rupture dans la tradition qui s’est manifestée vers les temps de la Révolution française va transformer les

conditions de vie et de travail des artistes. Bientôt les fondations séculaires de l’art vont se trouver menacées. La

Révolution industrielle va provoquer la décadence des solides traditions de l’artisanat, le travail manuel va céder

la place à la machine, l’atelier à l’usine. Cette disparition des artisans bouleverse d’abord l’architecture. Par un

étrange paradoxe, on a sans doute construit davantage, au cours du XIX siècle, qu’on ne l’avait fait dans tout

l’ensemble de notre ère. C’est le siècle de la grande expansion des villes. Et pourtant, ce siècle n’a pas de style

propre : choisir de préférence pour les églises le style gothique ; recourir plutôt au style baroque pour les salles

de spectacle ; se confiner dans les formes nobles de la Renaissance italienne pour les palais publics ou privés.

En peinture et en sculpture, les bouleversements sont énormes. La sécurité disparaît. Le rejet des traditions

avait ouvert une absolue liberté de choix. Il appartenait désormais au peintre de décider ce qu’il allait peindre.

Mais plus se développait cette liberté, plus diminuaient les chances de voir le goût de l’artiste coïncider avec celui

du public. Ces rapports entre artistes et public devenaient difficiles et même tendus. L’artiste n’avait plus envie

de se plier aux idées arrêtées de son client. Mais s’il rejetait systématiquement toute commande inconciliable avec

ses propres exigences intérieures, il était, à la lettre, en danger de mourir de faim. C’est ainsi qu’un fossé se

creusa au XIX siècle entre artistes qui, par principe ou tempérament, ne répugnaient pas aller au-devant des

désirs du public, et ceux qui mettaient leur gloire à travailler dans un superbe isolement. Mais pour la première

fois sans doute, l’art pouvait exprimer, sans entraves et restrictions, tout ce qui fait une individualité.

L’histoire de la peinture du XIX siècle diffère beaucoup du déroulement de l’histoire de l’art dans les époques

précédentes. Autrefois les artistes les plus remarquables étaient aussi ceux qui recevaient les commandes les plus

importantes et devenaient donc célèbres. Il suffit de penser à Giotto, Leonard De Vinci, Michel-Ange,

Holbein, Rubens… C’est seulement au XIX siècle qu’un gouffre se creusa entre les artistes à succès – ceux qui

alimentaient l’art officiel – et les non-conformistes, appréciés après leur mort. Paris devint un centre comparable

à ce qu’avaient été Florence au XV siècle et Rome au XVI siècle.

La Grande Baigneuse, 1808, huile sur toile Fantasia arabe, 1832, huile sur toile, 60 x 73,2 cm, Eugène Delacroix

146 x 97,5 cm, Jean August Dominique Ingres

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Dans la première moitié du XIX siècle, Ingres (1770-1867) est le chef de file des conservateurs. Il fut partisan

de David. Il travaillait dans le sens d’une précision absolue dans l’étude du modèle vivant. Il montrait sa science

du modelé et la clarté limpide de ses compositions. Mais ceux de tempérament plus passionné trouvaient

insupportable cette perfection glacée. Eugène Delacroix (1798-1863) fut le porte-drapeau de ces derniers. Il

n’acceptait pas les normes de l’Académie. Tous les discours, toutes les théories sur les Grecs et les Romains,

avec l’insistance sur la correction du dessin et l’imitation constante des statues antiques, l’impatientaient. Il

pensait qu’en peinture la couleur était plus importante que le dessin, l’imagination que le savoir. Il en avait assez

des sujets érudits que l’Académie demandait de traiter. Il voyagea en Afrique du Nord en 1832 pour étudier les

couleurs éclatantes et les harnachements pittoresques du monde arabe. Tout dans ses tableaux contredit les

enseignements de l’école davidienne : pas de contours nets, pas de nus soigneusement modelés en dégradés

d’ombres et de lumières, pas de composition scrupuleusement balancée, pas même, à la base, un sujet civique ou

exemplaire. Le véritable but du peintre est de nous faire prendre part à l’intensité de l’instant, de nous faire

partager sa joie devant cette scène de mouvement et de pittoresque.

Delacroix admirait un paysagiste français de sa génération, dont l’art, pourrait-on dire, forme un pont entre

ces conceptions opposées de la nature. Il s’agit du peintre Jean-Baptiste Corot (1796-1875). Ce dernier se

concentra beaucoup plus sur la forme générale et le ton de ses motifs, pour évoquer la chaleur et le calme d’une

journée d’été dans le midi. Il a obtenu sa lumière radieuse par des moyens nouveaux. Il travailla avec un gris

argenté qui n’absorbe pas tout à fait les couleurs, mais les maintient en harmonie sans s’éloigner de la vérité

visuelle.

