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UNIVERSITÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-MARSEILLE III Centre de Droit Maritime et des Transports MEMOIRE LE CONTRAT D'ENGAGEMENT MARITIME MASTER II DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS Promotion 2007 Sous la direction de Maître Christian Scapel Par Wahiba SAHED. 1

Z le contrat d'engagement maritime

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UNIVERSITÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-MARSEILLE III

Centre de Droit Maritime et des Transports

MEMOIRE

LE CONTRAT D'ENGAGEMENT MARITIME

MASTER II DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS Promotion 2007 Sous la direction de Maître Christian Scapel Par Wahiba SAHED.

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REMERCIEMENTS

Je remercie Monsieur Christian Scapel, mon directeur de mémoire, et le Professeur Pierre

Bonassies, pour leur disponibilité et leur bienveillance.

J’adresse également toute ma gratitude à l’ensemble de l’équipe enseignante du Centre de droit

maritime et des transports, pour leur aide, et pour les connaissances aussi bien théoriques que pratiques

qu’ils m’ont apporté tout au long de l’année.

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SOMMAIRE 3 INTRODUCTION 4 Partie 1 / LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL 12 Chapitre 1/ La conclusion du contrat d'engagement maritime 12 Section 1/ les parties au contrat d'engagement maritime 12 Section 2/ Les formalités du contrat d'engagement maritime 27 Section 3/ La durée du contrat d'engagement maritime 29 Chapitre 2 Les particularités de l'exécution du contrat d'engagement maritime 32 Section 1 Les conditions de travail à bord des navires 33 Section 2/ La discipline 56 Section 3/ La rémunération 56 Section 4 La suspension des obligations 63 Chapitre 3 Les dispositions spécifiques applicables au contrat d’engagement maritime du capitaine et du jeune marin 72 Section 1/ Les rapports professionnels et juridiques du capitaine et de l’armateur 72 Section 2/ Les dispositions spécifiques applicables aux mineurs 81 Partie 2 La fin du contrat d’engagement maritime 85 Chapitre 1 La rupture du contrat 85 Section 1/ Les dispositions communes à tous les contrats 89 Section 2 Les dispositions spécifiques aux contrats à durée indéterminée 92 Section 3 / Les dispositions spécifiques aux contrats à durée déterminée 93 Section 4/ Les dispositions propres à certains contrats 93 Chapitre 2 Le contentieux relatif au contrat d'engagement maritime 95 Section 1/ Les compétence juridictionnelles 95 Section 2 La procédure 100 CONCLUSION 104 BIBLIOGRAPHIE 105

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INTRODUCTION

Il y a trois sortes d'hommes : "les vivants, les hommes et ceux qui vont en mer". C'est ainsi que PLATON définissait le genre humain. Le personnage du marin a nourri les imaginaires, apparaissant le plus souvent dans la littérature comme un être sans attache, dont la vie est dédiée à l'aventure. Cette image "romantique " du marin traversant les mers et les océans en quête de nouveaux mondes, tel un héros d'Hugo Pratt, a largement contribué au prestige de la navigation européenne. Au-delà des mythes, les marins ont surtout joué un rôle essentiel dans le développement économique et dans l'influence politique de l'Europe.

Le marin est l'homme dont la profession est de naviguer sur la mer (Dictionnaire Le Robert).Certains travaillent dans la marine marchande d'autres, d'autres servent dans la marine de guerre, d'autres naviguent à la pêche.

Le Contrat d'Engagement Maritime est aujourd'hui défini dans les termes suivant par l'article 1er de la loi du 13 décembre 1926 portant sur le Code du travail maritime :"tout contrat d'engagement conclu entre un armateur ou son représentant et un marin, et ayant pour objet un service à accomplir à bord d'un navire en vue d'une expédition maritime, est un contrat d'engagement maritime Trois conditions sont requises :

* un contrat conclu avec un armateur ; * un contrat ayant pour objet un service à bord d'un navire en vue de son exploitation ; * un contrat exécuté à bord d'un navire français. En raison de ses spécificités, le Code du travail maritime n'a classiquement vocation à s'appliquer qu'aux seules périodes d'embarquement du marin. En dehors de celles-ci, le contrat de louage de services conclu entre un armateur ou son représentant et un marin est régi par les dispositions du Code du travail 1. Cette conception classique est aujourd'hui remise en cause : le contrat d'engagement maritime ne peut se réduire à un service à bord et doit couvrir également toutes les périodes consécutives au travail nautique telles que les suspensions de travail, les congés, les maladies. La jurisprudence a appréhendé cette nouvelle réalité : seules les périodes de travail à terre sont soumises au Code du travail 2. En conséquence, les litiges relatifs à des périodes consécutives à un travail à bord ou à des périodes de congés ou d'arrêts de travail relèvent du droit maritime 3.

Le contrat d'engagement maritime est un contrat conclu entre un armateur et un marin. L'article 2 du Code du travail maritime définit l'armateur comme "tout particulier, toute société,

tout service public, pour le compte desquels un navire est armé". Cette définition qui renvoie à la notion de navire n'est pas spécifique au travail maritime. L'armateur n'est pas nécessairement le propriétaire du navire, il est celui qui arme le navire 4.

1- C. trav. mar., art. 4. 2- Cass. soc., 27 juin 1973 : DMF 1974, p. 10, note R. Jambu-Merlin.. 3- Cass. soc., 14 janv. 1987 : Bull. civ. 1987, V, n° 24. - Cass. soc., 13 oct. 1988 : Bull. civ. 1988, V, n° 502. - Cass. soc., 12 janv. 1993 : JCP G 1993, II, 22185, note M. Pierchon ; Dr. soc. 1993, p. 444, note P. Chaumette. - Cass. soc., 5 janv. 1995 : DMF 1995, p. 740, obs. P. Chaumette. 4- L. 3 janv. 1969, art. 1er.

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La définition de l'armateur est à relier avec les situations complexes qui peuvent surgir lors de

l'exploitation des navires, notamment en cas d'affrètement. Il faut se référer aux solutions admises par le droit commun. Ainsi, en cas d'affrètement coque-nue, l'affréteur ayant l'obligation d'armer le navire et d'engager l'équipage, c'est lui qui aura la qualité d'armateur 5.

Le contrat d'engagement maritime a pour objet un service à accomplir à bord d'un navire en vue d'une exploitation maritime. L'article 1er du décret du 7 août 1967 6. confirme et précise cet objet en définissant la profession de marin comme visant "... toute personne engagée par un armateur ou embarquée pour son propre compte en vue d'accomplir à bord d'un navire français un emploi permanent relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien et à l'exploitation du navire". La notion de service à bord suscite néanmoins des difficultés pour tous les personnels effectuant un service à bord mais concernant des prestations annexes.

Comment définir l'emploi permanent relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien ou à l'exploitation du navire ? Le personnel hôtelier répond-il à ces critères ? La jurisprudence a tendance à refuser de qualifier de marin le personnel de service embarqué à bord d'un navire. Le personnel hôtelier à bord d'un transbordeur n'est pas soumis au Code du travail maritime 7.

La Cour de cassation s'est récemment orientée vers une conception plus large en soumettant au droit maritime un éducateur employé à bord d'un navire 8.

Ne sont pas soumises au Code du travail maritime les personnes embarquées occasionnellement à bord d'un navire pour effectuer des travaux ou essais 9.

La loi du 3 mai 2005 portant création du RIF se réfère non pas à la notion de marin mais à celle

de "navigant" qu'elle définit comme "toute personne affectée à la marche, à la conduite, à l'entretien ou à l'exploitation du navire". Les travailleurs indépendants et les salariés sans lien avec ces fonctions ne sont pas soumis au régime spécifique prévu par la loi mais bénéficient néanmoins des dispositions relatives au rapatriement et au bien-être en mer et dans les ports (L. préc., art. 3). La définition du navigant s'effectue donc selon des critères identiques à ceux du marin.

Le navire constitue pour l'équipage un lieu de travail dont la fonction est de se déplacer, ce qui

conduit à un isolement continu; il peut être défini comme une usine qui fonctionne constamment, jour et nuit, se déplace à une certaine distance de son lieu d'origine, et que son personnel ne peut quitter en dehors des heures de travail 10. Le bâtiment de mer, ou navire, constitue un lieu de travail mobile, dans un environnement mobile. Non seulement, les marins sont soumis aux périls de la mer, mais encore ils sont isolés, éloignés des secours. Du fait des dangers encourus, la sécurité constitue une exigence permanente, source de discipline et de solidarité. 5- V. I. Corbier, La notion juridique d'armateur : PUF, Paris, coll. Les grandes thèses du droit français, 1999. 6- D. n° 67-690, 7 août 1967 : Journal Officiel 13 Août 1967. 7- TGI Morlaix, 20 juill. 1995 : DMF 1995, p. 907, note J-P. Declercq confirmé par CA Rennes, 24 janv. 1998 : DMF 1998, p. 1018, obs. M. Morin . 8- Cass. soc., 28 nov. 2002, navire Le Gloazen : DMF 2003 p. 847 obs. P. Chaumette ; DMF 2004 HS n° 8, n° 38, p. 41, obs. P. Bonassies..

9- Cass. soc., 22 juil. 1981, Le Tallec, Rev. Jur. Ouest, 1983, p. 28, note H. Blaise. 10- R.JAMBU-MERLIN, "Réflexions sur le droit social", DMF, 1961-131;"Les gens de mer", Traité de droit maritime, Paris,Dalloz, 1978,p317.

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Ce qui caractérise les marins, c'est leur capacité de travailler et de vivre en mer. L'expédition maritime, commerciale ou de pêche, a nécessité un cadre juridique spécifique, concernant notamment les gens de mer. Les coutumes internationales du Moyen Âge déterminaient déjà la nourriture, l'accès aux soins en cas de maladie ou de blessures, le rapatriement, éventuellement le sort des marins en cas de capture par des pirates barbaresques et leur vente au marché des esclaves. L'historien Alain Cabantous a relevé le caractère étrange des gens de mer : "En faisant de leur principal instrument de travail, le bateau, un lieu de labeur, un lieu d'existence, un intermédiaire matériel et symbolique entre eux et le reste des hommes, les gens de mer étaient les seuls à entretenir une relation particulière et indispensable avec un espace que les autres ignoraient ou voulaient ignorer"11.

Le droit social des gens de mer s'est ensuite constitué dans des cadres nationaux, au cours du XVIIe siècle. Les spécificités du droit du travail maritime se cristallisent autour du contrat écrit d'engagement maritime, issu du statut professionnel des marins 12.

L'Etat, protecteur de ses intérêts et des gens de mer, a assumé une fonction tutélaire; il enregistre les marins, autrefois par l'inscription maritime, aujourd'hui par une immatriculation, reconnaît leur aptitude professionnelle; il vise les contrats d'engagement lors de l'établissement des rôles d'équipage, assure l'information préalable sur la durée et le contenu des contrats, contrôle leur légalité; il a mis en place une protection sociale spécifique, qui perdure en France dans le cadre de l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM)13.

Le contrat d'engagement maritime trouve sa source dans le Code du travail maritime, mis en

place par la loi du 13 décembre 1926 14. , le Code du travail maritime demeure le coeur du droit du travail maritime. Ce code marque le particularisme du droit du travail maritime. Texte spécial, il déroge au régime général du droit social terrestre, conformément à l'article L. 742-1 du Code de travail.

Aujourd'hui, l'autonomie du droit du travail maritime s'atténue, le droit du travail maritime n'étant plus autonome de l'évolution du Code du travail. Certaines dispositions du Code du travail s'appliquent directement ou indirectement par renvoi aux marins 15.

D'autres sont rendues applicables aux marins par un texte particulier 16.

Longtemps en avance sur la législation terrestre, "le droit du travail maritime traverse une profonde crise d'identité"17.

Même s'il est fait abstraction de dispositions obsolètes 18. , de nombreuses dispositions du Code du travail maritime sont désormais éloignées des réalités maritimes : obligation de la lecture des conditions d'engagement au moment de l'inscription du marin au rôle d'équipage (C. trav. mar., art. 12). Le droit social maritime qui pendant longtemps a affiché un particularisme, s'aligne aujourd'hui sur le droit terrestre par l'oeuvre combinée du législateur et de la jurisprudence.

11- A.Cabantous, Les citoyens du large,Les identités maritimes en France (XVIIe-XIXe siècles),Aubier, coll "historique"Paris,1995. 12- D;DANJON, Traité de droit maritime, t,I,2ed,Sirey, Paris, 1926-M; Mollat, Histoire des pêches maritimes, Privat,Toulouse,1987 13- R.Jambu-Merlin, Les gens de mer, Traité général de droit maritime,Dalloz,Paris,1978. 14. Journal Officiel 15 Décembre 1926 15- ex. : C. trav., art. L. 141-16 ; C. trav., art. L. 322-44 ; C. trav., art. L. 511-1...

16- D. n° 95-912, 8 août 1995 : Journal Officiel 15 Août 1995 sur le travail maritime à temps partiel. 17- V. C. Eoche-Duval, op. cit., bibliographie. 18- C. trav. mar., art. 58 : relatif aux avances sur salaires pour les voiliers dépassant le Cap Horn ou le Cap de Bonne Espérance.

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Dans le silence du législateur, les dispositions protectrices du salarié terrestre, sont-elles

applicables au marin ?

Un temps, la Cour de cassation a répondu négativement en confirmant le principe de l'autonomie du droit du travail maritime 19 . La Cour de renvoi n'avait cependant pas repris cette argumentation 20.

L'Assemblée plénière de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 7 mars 1997, inversé les rapports droit maritime droit terrestre : dans le silence du législateur, la loi nouvelle s'applique aux marins, sauf dispositions spécifiques du Code du travail maritime ou adaptations précises au Livre VII du Code du travail 21 . Cette jurisprudence a été confirmée 22.

Il y a d'autres sources nationales, notamment des textes législatifs, à l'instar du Code du travail

maritime, le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande a été instauré par une loi du 13 décembre 1926 23. Il constitue le deuxième pilier du dispositif d'ensemble mis en place à la suite de la Première guerre mondiale. Indépendamment de ces deux textes, d'autres codes contiennent des dispositions relatives au travail maritime : Code de commerce 24. , Code de l'organisation judiciaire 25. sans oublier les lois non codifiées : loi sur le congé parental d'éducation 26. , loi sur le contrat-initiative emploi 27.

De nombreux décrets et arrêtés ont été adoptés dans des domaines les plus divers ayant des

conséquences sur le droit du travail maritime. Parmi les plus récents, on peut citer le décret n° 2005-305 du 31 mars 2005 sur la durée du travail des gens de mer (JORF 1er avr. 2005), l'arrêté du 20 mai 1999 (Journal Officiel 1er Juin 1999) créant une Commission nationale de l'emploi maritime appelée à donner son avis sur toutes questions intéressant la main d'œuvre maritime et notamment à examiner la situation et les perspectives de l'emploi maritime.

L'article L. 742-2 du Code du travail rend applicables au personnel navigant de la marine

marchande des dispositions relatives aux conventions et accords collectifs de travail prévus par le titre III du Livre 1er de ce code. Le législateur soumet ainsi les conventions collectives de travail terrestres et maritimes au même régime même si le décret n° 85-1256 du 4 novembre 1985 (Journal Officiel 30 Novembre 1985) a précisé les particularités maritimes. Les conventions et accords collectifs ont joué un rôle essentiel dans l'évolution du droit du travail maritime en France. Pour la marine de commerce, ces accords ont donné aux marins en bénéficiant un statut protecteur allant bien au-delà des dispositions du Code du travail maritime.

En présence d'une convention collective complétant le régime légal, les juges veillent à appliquer le

régime le plus favorable au marin 28.

19- Cass. soc., 12 janv. 1993, Port autonome Bordeaux c/ Vendier : DMF 1993, p. 165, note P. Chaumette. 20- CA Poitiers, Aud. sol., 23 nov. 1994 : Juris-Data n° 1994-053660 ; DMF 1995, p. 739, note P. Chaumette ; Dr. soc. 11 nov. 1995, 1, comm. C. Eoche-Duval. 21- Cass. ass. plén., 7 mars 1997 : DMF 1997, p. 337 concl. Y Chauvy ; Dr. soc. 1997, p. 424, obs. P. Chaumette ; JCP G 1997, II, 22863, note M. Pierchon. 22 - Cass. soc., 28 oct. 1997 : Dr. soc. 1998, p. 181, note P. Chaumette. 23- Journal Officiel 19 Décembre 1926. 24- C. com, art. 433-1 sur la prescription des actions en paiement des membres d'équipage... 25- COJ, art. R. 321-6 sur le tribunal d'instance et les contestations relatives au contrat d'engagement entre armateurs et marins. 26- L. n° 84-9, 4 janv. 1984, art. 7 : Journal Officiel 5 Janvier 1984. 27- L. n° 95-881, 4 août 1995 : Journal Officiel 5 Aout 1995. 28- Cass. soc., 7 avr. 1998, n° 95-41.652, inédit.

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On peut citer à titre d'exemple la convention collective du 19 juillet 1947 conclue entre le Comité central des armateurs de France (CCAF) et la fédération nationale des syndicats maritimes, relative à la stabilité de l'emploi .... Plus récemment, un arrêté du 30 octobre 2003 (Journal Officiel 19 Novembre 2003) porte extension d'un accord national du 28 février 2003 pour l'application de la réduction du temps de travail et du SMIC dans le secteur de la pêche maritime hauturière.

Le Code du travail maritime se réfère expressément aux usages parmi les éléments pouvant

avoir des effets juridiques : C. trav. mar., art.15-2 (effets des contrats), C. trav. mar., art. 17 (accomplissement du service), C. trav. mar., art. 53 (parts de profit), C. trav. mar., art. 82 (indemnité de nourriture), C. trav. mar., art. 95 (indemnité de résiliation), C. trav. mar., art. 102-4 (sur la durée du délai-congé en cas de licenciement). Dans le domaine de la pêche, les usages, nombreux, varient suivant les ports.

Enfin, la jurisprudence a souvent un rôle déterminant, notamment en matière de licenciement.

Le droit communautaire constitue aujourd'hui une source non négligeable du droit du travail maritime. Les principes d'égalité et de non-discrimination des travailleurs ainsi que celui de la liberté d'établissement énoncés dans les Traités des États membres ont influencé le droit national, en particulier quant au privilège français de nationalité des marins .Le droit communautaire est également intervenu dans des domaines spécifiques au droit social maritime tel la formation des marins.

En droit international, élaborées à l'initiative de l'Organisation internationale du Travail, de nombreuses conventions internationales concernant les gens de mer ont été ratifiées par la France. Elles ne jouent toutefois qu'un rôle mineur, leurs dispositions étant souvent moins contraignantes ou moins protectrices. La loi n° 2004-146 du 16 février 2004 (Journal Officiel 17 Février 2004) a ainsi autorisé la ratification de plusieurs conventions et protocole de l'OIT :

1 n° 163 sur le bien être des gens de mer, en mer et dans les ports ; 2 n° 164 sur la protection de la santé et des soins médicaux des gens de mer ; 3 n° 166 sur le rapatriement des marins ; 4 n° 178 sur l'inspection des conditions de travail et de vie des gens de mer ; 5 n° 179 sur le recrutement et placement des gens de mer ; 6 n° 185 sur les pièces d'identité des gens de mer ; 7 n° 180 du 22 octobre 1996 sur la durée de travail et l'effectif des navires ; cette

dernière ayant été ratifiée et publiée par un décret du 8 novembre 2004 (Journal Officiel 18 Novembre 2004).

Ces conventions ont été publiées par des décrets du 11 mai 2005 29.

Le contrat d'engagement maritime doit exécution à bord d'un navire français Selon le principe de la loi du pavillon , l'article 5 du Code du travail maritime réserve son application aux seuls contrats conclus pour tout service à accomplir à bord d'un navire français. Il ne s'applique pas aux marins engagés en France pour servir sur un navire étranger. La nationalité se détermine en fonction des critères retenus par le droit commun maritime, le lieu et le port d'immatriculation ayant toute leur importance.

29- D. n° 508 à 512 : JORF 20 mai 2005.

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Le Code du travail maritime s'applique aux navires immatriculés en métropole et dans les

départements d'outre-mer, avec quelques modifications sur les navires immatriculés à Saint-Pierre et Miquelon 30. , si leur jauge brute est égale ou supérieure à 10 tonneaux 31.

Conformément à l'article 74 de la Constitution du 4 octobre 1958, les lois édictées en France ne sont applicables dans les territoires d'outre-mer qu'en vertu d'une loi spéciale, principe confirmé par le nouvel article 72-3 de la Constitution 32. En l'absence d'une telle loi, le Code du travail maritime ne peut s'appliquer. Si la loi du 12 juillet 1966 a étendu à Wallis et Futuna le Code du travail, elle prévoit qu'un décret en Conseil d'État apportera les adaptations nécessaires. Or, ce décret n'a pas été promulgué, suite à l'annulation du décret du 20 mai 1987 33 . En l'absence du décret d'application, les navires immatriculés dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) relèvent des dispositions de la loi du 15 décembre 1952 instituant le Code du travail d'outre-mer 34. La Cour de cassation a récemment rappelé cette solution 35. , même si une juridiction du fond a abouti à une solution contraire en appliquant le Code du travail maritime à des marins embarqués sur un navire immatriculé à Wallis et Futuna 36.

À noter cependant que la loi du 3 mai 2005 relative à la création du registre international

français 37. prévoit en son article 34 que dans les deux années suivant sa publication, les conditions d'immatriculation au registre des TAAF ne seront plus applicables aux navires de commerce. Ce sont ainsi les dispositions spécifiques au RIF qui s'appliqueront aux marins et non plus le Code du travail d'outre-mer. Le problème du régime applicable aux marins ne se posera plus que pour les navires de pêche ou de plaisance.

Selon Convention de Rome du 19 juin 1980 et la loi d'autonomie, la loi du contrat de travail, inclus le contrat d'engagement maritime, est la loi des parties. Cette loi est indépendante de la loi du pavillon, la loi française s'applique donc à des pavillons non français si elle a été choisie par les parties 38.

L'article 6 de la Convention de Rome pose des limites à la loi d'autonomie qui ne peut priver le travailleur des dispositions impératives de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu de cette Convention 39.

30 - D. 30 août 1936 : Journal Officiel 12 Septembre 1936. 31- L. n° 66-509, 12 juill. 1966 : Journal Officiel 13 Juillet 1966.

32- L. const. n° 2003-276, 28 mars 2003 : JORF n° 75, 29 mars 2003, p. 5568.

33- CE ass., 27 oct. 1995 : DMF 1995, p. 893, concl. M. Denis-Linton ; Dr. soc. 1995, p. 1006, obs. P. Chaumette.

34- L. n° 52-1322, 15 déc. 1952 : Journal Officiel 16 Décembre 1952. - CE, 9 févr. 2001 : DMF 2001, p. 399, obs. P. Chaumette ; DMF 2002, HS n° 6, n° 35 p. 34, obs. P. Bonassies.

35- Cass. soc., 18 juill. 2000 : JCP E 2000, p. 1740 ; DMF 2000, p. 892, obs. P. Chaumette ; Dr. soc. 2000, p. 1043, obs. P. Chaumette. - Cass. soc., 18 déc. 2001 : DMF 2002, p. 235, obs. P. Chaumette ; Dr. soc. 2002, p. 363, obs. P. Chaumette. - Cass. soc., 26 mars 2002 : Juris-Data n° 2002-013832. - Cass. soc., 11 déc. 2002, n° 01-12599. - Cass. soc., 19 mars 2003, n° 01-10680 et n° 01-10681, inédits. 36- CA Aix-en-Provence, 21 oct. 2003, Navire Paul Gauguin : DMF 2004, p. 906, obs. P. Chaumette ; DMF HS 2005, p. 52, n° 56, obs. P. Bonassies. 37- JORF n° 103, 4 mai 2005, p. 7697. 38- Cass. soc., 16 nov. 1993 : JCP E 1994, II, 613, note P. Pochet ; DMF 1994, p. 472, obs. P. Chaumette.

39- Cass. soc., 29 avr. 2003 : DMF 2004, p. 429 obs. P. Chaumette ; DMF juin 2005 HS n° 9, p. 53, n° 57, obs. P. Bonassies.

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Les lois de police doivent également s'appliquer conformément aux principes généraux du droit international privé 40.

À défaut de choix, la Convention de Rome pose trois critères de rattachement 41. :

* la loi applicable au contrat de travail est la loi du pays où le travailleur exerce habituellement son travail ; * à défaut celle du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur "si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays" ; * en tout état de cause, ces deux critères de rattachement sont écartés s'il ressort des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays.

Ces critères jouent pour le contrat d'engagement maritime sous réserve d'absence de loi d'autonomie des parties 42. Le droit international privé recourt à la fiction juridique selon laquelle le navire constitue une portion du territoire national. La loi du lieu d'exécution du contrat d'engagement maritime est la loi du pavillon. Cette même fiction s'applique en droit aérien, la loi de l'État d'immatriculation de l'aéronef régissant les contrats de travail 43.

Cette fiction n'est pas sans critique lorsqu'il s'agit de pavillon de complaisance. Plus

généralement, elle permet à l'armateur d'échapper à l'application de certaines lois, notamment l'application du Code du travail maritime. Il serait néanmoins possible de se fonder sur la notion de fraude à la loi pour écarter la loi du pavillon au profit de la loi du lieu d'embauche par exemple 44.

La loi du pavillon est écartée en cas de mise à disposition d'un marin sur un navire, le marin restant soumis à la loi applicable à l'armement d'embauche 45.

Les dispositions spécifiques au RIF sont différentes, la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 (Journal Officiel 4 Mai 2005) distingue selon que le personnel navigant réside en France ou non. Les premiers ne relèvent pas des dispositions spécifiques de la loi précitée. Les navires immatriculés au Registre International Français étant des navires français, la situation des marins relève donc exclusivement du Code du Travail maritime. En revanche, pour le personnel navigant résidant hors de France, il y a lieu d'appliquer les dispositions insérées au Titre II de la loi du 3 mai 2005.

Au sujet de la loi d'autonomie, la loi du 3 mai 2005 reprend les principes du droit international privé. Pour les navigants résidant hors de France, les contrats d'engagement et le régime de protection sociale sont soumis à la loi d'autonomie (L. préc., art. 12).

La loi d'autonomie connaît des limites. Outre l'application de l'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, la loi du 3 mai 2005 prévoit d'autres limites : les dispositions de la loi du 3 mai 2005, les dispositions plus favorables des conventions ou accords collectifs applicables aux non-résidents. 40- V. J-Cl. Droit international, Fasc. 573-10.

41- art. 6 § 2. 42- Cass. soc., 29 avr. 2003 : préc. n° 19. 43- Cass. soc., 6 nov. 1985 : Rev. crit. DIP 1986, p. 75, note P. Lagarde. 44- V. J-Cl. Droit international, Fasc. 573-10, spéc. n° 41. - Ph. Coursier, op. cit., bibliographie.

45- T. Sup. d'appel de Saint-Pierre et Miquelon, 12 janv. 2005 : DMF 2005, p. 337, obs. P. Chaumette.

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Les conditions d'engagement, d'emploi, de travail et de vie à bord d'un navire immatriculé au RIF ne peuvent être moins favorables que celles résultant des conventions de l'OIT ratifiées par la France (L. préc., art. 13).

Le lien juridique d'une nature originale ne peut être assimilé au contrat de travail terrestre,"même si

le fossé psychologique qui le séparait du contrat d'engagement maritime" tend à se combler 46. . Les intervenants particuliers à ce contrats expliquent non seulement, son déroulement spécifique (partie 1) mais encore, les conditions de sa cessation (partie 2).

46- R.Jambu-Merlin, Réflexions sur le droit social maritime, DMF 1961,p131.

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Partie 1 / LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL

"Tout contrat d'engagement conclu entre un armateur ou son représentant et un marin, et ayant pour objet un service à accomplir à bord d'un navire en vue d'une expédition maritime, est un contrat d'engagement maritime". Des conditions sont alors posées, tant pour la conclusion de ce contrat (Chapitre 1) que pour son exécution (Chapitre 2).

Chapitre 1/ La conclusion du contrat d'engagement maritime

Le contrat du travail terrestre a connu le contrat de louage de services, puis, vers la fin du XIXe siècle un nouveau terme est venu lui faire concurrence, celui contrat de travail. Le droit du travail maritime s'applique, quant à lui, au contrat d'engagement maritime. La terminologie suffit d'ailleurs à caractériser le particularisme de la relation contractuelle, comme le laisse apparaître, l'article 1 Code du travail maritime.

Des conditions sont alors posée, tant pour la conclusion de ce contrat que pour son exécution.

Le contrat est un contrat spécifique conclu entre un armateur et un marin (section 1), un formalisme particulier est obligatoire (section 2), ce contrat s'inscrit dans une durée (section 3). Section 1/ les parties au contrat d'engagement maritime

Le contrat d'engagement maritime, soumis au Code du travail maritime. La finalité de l'expédition maritime dénote l'âge de la loi du 13 décembre 1926; elle renvoie au concept de navire, engin de navigation maritime. La définition du le contrat d'engagement est déterminée par les concepts de navire, de marin et d'armateur. Ce contrat a pour but la constitution d'un équipage. Le contrat d'engagement maritime, contrat individuel de travail, met en présence deux intervenants: l'armateur d'une part (§1), le marin d'autre part (§2).

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§1 /Un contrat conclu avec un armateur

Le contrat d'engagement maritime peut être conclu par un armateur, il convient de définir la notion d'armateur (A), le marin peut se trouver confronté à une situation particulière en cas de succession d'armateur (B), les sociétés de manning sont très présentes en tant que recruteurs mais pas en tant que partie au contrat (C). A/ La notion d'armateur

Tout contrat d'engagement conclu entre un armateur, ou son représentant, et un marin, et ayant pour objet un service à accomplir a bord d'un navire en vue d'une expédition maritime, est un contrat d'engagement maritime régi par les dispositions de la présente loi (C.trav.mr., art.1er).

L'article 2 du Code du travail maritime définit l'armateur comme "tout particulier, toute société, tout service public, pour le compte desquels un navire est armé". Cette définition qui renvoie à la notion de navire n'est pas spécifique au travail maritime. L'armateur n'est pas nécessairement le propriétaire du navire, il est celui qui arme le navire (L. 3 janv. 1969, art. 1er). La définition de l'armateur est à relier avec les situations complexes qui peuvent surgir lors de l'exploitation des navires, notamment en cas d'affrètement. Il faut se référer aux solutions admises par le droit commun. Ainsi, en cas d'affrètement coque-nue, l'affréteur ayant l'obligation d'armer le navire et d'engager l'équipage, c'est lui qui aura la qualité d'armateur 47.

Cette définition soulève quelques difficultés car l'armateur a trois visages:"il est à la fois celui qui possède, celui qui équipe et celui qui exploite le navire" 48. Son identification n'est donc pas toujours aisée. L'armateur est de moins en moins le propriétaire du navire.

A la pêche artisanale cependant, armateurs et propriétaires se confondent en règle générale, mais l'on peut trouver des armements ayant la forme de société coopérative. A la pêche industrielle, le coût élevé d'exploitation des navires, devenus pour certains de véritables usines flottantes, ne peut plus être assumé par un seul individu. Des armements coopératifs et des sociétés anonymes ont fait leur apparition.

L'armement au commerce, même de petit tonnage est quant à lui, le fait de groupements privés. Outre la copropriété 49. , d'autres formes d'exploitations sont possibles et "n'appellent aucune remarque, car aucune règle du droit des sociétés ne se trouve modifiée, lorsque a pour objet social l'exploitation commerciale des navires"50. B/ La succession d'armateur

Le contrat d'engagement maritime est conclu avec l'armateur. Le Code du travail maritime prévoit les modifications survenant dans la situation juridique de l'armateur : en cas de succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats d'engagement maritime subsistent et s'imposent au nouvel armateur 51. 47- V. I. Corbier, La notion juridique d'armateur : PUF, Paris, coll. Les grandes thèses du droit français, 1999. 48- Mme Rémond Gouilloud, Droit maritime, éd Pédone n°219. 49- Rodiére E du Pontavice, n°245) 50- R Rodiére E du Pontavice, piéc n°245. 51- C. trav. mar., art. 102-8. - Cass. soc., 26 janv. 2005 : Juris-Data n° 2005-026716 ; DMF 2005, p. 426, obs. P. Chaumette.

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L'armateur est aujourd’hui un financier très soucieux de maintenir sa position sur le marché

international. Dans ce contexte, la position du marin devient inconfortable, et ses intérêts ne sont pas toujours préservés. Il convient de privilégier les rendements des navires. Cette situation n'est pas sans inquiéter les marins, comme en témoigne particulièrement la vente du navire et la cession de l'entreprise. La vente d'un navire implique en effet, le plus souvent, un changement dans la personne de l'armateur. Ce changement met-il fin au contrat d'engagement du marin?

L'affirmer de façon catégorique impliquerait d'ignorer le lien du marin avec le navire. Ce lien

est l'essence même du contrat d'engagement" qui a pour objet un service à accomplir à bord d'un navire. Liés à ce dernier, les marins non stabilisés doivent être conservés par le nouveau propriétaire, sauf à ce que leur ancien armateur ne les licencie auparavant, auquel cas la loi du 18 mai 1977 s'applique, si les marins concernés entrent dans son champ d'application .En revanche, les marins stabilisés trouvent, en général, un nouvel embarquement sur un autre navire de la compagnie.

Doit-on dans ces conditions affirmer que le lien du marin au navire n'est pas à l'avantage du marin? Rien n'est moins sûr. En effet, le marin stabilisé n'est pas toujours certain de trouver un nouvel embarquement sur un autre bâtiment de l'armement. La réduction de l'activité de l'entreprise est une cause de licenciement du marin stabilisé . L'activité du marin dépend du nombre de navires en service.

La cession d'entreprise pose d'ailleurs un problème de nature identique en droit terrestre, car

l'entreprise "est une entité organique dont relève le salarié membre et à laquelle il demeure lié en dépit des avatars juridiques pouvant affecter la forme de sa direction" . Le contrat de travail subsiste, en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, entre le nouvel employeur et le nouveau personnel de l'entreprise ( Art L122-12 al 2 Code du travail).

De la même façon, lié au navire, le marin ne doit pas être concerné par ce changement, d'autant plus que la loi du 18 mai 1977 a introduit les dispositions de l'article L122-12 du code du travail, dans le code du travail maritime. Désormais, tous les contrats d'engagement, ainsi que tous les contrats liant l'armateur au marin titularisé ou stabilisé dans leur emploi, subsistent (art 102-8 al 2 code de travail maritime) à moins que les licenciements n'aient lieu avant la cession... Faut il en conclure une perte d'identité du marin par rapport au salarié? Nullement car le fait pour le marin d'être lié au navire et non pas à l'armateur renforce la continuité des relations contractuelles, ou du moins n'est pas un obstacle à cette continuité. En droit terrestre la jurisprudence fait valoir la notion d'identité de l'emploi 52.

Ceci ne se trouve pas en droit du travail maritime, car le marin est lié au navire pendant la durée de son embarquement, et le lieu de travail du marin retrouve ici toute son importance. C/ Les sociétés de manning Ces sociétés sont des bureaux de recrutement qui se chargent de recruter des marins pour le compte de l'armement. Même si elles prennent en charge la gestion et la rémunération des marins, elles ne sont que des intermédiaires et ne peuvent être assimilées à l'employeur du marin. Le Code du travail maritime ignore en effet le travail temporaire. Le droit maritime ne connaît donc pour le moment que l'embauche directe. 52- Soc 15 fév. 1978, Bull civ. V n°105 p 77 soc 15 juin 1978 ,JCP 1978.

