68

Zoo 48

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Zoo, le premier magazine culturel sur la BD et les arts visuels. Gratuit.

Citation preview

Page 1: Zoo 48
Page 2: Zoo 48
Page 3: Zoo 48

Zoo est édité parArcadia Media45 rue Saint-Denis75001 Paris

Envoyez vos contributions à :[email protected]

Directeur de la publication& rédacteur en chef :Olivier Thierry

Rédacteur en chef adjoint :Olivier Pisella, [email protected]

Directeur commercial et marketing :Jean-Philippe Guignon, [email protected]

Conseillers artistiques :Kamil Plejwaltzsky, Howard LeDucRédaction de ce numéro :Olivier Pisella, Louisa Amara, Hélène Beney,Julien Foussereau, Jérôme Briot, KamilPlejwaltzsky, Olivier Thierry, Thierry Lemaire,Jean-Philippe Renoux, Wayne, Michel Dartay,Boris Jeanne, Philippe Cordier, Alix de Yelst,Audrey Retou, Thomas Hajdukowicz, Jean-Laurent Truc, Vladimir Lecointre, GersendeBollut, Yannick Lejeune, Bertrand Sibérien,Jérôme Hanichel, Julie Bee, Sylvie Dassier,Jean-Marc Lainé, Stéphane Urth, DidierPasamonik, John YoungPublicité : [email protected]• Jean-Philippe Guignon, 01.64.21.96.44

[email protected]• Marion Girard, 06.34.16.23.58

[email protected]• Geneviève Mechali-Guiot,

[email protected] : © Pierre Wachs

Collaborateurs : Yannick Bonnant et Audrey Retou

Dépôt légal à parution.Imprimé en Espagne par MONTERREINA

Les documents reçus ne pourront être retournés.Tous droits de reproduction réservés.

www.zoolemag.com

L a censure dans la bande dessinéefait-elle son retour insidieux ? Alorsque les supports numériques sont

censés ÿ libérer Ÿ encore davantage lesauteurs des ÿ carcans Ÿ qui pourraient leurêtre imposés par leurs éditeurs (disent cer-tains), deux événements récents illustrentle contraire, du fait de la concentration trèsforte des plateformes numériques entre lesmains de seulement quelques acteurs. Lepremier est la censure préventive et tem-poraire, par la plateforme ÿ Comixology Ÿ,d'un épisode de la série Saga par le célèbreBrian K. Vaughan (dont nous publieronsune interview bientôt). Le problème ? Unecase minuscule dépeignant un acte sexuelentre deux hommes. Craignant qu'Applene censure ce contenu, l'éditeur de la plate-forme l'avait fait à sa place. Le comic book estdésormais de nouveau librement disponible.

Dans un autre incident, une plateformenumérique de BD française bien connue seserait apparemment vue intimer l'ordre parApple de supprimer toutes les BD ayantun caractère érotique, sans qu'il soit préciséce qu'il était entendu par là. Auraient doncété supprimées, de manière préventive éga-lement, des BD comme Largo Winch... avantd'être rétablies par la suite. Un phénomènepour le moins troublant, imposé par le puri-tanisme américain et rendu possible parl'hégémonie de certains.

Il conviendra d'être vigilant.

RUBRIQUES06 - AGENDA NEWS : Geekopolis, Montargis coince la bulle...42 - COMICS : 50 ans des X-Men, Cinder & Ashe46 - HORS CASE : BD de chiottes48 - NUMÉRIQUE & BD : Spirou.Z49 - VIDE-POCHE : sélection de produits culturels, high-tech...50 - ART & BD : Camera Obscura51 - JEUNESSE : Les Taches du léopard, Grrreeny54 - MANGAS & ASIE : Master Keaton, Woodstock...61 - SEXE & BD : Apple et Lemon

m Éditom

m Zoommaire m

numéro 48 - mai-juin 2013

OLIVIER THIERRY

Retrouvez quelques planches de certainsalbums cités par Zoo à lÊadressewww.zoolemag.com/preview/Le logo ci-contre indique ceux dont lesplanches figurent sur le site.

Prochain numéro de Zoo : le 3 juillet 2013Également disponible à Japan Expo / Comic Con

CINÉ & DVD62 - STAR TREK: INTO DARKNESS : lÊUSS Enterprise à tombeau ouvert64 - SUPERMAN: MAN OF STEEL : la renaissance de lÊhomme dÊacier

JEUX VIDÉO65 - NINTENDO prépare lÊété de la 3DS66 - THE LAST OF US : preview

*

Le logo ÿ coup de cflur Zoo Ÿ distingue lesalbums, films ou jeux vidéo que certainsde nos rédacteurs ont beaucoup appréciés.

© P

hilip

e R

iche

lle e

t Pie

rre

Wac

hs /

GLÉ

NA

T

08 - LES MYST˚RES DE LA RÉPUBLIQUE

Zoo

est p

arte

naire

de

:

ACTU BD10 - SISCO : symphonie en rouge vif12 - LE VENT DANS LES SABLES : après le mistral, le sirocco13 - CHARLES CHARLES : politiquement incorrect14 - PROMÉTHÉE : ambiance fin du monde16 - LÊHOMME DE LÊANNÉE : des souvenirs et des hommes18 - TEMUDJIN : lÊenfance dÊun conquérant19 - LE PETIT MONDE DE LIZ : les animaux ne sont pas bêtes20 - CAMARGUE ROUGE : des Indiens chez les Gitans22 - DUNK : dunk, but not drunk!24 - FREAKÊS SQUEELE FUNÉRAILLES : dark squeele25 - ORIGNAL : mais pourquoi est-il aussi méchant ?26 - LUUNA : été indien pour Luuna28 - NESTOR BURMA : Barral, 1er prix du conservatoire de Tardi30 - LE PRINTEMPS DES ARABES : 1+1+1=100031 - LOIN DES YEUX : poésie de la séparation32 - DOUCE, TI˚DE ET PARFUMÉE : In Vivo, Ex Vivo34 - FRANQUIN : Silence ! Franquin parle !36 - THALULAA : mornes Tikis37 - MERMOZ : la dernière chevalerie38 - LA TECTONIQUE DES PLAQUES : interview de Margaux Motin39 - WIKIPANDA : zoologie zygomatique40 - CHRONIQUES LONGUES

© M

idam

/ M

AD

Fab

rik

GRRREENY T.2 : PAGE 52

Page 4: Zoo 48
Page 5: Zoo 48
Page 6: Zoo 48

6

Lyon en casesLyon BD estdésormais unemanifestation bieninstallée. Pour son8e opus, plus de 120auteurs viendrontdédicacer au Palais ducommerce, à l'Hôtelde ville et à la Fnac

Bellecour. On retrouvera des expositionsconsacrées à la série Murena, à la BDargentine (pays partenaire) ou aux 75 ansde Spirou. Du spectacle vivant se tiendraégalement au Théâtre l'Odéon Comédie(impro BD, l'atelier Mastodonte surscène, la pièce ÿ dans ta bulle Ÿ...). Pour lesassoiffés : conférences, ateliers BD,masterclass du numérique, ou projectiondu documentaire ÿ Sous les Bulles Ÿviendront enrichir ce week-end dense !Les 15 et 16 juin 2013infos sur : www.lyonbd.com

WAYNE

Tonnerre de bulles ! n°2Tonnerrre de bulles !,successeur de feu lemagazine On amarché sur la bulle,sort déjà son numéro2. Parmi lespersonnalités de labande dessinéeinterviewées, citonsFrançois Walthéry,

célèbre dessinateur, entre autres, deNatacha, et le jeune Max de Radiguès quisort ces jours-ci le très bon Orignal chezDelcourt (voir par ailleurs notre articlepage 25). Encore une fois, Tonnerre deBulles nous donne lÊoccasion derencontrer des auteurs de différentesgénérations dans de longs entretienstoujours riches en anecdotes.Les petits Sapristains, 56 pages, 6 €

LA RÉDACTION

Ça balance pas mal à paris !Parrainé cetteannée par LudovicDebeurme, le 7e

festival BullesZikprend ses aisesavec des horairesd'ouverture et dedédicace élargis.Retrouvez à lamédiathèque

Marguerite Duras et à la MPAA Saint-Blaise (Paris XXe), 25 auteurs, septconcerts et deux expositions (LudovicDebeurme sur place, et Margerin et lamusique à Sèvres). La manifestationpropose également des duels dessinés,un concert de dessins d'Arthur Bourgeoiset LÕtitia Coryn, des rencontres-débatsautour de la musique et de la BD indé,des ateliers BD pour enfants et ados...Les 8 et 9 juin 2013infos sur : www.bulleszik.com

WAYNE

Amiens... 18e !Pour la 18e fois, la villed'Amiens organise sonfestival, devenu unrendez-vousincontournable desbédéphiles. Cetteannée, l'affiche estsignée MatthieuBonhomme, et lamanifestation propose

de nombreuses expositions : hommage àGoossens, L'Épervier, La Balade de Yaya...Ainsi que des réinterprétations declassiques littéraires par des classiquesde la BD américaine.Les 1er et 2 juin 2013infos sur : bd.amiens.com

WAYNE

en bref A g e n d a N e w s

4 ALBUMS PARUS CHEZ DUPUIS

© S

alm

a et

Lib

on /

DU

PU

IS

P assionnés de nouvelles technologies, de science-fic-tion⁄ de tous les outils propices à développer lÊima-

ginaire, préparez-vous en cette fin de mois de mai à décou-vrir Geekopolis, la cité des geeks. Sise au Palais des CongrèsParis-Est Montreuil, Geekopolis se compose de cinq quartiersaux univers bien distincts. Little Tokyo ravira les japoni-sants de tous poils. Avalon sera la destination de prédilectionpour les amoureux dÊheroic fantasy tandis que les disciples dela science-fiction pure et des super-héros zoneront àMetropolis. Le steampunk ne sera pas non plus en reste avecle district Nautilus et les scientifiques en herbe iront volon-tiers jeter un flil à Teklab.