Les Jardins de la Villa d’Este à Tivoli, 1843, huile sur toile, 43, 5 x 60,5 cm, Jean-Baptiste Camille Corot

La révolution suivante portera principalement sur le choix du sujet. Vers 1848 – détachement des

représentations des nobles héros – un groupe d’artistes se réunit, dans la forêt de Fontainebleau, voulait comme

Constable, interroger na nature d’un œil neuf. L’un d’eux, Jean-François Millet (1814-1875) s’attacha à

envisager la figure comme ses amis envisageaient le paysage. Il voulut peindre la vie paysanne telle qu’elle est,

peindre des hommes et des femmes en plein travail des champs. Il est étrange qu’on ait pu voir là quelque chose

de révolutionnaire mais dans l’art du passé les paysans étaient généralement considérés comme de rustres

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comiques, tels que les avait peint Bruegel. Les Glaneuses ne comportent aucun incident dramatique ou

anecdotique. Ce sont trois femmes qui travaillent dur dans un champ où la moisson vient d’être faite. Elles ne

sont ni belles ni gracieuses. Rien d’idyllique dans le tableau. Ces femmes sont absorbées dans leur besogne. Il y a

dans le geste et dans le rapport des figures, un rythme prémédité qui donne à l’ensemble une sorte d’équilibre

monumental (aspect solennel dans le travail de la moisson). C’est Gustave Courbet (1819-1877) qui baptisa

cette tendance de réalisme. Ce réalisme allait marquer un tournant dans l’évolution artistique. Courbet ne

reconnaissait comme maître que la seule nature. On peut, jusqu’à un certain point, le rapprocher de Caravage. Il

ne visait pas à l’élégance, mais à la vérité. Dans Bonjour Monsieur Courbet, il voulait faire de son tableau une

protestation contre les préjugés de son temps, heurter la suffisance bourgeoise et proclamer le prix d’une

sincérité artistique sans compromis. Il a dit lui-même, dans une lettre révélatrice datée de 1854, son espoir de

toujours gagner sa vie par son art, sans jamais « dévier d’un cheveu de ses principes », sans jamais « un seul

instant mentir à sa conscience » et de ne jamais peindre « dans le seul but de plaire à quelqu’un ou de vendre plus

facilement ». Ce refus des effets faciles, cette détermination de rendre le monde tel que l’œil le perçoit furent un

encouragement pour beaucoup d’artistes à braver les conventions et à ne suivre que leur propre conscience

artistique.

Les Glaneuses, 1857, huile sur toile, 83,8 x 111 cm, Jean-François Millet « Bonjour Monsieur Courbet », 1854, huile sur toile,

129 x 149 cm, Gustave Courbet

La troisième vague de la révolution picturale en France fut déterminée par Edouard Manet (1832-1883) et ses

amis. Ces artistes prirent tout à fait au sérieux le programme de Courbet. Ils cherchèrent à démasquer tout ce

qui dans l’art n’était au fond que convention. Pour eux, la conviction de l’art traditionnel d’être parvenu à

représenter la nature telle que nous la voyons reposait sur une conception erronée. Pour eux, ce n’était qu’un fait

impossible que d’embrasser les détails et les dégradés en un coup d’œil furtif. Manet et son groupe ont ainsi été

les investigateurs d’une révolution dans le traitement des couleurs presque comparable à la révolution apportée

par les Grecs dans le traitement des formes. Ils se sont aperçus que, lorsque nous regardons la nature ou des

objets en plein air, nous ne voyons pas en réalité chaque chose dans la singularité de sa couleur propre ; nous

voyons une brillante bigarrure née d’innombrables échanges de reflets. Cette optique, et ses résultats, provoqua

le tollé du public. Ces artistes se trouvèrent relégués au salon des refusés. Ils furent qualifiés d’impressionnistes

(connotation négative d’un journaliste au départ ; puis le terme est resté pour qualifier le courant

impressionnisme). Cet épisode marque le début d’une bataille qui devait faire rage pendant plus de trente ans.