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§2/ Un contrat conclu avec un Marin

Des règles générales sont applicables à l'équipages ( A), et l'accès à la profession est particulièrement réglementé( B). A/ Les règles générales applicables à l'équipage

Dans son article 3, le code du travail maritime définit comme "marin quiconque s'engage envers l'armateur ou son représentant pour servir à bord d'un navire". Le code du travail maritime fait ainsi référence au marin embarqué (a).Mais le marin n'est pas toujours embarqué. De ce fait, sa situation entre deux embarquements est plus originale (b). a/Le marin embarqué

Le marin travail à bord d'un navire. Il y occupe un emploi relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien et à l'exploitation du navire. Cette énumération recouvre les divers aspects du travail maritime (1), qui ne suffisent cependant pas à définir le marin. Il lui faut être, de plus, engagé par un armateur sauf s'il travaille pour son propre compte (2). 1/ Le travail maritime

L'article 1er du décret du 7 août 1967 donne une définition du travail maritime. En conséquence, l'équipage d'un navire doit comprendre des marins professionnels, salariés, qui réunissent les conditions particulières d'un emploi en milieu maritime. Le service à bord couvre des spécialités diverses telles que le pont, la machine, le service général (ADSG), et concerne les marins du commerce comme ceux de la pêche. Aussi, certaines catégories de personnes travaillent en mer, à bord des navires, ne sont-elles pas concernées par ces dispositions, parce qu'elles n'occupent pas à bord un emploi relatif à la marche, la conduite, l'entretien ou l'exploitation du navire, ou parce qu'elles n'ont pas été engagées directement par l'armateur. Elles peuvent être par exemple des ingénieurs des télécommunications....Ce sont des personnels salariés, non marins. Il leur manque, entre autre, la permanence de l'emploi à bord du navire. Le travail maritime suppose en effet, un embarquement habituel. Ce caractère est constaté par l'inscription sur le rôle d'équipage. Ce titre de navigation constate les conditions d'engagement du marin, et tout navire pratiquant une navigation maritime avec à son bord des marins affiliés à l'ENIM doit en être pourvu.

Des dérogations sont toutefois accordées par le ministre chargé de la marine marchande aux

bâtiments fluviaux dont la construction et l'équipement sont jugés suffisants pour accéder, en passant par la mer à des ports maritimes sans être pourvus de rôle d'équipage. C'est le cas de la navigation entre Port Saint Louis du Rhône et Marseille 53, en Seine, en aval de Rouen. La navigation maritime effectuée, de commerce ou de pêche, est déterminante pour l'obtention du rôle d'équipage 54. La situation de l'aquaculteur apparaît ici tout à fait singulière. 53- Cours EAAM. Le navire, p.45.

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L'aquaculture recouvre l'ensemble des activités de culture et d'élevage d'organismes aquatiques,

végétaux ou animaux 55. Il y a donc aquaculture chaque fois que l'homme intervient sur la vie de l'organisme, par opposition à la pêche, dans laquelle l'intervention humaine est réduite à la capture ou à la mort de l'animal. Il convient de distinguer la conchyliculture (l'élevage des huîtres et des moules), et l'aquaculture dite nouvelle (l'élevage de saumons, turbots etc...); il n'existe pas de statut juridique uniforme de l'aquaculture, ni de structure juridique conçue pour l'exploitation d'une entreprise aquacole type. La structure juridique découle du choix opéré par l'aquaculteur pour se rattacher à un statut connu, comme celui de l'agriculture ou de la pêche maritime 56. En effet, l'aquaculture et la pêche sont deux métiers différents 57. Selon l'emplacement géographique de l'exploitation, la configuration de la côte; l'aquaculteur devra emprunter une embarcation afin d'exploiter sa parcelle: c'est l'utilisation du navire qui constituedans la profession d'aquaculteur la frontière

Entre deux régimes sociaux, celui du marin d'une part, de l'agriculteur, d'autre part. En effet, sont considérées comme pratiquant une navigation de pêche, les embarcations affectées à l'exploitation des parcelles concédées sur le domaine public maritime. Il faut que cette exploitation nécessite une navigation totale d'au moins trois milles aller - retour 58. Les personnes embarquées sont considérées comme des marins et soumises au Code du travail maritime.

Mais il convient de préciser les conditions d'exercice de cette activité. En d'autres termes, la qualité de conchyliculteur marin, ne peut être reconnue à l'intéressé, s'il n'occupe pas à bord un emploi relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien ou à l'exploitation du navire 59. Les exploitants ou les salariés de la conchyliculture qui n'utilisent une embarcation que comme un moyen de transport pour se rendre sur les parcs, ne sont ainsi que de simples passagers. Si l'on excepte la situation particulière de l'aquaculteur 60, un embarquement occasionnel ne peut entraîner la qualité de marin, laquelle nécessite la permanence d'un service à bord.

Ce service à bord, est d'ailleurs lui-même imposé par le code du travail maritime 61 et peut revêtir des aspects différents. Certes, il comprend tout d'abord ce que le Code, mais aussi le fonctionnement du navire exigent du marin, c'est à dire "un emploi relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien et à l'exploitation du navire" 62. Il comprend également un certain nombre d'emplois distincts de ceux accomplis normalement par le marin, notamment, ceux tenus à bord des car-ferries 63. 55- Lucien Laubier, les cultures marines en France et le droit, publication du CNEXO, 1983, n°11, Avant-propos. 56- M. Le Roy, les structures juridiques de l'exploitation. Les cultures marines en France et le droit, Publication du CNEXO, n° 11 préc., p.135. 57- J. Weber, économiste 'iFremer. Propos tenus dans le journal Le Marin, 22 septembre 1989, p.39. 58- Loi du 30 décembre 1966 modifiée par la loi du 25 octobre 1972. La loi du 1er avril 1942, relative aux titres de navigation, considère ces embarcations comme des navires (article 5 alinée 8). 59- Décret du 7 août 1967, article 1er préc. 60- Les aquaculterus représentent d'ailleurs un faible pourcentage dans la population maritime embarquée. 61- Articles 1er et 3 du Code du travail maritime. 62- Décret du 7 août 1967, article 1er. 63- Les ferries battant pavillon français relèvent de trois compagnies: la BAI, l'armement Naval SNCF, devenu la société nouvelle d'Armement Transmanche (SNAT) à compter du 1er juin 1990, aujourd'hui Seafrance, et la Société Nationale Maritime Corse-Méditérannée.

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L'ensemble du personnel embarqué n'est d'ailleurs pas dans une situation identique. Il est peut

être souhaitable de différencier d'une part, les officiers et le personnel d'exécution, qui assurent la conduite, la marche, l'exploitation du bâtiment, qui sont des marins soumis à ce titre aux dispositions du Code du travail maritime, et d'autre part, certaines catégories de personnel embarqué par exemple, les vendeurs de parfums, de souvenirs, à propos desquels il est permis de s'interroger. Sont-ils des marins au sens du Code du travail maritime?

Il est vrai que le problème se posait surtout à bord des paquebots. Les traversées nécessitaient l'emploi d'un personnel de spécialités diverses: artistes, coiffeurs, photographes, guignolistes... Ils ne sont ni des passagers ni des salariés directs de l'armateur. Le contrat qui est à la base de leur engagement n'est pas un contrat d'engagement maritime, et le Code du travail maritime ne leur est pas applicable 64, car ils n'ont pas le statut de marin.

Aujourd'hui, les compagnies de ferries ont pris le relais, s'agissant de l'emploi de ce type de personnel navigant. Leur situation semble comparable à celle du travailleur placé par une société de travail temporaire auprès d'une entreprise utilisatrice. Le personnel hôtelier ne se voit donc pas reconnaître la qualité de marin. Il convient cependant de nuancer le propos, car une compagnie de ferries -la Brittanny Ferries- 65 a semblé redonner une actualité à ce problème 66.

Le personnel hôtelier devait conformément à l'accord signé par un syndicat, la CFDT, et la BAI, se voir reconnaître la qualité de salarié affilié au régime général. En effet, depuis 1984, ce personnel, bien qu'étant embarqué n'a pas la qualité de marin. Il n'est pas soumis au code du travail maritime. Il est

Salarié de la société Serestel 67, cotise à la sécurité sociale et non à l'ENIM. Or le syndicat des marins CGT a souhaité intenter une action en nullité de cet accord et il appartenait au tribunal 68 de résoudre le problème de savoir si le personnel concerné par cet accord avait ou non le statut de marin et devait bénéficier des dispositions du Code du travail maritime. Les juges n'ont pas reconnu à ce personnel la qualité de marin, car la présence à bord relève non de l'exploitation maritime, mais de facilités qui ne sont pas indispensables à l'exploitation du navire. Or cet élément est considéré à l'article premier du décret du 7 août 1967 comme conférant la qualité de marin. Sur appel, la Cour de Rennes 69 a confirmé le jugement du TGI de Morlaix. L'emploi de ce personnel servant à agrémenter la vie des passagers, est régi non par un contrat d'engagement maritime, mais par un contrat d'entreprise qui ne concerne pas la marche, la conduite, l'entretien ou l'exploitation du navire au sens maritime du terme. Pour refuser la qualité de marin au personnel hôtelier, les juges retiennent le fait qu'il exerce à bord des fonctions qui ne relèvent pas du statut de marin. De façon générale, la situation de cette catégorie de personnel n'est guère aisée à cerner. 64- Cours EAAM. LE travail maritime, p.3. 65- La Brittany Ferries assure des liaisons transmanche Bretagne-Irlande. 66- Négociations à la Brittany Ferries, Ouest-France, 5 février 1990. 67- La société Serestel embouche le personnel hôtelier, qui exerce son activité à bord des ferries. 68- TGI Morlaix, 20 juillet 1995, DMF 1995, p.907 69- Rennes, 27 janvier 1998, DMF 1998, p.1018.

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On peut d'ailleurs également évoquer le cas similaire du vendeur de parfums, de souvenirs. Madame Rémond-Gouilloud 70 fait référence au "concessionnaire de l'échoppe de souvenirs" qu'elle qualifie de marin. Pourtant, très souvent, la direction des compagnies impose aux barmen l'occupation de ce poste. Il n'y a donc pas de vendeurs indépendants à bord. Il convient alors d'évoquer deux situations: dans un cas ces vendeurs font partie du personnel hôtelier intérimaire, non salarié de l'armement, non marin, ils sont à ce titre soumis au droit commun.

Dans un autre cas, ils font partie des saisonniers embarqués par l'armement, rémunérés par lui,

considérés alors comme des marins. A ce titre, l'Armement Naval SNCF aujourd'hui Seafrance 71 emploie généralement des saisonniers sous contrat à durée déterminée. Ce sont des marins 72. Il faut convenir que la situation de ces personnels embarqués est particulière.

Pour les autres catégories de personnel embarqué, une activité à bord ne peut suffire pour les qualifier de marins 73. Il faut convenir que la situation de ces personnels embarqués est particulière. Pour les autres catégories de personnel embarqué, une activité à bord ne peut suffire pour les qualifier de marin. L'article 3 du Code du travail impose d'ailleurs une condition supplémentaire.

LA COUR D'APPEL DE RENNES a estimé que le personnel du service général d'un navire, personnel hôtelier de ferries, qui n'a pas conclu de contrat d'engagement maritime avec l'armateur, ne participe pas à son exploitation au sens maritime du terme, n'est pas marin( CA Rennes, 24 janv. 1998, DMF 1998, 1018, obs. M. Morin Cependant, la Cour de cassation a privilégié une conception large du marin, concernant un éducateur spécialisé, recruté pour encadrer les enfants à bord d'un navire Cass. soc., 28 nov.2002, n° 00-12.365, voilier le Go-zen, Bull. civ. V, n°360; DMF 2003, p.847-853, obs. P. Chaumette. La loi n°97-1051 du 18 novembre 1997 s'est efforcée d'harmoniser le secteur des cultures marines, qui représente 8 000 entreprises, et où se rencontre une dualité des régimes sociaux, maritime ou agricole, applicable aux salariés. Sont étendues aux marins salariés des entreprises de cultures marines les dispositions relatives au repos compensateur, dans un souci de parité avec les entreprises agricoles (C.trav.mar., art.26-2 _ C. rur. 993 et 993-1). Les salariés des entreprises de culture marine bénéficient du repos hebdomadaire dans les mêmes conditions que les salariés des entreprises agricoles (C.trav.mar., art.28-1 _ C. rur. art. 997).

Le législateur a privilégié l'unité du statut du marin, que l'armateur soit une personne privée ou publique. Dès lors un agent du ministère des Transports, capitaine de baliseur , n'est pas un fonctionnaire , ni un contractuel de droit public, mais un contractuel de droit maritime; en cas de litige avec son employeur, le service des phares et des balises du ministère des transports, le contentieux relèvera en première instance d' tribunal de commerce pour le capitaine et du tribunal d'instance pour les autres membres de l'équipage (P.Chaumette, "La retraite des marins: l'application du droit commun", comm. de cassation soc;,28 oct.1997,2 arrêts, Rouxel et le Douarin,Dr.soc.1998,p181-184).

70- Mme Rémond-Gouilloud, Droit Maritime, éd.Pedone, p.98. 71- Cette compagnie assure les liaisons transmanche entre les ports du Havre à Dunkerque et les ports de Grande-Bretagne. 72- Les protocoles d'accord en vigueur prévoient leurs conditions de travail et de rémunération. Par exemple, l'accord particulier signé en novembre 1980, renouvelable par tacite reconduction, signé par les syndicats (CGT-CFDT) et l'Armement Naval SNCF désormais Seafrance, fixe une organisation du travail avec une base de 24 heures de présence effective à bord et 48 heures de repos à terre. 73- Le contrat d'engagement maritime, ou CEM

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La spécificité de la relation de travail maritime, vis-à-vis d'un autre rapport de travail, se situe

concrètement dans un travail à bord d'un navire, en vue d'une navigation maritime, puis essentiellement dans les particularités d'un contrat d'engagement maritime. Mais celui ci a imperceptiblement changé de nature depuis le code de travail maritime de 1926, passant du modèle du contrat de voyage, un contrat d'embarquement, au modèle du contrat de travail. Le système de la presse ne fournissait pas à la Marine Royale des équipages de qualités. Colbert mit en place en 1668, le système des classes et l'administration de l'inscription maritime, chargée de l'affectation des marins, de la gestion des rôles, du paiement des soldes, du contrôle de la formation et de l'exécution des contrats d'engagements maritime, de la tenue des comptes des marins servant au commerce.

L'Etat prête ses inscrits maritimes aux armateurs, en quelque sorte. La caisse des invalides de la

marine est créée en 1673, verse une demi-solde militaire aux marins blessés en service, aux marins blessés en service, aux marins âgés; cette pension fut étendue aux marins de commerce en 1709, puis aux marins pêcheurs en 1823.L'ordonnance de 1681 réglemente l'engagement et les loyers des marins, détermine les obligations de l'armateur, en cas de blessure ou de maladie au service du navire. Le droit social maritime apparaît hors structures corporatives, de l'initiative et sous la tutelle de l'Etat. Il met en place les premiers éléments de protection sociale. Le marin relève surtout d'un statut professionnel, puis ensuite d'un contrat d'engagement le liant à un armateur. . 2/ Le lien juridique avec l'armateur

Le marin doit s'engager envers l'armateur ou son représentant. Ce lien est fondamental pour le marin: il est créateur de droits et d'obligations pour les parties. Le contrat d'engagement maritime ou, à la pêche côtière, à la petite pêche, l'inscription sur le rôle , certifie que l'activité maritime a un caractère professionnel: le marin est un marin professionnel. Le lien avec l'armateur peut d'ailleurs être de durée variable. Le contrat peut être conclu au voyage, à durée déterminée...

La vie du marin se déroule au rythme des embarquements, sui le soumettent périodiquement aux dispositions du Code du travail maritime. En effet, lorsque le marin est à terre, les dispositions de ce Code lui sont plus applicables 74. Il importe donc, que le service soit accompli à bord d'un navire en vue d'une expédition maritime. Le lieu du travail est, à cet égard fondamental.

La définition du marin professionnel résulte du caractère indissociable de trois critères: le premier est un engagement envers un armateur, le deuxième est un service à accomplir à bord et le troisième est le navire. Et il n'est pas possible de privilégier l'un ni l'autre. Doit on considérer que, si l'un de ces critères n'est pas respecté, la qualité du marin disparaît? Une réponse négative s'impose. En effet, une telle lecture des textes entraînerait un schéma simplificateur très éloigné de la réalité maritime. Aussi, l'article premier du décret du 7 août 1967 nous apporte-t-il une première exception, en envisageant le cas du marin embarqué pour son propre compte. On peut être marin, au sens du Code du travail maritime, sans avoir d'employeur. 74- Il demeure cependant un marin pour l'ENIM.

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C'est le cas de l'artisan-pêcheur lorsqu'il est propriétaire embarqué, du capitaine-armateur au commerce. L'inscription sur le rôle d'équipage vaut dans cette constatation de l'acte des services du marin. Le cas des goémoniers est également intéressant. Ils utilisent un bateau pour récolter en mer des algues marines. Ils sont des marins à la condition qu'ils tirent de cette activité leur principal moyen d'existence. Il leur est délivré un rôle d'équipage et la navigation est prise en compte pour le droit à la pension 75.

La seconde exception concerne le lieu du travail du marin. Normalement, il est indispensable que le marin travaille à bord d'un navire et que ce dernier pratique une navigation maritime. Pourtant, tous les navires en construction sont au fur et à mesure de l'avancement des travaux, pourvus d'un rôle de pré-armement qui constate les services des marins embarqués. Le marin est, en conséquence, l'individu qui navigue ou, du moins, qui est destiné à le faire. Ceci explique le fait qu'en dehors d'une période d'embarquement un navigant puisse conserver sa qualité de marin, qui peut non seulement se prolonger au-delà du débarquement, mais encore prendre naissance antérieurement à toute navigation maritime. b/ Le marin en dehors d'une période d'embarquement

Selon l'article 4 du Code du travail maritime "le contrat de louage de services est régi en dehors des périodes d'embarquement du marin par les dispositions du code du travail". Cette disposition semble ainsi exclure la qualification de marin lorsque l'intéressé se trouve à terre. Pourtant, la stabilisation ou la titularisation du marin tempère ces dispositions puisqu'elle entraîne le maintien de la qualité de marin professionnel entre deux périodes d'embarquements. L'alternance - terre-mer - du travail est parfois source de difficultés. La détermination de la compétence judiciaire peut être délicate. Selon M. Jambu-Merlin 76, la navigation maritime a acquis une stabilité qu'elle n'avait pas autrefois, stabilité qui s'est transmise dans une large mesure au marin lui-même. IL poursuit en affirmant que le matelot de jadis, qui mettait sac à terre à la fin du voyage en attendant qu'un nouveau capitaine, complétant son équipage, vienne l'embaucher à l'auberge, a fait place au marin embarqué pour des mois ou des années sur des bâtiments qui assurent des lignes régulières. .C'est la convention collective nationale du 19 juillet 1947 33 qui matérialisa en France une tendance qui s'affirmait déjà depuis 1944: en effet, la charte internationale des gens de mer dans ses articles,77 et suivants exprimait "un désir de

Stabilité professionnelle" 78. La stabilisation offre certaines garanties au marin: elle lui permet de bénéficier d'une priorité d'embarquement à l'intérieur de la compagnie. Il faut cependant, à une stabilisation du personnel, certaines conditions que précise la convention collective du 19 juillet 1947 à son article cinq 79. Les marins doivent notamment avoir 21 ans révolus et totaliser deux ans de navigation au commerce, être reconnus physiquement aptes à la navigation.

75- Article L.2 du code des pensions de retraite des marins. 76- Jambu-Merlin, Réflexions sur le droit social maritime,DMF 1961, p.131. 77- Convention collective nationale du 19 juillet 1947 relative à la stabilité de l'emploi. 78- R. Rodière, Traité Général de Droit Maritime, R. Jambu-Merlin, les gens de mer, n°102. 79 - La convention collective du 19 Juillet 1947 a été conclue entre le CCAF et la Fédération nationale des syndicats maritimes CGT. Elle s'applique à toutes les entreprises de navigation armant ou gérant plus d'un navire, à l'exception de celles ne possédant que des navires de moins de 250 tonneaux de jauge brute et aux entreprises de remorquage (article 1er).La recommandation n°154 (1976) du Bureau International du Travail va dans ce sens, s'agissant de garantir un emploi continu ou régulier au marin.

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La convention collective du 30 septembre 1948 concerne les officiers et les dispositions

particulières traitent des conditions de titularisation de ces derniers 79. Il leur faut avoir accompli un stage comportant douze mois d'embarquement effectif sur un navire armé 80. Tout officier titularisé dans l'entreprise, qui aura accompli une fonction pendant une durée totale de deux années sera stabilisé dans cette fonction 81. "La titularisation a des effets beaucoup plus étendus que la stabilisation des marins. Il n'est pas question, pour l'officier titulaire, d'inactivité, ou de demi-solde, ou de travail à terre"82. Le marin stabilisé 83, ou titularisé puis stabilisé, est dans une situation très proche de celle du salarié terrestre.

Le contrat d'engagement ne prend pas fin par son débarquement. Sa situation apparaît tout à fait singulière, car embarqué ou en dehors d'une période d'embarquement, le marin stabilisé reste un marin et est à ce titre, soumis au Code du travail maritime. Il est assuré de la permanence de don emploi et de sa qualité de marin professionnel. La situation des autres marins est en revanche plus précaire puisque le lien avec l'entreprise maritime est interrompu entre les embarquements, à l'expiration de leur temps de congés.

A la pêche, la profession est peu favorable à l'engagement de longue durée. Pourtant, dans la pratique, certains marins, d'après les usages ou les accords, reçoivent un salaire dans l'intervalle des campagnes 84. Le marin est lié au navire; souhaiter le lier non plus à ce dernier mais à la compagnie maritime achèverait l'évolution que pour l'instant, le Code du travail maritime ne reconnaît pas 85. Le marin fait partie de l'équipage depuis le moment où il est inscrit sur le rôle d'équipage jusqu'au moment où il en est rayé, où le rôle est déposé et clôturé. Avant et après ce moment, il n'est plus au service du navire.

C'est une idée traditionnelle de la marine que de payer le marin une fois le voyage terminé, et de le laisser à cet instant reprendre sa liberté, si tel est son souhait. Cette situation est certes pas sans inconvénient pour le marin - il ne perçoit pas de salaire entre deux embarquements - et elle paraît même insupportable à la marine marchande. Le milieu de la pêche en revanche, surtout celui de la pêche artisanale, reste encore soumis au poids des traditions. Les mentalités diffèrent et le marin n'est pas opposé à cette autonomie dans le choix de son embarquement, de son employeur. Des considérations d'ordre économiques empêchent d'ailleurs toute rémunération fixe dans un secteur largement tributaire des quantités de poissons capturés, lesquels conditionnent le salaire du marin, à la fin d'une période d'embarquement.

Pourtant, la situation du marin pêcheur artisan a évolué, ainsi que les mentalités dans un secteur d'activités longtemps très individualiste. En effet, un accord collectif a été signé par les partenaires sociaux du secteur, le 6 juillet 2000. 79- Convention collective du 30 septembre 1948 intervenue entre le CCAF et la Fédération nationale des officiers de la marine marchande. 80- Convention du 30 septembre 1948, article8. 81- Convention du 30 septembre 1948, article 8, alinéa 5. 82- R. Roidère. Traité Général de Droit Maritime. R. Jambu-Merlin. Les gens de mer, n°106. 83- La stabilité de l'emploi consiste notamment dans l'attribution aux marins d'un pourcentage du salaire contractuel de leur fonction, augmenté de l'indemnité de nourriture et des allocations familiales entre deux embarquements, et dans une priorité d'embarquement sur les navires de la société."Les marins ont des obligations: ils doivent se tenir dans les 24 heures à la disposition de l'armement pour tout embarquement et doivent accepter de servir sur tous les navires de la compagnie (...) d'être rappelés durant leurs congés lorsqu'ils ont pris les 3/4 de ceux ci- moyennant un prévis de huit jours". Cours EAAM " Le droit du travail des gens de mer", p.28 à 29. 84- A la grande pêche, il existait des contrats inter-campagne. Cours EAAM; "Le droit de travail des gens de mer", p.30. 85- M.Guellec: Révision du Code du travail maritime. Il prévoyait le remplacement du marin au navire par un lien avec l'armateur. Publication du secrétaire d'Etat à la mer du 26 octobre 1986.

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Le lieu particulier où il exerce son activité est fondamental, mais il est à l'origine de nombreux

conflits de compétence entre le conseil de prud'hommes et le tribunal d'instance. Si l'article premier du Code du travail maritime soumet à ses dispositions la matière des contrats d'engagement maritime, c'est-à-dire la période pendant laquelle le marin est embarqué, l'article 4 impose cependant les dispositions du Code du travail pour réglementer les services accomplis à terre par le marin. Un contrat de louage de services succède en conséquence au contrat d'engagement maritime, car le navigant n'est plus, dès lors, un marin à moins qu'il ne soit stabilisé...

La difficulté provient du fait qu'un litige naissant pendant l'embarquement du marin n'est porté à la connaissance de l'autorité compétente qu'au moment où le navire rentre au port. Mais dès ce moment, le marin débarque. Comment dans ces conditions apprécier la compétence judiciaire ? Attachés au métier, les gens de mer forment une communauté tout à fait originale. Ce sont les hommes qui font le particularisme de ce milieu, et d'un métier soumis à des conditions spécifiques d'exercice. B/ Les conditions d'accès à la profession.

Compte tenu des périls de la mer, des exigences de la sécurité des personnes, du navire et des marchandises, quiconque ne peut devenir marin. La conclusion d'un contrat d'engagement maritime est soumise à des conditions strictes. Les conditions d'accès à la profession de marin sont fixées par le décret n°67-690 du 7 août 1967: aptitude physique (a.1), moralité (a.2), formation professionnelle ( b), nationalité ( c) 19, mais avant de voir si le futur marin remplit les conditions d'accès à la profession, il y a la phase préalable du recrutement (d). L'accès à la profession de marin est réglementé par des conditions énumérées par le décret n° 67-690 du 7 août 1967 (Journal Officiel 13 Août 1967). Ce décret s'applique également dans les DOM et à Saint-Pierre et Miquelon. Pour les autres TOM, les conditions sont fixées par le décret n° 61-639 du 11 avril 1961 (Journal Officiel 15 Avril 1961).

En dehors de ces règles spécifiques, la capacité de contracter est soumise aux règles de droit commun (C. trav. mar., art. 7). a) L'aptitude physique et morale 1/ L'aptitude physique Pour pouvoir être inscrit au rôle d'équipage d'un navire français (hors TAAF et RIF), le marin doit remplir les conditions d'aptitude physique prévues par décret et arrêté (D. n° 60-865, 6 août 1960 : Journal Officiel 17 Août 1960 et A. min., 16 air. 1986 : Journal Officiel 4 Mai 1986, modifié par A. min., 27 avr. 1990 : Journal Officiel 23 Mai 1990, A. min., 11 janv. 1991 : Journal Officiel 30 Janvier 1991 et 6 juill. 2000 : Journal Officiel 6 Décembre 2000). L'État entend ainsi protéger le marin ainsi que les autres personnels à bord des risques de contagion ou de faiblesse. Tout marin dont les capacités à la navigation ne seraient plus reconnues devra nécessairement se reconvertir professionnellement.

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Ces conditions sont contrôlées lors d'une visite médicale obligatoire pour toute entrée dans la profession, même pour les établissements scolaires maritimes. En exigeant du marin des conditions physiques et de moralité, l'Etat assume ses fonctions de prévention des troubles de l'ordre public et à la sécurité publique. Il protége la collectivité du bord, et le marin de lui-même, vis-à-vis de des risques dus à la faiblesse ou à la contagion de l'un de ses membres. L'activité maritime n'est pas ouverte aux travailleurs handicapés, qui ne peuvent devenir marins; l'ensemble des emplois mobiles du transport échappe à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés .L'inaptitude à la navigation conduit à une reconversion professionnelle. Toutefois, un marin, accidenté du travail, subissant une incapacité permanente d'au moins 10%et titulaire d'une rente, bénéficie en cas de licenciement d'un préavis doublé, selon l'article L323-7 du code du travail .

L'entrée dans la profession, même dans un établissement scolaire maritime, nécessite une visite médicale auprès du médecin des gens de mer, la constitution d'un dossier médical d'immatriculation. La conclusion d'un contrat d'engagement maritime, l'inscription au rôle de l'équipage doivent être précédées de la constatation médicale de l'aptitude du marins. Depuis 1990, dans tout les cas où une inaptitude totale à la navigation est constatée, lors d'une visite périodique, la commission régionale d'aptitude physique est saisie et statue. Le contentieux de l'aptitude à la navigation est de la compétence du juge administratif . 2/ La moralité Le marin ne doit avoir subi aucune des condamnations dont l'énumération figure à l'article 4, 4° du décret du 7 août 1967. Des dérogations peuvent néanmoins être accordées à titre individuel, par le Ministre chargé de la marine marchande, après avis du juge d'application des peines. Les conditions de moralité et physique remplient, le marin doit avoir une formation professionnelle qui lui permettra d'accomplir à bien sa tâche sur le navire. b) La formation professionnelle La formation professionnelle est une exigence ancienne. Le texte en vigueur sur les conditions de délivrance des titres de formation est le décret n° 99-439 du 25 mai 1999 modifié par le décret n° 2002-1283 du 18 octobre 2002 et par le décret n° 2005-366 du 19 avril 2005. Seuls les certificats, brevets et attestations définis par ce texte pourront être délivrés. Des arrêtés d'application de ces textes ont été pris en application, notamment pour l'obtention de titres équivalents. La matière fait l'objet d'une réglementation abondante 86.

Les impératifs de formation professionnelle sont pris en compte tant au niveau international que communautaire. L'OIT a fixé des normes minimales de formation pour les différents emplois à bord : pour les officiers (Conv. n° 53) ou encore pour les matelots qualifiés (Conv. n° 74). Cependant, la principale Convention internationale est la Convention STCW élaborée en 1978 dans le cadre de l'Organisation maritime internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille.

86- V. par exemple : D. n° 2003-18, 3 janv. 2003 : Journal Officiel 7 Janvier 2003 : sur les qualification requises pour l'exercice des fonctions principales au niveau d'appui à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance armés avec un rôle d'équipage ...

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Sur le plan européen, des directives ont été adoptées : directives générales 87. sur la reconnaissance des diplômes puis des textes spécifiques aux gens de mer avec la directive 2001/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant le niveau minimal de formation des gens de mer 88. Une fois la formation acquise se pose alors le problème de nationalité des membres de l’équipage. c) La nationalité

Pour des motifs stratégiques et de défense nationale, les pays maritimes ont imposé un privilège de nationalité (1), contrepartie des obligations militaires spécifiques de leurs marins, une jurisprudence s'est développée en la matière (2), selon le Code du travail maritime une réglementation spécifique est applicable aux membres de l'équipage (3), les règles sont différentes pour les navires immatriculés dans les TAAF (4), tandis que la loi du RIF en dispose autrement (5). 1/ Le privilège de nationalité Le privilège de nationalité pour certains emplois à bord du navire est rapidement apparu comme contraire au principe d'égalité et de non-discrimination des ressortissants communautaires, conséquence du principe de la libre circulation des travailleurs. À bord des navires battant pavillon français, ce privilège de nationalité ne subsiste que pour le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance 89. Les autres ressortissants communautaires ne peuvent en aucune manière exercer ces fonctions, même s'ils sont titulaires des brevets requis. Cette exception au principe d'égalité se justifie par les prérogatives de puissance publique dont le capitaine du navire est investi. L'article 48, alinéa 4 du Traité de Rome autorise une dérogation à l'égalité d'accès à l'emploi pour les fonctions dans l'administration publique. 2/ La jurisprudence L'exception autorisée par l'article 48 du traité de Rome a fait l'objet d'une interprétation restrictive par la Cour de justice des communautés européennes, limitant la dérogation "à la condition que les prérogatives de puissance publique attribuées aux capitaines et aux seconds de ces navires soient effectivement exercées de façon habituelle et ne représentent pas une part réduite de leurs activités" 90. La Cour de cassation (Cass. crim., 23 juin 2003 : DMF 2004, p. 1054, obs. P. Bonassies) a fait application de cette nouvelle condition en cassant un arrêt de la Cour d'appel de Poitiers qui avait condamné un armateur pour absence de second de nationalité française. Les juges d'appel s'étaient fondés sur les pouvoirs reconnus au capitaine en matière d'état civil, pour les actes de naissance, de décès et de mariage et avaient ajouté que "pour faible qu'elle soit, la probabilité de l'exercice par ces officiers de prérogatives de puissance publique ne saurait être écartée, vu les circonstances exceptionnelles qui peuvent se présenter en mer". 87- V. par exemple : Cons. UE, dir. n° 89/48/CE, 21 déc. 1988 : JOCE n° L 19, 24 janv. 1989, p. 16) 88- JOCE n° L 136, 18 mai 2001) récemment modifiée 89.89(Cons. UE, dir. n° 2005/23/CE, 8 mars 2005 : JOCE n° L 62, 9 mars 2005. 89- C. trav. mar., art. ). 90- CJCE, 21 sept. 2003 : DMF 2003, p. 1035, obs. P. Bonassies. - P. Bonassies, La nationalité des capitaines de navire et la CJCE : DMF 2003, p. 1027.

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La Cour de cassation censure au motif que la dérogation prévue par l'article 49 du Traité européen nécessite que les prérogatives de puissance publique soient appliquées de façon habituelle et ne représentent pas une part réduite de l'activité du capitaine et de son second. Néanmoins, cette solution n'est pas figée : il appartient désormais aux juridictions du fond de motiver leurs décisions en faisant ressortir l'importance des prérogatives de puissance publique. 3/ Les membres de l'équipage

Les membres de l'équipage autres que le capitaine et son second doivent être ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace Économique Européen dans une proportion minimale fixée par arrêté du ministre chargé de la marine marchande, en fonction des caractéristiques techniques des navires ou de leur mode d'exploitation (C. trav. mar., art. 3, al. 2).

Des dérogations (sauf pour le capitaine et son second) peuvent être accordées en métropole par le directeur des affaires maritimes et, hors métropole, par l'autorité administrative compétente en matière maritime. En outre, les nationaux des États ayant conclu des accords avec la France sur ce sujet (exemple : Monaco et de nombreux États africains francophones), les apatrides et réfugiés politiques bénéficient de dispositions favorables. 4/ Le TAAF

Les règles sont différentes pour les navires immatriculés dans les TAAF : si le capitaine et son second doivent être français, il en va différemment pour l'équipage ; les autres marins embarqués doivent être français dans une proportion minimale définie en fonction des caractéristiques techniques des navires ou de leur mode d'exploitation, sous réserve d'une dérogation par accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise 91. 5/ Le RIF La loi sur le RIF maintient le privilège du capitaine et son second qu'elle justifie par leur qualité de garants de la sécurité du navire, de l'équipage et de la protection de l'environnement et de la sûreté 92. La proportion minimale des membres de l'équipage ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace Économique Européen est de 35 % calculés sur la fiche d'effectif (et non sur l'effectif embarqué), ce chiffre étant ramené à 25 % pour les navires ne bénéficiant pas ou plus du dispositif d'aide fiscale attribué au titre de leur acquisition (L. préc., art. 5). Cette disposition a fait l'objet de nombreuses discussions lors du vote de la loi. Le marin doit passer par l'étape du recrutement avant d'être engagé sur ce lieu de travail très particulier, le navire. 91- L. n° 96-151, 26 févr. 1996, art. 26 : Journal Officiel 27 Février 1996, modifié par Ord. n° 2002-357, 14 mars 2002 : JORF 16 mars 2002. 92- L. n° 2005-412, art. 5 : JORF n° 103, 4 mai 2005, p. 7697.

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d/ Le recrutement Selon l'article 6 du code du travail maritime (1) le recrutement peut se faire soit par l’embauchage directe (2), soit par le placement par entremise (3), quant au RIF, lui connaît les entreprises de travail maritime (4), si le demandeur d'emploi est recruté, un contrat de mise à disposition lui sera proposé (5), le principe de non discrimination s'applique au contrat d'engagement maritime (6). 1/ L’article 6 du Code du travail maritime Cet article précise que le placement s'effectue par embauche directe, par l'entremise des bureaux paritaires de placement maritime organisé par décret ou par l'entremise des offices de renseignements créés par les syndicats professionnels. 2/ l’embauchage directe

L'embauchage direct est la forme la plus répandue et en particulier à la pêche où les rapports personnels et les liens familiaux sont d'une grande importance. L'armateur a toujours la liberté de choisir le ou les équipages de ses navires. Cependant, cette embauche n'est guère réglementée par le Code du travail maritime qui se contente de préciser que le marin ne peut s'engager que s'il est libre de tout engagement maritime (C. trav. mar., art. 7). 3/ Le placement par entremise

Les bureaux paritaires de placement maritime n'ont jamais été créés. Néanmoins, en application de l'Ordonnance n° 67-578 du 13 juillet 1967 (Journal Officiel 19 Juillet 1967) créant l'Agence nationale pour l'Emploi, des accords ont été conclus entre le Comité central des armateurs de France et les fédérations d'officiers et de marins, portant création de bureaux de main d'oeuvre maritime pour chacune des catégories de personnels navigants. Ces bureaux ont été réunis en un seul en 1969, le Bureau central de la main d'oeuvre maritime (BCMOM), reconnu comme correspondant de l'Agence nationale pour l'emploi. Ce Bureau tient une liste des marins disponibles à l'embarquement. Les récépissés qu'il délivre permettent au marin de justifier de sa situation de demandeur d'emploi et d'obtenir des indemnités de chômage. 4/ Le RIF et les entreprises de travail maritime Si le Code du travail maritime ne connaît que l'embauche directe, la loi du 3 mai 2005 relative au RIF reconnaît l'entreprise de travail maritime définie comme : "toute personne physique ou morale dont l'activité est de mettre à disposition d'un armateur des navigants qu'elle embauche en fonction de leur qualification et rémunère à cet effet"93.