Geekopolis proposera, comme souvent dans ce genre demanifestations, des projections de web-séries, des confé-rences et des rencontres de sommités (telles que John Lang,créateur de la saga Naheulbeuk). Signalons également lÊaccentmis sur lÊinteractivité avec les visiteurs qui pourront partici-per à des ateliers, entre autres, dÊinitiation au sabre laser ouà la calligraphie. Donc, à vos cosplay et cap sur Montreuil !

Montreuil,résolument geek

c Geekopolis, les 25 et 26 maiHoraires et tarifs sur www.geekopolis.fr

BERTRAND SIBÉRIEN

P our sa quatrième édition, le Festivalde bande dessinée de Montargis

tourne son regard vers la Bretagne endédiant lÊévénement au regretté BrunoLe FlocÊh, disparu lÊannée dernière. Avecle regard bienveillant de lÊauteur de Troiséclats blancs loin au-dessus de leur tête,44 dessinateur(trice)s viendront dédica-cer, avec en tête dÊaffiche : Mezzo,Chantal Montellier, Aude Samama,Olivier Mangin, Jack Manini, Serge Pellé

et Tito. Une exposition Eddy Vaccaro et un concert agré-menteront le week-end. Direction donc le Loiret pour ycroiser le ÿ chien de Montargis Ÿ, sous le crayon des artistes.

Montargiscoince la bulle

c Montargis coince la bulle, les 25 et 26 maiHoraires et tarifs sur www.montargiscoincelabulle.com

THIERRY LEMAIRE

Page 7: Zoo 48
Page 8: Zoo 48

8

La République en chantant nous ouvre la bar-rière. Ÿ De 1792 à ce jour, la France a connucinq Républiques (voir encadré). Les

polars nerveux du Belge Philippe Richelle y trou-vent leur cadre dans ces affaires qui ont marqué nosinstitutions. ÿ JÊai réussi à cumuler mes deux passions : polaret Histoire. Avec une fascination pour les années 30, lÊémergencedes fascismes. En France, les ligues comme lÊAction Française ontfait vaciller le pouvoir. Ÿ Philippe Richelle a proposé sonprojet à Glénat (lire lÊinterview de Franck Marguin) :ÿ Je ne voulais pas faire de lÊOncle Paul, raconter de grandesaffaires, mais proposer des récits policiers forts. ŸLÊaffaire Salengro, la Libération, la Résistance, lesrèglements de comptes, la décolonisation et la guerredÊAlgérie, mai 1968, Richelle frappe les trois coups.Avec lui, au dessin, Pierre Wachs, Alfio Buscaglia etFrançois Ravard. Chacun a son époque et ses albums.

LES SECONDS RÔLES PRIORITAIRES

Pierre Wachs (Secrets bancaires, Le Triangle secret) sÊestimposé pour la série sous la IIIe République. ÿ On a prisdu temps pour choisir, mais le dessin de Wachs, classique, étaitparfait Ÿ, constate Richelle. ÿ La période me convenait par-faitement Ÿ, confirme Wachs. ÿ JÊai eu beaucoup de plaisirà monter cette équipe de flics, mettre au point ces seconds rôles biendéveloppés dans le texte Ÿ. Une constante qui revient dansle discours des deux autres dessinateurs. Alfio Buscaglia, choisi par Richelle pour la IVe

République et pour son travail sur Nuisible, a pousséle détail très loin : ÿ Sur ses conseils, je me suis inspiré pourle héros de Francis Huster. Mais aussi de Jean Ferrat. LÊalbum

se passe en 1946 dans le Sud de la France. JÊai trouvé des livressur Marseille à cette époque, la mode, visionné des films noirs. ŸEnfin, François Ravard (Hamlet 1977, La Faute aux

Chinois), au trait dynamique, a séduit Richelle pour laVe République. Il a aimé lÊécriture et lÊépaisseur despersonnages. ÿ Il fallait exagérer les contours. Les personnages

E n C o u v e r t u r e

Dans Les Mystères de la République, Philippe Richelle signe des polars avec en toile de fond des affaires et des événements qui ont mar-qué la France de 1935 à 1970. Au dessin : Wachs, Buscaglia et Ravard. Les trois premiers albums sont sortis le 15 mai chez Glénat.

Pourquoi avoir limité lasérie aux trois der-

nières Républiques ? Pour rester dans universcontemporain. Nous avonstrouvé séduisante lÊidée deRichelle dès le synopsis. Onavait envisagé dÊabord troisenquêtes réunies par un lienfamilial. CÊétait trop télé-phoné.

Trois Républiques, trois cycles avec troisauteurs et un scénariste, quel sera le rythme deparution ? Il y aura cinq albums par République. Chaque titrepourra se lire seul avec un fil rouge du premier au cin-quième album. Trois albums paraîtront chaque année.Pour le lancement, trois titres sortent en simultané.Ensuite, un tous les quatre mois. ¤ chaque fois ce sontdes intrigues policières, une fiction qui frôle la grandeHistoire. Du polar avec le regard dÊaujourdÊhui et uneforme qui tient compte de lÊépoque. De la BD de genretotalement assumée.

Trois dessinateurs différents vont assurer lasérie. Comment ont-ils été choisis ?Par Richelle, comme des acteurs, par casting avec

planches dÊessais. Pour la IIIe République, Pierre WachssÊest imposé avec sa ligne claire stylisée. Son trait esttrès ÿ Glénat Ÿ avec gros plans, panoramiques. Pour laIVe, Alfio Buscaglia est un auteur plus spécialisé en SF,en illustration. Sur ce projet réaliste son dessin sÊestadapté. Dernier auteur que je connais depuis long-temps, François Ravard pour la Ve. Son trait est libre. Ilse lâche. Leurs styles devaient être accessibles au grandpublic.

Glénat redécouvre la BD historique ?Il était une fois en France a marqué la relance dÊun genreen sommeil qui était une tradition chez Glénat. Nousavons beaucoup travaillé la maquette des albums.Chaque République a une couleur précise de couvertu-re. Le bleu pour la IIIe, le blanc pour la IVe et bien sûr lerouge pour la Ve. CÊest la même coloriste, ClaudiaBoccato, qui a travaillé sur tous les titres. Une scène decrime avec les héros policiers de lÊenquête est à chaquefois en couverture. On a gardé le même lettrage.

Confiant dans lÊavenir de ces Mystères ?Tout à fait. Nous avons de bonnes remontées deslibraires. Le plan marketing est conséquent. CesMystères sont un événement majeur pour Glénat en2013.

FRANK MARGUIN : LA BD HISTORIQUE ÉTAIT EN SOMMEIL

PROPOS RECUEILLIS PARJEAN-LAURENT TRUC

«FRANK MARGUIN, ÉDITEUR CHEZ GLÉNAT, CONFIRME LÊAMBITION ÉDITORIALE DE LA SÉRIE : ÿ UN ENJEUMAJEUR CETTE ANNÉE AVEC SILAS COREY DE NURY-ALARY PUIS EN SEPTEMBRE UN WESTERN AVEC ROSSI-BOLLÉE. Ÿ

DR

© R

iche

lle e

t Bus

cagl

ia /

GLÉ

NA

T 2

013

Page 9: Zoo 48

E n C o u v e r t u r e

secondaires mÊont amusé. JÊai fermé mescases, allongé les plans, exagéré aussimon trait. On est en 1959 avec uneambiance parisienne, un peu, comme vousdites, „tardiesque‰. Ÿ

UNE LOGIQUE ÉDITORIALE

Une série pareille, on en bordeles détails. Au risque de se perdreou, pire, de perdre le lecteur (lirelÊinterview de Franck Marguin).Ce qui nÊest pas le cas. ÿ TroisRépubliques, un héros policier par époque,cinq albums par République, une intriguese termine dans chaque album. JÊavaisenvie de densité et dÊéviter les coupures. Lehéros rebondit dÊun album à lÊautre, sÊem-barque dans sa propre affaire Ÿ, com-plète Richelle. ÿ Le lecteur nÊaime plusattendre. Difficile de faire des séries à suiteaujourdÊhui. Ÿ Philippe Richelle atravaillé la logique éditoriale : ÿ LaBD se spécialise, le public se morcelle.Avec Les Mystères de la Répu-blique, jÊai voulu apporter aux lecteursde bonnes enquêtes pour les captiver, et dela curiosité pour ces époques que couvrentvos Républiques. Ÿ

OBJECTIVITÉET PAS D’ÉTATS D’ÂME

Richelle touche, sans états dÊâmemais avec objectivité, à tous lessujets. La Résistance et lÊépurationen 1944 : ÿ La France avait été coupéeen deux pendant la guerre. La Libérationa été une guerre civile larvée. Ÿ Buscagliaa trouvé dans le scénario de sonalbum ÿ des similitudes avec lÊItalie en1944. Dans nos petites villes on se souvientdÊévénements pas très clairs issus des cendresdes années de fascisme. ŸMême son de cloche chez FrançoisRavard : ÿ Un exercice compliqué de par-ler de la guerre dÊAlgérie, des porteurs devalise, ces Français qui transportaient desfonds pour le FLN algérien. Le héros estimpliqué sans le savoir. CÊest un drame noirtrès bien ficelé avec une écriture intéressantequi ira jusquÊaprès les pavés de mai 68. ŸPierre Wachs confirme : ÿ Richelle,pour la IIIe République, a repris partiel-lement lÊaffaire Salengro, ministre socia-

liste accusée dÊavoir déserté en 1915. Il sesuicide, victime dÊune campagne de presse.Le tout est traité de façon romanesque. LaRésistance est un thème majeur à redé-couvrir. ŸLe rythme de parution est aussinouveau et contraignant. Wachssait ÿ quÊil est rapide, très serré Ÿ.Buscaglia reçoit le scénario par

tranches : ÿ Richelle veut que je meconcentre sur des séquences précises. JÊaile synopsis complet. Sa narration estefficace. ŸTrois Républiques et trois séries.La première ira jusquÊen 1944, laseconde finira en 1958 avec leretour de De Gaulle qui sonnera leglas de la IVe République. Pour latroisième série, Richelle sÊarrêteaux débuts des années 70. Lesalbums tiennent bien la route,carrés. Coïncidence intéressante,notre Ve République est aujour-dÊhui en crise. Affaire Cahuzac, latransparence, la crise économique,certains y voient une comparai-son possible avec les années 30.LÊactualité a parfois des sautes dÊhu-meur pour rappeler que lÊhistoiredes ÿ affaires Ÿ, est malheureuse-ment sans fin.