Il est pourtant de fait qu’en plein air, dans la lumière du jour, les reliefs s’effacent parfois jusqu’à paraître de

simples taches de couleur. C’est ce genre d’effet que Manet a cherché à traduire. Aussi, devant ses tableaux,

avons-nous plus que devant toute œuvre antérieure l’impression de la réalité immédiate. Dans Le Balcon, nous

sommes véritablement face à face avec les personnages du balcon et l’impression générale, bien loin de nous

ramener à deux dimensions, est celle de la profondeur vraie. Une des raisons de cet effet est le ton vif, jusqu’à

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l’audace, de la grille peinte d’un vert cru qui coupe la composition sans tenir compte des règles traditionnelles de

l’harmonie des couleurs.

Le Balcon, 1868-69, huile sur toile, Les Courses à Longchamp, 1865, lithographie, 36,5 x 31 cm, Edouard Manet

107 x 125 cm, Edouard Manet

Ces théories nouvelles ne concernaient pas seulement la vision des couleurs en plein air, mais aussi celle des

formes en mouvement. Dans la lithographie Les courses à Longchamp, au premier abord, on ne voit qu’un

griffonnage confus. C’est une course de chevaux. Manet a voulu donner l’impression de la lumière, du

mouvement et de la vitesse, en évoquant simplement, par de rapides indications, quelques formes émergeant de

la confusion. Cette œuvre de Manet est un excellent exemple du refus de l’artiste de se laisser influencer par ce

qu’il sait des formes pour ne représenter que ce qu’il voit vraiment. Aucun de ces chevaux n’a même quatre pieds.

De fait, voyons-nous les quatre pieds de chaque cheval quand nous assistons à une course ? Et voyons-nous tout

le détail des spectateurs ? Devant une scène véritable, nous ne les saisissons jamais. Un point nous frappe et le

reste de la scène n’est qu’une confusion où nous ne mettons quelque ordre que parce que nous savons ce qui s’y

passe, non parce que nous le voyons vraiment. Nous sommes véritablement transportés dans le tohu-bohu d’un

champ de courses tel qu’a pu le voir l’artiste : il a fidèlement enregistré ici ce que la rapidité de l’instant a permis

à son œil de saisir.

Claude Monet dans son atelier, 1874, huile sur toile, La Gare Saint-Lazare, 1877, huile sur toile, 75, 5 x 104 cm, Manet

82,7 x 105 cm, Edouard Manet

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Parmi les peintres qui se joignirent à Manet et qui l’aidèrent à préciser ses conceptions nouvelles, citons tout

d’abord Claude Monet (1840-1926) qui pressait ses amis d’abandonner leurs ateliers et de peindre

exclusivement devant le « motif ». Il avait fait aménager en atelier un petit bateau qui lui permettait d’aller

surprendre les effets fugitifs du paysage fluvial. Manet, convaincu de l’excellence de cette méthode lui rendit

hommage en faisant son portrait au travail dans son atelier flottant. Monet, qui n’ignorait pas les œuvres de

Turner, était convaincu que les effets magiques de l’atmosphère et de la lumière ont une importance plus grande

que le sujet lui-même. Quoi qu’il en soit, La Gare Saint-Lazare, n’était, aux yeux de la critique, qu’insolent défi.

Pour Monet, cette gare n’était pas un lieu de rencontre ou de séparation : c’est u effet de lumière sur une

verrière, sur des nuages de vapeur, sur des silhouettes de locomotives et de wagons.

Les impressionnistes ont appliqué à la figure humaine les mêmes principes qu’au paysage, comme en témoigne

Le Moulin de la Galette d’Auguste Renoir (1841-1919). L’intérêt de l’artiste – tout en s’amusant du

comportement des personnages et en se complaisant d’une atmosphère de fête – est surtout d’évoquer un

papillotement de couleurs vives, de rendre l’effet du soleil tamisé par la verdure sur une foule tournoyante.

Devant un tableau comme Boulevard des Italiens, matin, effet de soleil, de Camille Pissarro (1830-1903), le

public refusait de se reconnaître dans cette série de taches informes qui figurent la foule des passants. Là encore,

c’est l’idée abstraite d’une foule et des individus qui la composent qui les empêchait de regarder sans préjugé.

Le Moulin de la Galette, 1876, huile sur toile, Boulevard des Italiens, matin, effet de soleil, 1897,

131 x 175 cm, Auguste Renoir huile sur toile, 73, 2 x 92, 1 cm, Camille Pissarro

Malgré la dureté de la lutte, le triomphe des impressionnistes fut complet. En outre, ce changement eut une

portée à longue échéance. On pouvait désormais tenir pour faillibles les critiques qui avaient tourné les

impressionnistes en dérision. Le critique d’art subit alors une perte de prestige dont elle ne se releva jamais. Le

combat des impressionnistes devint un mythe pour tous les innovateurs en matière d’art. Mais cette conquête de

la liberté par les peintres n’aurait sans doute pas été si rapide et si complète sans l’assistance de deux alliés qui

pouvaient alors contribuer à l’éveil d’une vision nouvelle.