Il s'agit donc bien de travail intérimaire, l'entreprise de travail maritime ne se limitant pas à agir pour le compte de l'armateur. La loi réglemente cette nouvelle activité en imposant que l'entreprise de travail maritime soit agréée par les autorités de l'État où elle est installée. 93- L. n° 2005-412, 3 mai 2005, art. 4 : JORF 4 mai 2005, p. 7697.

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À défaut d'existence d'une procédure d'agrément ou lorsque l'entreprise est installée dans un

État n'ayant pas ratifié la Convention n° 179 de l'OIT sur le recrutement et le placement des gens de mer, l'armateur s'assure que l'entreprise de travail maritime en respecte les exigences. Néanmoins, la France n'ayant pas mis en place une procédure d'agrément pour les entreprises maritimes, ces dernières ne peuvent pour le moment s'établir en France. 5/ Le Contrat de mise à disposition Les articles 14 et 15 de la loi du 3 mai 2005 réglementent le contrat de mise à disposition. Il s'agit nécessairement d'un contrat écrit comportant des mentions obligatoires sur la rémunération, la durée du contrat, l'emploi à bord, les conditions générales d'engagement et les conditions de la protection sociale. Une copie du contrat doit être conservée à bord du navire.

Pendant la mise à disposition du navigant, l'armateur est responsable des conditions de travail et de vie à bord.

En cas de défaillance de l'entreprise de mise à disposition, l'armateur prend en charge le paiement des frais de rapatriement ou des sommes dues au navigant et aux organismes d'assurance sociale (L. n° 2005-412, art. 21). 6/Le principe de non-discrimination

Le Code pénal et ses dispositions spécifiques aux règles de non-discrimination ont vocation à s'appliquer au contrat d'engagement maritime. Constitue une discrimination toute distinction entre deux personnes physiques fondées sur le sexe, l'origine, la situation de famille, l'état de santé, les moeurs, la religion... (C. pén., art. 255-1).

Section 2 Les formalités du contrat d'engagement maritime

A la différence du droit commun du contrat de travail, le contrat d'engagement maritime ne peut être conclu dans les formes qu'il convient aux parties. Ce contrat, normalement depuis les ordonnances de colbert, doit être écrit (§1).La convention n°22 de l'organisation internationale du travail exige également un contrat rédigé par écrit .Il est nécessaire qu'il est une information orale et écrite de ce contrat est soumis au contrôle préalable, au visa de l'administration des affaires maritimes(§2).Il est nécessaire qu'il est une information orale et écrite de ce contrat d'engagement maritime (§3).

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§1/ Le formalisme civil Il y a une exigence d'écrit et de mentions obligatoires ( A), en cas de non respect de ces exigences, une sanction aura lieu ( B), le RIF quant à lui exige un formalisme plus conséquent ( C). A/ Écrit et mentions obligatoires

Le contrat d'engagement doit être écrit et rédigé en termes clairs de nature à ne laisser aucun doute aux parties sur leurs droits et obligations respectifs (C. trav. mar., art. 10-1).

Sa durée (C. trav. mar., art. 10-1), le contrat étant conclu pour une durée indéterminée, déterminée ou pour un voyage, est une mention obligatoire. Dans les deux premiers cas, la durée du préavis applicable en cas de résiliation est mentionnée. L'objet doit être précisé i.e. le service pour lequel le marin s'engage et les fonctions qu'il doit exercer, le montant de ses rémunérations ou lorsque celles-ci consistent en une part des produits de vente ou du chiffre d'affaires, la répartition du produit (C. trav. mar., art. 11).

L'exigence d'un écrit se trouvait déjà dans les ordonnances royales, préparées par Colbert. En cas de rémunération à la part, pratique ancienne, demeurée courante à la pêche artisanale, le contrat écrit doit indiquer la liste des frais communs, la répartition des parts. Cette exigence de l'écrit peut être simplifiée, puisque toutes les clauses et stipulations du contrat doivent être inscrites ou annexées au rôle de l'équipage, d'après l'article 9 du Code du travail maritime. Le rôle ainsi complété pouvait tenir lieu de contrat écrit. L'informatisation des rôles et des mouvements de personnel conduit à la disparition des rôles en blanc et devrait réveiller l'exigence de contrats écrits, clairs et précis.

L'armateur ou le capitaine est tenu de faire connaître aux marins qui vont s'engager la

composition de l'équipage, les éléments servant de base au calcul de l'effectif; ces éléments doivent être déclarés lors de la confection du rôle de l'équipage, à la suite des conditions d'engagement, selon l'article 27 du Code du travail maritime. B/ Les sanctions

Les clauses non écrites du contrat d'engagement maritime sont nulles; elles ne sont pas opposables au marin. En l'absence de tout contrat écrit, le contrat d'engagement est nul. Pour la jurisprudence, cette nullité de protection ne peut être invoquée que par le marin; le marin a le droit à la rémunération des périodes travaillées, à l'indemnisation du préjudice subi. Parfois, la nullité du contrat d'engagement, resté verbal, entraîne l'application du droit du travail terrestre. C/ Les Formalisme et RIF Les mentions obligatoires sont plus nombreuses. Outre la durée du contrat, l'emploi à bord, le montant de la rémunération, le contrat précise les conditions de la protection sociale, la raison sociale de l'employeur, la qualification professionnelle exigée et, le cas échéant, le nom du navire, son numéro d'identification internationale, le port et la date d'embarquement. Des copies du contrat d'engagement

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sont remises respectivement au marin et au capitaine (L. préc., art. 15). Une fois le formalisme civil rempli, le contrat doit remplir les conditions du formalisme administratif. §2/ Le formalisme administratif

Il faut un visa administratif, le contrat d'engagement maritime est visé par l'autorité chargée de l'inspection de travail maritime (C. trav. mar., art. 13). L'inspection du travail maritime ne peut régler les conditions de l'engagement mais elle a le droit de refuser son visa lorsque le contrat contient une clause contraire aux dispositions législatives d'ordre public, les parties ne pouvant déroger au Code du travail maritime que lorsque celui-ci le prévoit expressément (C. trav. mar., art. 133). Ce contrôle constitue une simple vérification de la conformité du contrat. Le défaut de visa d'un contrat conforme aux dispositions légales est sans conséquence sur sa qualification 94.

L'inspection du travail doit délivrer gratuitement au marin un livret professionnel sur lequel figure son engagement maritime mais aucune appréciation des services rendus (C. trav. mar., art. 14).

Par la suite le contrat d'engagement doit remplir des conditions de publicité et d'information. §3/ La publicité et information

Il est nécessaire qu'il est une information orale et écrite, l'autorité chargée de l'inspection du travail maritime doit donner lecture des conditions générales d'engagement au marin au moment de l'inscription au rôle d'équipage, disposition à caractère désuet. L'inscription doit mentionner le lieu et la date d'embarquement (C. trav. mar., art. 12).

Toutes les clauses et stipulations du contrat d'engagement maritime doivent, à peine de nullité, être inscrites ou annexées au rôle d'équipage (C. trav. mar., art. 9). Les dispositions légales et réglementaires qui régissent le contrat d'engagement doivent se trouver à bord pour être communiquées par le capitaine au marin, sur sa demande. Les conditions générales d'engagement sont affichées dans les locaux d'équipage.

Section 3/ La durée du contrat d'engagement maritime

L'histoire sociale maritime paraissait suivre la lente disparition des contrats d'engagement conclus au voyage, pour la durée d'une expédition. La durée du contrat dépendait traditionnellement de la volonté des contractants, quant à la fixation du terme. Lorsque la durée du contrat n'était pas précisée par les parties, la durée du rôle d'équipage la déterminait implicitement et automatiquement. Or, le rôle d'équipage était visé et fixé pour chaque voyage, mis à part quelques dérogations 95. Les contrats sont donc essentiellement conclus au voyage, même si Valin constatait, dés le XVIIe siècle l'abandon de la rémunération forfaitaire au voyage au profit du salaire mensuel. La notion de Le contrat à durée indéterminée n'est pas employée et le congédiement est conçu comme une rupture unilatérale anticipée, intervenant avant l'échéance du terme normal.

94- Cass. soc., 26 janv. 2005, n° 02-45.183, inédit. 95- D.Danjon, Traité de droit maritime, LGDJ, Paris, 1910, t I. n° 257, p 421 et n° 366, p 575.

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Le développement de la navigation de ligne, des télécommunications, de la vitesse de

navigation, a conduit au renforcement de l'activité des services sédentaires des compagnies d'armement, à la réduction du rôle du capitaine de navire, en matière sociale et commerciale. Le marin n'est plus recruté par le capitaine et lié à un navire pour la durée d'un voyage. Dés la convention collective nationale du 15 mars 1927, les marins de la marine marchande avaient obtenu le principe d'une rémunération mensuelle fixe, pratique déjà largement répandue. Le principe d'une stabilisation fut posé et négocié en 1936. La seconde guerre mondiale accentua le déplacement des contrats au voyage vers un lien à durée indéterminée. Par la suite, les contrats d'engagements à durée indéterminée deviennent le principe, l’autre l’exception.

La durée du contrat d'engagement maritime peut être de durée indéterminée ( §1), le contrat d'engagement peut être requalifié de CDD en CDI (§2), il peut être conclu pour une durée déterminée ( §3), le législateur a créé des contrats spécifiques (§4). §1/ La durée indéterminée Le contrat d'engagement maritime peut être à durée indéterminée depuis la modification de l'article 10-1 du Code du travail maritime par l'ordonnance n° 82-267 du 25 mars 1982 (Journal Officiel 27 Mars 1982), le droit maritime s'alignant ainsi sur les mécanismes applicables au contrat de travail terrestre. Le contrat doit préciser la durée du préavis à observer en cas de résiliation unilatérale par l'une des parties. §2/ La requalification de CDD en CDI Si au terme d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat au voyage, un nouveau contrat est conclu avec le marin avant l'expiration des congés et repos, ce nouveau contrat est à durée indéterminée 96. Lorsqu'un marin a été lié à un armateur par deux ou plusieurs contrats d'engagement successifs et discontinus de quelque nature qu'ils soient pour au moins 18 mois de services dont neuf d'embarquement effectif au cours d'une période de 27 mois comptée depuis le premier embarquement, le nouveau contrat conclu avant l'expiration de cette période ne peut être qu'un contrat à durée indéterminée (C. trav. mar., art. 10-6).

Cette requalification ne joue pas lorsque le marin rompt de manière anticipée ou ne renouvelle pas son contrat à durée indéterminée comportant une clause de report du terme (C. trav. mar., art. 10-6, al. 2). De même, elle sera écartée pour certains contrats énoncés à l'article 10-7 du Code du travail maritime, parmi lesquels figurent notamment les emplois à caractère saisonnier, les compléments de formation professionnelle, les contrats pour remplacer un marin temporairement absent ou dont le contrat de travail a été suspendu. Le contrat sera néanmoins à durée indéterminée s'il ne comporte ni le nom ni la qualification du marin remplacé 97. La requalification de contrats successifs à durée déterminée ne peut résulter du fait que ces contrats ont eu pour objet de remplacer un salarié parti à la retraite 98. 96- C. trav. mar., art. 10-5, pour un exemple jurisprudentiel : Cass. soc., 23 févr. 2000, n° 97-45.816, inédit. - CA Montpellier, 10 juill. 2002 : DMF 2003, p. 653, obs. P. Chaumette. 97- CA Rouen, 15 oct. 1997 : Juris-Data n° 1997-055972.

98- Cass. soc., 26 janv. 2005, n° 02-45.183, préc. n° 47.

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§3/ La durée déterminée Que le contrat soit conclu pour une durée déterminée ou pour un voyage, son terme doit être fixé : indication de la durée ou désignation du port où le voyage prendra fin tout en précisant à quel moment des opérations commerciales et maritimes effectuées dans ce port le voyage sera réputé accompli (C. trav. mar., art. 10-1). Si cette désignation est insuffisamment précise, une durée maximale est précisée.

Le contrat peut ainsi être renouvelé une fois, avec cependant une durée maximale de 12 mois d'embarquement effectif (C. trav. mar., art. 10-2), cette limite ne s'appliquant pas aux contrats spécifiques visés à l'article 10-7 du Code du travail maritime.

Le recours à un contrat à durée déterminée est, comme en matière terrestre, encadré. Un délai d'une période égale au tiers de la durée du contrat à durée déterminée doit être observé avant la conclusion d'un nouveau contrat pour remplacer le marin dont le contrat a pris fin. Un tel contrat ne peut être conclu en vue de remplacer un marin dont l'absence temporaire ou la suspension du contrat résulterait d'un conflit collectif de travail 99. §4/ Les contrats spécifiques

Le législateur a créé des contrats spécifiques tels le contrat de qualification maritime qui est un contrat à durée déterminée (de 6 à 24 mois) s'adressant aux jeunes de seize à vingt-cinq ans, pourvus d'une formation maritime, n'ayant pas acquis de qualification professionnelle maritime ou ayant une qualification ne leur permettant pas d'obtenir un emploi 100. Ou encore, le contrat initiative emploi maritime qui bénéficie d'un régime dérogatoire du droit commun, notamment pour le versement des contributions sociales 101. Plus récemment, le décret n° 2005-146 du 16 février 2005. 102 a rendu applicable aux personnels navigants des entreprises d'armement maritime le contrat de professionnalisation.

Une fois le contrat d'engagement conclu entre le marin et l'armateur, le contrat devra être exécuté par les parties, créant des obligations pour ces deux derniers.

99- sur l'obligation de motiver le recours à un contrat à durée déterminée : CA Aix-en-Provence, 6 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-047247. 100- D. n° 94-595, 14 juill. 1994 : Journal Officiel 16 Juillet 1994. 101- D. n° 2002-400, 25 mars 2002 : Journal Officiel 27 Mars 2002, modifié par D. n° 2003-565, 27 juin 2003 : Journal Officiel 28 Juin 2003. 102- Journal Officiel 19 Février 2005.

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CHAPITRE 2 LES PARTICULARITES DE L'EXECUTION DU CONTRAT D'ENGAGEMENT MARITIME

Le Code du Travail maritime prévoit dans ses titres III et IV respectivement les obligations du marin envers l'armateur et réciproquement. Le marin a l'obligation d'accomplir son service dans les conditions déterminées par le contrat et par les lois, règlements et usages en vigueur (C. trav. mar., art. 17). Quant à l'armateur, son obligation principale est la rémunération du marin. Cependant, il est des situations où ces obligations sont suspendues : en cas de congés ou de maladie étant précisé que la mise à terre ne constitue plus une cause de rupture du contrat.

L'exécution du contrat de travail, de la conclusion du contrat à sa rupture, met en jeu un ensemble complexe de règles juridiques. La relation du travail est caractérisée par le mécanisme contractuel, de l’échange synallagmatique des prestations réciproques entre les contractants, l'interdépendance de l'obligation faite au salarié de fournir la prestation de travail et de l'obligation faite à l'employeur de payer la rémunération. Cette symétrie contractuelle n'est plus apte à elle seule à expliquer l'ensemble des règles applicables à la relation de travail. Les dispositions législatives et réglementaires encadrent le champ contractuel dans un statut du salarié qui met l'accent sur la subordination du travailleur, mais aussi la protection de ses droits et libertés.

La relation de travail ne peut être limitée à cet aspect patrimonial du salaire contre du travail. Le travail n'est pas une marchandise, mais le résultat de l'activité de la personne. L'ordre public veille à la protection du marin, compte tenu des périls de la mer, cette sécurité du marin a été fortement prise en compte par l'administration maritime.

De nos jours, la prise en compte de la personne du travailleur, de ses droits et libertés, justifie le principe de non-discrimination, la protection de la vie privée, la limitation de la durée du travail, les mécanismes de suspension de l'exécution du travail. La stabilité du lien contractuel est ainsi fréquemment assurée par-delà certains arrêts de travail, dus à des causes diverses. Quant au marin, les traditions imposaient une discipline professionnelle particulièrement stricte qui n'a pas entièrement disparu.

L'étude de l'exécution du contrat d'engagement sera articulée autour de la réglementation du travail des gens de mer à bord du navire ( section1), puis de la discipline ( section 2), de la rémunération ( section 3), et enfin de la suspension ( section 4) .

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Section 1 Les conditions de travail à bord des navires

Les règles du droit maritime se rapprochent de plus en plus des règles du droit terrestre. Le décret du 7 juin 1999 porte constitution de l’inspection du travail maritime. Comme leurs homologues à terre, les inspecteurs du travail maritime vérifient le respect de la législation du travail maritime, et constatent le cas échéant, les infractions. L’inspecteur du travail maritime exerce, sous l’autorité du ministre chargé de la marine marchande, ses missions avec les mêmes prérogatives et les mêmes obligations que l’inspecteur du travail placé sous l’autorité du ministre chargé du travail mentionné à l’article L. 611-1 du Code du travail.

Pourtant l’originalité du travail maritime a impliqué un très large débordement de la réglementation de droit commun tant en ce qui concerne la durée du travail que l’organisation de celui-ci. L'environnement dans lequel le contrat d'engagement maritime s'exécute requiert des dispositifs spécifiques. Les dangers de la navigation maritime, la vie à bord du navire, les impératifs de sécurité sont autant de facteurs qui ont amené le législateur à légiférer sur les conditions d'exécution du travail : temps de travail, conditions matérielles et discipline à bord. Le navire, cadre de travail et lieu de vie, nécessite une organisation adaptée à ses spécificités. "C'est parce qu'il y a des marins, qu'il a des navires..., et des conditions de travail si particulières 103.

L’analyse des conditions de travail des gens de mer sera divisé autour du temps du travail (§ 1) et des conditions matérielles particulières ( §2). §1/ Le temps de travail L'étude du temps de travail nécessite de voir l'organisation du travail (A), la durée du travail (B), les heures supplémentaires (C), le repos (D), et l'astreinte (E).

A/ L’organisation du travail Le travail s’effectue à bord d’un engin mobile, coupé de la terre ferme, confronté à l’élément marin, et où l’espace disponible est limité : le navire. Cette configuration particulière du lieu de travail explique le caractère primordial de la connaissance par chaque membre de l’équipage de son rôle et de sa fonction a bord. C’est au capitaine que revient la charge d’organiser le travail a bord (a). C’est à l’équipage que revient la charge d’effectuer le travail nécessaire à l’exploitation du navire ; ceci explique la nécessité d’un effectif en nombre et en qualité suffisant (b).

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103- "M. Le Bihan-Guénolé, Droit du travail maritime, "Spécificité structurelle et relationnelle", p135, L'harmattan, 2001. a/ La répartition du travail

L’article 12 al. 3 du décret du 6 septembre 1983 prévoit un service permanent de conduite et de sécurité du navire. La vie du personnel embarqué est organisée par bordées et par quarts. A bord des navires de commerce, les horaires de travail sont très proches de ceux des entreprises terrestres. Au long cours, sauf circonstance exceptionnelle et à l’exception du cabotage, l’horaire est en moyenne régulier. Le personnel est réparti entre le pont et la machine, et doit accomplir des actions bien précises “ sauf force majeure et convention contraire, le marin n’est pas tenu d’accomplir un travail incombant à une catégorie de personnel autre que celle dans laquelle il est engagé.

A une certaine époque, la génération de la polyvalence de fonction à bord des navires devait permettre pourtant d’employer au cours d’un même voyage les officiers polyvalents à différents postes de services du pont et de la machine, et d’améliorer ainsi l’organisation du travail à bord. Mais il a été démontré par la suite, que c’est le contraire qui s’est produit : manque de suivi, mauvais entretien…

La polyvalence de fonction a donc été abandonnée au milieu des années quatre-vingt-dix, car elle était inadaptée au travail. Le service à bord d’un navire de pêche est plus contraignant. L’ordonnance du 25 mars 1982 et le décret du 6 septembre 1983 fixent à six heures consécutives la place de repos minimum du marin sur les lieux de pêche et il peut être fait usage d’heures supplémentaires. Cela dit, presque tous les navires français du long cours sont maintenant immatriculés aux Kerguelen.

Le Code du travail maritime ne leur est pas applicable. On peut cependant noter que chaque armement a conclu un accord d’entreprise.

Sur les lieux de pêche, la réglementation sur la durée du travail est la plupart du temps mise à mal. Ce sont en effet les prises de poisson, les traits de chaluts, les relevages des filets et casiers en fonction des heures de la marée, qui rythment le travail. La modernisation des navires, notamment celle des gréements, des trains de pêche, des machines à travailler le poisson, a apporté un mieux-être certain au marin pêcheur, qu’il soit de la pêche artisanale ou de la pêche industrielle. Cette affirmation doit toutefois être nuancée, pour ce qui concerne les gros chalutiers, par exemple.

Tous les navires de pêche ne sont pas des gros chalutiers de pêche industrielle, loin s’en faut. Les conditions de travail ne sont pas homogènes. Le trémailleur de douze mètres, armé en petite pêche, avec un équipage de trois hommes, qui effectue des marées de quelques heures, n’a rien de commun avec le chalutier congélateur de soixante mètres, armé à la grande pêche, avec un équipage d’une trentaine d’hommes, et qui revient à quai après quarante cinq jours passés dans les mers. Ces quelques exemples permettent de saisir la difficulté qu’il y a à appréhender la réalité de manière certaine, et de comprendre pourquoi l’application de la réglementation du travail a bord des navires de pêche ne va pas sans problème, ni quelques retards par rapport aux textes.

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Le capitaine du navire établit un tableau de service indiquant pour chaque fonction le programme

de service ainsi que le nombre maximal d'heures de travail ou le nombre minimal d'heures de repos. Ce tableau rédigé en français et le cas échéant en anglais, est visé par l'inspecteur du travail maritime. Il obéit à des mesures de publicité : affichage dans les locaux réservés à l'équipage et annexe au journal de bord 104. Toute modification par le capitaine au cours du voyage doit faire l'objet d'une publicité. Ce tableau demeure à la disposition de l'inspecteur du travail qui peut en faire à tout moment la demande au capitaine, ce dernier devant lui communiquer, même par voie électronique le cas échéant.

Le capitaine tient un registre des heures quotidiennes de travail ou de repos des marins, visé initialement par l'inspecteur du travail maritime et au moins une fois par an, ainsi que chaque fois qu'il le juge utile. Le capitaine à le devoir de lui communiquer y compris par voie électronique dès qu'il en fait la demande. Le marin doit recevoir et émarger une copie du registre le concernant, émargée par le capitaine ou son représentant 105. Les registre et tableau correspondent aux exigences de l'article L. 212-1-1 du Code du travail qui impose de décompter les heures de travail selon un système d'enregistrement automatique, fiable et infalsifiable afin de faciliter la preuve dans les conflits. En leur absence, le décompte du salarié peut être retenu 106. Les juges ne sont pas tenus d'ordonner une mesure d'instruction si les allégations du demandeur sont insuffisantes 107.

Le Code du travail maritime distingue le service à la mer du service au port. Le premier est celui

qui s'exécute non seulement en mer ou en attente mais également pendant tout séjour dans un port d'escale et ne dépassant pas 24 heures.

Le marin est tenu de commencer son service au jour et à l'heure indiqués par l'armateur ou le capitaine, il est ainsi tenu de se rendre à bord du navire indiqué (C. trav. mar., art. 16).

b/ Les effectifs à bord des navires

Les effectifs de l'équipage sont fixés par l'armateur, sous réserve d'un éventuel accord avec les

représentants du personnel. Cet effectif doit être suffisant pour garantir la sécurité du navire 108. La composition de l'équipage est visée et approuvée par l'Administration des affaires maritimes. Ce visa ne dispense pas l'armateur du respect de la réglementation du travail 109.

A la pêche, l’équipage est fonction du type de navire et du type de pêche pratiquée. Il est organisé en fonction du travail du poisson. Les brevets n’étant pas polyvalents, l’on trouve d’une part, les officiers du service pont, d’autre part, ceux du service machine, chacun effectuant toute sa carrière dans l’un ou l’autre. Cette distinction ne vaut que pour la pêche industrielle. A la pêche artisanale, où le navire a un équipage restreint, en moyenne quatre ou cinq hommes, le patron est souvent lui-même le mécanicien. 104- D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art. 17 et art. 20 : JORF 1er avr. 2005. 105- D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art. 18 et art. 20 : JORF 1er avr. 2005. 106- Cass. soc., 10 mai 2001, navire La Sardane : DMF 2002, p. 260, obs. P. Chaumette ; DMF 2003, HS n° 7, n° 37, p. 35, obs. P. Bonassie). 107- Cass. soc., 20 nov. 2001 : DMF 2002, p. 260, obs. P. Chaumette ; DMF 2003, HS n° 7, n° 37, p. 35, obs. P. Bonassies. 108- D. n° 84-810, 30 août 1984, art. 56 : Journal Officiel 1er Septembre 1984. 109- CA Rennes, 20 févr. 2002, navire Pointe du Cormoran : DMF 2002, p. 433, obs. P. Chaumette ; DMF 2004 HS n° 7, p. 34, n° 34, obs. P. Bonassie.

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Au commerce, si l’équipage résulte aussi du type de navire et du type de navigation, l’autre

critère pris en compte est celui de la durée du travail des marins. Il importe en effet, d’avoir un équipage réduit au minimum compatible avec les textes applicables, de manière à diminuer les charges salariales et sociales et à être compétitif avec les armements étrangers.

L’armateur fixe l’effectif du navire, avec ou sans l’accord de son personnel. Il le soumet ensuite sous la forme d’une décision d’effectif, au visa de l’administration des affaires maritimes. Ce visa, prévu à l’article premier du décret du 26 mai 1967 relatif à la fixation des effectifs des navires de commerce, de pêche et de plaisance, prend la forme d’une décision administrative, visant d’une part, les textes afférents à la sécurité des navires, et d’autres part, les textes afférents au travail maritime.

L’octroi du visa signifie que l’administration considère que l’effectif proposé par l’armateur permet en toutes circonstances et compte tenu des conditions d’exploitation du navire, de disposer d’un personnel suffisant en nombre et en qualité pour sa bonne exploitation. Outre la nécessité de s’assurer du respect des dispositions relatives au travail maritime et à la sécurité des navires, ce contrôle administratif peut également s’expliquer par le souci de la sécurité des membres de l’équipage et des éventuels passagers, de celle des autres usagers de la mer, de la protection de l’environnement, notamment en cas de pollution résultant de la perte de contrôle du navire. De cette organisation du travail, elle-même étroitement fonction des conditions d’exploitation du navire, découlent des conditions de vie à bord à fait spécifiques. B/ La durée du travail

En premier lieu, il est nécessaire de définir le temps de travail effectif (a), puis de voir l’évolution

de la durée de travail des gens de mer (b), et finir par le tableau de l’organisation du travail et des heures de travail (c).

a/ La définition du temps de travail effectif Le temps de travail à bord se décompte par le travail effectif. Celui-ci se définit en général comme

le temps “ pendant lequel le personnel embarqué est, par suite d’un ordre donné, à la disposition du capitaine, hors des locaux qui lui servent d’habitation à bord ” (article 1 du décret du 31 mars 2005 (n°2005-305)). Cette définition met en avant trois conditions cumulatives : il faut un ordre donné, se trouver à la disposition du capitaine et être hors de sa cabine, du bar, du carré, de la salle de sport ou de tout autre lieu de vie à bord.

Cette notion de “ travail effectif ” diffère donc légèrement de la définition donnée par le code du travail (article L 212-4) du fait du regroupement du lieu de travail et du lieu de vie inhérent au navire. Ainsi, la notion de travail effectif est accompagnée, contrairement au droit commun, d’une définition du repos. Le décret du 6 septembre 1983 disposait qu’il s’agissait du “ temps pendant lequel le personnel embarqué est en droit de séjourner dans les locaux qui lui servent d’habitation à bord ”. Pour simplifier cette définition, le décret du 31 mars 2005 a établi que “ est considéré comme temps de repos, toute période qui n’est pas du temps de travail ”. Donc, le marin ne peut théoriquement se trouver que dans deux positions : en repos ou au travail.

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A contrario, toute période qui n'est pas du temps de travail est du temps de repos . La Cour de

cassation applique ces définitions pour le calcul des droits salariés, notamment pour les congés 110. Les temps de repas pris à bord du navire pendant une escale alors que le salarié n'exerce pas de fonction prévue au rôle d'équipage et n'est pas tenu d'intervenir dans la marche du navire sont des temps de repos 111. b / L’évolution de la durée de travail des gens de mer

Avant la codification des coutumes maritimes par l’Ordonnance de la Marine de 1681, il était convenu que le capitaine du navire organisait lui-même l’expédition maritime. L’équipage comprenait alors deux bordées c’est-à-dire le double de l’effectif nécessaire afin qu’un roulement s’établisse entre eux et qu’ils puissent récupérer correctement de leur fatigue, notamment pour les navigations au long cours.

Progressivement, des accords collectifs et des lois sont établis telle que la loi du 17 avril 1907 qui régularise la durée maximale de travail journalière à douze heures en mer et à dix heures au port pour le personnel du pont et à huit heures pour le personnel de la machine. La loi du 2 août 1919 transposa le principe de la journée de huit heures établi par le secteur terrestre, aux marins. Elle prévoyait également que la durée hebdomadaire ne pouvait excéder 48 heures, ce qui nécessita la création d’une troisième bordée.

Puis, le décret du 22 septembre 1922 assouplit cette loi et retourna approximativement aux dispositions de la loi de 1907. Le décret du 31 mars 1925 codifié dans le Code du travail maritime de 1926, instaura une limitation de 208 heures mensuelles pour un mois de 26 jours ouvrables et interdit, sauf cas de force majeure, le dépassement des 12 heures par jour. Mais, lors des opérations de travaux de réparation, de sauvetage du navire ou de marchandises, de débarquement de marin blessé ou d’accélération des opérations commerciales, des prolongations sont admises et peuvent donner lieu à un repos de 24 heures pour 8 heures de travail supplémentaires. Mais, cela ne s’applique pas pour tout ce qui concerne le sauvetage du navire, les personnes embarquées ou la cargaison. Ce décret de 1925 vint préciser la distinction entre temps de travail effectif, qui se définit comme le temps durant lequel le personnel embarqué est soumis aux ordres et à la disposition du commandant hors des locaux servant d’habitation à bord, et temps de repos, qui est le temps de libre séjour à bord, dans les locaux servant d’habitation. Ce décret imposa trois bordées de navigation pour le personnel du pont.

La loi du 21 avril 1936 instaura la semaine de 40 heures mais le travail à bord continua à se baser sur une durée de 48 heures par semaine dont 8 heures supplémentaires rémunérées à un meilleur taux (125%). La pratique démontra que les semaines tournaient plutôt autour des 56 heures de travail, le repos hebdomadaire se cumulant avec les congés. L’ordonnance du 25 mars 1982 essaya d’instaurer une corrélation entre les évolutions terrestres et les évolutions maritimes, par le biais du Code du travail, et introduisit la durée hebdomadaire normale à 39 heures et la journée de travail à 10 heures maximum. 110- Cass. soc., 15 oct. 2002 : Juris-Data n° 2002-015893 ; DMF 2003, p. 68, obs. P. Chaumette ; Dr. soc. 2002, p. 1147. 111-Cass. soc., 21 sept. 2005 : Juris-Data n° 2005-029856.

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Ainsi, à compter de cette date un certain nombre des articles du Code du travail général ont été transposés dans le Code du Travail Maritime. Par cette volonté d’assimilation des travailleurs maritimes aux travailleurs terrestres, les entreprises d’armement maritime se sont vues appliquer dans un premier temps, la loi du 13 juin 1998 (Loi Aubry I), d’orientation et d’incitation à la réduction du temps de travail. Cette loi prévoyait une réduction du temps de travail à compter de janvier 2002 à 35 heures hebdomadaires. Elle fixait la durée de travail à 35 heures par semaine à compter du 1er janvier 2000, aux entreprises dont l’effectif était de plus de 20 salariés.

Dans un second temps, le gouvernement de l’époque envisageait d’encourager les partenaires sociaux à conclure des accords collectifs anticipant la réduction du temps de travail à 35 heures et offrait en échange des aides financières à la création d’emploi. Mais, ce n’est qu’après l’adoption de la loi Aubry II du 19 janvier 2000 sur la réduction négociée du temps de travail, venant compléter la précédente, entrée en vigueur en février 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et en janvier 2002 pour les autres entreprises, que les changements sont apparus.

En effet, cette loi de janvier 2000, actuellement en vigueur, précise une durée légale du travail de 35 heures par semaine. Mais, elle autorise les modulations et permet une répartition de cette durée du travail sur tout ou partie de l’année dans la mesure où elle ne dépasse pas annuellement les 1600 heures. Cela permet ainsi de jongler avec les fluctuations de la conjoncture économique propres à chaque entreprise en évitant le recours aux heures supplémentaires en haute saison et le chômage technique en basse saison. Au-delà de ces 1600 heures de travail annuel, il s’agit d’heures supplémentaires, elles-mêmes ayant été davantage précisées. En effet, celles-ci sont compensées soit sous forme financière, soit sous forme de repos compensateur selon l’accord d’entreprise.

Les lois Aubry n’excluent pas expressément le secteur maritime de leur champ d’application. En effet, elles ont nécessité une transposition dans des accords et décrets afin que cela soit complètement adapté aux gens de mer.

Mais, dans la pratique, il s’est avéré qu’un seul accord a été signé entre les partenaires sociaux (syndicat d’armateurs et d’officiers de la Marine Marchande), l’accord de branche du 20 mars 2000 relatif à la réduction du temps de travail pour les officiers de la Marine Marchande. Le personnel d’exécution n’ayant pas souhaité négocier un tel accord avec le syndicat d’armateurs, aucun texte ne traite de leur situation. Mais, il s’avère concrètement que le personnel d’exécution bénéficie quasiment du même nombre de jours de repos-congés et de RTT que les officiers. Certaines compagnies Maritimes, telles que la SNCM ou SEAFRANCE disposent d’accords d’entreprise précisant notamment le cas du personnel d’exécution. Par conséquent, nous n’approfondirons pas leur situation.

Les pilotes portuaires ne seront pas non plus mentionnés dans cette étude car ils ont un statut particulier à la fois d’agent public et de profession libérale et non plus d’officiers de la Marine Marchande, salariés, bien que ce statut leurs ait été nécessaire pour obtenir le concours de pilotage. En effet, une fois le concours obtenu le nouveau pilote achète les parts du pilote qui quitte la station (la plupart du temps pour cause de départ à la retraite). Les pilotes sont ainsi propriétaires à parts égales de l’ensemble du matériel de la station.

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Les stations de pilotage disposent de leur propre organisation du travail mais les pilotes ayant le

statut de commerçant ne sont pas soumis aux 35 heures de travail hebdomadaires. Seuls les salariés travaillant dans la station de pilotage le sont. La rémunération des pilotes représente le partage à parts égales des recettes nettes (recettes brutes moins les salaires du personnel présent dans la station moins tous les autres frais d’entretien et les charges sociales) de la station de pilotage. Elle peut donc être variable selon le nombre d’interventions survenu dans le mois. Mais, le recours à un pilote étant obligatoire avant de rentrer dans chaque port, les pilotes doivent quand même pouvoir évaluer leur rémunération moyenne mensuelle.

Au niveau du droit communautaire, le temps de travail a été inséré dans la protection de la santé et de la sécurité du travail. Les partenaires sociaux européens, notamment l’Association des armateurs de la Communauté (ECSA) et la Fédération des syndicats des travailleurs des transports de l’Union Européenne (ITF) ont conclu le 30 septembre 1998 un accord sur l’organisation du temps de travail des marins de la Marine Marchande. Cet accord prévoit l’application des directives communautaires d’hygiène et de sécurité aux gens de mer. Il concerne les marins travaillant sur des navires marchands battant pavillon d’un Etat membre de la Communauté. Cette directive devant être transposée avant le 30 juin 2002.