9

c LES MYST˚RES DE LA TROISI˚MERÉPUBLIQUE, T.1, LES DÉMONS DES ANNÉES 30de Philippe Richelle et Pierre Wachs,Glénat, 56 p. couleurs, 13,90 €

c LES MYST˚RES DE LA QUATRIEMERÉPUBLIQUE, T.1, LES RÉSISTANTS DE SEPTEMBREde Philippe Richelle et Alfio Buscaglia,Glénat, 56 p. couleurs, 13,90 €

c LES MYST˚RES DE LA CINQUI˚MERÉPUBLIQUE, T.1, TRÉSOR DE GUERREde Philippe Richelle et François Ravard,Glénat, 56 p. couleurs, 13,90 €

La France et ses Républiques :La Ière République ne date pas de 1789 mais de 1792 avec lÊaboli-

tion de la monarchie. Napoléon Bonaparte y mettra fin en 1804. Le Ier

Empire succède à la République. La France revient ensuite à la monarchiejusquÊen 1848.

La IIe République, de 1848 à 1852. Toujours la tentation de lÊEmpiremais cette fois avec Napoléon III. Le Second Empire disparaît avec la défai-te de la France en 1870 contre lÊAllemagne.

La IIIe République, de 1870 à 1940, le temps des grandes avancéessociales, du Front Populaire, mais aussi des deux guerres mondiales. En juin1940, la France perd la guerre. Le maréchal Pétain devient chef de lÊÉtatfrançais. La IIIe République aura connu 14 présidents.

La IVe République commence en octobre 1946. La guerre pour lepouvoir est ouverte entre les différents mouvements issus de la Résistance.Le président de la République nÊa plus vraiment de moyens. Le président duconseil dirige la France en sÊappuyant sur une coalition de partis. Une valseincessante des ministères, la Guerre dÊIndochine et dÊAlgérie. De Gaullerevient au pouvoir.

La Ve République, sous laquelle nous vivons toujours, débute le 4octobre 1958. La guerre dÊAlgérie fait rage jusquÊen 1962. Affaires BenBarka, Boulin, le suicide de Bérégovoy, la Ve a aussi ses affaires et ce nÊestpas fini. ¤ quand la VIe ?

c

c

c

c

c

JEAN-LAURENT TRUC

© R

iche

lle e

t Wac

hs /

GLÉ

NA

T 2

013

Page 10: Zoo 48

10

A c t u B d

S isco est chargé de la sécuritédu président de la Répu-blique. Un garde du corps qui

est aussi lÊexécuteur de ses bassesfluvres. La raison dÊÉtat est son credo.Le créateur de Sisco, Benec, est unJanus à double visage : informaticien lejour, il devient scénariste pendant sesnuits et ses vacances. CÊest le suicide deFrançois de Grossouvre dans sonbureau de lÊElysée en 1994 qui a été ledétonateur pour Benec. Grossouvreétait un proche de François Mitterrand.ÿ Et si cÊétait un suicide arrangé ? Sur ordre.JÊen ai tiré une histoire rocambolesque pour lesdébuts de Sisco en me demandant ce qui meplairait si cÊétait moi le lecteur. Avec Sisco, onpassait du côté du méchant mais sans faire unehistoire immorale Ÿ, pas vraiment un salaudajoute Benec mais ÿ un type qui est du boncôté du bâton. Ÿ

Sisco, avec Thomas Legrain au dessin,est tout de même un affreux, limitemalfaisant. Benec lÊa humanisé au fildes albums. Dans le tome 6 qui clôturele dyptique new-yorkais entamé avecle 5, Kalachnikov diplomatie, Sisco jouedu flingue mais montre ses faiblesses.Faut pas toucher à la famille dÊunCorse. Le scénariste sÊest librementinspiré dÊaffaires assez récentes. Autrain où vont les choses dans notredoux pays, Sisco a du pain sur laplanche. Il travaille pour le présidentdont on ne voit en fait jamais le visage

dans les albums. Au lecteur dÊimaginercelui quÊil veut, cÊest le choix du scé-nariste. Passionné d'histoire contem-poraine, Benec n'a pas souhaitéremonter aux années 60 avec ses ÿ bar-bouzes Ÿ, ancêtres de Sisco, mis enplace officieusement pour luttercontre l'OAS à la fin de la guerred'Algérie.

L’ENVERS POURRI DU DÉCOR

Pour captiver les lecteurs, Benec sesert des affaires ÿ qui ont encore un échodans la mémoire collective Ÿ. Dans lestomes 3 et 4, cÊétait clairement lÊaffaireMazarine, la fille cachée du présidentMitterrand, qui était évoquée et revi-sitée bien sûr. Quand on demande àBenec sÊil croit que la France a unréseau parallèle avec de vrais Sisco, ilest clair : ÿ Si lÊenvers du décor est pourri,je nÊai pas envie de croire que cela existe sur leterritoire français. Des unités spéciales et desactions ponctuelles extérieures ? Sûrement. Jegarde le sabotage du Rainbow Warrior par laDGSE dans mes cartons. Par contre, un Étatcomme Israël avec le Mossad ne sÊest jamaiscaché dÊaccomplir ce genre dÊactes "défini-tifs" Ÿ. Ou les Américains avec BenLaden.

Comme Benec le montre dans le der-nier Sisco, si nos politiques peuventencore avoir quelques états dÊâme,dÊautres nÊen nÊont pas. ÿ Les mafias des

pays de lÊEst, ou la Russie de Poutine, vont aubout dÊune logique implacable. Des opposantssont éliminés. Les mafias sÊimposent par laviolence pure à lÊétranger, parfois sans quecela se sache. Ÿ Des scandales qui sontvite enterrés.

Avec Sisco, dont Legrain a bien su faireévoluer le dessin au fil des albums, onest aussi dans lÊunivers des séries TVaméricaines. Benec aime le genre. Leurécriture est stricte. La sienne aussi. ÿ Lasérie est une référence pour un scénariste. Ledécoupage, le rythme. Celle qui mÊa le plus mar-qué dernièrement est Persons of Interest Ÿ.Autre référence pour Benec, MichelAudiard : ÿ des dialogues truculents, décalés Ÿ.Sans oublier celui quÊil considèrecomme un maître en matière de scé-nario BD, Jean Van Hamme avec LargoWinch ou, aujourdÊhui, la relève avecFabien Nury.

UN FEU DE PAILLE,L’AFFAIRE CAHUZAC ?

Sa passion de lÊactualité rend Benecprudent. ÿ Je ne veux pas faire de lien avecune actualité immédiate. Une affaire peut pro-voquer un énorme feu dÊartifice médiatique etretomber deux mois après. Ÿ Les lecteurs deSisco vont en prendre plein la vue dansce tome 6. La vie de sa sflur est en jeu.La France a décidé devant lÊONU desÊattaquer aux régimes qui profitentde la drogue. Sisco va être en colère et

jouer une symphonie en rouge vif.Et Benec a la suite en tête, plus quelquesautres projets, dont une aventure indo-chinoise et un récit dÊanticipation quimêlera thriller et nouvelles technolo-gies. Enfin, quand on lui parle de lÊaffaireCahuzac, qui colle bien avec lÊuniversde Sisco, Benec nÊest pas certain quÊon aitvraiment voulu ou pu faire le ménage.Un feu de paille qui permet de passer àautre chose ou de détourner lÊatten-tion ? Pourquoi pas.

SISCO, T.6NÉGOCIATIONS EN 9MM

de Benec et Legrain,Le Lombard, coll. 3e vague,

48 p. couleurs, 12 €

JEAN-LAURENT TRUC

© B

enec

et L

egra

in /

LE L

OM

BA

RD

Il porte le nom d’un petit village corse. Sisco, agent très spécial de la République française, est le héros d’une série musclée etnerveuse au Lombard.

SYMPHONIE EN ROUGE VIF

Page 11: Zoo 48
Page 12: Zoo 48

12

A c t u B d

Le Vent dans les sables de Michel Plessix s’achève sur un cinquième tome virevoltant qui voit la fin du voyage pour Crapaud, Ratet Taupe. Le vent qui les avait menés en Afrique les renvoie dans leur chère forêt. Une série culte.

APRÈS LE MISTRAL, LE SIROCCO

C ertains auteurs conçoiventleur métier comme celui dÊunartisan. Ils polissent le dessin,

affinent le découpage, cisèlent les dia-logues, soignent les moindres détails. Letemps pris pour réaliser lÊfluvre importepeu face au résultat et à la satisfaction dutravail bien fait. Michel Plessix est decette trempe. Reclus dans sa cavernedÊAli Baba rennaise, le dessinateur bre-ton a fait le choix du compagnonnageplutôt que celui des mondanités. Necomptez pas sur lui pour faire des rondsde jambes. On pourrait dÊailleurspresque le regretter, car cÊest certaine-ment un peu pour cela quÊil nÊa pas toutela reconnaissance publique quÊil mérite.Mais là encore, peu importe. Au rythmeanachronique dÊun album tous les deuxans, Plessix pose son empreinte sur leNeuvième art, avec grâce et sans pré-tention. LÊexcellente série Julien Boisvert, apparueà la fin des années 80, avait faitconnaître le dessinateur et son compèrescénariste Dieter. Puis Michel Plessixavait pris ses lecteurs à contre-pied enadaptant seul Le Vent dans les saules, romananimalier de lÊÉcossais KennethGrahame, destiné à un jeune public.