Le premier c’est la photographie. Son développement devait fatalement avoir un contrecoup sur l’évolution

de la peinture qui allait petit à petit renoncer à des tâches que la photographie pouvait remplir mieux et à

meilleur marché. Auparavant, c’était à la peinture que revenait le soin de fixer les visages humains, de conserver

le souvenir d’un édifice ou d’un évènement. Ce rôle documentaire allait passer à la photographie. Et c‘est ainsi

que, tout doucement, les artistes furent poussés à rechercher des domaines où a photographie ne pouvait guère

les suivre. L’art moderne ne serait sans doute pas ce qu’il est sans les développements de cette invention.

Le deuxième allié fut l’estampe japonaise. Depuis un millénaire environ, l’art japonais n’avait cessé de se

développer suivant les principes de l’art chinois, dont il était issu. Toutefois, au cours du XVIII siècle, peut-être

sous l’influence de la gravure européenne, les artistes japonais abandonnèrent peu à peu les sujets traditionnels

de l’art d’Extrême Orient pour les thèmes de la vie quotidienne et populaire dont ils firent les sujets de gravures

sur bois tirées en couleur. Ces estampes unissent une grande finesse d’invention à une remarquable perfection

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technique. Lorsque, vers le milieu du XIX siècle, le Japon dut engager des relations commerciales avec l’Europe

et l’Amérique, ces estampes servirent souvent de papiers d’emballage et c’est par cette voie modeste qu’elles

pénétrèrent en Occident. Les artistes de l’entourage de Manet furent les premiers à en apprécier la beauté et à

les rechercher avec passion. Ils trouvèrent là une tradition étrangère à ces règles et à ces clichés académiques

dont ils cherchaient eux-mêmes à s’affranchir. Les artistes du Japon goûtaient particulièrement tout ce qu’il peut

y avoir d’imprévu dans un aspect fugitif du monde extérieur.

Estampes japonaises 1835 et vers 1790

Le peintre qui a le mieux exploité ces nouvelles possibilités, c’est Edgard Degas (1834-1917). Il était de la

même génération que Manet et, comme ce dernier, il resta un peu à l’écart du groupe des impressionnistes, bien

qu’en parfait accord avec leurs aspirations. Le dessin et ses problèmes l’intéressaient passionnément. Dans ses

portraits, il s’attachait à rendre les formes et à suggérer l’espace sous l’angle le plus imprévu (cadrages osés avec

parties de corps hors champ ; plongées…). C’est là la raison de sa prédilection pour des sujets inspirés de la

danse et du ballet. Ce qui comptait pour lui, c’était le jeu de la lumière et de l’ombre sur des formes humaines, le

rendu du mouvement ou de l’espace.

Henri Degas et sa nièce Lucie, 1876, huile sur toile, Danseuses au foyer, 1879, pastel sur papier, 99,8 x 119,9cm, E. Degas

99, 8 x 139,9 cm, Edgard Degas

Les principes de la nouvelle école ne pouvaient s’exprimer aisément qu’en peinture ; néanmoins, les sculpteurs

eux aussi prirent bientôt part à ces luttes en faveur du « modernisme ». Auguste Rodin (1840-1917), né la

même année que Claude Monet était un grand admirateur des antiques et de Michel-Ange. Il n’était pas fatal

qu’il entrât en conflit ouvert avec la tradition établie. Ses œuvres pourtant suscitèrent des discussions violentes

dans la critique et on les rapprochait très souvent de celles des novateurs impressionnistes. Rodin dédaignait

donner l’impression de « fini ». Comme eux, il préférait laisser quelque chose à l’imagination du spectateur.

Parfois même, il laissait vierge une partie de son bloc de marbre pour donner l’impression que sa figure était en

train de prendre forme, de se dégager de la masse. Comme Rembrandt, Rodin affirmait les droits de l’artiste à

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considérer son œuvre comme achevée lorsqu’il a atteint son objectif artistique. Il a beaucoup contribué par

l’autorité dont il couvrait ses audaces à faire accepter l’impressionnisme par un cercle de plus en plus grand

d’admirateurs.