La loi n°2004-237 du 18 mars 2004 habilite le gouvernement à transposer par voie d’ordonnances diverses directives, dont la directive 99/63 du 19 mars 2004. Il s’agit d’imposer à bord des navires marchands immatriculés dans un Etat membre de l’Union Européenne, les dispositions de la Convention n° 180 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) adoptée en 1996. Cette convention devait être appliquée à tout navire faisant escale dans un port de la Communauté, quel que soit son pavillon, afin d’identifier et de remédier à toute situation manifestement dangereuse pour la sécurité ou la santé des gens de mer. Elle a pour objectif de préserver la sécurité et d’éviter les distorsions de concurrence, même vis-à-vis du navire dont l’Etat du pavillon n’a pas ratifié la Convention n°180.

La France a ratifié cette convention le 27 avril 2004 mais avait déjà introduit dans ses décrets et accord de branche antérieurs des dispositions de cette convention et d’autres directives européennes intervenues en matière d’organisation du travail des gens de mer, notamment en terme de durées maximales de travail et minimales de repos. Par conséquent, notre étude sera ciblée sur les décrets et textes de loi français et n’évoquera pas davantage ces dispositions européennes. L'accord collectif relatif au temps de travail Afin de favoriser la flexibilité, le législateur en 1982 a introduit les accords collectifs dérogatoires, dont le champ de dérogation fut élargi régulièrement. Il peut être dérogé par convention ou accord collectif étendus ou par accord collectif d’entreprise ou d’établissement aux dispositions réglementaires relatives à l’aménagement et à la réduction du temps de travail, pour tenir compte des contraintes propres aux diverses activités maritimes. En cas de dénonciation ou de non renouvellement de ces conventions ou accords collectifs, les dispositions réglementaires redeviennent applicables (C. trav. mar., art. 25, al. 3 et 4). Ces dérogations permettent d’adapter la réglementation du travail à un cycle autre que la semaine, de déroger à la durée maximale quotidienne de travail, de remplacer les majorations de salaire des heures supplémentaires par des repos rémunérés.

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Le Code du travail maritime prévoit seulement le principe de la dérogation, sans s’étendre sur

les mécanismes des accords dérogatoires. Ils s’appliquent cependant au secteur maritime : les conventions et accords collectifs maritimes sont soumis aux dispositions du Code du travail (C. trav., L. 742-2). L’article L. 132-26 du Code du travail prévoit le droit syndical d’opposition vis-à-vis des clauses qui dérogent à des dispositions législatives et réglementaires l’autorisant ; cette disposition s’applique aux conventions collectives maritimes.

La loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 simplifie et élargit le régime juridique des accords collectifs de modulation : l’annualisation est autorisée dans la limite de 1600 heures annuelle, le respect des durées maximales journalières et hebdomadaires de travail (C. trav., art. L.212-8). La loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 a crée une journée de solidarité avec les personnes âgées et handicapées, qui conduit à prolonger de 7 heures la durée annuelle normale de travail ; cette journée de travail intervient éventuellement le lundi Pentecôte, qui n’est plus un jour férié, chômé (C. trav., art. L. 212-16). La loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social modifie profondément le droit français de la négociation collective. Elle introduit le principe majoritaire selon lequel la convention collective doit être signée par les organisations représentatives de la majorité des salariés concernés (C. trav., art. L. 132-2-2). Elle reconnaît des modes alternatifs de négociation collective dans les entreprises dépourvues de représentation syndicale. Elle permet aux accords d’entreprise de déroger largement aux dispositions des conventions collectives de branche (C. trav., art. L. 132).

c/ La Durée légale du travail Il existe une durée de travail quotidienne (1) que le marin ne doit pas dépasser, une durée maximale

annuelle et hebdomadaire de travail (2), et des disposition spécifique au RIF(3).

1/ La durée quotidienne de travail

A bord des navires autres que de pêche, la durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder douze heures. L’ordonnance du 25 mars 1982 à étendu aux marins les dispositions de l’article L. 212-1 du Code du travail (C. trav. mar., art.24), mais les décrets du 6 septembre 1983 avaient maintenu l’essentiel des dérogations antérieures. Des dérogations à la durée maximale de dix heures par jours étaient autorisées pour diverses raisons :

• sauvetage du navire, de ses débris, des effets naufragés et de la cargaison, dans le cas de brume

échouage, incendie ou dans toute autre circonstance intéressant la sécurité du navire ;

• débarquement en cours de voyage d’un marin qui ne peut pas être remplacé immédiatement ;

• exemption de service causant une insuffisance de personnel ;

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• à l’entrée et à la sortie des ports, fleuves et rivières, lorsque le personnel qui n’est pas de quart

ou de veille est appelé à seconder la bordée en service pour les appareillages et mouillages, ce dont le capitaine est juge ;

• dans les ports, pour l’exécution des opérations commerciales et pour assurer la continuité du

service du navire ;

Le décret n° 2005-305 du 31 mars 2005 simplifie la réglementation en passant à un maximum de douze heures par jour. Il est possible de prévoir une durée maximale de 14 heures par jour, dans une activité cyclique de six semaines au plus, en application d’u accord ou d’une convention collective 112.

Aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes au moins. Sur les lieux de pêche, ce sont les repos minima quotidiens qui sont réglementés.

- sur les navires de pêche la durée quotidienne de travail effectif peut dépasser 12 heures, si sont respectées les normes de repos définies sur le lieux de pêche : un repos minimum de dix heures par période de 24 heures, dont six heures consécutives. L’intervalle entre deux périodes consécutives de repos ne peut dépasser 14 heures. Aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes au moins. La durée journalière de ce repos peut être réduite à huit heures pendant cinq jours consécutifs ; il en est fait mention sur le journal de bord ou le registre des heures de travail. Les heures de repos non prises donnent lieu à récupération 113. A la pêche, le poisson commande, jusqu’à 16 heures de travail éventuellement. 2/ La durée maximale annuelle et hebdomadaire de travail

La durée totale du travail effectif du marin ne pouvait excéder 2240 heures dans l’année sur les navires armés au long cours, au pilotage et à la plaisance et sur les travaux et engins employés aux travaux maritimes, sur les navires de remorquage portuaire quelque soit le type de navigation, et de 2500 heures sur les navires armés au cabotage et à la navigation côtière.

La durée maximale annuelle de travail a disparu en 2005. L’article L.212-7 du Code du travail n’est pas étendu aux entreprises d’armement maritime ; il prévoit un maximum de 48 heures de travail effectif par semaine, et une moyenne maximale de 44 heures hebdomadaires sur une période de 12 semaines.

A bord des navire autres que de pêche, la durée maximale de travail ne doit pas dépasser 72 heures par période de 7 jours (D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art. 7). Quand le travail est organisé en cycle, la durée maximale doit être respectée en moyenne sur le cycle : elle ne peut dépasser 84 heures sur une période de 7 jours. Dans le transport de personnes, la durée maximale de travail peut atteindre 144 heures par périodes de 14 jours. 112- D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art. 4 et 13. 113- D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art. 19 et 20.

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Le décret n° 2005-305 du 31 mars 2005 ne semble pas prendre en considération le mouvement

de réduction et d’aménagement du temps de travail intervenu entre 1998 et 2002, mais remis en cause par la loi du 17 janvier 2003. Il le renvoie éventuellement vers les négociations de branche ou d’entreprise. Son article 14 ouvre le repos compensateur au-delà de 1820 ou 2100 heures de travail par an, selon le type de navigation, sur les navires autres que de pêche.

Le décret du 31 mars 2005 ne prévoit pour les navires de pêche aucune mesure spécifique relative aux durées quotidienne et hebdomadaire de travail, il faut donc se référer aux dispositions du Code du travail maritime. Conformément à son article 25-1, pour la pêche maritime, la durée du travail peut être fixée en nombre de jours de mer par accord national professionnel ou accord de branche étendus. Cette durée de travail est calculée sur une base annuelle, dans la limite de 225 jours par an, y compris les heures de travail effectuées à terre. Cette limite peut atteindre le plafond de 250 jours dans des conditions fixées par décret compte tenu des modes d'exploitation des navires de pêche concernés.

3/ Les disposition spécifique au RIF Le travail des navigants résidant hors de France est organisé sur la base de 8 heures par jour, 48

heures par semaine et 208 heures par mois 114. Les conventions ou accords collectifs peuvent, pour des raisons d'exploitation, organiser le travail quotidien sur une autre base dans la limite de 12 heures. d/ Le tableau de l’organisation du travail et des heures de travail

Le capitaine dresse le tableau de service réglant l’organisation du travail à bord, lequel est visé par l’inspection du travail maritime, annexé au journal de bord, affiché dans les locaux réservés à l’équipage 115.

Le tableau indique pour chaque fonction le programme du service à la mer et au port, le nombre maximal d’heures de travail et le nombre minimal de repos. Les modifications apportées à ce tableau en cours de voyage sont consignées dans le livre de bord ou annexées à celui-ci et affichées dans les locaux de l’équipage. Ce tableau être communiqué sur sa demande, par voie de courrier électronique, à l’inspecteur du travail maritime. Il est établi en français, et aussi en anglais, si nécessaire, sur les navires autres que de pêche. Un registre des heures quotidiennes des heures de travail et de repos des marins est tenu par le capitaine du navire. Ce registre est visé initialement par l’inspecteur du travail maritime, puis au moins une fois par an, ou quand il l’estime utile. Il lui est communiqué, sur sa demande, par voie de courrier électronique, sauf impossibilité.

Le marin doit recevoir et émarger une copie du registre le concernant pour les navires autres que de pêche ; sur les navires de pêche, il peut obtenir à sa demande une copie du registre le concernant 116. Ce registre est tenu à la disposition des représentants du personnel. Ces obligations peuvent donner lieu à des sanctions pénales, en cas d’inobservation 117. L’effectif du point de vue de la sécurité, suffisant en nombre et en quantité 118. 114- L. n° 2005-412, 3 mai 2005, art. 16 : Journal Officiel 4 Mai 2000. 115- D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art 17 et 20. 116- D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art. 18 et 20-II ; 117- C. disc. pén. mar. march., art. 69. 118- D. n° 84-810, 30 août 1984, art. 56.

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En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vue de ces éléments et ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail effectuées par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable (C. trav. art. L. 212-1-1).

Ces dispositions sont applicables au travail maritime, la durée effective du travail à bord devant apparaître sur le tableau de l’organisation du travail à bord ou sur un registre des horaires. L’organisation du travail est fondée sur une distinction essentielle entre le service à la mer et le service au port. Le service à la mer est celui qui s’exécute non seulement en mer ou en attente sur rade foraine, mais aussi et pendant tout séjour inférieur à vingt-quatre heures sur rade abritée ou au port d’escale ; il faut y ajouter éventuellement le temps nécessaire à l’exécution des travaux de sécurité, de mise en route et d’arrêt des machines et au fonctionnement du service des personnes embarquées.

Le service a la mer ne peut cependant être conservé plus de vingt-quatre heures après l’arrivée du navire, ni repris plus de vingt-quatre heures avant son départ, sauf nécessité tenant strictement à la sécurité du navire, de la cargaison ou des personnes embarquées.

Est considéré comme temps de travail effectif le temps pendant lequel le personnel embarqué est, par suite d’un ordre donné, à la disposition du capitaine, hors des locaux qui lui servent d’habitation à bord. Etait considéré comme temps de repos le temps pendant lequel le personnel embarqué est en droit de séjourner dans les locaux qui lui servent d’habitation à bord. Toute fois dans la modalité du service au port, dans les ports d’attache, tête de ligne en France ou de retour habituel, chaque heure de présence à bord à la disposition du capitaine est considérée comme heure de travail effectif 119.

Dorénavant, est considérée comme temps de repos toute période qui n’est pas du travail 120.

“ Le capitaine peut exiger du marin les heures de travail nécessaires à la sécurité immédiate du navire, des personnes présentes à bord ou de la cargaison, ou en vue de porter secours à d’autres navires ou aux personnes en détresse en mer.

Dans ces cas, le capitaine peut suspendre l’organisation habituelle des horaires de travail ou de repos et exiger d’un marin qu’il travaille pendant le temps nécessaire pour faire face à ces circonstances. Lorsque celles-ci ont cessé, le capitaine attribue au marin qui a accompli un tel travail, alors qu’il était en période de repos, un repos d’une durée équivalente. Les conditions dans lesquelles ce repos est pris tiennent compte des exigences de la sécurité et des nécessités de la navigation. Le marin est tenu de travailler au sauvetage du navire, de ses débris, des effets naufragés et de la cargaison ” (C. trav. mar., art. 22). 119- D. n° 83-793, 6 septembre 1983, art. 5. 120- D. n°2005-305, 31 mars 2005, art. 1er et 2.

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Le marin est tenu d’accomplir, en dehors des heures de service, le travail de mise en état de propreté de son poste d’équipage, des annexes de ce poste, de ses objets de couchage et de ses ustensiles de plat, sans que ce travail puisse donner lieu à allocation supplémentaire (C. trav. mar., art. 21). La période d’astreinte mentionnée à l’article L. 212-4 bis du Code du travail est applicable aux marins salariés des entreprises d’armement maritime dans les conditions fixées par décret (C. trav. mar., art. 24-2).

La cour d’appel de Paris avait estimé qu’en l’absence de publication à ce jour du décret portant application des dispositions de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2000 de modernisation sociale relatives aux astreintes dans la marine marchande, les dispositions de l’article L. 212-4 du Code du travail ne sont pas applicables aux marins salariés des entreprises d’armement maritime. Il ne peut y avoir d’astreintes à bord des navires en cours de navigation ; il n’y a que temps effectif ou de repos. Les astreintes peuvent intervenir en escale, le marin devant rester à bord ou à proximité du navire 121.

C/ Les heures supplémentaires

Il est important de voir au préalable les conditions (a), puis le repos compensateur qui est engendré du fait des heures supplémentaires (b), et pour clôturer cela la rémunération des heures supplémentaires (c).

a/ Les Conditions Le marin n'est pas tenu d'accomplir un travail incombant à une catégorie de personnel autre que

celle dans laquelle il est engagé 122. Ce principe connaît des exceptions : l'armateur peut exiger des heures supplémentaires dans certaines circonstances qui ont été récemment élargies 123. Il en va ainsi pour les heures de travail nécessaires à la sécurité immédiate du navire, des personnes présentes à bord ou de la cargaison, ou en vue de porter secours à d'autres navires ou aux personnes en détresse 124. Le dépassement des horaires est alors sans limite. La notion de sécurité immédiate qui remplace celle de salut du navire devrait être plus large. Ce faisant, le Code du travail maritime est mis en conformité avec la Convention n° 180 de l'OIT. Aucune référence à la protection de l'environnement ne figure dans ces textes.

L'article 5 du décret du 31 mai 2005 prévoit également un dépassement de la durée maximale quotidienne mais dans la limite de 14 heures lorsqu'un marin a été débarqué en cours de voyage sans être immédiatement remplacé ou encore, lors de l'entrée et à la sortie des ports, pour les appareillages et mouillages sur décision du capitaine.

121- D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art. 15. 122- C. trav. mar., art. 18). 123- Ord. n° 2004-691, 12 juill. 2004 : JORF 14 juill. 2004, p. 12717). 124- C. trav. mar., art. 22. - D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art. 5 : JORF 1er avr. 2005.

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b/ Le repos compensateur

L'article L. 212-5-1 du Code du travail relatif au repos compensateur s'applique au contrat d'engagement maritime (C. trav. mar., art. 26). Ce repos obligatoire s'applique aux marins embarqués à bord des navires armés au commerce, au remorquage ou à la plaisance. Le droit est ouvert à raison des heures supplémentaires effectuées au delà d'un contingent annuel fixé par décret pour chaque genre de navigation 125. Ces seuils sont modifiables par accords d'entreprise plus favorables au marin. Les heures supplémentaires effectuées en cas de travaux urgents dont l'exécution immédiate est nécessaire pour organiser des mesures de sauvetage, de sécurité immédiate du navire ou pour prévenir des accidents imminents n'ouvrent pas droit au repos compensateur. Les modalités de calcul de la durée du repos sont fixées à l'article L. 212-5-1 du Code du travail.

c/ La rémunération des heures supplémentaires

Les heures supplémentaires ouvrent droit à rémunération. À défaut d'un mode forfaitaire prévu par convention ou accord collectif, l'article L. 212-5 du Code du travail auquel l'article 26 du Code du travail maritime renvoie s'applique. La rémunération est majorée de 25 % pour les huit premières heures effectuées dans la semaine et de 50 % pour celles effectuées au-delà. D/ Le repos

Le repos est quotidien (a), il est différent pour les navires de pêche (b), le repos est aussi hebdomadaire (c).mais il y a aussi des dispositions spécifiques au RIF (d).

a/ Le repos quotidien

Pour les navires autres que ceux de pêche, un repos quotidien d'au moins 10 heures par période de 24 heures est accordé au marin. Ce repos ne peut être scindé en plus de deux périodes, l'une devant être au minimum de 6 heures consécutives. L'intervalle entre deux périodes consécutives ne peut dépasser 14 heures 126. Des accords ou conventions collectifs peuvent modifier cette règle pour les activités de remorquage portuaire ou pour les navires à passagers 127. Des mesures compensatoires sous forme de repos ou de congés sont organisées en contrepartie. 125- D. 31 mars 2005, art. 14 : JORF 1er avr. 2005. 126- D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art. 8 : JORF 1er avr. 2005. 127- pour les modalités, D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art. 10 et 11.

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b/ Le repos quotidien pour les navires de pêche

La durée minimale de repos et ses modalités de scission sont identiques à celles des autres navires. En outre, les marins ont droit à un temps de pause de 20 minutes minimum après toute période de travail de 6 heures. Cette pause peut être reportée sur décision du capitaine, compte-tenu des conditions de navigation.

Des dérogations sont possibles : le repos peut être réduit à 8 heures par jour pendant 5 jours consécutifs. Les heures de repos non prises donnent lieu à récupération ou mesures compensatoires 128.

c/ Le repos hebdomadaire Le droit maritime connaît le principe du repos hebdomadaire, lorsque l’engagement maritime est

d’une durée supérieure à six jours ; la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 l’a étendu au secteur de la pêche (C. trav. mar., art. 28). Le jour de repos s’entend de vingt-quatre heures consécutives, pouvant comprendre au plus deux heures de travail occasionné par un cas fortuit (C. trav. mar., art. 29).

Aucune compensation de repos ou de salaire n’est due, lorsque les travaux sont nécessités par les circonstances de force majeure, le salut du navire, des personnes embarquées ou de la cargaison, circonstances dont le capitaine est seul juge, ou justifiées par les opérations d’assistance (C. trav. mar., art. 30).

Le repos hebdomadaire doit avoir une durée minimale de 24 heures consécutives, auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu à l’article L. 220-1, soit une durée de 35 heures consécutives (C. trav., art. L. 224).

d/ Les dispositions spécifiques au RIF

La loi du 3 mai 2005 organise le repos des navigants résidant hors de France. Les durées de repos ne peuvent être inférieures à 10 heures par période de 24 heures et 77 heures par période de sept jours. Ce repos peut être scindé en deux périodes dans les mêmes conditions que celles prévues par le Code du travail maritime 129. Chaque navigant a en outre droit à une journée de repos hebdomadaire. Ce repos est reporté si le navigant n'en a pas bénéficié pour des motifs liés à l'exploitation du navire (L. préc., art. 17).

Le personnel a droit à des jours fériés dont le nombre est fixé par accord collectif ou à défaut pas le contrat d'engagement. Ces jours sont choisis parmi les jours de fêtes légales des pays dont les navigants sont ressortissants130.

128- D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art. 19 : JORF 1er avr. 2005. 129- L. n° 2005-412, 3 mai 2005, art. 16. 130- L. n° 2005-412, 3 mai 2005, art. 17.

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E/ L'astreinte

Pour les navires autres que de pêche, le marin peut avoir l'obligation d'effectuer des astreintes. Le régime applicable est celui de l'article L. 212-4 bis du Code du travail, étant toutefois précisé que pour les marins, les périodes d'astreinte ne peuvent jamais s'entendre à bord des navires en cours de navigation. Le marin a l'obligation de rester à bord ou à proximité du navire, afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service du navire. Le marin doit, sauf urgence, être informé de son placement en astreinte au moins un jour franc avant l'arrivée au port d'escale 131. §2/ Les conditions matérielles particulières

L’armateur a, en effet, l’obligation de nourrir, soigner et rapatrier le marin blessé ou malade.

Cela se comprend lorsque le navire est en cours d’expédition : d’une part, le marin ne peut être débarqué, d’autre part, il ne se trouve ni médecin, ni hôpital à proximité. Quant au maintien du plein salaire pendant un mois après le débarquement, il est beaucoup plus avantageux pour le marin que le régime que l’on applique aux salariés terrestres. L’on ne peut évoquer la question des condition de travail sans se remémorer d’abord ce lieu particulier de travail qu’es un navire en cours de navigation : “ Une usine qui tourne sans arrêt, que son personnel ne peut quitter en dehors des heures de travail ”.

Son lieu de travail et son lieu d’habitation ne faisant qu’un, le marin, son travail terminé, dispose de son temps pour vaquer aux occupations de son choix. L’espace réservé à son usage personnel est restreint, surtout comparé à celui d’un logement à terre. Ce contexte éprouvant, dans lequel le marin se voit contraint d’évoluer du début à la fin de chaque embarquement, de deux à quatre mois, en moyenne, pour les navigants du long cours, explique notamment l’attention croissante portée aux conditions d’hygiène, de sécurité et de travail, et l’attachement aux droits traditionnels du marin, nourriture et couchage.

Les conditions matérielles particulières portent sur l'hygiène et la sécurité (A), les normes de bruit (B), la nourriture et le couchage (C), la protection de la santé, soins médicaux, bien être et protection en matière de sécurité sociale (D) Il arrive que le marin est un probléme de santé quand il est au service du navire(E), cette situation doit être analysé.

A/ Hygiène et sécurité A bord du navire de commerce, les conditions de travail et de confort ont connu de très nettes améliorations au cours des dernières décennies. Elles subissent toutefois les conséquences de la tendance générale actuelle à diminuer les effectifs, notamment pour des raisons de compétitivité dans l’exploitation des navires. A bord des navires de pêche, le rythme de travail reste en moyenne très soutenu, la capture du poisson commandant l’organisation de toute la vie à bord ; il connaît toutefois de très grandes variations d’un métier à l’autre. 131- D. n° 2005-305, 31 mars 2005, art. 15.

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Comme on a déjà pu le signaler, il n’y a en effet rien de commun entre le navire de pêche industrielle de cinquante mètres armé par vingt cinq hommes d’équipage, et le navire de pêche artisanale de douze mètres, armé par trois ou quatre hommes, l’un effectuant des sorties à la mer de plusieurs semaines, l’autre de quelques jours. Il s’agit pourtant de navires de pêche dans les cas.

Mais, quel que soit le rythme de travail, à bord des navires de commerce et de pêche, l’un des soucis est d’en améliorer les conditions matérielles, comme cela se pratique dans le domaine terrestre. Cela n’est toutefois pas toujours possible. Par exemple, s’il existe maintenant à terre des mesures de prévention contre le bruit, il n’y a pas d’équivalent à bord des navires.

Β/ Les normes de bruit

Le décret du 21 avril 1988 132. énonce des principes de prévention. L’employeur doit réduire le bruit au niveau le plus bas compte tenu de l’état des techniques (art. R332-8 du Code du travail).

Des mesures doivent être effectuées régulièrement afin de déterminer l’exposition sonore du salarié (art. R332-8-1 du Code du travail). Lorsque celle-ci atteint un niveau quotidien déterminé, le médecin du travail intervient afin de contrôler l’état auditif du travailleur (art. R232-8-4 du Code du travail). Dans les entreprises terrestres, les salariés sont informés des risques ainsi encourus, et sont contraints d’utiliser des protecteurs individuels. L’inspection du travail impose d’ailleurs aux employeurs la mesure de l’exploitation au bruit des salariés.

Pourtant, constamment soumis à des niveaux sonores élevés, le marin est paradoxalement démuni de moyen de prévention efficace, il existe certes le casque anti-bruit individuel, notamment pour les mécaniciens servant dans les compartiments machine, mais cela ne supprime pas totalement la nuisance.

Le niveau de bruit est d’ailleurs variable d’un endroit à l’autre du navire mais le marin n’a pas la possibilité de s’en éloigner totalement une fois sa journée de travail terminée. Il est donc en permanence, pendant la durée de son embarquement, soumis au bruit, à des degrés plus au moins importants. Sans doute faut-il tempérer cette remarque dans la mesure où, les machines sont maintenant automatisées, c’est-à-dire, conduites depuis la passerelle ou depuis le PC machine insonorisé, isolé du compartiment du moteur de propulsion.

L'application au milieu maritime, il serait plus exact d’affirmer la non application de cette réglementation au milieu maritime, lequel apparaît à nouveau quelque peu oublié, même si, à bord des navires de commerce, les mesures du bruit sont effectuées systématiquement, lors des essais à la mer, avant la mise en service. 132- Décret n° 87-809 du 1er octobre 1987 relatif à la prévention des risques dus au bruit, modifié par le décret du 21 avril 1988.

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Les normes de bruit, imposées en droit terrestre, ne le sont pas à bord des navires et le service de santé des gens de mer n’a pas pu imposer aux armateurs faute d’une réglementation adaptée au milieu. Pourtant, le marin est constamment soumis à un environnement sonore. En effet, on retrouve dans les lieux de repos collectif et les cabines un bruit résiduel non négligeable. Bien qu’enregistrant des améliorations notables ces dernières années sur les navires neufs, le niveau de bruit ambiant à bord des navires de pêche reste souvent élevés. Pourtant, “ toutes les mesures techniques appropriées doivent être prises afin que le niveau sonore sur les lieux de travail soit réduit autant que possible, compte tenu de la taille du navire ”. (Arrêté du 23 novembre 1987 modifié, relatif à la sécurité des navires, art. 214-2.18). “ Beaucoup d’équipages dorment par des niveaux de bruit de l’ordre de quatre vingt cinq décibels. (quatre vingt cinq décibels est, à terre, la limite de la côte d’alerte). Autrement dit, c’est durant ses périodes de repos que le pêcheur est soumis à la dose de bruit la plus importante ”133.

Les problèmes d’audition ne sont pas rares chez le marin pêcheur lorsqu’il avance en âge. Sans

doute, les navires modernes tendent-ils vers une certaine insonorisation. Mais celle-ci est encore loin d’être parfaite, surtout si l’on ajoute à ce problème celui des vibrations. L’installation de moteurs de plus en plus puissants sur des structures de plus en plus légères n’est sans doute pas étrangère à ce phénomène 134.

Les marins, dans leur grande majorité sont donc physiquement très sollicités. Lorsque le marin prend la mer, au commence pour une période de plusieurs semaines, à la pêche pour le temps que dure la marée, il lui faut s’adapter à la vie à bord. Celle-ci est rythmée par des temps de travail et des temps de repos qui s’écoulent dans un même cadre. Il n’est donc pas étonnant de constater l’attachement du marin à tout ce qui peut améliorer la qualité de son existence à bord. Cela est particulièrement vrai pour la nourriture. Comme le couchage, la nourriture est due au marin par l’armateur. C/ La nourriture et le couchage

L'armateur doit fournir nourriture (a) et couchage au marin (b). Les marins ont droit à la nourriture ou à allocation équivalente pendant toute la durée de leur inscription au rôle d'équipage. Cette obligation s'impose quels que soient le tonnage et le type de navire 135. Le repas constitue, à bord, un moment habituel de détente, de caractère en général convivial. La nourriture fait l’objet d’une attention toute particulière, depuis le marin âgé de moins de dix huit ans (autrefois mousse) jusqu’au capitaine. Elle retient également l’attention de l’administration, puisqu’elle fait l’objet d’une réglementation, depuis fort longtemps. La nourriture doit être saine, de bonne qualité, en quantité suffisante et appropriée au voyage, les rations et leur composition font l'objet de dispositions particulières (C. trav. mar., art. 72 à 74). Le code disciplinaire et pénal de la marine marchande permet de réprimer les infractions constatées. . Est également fixé par la réglementation, le couchage auquel a droit le marin. 133- M. Andro, L’insécurité en mer ; bruits à bord : les premiers remèdes, Eco pêche, octobre 1989, n° 18, p. 24. 134- Eco et pêche préc., L’insécurité en mer ; bruits à bord : les premiers remèdes, préc., p. 24. 135- Cass. soc., 3 mars 2004, n° 01-40.879, inédit.

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a/ La nourriture

La réglementation ancienne dans le domaine était extrêmement détaillée, tant en ce qui concerne la composition des repas quotidiens que la nourriture imposée au marin, ou encore les conditions d’alimentation dans certaines régions froides.136.

L’arrêté du 19 novembre 1986, 137. très bref, abroge les dispositions antérieures et fixe la ration alimentaire quotidienne à bord des navires.

Les conventions collectives règlent désormais le problème de la composition des menus. Le marin ne quitte pas le bord après sa journée de travail, il est donc important de maintenir à bord des navires des conditions matérielles normales. (Les anciens textes fixaient dans le détail la composition des menus. Depuis les habitudes alimentaires se sont modifiées : les aliments mis à la disposition des marins sont beaucoup plus nombreux, car les installations frigorifiques à bord permettent la conservation d’une gamme d’aliments variés.) Le marin est en effet nourri au frais de l’armateur. (art. 72 du Code du travail maritime).

Or la situation des marins pêcheurs salariés rémunérés à la part est sur ce point particulière. Ils ne sont pas nourris aux frais de l’armateur, les frais afférents à la nourriture étant imputés sur la masse partageable ou incorporés aux frais communs, un accord collectif de branche ou d’entreprise conclu à la pêche pouvant décider d’imputer la charge qui en résulte sur les frais communs du navire armé à la pêche. (art. 72 al 2.).

C’est ainsi que l’accord collectif à la pêche artisanale signé le 6 juillet 2000 prévoit que le contrat d’engagement maritime énumère la liste des frais communs pris en compte dans le calcul de la rémunération à la part et, en application du décret du 21 juin 1999, 138. , certaines charges et dépenses supportées par l’employeur ne peuvent être, à peine de nullité, incluses dans les frais communs. Ainsi en est-il des frais de nourriture, sauf lorsqu’un accord collectif en dispose autrement.

A ce titre, l’accord collectif à la pêche artisanale du 6 juillet 2000 prévoit que les frais communs peuvent notamment inclure les frais de nourriture. Cette dernière a toujours été un problème important à bord : des mutineries, autrefois, ont eu pour cause une nourriture de mauvaise qualité. Aujourd’hui, si de tels phénomènes sont dépassés à bord des navires battant pavillon de pays où les normes sociales sont dûment prises en compte, il ne faut pourtant pas nier leur existence, car à bord de certains navires battant pavillon de complaisance les conditions de vie ramènent directement aux temps anciens.

Le Code du travail maritime impose un cuisinier exclusivement attaché à cet emploi à bord des navires où sont embarqués plus de vingt hommes d’équipage. Sur les autres bâtiments, si un cuisinier est imposé, celui-ci peut être distrait de son emploi. (art. 73 du code du travail maritime).

136- Arrêté du 20 juillet 1910, art. 2, 3, 6, 7, 11. 137- Arrêté du 19 novembre 1986 relatif à l’alimentation à bord des navires. Le texte jusque là en vigueur datait de 1910. 138 - Décret n° 99-522 du 21 juin 1999, pris pour l’application de l’article 33 du Code du travail maritime et relatif aux dépenses et charges non déductibles du produit brut de la rémunération des marins.

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b/ Le couchage du marin

L’armement doit le couchage au marin, mais ce dernier en est responsable. En effet, il peut être tenu au versement de dommages intérêts en cas de détérioration anormale. (art. 78 al. 3 du Code du travail maritime). Les conventions collectives prévoient la nature du matériel du couchage, ainsi que les obligations du marin.

A titre d’exemple, la convention collective du 30 septembre 1948, 139. prévoit dans son article 32 la nature du couchage de l’officier.

La convention collective du 30 novembre 1950 intervenue entre le personnel subalterne et le Comité Central des armateurs de France (CCAF) est, sur ce point, plus précise. L’article 30 de cette convention prévoit dans le détail la nature du couchage du marin. 140.

Le marin embarque libre de toute contrainte matérielle, et, il appartient à l’armateur de le loger pendant la durée du contrat d’engagement maritime. La spécificité maritime se dessine non seulement dans le cadre du travail du marin mais également dans ses relations avec l’armement. En effet, ainsi que le rappelle l’article L.742-1 du code du travail. “ le contrat d’engagement ainsi que les conditions de travail des marins à bord des navires sont régis par des lois particulières ”. D/ La protection de la santé, soins médicaux, bien être et protection en matière de sécurité sociale

La sécurité, l'amélioration des conditions de travail à bord relèvent de l'habitabilité du navire et de la sauvegarde de la vie humaine en mer (C. trav., art. L. 742-5, al. 1). L'armateur a donc l'obligation de fournir un navire en bon état de navigabilité, conformément à la législation, la France étant partie à des Conventions internationales en la matière.

L'article L. 742-5 du Code du travail relatif à l'obligation générale de prévention a été étendu aux entreprises d'armement maritime par la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997.. Cette loi étend au marin le droit de retrait face à un danger grave et imminent (C. trav., art. L. 231-8 et L. 231-8-2). L'équipage peut adresser des réclamations sur les conditions de sécurité, d'hygiène au chef du centre de sécurité des navires.

La protection sanitaire et sociale des marins est originale et participe encore de leur double qualité de navigants et de terriens alternatifs. L’article 32 précise que la lingerie et le couchage seront fournis par l’armement dans les conditions d’hygiènes et de confort convenables)

139- Convention collective du 30 septembre 1948 concernant les officiers de la marine marchande. 140- Convention collective du 30 novembre 1950, art. 30 : “ Les couchettes sont pourvues soit d’un sommier métallique et d’un matelas en laine ou Kapok, soit d’un matelas muni d’un ressorts, ainsi que d’un traversin en laine ou Kapok, ou d’un oreiller avec sa taie ”. Cela dit l’arrêté du 23 novembre 1987 modifié, relatif à la sécurité des navires préc., prévoit la composition des sommiers et matelas, art.215-1.07.).

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Le Code du travail maritime met en place des mécanismes de protection pesant sur l’armateur

(ce qui contribue à alourdir encore le coût social du marin et à diminuer la compétitivité du pavillon français) pour remédier aux accidents et maladies professionnels qui surviennent ou se déclarent pendant le temps de l’embarquement alors que le marin est “ au service du navire ” 141., tend à considérer que tous les accidents ou maladies survenant entre le moment de l’embarquement et le moment du débarquement, alors même que le marin serait à terre, en cours d’escale par exemple, sont des accidents ou des maladies professionnelles “ au service du navire ”) ; et, depuis la loi de 1905, plusieurs fois modifiée, le régime est complété par l’intervention de la caisse prévoyance gérée par l’établissement national des invalides de la marine (ENIM) pour les périodes où le marin est débarqué ainsi que pour les maladies et accidents qui ne sont pas survenus au service du navire.

La situation du marin embarqué a conduit à faire peser sur l’armateur des obligations qui n’ont pas d’équivalent pour les employeurs terrestres. Pour les accidents ou maladies professionnelles survenant “ au service du navire ”, le garant social est, en première ligne, l’armateur qui doit maintenir la salaire et fournir soins et nourriture pendant tout le temps que le marin se trouve à bord, avant de pouvoir être débarqué, et encore pendant un mois après ce débarquement (Avant un décret du 28 janvier 1987, qui modifié l’article 79 du Code du trav. mar., cette obligation avait une durée de quatre mois après débarquement.) ; avant que l’organismes de sécurité sociale maritime ne prennent le relais.