Toutefois, en ne prenant pas les enfantspour des êtres sans cervelle, cette adap-tation avait aussi séduit les adultesencore capables de sÊémerveiller. EtdÊailleurs, après les quatre tomes tirés dutexte original, le dessinateur avaitenchaîné avec une suite de son cru,entraînant ses héros dans une follecavalcade vers lÊAfrique du Nord. LeVent dans les sables prolongeait un peuplus le plaisir de suivre les aventures deCrapaud, Rat, Taupe et Blaireau, lespersonnages principaux devenus orphe-lins de leur chère forêt.

LE DÉSERT POUR HORIZON

Impossible de résumer ici les conti-nuelles péripéties des cinq albums duVent dans les sables, mais pour faire court,lÊhistoire décrit la découverte dÊun nou-veau monde par les protagonistes de lasérie. Entraînés à traverser la Méditer-ranée par lÊinconséquence de Crapaud(une de plus), la petite bande dÊamis seretrouve ainsi coincée dans une villedÊAfrique du Nord, à imaginer un moyenpour rassembler lÊargent nécessaire àleur retour. Dans cet environnement decasbah et de désert, le Breton Michel

Plessix est, contrairement à ce quÊonpourrait penser, en terre très connue.Chaque année depuis des lustres, ileffectue en effet une retraite aussi épi-curienne quÊartistique à Essaouira, sur lacôte marocaine. Les albums transpirentle vécu de lÊauteur en termes de sensa-tions, mais aussi de documentation.Examiner attentivement chaque casepour admirer la précision des décors etdes vêtements, ou y dénicher un traitdÊhumour camouflé, devient vite un jeutrès addictif. Se laisser porter par le scé-nario lÊest tout autant.

LÊintrigue, plutôt linéaire, ressemble àcelle des succès du cinéma muet où lÊes-sentiel se joue sur le rythme, ralenti ouaccéléré par les coups de théâtre et lescourses-poursuites (celle du saucissondans le tome 5 vaut le détour). Mais lavérité du Vent dans les sables est ailleurs.Dans la psychologie des personnages, ladynamique des dialogues, lÊatmosphèreindolente et la délicatesse du traitement.Et dans les thèmes abordés. La force delÊamitié, lÊéloge du respect de lÊautre, ladénonciation du fanatisme, lÊinvitationà prendre la vie comme elle vient et sur-tout du bon côté donnent aux albums

une belle épaisseur. Une chose est sûre,le lecteur va longtemps regretter lÊarrêtde cette série attachante. Mais commedit Samira à Taupe, ému aux larmes dedevoir quitter le Maghreb : ÿ Ne tÊin-quiète pas mon ami. Tu as passé assez de tempsici pour y revenir quand tu veux. Tu nÊauras quÊàfermer les yeux⁄ Ÿ

LE VENT DANS LESSABLES, T.5

DU SOUK DANS LA CASBAH

de Michel Plessix,Delcourt, 32 p. coul., 12,50 €

THIERRY LEMAIRE

Le V

ent d

ans

les

sabl

es T

.5, d

e M

iche

l Ple

ssix

© G

uy D

elco

urt P

rodu

ctio

ns –

2013

Page 13: Zoo 48

C omme dirait Gandhi ouplutôt lÊoncle Ben de Spider-Man, ÿ un grand pouvoir im-

plique de grandes responsabilités Ÿ. CharlesCharles, le nouveau président desÉtats-Unis de la République, a beau ledire, il nÊen comprend pas pour autantle sens. ¤ la fois misogyne, incompé-tent, égoïste et on en passe, il possèdetoutes les tares de nos dirigeants etnÊest doté dÊaucune de leurs qualités.Même en communication, ses compé-tences sont limitées. Ajoutez à cela uneéquipe qui est loin dÊêtre à la hauteur,vous comprendrez alors quÊon ne peutabsolument rien faire de ce gouverne-ment, à part en rire.

LE PARTI D’EN RIREEn essayant de prendre les gens pourplus bêtes quÊils ne le sont, ce présidentet son gouvernement passent pour desimbéciles notoires. Rien de bien diffé-rent de la réalité. Et cÊest bien plusdrôle en BD quÊen vrai.QuÊest ce quÊil y a de plus amusantactuellement que de rire de nos politi-ciens ? Marc Dubuisson au scénario etJames au dessin ont choisi le bon thèmeen ces temps de crise. Il vaut mieux enrire quÊen pleurer, quand bien mêmecette idée peut paraître discutable pourcertains. On dira que sur ce coup, nosauteurs nÊont pas eu tort et ça fait dubien. Même si on ne peut pas obliga-toirement mettre un nom sur tous les

personnages, certains restent quandmême très identifiables, je ne vous enciterai quÊun : Bernard Thibault.

En somme, une bonne petite critiquede la situation politique du momentsur le ton de lÊhumour, qui donne ungentil coup de pied dans la fourmilièreet fournit un bon sujet de réflexion.¤ la fin de cette lecture, on peut sedemander qui est le plus ridicule : leprésident et son gouvernement, ou lepeuple qui les a élus. ¤ voir !

A c t u B d

13

CHARLES CHARLES,PROFESSION PRÉSIDENT

de Marc Dubuisson et James,Delcourt, 48 p. coul., 10,95 €

AUDREY RETOU

Mais qu’est que c’est que cette équipe de bras cassés qui gou-verne le pays ? Non je ne parle pas de notre gouvernement,mais de celui de Charles Charles, président des États-Unis dela République.

Politiquementincorrect

Cha

rles

Cha

rles,

pro

fess

ion

prés

iden

t, pa

r D

ubui

sson

et J

ames

© G

uy D

elco

urt P

rodu

ctio

ns –

2013

Page 14: Zoo 48

14

Tout sera oublié,de Mathias Énardet Pierre Marquès

Spécialiste duMoyen-Orient etchercheur au CNRS,lÊécrivain MathiasÉnard fait fluvredÊhumilité etdÊintrospection :cÊest le douteprocuré par unecommande deMonument aux

morts en hommage aux victimes de laguerre de Croatie des années 90, quiimpulsa la naissance de son romangraphique. Sur les peintures de PierreMarquès, lÊauteur nous plonge aucflur dÊun pays encore en ruines,dÊune mémoire qui tarde à sÊeffacer,de lÊimpuissance artistique face auxravages de la guerre : ÿ laisser ladestruction parler dÊelle-même ; jusquÊàce quÊelle disparaisse à son tour. ŸActes Sud, 140 p. couleurs, 24 €

JULIE BEE

LÊAéropostale,T.1, Guillaumet,de Bec, Dumas et Saïto

Parallèlementà la sortie deProméthée (voirci-contre),Christophe Becscénarise unenouvelle sériesur les pilotesmythiques delÊaéropostale,véritables héros

de lÊentre-deux-guerres. Le tome 1est consacré à Henri Guillaumetet plus précisément à son odysséevécue dans la cordillère des Andes.Après un crash sur les sommetsandins en 1930, le jeune pilote réalisele tour de force de revenir à lacivilisation après un périple épuisantde plus de 70 km en haute montagne.Une histoire classique, solide,sérieuse, mais sans grande surprise,dÊautant plus que lÊépisode est bienconnu du grand public.Dargaud, 82 p. couleurs, 16,95 €

THIERRY LEMAIRE

Joseph Carey Merrick,lÊHomme Élephant,de Denis Van P. et Perrotin

Souventdécouvertegrâce au grandfilm de DavidLynch, la réelledestinéedÊElephant Manfascine. Mal-aimé, humilié,rejeté, exploitépuis finalementrecueilli par le

Londres médical et visité par la HauteSociété Victorienne, Joseph permit demieux comprendre les maladiesgénétiques et fit (un peu) reculerlÊidée reçue quÊun handicapé physiqueest forcément un attardé mental.Grâce à cette biographie en bandedessinée, on en découvre un peu plussur les 20 premières années de vie decet homme hors du commun⁄ maison reste quand même encore un peusur notre faim. Heureusement, le livrecomporte un cahier de huit pages dedessins et croquis inédits racontant lagenèse du projet.Sandawe, 72 p. couleurs, 16,95 €

HÉL˚NE BENEY

A c t u B dzoom

O n peut sans aucun doute qua-lifier la série Prométhée dÊam-bitieuse. Prévue en 12 tomes,

elle mélange science, religions, théoriesdu complot, superstition et faits réelsdans un récit dÊanticipation choral à12 voix. Excusez du peu. Le scénario,dans la plus pure tradition des histoiresapocalyptiques, ne présage rien de bonpour lÊhumanité. Vous feriez doncmieux de vous plonger de touteurgence dans cette série pour anticiperce qui nous attend en 2019. Tout sÊem-ballera le 22 septembre de cette mêmeannée, à 13h13 (heure universelle),lorsque les montres et les horloges dumonde entier sÊarrêteront pendant troisheures. Puis le lendemain, à la mêmeheure, la totalité des avions en vol sÊé-crasera inéluctablement. Chaque joursuivant, à 13h13, de nouvelles catas-trophes planétaires surgiront, commeles présages dÊun cataclysme final. Quese passera-t-il donc 13 jours après ledébut des événements ? LÊexterminationde la race humaine par des extrater-restres ? La conclusion dÊun gigantesquecomplot américain ? Une divine mani-

festation surnaturelle ? Le compte àrebours est lancé.

ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE BEC

Prométhée est un mélange de science,de paranormal, avec une grosse pincéedÊextraterrestres. Vous prenez unmalin plaisir à brouiller les pistes.En tant que lecteur, jÊaime bien quÊonme fasse croire que ça peut être vrai,même si ça ne lÊest pas. On joue à avoirun doute. CÊest ce que jÊessaie de fairesur Prométhée. Pas sur tout bien sûr, tel-lement certains éléments sont énormes.

Pour complexifier un peu plus lerécit, vous avez choisi de décrire ledestin de 12 personnages princi-paux.Ce genre dÊhistoire, il faut vraimentlÊécrire de A à Z. Dès le départ, jÊavaisla trame générale de tout le scénario,je savais parfaitement où jÊallais. Dèsle départ également, jÊavais lÊinten-tion de faire une série longue qui per-mettait de suivre petit à petit la pro-gression de plusieurs personnages. ¤partir du tome 7, je commencedÊailleurs à entrer un peu plus danslÊintimité de certains dÊentre eux.

Christophe Bec, auteur prolifique (voir aussi L’Aéropostale ci-contre), continue le cheminementde Prométhée, sa saga de science-fiction, avec un huitième tome dessiné par Stefano Raffaele.Le compte à rebours fatidique va bientôt s’achever.

PROMÉTHÉE,AMBIANCE FIN DU MONDE

© B

ec e

t Raf

fael

e / M

C P

RO

DU

CT

ION

S

Page 15: Zoo 48

15

A c t u B d

Dans certaines cases, on a lÊimpressionde voir des clins dÊflil à des filmscomme Stargate ou IndependenceDay. Ce sont des inspirations ?Mes influences viennent plutôt de LaGuerre des Mondes, de Kubrick, avecmoins dÊambition que 2001 lÊOdyssée delÊespace, ou de John Carpenter. Évi-demment, il y a plein dÊautres réfé-rences, comme X-Files par exemple.Mais je ne me souviens pas avoir misdes clins dÊflil explicites. Pour autant,jÊaime beaucoup la première partie deStargate. Roland Emmerich commencetoujours bien ses films et a un peu demal à les finir.

En préambule des premiers albums, ily a une assez longue bibliographie.CÊétait pour montrer au lecteur queles événements décrits étaient dÊunecertaine manière ancrés dans la réa-lité ?Non, pas vraiment. Pour moi, Prométhéeest une totale fiction. Toutefois, jÊaipris quelques phrases de certains livres,et je voulais citer mes sources. Ce sontpour la plupart des livres écrits dans lesannées 60-70, avec parfois des théoriesassez fumeuses. Mais cÊest vrai que cÊé-tait une source dÊinspiration énorme. Etpuis même si cette littérature ne reposegénéralement sur rien de scientifique,jÊaime bien puiser dans des sujets quifont partie de lÊinconscient collectif. ¤travers ces lectures, jÊai aussi pu appro-fondir le mécanisme dÊAnticythère oule projet Montauk, peu connus dugrand public, ou encore lÊexpériencede Philadelphie, plutôt que la tropconnue zone 51.

LÊeffet compte à rebours joue beau-coup dans lÊintérêt de la série.CÊétait lÊidée de départ. Je trouvais çaintéressant que tous les jours à la mêmeheure il y ait un événement. Bon, il nÊya rien de révolutionnaire sur le principe.CÊest tout ce qui vient se greffer autourqui donne tout le sel de lÊhistoire. Quiprovoque ça ? Pourquoi ? CommentlÊhumanité va-t-elle se comporter ?

Les extraterrestres sont au centre delÊintrigue, mais les pistes sont une foisde plus brouillées, car on ne sait pasà quoi sÊen tenir avec eux.

Alors quÊils ont sauvé lÊhumanité dansles temps anciens, il semblerait effec-tivement quÊils veulent maintenant lapunir. On va apprendre très bientôtpourquoi ce revirement de situation.Dans ce tome 8, on commence à avoirquelques pistes. Mais finalement, cequi mÊintéresse dans ce genre de saga,cÊest rarement le but. CÊest plutôt lechemin qui est emprunté. Et jÊespèreque les lecteurs sont tout autant inté-ressés par la petite histoire, cÊest-à-dire le destin des personnages.

En tout cas, les apparitions furtivesdes aliens sont assez effrayantes.DÊautant plus quÊon nÊa vu leur formeréelle quÊà travers des visions, des flash-backs, des interprétations de témoins,des photos de cadavres. Est-ce quecÊest vrai ou bidon ? JÊaime bien joueravec ça aussi. DÊailleurs, on ne lesverra peut-être jamais. De même,peut-être que lÊinvasion ne viendrapas du ciel. Les lecteurs le découvri-ront.

En ce qui concerne le dessin, vousavez passé la main à partir du tome 3.Au départ, je nÊavais pas prévu de des-siner Prométhée. Les circonstances ontfait que jÊai démarré la série, mais il nÊé-tait pas envisageable pour moi de réa-liser les 12 tomes à un rythme defeuilleton. CÊest Alessandro Bocci quia pris le relais. Puis on sÊest brouillé etil y a eu une période un peu spécialeavec un album collégial. Et dès le tomesuivant, jÊai confié les rênes à StefanoRaffaele, qui ira jusquÊau bout de lasérie. CÊest vraiment mon alter ego, etil dessine à une vitesse incroyable. Jetrouve dÊailleurs quÊil nÊest pas encoreassez reconnu par rapport à son talent.

PROMÉTHÉE, T.8NECROMANTEION

de Christophe Becet Stefano Raffaele,

Soleil, 48 p. couleurs, 13,95 €

PROPOS RECUEILLIS PARTHIERRY LEMAIRE

© B

ec e

t Raf

fael

e / M

C P

RO

DU

CT

ION

S

Page 16: Zoo 48

16

A c t u B dzoom

Adeptes des séries à concept, les éditions Delcourt nous offrent une nouvelle façon de revisiterl’Histoire avec L’Homme de l’année, des albums qui traitent d’événements historiques à traversla petite histoire de quasi-anonymes sur lesquels toutes les hypothèses sont possibles...

Des souvenirs

Trois ans avantdÊêtre désigné arbi-

trairement parmi huit dépouilles, leSoldat Inconnu est encore bel et bienvivant et combat dans lÊenfer du Chemindes Dames. Mais qui est-il ? Joseph, lÊof-ficier blanc, maître de plantation enAfrique, ou Boubacar son tirailleur séné-galais, pour qui il sÊest pris dÊaffection au-delà des préjugés racistes ? Une histoiredÊamitié sur fond dÊintrigue politique.1431. Jeanne dÊArc périt sur le bûcher.Quatre ans plus tard, deux de ses anciens

compagnons dÊarme devenus brigands,Étienne de Vignolles et Jean deXaintrailles, se voient confier parYolande dÊAragon lÊenquête afin deretrouver celui qui a trahi la PucelledÊOrléans à Compiègne. Un thrillermédiéval mêlé à une histoire de ven-geance secrète.

CONCEPT DÉCLINABLE À L’ENVI¤ travers les histoires dÊinconnus fic-tifs ou réels, parfois héros, parfois vils,la série donne un regard nouveau surdes choses établies de notre Histoire.Dirigée par Fred Blanchard et animéepar une foule de scénaristes et de des-sinateurs variés, la collection prend leparti de lÊintrigue et du suspense afin dedéjouer nos a priori et notre déjà-vusur des sujets célèbres de la culturegénérale. Ainsi, à partir de faits réels –mais ténus – et de zones dÊombre, lesfictions donnent des visions, certes sub-jectives et fantasmées, mais plausibles.¤ travers ces conjectures, on prend plai-sir à cheminer à travers la grandeHistoire, mais les récits permettent éga-lement de mettre en lumière descontextes et des interrogations de lÊé-poque traitée (les rapports ÿ raciaux Ÿet le sens patriotique dans 1917 ; lesrelations compliquées de Jeanne dÊArcet lÊaspect politique de son sacrificedans 1431). Après ces deux premiers

tomes, viendront un ouvrage sur labataille de Waterloo en 1815 (parutionen septembre) et un autre sur lÊassassi-nat dÊErnesto ÿ Che Ÿ Guevara en 1967(parution en novembre). Sur sa lancée,le concept, exponentiel à lÊinfini, prévoitdéjà dÊaborder la Commune de 1871,lÊaffaire Dreyfus, et la découverte desAmériques par Christophe Colomb.Une bien belle façon de rêver tout enrévisant son passé, que les amateursdÊHistoire apprécieront. De beauxvoyages dans le temps en perspective !