La Main de Dieu, vers 1898, Arrangement en gris et noir (la mère de l’artiste), 1871 Nocturne en bleu et argent,

marbre, h : 92,9 cm Auguste Rodin huile sur toile, 144 x 162 cm, vers 1872-75, huile sur toile,

James Abbott Mc Neill Whistler 67, 9 x 50, 8 cm, Whistler

L’impressionnisme avait fait de Paris la capitale artistique de l’Europe. De tous les pays du monde, des artistes

venaient y étudier et emportaient avec eux, avec les théories nouvelles, l’idée, nouvelle aussi, de l’artiste en

révolte contre les préjugés et les conventions de l’esprit bourgeois. Le plus considérable de ces étrangers fut sans

doute l’Américain James Abbott Mc Neill Whistler (1834-1903). Il avait pris part aux premières batailles ; il

avait exposé avec Manet au Salon des refusés en 1863 et il avait partagé les premiers enthousiasmes pour les

estampes japonaises. Comme Degas ou Rodin, ce n’était pas un impressionniste au sens strict du mot ; son

problème essentiel ne concernait pas les effets de la lumière et de la couleur, mais plutôt certains raffinements de

la composition. Ce qui le rapprochait le plus des peintres parisiens, c’était son mépris pour tout ce côté

anecdotique de la peinture, si cher au grand public. Pour lui, l’idée était que ce qui comptait en peinture, ce n’est

pas le sujet lui-même, mais les moyens dont il est exprimé par des formes et des couleurs. Dans Arrangement

en gris et noir (la mère de l’artiste), il montre à quel point il répugnait à tout ce qui pouvait susciter un

« intérêt littéraire » ou sentimental. Il était célèbre pour son caractère agressif et sa maîtrise dans ce qu’il appelait

« l’art aimable de se faire des ennemis ». Etabli à Londres, il se sentait appelé à mener presque seul la lutte en

faveur de l’art moderne. Son habitude de donner à ses tableaux des titres susceptibles de dérouter le public, son

mépris des conventions académiques lui attirèrent les foudres de certains critiques. En 1877, Whistler exposant

des paysages de nuit à la manière japonaise qu’il intitulait Nocturnes et demandant deux cents guinées pour

chacun d’eux s’attira les attaques virulentes de John Ruskin. L’artiste poursuivit ce dernier pour diffamation, et le

procès mit, une fois de plus, en évidence le fossé profond qui séparait le public et les artistes. Whistler devint un

des promoteurs de « l’art pour l’art », mouvement qui mettait en avant cette idée que la sensibilité artistique est

dans la vie la seule chose digne d’être pris au sérieux.

LEXIQUE

Réalisme (le) : courant artistique dont le terme est issu de Courbet qui consiste à ne se fier qu’à ce que l’œil voit

et non à ce que l’on sait d’un motif, d’un objet, d’un corps.

Impressionnisme (l’) : courant artistique qui cherchait à rendre les impressions fugitives.

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HISTOIRE DES ARTS :

DES OUTILS

1. ABC de l’image Pour une peinture, une affiche, une gravure, une B.D., une photo, une image en mouvement...

Angles de prise de vue Il y a 3 types d’angles de prise de vue : - le plan frontal

- la plongée (vue de haut vers le bas ; c’est l’angle adopté pour une vue

d’ensemble)

- la contre-plongée (vue de bas vers le haut)

Cadrage C’est l’action de placer des éléments à l’intérieur du cadre d’une image fixe ou mobile.

Il y a : le champ (l’espace contenu dans une image) ; le hors-champ (ce qui n’est pas montré, est en dehors du

cadre) ; le contre-champ (l’espace opposé au champ)

Composition C’est l’ensemble de lignes verticales, horizontales, obliques et courbes qui composent un tableau.

C’est aussi l’ensemble de plans : premier plan, second plan, ..., arrière-plan (ou fond de l’image)

Couleurs On distingue les tons chauds (jaune, orange, rouge) et les tons froids (bleu, vert, violet).

Les couleurs primaires sont : le rouge, le jaune, le bleu.

Les couleurs secondaires sont celles qui associent les couleurs primaires par deux, soit : le rouge et le jaune qui

donnent l’orange ; le jaune et le bleu qui donnent le vert ; le bleu et le rouge qui donnent le violet.

Il y a aussi les couleurs dites complémentaires ou contrastées : c’est la couleur primaire isolée par rapport à la

couleur secondaire correspondant aux deux autres couleurs primaires mélangées, soit : le rouge est

complémentaire du vert (bleu + jaune) ; le bleu est complémentaire de l’orange (rouge + jaune) ; le jaune est

complémentaire du violet (bleu + rouge).