E/ Le sort du marin ayant un problème de santé au service du navire

Le sort du marin ayant un problème de santé au service du navire , il est nécessaire d'envisager

son le rapatriement (a), il a le droit d'exercer son droit d’alerte et de retrait (b), il peut être atteint d'une maladie ou d'une blessure au service du navire (c).Si la blessure ou la maladie du marin a été déterminée par un fait intentionnel ou par une faute inexcusable du marin, celui-ci est considéré comme seul responsable de son sort et l’armateur est déchargé de ses obligations (d).Les notions d’accident de travail maritime (e)et la maladie au service du navire(f) doivent être précisées.

a/ Le rapatriement

C’est encore une obligation originale pesant sur l’armateur. Lorsque le marin est victime d’un accident ou d’une maladie en cours d’expédition maritime, l’armateur a non seulement l’obligation de le soigner, de le nourrir et de le payer pendant un mois après son débarquement, mais encore, puisque, par hypothèse, le malade ou le blessé se trouve à l’étranger, il doit procéder à son rapatriement. On remarque que si les opérations de rapatriement durent plus d’un mois après le débarquement, l’obligation précédente de soins, nourriture et de salaire se prolonge d’autant. On distingue le rapatriement proprement dit, c'est-à-dire le retour dans la mère patrie, la France, et la conduite de retour, qui est le fait de reconduire le marin à son domicile en France. L’armateur est tenu des deux obligations, mais seul le rapatriement proprement dit est d’ordre public. 141- Une jurisprudence extensive, cass. soc., 8 juin 1951, S., 1951, 1, p. 86, pour les accidents d’escales ; Soc. 1er juin 1965, DMF, 1965, p. 720, note Jambu-Merlin, pour la qualification “ professionnelle ” de tous les accidents survenant en période d’embarquement.

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Le contrat d’engagement pourrait donc poser des règles particulières pour la conduite de retour. Cette obligation cesse lorsque le débarquement du marin à l’étranger est dû à une faute de sa part, ou à un délit. Les frais de rapatriement sont alors à sa charge.

b/Le droit d’alerte et de retrait

Le droit du salarié de se retirer de son poste de travail face a un danger grave et imminent (Code du trav, art. L. 231-8-2) est applicable aux entreprises d’armement maritime, compte tenu d’adaptations prises par voie réglementaire 142. Cette extension a été explicitée par la loi n° 97-1051, du 18 novembre 1997 (C. trav., art. L. 742-5, al. 2). Aucune sanction ni retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre du salariés ou d’un groupe de salariés ayant valablement exercé leur droit de retrait.

Cet exercice doit donner lieux à une inspection immédiate des lieux de travail par un représentant du personnel, membre du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ainsi qu’à une réunion urgente de ce comité, dans les vingt quatre heures, à l’information de l’inspecteur du travail et du service de prévention de la Caisse régionale d’assurance maladie (CRAM) (C. trav., art. L. 231-8-1 et L. 231-9).

L’existence de la faute inexcusable de l’employeur, définie à l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, est présumée établie pour le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, alors qu’eux même ou un membre du CHSCT avaient signalé le risque qui s’est matérialisé (C. trav., art. L. 231-8-1). Il en est de même pour le salarié sous contrat à durée déterminée ou sous contrat de travail temporaire victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle, alors qu’affectés à des postes présentant des risques particuliers, ils n’auraient pas bénéficié de la formation renforcée à la sécurité (C. trav., art. L. 231-8).

c/La maladie ou blessure au service du navire

La convention n° 55 de 1936 de l’OIT prévoit des obligations armatoriales pendant seize semaines, concernant la fourniture des soins médicaux et pharmaceutiques, de la nourriture et du logement, le salaire et les frais de rapatriement ; ce délai peut être réduit dès lors que le marin bénéficie d’un système d’assurance maladie dans le territoire où le navire est immatriculé. Les Etats ayant ratifié cette convention internationale doivent assurer une égalité de traitement à tous les marins, sans discrimination de nationalité, de résidence ou de race. 142- L., n° 82-1097, 23 décembre 1982, art. 9.

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La convention n° 70 de 1946 concernant la sécurité sociale des gens de mer impose également

une égalité de traitement et l’interdiction de discrimination quant aux obligations pesant sur l’armateur ; par contre, elle permet aux Etats membres de conditionner le versement des prestations de sécurité sociale à la résidence dans le territoire d’immatriculation du navire. Les obligations armatoriales sont fixées par les articles 79 à 86 du code du travail maritime, mais aussi par le décret-loi du 17 juin 1938 relatif à la sécurité sociale maritime, (D. L. du 17 juin 1938, JO 29).

Le décret loi a maintenu en vigueur les articles du Code en les comptant. L’article 69 du décret loi donne compétence au pouvoir réglementaire pour harmoniser les dispositions relatives à l’ENIM avec une modification de la législation des accidents du travail à terre ou de celle des assurances sociales générales, de manière à maintenir l’équivalence terre mer. Il existe ainsi une imbrication complexe des textes, alors même que ceux-ci n’ont fait l’objet d’aucune codification depuis l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958, qui s’est efforcée de distinguer les domaines législatifs et réglementaires.

Les armateurs de navires de moins de cinquante tonneaux, ou ne dépassant pas vingt cinq mètres, armés à la pêche ou à la navigation côtière ne supportent que l’obligation de rapatrier le marin (D. L., 17 juin 1938, art. 3). 143.

d/ La faute intentionnelle ou inexcusable du marin

Il incombe à chaque salarié de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé, ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail (C. trav., art. L. 230-3). Si la blessure ou la maladie du marin a été déterminée par un fait intentionnel ou par une faute inexcusable du marin, celui-ci est considéré comme seul responsable de son sort et l’armateur est déchargé de ses obligations (C. trav. mar., art. 86). Les soins ne lui sont dus que jusqu’à la mise a terre. Toutefois l’article 3 al. 4 du décret loi du 17 juin 1938 ne prend en considération que la faute intentionnelle du marin. Il semble en résulter l’abrogation implicite de l’article 86 et l’abandon de toute référence à la faute inexcusable du marin, à la différence du Code de la sécurité sociale 144,

e/ L’accident de travail maritime

L’accident ou la blessure au service du navire comprends tout accident survenu au lieu et au temps du travail (D.- L., 17 juin 1938, art. 3), mais aussi tout accident survenu à bord, même en dehors du service proprement dit, même les accidents survenus à terre, mais au service du navire.

143- D. n° 85-1530, 31 déc. 1985, modifiant le décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l’unification du régime d’assurance des marins, JO 11 janv. 1986, p. 569. 144- Cass. Soc., 19 déc. 2002, Mme Hervé c/Cpam d’Anger, Dr. Soc. 2003, 243, obs. P. Chaumette, “ L’articulation de la faute inexcusable de l’employeur et de la faute du salarié ”. Le fait intentionnel du marin doit être prouvé 145,145(CA Rouen, 22 mai 1963, DMF 1964, 282 – TASS Paris , 1 ” mai 1987, Juris – Data n° 042553).

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Le marin ou ses ayant droit doivent démontrer que la lésion est la suite d’un accident, survenu à

l’occasion du travail. Les accidents survenu en cours d’escale entraînent des obligations pour l’armateur, si la descente à terre est liée au service du navire ; le main reste sous la dépendance de l’armateur et son accident impose des charges a celui-ci. 146. Si le marin est descendu à terre pour des motifs personnels, même avec l’autorisation du capitaine, son accident à terre n’intervient pas à l’occasion du travail. N’est pas victime d’un accident professionnel le marin amputé, après avoir été projeté à terre sur un ballast, la nuit.147,

Les accidents de trajet engendrent des obligations pour l’amateur, en dépit du silence du Code du travail maritime, dans la mesure où la loi du 22 septembre 1948 prévoit les mêmes prestations que pour les accidents de travail. 148. Il est nécessaire que le parcours n’ait pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel ou indépendant de l’exercice de l’emploi (D.- L., 17 juin 1938, art. 9 d). Modifiant sa position antérieure 149. ;

La cours de cassation a admis comme accident de trajet l’accident survenu à un marin tombé du balcon de sa chambre d’hôtel, la nuit, à Manille, alors qu’il se trouvait dans l’attente de son avion, afin de rapatriement ; le marin se trouvait dans un lieu fixé par son employeur et n’avait pas recouvré sa totale indépendance 150,).

f/ La maladie au service du navire

Elle impose des obligations à l’armateur ; les maladies constatées ou intervenues au service du

navire, c’est à dire celles apparues après que le navire ait quitté le port, et celles contractées au service du navire.

Le droit social maritime ignorait les tableaux des maladies professionnelles. L’armateur doit prendre en charge toute les maladies, quelle qu’elles soit, quelle qu’en soit l’origine, apparue entre le départ du port et le débarquement du marin.

L’origine professionnelle de la maladie n’importe qu’avant le départ du navire du port et après le débarquement du marin.

La jurisprudence semble se référer aux concepts administratifs d’embarquement et de débarquement, c'est-à-dire inscription et radiation du rôle d’équipage.

146 - Cass. Soc., 22 février 1962, p. 382, note J. Boré – Cass. Soc., 4 mars 1962, DMF 1962, 524 – Cass. Soc., 20 janvier 1982, Bull. civ. V. n° 39 – Cass. Soc., 20 décembre 1982, Bull. civ. V, n° 464. 147- TI Marseille, 13 déc. 1984, DMF 1985, 174, note P. Pestel-Debord. 148- Cass. Soc., 1er juin 1965, 720 – Cass. Soc., 7 avril 1967, DMF 1967, 655 – Cass. Com., 27 avril 1970, D. 1971, 473, note R. Jambu-Merlin – CA Rouen, 8 juin 1971, DMF 1972, 147. 149- Cass. Soc., 16 février 1983, DMF 1984, 15, note R. Achard. 150- Cass Soc, 5 oct 1989 , Bull Civ V n°571.

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Section 2/ La discipline

La discipline est applicable à toute personne à bord du navire, sont concernés tous les navires français, à l'exception des navires de guerre, immatriculés en métropole, ou dans les départements et territoires d'outre mer 151, Sont exclus les bâtiments fluviaux, les installations et dispositifs d'exploration du plateau continental, les navires désarmés. Le capitaine a sur toutes les personnes présentes à bord pour quelque cause que ce soit, quelle que soit leur nationalité, et autant que la nécessité l'exige, l'autorité que comportent le maintien de l’ordre, la sécurité du navire, des personnes embarquées ou de la cargaison et la bonne exécution de l'expédition entreprise. Ce pouvoir, limité par l'intérêt commun, comporte tous moyens de coercition, le droit de réquisition à l'égard de toute personne embarquée pour prêter main forte. Le capitaine jouit d'un pouvoir d'incarcération, sous réserve d'inscrire toute faute, tout résultat d'enquête ou sanction sur le livre de discipline.

La discipline maritime paraît d'essence spécifique, du fait des dangers de la mer. Il en résulte un code disciplinaire et pénal de la marine marchande, qui concerne l'ensemble des activités maritimes. Le contrat d'engagement maritime obéit à une discipline spécifique, le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande instauré par la loi du 13 décembre 1926 .Ce Code définit les fautes maritimes dont les sanctions peuvent être disciplinaires ou pénales. Dans cette dernière hypothèse, elles relèvent alors de juridictions spécifiques : les tribunaux maritimes commerciaux.

Ce code est applicable à toute personne embarquée à bord d'un navire immatriculé au registre international français ainsi qu'à l'armateur ou son représentant 152.

Il existe aussi une discipline interne, le marin est tenu d'obéir aux ordres de ses supérieurs concernant le service du navire. Il doit être respectueux envers ses supérieurs et les autres membres de l'équipage (C. trav. mar., a rt. 20). Section 3/ La rémunération

Historiquement, l'armement d'un navire, l'engagement de gens de mer, constituait des actes de

commerce par nature, d'où une réglementation des loyers des marins, contenue dans le Code de commerce. C'est encore dans celui-ci qu'est défini le délai de prescription des créances de salaire, des loyers du marin. Le code du travail maritime, depuis 1926, définit dans ses articles 31 à 71 le régime des salaires. Cette législation maritime est complétée par divers renvois aux dispositions du Code du travail, en matière de négociation collective, d'assurance-garantie des salaires ou de salaire minimum interprofessionnel de croissance. L'accent sera mis ici sur les spécificités maritimes. 151- pour Saint-Pierre -et-Miquelon, l'ordonnance n°77-1108 du 26 septembre 1977. 152- L. n° 2005-412, 3 mai 2005, art. 29.

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Le salaire est le paiement du travail convenu entre un salarié et son employeur. Le salaire brut correspond à l'intégralité des sommes perçues par le salarié au titre de son contrat de travail, avant toute déduction de cotisations obligatoires. Il intègre les participations. Le salaire net (de prélèvements sociaux) est le salaire que perçoit effectivement le salarié. Calculé dans les secteurs privé et semi-public à partir du salaire net fiscal disponible dans la DADS, il est net de toutes cotisations sociales, y compris CSG (contribution sociale généralisée) et CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale). Il ne comprend pas les participations (qui ne sont pas imposables). Il est nécessaire de s'interroger sur les généralités de la rémunération (§1), puis de préciser les situations spécifiques pour la rémunération (§2), et enfin présenter les règles garantissant les paiements des salaires ( §3).

§1 Les Généralités Il convient d'étudier au préalable la fixation du salaire (A), puis les modes de rémunération (B).

A) Fixation du salaire

La fixation du salaire est régit par le principe de liberté (a), et par le salaire minimum (b). a/ Principe de liberté La liberté contractuelle domine la question, la rémunération étant fixée par le contrat d'engagement ou les conventions et accords collectifs (C. trav. mar., art. 26). La rémunération dépendra de la fonction occupée à bord du navire, des qualifications.... b/ Salaire minimum La loi pose une limite à cette liberté en appliquant la réglementation relative au salaire minimum interprofessionnel au secteur du travail maritime (C. trav., art. L. 742-2). Toutefois, pour tenir compte de l'article 72 du Code du travail maritime ouvrant droit à la nourriture gratuite ou à une allocation en espèces équivalente, le SMIC maritime est calculé d'une manière spécifique : un abattement est appliqué à la totalité des heures de travail, y compris les heures supplémentaires 153.

Le SMIC s'applique quel que soit le mode de rémunération, aussi bien pour les salaires fixes que pour les rémunérations à la part 154,

153- CAA Bordeaux, 4 déc. 1997 : DMF 1999, p. 46, obs. Ch. Eoche-Duval. 154- Cass. soc., 1er avr. 1992 : Dr. soc. 1992, p. 665, note Ch. Eoche-Duval ; DMF 1993, p. 31, note. P. Chaumette. - CA Rennes, 16 juin 1998 : DMF 1998, p. 1201, obs. P. Chaumette.

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B) Modes de rémunération Il est nécessaire de voir les généralités des modes de rémunérations (a), puis le montant de la

rémunération au profit (b).

a/ Généralités

Le marin est rémunéré, soit à salaires fixes, soit à profits éventuels, soit par une combinaison de ces deux modes selon l'article 31 du code du travail maritime. Le marin au mois est payé en proportion de la durée effective de ses services (C. trav. mar., art. 35). Des conventions collectives précisent les bases de la rémunération en dehors des périodes d'embarquement, de congé et de maladie. Le marin payé au voyage a droit à une augmentation proportionnelle de ses salaires en cas de prolongation de voyage et à une indemnité en cas de retardement, sauf circonstances constitutives de force majeure. La réduction du temps de voyage n'entraîne pas une réduction de la rémunération.

b/ Montant de la rémunération au profit

Le contrat d'engagement maritime doit préciser les modalités de cette rémunération en déterminant les dépenses et charges à déduire du produit brut ou les autres éléments pris en compte pour former le produit net. Aucune déduction autre que celles stipulées ne peut être admise au détriment du marin. Cette exigence s'impose que la rémunération au profit soit ou non le seul mode de rémunération du marin (C. trav. mar., art. 33). Certaines dépenses et charges ne peuvent en aucun cas être déduites du montant brut : contributions mises par la réglementation à la charge exclusive de l'employeur telles que les contributions à raison des traitements et salaires versés aux salariés, frais suite à un accident du travail .... 156.

Ces éléments de calcul doivent être communiqués à l'inspection du travail maritime ainsi qu'au juge en cas de litige : l'armateur a l'obligation de tenir sa comptabilité à la disposition de l'autorité maritime 157.

Le marin appelé à remplir une fonction autre celle pour laquelle il a été engagé et comportant un salaire plus élevé que le sien a droit à une augmentation de salaire correspondant à la différence 158.

156- D. n° 99-522, 21 juin 1999 : Journal Officiel 26 Juin 1999. 157- CA Aix-en-Provence, ch. réun., 10 févr. 1995 : DMF 1995, p. 744, obs. P. Chaumette. 158- C. trav. mar., art. 47. - Cass. com., 23 oct. 1956 : DMF 1957, p. 7. - CA Rouen, 29 janv. 1963 : DMF 1963, p. 602.

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§2/ Les situations spécifiques pour la rémunération

Les situations spécifiques pour la rémunération sont l'absence du marin (A) et l’interruption du voyage (B).

A) L' absence du marin

En cas d'absence du marin, il y a perte du salaire (a), ou rétention des salaires (b), et le Code du travail maritime interdit toute clause pénale qui viendrait sanctionner l'inexécution par le marin de ses obligations (c).

a/ La perte du salaire

Le marin absent sans autorisation au moment de son service perd le droit aux salaires afférents au temps de son absence. L'armateur peut en outre lui réclamer des dommages intérêts pour le préjudice subi (C. trav. mar., art. 48). Cet article ne s'applique pas au capitaine. Le marin perd également son salaire à partir du moment où il a été privé de sa liberté comme personne mise en examen en raison d'une infraction à la loi pénale.

b/ La rétention des salaires

Dans le cas où un contrat d'engagement a été rompu par suite de congédiement du marin pour absence irrégulière, les salaires qui lui sont dus sont versés à la caisse des gens de mer (ENIM). Une moitié est à la disposition du marin ou de ses ayants droit et l'autre moitié sert provisoirement de dommages intérêts envers l'armateur. Cette partie est restituée si dans le délai de trois mois à compter de la fin du voyage, aucune action en dommages intérêts n'est introduite (C. trav. mar., art. 49).

c/ L'absence de clause pénale

L'article 50 du Code du travail maritime interdit toute clause pénale qui viendrait sanctionner l'inexécution par le marin de ses obligations. Les seules amendes ou suspensions possibles sont celles résultant de l'application des lois pénales. Cette interdiction ne joue cependant pas pour les dédits stipulés dans les contrats d'engagement pour les cas de rupture du contrat avant le terme fixé.

B) Interruption du voyage L'interruption du voyage peut être due à l'armateur (a), elle peut se produire en cas fortuit (b), ou

survenir en cas de disparition du marin ou du navire (c).

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a/ L’interruption due à l'armateur En cas d'interruption du voyage due à l'armateur ou son représentant, le marin a droit à des

indemnités variant selon le contrat en cause. Si le marin a un salaire fixe, il reçoit, outre les salaires pour le temps qu'il a servi, une indemnité égale à la moitié des salaires tels qu'ils peuvent être évalués d'après la durée présumée du voyage. Pour les rémunérations au voyage, le marin est payé de l'intégralité des salaires stipulés au contrat (C. trav. mar., art. 39). Les marins rémunérés au profit ont droit à des indemnités dont le montant est déterminé d'un commun accord ou par les tribunaux (C. trav. mar., art. 40).

b/ L'interruption par cas fortuit

Lorsque le voyage n'a pu commencer par suite d'interdiction du commerce, d'arrêt du navire ou de

tout autre cas de force majeure, la rupture du voyage n'ouvre pas droit à indemnité pour le marin sauf si ce dernier est payé au mois ou au voyage, auquel cas, il est rémunéré des journées passées au service du navire (C. trav. mar., art. 41). Des avaries mécaniques ne constituant pas un cas de force majeure, le marin dont le contrat a pris fin bénéficie de l'indemnité prévue à l'article 40 du Code du travail maritime 159. Lorsque pour les mêmes raisons, le voyage débuté est interrompu, excepté le marin rémunéré au voyage qui a droit à la totalité des salaires contractuels, les autres ne sont payés qu'au prorata des services rendus. En cas de naufrage et d'innavigabilité du navire, les marins ont droit au paiement des salaires jusqu'au jour de la cessation de ses services. Ils sont toujours payés pour les journées employées à sauver les débris du navire et de sa cargaison.

c/ La disparition du marin ou du navire En cas de décès du marin, l'article 44 précise les modalités de paiement des salaires suivant le contrat en cause. Quel que soit le mode d'engagement, il est tenu compte du dévouement du marin pour la sauvegarde du navire et de sa cargaison. En cas de perte du navire sans nouvelles, des indemnités s'ajoutant aux salaires échus jusqu'aux dernières nouvelles sont dues aux ayant-droits.

§3/ Le paiement des salaires

Dans ce paragraphe, il convient d'étudier la liquidation et le paiement ( A), puis les avances, acomptes et délégations (B), et les litiges portant sur les salaires (C).

A) La liquidation et le paiement

Il est nécessaire d'étudier les dispositions applicables à la liquidation et au paiement (a), et de voir le rôle de l'autorité maritime en matière des paiements des salaires (b).

159- CA Rennes, 2 déc. 1999, navire Pors Ar Vag : DMF 2000, p. 651, obs. P. Chaumette ; DMF 2001, HS n° 5, n° 29, p. 36, obs. P. Bonassies.

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a/ Les dispositions applicables

Les articles 51 à 57 du Code du travail maritime sur la liquidation et le paiement des salaires

sont parfois éloignés de la réalité. La mensualisation a été adoptée dans la quasi-totalité des armements au commerce et un bulletin de paie est régulièrement émis. À défaut, les marins sont en droit de l'exiger de leur employeur 160.

La liquidation des salaires est effectuée à l'arrivée du navire au port où il termine son voyage. Le paiement des salaires a lieu en France, que le port de destination soit en France ou non. Quant aux parts de profit, elles sont payées conformément aux conventions et usages (C. trav. mar., art. 53). Le paiement des salaires s'effectue en euros. Il peut se faire dans une monnaie locale à l'étranger mais sous contrôle de l'autorité consulaire (C. trav. mar., art. 54, al. 3).

b/ Le rôle de l'autorité maritime

Si le paiement des salaires ne doit plus avoir lieu en présence de l'administrateur des affaires maritimes, cette autorité doit recevoir les déclarations de parties sur le règlement des salaires. Il est fait mention au rôle d'équipage et sur le livret professionnel du marin de la déclaration faite, sans indication de somme (C. trav. mar., art. 54).

B) Les avances, les acomptes et les délégations

Il convient de voir successivement les différentes notions: d'avance (a), d'acomptes (b), et de

délégations (c).

a/ L' avance

Une avance sur salaire, inscrite sur le livret du marin et au rôle d'équipage (C. trav. mar., art. 60), peut être faite avant le départ en présence et sous le contrôle de l'inspection du travail maritime (C. trav. mar., art. 58). Les avances sont limitées dans leur montant, généralement de un à trois mois selon la navigation en cause. Elles sont restituables à l'armateur en cas de rupture du contrat par le fait du marin (C. trav. mar., art. 64).

b/ L'acomptes

Les acomptes versés en cours de navigation sont limités au tiers des salaires acquis par le marin au moment de la demande, compte tenu des avances ou délégations déjà accordées (C. trav. mar., art. 59). Leur délivrance est mentionnée sur le livret du marin et au rôle d'équipage.

160- Cass. soc., 28 févr. 2001 : Juris-Data n° 2001-008508. - CA Rouen, 14 mai 2002 : Juris-Data n° 2002-182248).

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c/ Les délégations

Elles sont consenties lors de l'embarquement ou en cours de voyage mais seulement en faveur d'une personne qui est légalement ou en fait à la charge du marin. Leur montant ne peut en aucune façon excéder les deux tiers des salaires ou profits (C. trav. mar., art. 61 et 62). Ces délégations sont aussi portées au rôle d'équipage. Elles sont restituables en cas de rupture du contrat par le fait du marin (C. trav. mar., art. 64).

C) Litiges sur les salaires

Les litiges sur les salaires peuvent porter sur les saisies et cessions de salaires (a), les parties doivent bien faire agir dans les délais pour faire valoir leurs droits (b).

Toute transaction sur le décompte des salaires doit être homologuée par l'inspection du travail maritime (c), les créances de salaires des marins sont privilégiées (d), Une législation internationale existe en la matière (e).

a/ Les saisies et les cessions de salaires

L'article 66 du Code du travail maritime renvoie aux dispositions du Code du travail, i.e. les articles L. 145-1 et suivants. Ces articles précisent la notion de "salaire" ainsi que les proportions dans lesquelles les rémunérations sont saisissables 161. Les saisies sont pratiquées à l'encontre de l'armateur ou de l'autorité maritime. L'article 70 du Code du travail maritime précise les autres biens saisissables (vêtements, instruments pour l'exercice de la profession...).

b/ La prescription Les actions en paiement des salaires échappent à la prescription annale de l'article 11 du décret n° 59-1337 du 20 novembre 1959 et sont soumises à la prescription de cinq ans, conformément à l'article 2277 du Code civil 162.

c/ La transaction Toute transaction sur le décompte des salaires doit être homologuée par l'inspection du travail maritime sous peine de nullité (C. trav. mar., art. 57). Cette disposition semble faire obstacle aux dispositions du droit commun : les articles 2044 et suivants du Code civil et l'article L. 122-17 du Code du travail sur le reçu pour solde de tout compte.

161- V. J-Cl. Travail Traité, Fasc. 26-40. 162- L. n° 71-586, 16 juill. 1971 : Journal Officiel 17 Juillet 1971.

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d/ Les garanties de paiement Les créances de salaires des marins sont privilégiées (C. trav. mar., art. 92). Selon l'article 31-3° de

la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 , les créances résultant du contrat d'engagement du capitaine, de l'équipage et des autres personnes engagées à bord sont privilégiées sur le navire et sur le fret du voyage. Le privilège des salaires163, et le super privilège des salaires leur sont applicables 164 ;

La loi du 27 décembre 1973, 165, a créé l'assurance garantie des salaires (AGS) applicable aux marins 166,

e/ La législation internationale

Le phénomène des pavillons de complaisance a multiplié les cas d'abandon de marins. Une directive communautaire 167, sur la protection des salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur est applicable aux marins.

Au niveau international, les créances salariales constituent des créances maritimes selon la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 permettant au salarié impayé de faire pratiquer une saisie de navire 168, L'OMI a adopté deux résolutions le 29 novembre 2001, la première A 930 (22) porte directives pour la fourniture d'une garantie financière en cas d'abandon des gens de mer, la seconde A 931 (22) est relative aux responsabilités des propriétaires de navires à l'égard des créances contractuelles pour lésions corporelles ou mort des gens de mer. Section 4 La suspension des obligations

Tous les contrats à exécution successive présentent des difficultés dues à des événements venant altérer le lien contractuel durant l'exécution du contrat. Il en est ainsi du contrat de travail. Les solutions apportées à ces problèmes manifestent une tendance à la stabilité du lien contractuel, assurant le maintien du contrat par-delà l'interruption temporaire du travail. La stabilité du contrat assure la stabilité de l'emploi tant dans l'intérêt du salarié que de celui de l'entreprise. Il y a suspension du travail à chaque fois que le salarié est fondé à refuser sa prestation de travail ou l'employeur fondé à s'abstenir de fournir du travail 169. 163- C. trav., art. L. 143-8 et L. 143-9. 164- C. trav., art. L. 143-10 à L. 143-11-1 et L. 742-6. 165(L. n° 73-1194 : Journal Officiel 30 Décembre 1973. 166- pour une application à un marin pêcheur : Cass. soc., 7 déc. 1999 : Juris-Data n° 1999-004322 ; JCP G 2000, IV, 1185. 167- Cons. UE, dir. 80/987/CE, 20 oct. 1980 : JOCE n° L 283, 28 oct. 1980, p. 23 modifié par Cons. UE, dir. 2002/74/CE, 23 sept. 2002 : JOCE n° L 270, 8 oct. 2002, p. 10. 168- CA Aix-en-Provence, 13 avr. 2004, navire Wedge One : DMF 2004, p. 1012, obs. P. Chaumette. 169- J-M Beraud, La suspension du contrat de travail, Paris, Sirey , 1980, "L'influence de la suspension du contrat de travail sur les relations institutionnelles dans l'entreprise", Dr soc, 1980.

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Ces situations sont extrêmement diverses, couvrant les incapacités de travail pour motif

médical, les congés, le chômage partiel, la mise à pied disciplinaire, la grève et le lock-out. Souvent, on parlera de suspension du contrat, alors qu'il ne s'agit que de la suspension des obligations liées à la prestation de travail.

Comme les autres salariés, les marins bénéficient de congés payés (§1), la suspension peut être du à la maladie ou la cause d'un accident (§2), le marin devra être rapatrié par la suite car il ne pourra pas exercer sa profession durant cette période de suspension (§3).

§1 Les Congés

Les gens de mer bénéficient des congés payés (A), et d'autres congés (B).

A/ Les congés payés

Les marins ont droit à un congé payé, calculé à raison de trois jours par mois de service quel que soit le genre de navigation (C. trav. mar., art. 92-1). Leur charge incombe à l'armateur. Ces frais ne constituent pas des frais communs 170, sauf dérogation par convention ou un accord de branche. Pour les marins rémunérés à la part, l'indemnité de congés payés est calculée sur la base d'un montant forfaitaire identique pour l'ensemble des membres de l'équipage. Le contrat d'engagement doit en définir les modalités de calcul et de versement.

La prise de congés ne peut être remplacée par une indemnité compensatrice, sauf si la relation de travail est arrivée à son terme.

La situation pendant les congés est particulière, en l'absence de dispositions du Code du travail maritime, les accords collectifs ou accords d'entreprises prévoient les règles applicables, en particulier le temps d'embarquement minimum à partir duquel le marin est en droit de bénéficier d'un congé. Le marin doit recevoir pendant ses congés la même rémunération que pendant la période de travail 171.

B/ Autres congés

Divers textes ou accords ont prévu des congés particuliers. Le congé pour la création d'entreprises, le congé sabbatique (C. trav., art. L. 122-32-12 à L. 122-32-28. - D. 14 mars 1986, art. 1 à 6), le congé parental d'éducation 172, ont été étendus aux personnels navigants sans oublier que sauf disposition contraire, les lois nouvelles sont applicables aux marins (V. supra n° 3).

170 - D. n° 99-522, 21 juin 1999 : Journal Officiel 26 Juin 1999. 171- CA Rennes, 10 juin 1987 : DMF 1988, p. 676, note P. Chaumette. 172- L. n° 84-9, 4 janv. 1984, art. 7 : Journal Officiel 5 Janvier 1984.

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§2 La Maladie et l'accident

Il convient d'étudier les généralités de la maladie (A), puis d'analyser les maladies et blessures

pendant le service (B), le marin à droit à des prestations , il peut y avoir des litiges qui peuvent survenir par la suite, les parties peuvent exercer un recours (C).

A/Les généralités a/L'ENIM

Les marins ont en général un régime spécial de sécurité sociale assuré par l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) grâce à la caisse générale de prévoyance des marins ou CGPM (accidents, maladies, invalidité, pensions, protection familiale) et à la caisse de retraite de marins ou CRM (pensions liées à la durée des services). Depuis fort longtemps, le marin accidenté pendant son service bénéficie d'une situation particulière : les soins et les salaires sont normalement assurés par l'armateur pendant une période donnée avant d'être pris en charge par l'ENIM. La qualification ou non d'accident ou de maladie lié à un risque professionnel est donc importante pour la prise en charge. Elle l'est également pour le marin et ses ayant-droits notamment pour l'octroi des prestations à la charge de la caisse générale de prévoyance.

b/ Les Textes

Les articles 79 à 86 du Code de travail maritime prévoient les obligations en matière d'accident de travail. Pour la prise en charge de soins par le CGPM, le texte de base applicable est le décret-loi du 17 juin 1938 . Très souvent modifié 173, ce texte se combine avec le Code du travail maritime pour connaître la durée des obligations de l'armateur, les propriétaires de navires exonérés, les accidents susceptibles d'être qualifiés d'accident professionnel maritime ... Il existe donc une forte imbrication de ces textes qui manquent ainsi de clarté.

L'OIT a adopté des Conventions : la Convention n° 55 de 1936 qui prévoit des obligations armatoriales pendant seize semaines mais ce délai peut être réduit si le marin bénéficie d'un système d'assurance-maladie ; la Convention n° 70 de 1946 relative à la sécurité sociale des gens de mer interdisant toute discrimination quant aux obligations pesant sur l'armateur.

c/La définition

Aux termes de l'article 9 du décret-loi du 17 juin 1938 (Journal Officiel 29 Juin 1938), "l'accident professionnel maritime s'entend de l'événement imprévisible et soudain survenu au cours ou à l'occasion du travail afférent au métier de marin et entraînant pour la victime, soit une incapacité de travail temporaire ou définitive, soit la nécessité de soins". 173- voir récemment : D. n° 2004-1098, 12 oct. 2004 : JORF n° 244, 19 oct. 2004, p. 17702. - D. n° 2004-1104, 13 oct. 2004 : Journal Officiel 20 Octobre 2004, n° 245, p. 17762.

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B) La maladies et les blessures pendant le service

Il convient d'étudier l'article 79 du code du travail maritime(a),l'accident peut survenir à bord du

navire (b), à terre (c), il faut voir le cas le l'accident et de la pathologie antérieure (d), de même que l'accident et l'astreinte (e), l'accident de trajet (f),le marin peut être toucher par la maladie professionnelle survenue en cours d'embarquement (g), pour clôturer cette partie on verra la faute inexcusable du marin (h).

a/L'article 79 du code du travail maritime

Aux termes de cet article, le marin reçoit son salaire et est soigné aux frais du navire : 1- s'il est blessé au service du navire ; 2- s'il tombe malade en cours d'embarquement, que le navire ait ou non quitté le port de départ ; 3- s'il tombe malade entre deux embarquements lorsque la maladie a été contractée au service du navire. La jurisprudence a eu l'occasion de déterminer plus précisément ces hypothèses, en définissant en particulier la notion de blessure au service du navire.

b/ L'accident survenu à bord Si l'accident ou la blessure au service comprend tout accident survenu au lieu et temps de travail

(D.-L. 17 juin 1938, art. 9), la présomption qu'un marin à bord est au service du navire n'est pas irréfragable. L'article 79 du Code du travail maritime ne s'applique pas s'il est prouvé que le marin a participé à des activités totalement étrangères et même contraires au service 174, Pour une blessure survenue à bord, le marin doit prouver qu'elle est la conséquence d'un accident, événement imprévisible et soudain, survenu à l'occasion du métier de marin 175. Pour renverser la présomption d'imputabilité, la preuve du caractère étranger de l'accident à la fonction est requise 176,

c/ L'accident survenu à terre Pour que l'armateur prenne en charge les soins, une double condition est requise : un service et une autorisation d'un responsable 177. Tant que le marin demeure sous la subordination de l'armateur, ce dernier supporte la charge des soins 178,

174- CA Paris, 13 juill. 1989, Sté Chargeurs Delmas c/ ENIM : Juris-Data n° 1989-024490. 175- Cass. soc., 26 janv. 1983, ENIM c/ Pérez : Juris-Data n° 1983-000378. 176- Cass. soc., 9 nov. 1995, n° 93-12.267, inédit. 177- Cass. soc., 14 mars 1963 : Bull. civ. 1963, V, n° 212 pour un accident survenu au cours d'une mission de surveillance à terre, suivant les usages du port. 178- Cass. soc., 19 févr. 1976 : Bull. civ. 1976, V, n° 110 : accident survenu à un marin à proximité de la coupée, en un lieu et un moment où il pouvait recevoir les ordres du capitaine.

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L'accident du marin descendu à terre pour des motifs personnels, même avec l'autorisation du

capitaine, n'est pas un accident du travail 179.

Le marin descendu à terre pour des convenances personnelles et blessé lors d'une agression n'est pas victime d'un accident professionnel (Cass. soc., 20 janv. 1982 : Juris-Data n° 1982-000135).

d/ L'accident et pathologie antérieure

L'armateur et l'ENIM peuvent-ils invoquer l'existence d'un état pathologique antérieur afin de se soustraire aux obligations de prise en charge ? L'état de santé préexistant peut renverser la présomption de l'origine professionnelle de la lésion survenue au temps et au lieu de travail, à condition de démontrer la preuve du caractère inéluctable du développement de l'affection. Cette jurisprudence constante en droit terrestre a été appliquée au droit maritime 180.