Mélo Pop,de Lucie Durbiano

Quand LucieDurbianosÊattaque aumythe durockÊnÊroll, elleen réunit tousles ingrédientsatemporels, avecmalice etlégèreté :Canichor,

producteur caractériel à la touffefrisée, cousin éloigné de Phil Spector ;son épouse au charme ravageur,ancienne toxico et chanteuse sous-exploitée ; un groupe de rock quivégète sur une croisière qui sÊamuse,un chanteur séducteur, une groupiedésfluvrée⁄ Cette nouvelle petitepépite acidulée de la collection Bayouse parcourt avec réel plaisir, et unegrande tendresse pour ces animauxanthropomorphes perdus sur des îlesau soleil.Gallimard, coll. Bayou,112 p. couleurs, 16,75 €

JULIE BEE

Highlands, T.2, Le Survivantdes eaux noires,de Philippe Aymond

On connaît bienle dessinateur dela série Lady S.,écrite par JeanVan Hamme,mais il proposelà une nouvellefacette de sontalent, puisquÊilécrit et dessinece diptyque

historique. En 1745, en Écosse, unjeune peintre est accusé à tort dÊavoireu une relation avec la fille du duc dePaxton (on a découvert dans soncarton un dessin où il la représentedans le plus simple appareil !). Ilparvient à sÊenfuir et se réfugie dansles Highlands, où il espère découvrirlÊinstigateur de cette machination.Beaucoup de sensibilité et unecertaine profondeur dans cettehistoire, où un paon bleu revientde façon récurrente.Dargaud, 48 p. couleurs, 13,99 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

Les Cosaques dÊHitler, T.1,de Valérie Lemaireet Olivier Neuray

Irréductiblesennemis deStaline, desofficiers russesdÊoriginecosaque ontpréférérejoindrelÊarmée naziependant laSeconde Guerre

mondiale. De ce fait historique peuconnu, Lemaire et Neuray tirent unalbum très classique et romanesque,avec une petite histoire dÊamour aumilieu de la grande histoire militaire.Mais bizarrement, le manque denuances quÊils reprochent à leursprotagonistes écossais se retournecontre eux puisque la BD sÊavère trèsbasiquement antistalinienne, commeéchappée du Livre noir ducommunisme. Pas sûr que cemanichéisme sÊarrange dans ledeuxième tome⁄Casterman, 48 p. couleurs, 12,95 €

BORIS JEANNE

et des hommes

Infos sur www.lhommedelannee.fr

WAYNE

1917.

c 1917 - LE SOLDATINCONNU de Duval, Pécau et Mr Fab,Delcourt, 64 p. couleurs, 14,95 €

c 1431 - LÊHOMME QUITRAHIT JEANNE DÊARCde Corbeyran, Horne et Froissard,Delcourt, 56 p. couleurs, 14,30 €

1431

1917

1431

, Cor

beyr

an, H

orne

et F

rois

sard

© G

uy D

elco

urt P

rodu

ctio

ns –

2013

1917

, Péc

au, D

uval

et M

r F

ab ©

Guy

Del

cour

t Pro

duct

ions

–20

13

Page 17: Zoo 48
Page 18: Zoo 48

18

A c t u B d

Antoine Ozanam et Antoine Carrion imaginent la jeunesse de Gengis Khan, alias Temudjin, destiné à marquer le monde par seshauts faits, aussi héroïques que sanguinaires. Une évocation qui ne manque pas de souffle.

L’ENFANCE D’UN CONQUÉRANTL es steppes dÊAsie centrale à

perte de vue. CÊest peut-êtrelÊimage qui reste en mémoire

lorsquÊon referme lÊalbum. La ÿ faute Ÿau dessin, remarquable dÊexpressivité,dÊAntoine Carrion. Pas facile en effetdÊéviter lÊécueil ÿ carte postale Ÿ avecdes paysages aussi grandioses. LÊéqui-libre entre la beauté des cases et lalisibilité de la planche impose de nepas tomber dans le piège de lÊillustra-tion. Le dessinateur y parvient avecbrio, entraînant le lecteur au cflur dedécors majestueux sans toutefois heur-ter la narration. Les couleurs, splen-dides, y sont à coup sûr pour quelquechose. Le fil des saisons, les ambiancesnocturnes et les scènes oniriques sontbrillamment transcrits, créant desatmosphères variées et très évoca-trices. Le rendu, généreux en termesde matière, est bluffant quand on saitque Carrion lÊa entièrement réalisé surordinateur.Le dessin, souci cardinal des éditionsDaniel Maghen, est évidemment lÊundes éléments principaux du plaisir desyeux du lecteur. Généreux en petitstraits, il fait parfois quelques incur-sions du côté de Sergio Toppi (unedes influences dÊAntoine Carrion, quiaborda dÊailleurs lui aussi cette régiondu monde dans ses livres) et rappelleà quelques autres moments celui deGeorges Bess (Le Lama blanc, Pema Ling),notamment dans les scènes chama-niques. Les grands espaces sont ainsicontrebalancés par un traitement inti-miste de lÊintrigue, soutenu par undécoupage riche en gros plans et encadrages en débordement (où une par-tie du sujet principal nÊest pas visible).

Peut alors prendre place une histoirequi fait la part belle à lÊésotérisme.

UNE JEUNESSE AVEC LES ESPRITS

Temudjin. Le nom est quasiment in-connu du grand public. Il signifie ÿ leplus fin acier Ÿ en turco-mongol. Maisil est surtout le premier patronyme dÊunhomme qui laissera dans lÊhistoire delÊhumanité une marque indélébile avecson surnom de Gengis Khan. Le

conquérant, fédérateur de tribus no-mades, va en effet créer lÊempire mon-gol, un territoire qui sÊétendra (aveclÊaide de plusieurs générations de suc-cesseurs) de la Baltique jusquÊà la Chine,en passant par lÊAsie centrale. Uneimmensité au-delà de lÊimagination delÊépoque. De cette période expansion-niste, il restera de nombreuses traces.Les textes laudateurs des vainqueurs.Les témoignages effrayés des peuplesasservis ou de ceux qui échappèrent aufléau. Mais la jeunesse de Temudjin res-tera dans lÊombre, nimbée dÊune légendeécrite sur mesure pour célébrer lemaître. CÊest dans cette zone de libertécréative que sÊest engouffré AntoineOzanam pour raconter à sa manière lespremières années du guerrier mongol.On retrouve dans le récit quelques élé-ments du mythe Temudjin. La mysté-rieuse fécondation de sa mère HoÊElun,le caillot de sang quÊil tient dans sonpoing à sa naissance, le loup bleu quinÊest autre que son père. Pour le reste,Ozanam choisit de décrire les pouvoirspsychiques du jeune enfant, développéspar un père adoptif chaman. Faut-il queles esprits sÊen mêlent pour quÊun enfantsoit persuadé de la grandeur de son des-tin ? CÊest à croire en lisant cette histoiretout en ambiance dans un récit qui

entremêle chamanisme, amour filial etforce de la volonté. Pour peu que lÊon selaisse porter par le parti pris du scéna-riste, il y a quelque chose dÊhypnotiquedans cet album, dont lÊune des (nom-breuses) qualités est de proposer uneexplication au parcours dÊun hommelittéralement hors du commun.

TEMUDJIN

dÊAntoine Ozanamet Antoine Carrion,

Daniel Maghen,86 p. couleurs, 18,50 €

THIERRY LEMAIRE

© O

zana

m e

t Car

rion

/ DA

NIE

L M

AG

HE

N

© O

zana

m e

t Car

rion

/ DA

NIE

L M

AG

HE

N

Page 19: Zoo 48

C ute. Kawaï diraient lesJaponais. Mignon, les fran-cophones. Il est vrai que le

dessin de Liz Climo, avec son traitdÊune grande finesse, exprime une cer-taine fragilité (pas grand-chose à voiravec celui plus généreux des Simpson,série pour laquelle la jeune Américainetravaille depuis dix ans). ¤ cela sÊajou-tent ses couleurs aux tons globale-ment pastels, qui donnent à lÊensembleun petit côté livre pour enfants. Lesgags, en revanche, possèdent suffi-samment de niveaux de lecture pourintéresser aussi les adultes, sans perdrepour autant cette délicatesse quisemble définir le travail de lÊauteur.Le parallèle entre le règne animal etles comportements humains fonc-tionne à plein, créant souvent unejolie double interprétation.

HUMOUR TRANSGÉNÉRATIONNELCertes, comme dans tout recueil de cegenre, des pages sont meilleures quedÊautres, mais lÊensemble est largementà lÊavantage des gags très réussis. Et àlÊhumour se joint également la ten-dresse des gags familiaux ou lÊabsurditéédifiante de certaines situations (dansun classement par saison de lÊannée ilfaut bien le dire assez artificiel). OnlÊaura compris, cet album a tout à faitle profil pour être une BD de chiottes(voir p. 46 pour comprendre le prin-

cipe). DÊautres, plus élégants, y ver-ront un potentiel coffee table book, unde ces livres quÊon laisse négligem-ment sur la table du salon pour quenos invités les feuillettent, connais-seurs. Quant aux plus audacieux, ilspenseront certainement à agrandir unepage pour lÊencadrer, à la manière dÊundessin de Sempé ou dÊune pensée duChat de Geluck. ÿ Le premier à la maisona gagné Ÿ, dit la tortue. ÿ DÊaccord Ÿ,répond le lapin. Et la tortue de serecroqueviller dans sa carapace⁄

A c t u B d

19

LE PETIT MONDE DE LIZ

de Liz Climo,Delcourt, 96 p. coul., 14,95 €

THIERRY LEMAIRE

À coups de gags en deux ou trois cases, Liz Climo décrit unmonde animalier bien proche du nôtre, dans ses bassessescomme dans sa grandeur d’âme. Laissez-vous donc entraînerdans Le Petit Monde de Liz.