Un dégradé de couleurs dans une teinte donnée est un camaïeu de couleurs.

Le noir et le blanc apportent des idées d’ombres et de lumières... Ils sont beaucoup exploités en photographie

et pour le cinéma.

Le noir apporte une profondeur... tend vers l’infini, est en relation avec la nuit, le monde non-visible.

Le blanc est en lien avec le monde sensible, palpable mais aussi l’évanescent...

Lumière Une image peut offrir un contraste entre des zones d’ombre et de lumière.

La lumière souligne l’élément majeur d’un tableau. Elle peut jouer symboliquement par opposition à l’ombre ou

les ténèbres.

Un clair-obscur crée un effet d’étrangeté.

En cinéma, la lumière joue un rôle prépondérant.

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Perspective C’est le procédé qui permet de représenter en 2 dimensions une vision d’un espace ou d’une forme en trois

dimensions.

Différents procédés permettent de donner l’illusion de la profondeur :

- la perspective par superposition : les personnes du premier plan masquent en partie ceux des autres plans.

- la perspective par tailles relatives : un personnage à l’avant-plan est plus grand qu’un personnage aux autres plans.

- la perspective avec flou à l’arrière-plan : l’imprécision de l’arrière-plan par rapport à la netteté du premier donne l’illusion de profondeur.

- la perspective par lignes de fuite.

Plan On prend comme référence la place occupée par le corps humain dans l’image. Il y a :

- le plan d’ensemble (très large, il situe un personnage dans un décor)

- le plan moyen (personnage en pied ou debout)

- le plan rapproché (personnage cadré jusqu’au nombril ou à mi-cuisse)

- le gros plan (montre une partir du corps)

- le très gros plan (se concentre sur un détail) Un plan fixe (langage cinématographique) : les personnes ne bougent pas, sont dans le champ.

Un plan séquence (langage cinématographique) : les personnes entrent et sortent du champ.

Proportion La caricature déforme volontiers certaines proportions du corps.

Technique S’agit-il d’une peinture à l’eau, à l’huile, traitée par à plats de couleurs ou par touches ou traits, mouvements

précis, amples, nerveux... ? S’agit-il d’une gravure sur bois ou sur métal, d’une lithographie ?...

Travelling C’est une prise de vue par déplacement d’une caméra. On distingue :

- de gauche à droite ou de droite à gauche : le travelling latéral

- de haut en bas ou de bas en haut : le travelling vertical

- d’arrière en avant : le travelling avant

- d’avant en arrière : le travelling arrière

Zoom C’est le fait de passer d’un plan d’ensemble en un gros plan en un déplacement rapide.

Il y a le zoom avant ou le zoom arrière.

2. Etudier une peinture ETAPE 1 Présenter l’œuvre

- La « fiche d’identité » de l’œuvre : titre, nature, genre, style, date, technique et matériaux,

dimensions, lieu de conservation.

- Le nom du peintre et les éléments de sa vie en relation avec l’œuvre.

- Le sujet de l’œuvre.

- Le contexte historique et artistique de création (commande, évènements…) et de diffusion.

ETAPE 2 Décrire et expliquer l’œuvre - La lumière (directe, indirecte), les ombres et les couleurs et l’effet recherché.

- La technique (dessin ou pas, précis ou flou, collages, etc.) et l’impression produite.

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- La composition c’est-à-dire l’organisation de l’œuvre

Le cadrage (large, serré, gros plan…) et les lignes de force (visibles ou suggérées,

droites ou courbes, symétriques…), et leur signification.

Les différents plans : perspective ou pas, du 1ier plan, le plus proche du spectateur, à

l’arrière-plan, au loin… pour quel effet.

Les formes identifiables (personnages, objets, symboles, décor, etc.) et le sens qui

s’en dégage.

ETAPE 3 Pour conclure, préciser

- Ce que l’artiste a voulu exprimer : sa vision du monde, ses sentiments, son message…

- L’intérêt artistique de l’œuvre : le courant artistique dans lequel l’œuvre s’inscrit, ses liens avec

d’autres artistes et/ou d’autres œuvres.

- Sa portée historique : son accueil par le public ou la critique, son influence, son actualité…

- Vos impressions personnelles.

3. Etudier une œuvre littéraire ETAPE 1 Présenter l’œuvre - La « fiche d’identité » de l’œuvre : titre, genre littéraire (roman, nouvelle, théâtre, poésie), nom de

l’auteur, date.