En cas de "difficulté d'ordre médical" quant à la cause de l'accident, le recours à l'expertise médicale est obligatoire 181. La jurisprudence fait une application stricte des règles de droit commun de la sécurité sociale (V. CSS, art. L. 141-1).

e/ L'accident et astreinte

Les périodes d'astreinte relèvent d'un régime spécifique , l'accident survenu pendant ces périodes est-il qualifié d'accident professionnel ? Suivant la jurisprudence dégagée en matière terrestre, la Cour de cassation affirme que la présomption d'imputabilité n'est pas applicable aux accidents survenus en cours d'astreinte 182, La Cour de cassation opère cependant en matière terrestre une distinction selon que l'astreinte se déroule au domicile ou dans un logement mis à la disposition par l'employeur, auquel cas la présomption d'imputabilité joue 183,

f/ L'accident de trajet L'accident survenu pendant le trajet entre le domicile et le lieu de travail ou d'embarquement sauf si le parcours a été dicté par un motif personnel 184,184(D.-L. 17 juin 1938, art. 9 d), est un accident professionnel soumis à l'article 79 du Code du travail maritime et le décret-loi du 17 juin 1938. Des difficultés d'interprétation sont apparues sur les obligations de l'armateur dans le silence du Code du travail maritime sur ce point.

179(Cass. soc., 10 oct. 1963 : Bull. civ. 1963, V, n° 682). 180 (Cass. 2e civ., 16 nov. 2004, ENIM c/ M. Lovisi et DRASS de Marseille, n° 03-30.133 : DMF 2005, somm. p. 143, obs. P. Chaumette 181 (Cass. soc., 5 déc. 2002, n° 01-02590 : DMF 2003, p. 563, obs. P. Chaumette. - Cass. soc., 5 juill. 2005, n° 04-30.138, inédit). 182 (Cass. 2e civ., 16 nov. 2004 : DMF 2005, somm. p. 143, obs. P. Chaumette). 183(Cass. 2e civ., 2 nov. 2004 : Juris-Data n° 2004-025447).

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La jurisprudence, en dépit de ce silence, a considéré que les accidents de trajet engendrent des obligations pour l'armateur, dans la mesure où la loi du 22 septembre 1948 prévoit les mêmes prestations que pour les accidents de travail 185.

Comme dans le domaine terrestre, les accidents de trajet sont examinés de façon restrictive : dès lors que le parcours a été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l'intérêt personnel, sa prise en charge est exclue 186, la Cour de cassation a, sur arrêt de la cour de renvoi, qualifié l'accident survenu à un marin tombé dans des circonstances indéterminées du balcon de la chambre d'hôtel qu'il occupait dans l'attente de son rapatriement entre deux avions d'accident de trajet 187.

g/ La maladie professionnelle survenue en cours d'embarquement

Le marin est payé de ses salaires et soigné aux frais du navire pour toute maladie constatée en cours d'embarquement après que le navire a quitté le port d'embarquement, quelle que soit l'origine de cette maladie. La présomption d'imputabilité est irréfragable : dès lors que la maladie survient en cours d'embarquement, l'armateur n'est pas admis à faire la preuve que le marin était atteint avant son embarquement, afin de se dégager de ses obligations 188. Ultérieurement, pour l'obtention d'une pension, le marin devra apporter la preuve que la maladie a son origine dans le risque professionnel maritime, preuve qui ne résulte pas de la seule déclaration en cours de navigation 189.

Le décret n° 99-542 du 28 juin 1999 a modifié le décret-loi du 17 juin 1938 en constituant une véritable branche d'assurance au titre des maladies professionnelles. Désormais, le tableau des maladies professionnelles du droit terrestre est applicable aux marins , ce qui devrait favoriser l'indemnisation des victimes de l'amiante 190.

La preuve de l'origine professionnelle de la maladie n'est requise que si la maladie a été constatée entre l'embarquement et le départ du navire ou après débarquement et avant un autre embarquement. La charge de la preuve incombe au marin 191.

h/ La faute inexcusable du marin

Il convient d’analyser les prestations (a), puis son débarquement en cas de faute (b), son délaissement (c), le marin doit faire une déclaration (4).

186- CA Rouen, 8 juin 1971 : DMF 1972, p. 147). Modifiant sa position antérieure (Cass. soc., 16 févr. 1983, ENIM c/ Mme R. Sion : DMF 1984, p. 15, note R. Achard. 185- Cass. soc., 1er juin 1965 : Juris-Data n° 1965-000429 ; DMF 1965, p. 720, note R. Jambu-Merlin. 187- Cass. soc., 5 oct. 1989, ENIM c/ Vve Carrières : Bull. civ. 1989, V, n° 571. 188- Cass. soc., 10 avr. 1962 : DMF 1962, p. 461. 189- Cass. soc., 4 juin 1970 : DMF 1971, p. 80. 190- D. Charpentier et J. Rochette : op. cit., bibliographie. 191- CA Rouen, 25 oct. 1973 : DMF 1974, p. 283, note G. Chereau.

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1/ Les prestations

Le marin perçoit son salaire pendant la durée de son droit aux soins. Si l'article 79 du Code du travail maritime ne distingue pas la nature de la navigation ou le type de navire, cette disposition souffre de nombreuses exceptions en application des dispositions du décret-loi du 17 juin 1938 . Le marin est soigné aux frais de l'armateur jusqu'à sa guérison, la consolidation de sa blessure ou la reconnaissance du caractère chronique de la maladie (C. trav. mar., art. 80). Les prestations fournies par l'armateur sont limitées à un mois 192,

2/ Le débarquement

Le marin est laissé à terre lorsque le navire se trouve dans un port d'armement ou dans un port d'escale. Ce débarquement ne peut être effectué qu'après avis du médecin de bord ou de tout autre médecin désigné par l'inspection maritime déclarant que l'état du malade exige son débarquement. Lorsqu'il est débarqué, le marin perçoit en outre une indemnité de nourriture liée à son contrat ou découlant des usages.

Si le marin est débarqué hors de France, les soins étant dus jusqu'à son rapatriement, la durée des soins peut être augmentée. Sont ainsi exonérés de toutes les charges autres que le rapatriement, les marins propriétaires ou copropriétaires embarqués sur des bateaux de pêche d'une longueur égale ou inférieure à 25 mètres.

3/ Le délaissement

L'armateur peut se libérer de tous soins en versant une somme forfaitaire entre les mains de l'autorité chargée de l'inspection du travail maritime, au moment où le marin a été laissé à terre. Il peut de même se décharger des frais de rapatriement si le marin a été débarqué hors de France (C. trav. mar., art. 85). Un décret prévoit les modalités d'application de ce délaissement 193.

4/ La déclaration par le marin

Le marin a l'obligation, sauf cas de force majeure, de déclarer l'accident au capitaine (C. trav. mar., art. 79). L'accident ou la maladie doit être immédiatement constaté par un rapport de l'employeur, du capitaine ou du patron 194. Ce rapport est remis à l'inspection du travail maritime et servira pour l'octroi de prestations ou pensions.

192 - D. n° 87-42, 28 janv. 1987 : Journal Officiel 30 Janvier 1987. 193- D. n° 48-1134, 12 juill. 1948 : Journal Officiel 16 Juillet 1948. 194- D.-L. 17 juin 1938, art. 9).

70

C) Recours

Le recours peut être du fait de l’armateur ou de l’ENIM (a), ou du fait du marin (b). a/ Recours de l'armateur ou de l'ENIM

L'armateur qui a payé les salaires et soigné un marin blessé au service du navire éprouve un préjudice personnel et direct si la blessure a été causée par la faute d'un tiers ; il lui est donc possible de se constituer partie civile. En application du décret-loi du 17 juin 1938 (art. 51), l'ENIM (CPGM), subrogé aux droits des marins ou de leurs ayants cause, peut poursuivre les personnes responsables, par leur faute, de l'accident ou de la maladie. Ce texte ne fait aucune distinction entre les divers éléments matériels et moraux que l'indemnité réclamée a pour objet de réparer 196.

b/ Recours du marin

Le droit social terrestre prévoit qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, le salarié ou ses ayant droits peuvent exercer à l'encontre de l'employeur le recours de droit commun fondé sur les articles 1382 à 1384 du Code civil. L'extension de ce recours au régime social des marins a fait l'objet d'une controverse : si le régime social des marins exclut ce recours 197, des auteurs avaient déduit de l'introduction pour les marins du droit de retrait et des règles de prévention dont l'inobservation caractérise la faute inexcusable que le recours du droit commun était recevable.

La Cour de cassation a tranché par la négative : sont seules applicables à tous les bénéficiaires des prestations du régime social des gens de mer les dispositions de leur régime spécial, lequel ne prévoit aucun recours contre l'armateur en raison de sa faute inexcusable 198 .

Cette solution a été critiquée, les marins étant placés dans une situation plus défavorable que les salariés terrestres en raison des carences du législateur et la solution s'inscrivant à contre-courant de l'affirmation d'une obligation de sécurité pesant sur l'employeur dans le cadre du contrat de travail.

§3/ Rapatriement et conduite

L’étude du rapatriement sera divisée par l’étude préalable du lieu où le marin devra être rapatrié (A), les frais de rapatriement son au frais de l’armateur (B), puis nous verrons les dispositions spécifiques du RIF ( C). 196- Cass. soc., 2 mai 1979 : Bull. civ., 1979, II, n° 368. 197- D.-L. 17 juin 1938, art. 20. 198- Cass. soc., 23 mars 2004, Chalutier Petit Rémi : DMF 2004, p. 716, obs. P. Chaumette ; DMF 2005 HS, juin 2005, n° 61, p. 54, obs. P. Bonassies ; JCP G 2004, IV, 2041.

71

A/ Lieu Le rapatriement vise à ramener en France un marin débarqué. La conduite lui permet de rejoindre le

port français d'embarquement.

Pour les marins embarqués dans un territoire d'outre-mer, le rapatriement est assuré jusqu'au port de chargement, sauf si le contrat stipule qu'il sera ramené en France.

B/ Frais de rapatriement et conduite

Les frais sont à la charge du navire. Ce principe connaît des exceptions notamment en cas de rupture du contrat d'une commune volonté, le paiement des frais s'effectuant alors conformément à la convention des parties (C. trav. mar., art. 89). Les frais comprennent le transport, le logement et la nourriture du marin mais non les vêtements.

C/ Dispositions spécifiques au RIF

Le navigant bénéficie d'une option sur le lieu du rapatriement : lieu d'engagement, lieu stipulé dans la convention collective, lieu de sa résidence, lieu mentionné par le contrat ou tout autre lieu choisi par les parties.

Les frais du rapatriement sont à la charge de l'armateur ou de l'entreprise de travail maritime dans le cas de mise à disposition. Ces derniers ont néanmoins la possibilité de recouvrer les sommes engagées auprès du navigant en cas de faute lourde ou grave 199. En cas de défaillance de l'entreprise de travail maritime, l'armateur se substitue pour le paiement des frais de rapatriement.

Si le capitaine est un marin au sens général du terme, il n’est pas un marin comme les autres dans la mesure notamment où il est considéré comme le responsable de l’expédition maritime. De même le jeune marin, bénéficie d’un statut particulier.

Le capitaine a toujours eu une position particulière, en marge de celle de l’équipage. La société du bord, composée du capitaine et de son équipage, une fois embarquée est isolée. Le capitaine, en sa qualité de chef de cette micro- société, doit respecter et faire respecter toute une série de règles relatives aux conditions de travail et de vie à bord, il en dépend la sécurité de la navigation, la préservation du navire et des marchandises et de la vie des marins. Cette réglementation fixe des obligations qui sont le plus souvent sanctionnées pénalement.

199- L. n° 2005-412, 3 mai 2005, art. 19.

72

Chapitre 3 Les dispositions spécifiques applicables au contrat d’engagement maritime du capitaine et du jeune marin

A bord de tout navire de commerce doit se trouver un capitaine. Etymologiquement, le capitaine est celui qui est à la “ tête ”, celui qui est le chef de l’expédition maritime. On trouve plusieurs définitions du capitaine.

Le capitaine de navire ne doit pas être confondu avec le capitaine d'armement qui est “ un préposé terrestre de l'armateur, chargé de pourvoir aux besoins des capitaines (de navire) en fait d'équipage” 200. Il peut se définir comme “ un préposé de l’armateur, chargé de la conduite et du commandement d’un navire de commerce ”. Cette définition doctrinale recoupe celle qu’on retrouve dans l’art. 87 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande (CDPMM), d’après lequel “ est considéré comme capitaine la personne qui, en fait dirige le navire ou engin ”.

Pour sa part, la Cour de cassation donne une définition semblable mais plus explicite : “ est considéré comme capitaine celui qui exerce régulièrement en fait le commandement d’un bâtiment, quels que soient le tonnage, l’affectation de celui-ci et l’effectif de son équipage et ce, même s’il n’a pas assumé effectivement des fonctions de mandataire commercial de l’armateur “. Il nous semblait donc important d’étudier les rapports non seulement professionnels mais également le lien juridique qui relient le capitaine à son armateur.

Section 1/ Les rapports professionnels et juridiques du

capitaine et de l’armateur

Nous nous proposons donc d’étudier les obligations respectives de l’armateur et du capitaine (§1), et de poursuivre en analysant la nature juridique du lien qui les unit en appliquant le régime de responsabilité correspondant et le principe propre au droit maritime de la limitation de responsabilité (§2).

200- Op. et loc. cit. - Sur le statut des capitaines d'armement, V. CA Rennes, 9 juill. 1969 : DMF 1970, 422).

73

§1 : Les obligations respectives du capitaine et de l’armateur dans l’entreprise maritime.

Les relations entre l’armement et le capitaine sont des relations de droit privé. Le capitaine est ici le représentant commercial de l’armateur. Il est un représentant commercial un peu particulier car il revêt également le rôle de représentant légal de celui-ci. Le capitaine et l’armateur se partagent des obligations dans la réalisation de l’expédition maritime que nous allons définir pour en dégager les cas où leur responsabilité va jouer et dans quelle mesure. En fait c’est le rôle commercial du capitaine.

A/ Le statut et obligations de l’armement.

Les obligations respectives de l’armateur et du capitaine ne peuvent être analysées qu’en partant du contrat d’engagement qui les lie et par ce fait, du pouvoir de congédiement de l’armateur. Mais, nous l’avons dit, même si le rôle commercial du capitaine est en fort déclin, il n’en demeure pas moins qu’il ne peut être considéré comme un salarié comme les autres dans la mesure où, notamment, le contrat d’engagement, le choix et la nomination du capitaine par l’armateur sont étroitement contrôlés par l’Etat. L’armateur choisit son capitaine en tant que représentant de ses intérêts à bord mais il est indispensable, pour comprendre le statut du capitaine, de préciser que l’administration maritime va intervenir dans sa nomination et dans le contrôle de son activité technique.

L’administration maritime va agréer le choix de l’armateur en contrôlant les conditions d’engagement et l’obtention des stages et diplômes par le capitaine. Cette intervention de l’administration qui peut aller jusqu’au retrait ou suspension disciplinaire du capitaine, se justifie par les fonctions d’ordre publique dont est investi le capitaine. Mais le pouvoir de l’administration ne pourra pas s’exercer sur les fonctions commerciales du capitaine. Ces fonctions et obligations seront définies par le contrat régissant les relations entre armateur et capitaine, le principe de la liberté des conventions s’applique.

Attachons-nous dès lors à définir la fonction d’armateur. A l’origine, l’armateur est celui qui, ayant armé le navire, c’est-à-dire l’ayant doté des moyens en hommes et en matériel qui lui permettent d’entreprendre une expédition maritime, tire profit de cette expédition. Il exploite un navire armé par ses soins. Avec le temps, la notion d’armateur s’est rapprochée pour finalement se confondre avec celle d’exploitant du navire. Tout exploitant de navire s’est vu reconnaître la qualification d’armateur, qu’il ait ou non armé le navire. En prenant connaissance de la définition proposée par la loi du 3 janvier 1969, on se rend compte qu’elle a traduit cette évolution. Elle définit dans son article 1° l’armateur comme “ celui qui exploite le navire en son nom, qu’il en soit propriétaire ou non ”.

De son statut, l’armateur en tire des obligations. En dehors des obligations nées de l’exploitation commerciale du navire (passation et exécution de bonne foi des contrats avec des fournisseurs), il est responsable de son navire. Il répond, en sa qualité de gardien de la chose, des dommages causés par son navire. Il a donc l’obligation de choisir de façon minutieuse son équipage, de pourvoir à l’entretien des équipements et des hommes à bord, de respecter les prescriptions du droit du travail maritime.

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Ses obligations sont dictées essentiellement dans un souci de sécurité, sécurité des hommes, sécurité du navire et des marchandises et sécurité des tiers et de l’environnement. Toute immixtion de l’armateur dans la conduite du navire est donc interdite. Le capitaine doit rester maître de son navire et de son équipage lorsqu’il est en route, il en va de la sécurité et de la bonne fin de l’expédition maritime. Mais force est de constater que cette indépendance du capitaine dans ses relations avec l’armateur, bien que prévue par le législateur en plusieurs points, reste parfois théorique.

Le capitaine peut-il vraiment résister aux immixtions éventuelles de l’armateur ? Michel Dubosc, avocat au barreau, a répondu à cette question de façon négative à l’occasion du colloque organisé par l’Association Française du Droit Maritime relatif au droit de la mer et la sécurité de la terre. Il justifie sa position en citant l’article 109 du Code du travail maritime qui permet à l’armateur, toujours et en tout lieu, de congédier son capitaine. Par là, l’armateur exerce sur son capitaine un droit de subordination, il peut lui donner des ordres et des instructions. Ce type de comportement est réprimé par la loi mais le progrès des communications rend ces échanges plus faciles dans la mesure où ils ne laissent souvent aucune trace écrite.

Cette immixtion de l’armateur, mais aussi et surtout des services à terre, compromet la sécurité de la navigation et rend le travail du capitaine très délicat dans la mesure où il doit remplir ses fonctions tout en restant en accord avec son armateur, qui, nous le savons poursuit souvent des buts commerciaux au détriment parfois de la sécurité.

En contrepartie l’armateur engage sa responsabilité dans plusieurs cas définis par la loi. Comme nous l’avons dit, il est responsable des dommages causés par son navire. Il répond des fautes du capitaine, son préposé, selon l’article 216-1° du Code de commerce. Le capitaine peut engager la responsabilité civile et donc le patrimoine de son armateur par ses fautes, sauf fautes nautiques.

B/ Les obligations du capitaine envers l’armateur.

Le capitaine est le représentant commercial de l’armateur. Il existe une relation de confiance entre les deux parties. Le capitaine doit défendre les intérêts de son armateur. Mais son rôle commercial ayant pratiquement disparu aujourd’hui, les obligations dont il était débiteur comme par exemple de vendre au mieux les marchandises transportées, de conclure les contrats au lieu et place de l’armateur n’existent plus.

Le capitaine doit, en principe, équiper le navire c’est-à-dire engager l’équipage, faire radouber le bâtiment, acheter les agrès et instruments nécessaires et se munir des approvisionnements. Mais ces obligations sont aujourd’hui à la charge de l’armateur ou de ses représentants à terre, notamment le capitaine d’armement. Le capitaine redevient débiteur de ce type d’obligations lorsqu’il ne se trouve pas en la demeure de l’armateur. C’est-à-dire lorsque la présence de l’armateur ou de l’un quelconque de ses représentants à terre fait défaut, le capitaine recouvre la plénitude de ses fonctions commerciales.

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Cela dit, cette situation est très rare de nos jours, dans la mesure où l’armateur est représenté dans une large mesure et que le capitaine ne se trouve que dans des situations exceptionnelles coupé de toute relation avec son armateur.

En bref, le capitaine est responsable envers l’armateur de l’accomplissement de la mission qui lui a été confiée. Cette responsabilité est une responsabilité contractuelle. Le capitaine prend, en acceptant le commandement, l’obligation de mener à bonne fin l’expédition maritime, sa responsabilité civile sera engagée s’il n’achève pas le voyage. Il doit prendre toute mesure utile pour accomplir l’expédition maritime mais il ne doit pas en modifier les conditions. Il ne doit pas dérouter son navire pour répondre à des intérêts personnels, il ne doit pas relâcher. Ces obligations sont sanctionnées par l’article 17 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, le capitaine commet un crime quand il manque à ces dernières obligations. De plus, le capitaine doit remplir toute une série de formalités administratives.

§2 : La nature juridique du lien entre le capitaine et l’armateur

Comme le rappelle Monsieur Cormier dans sa thèse, “ même si, comme nous le rappellent justement les traités de droit maritime, “ la situation du capitaine est héritière d’une longue tradition d’indépendance de fait et de droit, nous devons définitivement admettre la qualité de préposé du capitaine contemporain dans la mesure où il est incontestablement placé dans une situation de subordination générale vis-à-vis de son armateur-commettant ; toutefois, il s’agit ici, il est vrai d’un préposé doté d’une particulière indépendance et investi de certains pouvoirs légaux ”.

A/ Le capitaine, préposé de l’armateur.

Après de nombreuses et vives controverses de la doctrine et une jurisprudence floue, on s’accorde à dire aujourd’hui que le capitaine est le préposé de l’armateur. Cette qualification de préposé peut être considérée comme une conséquence du déclin de ses fonctions de représentant commercial de l’armateur. C’est la qualité de préposé qui prévaut maintenant dans les rapports du capitaine avec son armateur comme avec les tiers. Pourtant, la réalité démontre la survivance d’une tradition d’indépendance, plaçant le capitaine dans une situation “ hybride ”. Depuis les naufrages Lamoricière et Champollion, il ne fait plus aucun doute que le capitaine répond à ce statut de préposé de l’armateur au sens de l’article 1384, alinéa 5 du Code civil. De plus, il n’est pas gardien du navire qu’il commande au sens de l’article 1384 alinéa 1° du Code civil.

Dans un arrêt du 25 février 2000 l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a posé le principe selon lequel “ le préposé qui agit sans excéder les limites la mission qui lui a été impartie par le commettant n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers ”. Cette décision a fait date dans le droit maritime car elle vient bouleverser le régime de responsabilité et le statut du capitaine de navire.

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En effet, par l’arrêt Lamoricière que l’on a évoqué supra, l’Assemblée plénière de la Cour de

cassation pose le principe selon lequel “ l’armateur, conservant l’usage et le contrôle du navire au cours du voyage, en reste gardien, malgré le pouvoir de direction dont dispose le capitaine, mais que celui-ci n’exerce qu’en qualité de préposé de l’armateur, incompatible avec celle de gardien ”. La Haute Juridiction applique l’article 1384 alinéas 1° du Code civil relatif à la responsabilité du fait des choses au domaine maritime. Cet arrêt, première pierre à un nouvel édifice de la juridiction, marque le début de l’immixtion du droit civil dans le droit maritime. Jusqu’à cet arrêt, la Cour n’admettait pas l’application de la responsabilité du fait des choses au contrat de transport maritime.

La Cour a pris une telle position pour ne pas déclarer le capitaine gardien du navire, pour faire peser la responsabilité sur l’armateur jugé seul solvable. G. Ripert à l’occasion de la note qu’il a rédigé sous cet arrêt n’a pas manqué de relever “ l’indécision qui persiste sur le fondement de la responsabilité du fait des choses et le caractère de la présomption de faute, l’incertitude sur la notion de garde et d’usage de la chose, qui ne permettent pas une technique rigoureuse dans l’application de la règle nouvelle ”. L’article 3 de la loi de 1969 entérine cette règle en traitant du statut des “ préposés maritimes ” sans distinguer la situation particulière du capitaine.

Ainsi, le capitaine est un préposé de l’armateur, il n’est pas gardien du navire qu’il commande, sa responsabilité ne pourra être engagée que dans les limites posées par les dispositions du Code civil. Mais l’Assemblée plénière est allée encore plus loin. Comme le Professeur Bonassies, on peut se demander si la responsabilité civile du capitaine n’a pas été réduite à néant par un arrêt du 25 février 2000, l’arrêt Costedoat. Avant cet arrêt, le régime de responsabilité civile du capitaine était sévère : il engageait sa responsabilité pour toute faute commise dans l’exercice de ses fonctions (article 5 de la loi du 3 janvier 1969). L’arrêt Costedoat, si son application au capitaine se confirme, entraînerait l’immunité du capitaine pour le dommage causé par une faute professionnelle. En effet, la Cour stipule que “ n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant ”. Les visas de l’arrêt sont les articles 1382 et 1384 alinéa 5 du Code civil. L’article 1384 alinéa 5 s’applique sans difficulté au capitaine car l’article 3 de la loi de 1969 renvoie aux termes du droit commun. Pour ce qui est de l’article 1382, en se référant à l’analyse convaincante du Professeur Bonassies, on admet que l’article 5 de la loi de 1969 y fait implicitement référence. Le Professeur Bonassies conclut à l’application du principe posé par l’arrêt Costedoat au capitaine de navire.

Ainsi nous pouvons conclure que le capitaine n’engagera pas sa responsabilité civile à l’égard des tiers, et également à l’égard de l’armateur, pour tous les actes accomplis dans les limites de la mission qui lui a été confiée par l’armateur. Il est même probable, conclut le Professeur Bonassies, que l’immunité du capitaine jouera en cas de faute lourde.

S’agissant d’une éventuelle faute pénale commise par le capitaine, la question se pose de savoir si l’immunité civile demeurerait. Un arrêt du 14 décembre 2001, l’arrêt Cousin, vient apporter une limite à l’immunité du capitaine en déclarant que “ le préposé condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis, fût-ce sur l’ordre du commettant, une infraction ayant porté préjudice à un tiers engage sa responsabilité à l’égard de celui-ci ”.

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Le capitaine qui commet une faute pénale non intentionnelle ne verra donc pas sa responsabilité

engagée. En cas de faute inexcusable, le Professeur Bonassies préconise l’application de la jurisprudence Costedoat et donc d’élargir l’immunité du capitaine.

B/ Les limitations légales de responsabilité.

Les limitations de responsabilité sont une autre institution particulière au droit maritime. La limitation de responsabilité était au départ réservée à l’armateur mais elle a été élargie au capitaine. Avant la limitation, l’armateur pouvait se protéger des fautes du capitaine par l’abandon du navire et du fret (article 216 du Code du Commerce). Une deuxième phase permettait à l’armateur de choisir entre l’abandon et la limitation en valeur (Convention de 1924). Enfin, une convention internationale vient entériner le système de la limitation de responsabilité en élargissant son domaine d’application. Aujourd’hui, on applique la loi française de 1967, modifiée le 22 décembre 1984, et la convention de 1976.

L’armateur, propriétaire ou non de son navire, ou toute personne exploitant le navire, ainsi que leurs préposés bénéficient de ce système de limitation de responsabilité pour les fautes commises par eux ou par les choses qui sont sous leur garde, sauf cas de faute inexcusable.

Le Professeur Bonassies a abordé l’application de cette réglementation à l’occasion d’un colloque organisé par l’Institut Méditerranéen des Transports Maritimes à Marseille le 23 avril 1991 en précisant qu’il “ résulte de la législation moderne que, dans la plupart des cas sinon dans tous, le fait pour un créancier d’exercer une action en responsabilité contre un capitaine n’augmente pas les droits qu’il a contre l’armateur ou le transporteur auxquels les conséquences de la faute du capitaine sont normalement imputables. Le protocole de 1968 décide ainsi, en matière de transport maritime, que les préposés du transporteur, -dont le capitaine-, bénéficient de la même limitation de responsabilité que le transporteur ”. Le texte du protocole ajoute que “ si une action est intentée à la fois contre le transporteur et l’un de ses préposés, l’ensemble des montants mis à la charge du transporteur et de ses préposés ne dépassera pas, dans ce cas, la limite prévue par la présente convention ”.

Un tel système trouve sa justification dans le caractère d’activité d’intérêt général des activités maritimes et dans les risques de la mer que comporte une telle activité.

La limitation ne jouera normalement que pour les créances de responsabilité, nées de l’exploitation d’un navire.

Mais le capitaine peut jouir de ce système lorsqu’il sera mis en cause et condamné pour toute faute, sauf inexcusable. Le législateur a toujours été plus souple envers le capitaine qu’envers l’armateur avant l’application de la convention de 1976 qui rend la limitation applicable sauf faute inexcusable (faute commise témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement), car il acceptait de limiter la responsabilité du capitaine même en cas de faute de sa part, alors que l’armateur se voyait déchu de ce droit pour avoir commis une faute simple. L’arrêt Bergeronette nous donne un exemple de l’application de cette distinction.

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Dans cet arrêt le capitaine, propriétaire, d’un chalutier abandonne la barre pour vérifier les

conditions de la pêche. La question était alors de savoir s’il avait agi dans l’exercice de ses fonctions de capitaine ou dans ses fonctions de propriétaire de chalutier. La Cour décide qu’il a agi dans ses fonctions de capitaine, il est admis à faire valoir son droit à limitation de responsabilité et elle ajoute que cette limitation s’applique même en cas de faute lourde ou inexcusable du capitaine.

A contrario, dans l’arrêt navire Anne-Bewa, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui a admis la

responsabilité personnelle du capitaine, “ dont les fautes étaient trop évidentes pour être discutées ”, a considéré que le capitaine pouvait faire valoir son droit à la limitation de sa responsabilité.

La position de la jurisprudence selon laquelle la limitation de responsabilité peut être appliquée même dans l’hypothèse de la commission d’une faute inexcusable du capitaine n’est plus vraie aujourd’hui car le capitaine est désormais soumis à la règle commune édictée par la convention de 1976 et la loi de 1967 modifiée en 1984 qui excluent l’application de la limitation de responsabilité en cas de faute inexcusable.

Un cas d’école a été donné par la Cour de cassation à l’occasion de son arrêt du 20 mai 1997, navire Johanna-Hendrika. En l’espèce, une drague, qui devait effectuer des travaux, a dérivé à marée basse en glissant sur le fond vaseux et a heurté deux navires, entraînant leur perte. Les propriétaires des navires et leurs assureurs ont assigné en responsabilité le capitaine de la drague et l’armateur de celle-ci.

Le premier problème soumis à la Cour concernait l’origine du dommage. Le capitaine de la drague, l’armateur et un assureur reprochait à l’arrêt de la Cour d’appel d’avoir retenu que l’abordage avait été causé par la faute de la drague, alors que les propriétaires des navires pouvaient déplacer leurs navires et les officiers de port prendre les mesures qui s’imposaient.

Mais la chambre commerciale confirme la solution de la Cour d’appel sur ce point, elle écarte les arguments présentés à l’encontre des propriétaires de navires et des officiers de port, pour énoncer que la Cour d’appel a pu déduire de ses constatations que l’abordage avait eu pour cause, non la faute des victimes ou de tiers, mais celles, exclusive, de la drague, obligeant celle-ci à réparer les dommages par application de l’article 3 de la loi du 7 juillet 1967, relative aux évènements de mer. Les constatations de la Cour d’appel ont établi que le capitaine, spécialiste des travaux de dragage, ne pouvait ignorer le risque lié au reflux, qu’il devait exiger le déplacement des navires et prendre la précaution de retenir la drague d’une manière efficace.

La deuxième interrogation a trait à la limitation de responsabilité du capitaine de la drague. L’arrêt d’appel a refusé cette limitation. Le pourvoi conteste cette solution en soutenant que les juges n’ont pas caractérisé une faute qualifiée le privant du bénéfice de la limitation de responsabilité. La chambre commerciale confirme la solution de la Cour d'appel. Au visa des articles 1°, point 1, et 4 de la convention de Londres du 19 novembre 1976 et des articles 58 et 69 de la loi du 3 janvier 1967, elle énonce que si le capitaine de navire est au nombre des personnes admises à se prévaloir de la limitation de responsabilité en cas de faute personnelle, il ne peut invoquer celle-ci s’il est prouvé que le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels, mais commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement.

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C’est ce qui s’est passé en l’espèce puisque aucune précaution élémentaire de sécurité n’avait été prise pour assurer la mise en place de la drague et pour parer aux dangers prévisibles de son évolution.

Le troisième point soulevé par cet arrêt concerne la responsabilité de l’armateur. Selon les articles 1°, point 1 de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 et 58 de la loi du 3 janvier 1967, le propriétaire de navire bénéficie d’une limitation de responsabilité. Sa limitation de responsabilité est illimitée que s’il est prouvé que le dommage résulte de son fait ou de son omission personnelle, commise avec l’intention de provoquer un tel dommage ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement.

La Cour d’appel, pour refuser à l’armateur de la drague le bénéfice de la limitation de responsabilité du propriétaire de navire, avait retenu qu’aucune précaution élémentaire de sécurité n’avait été prise. La chambre commerciale n’ira pas dans son sens sur ce point, elle casse, en estimant que la Cour d’appel n’a pas dit en quoi la faute commise par le capitaine de la drague pouvait constituer une faute personnelle et intentionnelle de l’armateur.

Par cet arrêt important, mettant en application directement les principes relatifs à la limitation de responsabilité de l’armateur et du capitaine posés par la loi de 1967 et la Convention de Londres, la Cour de cassation adopte une conception objective de la faute inexcusable qui se révèle particulièrement dure pour notre capitaine.

Un “ préposé- indépendant ”. Parallèlement au régime de responsabilité applicable au capitaine et aux limitations de responsabilité auxquelles il peut recourir, il nous paraissait important de faire une parenthèse sur la situation d’indépendance ou de dépendance entre le capitaine et son armateur, et les conséquences qu’une immixtion trop importante de l’armateur pouvaient avoir sur la sécurité comme sur les fonctions du capitaine.

Si l’on reprend la définition du statut juridique du capitaine donnée par Georges Ripert, l’indépendance du capitaine est une des caractéristiques principales de ce statut. Le capitaine, représentant de l’armateur ne peut être assimilé à aucun autre sujet du droit civil ou commercial. “ Il ressemble à un fonctionnaire, il exerce dans un intérêt public, en vertu d’une délégation qu’il tient de la loi, une partie de l’autorité publique ”.

Il existe un lien de subordination avec son armateur mais il ne s’agit pas du même lien de subordination que celui que l’on peut rencontrer en droit commun, car le capitaine jouit, ou est sensé jouir, d’une liberté absolue et d’un pouvoir de décision exclusif dans l’exécution de sa mission. Le doyen Rodière parle de l’indépendance du capitaine dans les mêmes termes : “ le capitaine, maître de la navigation, prend ses décisions tout seul. Qu’il en réfère aujourd’hui à son armateur par T.S.F. ou autrement n’ôte rien à cette vérité de fait et de droit : il prend seul toutes ces décisions. C’est lui qui choisira sa route, décidera des escales, même rétrogrades, stoppera les moteurs pour telle ou telle réparation de fortune en pleine mer, fera ralentir en cas de brume ou n’en faire rien parce qu’il se fie à son radar… ”.

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Force est de constater que ce n’est plus le cas aujourd’hui. J’ai eu l’occasion de lire les interventions de capitaines au long cours lors de colloques ou séminaires et de rencontrer personnellement des capitaines qui m’ont permis de faire la part des choses entre la théorie et la pratique des fonctions de capitaine.

Lors d’un colloque de l’AFDM, Maître Dubosc a comparé la situation du droit positif français avec la réalité des faits et sa conclusion est éloquente. Il a relevé dans son intervention tous les cas d’immixtion de l’armateur dans les prises de décision du capitaine et en a conclu implicitement que le capitaine ne dispose plus de la liberté que la loi et les règlements sont sensés lui accorder.

Par exemple, le capitaine est responsable en droit du chargement de son navire. Mais est-il libre de le charger dans des proportions qui lui conviennent eu égard à la sécurité de la navigation ? Un arrêt de la Cour de cassation illustre cette interrogation. La chambre criminelle de la Cour de cassation a engagé pleinement la responsabilité du capitaine d’un navire à passagers pour violation de l’article 223-1 du NCP (mise en danger d’autrui) pour avoir autorisé l’embarquement de plus de passagers que ne doit en contenir son navire, et ce, sans rechercher si l’on ne se trouvait pas dans une situation de contrainte morale exercée par la compagnie maritime pour laquelle il travaillait, compagnie qui ne lui a pas donné les moyens de respecter les prescriptions de la loi en ne mettant pas un second navire à sa disposition par exemple.

De la même façon, peut-on considérer que le capitaine maîtrise et contrôle réellement l’arrimage des marchandises ? Si l’on considère que les cargo- plans sont établis par les représentants à terre de l’armateur, qu’ils sont ensuite normalement transmis au capitaine qui doit les vérifier en un temps record dans la mesure où les délais de chargement et déchargement sont très serrés, on ne peut qu’en douter. Mais la loi prescrit toujours que le capitaine est responsable du chargement, déchargement et arrimage de la marchandise.