Les animauxne sont pas bêtes

Le P

etit

Mon

de d

e Li

z, p

ar L

iz C

limo

© G

uy D

elco

urt P

rodu

ctio

ns –

2013

Page 20: Zoo 48

20

Iron ÿ La GuerredÊaprès Ÿ, de S.M. Vidaurri

ÿ La Guerre dÊaprès Ÿest le sous-titreéloquent dÊIron, unedénomination quimet de suite lelecteur danslÊambiance à la foisviolente et feutréede ce one-shot paruen avril aux éditions

Cambourakis. On pénètre dans unmonde aux personnagesanthropomorphes, dans une périodesuivant une guerre civile où lesoppresseurs ont vaincu, où lesderniers résistants, menés par unlapin aux convictions et au courageabsolus, sont tiraillés entre le sacrificepour une cause noble et larésignation ou le fatalisme. Malgréune trame parfois floue et un manquede détails regrettable pour entrervéritablement dans lÊintrigue, cÊest untrès beau premier projet que signeS.M. Vidaurri.Cambourakis, 160 p. couleurs, 19,50 €

ALIX DE YELST

Dent dÊours, T.1, Max,de Yann et Henriet

Une nouvellesérie sur laSeconde Guerremondiale, écritepar le parfoiscontroverséYann, maiscette fois assezsubtile. EnSilésie (régionpolonaise qui

subira lÊannexion de lÊAllemagne),dans les années 30, la Luftwaffepropose des activités sportives à desgamins passionnés de lancement defusées artisanales et dÊavions en balsa.Il ne sÊagit pas de faire dans lebénévolat, mais de recruter la crèmede ses futurs pilotes. De religionisraélite, lÊun des férus dÊaviationva quitter ses amis aryens pourrejoindre les États-Unis, où sa blondeapparence et sa maîtrise de lÊallemandlui vaudront la suspicion de laSécurité Militaire. Des combatsaériens qui coupent le souffle, un traitlimpide et un scénario intriguant.Dupuis, 48 p. couleurs, 14,50 €

MICHEL DARTAY

Marsu Kids, T.2,Un fluf pour deux,de Wilbur et Conrad

Spirou etFantasio se sontentichés dÊunmarsupilamimâle, mais lesbébés marsussont encoreplus craquants !Dans un niddouillet de laforêt de

Palombie, des flufs vont éclore, maissurprise, un fluf abrite des siamois,reliés par la queue ! LÊimportant, cÊestla vie et des jeux inédits (balancoire,saut à la corde). Une famille trèsfortunée décide de les ramener danssa luxueuse résidence, où ils aurontévidemment du mal à sÊacclimater.Le dessin de Conrad (qui affûte sescrayons pour sa reprise attenduedÊAstérix) devrait plaire à tous lesamateurs de Franquin.Marsu Productions, 48 p. coul., 10,60 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

A c t u B dzoom

D Êoctobre 1905 à mars 1906,Buffalo Bill et son cirque, leWild West Show, ont fait

découvrir aux Provençaux (après lareine Victoria ou la cour de Russie) lesgrands moments romancés de laconquête de lÊOuest. Plus encore quele passage du cirque pour la deuxièmefois à Marseille, cÊest une anecdoteétonnante que Faure a mise en scène.Bloqués sur le Vieux-Port, les Indiensdu Wild West Show vont sÊinstaller enCamargue. Invités par le marquis deBaroncelli, grande figure de la nationgardianne et de la langue provençale,les Indiens de la tribu des Lakotasplantent leurs tipis près du mas de samanade. Les Lakotas, massacrés àWounded Knee par lÊarmée améri-caine, sont devenus des figurantsméprisés loin de leur patrie avant deretourner dans leurs réserves.Faure a brodé une trame romanesqueet historique à partir de cet événe-ment. Mario, un jeune gardian demère gitane, tombe amoureux de labelle Indienne Shania. Entre Camar-guais et Lakotas, le courant passe, faitde respect et de partage des mêmesvaleurs.Faure, avec Jean Vilane comme coscé-nariste, a reconstitué lÊépopée du WildWest Show depuis sa création puisson voyage avec bisons, chevaux etune troupe de centaines de figurantsvers lÊEurope. Attaque de diligence,chasse aux bisons par Buffalo Bill, dres-sage, parade, la bataille de Little BigHorn, le spectacle était un rêve éveillépour un gamin, dixit 70 ans plus tardun grand-père à son petit-fils.

COMMUNION ENTRE DEUX PEUPLESLÊépisode camarguais que décrit Fauredans ce delta du Rhône unique et pré-servé, a la saveur dÊune communionentre deux peuples unis par la soif deliberté, perdue pour les uns, soustutelle pour les autres. Ils partagentamour de la terre des ancêtres, de lanature, des chevaux et des ÿ bious Ÿ,les taureaux en provençal, rois descourses libres sans mise à mort.Faure, qui connaît bien la région,emmène ses Indiens conduire lÊabri-vado de Gallargues, fête traditionnelleavec lâcher de taureaux. FrédéricMistral est aussi de la partie, poète

provençal emblématique. Clin dÊflil àPagnol avec Pételugue. Gitans, In-diens et gardians se retrouvent aupèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer. Sous le regard de la vierge noire,Mario et Shania vont sÊaimer tout ensachant quÊil leur sera difficile derenoncer à leurs racines.Faure excelle dans ses compositionsqui mélangent roulottes gitanes, leport des Saintes, cavalcade effrénée oùse mêlent Indiens et gardians. Il aimecette région aux couleurs et aux pay-sages incomparables. Son dessin estfin, précis et détaillé. Ceux qui neconnaissent pas les traditions gar-diannes, Coupo Santo et aigo boulidoentre autres, iront à la rencontre dÊunmonde qui sÊest toujours battu pourconserver son identité. LÊanecdotemarseillaise des Indiens de Buffalo Billméritait bien quÊon en tire un album,peuchère.¤ noter quÂen 2006 un spectacle a étéjoué au festival dÊAvignon par JeanVilane, complice de Faure pour lÊal-bum. Les textes étaient de Nicole

Rieu. Sous le même titre, Jean Vilaneracontait déjà cette incroyable ren-contre entre Indiens et ÿ cow-boys Ÿmanadiers.

Buffalo Bill et son cirque à Marseille, ce n’est pas une galéjade. Michel Faure, qui aime le Midi,en a tiré un album, Camargue Rouge.

CAMARGUE ROUGE

de Michel Faureet Jean Vilane,

Glénat, 72 p. coul., 15,50 €

JEAN-LAURENT TRUC

CAMARGUE ROUGE,

© F

aure

et V

ilane

/ G

LÉN

AT

201

3

des Indiens chez les Gitans

Page 21: Zoo 48
Page 22: Zoo 48

A c t u B d

S orti en 2009, ce roman faitlÊobjet dÊune adaptation enbande dessinée de trois

albums chez Dargaud. Dans un futurassez proche (2029, cÊest pourbientôt !), le sport et les paris sportifssont devenus lÊun des secteurs princi-paux de lÊéconomie (les salaires miro-bolants des joueurs vedettes du PSGtendent à crédibiliser ce point dedépart). Drogué à son insu dans uneboîte de nuit où il fête un nouveaumatch gagné, le basketteur de trèshaut niveau Steve Moreira va se fairedémolir le portrait, car il a trop bienjoué pour laisser perdre le match. IlsÊenfuit de lÊhôpital où il est soignépour entamer un long périple dÊIstan-bul vers la France, mais le lecteurverra avec lui que les frontièresnÊont pas vraiment disparu, et queles pays ont renforcé leur maîtrisedes flux migratoires.

UNE RENCONTRE INATTENDUENous avons demandé à son dessinateurFranck Biancarelli ce qui avait justifiéson transfert : ÿ JÊétais très bien chez Soleiljusque là, mais il y avait des idées dans lÊairqui nÊallaient pas très loin. Puis un jour jÊai reçu

un message de Denis Robert sur Facebook. Pourmoi, cÊest un héros moderne, car il sÊest battucontre Clearstream pendant dix ans, au termedesquels il a fait émerger la vérité. Même dans lecas où lÊhistoire ne mÊaurait pas convaincu, je neme sentais pas de refuser à Denis, parce quejÊai beaucoup dÊadmiration pour lui.Dunk mÊa beaucoup plu, le livrecomme la façon dont il lÊa adaptépour la BD. Il y a un gros travailsur la documentation rassemblée,mais ce travail est soumis àlÊhistoire, car il ne sÊagit pas

de simplement jouer au malin avec deux ou troisconcepts. La deuxième raison, cÊest quÊon estbeaucoup dans la tête des personnages et dans

leurs émotions. Steve Moreira nÊyest pas décrit physiquement, à lalimite on ne sait même pas sÊil estblanc ou sÊil est noir. Le thème

et lÊhistoire mÊont porté. Ony aborde la neurobiolo-gie, la mafia et les sports,

mais rien nÊest démons-tratif.Ÿ

COMMENTAIRES ENCADRÉSET COULEURSBien que cet album comporte de nom-breux inserts de textes, sa lecture restepalpitante. Interrogé sur ce point,Franck précise : ÿ JÊadore ce procédé. CÊesttrès vieux dans la BD, dans Prince Valiantpar exemple, Hal Foster avec ses hors-textespouvait donner lÊimpression de donner danslÊillustration, mais cÊest en fait de la bandedessinée. Dans la BD franco-belge, cÊest prin-cipalement du descriptif, alors que dans lescomics de Foster à Frank Miller, cÊest de lÊé-motion. Je réalise le dessin plutôt vite, mais jepeux perdre beaucoup dÊheures à savoir encombien de phylactères je vais découper unephrase, et où je vais les situer. Ÿ

On remarque à la lecture quÊil y abeaucoup de jaune et dÊorange, ce quisÊexplique ainsi : ÿ Le jaune et lÊorangesont des couleurs avec lesquelles jÊadore jouer.Sur les pages 36 et 37 par exemple, je doisessayer dÊévoquer des sentiments : le ciel tire versle jaune, ce qui rend lÊambiance oppressante. ŸLe scénario de ce thriller dÊanticipa-tion, où sont pointés les thèmes delÊultralibéralisme et du pouvoir finan-cier, fournit aussi des informationsscientifiques sur le fonctionnementdu cerveau et la neurobiologie. Le traitréaliste, nerveux mais élégant deFranck Biancarelli, lui impulse uneénergie qui donne envie de viteconnaître la suite.

22

Les amateurs de basket-ball savent qu’un dunk désigne un smash au panier. C’était aussi le titre d’un roman d’anticipation deDenis Robert, le journaliste à l’origine de la première affaire Clearstream.

Dunk, but not drunk!