- Le nom de l’auteur et les éléments de sa vie en relation avec l’œuvre.

- Le contexte historique et artistique d’écriture et/ou de publication de l’œuvre.

- Le sujet de l’extrait et sa place dans l’œuvre : bref résumé de l’histoire, présentation des

personnages principaux, des thèmes majeurs…

ETAPE 2 Lire et expliquer l’œuvre Après une lecture expressive du texte, c’est-à-dire une lecture qui rend compte du sens du texte par une

adaptation adaptée et le respect de la ponctuation, l’explication s’appuie sur :

- Le sens précis du texte, les idées ou sentiments qui traversent l’extrait : votre commentaire doit

s’appuyer sur des passages précis du texte, des relevés significatifs en utilisant un vocabulaire

correspondant au genre de l’œuvre et propre à l’analyse littéraire (type de texte, l’organisation, le

narrateur, le registre utilisé – comique, tragique, lyrique, ironique, fantastique).

- Les procédés d’écriture et figures de style au service du sens : leur relevé permet l’interprétation

du texte, souligne l’effet recherché par l’auteur et l’impression produite sur le lecteur.

ETAPE 3 Pour conclure, préciser

- Ce que l’artiste a voulu exprimer.

- L’intérêt artistique de l’œuvre.

- Sa portée historique.

- Vos impressions personnelles.

4. Etudier une architecture ETAPE 1 Présenter l’œuvre - La fiche d’identité de l’œuvre : nom de l’édifice, fonction, style, date, matériaux (structure et

habillage), dimensions, lieu…

- Le nom de l’architecte et les éléments de sa vie en relation avec l’œuvre.

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- Le contexte historique et artistique de création (commande, concours, mouvement, politique

urbaine…)

ETAPE 2 Décrire et expliquer l’œuvre - Le site (type de paysage, contraintes du site…) et son importance

- L’édifice

Les volumes (pyramide, barre, tour, cubes…), la structure (ossature du bâtiment) et

leur impact.

L’échelle du bâtiment (proportions par rapport à l’homme, le paysage…) et l’effet

recherché.

Les lignes de force (symétrie ou non, courbes, horizontales et verticales…) et l’effet

esthétique (dynamique, statique, légèreté, pesanteur, transparence…).

- Les espaces extérieurs et intérieurs

La composition des abords (parvis, place, jardins, fontaines…) et des façades

(ouvertures, éléments décoratifs, colonnes, statuaire…).

Les matériaux (bois, pierre, brique, métal, verre…) et leur aspect (lisse, rugueux,

brillant, mat… ; brut ou teinté).

La lumière (naturelle, artificielle, faible, éblouissante, colorée…) et les impressions

qui s’en dégagent.

ETAPE 3 Pour conclure, préciser

- Ce que l’architecture a voulu exprimer.

- L’intérêt architectural de l’édifice.

- Sa portée historique.

- Vos impressions personnelles.

5. Etudier une sculpture ETAPE 1 Présenter l’œuvre - La « fiche d’identité » de l’œuvre : titre, nature, style, date, matériaux, couleurs, dimensions, lieu de

conservation ou d’exposition.

- Le nom du sculpteur et éléments biographiques en relation avec l’œuvre.

- Le type de sculpture (monumentale, relief ou ronde-bosse, groupe de figures ou buste).

- Le sujet de l’œuvre.

- Le contexte historique et artistique de création (commande, évènements…) et de diffusion.

ETAPE 2 Décrire et expliquer l’œuvre

- Les formes identifiables (personnages, objet, disposition, attitudes, symboles, attributs, degré de

précision des détails) et le sens qui s’en dégage.

- Les lignes de force (axe, géométrie, équilibre, direction des regards, des gestes…) et leur

signification.

- Les volumes (nature, répartition des masses, proportions, jeux d’ombres, usure du temps…).

- Les surfaces : texture (lisse, rugueuse), brillance, traces des outils, modelé, patine…

- La mise en scène : points de vue privilégiés, conditions de présentation, socle, stèle, piédestal,

lumière…

- La technique : sculpture taillée, modelée, moulée, forgée, assemblée…

- Les effets esthétiques : dynamique, statique, légèreté, grâce, pesanteur

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ETAPE 3 Pour conclure, préciser

- Ce que l’artiste a voulu exprimer.

- L’intérêt artistique de l’œuvre et sa portée historique.

- Vos impressions personnelles.