Le capitaine est également maître de la navigation, il choisit sa route et ses escales. Mais il appartient à l’armateur de fixer les destinations des marchandises transportées. Et on peut penser que les pressions économiques rendent les escales ou les déroutements pour des raisons de sécurité difficiles à admettre pour l’armateur qui voit les délais de livraison allongés. Il en est de même relativement au recours par le capitaine à l’assistance en cas d’événement de mer. “ Non seulement la signature d’un contrat d’assistance quelle que soit sa forme mais même le recours à l’assistance ne sera mis en œuvre qu’avec l’accord généralement explicite de l’armateur ”.

Ainsi, force est de reconnaître que la liberté présumée du capitaine est mise à mal dans les nouvelles relations professionnelles et juridiques qu’il entretient avec son armateur. Cela modifie de façon sensible les conditions d’exercice du capitaine. L’armateur- propriétaire exerce un droit de subordination sur le capitaine qui n’est pas négligeable. Mais il convient de préciser une évolution récente, c’est l’influence grandissante des services de l’armateur à terre, notamment en ce qui concerne le chargement, le déchargement et l’arrimage de la marchandise. Ils sont en charge de la supervision et de l’exécution de ces tâches mais toujours sous l’autorité et le contrôle théoriques du capitaine.

Le capitaine est responsable de l’expédition maritime dans ce sens qu’il est débiteur de certaines obligations envers les personnes qui s’engagent dans l’expédition maritime. Personnes qui lui font confiance, tant du point de vue de leur sécurité, que du point de vue de leurs intérêts commerciaux. Le capitaine, en acceptant son poste et son grade, s’engage à mener à bonne fin l’expédition maritime. Il s’engage envers son bord et envers son armateur.

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Nous venons d’envisager et d’analyser la responsabilité du capitaine dans l’exercice de ses fonctions de chef de la société du bord et de “ préposé- indépendant ” de l’armateur, n’oublions pas que le capitaine est également responsable envers les tiers.

En principe, la responsabilité personnelle du capitaine n’est pas mise en jeu par les tiers eu égard à l’ampleur des dommages et à la solvabilité limitée du capitaine. La responsabilité personnelle du capitaine envers les tiers est envisagée de façon parfois contradictoire par la jurisprudence. Par exemple, le capitaine va être le seul poursuivi dans l’instance mais la sanction va peser sur l’armateur. Toujours est-il que la condition sine qua non de la condamnation par les tiers du capitaine est la preuve d’une faute personnelle de sa part.

Section 2/ Les dispositions spécifiques applicables aux mineurs

Il convient d'étudier les conditions d'embarquement des mineurs (§1), pour être embarqué, le mineur doit avoir la capacité juridique (§2), une réglementation spécifique de la durée du travail est applicable aux marins mineurs (§3), il convient de voir enfin le contrat d’apprentissage (§4). §1/ Les conditions d'embarquement des mineurs

La loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 a modifié les dispositions relatives aux mineurs du Code du travail maritime, en supprimant notamment les notions de "mousse" et de "novice", devenues obsolètes. Les jeunes âgés de moins de seize ans révolus ne peuvent être embarqués à titre professionnel sur un navire (C. trav. mar., art. 115). Les mineurs entre 15 et 16 ans ne peuvent prendre part qu'occasionnellement et pour des travaux légers, pendant les vacances scolaires aux activités à bord des navires de pêche et sous réserve d'une autorisation délivrée par l'autorité chargée de l'inspection du travail maritime et de la présentation d'un certificat d'aptitude physique. L'embarquement des mineurs de moins de 16 ans durant les deux dernières années de leur scolarité obligatoire et dans le cadre d'un enseignement alterné ou d'un enseignement professionnel ou de périodes de formation en milieu professionnel est autorisé 201,201(C. trav. mar., art. 111, modifié par Ord. n° 2004- 691, 12 juill. 2004 : Journal Officiel 14 Juillet 2004). Les mineurs ne peuvent être embarqués à bord d'un navire immatriculé au RIF que dans le cadre d'une formation professionnelle selon des modalités déterminées par décret (L. préc., art. 12).

Les jeunes âgés de moins de 16 ans ne peuvent être embarqués à titre professionnel sur un navire (C. trav. mar. art. 115).

La loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 a fait disparaître les notions de mousse et de novice, devenues obsolètes depuis l’allongement des formations maritimes initiales. Elle modifie l’article 115 du code du travail maritime pour tenir compte de la ratification par la France de la convention n° 138 de l’OIT du 6 juin 1973 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi : entre quinze et seize ans, les jeunes ne peuvent prendre qu’occasionnellement prendre part aux activités à bord pendant les vacances scolaires et dans le cadre d’une autorisation administrative, sur présentation d’un certificat médical d’aptitude physique. Ces activités occasionnelles ne peuvent porter que sur des travaux légers.

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Les jeunes gens âgés de moins de seize ans ne peuvent être admis ou employés sur un navire que durant les deux dernières années de leur scolarité obligatoire et dans le cadre d’un enseignement alterné ou d’un enseignement professionnel afin de suivre des stages d’initiation, d’application ou des périodes de formations en milieu professionnel.

Une convention de stage est, dans ce but, conclue entre l’armement et l’établissement dont relève l’élève. Cette convention devra obligatoirement couvrir les activités éventuellement suivies à terre, à titre accessoire, lorsqu’elles sont liées à l’exécution du stage (C. trav. mar., art. 111, qui renvoie à l’article 115 du même code et à C. trav., art. L. 117-3). (V. ord. n° 2004-691, 12 juillet 2004, portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports, JO 14, p. 12717.)

Les jeunes gens âgés de seize à dix huit ans, non titulaires d’un contrat d’engagement, ne peuvent être admis ou employés sur un navire qu’après la conclusion d’une convention de stage. Aucune convention ne peut être conclue avec un armement aux fins d’admettre ou d’employer un élève à bord d’un navire lorsqu’il a été établi par le service de contrôle que les conditions de travail présentent un risque de nature à porter atteinte à la sécurité, à la santé ou l’intégrité physique ou morale de l’élève.

La liste des travaux dangereux auxquels des jeunes gens âgés de moins de dix-huit ans ne peuvent, en aucun cas, être affectés, ainsi que la liste des travaux dangereux pour lesquels une dérogation peut être accordée par l’inspecteur du travail maritime (C. trav. mar. art. 111-II). Ces dispositions assurent l’achèvement de la transposition de la directive 94 /33/CE du conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail.

§2/ La capacité juridique

Le mineur marin est doté de la capacité juridique à l’accomplissement des actes se rattachant à ses engagements, notamment la perception des salaires, du fait même de l’autorisation parentale ou judiciaire donnée à son premier embarquement. Le retrait de l’autorisation n’a des effets que dans certaines conditions, s’il a été porté à la connaissance des tiers avant la formation du contrat. (C. trav. mar. art.110 – L. n° 60-1156, 2 novembre 1960.). §3/ Réglementation spécifique de la durée du travail des marins mineurs

Le travail de nuit est interdit aux marins âgés de moins de dix-huit ans ainsi qu’aux jeunes gens âgés de moins de dix-huit ans qui accomplissent des stages d’initiation ou d’application en milieu professionnel dans le cadre d’un enseignement alterné ou d’un enseignement professionnel. Les services de quart de nuit de 20 heures à 5 heures sont considérés comme travail de nuit. Un repos de neuf heures consécutives doit être accordé aux intéressés. Ce repos comprend obligatoirement la période qui se situe entre minuit et cinq heures du matin.

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Des dérogations aux dispositions des alinéas précédents peuvent être accordées par l’inspecteur du travail maritime, après avis du médecin des gens de mer, lorsque la formation le justifie. Pour les jeunes gens en formation âgés de moins de quinze ans le travail de nuit est interdit entre 20 heures et 6 heures. Les marins âgés de moins de dix-huit ans, ainsi que les jeunes gens âgés de moins de dix-huit ans qui accomplissent des stages d’initiation ou d’application en milieu professionnel dans le cadre d’un enseignement alterné ou d’un enseignement professionnel dans le service de la machine, ne peuvent être compris dans les services de quart. (C. trav. mar. art. 113 – ord. n° 2004-691, 12 juillet 2004).

Les marins âgés de moins de dix-huit ans, ainsi que les jeunes gens âgés de moins de dix-huit ans qui accomplissement des stages d’initiation ou d’application en milieu professionnel dans le cadre d’un enseignement alterné ou d’un enseignement professionnel, ne peuvent accomplir un travail effectif d’une durée excédant sept heures par jour, ni une durée de travail par semaine embarquée supérieure à la durée légale hebdomadaire du travail effectif fixée par l’article 24. A titre exceptionnel, des dérogations à la durée maximale hebdomadaire de travail mentionné à l’alinéa précédent peuvent être accordées, dans la limite de cinq heures par semaine, par l’inspecteur du travail maritime, après avis conforme du médecin des gens de mer.

La durée de travail des intéressés ne peut en aucun cas être supérieure à la durée quotidienne ou hebdomadaire normale du travail des adultes employés à bord. Ils doivent obligatoirement jouir du repos hebdomadaire, tant à la mer qu’au port, d’une durée minimale de deux jours consécutifs, comprenant si possible le dimanche. Lorsque des raisons techniques ou d’organisation le justifient, cette période de repos peut être réduite, sans pouvoir être inférieure à trente six heures consécutives.

Dans ce cas, le capitaine ou l’armateur en informe l’inspecteur du travail maritime au plus tard

dès le retour du navire et doit pouvoir justifier des mesures compensatoires prises ou envisagées. La durée minimale du repos quotidien des jeunes gens mentionnés aux alinéas précédents ne peut être inférieure à douze heures consécutives. Dans le cas où le travail de nuit de ces jeunes gens serait autorisé par l’inspecteur du travail, en application des dispositions du troisième alinéa de l’article 113, cette durée ne peut être inférieure à quatorze heures consécutives. Elles ne peuvent être inférieure à quatorze heures consécutives pour les jeunes gens âgés de moins de quinze ans dans les cas mentionnés au premier alinéa de l’article 111.

Aucune période de travail effective ininterrompue ne peut excéder une durée maximale de quatre heures et demie. Lorsque le temps de travail quotidien est supérieur à quatre heures et demie, les jeunes travailleurs de moins de dix-huit ans ainsi que les jeunes gens de moins de dix-huit ans qui accomplissent des stages d’initiation ou d’application en milieu professionnel dans le cadre d’un enseignement alterné ou d’un enseignement professionnel doivent bénéficier d’un temps de pause d’au moins trente minutes consécutives (C. trav. mar., art. 114).

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§ 4/ Le contrat d’apprentissage

Le décret n° 94-595 du 15 juillet 1994 fixe les modalités d’application du contrat de qualification aux marins relevant du Code du travail maritime. Ce contrat est un contrat d’engagement maritime à durée déterminée conclu en application de l’article 10-7 (2° et 3°) du Code du travail maritime. Lui sont application les articles L. 981-1 à L. 981-4, R. 980-1-1 à R. 980-8, D. 980-1 et D. 980-2 du Code du travail.

Le contrat initiative-emploi (CIE) avait été étendu au secteur maritime. Les dispositions relatives au contrat d’apprentissage sont applicables aux entreprises d’armement maritime, depuis la loi du 18 novembre 1997. Nul ne peut être engagé en qualité d’apprenti s’il n’est âgé de 16 ans au moins ; les jeunes d’au moins de 15 ans peuvent souscrire un contrat d’apprentissage, s’ils justifient avoir effectué la scolarité du premier cycle de l’enseignement scolaire. Les adaptations nécessaires aux caractéristiques propres des entreprises d’armement maritime sont précisés par décret en Conseil d’Etat (C. trav. mar., art. 8, mod. par ord. n° 2004-691, 12 juillet 2004.).

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Partie 2 La fin du contrat d’engagement maritime Dans cette seconde partie, nous étudierons la rupture du contrat d'engagement maritime qui lie le marin à l’armateur (chapitre 1), puis le contentieux (chapitre 2).

Chapitre 1 La rupture du contrat Les dispositions communes à tous les contrats d'engagement maritime sont prévues aux articles 92 à 102 du Code du travail maritime (section 1)."Quelle que soit sa nature, le contrat d'engagement maritime prend fin par le décès du marin, le consentement mutuel des parties, la résolution judiciaire du contrat , la résiliation unilatérale, la mise à terre du marin nécessitée par une maladie ou une blessure, la prise, le naufrage ou l'innavigabilité du navire".( Art 93 al 3 du Code du travail maritime).Le congédiement du marin par le capitaine constitue également un mode de rupture commun à tous les contrats d'engagement (Art 98 du Code du travail maritime).Les dispositions spécifiques aux contrats à durée indéterminée sont particulières (section 2),de même que des dispositions spécifiques aux contrats à durée déterminée (section 3),et pour finir nous étudierons les dispositions propres à certains contrats (section 4). Section 1/ Les dispositions communes à tous les contrats Les modalités de rupture, dans le contrat d'engagement maritime peut prendre fin pour des raisons extérieures à la volonté des parties qui constituent parfois un particularisme maritime (§1). Le contrat peut également être rompu de manière unilatérale ou d'un commun accord (§2). Lorsqu'il est mis fin au contrat par consentement mutuel, c'est la forme la plus simple qui ne présente aucune originalité par rapport aux principes du droit des contrats.

Volontaire ou non, l'acte qui interrompt les liens antérieurs conduit à examiner les points ci-après : 1- respect des procédures ; 2- indemnités légales, complétées éventuellement par des indemnités conventionnelles ; 3- dommages intérêts en cas de non-respect des procédures, de renvoi injustifié ou de faute. La rupture peut être du fait du licenciement pour motif économique (§3).

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§1/ La fin du contrat pour des raisons extérieures à la volonté des parties

Il convient d'analyser les causes de rupture (A), puis la mise à terre (B), et la retraite du marin (C).

A/ Les causes de rupture Le contrat prend fin par le décès du marin, cause qui ne présente aucune spécificité. Particularités du droit maritime, le contrat prend fin en cas de naufrage ou d'innavigabilité du navire (C. trav. mar., art. 93) s'ils constituent un cas de force majeur. Ces évènements doivent donc être imprévisibles, irrésistibles et insurmontables 204.

À défaut, la rupture du contrat pourra le cas échéant être qualifiée de licenciement économique 205.

B/ La mise à terre

La mise à terre du marin suite à une maladie ou une blessure ne constitue plus une cause de rupture de plein droit du contrat d'engagement maritime 206. La jurisprudence avait reconnu des droits particuliers pour le marin mis à terre pour blessure ou maladie en imposant à l'armateur de proposer au marin un réembarquement 207.

C/ La retraite Le contrat d'engagement maritime prend-il fin par la survenance de l'âge ouvrant droit à pension ? Si la jurisprudence a pu valider ces clauses dites "guillotine" 208,le Code du travail (C. trav., art. L. 122-14-12) les interdit mais reste silencieux sur l'application de cette disposition au contrat d'engagement maritime. La nouvelle jurisprudence sur l'application de la loi nouvelle a permis de pallier ce vide. Sont nulles et de nul effet, par application de l'article L. 122-14-12 du Code du travail, les clauses du contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d'un salarié en raison de son âge 209.

§2/ La résiliation et rupture Il est nécessaire d'étudier la résiliation et résolution (A), le congédiement (B), qui peut être abusif ou irrégulier, et ouvre droit à indemnités (C). Le marin a le droit de demander la résiliation du contrat d'engagement (D). 204 Cass. soc., 13 oct. 1988 : Bull. civ. 1988 205 cass. soc., 10 mai 2001, navire La Sardane : DMF 2002, p. 260, obs. P. Chaumette 206 L. n° 97-1051, 18 nov. 1997 : Journal Officiel 19 Novembre 1997, n° 268, p. 1672 207 Cass. soc., 13 oct. 1988 : Bull. civ. 1988 208Cass. soc., 4 janv. 1968 : DMF 1968, p. 202, 209Cass. soc., 28 oct. 1997 : Dr. soc. 1998, p. 181, obs. Ch. Eoche-Duval. - CA Aix-en-Provence, 15 mai 2001 : Juris-Data n° 2001-148313.

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A/ La résiliation et résolution La résiliation est la manifestation unilatérale de l'un des contractants de rompre le contrat. Elle conduit au versement de dommages intérêts en cas d'usage abusif. Si la résolution judiciaire du contrat en vertu de l'article 1184 du Code civil est ouverte (C. trav. mar., art. 93), elle n'est pratiquement pas utilisée, le contrat pouvant prendre fin par consentement mutuel.

B/ Le congédiement La résiliation du fait de l'armateur ou du capitaine se nomme congédiement. Ce droit est inhérent aux responsabilités incombant à l'armateur ou son représentant, notamment au titre de l'expédition maritime (C. trav. mar., art. 95). Le congédiement est encadré : hors des ports métropolitains, l'autorisation de l'inspection maritime est requise (C. trav. mar., art. 98). Un préavis qui ne peut être inférieur à 24 heures est obligatoire (C. trav. mar., art. 10, 95 et 96). La dénonciation faisant courir ce délai est soit verbale (en présence de deux témoins), soit écrite (délivrance d'un reçu). Dans les deux cas, la cause du congédiement est mentionnée au journal de bord (C. trav. mar., art. 97). La jurisprudence sanctionne l'armateur qui ne respecte pas ces procédures et tend même à imposer une obligation de motivation comme en matière de licenciement 210.

L'article 99 du Code du travail maritime réserve l'application des règles du licenciement pour le marin en remplissant les conditions.

C/ L' indemnité Le congédiement abusif ou irrégulier ouvre droit à indemnités (C. trav. mar., art. 95 et 102-9) dont le montant dépend des usages, de la nature des services, du marin, du temps écoulé et plus généralement, de toutes les circonstances qui peuvent justifier l'existence et déterminer l'étendue du préjudice. N'est pas justifiée la rupture par l'armateur du contrat d'un marin ayant cessé tout contact avec son armateur à la suite de l'arrêt des sorties en mer d'un navire de pêche mais l'ayant interrogé sur son sort par courrier 211. Doit être considéré injustifié le congédiement d'un patron de pêche non diplômé pour pratiquer la pêche au large, l'armateur étant seul responsable de l'engagement 212.. En application de l'article 102-8 du Code du travail maritime, est injustifié le congédiement fondé sur la cession de l'armateur 213.

Le congédiement justifié par un motif légitime, permet d'engager la responsabilité du marin en cas de préjudice de l'armateur (C. trav. mar., art. 99, al. 2). Ces dispositions s'appliquent sous réserve de mesures spécifiques aux contrats à durée indéterminée et à durée déterminée.

210 CA Rennes, 6 janv. 2004 : DMF 2004, p. 360, obs. P. Chaumette. 211 CA Rennes, 6 janv. 2004 : DMF 2004, p. 360, obs. P. Chaumette 212 CA Bordeaux, 22 nov. 2000 : Juris-Data n° 2000-130375 213 CA Bordeaux, 8 nov. 2000 : Juris-Data n° 2000-130377. - CA Aix-en-Provence, 17 nov. 1998 : Juris-Data n° 1998-056122

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D/ La résiliation unilatérale par le marin Le marin a le droit de demander la résiliation du contrat d'engagement pour inexécution des obligations de l'armateur 214. L'inspection du travail maritime peut également autoriser le marin à débarquer immédiatement pour motif grave (C. trav. mar., art. 101). La résiliation unilatérale est limitée par l'organisation du service : elle ne peut intervenir dans certaines occasions (C. trav. mar., art. 102). Le marin est tenu de respecter le délai de préavis contratuel. Comme pour l'armateur, l'inobservation du délai ou la résiliation abusive est sanctionnée.

§3/ Le licenciement pour motif économique Il convient d'en donner la définition (A), puis d'expliquer la procédure(B), puis le motif du licenciement est contrôlé (C).

A/ La définition

Le Code du travail maritime 215 a rendu applicables aux personnels navigants la plupart des dispositions du Code du travail relatives au licenciement pour motif économique 216.Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques 217.

B/ La procédure

Le licenciement économique obéit à une procédure spécifique dans laquelle la concertation avec les représentants du personnel met en second plan la procédure individuelle. La procédure étant identique à celle applicable en droit terrestre, il n'en sera mentionné que les grandes lignes : concertation avec les représentants du personnel, entretien individuel portant plus sur les aménagements du départ que sur le principe du licenciement, convention de conversion, ordre des licenciements définis selon plusieurs critères ...218.

C/ Le contrôle

La Cour de cassation contrôle le motif économique du licenciement. En appliquant le Code du travail d'outre-mer, elle sanctionne les licenciements abusifs non justifiés par des difficultés économiques réelles ni même par un impératif économique quelconque 219.

L'article 94 du Code du travail maritime s'applique en présence du débarquement suite au naufrage d'un navire 220. 214 sur les difficultés de preuve : CA Rouen, 6 mai 1997 : Juris-Data n° 1997-041779 215 C. trav. mar., art. 94 216 C. trav., art. L. 321-1 à L. 321-11, L. 321-13-1, L. 321-14, L. 321-15, L. 322-3, L. 322-3-1 et L. 322-7 217 C. trav., art. L. 321-1. - V. J.-Cl. Travail Traité 218 V. J.-Cl. Travail Traité, Fasc. 31-2. - CE, 19 janv. 1998 : DMF 1998, p. 117, obs. Ch. Eoche-Duval 219 Cass. soc., 18 déc. 2001 : DMF 2002, p. 235, note P. Chaumette. - Cass. soc., 11 déc. 2002, n° 01-12599. - Cass. soc., 19 mars 2003 : JCP G 2003, IV, 1903 220 Cass. soc., 10 mai 2001, navire La Sardanne : DMF 2001, p. 260, obs. P. Chaumette

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Section 2 Les dispositions spécifiques aux contrats à durée indéterminée Il est d'usage d'étudier le licenciement (§1), la procédure(§2), puis les droits du salarié en cas de licenciement (§3).

§1/ Le licenciement

Le champ d'application du licenciement sera précisé (A), puis une définition sera donnée (B).Il faut se reporter aux dispositions du Code du travail pour les conditions d'ancienneté des services (C),le licenciement d'un marin doit avoir une cause réelle et sérieuse (D).

A/ Le champ d'application

De plus en plus de marins bénéficient de contrats à durée indéterminée et ainsi d'une permanence d'emploi. Les lois n° 77-507 du 18 mai 1977 (Journal Officiel 19 Mai 1977) et n° 86-1320 du 30 décembre 1986 (Journal Officiel 31 Décembre 1986) ainsi que le décret n° 78-389 du 17 mars 1978 (Journal Officiel 23 Mars 1978) ont introduit dans le Code du travail maritime des dispositions sur le licenciement analogues à celles du droit terrestre. Le droit social maritime conserve des spécificités qui se manifestent tout d'abord par le champ d'application du licenciement. Ne sont pas couverts par ces dispositions les contrats des marins non stabilisés ou des officiers non titularisés, ayant moins d'un an de services continus ou moins de six mois d'embarquement effectif et continu 221. Si le marin ne réunit pas ces conditions, le régime de droit commun de la rupture unilatérale s'appliquera 222.

B/ La définition La notion est spécifique en droit maritime. Il y a licenciement d'une part en cas de résiliation par l'armateur du contrat d'un marin titularisé ou stabilisé dans son emploi en application d'une convention collective, que ce marin soit ou non embarqué et d'autre part, en cas de résiliation du contrat à durée indéterminée d'un marin justifiant chez le même armateur d'une ancienneté d'au moins un an dont six mois d'embarquement effectif et continu (C. trav. mar., art. 102-1). Cette seconde hypothèse vise les marins ne bénéficiant pas de la stabilisation 223. Il y a enfin licenciement si ce marin ne se voit pas proposer un embarquement dans un délai de trente jours à compter de l'achèvement des périodes de congés et de repos (D. n° 78-389, 17 mars 1978, art. 22), étant précisé que la date d'embarquement proposée ne doit pas être postérieure de plus de deux mois à la fin des congés.

221C. trav. mar., art. 102-1. - CA Montpellier, 10 juill 2002, navire Cap Canaille : DMF 2003, p. 653, obs. P. Chaumette 222 CA Montpellier, 10 juill. 2002 : DMF 2003, p. 653, obs. P. Chaumette. - CA Caen, 30 janv. 2004 : Juris-Data n° 2004-242661 223 CA Montpellier, 9 févr. 1995 : DMF 1995, p. 827, obs. P. Chaumette

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C/ Le renvoi Il faut se reporter aux dispositions du Code du travail (C. trav., art. L. 122-10) pour déterminer les conditions d'ancienneté des services continus et au Code du travail maritime pour connaître les situations n'interrompant pas la continuité de l'embarquement 224.

D/ La cause réelle et sérieuse

À l'instar du droit terrestre, le licenciement d'un marin doit avoir une cause réelle et sérieuse. La jurisprudence illustre cette notion. Ainsi en va-t-il du licenciement d'un salarié qui refuse de signer les nouvelles conditions de son engagement dès lors qu'il est constaté que les modifications étaient destinées à rendre le contrat conforme aux réglementations et n'entraînaient aucune modification d'affectation ou de condition de travail 225,. Le licenciement est légitime et justifié en cas d'absence d'un marin d'une pilotine suivant un stage de formation refusé par son armateur, cette absence compromettant la sécurité et empêchant l'appareillage de certains navires 226. Constitue une faute grave le fait pour un marin pêcheur de ne pas s'être présenté à l'embarquement deux jours durant 227.

En revanche, un fait isolé, tel qu'un état empêchant de prendre part aux manoeuvres d'appareillage et au quart, ne peut être qualifié de faute grave si le capitaine a jugé un officier apte à assumer ses fonctions pendant les 50 jours de la campagne qui suivent 228) Le licenciement non motivé est dépourvu de cause réelle et sérieuse 229.

§2/ La procédure

A/ Le renvoi Il faut se référer aux dispositions du Code du travail (C. trav., art. L. 122-14 à L. 122-14-6) auxquelles le Code du travail maritime fait renvoi (C. trav. mar., art. 102-10). La procédure comporte :

1- un entretien préalable après convocation : l'employeur doit indiquer l'objet de la convocation mais il n'a pas à mentionner les motifs du licenciement ; 2- la notification du licenciement suivant des formes et des délais particuliers ; 3- la motivation de la lettre de licenciement.

224 Cass. soc., 27 mai 1992, Guillemette c/ SNCM : Juris-Data n° 1992-001401 : les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie ne sont pas prises en compte dans le calcul de l'ancienneté du marin 225 Cass. soc., 7 nov. 1989, Le Berre c/ Sté Secma : Juris-Data n° 1989-003660 226 Cass. soc., 19 déc. 1991 : Juris-Data n° 1991-003964 227 CA Montpellier, 4 févr. 2004 : Juris-Data n° 2004-242910 228 Cass. soc., 22 nov. 1990, Sté Ledun c/ Robert : Juris-Data n° 1990-004487 229 CA Aix-en-Provence, 6 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-057247

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Les formalités incombant à l'employeur peuvent être effectuées par le capitaine à bord du navire en vertu d'un mandat spécial.

L'article L. 102-20 du Code du travail maritime qui prévoyait des dérogations à ces formalités pour les marins engagés pour servir sur certains navires de pêche a été abrogé.

B/ La sanctions Le non-respect de ces formalités est sanctionné (C. trav., art. L. 122-14-4). En cas d'inobservation de ces formalités et si le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le marin pourra solliciter une indemnisation dans les mêmes conditions qu'en cas de résiliation unilatérale abusive 230. A ainsi été jugé que l'absence de motivation du licenciement le prive de cause réelle et sérieuse : le licenciement justifié par l'armateur par le seul arrêt d'une ligne, sans expliquer les raisons de cette cessation ni même les conséquences sur l'emploi est insuffisamment motivé 231.Est nulle toute transaction sur la rupture d'un contrat de travail conclue avant la notification du licenciement 232. §3/ Les droits du salarié en cas de licenciement

Le marin bénéficie d'un préavis (A), et d'une indemnité de licenciement (B).

A/ Le délai-congé

Le marin bénéficie d'un préavis sauf en cas de faute grave. Le préavis est d'un mois si le marin a une ancienneté de moins de deux ans et six mois au moins d'embarquement effectif et continu. Ce délai est doublé pour une ancienneté de plus de deux ans (C. trav. mar., art. 102-4). Ces délais légaux peuvent être augmentés ou la durée d'ancienneté requise réduite par contrat ou par convention collective.

L'inobservation du délai congé ne peut en aucune façon avancer la date à laquelle le contrat prend fin. En outre, sauf faute grave du salarié, elle ouvre droit à une indemnité compensatrice indépendante de l'indemnité de licenciement (C. trav. mar., art. 102-5). La cessation de l'entreprise, sauf cas de force majeure, ne dispense pas l'armateur de respecter le délai (C. trav. mar., art. 102-8).

Le point de départ du délai-congé doit permettre au marin de disposer à terre dans le port le plus proche de sa résidence, d'une période rémunérée au moins égale au quart de la durée du délai-congé, sans prise en compte des périodes rémunérées du fait des congés (C. trav. mar., art. 102-6). 230 C. trav. mar., art. 95 et 100. - V. pour l'absence d'entretien préalable : CA Montpellier, 4 févr. 2004 : Juris-Data n° 2004-242910 231 Cass. soc., 28 mars 2000 : DMF 2000, p. 704, obs. P. Chaumette ; Dr. soc. 2000, p. 656, note P. Chaumett. 232 Cass. soc., 7 avr. 1998, n° 95-41.652, inédit

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La dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le délai-congé ne doit entraîner, jusqu'à l'expiration de ce délai, aucune diminution des salaires et avantages 233.

B/ L’indemnité de licenciement

Le marin ayant plus de deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même armateur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité minimum de licenciement dont le taux et les modalités sont fixés par le décret n° 78-389 du 17 mars 1978, modifié par les décrets n° 83-470 du 8 juin 1983 et du 5 mai 1987 . Le montant de l'indemnité ne peut être inférieur au dixième de mois de salaire par année d'ancienneté (D. 17 mars 1978, art. 23). Pour bénéficier de cette indemnité, le marin doit remplir toutes les conditions prévues 234. Section 3 / Les dispositions spécifiques aux contrats à durée déterminée Les dispositions spécifiques aux contrats à durée déterminée s'analyse par le terme du contrat (§1), puis par la rupture anticipée (§2), et enfin par l'indemnité de fin de contrat (§3). §1/ Le terme du contrat Le contrat conclu pour un temps déterminé prend fin à l'expiration du temps pour lequel il a été conclu. Si le terme survient au cours du voyage, le contrat prend fin au premier port d'escale. Le contrat est cependant prolongé jusqu'à l'arrivée du navire dans un port de France si le bâtiment doit y retourner dans le délai d'un mois à compter de l'échéance du contrat (C. trav. mar., art. 102-22). §2/ La rupture anticipée Les causes communes de rupture citées à l'article 93 du Code du travail maritime s’appliquent. Le contrat à durée déterminée peut être rompu unilatéralement par les deux parties, sous réserve du respect du délai de préavis. Si le marin a commis une faute lourde, la procédure est celle du congédiement. La résiliation unilatérale ne doit pas être abusive et n'est possible qu'en présence d'une faute grave du marin 235 .À défaut, ce dernier pourra être indemnisé 236. 233(C. trav. mar., art. 102-6. - Cass. soc., 7 mars 1991, n° 89-41.716, Tillier c/ Normandy ferries, inédit).

234(CA Aix-en-Provence, 27 déc. 1987, Tristani c/ Bordeaux Shipping Garrowste : Juris-Data n° 1987-050901. - Cass. soc., 6 déc. 1995, SA Nord Pêcheries c/ Sauvage : Juris-Data n° 1995-003637). 235 CA Pau, 24 sept. 1993 : Juris-Data n° 1993-044851 236 sur la fixation du montant de l'indemnité : CA Rennes, 31 mars 1988 : Rev. jur. Ouest 1990, p. 81, note P. Chaumette. - CA Pau, 10 mars 2004 : Juris-Data n° 2004-042349

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§3/ L’indemnité de fin de contrat Lorsque les relations contractuelles ne se poursuivent pas à la fin d'un contrat à durée déterminée, le marin perçoit une indemnité de fin de contrat constituant un complément de salaire. Cette indemnité est calculée en fonction de la rémunération du marin et de la durée du contrat. Un taux minimum est fixé par voie réglementaire (D. n° 83-796, 6 sept. 1983, art. 3). Aucune indemnité n'est versée en cas de faute grave du marin, de force majeure ou de non renouvellement par le marin d'un contrat comportant une clause de report de terme (C. trav. mar., art. 102-24). L'indemnité n'est pas due pour certains contrats spécifiques visés à l'article 10-7 du Code du travail maritime. Section 4/ Les dispositions propres à certains contrats

1§/ Les dispositions spécifiques du Code du travail maritime

L'étude de ce paragraphe portera sur le capitaine (A), puis sur les délégués du personnel et les autres représentants (B), et enfin sur les marins mis à la disposition (C).

A/ Le capitaine

La loi 18 novembre 1997 237 a étendu au capitaine les dispositions du licenciement qui ne l'avaient pas été par la loi du 18 mai 1977. Désormais, le contrat conclu entre un armateur et un capitaine prend fin dans les mêmes conditions que tout contrat d'engagement maritime. Toutefois, l'application des dispositions du mandat confié au capitaine par l'armateur est indépendante de la procédure de licenciement du capitaine 238. B/ Les délégués du personnel et les autres représentants

Le Code du travail (C. trav., Livre IV, Titre II) a prévu une protection particulière pour le licenciement de certains salariés : membres du comité d'entreprise, délégués du personnel. Une partie de ce dispositif s'applique aux entreprises d'armement. Pour le personnel non embarqué, le livre IV du titre II s'applique. Pour le délégué de bord, un régime similaire a été institué par le décret n° 78-389 du 17 mars 1978 : son licenciement doit obligatoirement être soumis à l'assentiment du comité d'entreprise.

L'inobservation de la procédure de licenciement, si elle peut donner lieu à réparation, ne rend pas la rupture abusive et ne dispense pas la juridiction de rechercher si le licenciement ou le refus de réintégration n'est pas légitimé par une faute grave privative des indemnités pour le marin 239.

237 L. n° 97-1051 : Journal Officiel 19 Novembre 1997, n° 268 238 C. trav. mar., art. 109 239 Cass. soc., 21 nov. 1990, Sté Corouge Scaviner et Chaulet c/ Quistrebert : Juris-Data n° 1990-003381. - CA Amiens, 1er févr. 1993, Synd. Pilotes c/ Vanderhaege : Juris-Data n° 1993-040658

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Le régime de droit commun s'applique aux membres des comités d'entreprise des armements ; les dispositions de l'article L. 436-1 sur la procédure prévue lorsque le licenciement d'un membre titulaire ou suppléant du comité est envisagé par l'armateur, ne peuvent en aucun cas faire obstacle à l'application du Code du travail maritime et du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande. C/ Les marins mis à la disposition Lorsqu'un marin, mis par l'armateur au service duquel il était engagé à la disposition d'une filiale étrangère à laquelle il est lié par un contrat, est licencié par cette filiale, l'armateur doit le rapatrier et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses fonctions précédentes. Si l'armateur entend néanmoins le congédier, il doit respecter les conditions prévues par le Code du travail maritime (C. trav. mar., art. 102-19).

§2/Les dispositions spécifiques du RIF

Les dispositions spécifiques du RIF portent sur les motifs de rupture (A), puis sur les droits des parties (B).

A/ Les motifs de rupture Le contrat d'engagement ou de mise à disposition prend fin à l'échéance prévue. Il est également rompu pour des raisons extérieures aux parties : perte totale de navigabilité, désarmement du navire, décision du navigant si le navire fait route vers une zone de guerre. Le contrat prend fin par décision unilatérale de l'armateur en cas de faute grave ou lourde du navigant ou pour un motif réel et sérieux. Cette décision doit alors être motivée 240.

Le contrat peut enfin être rompu par les parties avant l'échéance prévue ou cours de la période d'essai, les trois premiers mois de service durant la première période d'emploi du navigant auprès d'un armateur.

B/ Les droits des parties Le délai de préavis réciproque est d'un mois mais ce délai ne s'applique qu'en cas de rupture autre que pour des raisons extérieures aux parties et en l'absence de faute lourde ou grave du navigant 241.

Des indemnités d'un montant minimal de deux mois de salaire sont dues au salarié sauf en cas de faute lourde ou grave. Elles ne sont également pas versées en cas de rupture du contrat pendant la période d'essai 242.