6. Etudier une photographie ETAPE 1 Présenter l’œuvre - La « fiche d’identité » de l’œuvre : titre, nature (numérique, argentique, noir et blanc, sépia…),

genre, date et lieu de la prise de vue, dimensions, lieu de conservation…

- Le nom du photographe et les éléments de sa vie en relation avec l’œuvre.

- Le sujet de l’œuvre.

- Le contexte historique et artistique de création (commande, évènements…) et de diffusion.

ETAPE 2 Décrire et expliquer l’œuvre

- La composition de l’œuvre :

Les angles de prises de vue : position du photographe par rapport à son sujet (à

hauteur d’œil, vue en plongée, contre-plongée.

La netteté et le flou (rendu par la profondeur de champ, les mouvements du sujet ou

ceux de l’appareil).

Le cadrage et les différents plans, les lignes de force (symétrique, droites ou

courbes…) qui structurent la composition de l’image.

Les formes identifiables (personnages, nus ou pas, objets, disposition, attitudes,

symboles…), leurs rapports dans la composition et le sens qui s’en dégage.

- La lumière (naturelle ou non, contre-jour, sur ou sous-exposition, contrastes forts ou faibles…) et

les couleurs (chaudes ou froides, contrastées…) et leurs significations.

- La technique (photographie retravaillée ou non, utilisation ou pas de filtres, image colorisée,

photomontage…).

- L’effet esthétique (dynamique, statique, pesant, aérien…)

ETAPE 3 Pour conclure, préciser

- Ce que l’artiste a voulu exprimer.

- L’intérêt artistique de l’œuvre.

- Sa portée historique.

- Vos impressions personnelles.

7. Etudier une œuvre musicale ETAPE 1 Présenter l’œuvre - La « fiche d’identité » de l’œuvre : titre, genre, style, date, effectif vocal et instrumental.

- Le nom du compositeur et les éléments de sa vie en relation avec l’œuvre.

- Le sujet de l’œuvre et ses sources d’inspiration.

- Le contexte historique et artistique de l’œuvre.

ETAPE 2 Ecouter et analyser l’œuvre

- Le caractère en donnant ses impressions à l’écoute.

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- L’effectif vocal : identifier les voix (chœur, voix solistes, ensemble, voix naturelle, voix d’opéra, de

jazz…), la manière de chanter (langue entendue, onomatopées, proche de la voix parlée, théâtralisées,

chuchotée, proche du cri…).

- L’effectif instrumental : repérer les instruments ; les modes de jeux instrumentaux, les bruits.

- Le temps musical : tempo, pulsation (régulière, marquée, irrégulière, gommée), temps binaire ou

ternaire, formule rythmique…

- La dynamique : nuances (de pianissimo à fortissimo), crescendo, accents, effet de contraste.

- L’écriture musicale : monodie ou polyphonie, mélodie accompagnée, contrechant, en contrepoint

avec des imitations, homorythmique, ostinato.

- La forme : repérer les thèmes, les motifs, les signaux sonores, les éléments répétés, les transitions, les

ruptures (répétitions ou variations, développement, citations).

ETAPE 3 Pour conclure, préciser

- Ce que le compositeur a voulu exprimer.

- L’intérêt artistique de l’œuvre et sa portée historique.

8. Etudier un film ETAPE 1 Présenter l’œuvre - La « fiche d’identité » du film : titre, nationalité, nature (animation, noir/blanc, muet/parlant…),

genre (film d’action, comique, documentaire), date de sortie, distribution.

- Le nom du réalisateur et les éléments de sa vie en relation avec l’œuvre.

- Le sujet et le synopsis du film c’est-à-dire son résumé.

- Le contexte historique et artistique de création (commande, évènements…) et de diffusion

(prix, censure…).

ETAPE 2 Décrire et expliquer l’œuvre

- Le scénario : les personnages, le récit et la place de la scène étudiée dans le film, et l’idée qui en

résulte.

- Le lieu de l’action (décor naturel, studio de tournage…)

- La mise en scène et le jeu des acteurs (dialogues, intonation, rythme, gestuelle…) et l’impression

qui s’en dégage.

- Les techniques utilisées : les différents cadrages (dans le champ et hors-champ), plans choisis,

orientations de caméra (plongée, contre-plongée…), mouvements de caméra (plan fixe, travelling…),

le rythme de succession des plans, nature des raccords (fondu, coupe franche…), et leur effet.

- La bande sonore et les impressions produites.

ETAPE 3 Pour conclure, préciser

- Ce que l’artiste a voulu exprimer.

- L’intérêt artistique de l’œuvre et sa portée historique.

- Vos impressions personnelles.