240 L. n° 2005-412, 3 mai 2005, art. 19 241 L. n° 2005-412, 3 mai 2005, art. 19 242 242 L. n° 2005-412, 3 mai 2005, art. 19

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Chapitre 2 Le contentieux relatif au contrat d'engagement maritime Le contentieux du travail maritime relève de spécificités historiques : compétence du tribunal de commerce pour les litiges opposant le capitaine de navire à l’armateur, fondé sur la commercialité ancienne du capitaine, compétence du tribunal d’instance pour les marins, faute d’une insertion des marins dans les réformes des conseils des prud’hommes de 1979 et 1982. Ces particularités concernent les marins de l’administration, qui sont des contractuels de droit maritime, et non des fonctionnaires ou des contractuels de droit public. Ces spécificités concernent les litiges individuels de travail, quand les litiges collectifs relèvent essentiellement du tribunal de grande instance. Il convient d'étudier les compétences juridictionnelles (section1), puis la procédure (section 2). Section 1/ Les compétences juridictictionnelles Il existe la compétence rationae materiae (§1), et la compétence rationae loci (§2). Le contrat de louage de services, conclu entre un armateur ou son représentant et un marin, est régi, en dehors des périodes d’embarquement du marin, par les dispositions du Code du travail (C. trav. mar., art. 4). Cet article détermine tant le régime juridique du contrat, le Code applicable, que la compétence juridictionnelle.

Il distingue les périodes d’embarquement, maritimes, et les autres périodes terrestres. Certaines juridictions retenaient comme critère distinctif le moment d’apparition du litige, selon une interprétation littérale. Si le marin engage la phrase de conciliation du litige, ou saisit le juge, alors qu’il se trouve à terre, il s’agit d’un litige terrestre, de la compétence du conseil de prud’hommes 243. En pratique, il en résulte la disparition des litiges maritimes, le marin saisissant toujours le tribunal quand il est a terre. Cette interprétation est conforme au modèle du contrat d’engagement au voyage, qui est borné par l’embarquement et le débarquement du marin, qui ne comprenait pas de périodes où le marin n’est pas à bord du navire, jusqu’à l’instauration des congés payés.

C’était lors de la liquidation des comptes, dans les services mêmes des affaires maritimes que le marin émettait sa contestation, à l’issue de l’embarquement. Les autres litiges concernaient un éventuel travail à terre du marin. Cependant, ce n’est pas le moment d’apparition du litige qu’il convient de considérer, mais l’objet du litige. L’article 4 devrait être réécrit, car le contrat d’engagement maritime est devenu un contrat de travail particulier comportant le plus souvent des périodes de travail nautiques et des périodes consécutives à l’embarquement où le marin n’est plus à bord, mais à terre. 243 CA Paris, Novembre 1960 et 6 octobre 1966, DMF 1968, 717 – CA Paris, 12 juillet 1982, DMF 1983, 179, note R. Jambu-Merlin – CA Montpellier, 12 octobre 1983.

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Il convient de ne soumettre au droit terrestre que les périodes où le marin travaille à terre. La

compétence juridictionnelle est déterminée par l’objet du litige. Si le litige découle du contrat d’engagement, donc du travail à bord, d’un accident du travail maritime, de l’obligation de rapatriement, s’il est relatif aux congés consécutifs à une période d’embarquement, à une période de suspension du contrat d’engagement, il s’agit d’un litige maritime 244.

Est de la compétence du tribunal d’instance un litige découlant de l’issue apportée au contrat d’engagement maritime, au terme d’une période d’accident du travail maritime, sans correspondre à la période où, après débarquement, le marin aurait travaillé à terre 245. Mais la cour d’Appel d’Aix-en-Provence retient une délimitation différente : à la suite d’un accident maritime, un marin est déclaré inapte à la navigation ; en l’absence d’inscription au rôle d’équipage, le litige sur le sort de son contrat relève de la compétence prud’homale 246.

La cour d’appel considère que son contrat d’engagement maritime s’est transformé en contrat de travail terrestre, puisqu’il se trouve hors des périodes d’embarquement, ce qui tend à reprendre le critère littéral et temporel, à la place du critère fonctionnel. Il est vrai que l’éventualité du reclassement à terre du marin, inapte à la navigation, nécessite de consulter le médecin du travail et les délégués du personnel, et non le médecin des gens de mer et les délégués de bord, ce qui transfère le contrat d’engagement maritime vers la terre.

§1/ La compétence rationae materiae Les litiges concernant les contrats d'engagement maritime relèvent de la compétence du Tribunal d'instance (A), les marins étrangers ne peuvent pas saisir le Tribunal d'instance (B). Le contrat d'engagement maritime est régi par les dispositions du Code du travail en dehors des périodes d'embarquement (C).

Le Tribunal de commerce est compétent pour connaître des litiges entre l'armateur et le capitaine (D).Certains litiges les opposant aux armateurs relèvent de la compétence prud’homale(E).

A/ Le tribunal d'instance

Le décret n° 59-1337 du 20 novembre 1959 a attribué compétence aux tribunaux d’instance pour trancher des litiges s’élevant entre les marins et l’armateurs ou leurs représentants, en ce qui concerne les contrats d’engagement régis par le Code du travail maritime, après tentative de conciliation devant l’administration des affaires maritimes 247.

Le tribunal d’instance est donc, en principe juge du contrat d’engagement, dès lors que le litige

a sa source dans la conclusion, l’exécution ou la rupture du contrat d’engagement. Il en est de même des actions en responsabilité pour fautes commises dans l’exécution de contrat d’engagement (D. 20 novembre 1959, art. 2). 244 CA Aix-en-provence, 24 février 1983, DMF 1983, 601 – CA Rennes, 4 janvier 1984, DMF 1984, 537, note R. Le Brun – CA Rennes, 10 janvier 1985, DMF 1986, 368, note P. Chaumette – Cass. Soc., 12 janvier 1993, Dr. Soc. 1993, 444, note P. Chaumette. 245 TI Marseille, 29 mars 1999, Rognoni 246 CA Aix-en-Provence, 9e ch., 26 juin 2003, n° 03/01051, Vialis c/SNCM 247 D. n° 59-1337, 20 novembre 1959, JO 25.

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Selon le décret du 20 novembre 1959, l’administrateur des affaires maritimes et le tribunal d’instance compétents sont définis par référence à un port, compris dans leur ressort de compétence. Quand le litige naît dans un département français, soit au port d’embarquement, soit dans un port d’escale, soit au port de débarquement, l’administrateur des affaires maritimes et le tribunal d’instance compétents sont ceux de ce port (D. 20 novembre 1959, art.3). Dans les autres cas, et lorsque l’instance ne peut être suivie du fait du départ du navire, il convient de distinguer selon que l’armateur ou le marin sont demandeurs. Si la contestation est soulevée par l’armateur, détermine la compétence le port où le marin est domicilié où résident, ou le port où le marin se trouve momentanément. Si la contestation est soulevée par le marin, il s’agit du port où l’armateur a son principal établissement maritime ou une agence et, à défaut, du port d’attache du navire (D. 20 novembre 1959, art. 3).

Cette compétence suppose que les conditions du Code du travail maritime soient réunies , le

litige ne relèvera du Tribunal d'instance que si le salarié en cause est un marin 248. Pour déterminer la juridiction compétente, il faut vérifier les fonctions exercées réellement par le salarié au moment du litige et non celles pour lesquelles il a été initialement engagé 249.

B/ Le navire étranger

Le décret n° 59-1337 du 20 novembre 1959 ne concerne que les navires français et les marins servant sur un navire étranger même engagés en France ne peuvent s'en prévaloir, les contrats n'étant pas régis par le Code du travail maritime 250. N'est pas applicable au travail maritime l'article R. 157-1 du Code du travail qui permet à un salarié de porter un différend lié à un engagement souscrit en France, devant les juridictions françaises 251.

C/ Les période hors embarquement Le contrat d'engagement maritime est régi par les dispositions du Code du travail en dehors des périodes d'embarquement (C. trav. mar., art. 4). Cette disposition n'est pas sans conséquence sur la détermination de la juridiction compétente. Si l'on retient comme critère distinctif le moment d'apparition du litige, le litige sera porté devant le Conseil des prud'hommes s'il est né en dehors des périodes d'embarquement 252.Cependant, la distinction aujourd'hui s'opère plus en fonction de l'objet du litige , élargissant ainsi la compétence du Tribunal d'instance.

248 Cass. soc., 28 nov. 2002 : supra n° 14. - pour un ouvrier ostréicole qualifié de marin : CA Rennes, 18 déc. 2003 : Juris-Data n° 2003-235697 249 Cass. soc., 15 mars 1972 : DMF 1972, p. 403, note P. Lureau 250 Cass. soc., 28 juin 2005 : Juris-Data n° 2005-029193, pour navire immatriculé à Guernesey 251 TI Dunkerque, 19 juin 1980, Hakam Singh c/ Sté Transorient : Juris-Data n° 1980-000233 confirmé par CA Douai, 16 juin 1982 : Juris-Data n° 1982-697417. 252 CA Paris, 21 nov. 1960 : DMF 1961, p. 406. - CA Paris, 12 juill. 1982, Queguiner c/ CGM : DMF 1983, p. 179, note de R. Jambu-Merlin. - CAA Nantes, 2 juin 2000 : Juris-Data n° 2000-118154.

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D/ Le tribunal de commerce

Les litiges survenus entre les armateurs et les capitaines sont soumis à la juridiction commerciale ; cette compétence n’est pas limitée aux périodes d’embarquement. (D. n° 59-1337, 20 novembre 1959, JO 25.). Le décret du 20 novembre 1959 confie au tribunal de commerce compétence pour statuer sur les litiges opposant le capitaine de navire et l’armateur 253.

Le capitaine est celui qui exerce régulièrement en fait le commandement d’un bâtiment, quels qu’en soit le tonnage, l’affectation et l’effectif de son équipage.254. Il ne saurait y avoir qu’un seul capitaine à bord d’un navire, exerçant la fonction de commandement 255. Il semble qu’il y ait toujours un commandant de bord, dit capitaine, dès lors qu’au moins un marin professionnel est à bord. Est capitaine d’un yacht celui qui le conduit, l’entretient, en a la responsabilité, même en l’absence d’autres salariés, il est amené à effectuer divers travaux domestiques au service du propriétaire du navire 256.

Peu importe que le capitaine n’assume pas effectivement les fonctions de mandataire commercial de l’armateur, le litige l’opposant à l’armateur relève des magistrats consulaires 257. Si un pilote est amené fréquemment à exercer d’autres fonctions que le commandement de la pilotine, il assure seul et régulièrement lorsqu’il conduit les vedettes de pilotage le commandement de celle-ci, à l’exclusion du chef de pilotage, du pilote de vigie et du pilote chargé du matériel qui ne sont pas à bord de la pilotine et ne peuvent donc prendre les mesures qui s’imposent et effectuer les choix de commandement liés à la conduite et à la sécurité. L’activité de conduite des pilotines ne peut être considérée comme subsidiaire, alors que l’embauche des pilotes est subordonnée à la détention du brevet de patron de petite navigation et que les rapports produits mettent en évidence des temps consacrés à la maintenance limités, alors que l’essentiel du travail est consacré au service des navires 258. Pour les litiges entre capitaine et armateur, relevant de la juridiction commerciale, la compétence territoriale est déterminée par les règles de droit commun. Les articles 42 et 46 du nouveau Code de procédure civile retiennent la compétence du tribunal du lieu d’exécution du contrat, du lieu du domicile du défendeur ou du lieu du paiement. 259. Le lieu de la prestation de service peut permettre la saisine du tribunal du port d’attache du navire, quand l’armateur réside au port d’attache 260.

253 Cass. Soc., 5 janvier 1995, Bride, DMF 1995, 740 254 Cass. Soc., 15 mars 1972, Bull. civ.V, n° 224 ; DMF 1972, 403, note P. Lureau – CA Bordeaux, 1er avril 1997, Synd. Professionnel des pilotes de la Gironde. 255 CA Paris, 21 novembre 1960, DMF 1961, 406 – Cass. Crim., 19 juillet 1969, D. 1969, D. 1969, p. 603 256 CA Aix-en-Provence, 21 mars 1988, Hocherl c/Stopa, juris-Data n° 049422 257 CA Rennes, 10 janvier 1985, DMF 1986, 368 – CA Rennes, 10 juin 1987, DMF1988, 677 258 CA Douai, 1er ch., 27 mai 2002, M. Lebègue c/station de pilotage synd. des pilotes de Dunkerque, DMF 2003, p. 31-40, note P. Chaumette – dans le même sens CA Bordeaux, 1er avril 1997, Synd. professionnel des pilotes de la Gironde – et Cass soc., 15 juin 1999. 259 T. com. Saint-Malo, 18 décembre 1956, DMF 1957, 176, note J.P. Govare CA Lyon, ch. Urgences, 16 décembre 1991 260 CA Aix-en-Provence, 21 mars 1988, Hocherl c/Stopa, juris-Data n° 049422

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L’effet interruptif de la prescription, résultant d’une action en justice se prolonge jusqu’à ce que le litige trouve sa solution, en application de l’article 2244 du Code civil.

Le lieutenant avait saisi l’administrateur des affaires maritimes de la tentative de conciliation préalable obligatoire à l’action devant le tribunal d’instance statuant en matière maritime, dans le délai d’un an prévu fixé par l’article 11 du décret du 20 novembre 1959, même si le tribunal d’instance n’a ensuite été saisi que plusieurs années plus tard 261.

E/ Le Conseil de prud’hommes Les personnels navigant doit être inscrit sur les listes électorales prud’homales, puisqu’il résulte des articles 4 du Code du travail maritime et L. 511-1 du Code du travail que certains litiges les opposant aux armateurs relèvent de la compétence prud’homale 262 .Les officiers de marine marchande relèvent de la section encadrement des conseils de prud’hommes ; l’activité maritime étant commerciale, les marins sont rattachés à la section commerciale des ces mêmes conseils, le plus souvent.

§2/ La compétence rationae loci

La compétence rationae loci est différente selon que les litiges concernent les marin et les armateurs (A), ou un litige entre un amateur et un capitaine (B).

A/ Les litiges marins - armateurs

Si le litige naît dans un département français au port d'embarquement ou au port de débarquement, le Tribunal d'instance ou l'administrateur des affaires maritimes compétent est celui de ce port. Dans les autres cas, la compétence varie selon la qualité du demandeur. Si le demandeur est le marin, le tribunal compétent est celui du port où l'armateur a son principal établissement maritime ou une agence ou à défaut, du port d'attache du navire. Si l'armateur est en demande, le tribunal du port du domicile ou de la résidence du marin ou celui du port où se trouve momentanément le marin est compétent 263.

261 Cass. soc., 24 mars 2004, n° 02-40.574, Cie Méridionale de navigation c/M. Paris, DMF 2005, 146 262(TI Bordeaux, 26 octobre 1992, Blanco.). 263(D. n° 59-1337, 20 nov. 1959, art. 3).

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B/ Le litige avec un capitaine

Ces règles ne s'appliquent pas au litige entre un amateur et un capitaine. La compétence est déterminée par les règles de droit commun. Est ainsi compétent le tribunal du lieu d'exécution du contrat, du lieu du paiement ou du domicile du défendeur 264. Le lieu de la prestation de services peut conduire à la compétence du tribunal du port d'attache s'agissant d'un armateur étranger résidant dans ce port 265.

Section 2 La procédure

§1/ La Conciliation

Sauf pour les litiges opposant le capitaine et armateur, les parties doivent se présenter

spontanément devant l’administrateur des affaires maritimes en vue de la tentative de conciliation. En cas de conciliation, l’administrateur dresse un procès verbal des conditions de l’arrangement. Le procès verbal constate la novation du contrat, en ce qui concerne les points de l’accord. En cas d’échec de la conciliation, l’administrateur dresse un procès verbal, dont il est remis une copie au demandeur contenant permission de citer devant le tribunal d’instance compétent.

Quand l’instance ne peut être suivie de fait du départ du navire, le demandeur n’a pas à reprendre une nouvelle tentative de conciliation devant l’administrateur ; il peut citer devant le tribunal compétent, en produisant le procès verbal de non-conciliation (D. 20 novembre 1959, art. 4).

La compétence de ce dernier est déterminée selon les mêmes règles que pour le Tribunal

d’instance. Cette tentative de conciliation constitue une formalité substantielle pouvant être sanctionnée par la nullité de la procédure 266. À défaut de présentation spontanée des parties devant l'administrateur, celui-ci les convoque par voie administrative.

Les parties peuvent être représentées par un délégué permanent ou non, des organisations syndicales de marins ou d'armateurs. En dehors des hommes de lois, toute représentation par des personnes étrangères à la profession est impossible. L'administrateur peut ordonner la comparution personnelle des parties.

264(CPC, art. 42 et 46. - T. com. Saint-Malo, 18 déc. 1956, Chevalier c/ Gavini : DMF 1957, p. 176, note J.P. Govare 265(CA Aix-en-Provence, 21 mars 1988, Hocherl c/ Stopa : Juris-Data n° 1988-049422). 266 CA Aix-en-Provence, 4 mai 2004, Navire Paul Gauguin : DMF 2004, p. 908, obs. P. Chaumette

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§2/ La phase judiciaire

A/ La procédure

Devant le tribunal d'instance, les parties peuvent se faire représenter dans les mêmes conditions que pour la conciliation.

Le tribunal d’instance statue d’urgence ; les citations sont délivrées par le greffe ; elles peuvent être données de jour à jour ou d’heure en heure. Est valable toute citation donnée à bord à une personne inscrite au rôle d’équipage.

Les parties sont réputées de plein droit avoir fait élection de domicile au bureau de l’administrateur des affaires maritimes, sauf élection de domicile faite dans la même ville, même pour la signification du jugement définitif, lorsqu’elles n’ont ni domicile, ni résidence, ni établissement dans le lieu où se trouve le tribunal, lorsque les citations à l’armateur ne peuvent être délivrées au capitaine à bord du navire. Les significations sont délivrées aux parties par l’administrateur par voie administrative (D. 20 novembre 1959, art. 5 à 7). En conciliation ou devant le tribunal d’instance, les parties peuvent se faire assister ou représenter soit par un salarié ou un employeur de la même branche d’activité, soit par un avocat ou un délégué ou représentant syndical. Le mandataire doit justifier d’un pouvoir qui peut être donné au bas de l’original ou de la copie de la convocation en conciliation ou de l’assignation devant le tribunal ; l’avocat est dispensé de toute procuration. Le tribunal, comme l’administrateur, peut ordonner la comparution personnelle des parties (D. 20 novembre 1959, art.8). Tout jugement est transmis par lettre recommandée dans le délai de trois jours par le greffier du tribunal aux parties, à leur domicile élu, et à l’administrateur. L’opposition n’est recevable que si le litige peut donner lieu à appel. Le délai d’appel commence à courir du lendemain du jour de réception du jugement par la partie intéressée (D. 20 novembre 1959, art. 9 et 10). Quand le tribunal d’instance statue, dans un litige relevant du Code du travail maritime, il intervient en matière prud’homale ; dès lors, la cour d’appel ne peut déclarer irrecevable l’appel interjeté par le marin par déclaration au greffe du tribunal d’instance, en exigeant le respect des formes prévues en matière de procédure avec représentation obligatoire 267.

267 Cass soc., 18 décembre 1958, Bull. civ. IV, n° 1370 – Cass. soc., 29 juin 1960, Bull. civ., IV, n° 704 – Cass. soc., 4 janvier 1968, Bull. civ. V, n° 7 – Cass. soc., 14 octobre 1997, Dr. soc. 1998, 205, note M. Morin ; DMF 1998, 240, note P. Chaumette.

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B/ Le recours

Le jugement est transmis dans le délai de trois jours par le greffier du tribunal aux parties et à l'administrateur des affaires maritimes (D. n° 59-1337, art. 9). L'opposition n'est recevable que si le litige ne peut donner lieu à appel. Le délai d'appel court du lendemain de la réception du jugement par la partie intéressée. Le recours est régi par les règles applicables en matière prud'homale, impliquant notamment la dispense de constitution d'un avoué 268.

C/ La prescription annale

Il était dans la tradition commerciale du droit maritime d’opposer des prescriptions courtes d’un an, concernant les actions contractuelles, et la prescription quinquennale des salaires depuis 1971. Toutes actions ayant trait au contrat d’engagement sont prescrites un an après le voyage terminé 269. Ce texte s’appliquait quelle que soit la durée du contrat d’engagement, au voyage, à durée déterminée ou indéterminée, quelle que soit la qualification du marin 270.

La référence à la durée du voyage ne limitait pas la portée de ce texte au contrat conclu au voyage. La citation devant le tribunal d’instance n’étant intervenue que le 12 septembre 1997, sans saisine préalable de l’administrateur des affaires maritimes, à propos d’une transaction conclue le 14 mai 1996, l’action du marin est irrecevable, car prescrite 271. Depuis la loi n° 71-586 du 16 juillet 1971, l’action en paiement du salaire se prescrit par un délai de cinq ans (C. com., art. 433-1 – C. trav., art. L. 143-14).

Doivent être exclus de la notion de salaire, d’une part les remboursements de frais professionnels, d’autre part les indemnités réparatrices d’un préjudice, c’est à dire les dommages-intérets, l’indemnité de licenciement, enfin les primes d’intéressement ou de participation. Les indemnités pour rupture abusive ne sont pas de nature salariale 272 , à la différence de l’indemnité de préavis 273. La jurisprudence a reconstruit les textes, banalisé les prescriptions en matière de travail maritime. Elle oppose essentiellement la prescription quinquennale des salaires à la prescription trentenaire des actions contractuelles. La prescription annale est réduite à l’obligation de nourriture. “ Il résulte des dispositions combinées des articles 433-1 du Code du commerce et 2277 du Code civil, auxquelles ne peuvent faire échec celles de l’article 11 du décret du 20 novembre 1959, que se prescrivent par cinq ans les actions en paiement des salaires et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; la cour d’appel a exactement décidé que l’action en paiement de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’indemnité de licenciement, qui trouvent leur cause dans la rupture du contrat et non dans la prestation de travail, était soumise à la prescription trentenaire de droit commun ” 274. 268 cass. soc., 14 oct. 1997 : Dr. soc. 1998, p. 205, note M. Morin ; DMF 1998, p. 240, obs. P. Chaumette. - CA Aix-en-Provence, 15 mai 2001 : Juris-Data n° 2001-148313). 269 D. 20 novembre 1959, art. 11 270 CA Rennes, 19 juin 1986, DMF 1986, 479 – TI Marseille, 28 septembre 1989, DMF 1991, - CA Rennes, 12 février 1991, CR /O Rennes n° 62802). 271 TI Marseille, 29 mars 1999, Rognoni. 272 CA Rouen, 2 juillet 1981, DMF 1982, 284 273 CA Rennes, 12 février 1991, CR/O Rennes n° 62802 274 Cass. soc., 27 février 2002, Sté Jéro-Quéré c/Le Coz, chalutier Boulinet, DMF 2002, p. 608-612, note P. Chaumette

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La cour de cassation introduit une distinction entre les actions qui trouvent leur cause dans la rupture du contrat de travail et celles trouvant leur cause dans la prestation de travail. Cette seconde catégorie semble issue de l’interprétation de l’ancien article 433 du Code du commerce, devenu art. L. 110-4-II 275.

Sont prescrites toutes les actions en paiement… pour nourriture fournie aux matelots par l’ordre du capitaine, un an après la livraison Ainsi la prescription annale paraît réservée aux actions en paiement, nées de la prestation de travail, telle la nourriture. Il en va peut être de même d’un remboursement de frais professionnels, né de la prestation de travail. Il en résulte un encadrement extrêmement strict de la prestation annale, l’article 11 du décret du 20 novembre 1959 étant réduit aux dispositions de l’article L. 110-4-II du Code de commerce, c’est à dire l’obligation de nourriture.

Un second arrêt a confirmé cette reconstruction des textes, rendant l’article 11 du décret du 20 novembre 1959 transparent. Le patron pêcheur avait obtenu des dommages intérêts suite à une avarie ayant interrompu l’activité ; les marins débarqués ont saisi le tribunal d’instance statuant en matière maritime d’une demande en paiement d’une somme au titre des salaires entre leur débarquement et la cessation de leur contrat. Le prescription des salaires est de 5 ans (C. civ., art. 2277), mais leur demande était liée à l’indemnisation d’un préjudice lié à créance commerciale. “ Les dispositions réglementaires invoquées, art. 11 du décret n° 59-1137 du 20 novembre 1959, ne peuvent faire échec à l’application de l’article L. 110-4 du Code du commerce, selon lequel les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans, si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ” 276. Les dispositions réglementaires du décret du 20 novembre 1959 semblent devoir laisser place aux dispositions légales. 276 Cass. soc., 26 juin 2002, n° 00-44.984 et n° 00-44.985, Perez et Gomez c/Carbonne, inédit.

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CONCLUSION Le droit social maritime est un droit spécifique dont l'autonomie est aujourd'hui de plus en plus limitée, du fait du législateur et de la jurisprudence. Ainsi, la loi nouvelle terrestre s'applique désormais aux marins, sauf disposition spécifique du législateur.

Le champ d'application du Code du travail maritime est limité au contrat conclu entre un armateur et un marin ayant pour objet l'accomplissement d'un service à bord d'un navire battant pavillon français. La définition du marin pose difficultés. Le Code du travail maritime ne s'applique pas aux registres secondaires des Territoires d'outre-mer tel Wallis et Futuna. La loi du 3 mai 2005 portant création du Registre international français (RIF) contribue à l'application d'un droit social maritime parallèle. La détermination de la loi applicable au contrat de travail est primordiale. Le contrat d'engagement maritime obéit à un formalisme spécifique. Le contrat est conclu pour une durée indéterminée, pour une durée déterminée ou au voyage. La durée du temps de travail fait l'objet d'une réglementation spécifique même si la loi sur les 35 heures a été étendue aux entreprises d'armement. La rémunération est libre, ce principe étant tempéré par l'application du SMIC dans des conditions particulières aux entreprises d'armement. Le contrat d'engagement n'est plus rompu par la mise à terre pour cause de blessure du marin. En cas d'accident ou de maladie professionnelle survenu en cours d'embarquement, le contrat est suspendu et le marin est soigné aux frais du navire. Si le licenciement a été étendu aux marins et aux capitaines, la rupture du contrat d'engagement maritime connaît encore des particularités. Seuls certains marins peuvent bénéficier du licenciement, pour les autres s'appliquent les règles du congédiement. Des causes de rupture particulières au droit maritime telles le naufrage peuvent enfin être appliquées. Excepté quelques particularités telles l'institution des délégués de bord, les relations collectives du droit social maritime sont régies par les mêmes dispositions qu'en droit terrestre.

Les litiges avec les armateurs relèvent de la compétence du Tribunal d'instance pour les marins et du Tribunal de commerce pour les capitaines. La prescription annale applicable aux actions relatives au contrat d'engagement maritime a vu son champ d'application fortement réduit par la jurisprudence

Ce sont les hommes, les marins, qui donnent à ce milieu son caractère spécifique. Le marin n'est pas un travailleur assimilable au salarié d'entreprise. D'ailleurs, a-t-on le droit de comparer le navire à une entreprise sans risquer de faire perdre à cette catégorie socioprofessionnelle son identité? 277 M. Le Bihan-Guénolé, Droit du travail maritime, "Spécificité structurelle et relationnelle", L'har(mattan, 2001).

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L. Courcol L'application des 35 heures dans la marine marchande : DMF 1999, p. 891

Ch. Eoche-Duval La crise du droit du travail maritime ou l'appel de la terre : Dr. Soc. nov. 1995, p. 896 L'adaptation du SMIC au secteur de la pêche : spécificité strictement maritime ou laboratoire d'essai à l'usage terrestre ? : Dr. soc., 1998, p. 430 Effectifs autorisés, effectifs embarqués : DMF 2002, p. 691

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TABLES DES MATIERES

REMERCIEMENTS 2 SOMMAIRE 3 INTRODUCTION 4 Partie 1 / LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL 12 Chapitre 1/ La conclusion du contrat d'engagement maritime 12 Section 1/ les parties au contrat d'engagement maritime 12 §1 /Un contrat conclu avec un armateur 13 A/ La notion d'armateur 13 B/ La succession d'armateur 14 C/ Les sociétés de manning 14 §2/ Un contrat conclu avec un Marin 15 A/ Les régles générales applicables à l'équipage 15 a/Le marin embarqué 15 1/ Le travail maritime 16 2/ Le lien juridique avec l'armateur 19 b/ Le marin en dehors d'une période d'embarquement 20 B/ Les conditions d'accés à la profession. 22 a) L'aptitude physique et morale 22 1/ L'aptitude physique 22 2/ La moralité 23 b) La formation professionnelle 24 c) La nationalité 24 1/ Le privilège de nationalité 24 2/ La jurisprudence 24 3/ Les membres de l'équipage 25 4/ Le TAAF 25 5/ Le RIF 25

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d/ Le recrutement 26 1/ L' article 6 du Code du travail maritime 26 2/ l' embauchage directe 26 3/ Le placement par entremise 26 4/ Le RIF et les entreprises de travail maritime 26 5/ Le Contrat de mise à disposition 27 6/Le principe de non-discrimination 27 Section 2 Les formalités du contrat d'engagement maritime 27 §1/ Le formalisme civil 27 A/ Écrit et mentions obligatoires 27 B/ Les sanctions 28 C/ Les Formalisme et RIF 28 §2/ Le formalisme administratif 28 §3/ La publicité et information 28 Section 3/ La durée du contrat d'engagement maritime 29 §1/ La durée indéterminée 30 §2/ La requalification de CDD en CDI 30 §3/ La durée déterminée 31 §4/ Les contrats spécifiques 31 CHAPITRE 2 LES PARTICULARITES DE L'EXECUTION DU CONTRAT D'ENGAGEMENT MARITIME 32 Section 1 Les conditions de travail à bord des navires 33 §1/ Le temps de travail 33 A/ L’organisation du travail 34 a/ La répartition du travail 34 b/ Les effectifs à bord des navires 35 B/ La durée du travail 36 a/ La définition du temps de travail effectif 36 b / L’évolution de la durée de travail des gens de mer 37

c/ La Durée légale du travail 40 1/ La durée quotidienne de travail 41 2/ La durée maximale annuelle et hebdomadaire de travail 41 3/ Les disposition spécifique au RIF 42 d/ Le tableau de l’organisation du travail et des heures de travail 42

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C/ Les heures supplémentaires 44

a/ Les Conditions 44 b/ Le repos compensateur 44 c/ La rémunération des heures supplémentaires 45

D/ Le repos 45 a/ Le repos quotidien 45 b/ Le repos quotidien pour les navires de pêche 46 c/ Le repos hebdomadaire 46 d/ Les dispositions spécifiques au RIF 46

E/ L'astreinte 46

§2/ Les conditions matérielles particuliéres 46 A/ Hygiéne et sécurité 47 Β/ Les normes de bruit 48 C/ La nourriture et le couchage 49

a/ La nourriture 50 b/ Le couchage du marin 51

D/ La protection de la santé, soins médicaux, bien être et protection en matiére de sécurité sociale 51 E/ Le sort du marin ayant un probléme de santé au service du navire 52

a/Le rapatriement 52 b/le droit d’alerte et de retrait 53 c/La maladie ou blessure au service du navire 54 d/faute intentionnelle ou inexcusable du marin 54 e/ L’accident de travail maritime 55 f/ La maladie au service du navire 55

Section 2/ La discipline 56 Section 3/ La rémunération 56

§1 Les Généralités 57 A) Fixation du salaire 57

a/ Principe de liberté 57 b/ Salaire minimum 57

B) Modes de rémunération 58 a/ Généralités 58 b/ Montant de la rémunération au profit 58 §2/ Les situations spécifiques pour la rémunération 59

117

A) L' absence du marin 59

a/ La perte du salaire 59 b/ La rétention des salaires 59 c/ L'absence de clause pénale 59

B) Interruption du voyage 59

a/ L' interruption due à l'armateur 60 b/ L'interruption par cas fortuit 60 c/ La disparition du marin ou du navire 60

§3/ Le paiement des salaires 60

A) La liquidation et le paiement 60 a/ Les dispositions applicables 61 b/ Le rôle de l'autorité maritime 61 B) Les avances, les acomptes et les délégations 61 a/ L' avance 61 b/ L'acomptes 61 c/ Les délégations 62

C) Litiges sur les salaires 62 a/ Les saisies et les cessions de salaires 62 b/ La prescription 62 c/ La transaction 62 d/ Les garanties de paiement 63 e/ La législation internationale 63

Section 4 La suspension des obligations 63

§1 Les Congés 64 A/ Les congés payés 64 B/ Autres congés 64 §2 La Maladie et l'accident 65 A/Les généralités 65 a/L'ENIM 65 b/ Les Textes 65 c/La définition 65

B) La maladies et les blessures pendant le service 66 a/L'article 79 du code du travail maritime 66 b/ L'accident survenu à terre 66 c/L'accident et pathologie antérieure 66 d/ L'accident et astreinte 67 e/L'accident de trajet 67 f/La maladie professionnelle survenue en cours d'embarquement 67

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h/ La faute inexcusable du marin 68 1/ Les prestations 69 2/ Le débarquement 69 3/ Le délaissement 69 4/ La déclaration par le marin 69 C) Recour 70 a/ Recours de l'armateur ou de l'ENIM 70 b/ Recours du marin 70

§3/ Rapatriement et conduite 71 A/ Lieu 71 B/ Frais de rapatriement et conduite 71 C/ Dispositions spécifiques au RIF 71

Chapitre 3 Les dispositions spécifiques applicables au contrat d’engagement maritime du capitaine et du jeune marin 72

Section 1/ Les rapports professionnels et juridiques du capitaine et de l’armateur 72

§1 : Les obligations respectives du capitaine et de l’armateur dans l’entreprise maritime. 73

A/ Le statut et obligations de l’armement. 73

B/ Les obligations du capitaine envers l’armateur. 74

§2 : La nature juridique du lien entre le capitaine et l’armateur 75

A/ Le capitaine, préposé de l’armateur. 75

B/ Les limitations légales de responsabilité. 77

Section 2/ Les dispositions spécifiques applicables aux mineurs 81

§1/ Les conditions d'embarquement des mineurs 81 §2/ La capacité juridique 82 §3/ Réglementation spécifique de la durée du travail des marins mineurs 82 § 4/ Le contrat d’apprentissage 84

119

Partie 2 La fin du contrat d’engagement maritime 85 Chapitre 1 La rupture du contrat 85

Section 1/ Les dispositions communes à tous les contrats 85

§1/ La fin du contrat pour des raisons extérieures à la volonté des parties 85 A/ Les causes de rupture 86 B/ La mise à terre 86 C/ La retraite 86 §2/ La résiliation et rupture 86 A/ La résiliation et résolution 87 B/ Le congédiement 87 C/ L' indemnité 87 D/ La résiliation unilatérale par le marin 88

§3/ Le licenciement pour motif économique 88

A/ La définition 88 B/ La procédure 88 C/ Le contrôle 88 Section 2 Les dispositions spécifiques aux contrats à durée indéterminée 89

§1/ Le licenciement 89 A/ Le champ d'application 89 B/ La définition 89 C/ Le renvoi 90 D/ La cause réelle et sérieuse 90

§2/ La procédure 90 A/ Le renvoi 90 B/ La sanctions 91

120

§3/ Les droits du salarié en cas de licenciement 91 A/ Le délai-congé 91 B/ L' indemnité de licenciement 92

Section 3 / Les dispositions spécifiques aux contrats à durée déterminée 92 §1/ Le terme du contrat §2/ La rupture anticipée 92 §3/ L' indemnité de fin de contrat 92 Section 4/ Les dispositions propres à certains contrats 93

1§/ Les dispositions spécifiques du Code du travail maritime 93 A/ Le capitaine 93 B/ Les délégués du personnel et les autres représentants 93 C/ Les marins mis à la disposition 94 §2/Les dispositions spécifiques du RIF 94 A/ Les motifs de rupture 94 B/ Les droits des parties 94

Chapitre 2 Le contentieux relatif au contrat d'engagement maritime 95 Section 1/ Les compétences juridictionnelles 95 §1/ La compétence rationae materiae 96

A/ Le tribunal d'instance 96 B/ Le navire étranger 97 C/ Les période hors embarquement 97 D/ Le tribunal de commerce 98

E/ Le Conseil de prud’hommes 99

121

§2/ La compétence rationae loci 99 A/ Les litiges marins - armateurs 99 B/ Le litige avec un capitaine 100

Section 2 La procédure 100

§1/ La Conciliation 100

§2 La phase judiciaire 101 A/ La procédure 101 B/ Le recours 102 C/ La prescription annale 102

CONCLUSION 104 BIBLIOGRAPHIE 105 TABLE DES MATIERES 114