DUNK, T.1NAISSANCE DÊUN HÉROS

de Denis Robertet Franck Biancarelli,

Dargaud,48 p. couleurs, 13,99 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

© R

ober

t et B

ianc

arel

li / D

AR

GA

UD

Page 23: Zoo 48
Page 24: Zoo 48

A c t u B d

F unérailles, professeur de droitet gardien officieux de laF.E.A.H. (Faculté des Études

Académiques des Héros), serait le plusgrand guerrier de tous les temps, ceque son physique austère de manchotau visage à moitié défiguré ne laissepas deviner de prime abord. Son armefavorite est une sorte de dague accro-chée au bout dÊune chaîne à grosmaillons, quÊil porte autour du coucomme une écharpe... En réalitéFunérailles est tellement puissant que,comme Merlin dans le cycle arthurienou Gandalf dans Le Seigneur des anneaux,lÊauteur est obligé de le maintenir à lÊé-cart pour éviter quÊil ne résolve tousles problèmes à sa manière, cÊest-à-diretrop vite et trop bien pour que la ten-sion dramatique puisse sÊexacerbercomme le récit lÊexige ! Et voilà com-ment le personnage le plus réussi de la

série, le plus mystérieux aussi, seretrouve sur la touche. Oui, mais onvoudrait en savoir plus ! Alors⁄ ? Alorsil restait à raconter lÊhistoire dePretorius et de Scipio, leur jeunesse,leur initiation, dans une série dédiée.Dont acte.

PASSE-MOI LE SPIN,J’ENLÈVE LE OFF !Un spin-off ? Bien plus que cela. Unspin-off tenterait de prolonger lÊfluvreinitiale en reproduisant ses recettes.Funérailles est un récit dark fantasy quecertains lecteurs pourraient préférer à lasérie ÿ centrale Ÿ. SÊil sÊinscrit dans lÊuni-vers FreaksÊ Squeele, il nÊest technique-ment pas indispensable dÊavoir lu FreaksÊSqueele pour comprendre et appréciercette nouvelle série⁄ Mais à bien yregarder, cÊest un conseil quÊon ne peutpas vous donner. Il faut, vous devez, lirela série de Florent Maudoux ! Plaisirgaranti : FreaksÊ Squeele, cÊest la synthèseparfaite entre lÊintensité narrative desmangas, lÊesthétique des bandes des-sinées franco-belges et le savoir-faireaméricain de la mise en scène et dudécoupage. Et pour ne rien gâcher, lÊau-teur y distille un humour influencé par

les maîtres anglais du genre ; et unemyriade de clins dÊflil amusants et bienamenés à des références culturelles quivont de Botticelli aux X-Men. Bref,FreaksÊ Squeele, malgré son titre imbi-table1 a su en quelques tomes devenirun incontournable de la ÿ funtasy Ÿ, àlÊinstar de Lanfeust ou de Donjon.

DRIZZT SQUEELE OF THRONEJusquÊà présent, Maudoux avait distilléau compte-goutte les informations surPretorius le mutilé et son agaçant frèrejumeau Scipio, laissant simplementmiroiter un passé agité et une relationcompliquée. LÊauteur ne se contentepas ici de clarifier ces zones dÊombre.CÊest tout un monde féodal sous-terrain(au sens propre) qui est décrit dansFunérailles, avec son organisation sociale,ses castes, ses jeux politiques et seshéros. Où le véritable pouvoir est auxmains dÊun conseil matriarcal dont lesmembres se disputent selon des règlesde préséances et de réputation assezcomplexes. Une fois encore, Maudouxnourrit son imaginaire à des sourcesvariées. LÊinfluence de R.A. Salvatore(La Légende de Drizzt) et de George R. R.Martin (A Game of Throne – Le Trône de fer)est la plus perceptible. LÊusage du termeÿ Freaks Ÿ emprunté au film éponyme deTod Browning de 1932 surprenait dansla série principale, où des étudiants dis-posent de super-pouvoirs obtenus à lafaveur de mutations avantageuses. DansFunérailles au contraire, toute une courdes miracles de ÿ monstres Ÿ rejetéspar la société est montrée⁄ La preuveest donc faite : la véritable âme duÿ Freaks Ÿ, son squeele épique, cÊestFunérailles !

24

L’univers Freaks’ Squeele, en pleine expansion, s’enrichit d’une nouvelle série qui raconte lajeunesse du plus mystérieux de ses personnages : Pretorius, alias Funérailles.

FREAKSÊ SQUEELEFUNÉRAILLES, T.1

FORTUNATE SONS

de Florent MaudouxAnkama, Label 619,

80 p. couleurs, 14,90 €

JÉRłME BRIOT

1 Rendez-vous dans le glossaire du sitewww.nanarland.com pour des explicationssur le mot ÿ squeele Ÿ.

DARK SQUEELE

© F

lore

nt M

audo

ux /

AN

KA

MA

© F

lore

nt M

audo

ux /

AN

KA

MA

Page 25: Zoo 48

25

A c t u B d

J oe, un jeune collégien dÊunepetite ville canadienne, refusedepuis quelques temps de

prendre le bus pour se rendre à soncollège, prétextant vouloir observer lanature enneigée. La réalité est toutautre. Joe est en fait devenu la victimeprivilégiée de Jason et de son compliceOliver, deux garçons plutôt couillonsqui lÊont pris pour souffre-douleur.Oliver nÊest clairement pas moteur dansces sévices, mais tout à fait asservi à labrutalité et lÊautorité de Jason.

HAINE ARBITRAIRECes persécutions quotidiennes nÊontpas de réel motif, du propre aveu deJason. Celui-ci ne semble vivre quepour martyriser le pauvre Joe : traquequotidienne dans le collège pour luiassener des coups, le racketter, lÊhu-milier (lui dessiner une croix gamméesur le front au marqueur par exemple),exercer son pouvoir de petit caïddevant une assistance dÊadolescentspassifs. Plus tard, il avouera même àJoe quÊil nÊéprouve même plus lebesoin de la présence dÊun public pourprendre du plaisir à lÊemmerder.Le salut de Joe, qui a décidé de restermutique sur ses ennuis à lÊécole, vien-dra dÊune jolie infirmière scolaire et...dÊun orignal. Ce serait trahir lÊintérêt

du livre que de vous expliquer com-ment. Sachez seulement que la findÊOrignal est originale.Ce nÊest pas la première fois que leBelge Max de Radiguès, auteur notam-ment de Lʘge dur édité chez LÊEmployédu moi, aborde les affres de lÊadoles-cence. Son trait reconnaissable seconcentre généralement sur les per-sonnages, au détriment des décors.Les dialogues sonnent jute et le récitse dévale avec la désagréable impres-sion dÊavoir été soi-même témoin denombreuses persécutions de ce typedans sa jeunesse, si nous-mêmes nÊenavons été victimes (quant à lÊéventuellecteur qui fut un salopard dans sesjeunes années, on ne le félicite pas). ¤la fois touchant et surprenant, vousrefermerez ce livre un peu abasourdiet frustré de ne pouvoir continuer pluslongtemps à voir grandir Joe.

ORIGNAL

de Max de Radiguès,Delcourt, 152 p. n&b, 13,95 €

OLIVIER PISELLA

Orignal raconte la persécution d’un collégien par un autre. Maxde Radiguès livre de nouveau un récit fluide et très réaliste,avec une fin pas piquée des vers.

Mais pourquoi est-ilAUSSI MÉCHANT ?

Orig

nal,

Max

de

Rad

iguè

s ©

Guy

Del

cour

t Pro

duct

ions

–20

13O

rigna

l, M

ax d

e R

adig

uès

© G

uy D

elco

urt P

rodu

ctio

ns –

2013

Page 26: Zoo 48

26

A c t u B dzoom

Stan Lee, Homère du XXe

siècle, de Jean-Marc LainéStan Lee fait partiede ce petit groupetrès fermé desindividus les plusinfluents delÊhistoire de labande dessinée.¤ travers cettebiographie, Jean-

Marc Lainé décrypte le mythe, sansvolonté de déboulonner la statue decommandeur ni redorer le blason decelui qui incarne Marvel à lui seul. Endéroulant le fil de la vie de StanleyMartin Lieber, il décrit ses méthodes,nÊélude pas son culte de lapersonnalité, et questionne sapostérité. La très intéressante analysedes thématiques développées par Leeconclut un livre riche en illustrationset fort instructif pour entrer dans lemonde des comics par la porteMarvel.Les moutons électriques, 244 p., 23 €

THIERRY LEMAIRE

New X-Men,T. 3, Un vent de révolte,de Morrison, Quitely,Jimenez et Bachalo

CÊest la rééditionbrochée à prixmodique dÊun albumparu dans lacollection MarvelDeluxe, qui étaitbizarrement épuisédepuis longtemps.Un groupe dejeunes mutants

énervés prend le directeur delÊInstitut Xavier, jugé trop pacifiste,en otage. Une sorte de conflit à lafois social et générationnel que letalentueux Morrison décrit avecdélice. Son compatriote écossaisFrank Quitely, au trait inimitable,dessine aussi ÿ tranquillement Ÿque soigneusement, sÊattachantaux différentes physionomies etmorphologies. Jimenez et Bachaloillustrent dans des styles différents lesdeux autres histoires qui suivent.Panini, 288 p. couleurs, 16,30 €

MICHEL DARTAY

Encyclopédie des bandesdessinées, Lug 1950-1954,de Thomassian

Érudit, spécialistede BD populaire etlibraire dÊoccasion,Gérard Thomassianest lÊauteur dÊuneencyclopédie quiretrace les grandesheures desfameuses ÿ BDde gare Ÿ. Après

Impéria ou Mon Journal, il sÊintéresseà Lug dans un volume couvrant 1950à 1954. Le mythique éditeur deStrange entre 1970 et 1996 traduisaitdéjà des BD étrangères (Italie,Angleterre, États-Unis). LÊouvrage,richement illustré, présente des pagesmagnifiques de Jean Cézard oucompare les pages américaines (LoveConfessions, Diary Love, Daniel Boone)avec leurs adaptations françaises.Pour les curieux, les amateurs decomics, les nostalgiques et lesesthètes, qui se régaleront dÊuneiconographie luxuriante.Fantasmak, 280 p.couleurs, 58 €

(par correspondance)JEAN-MARC LAINÉ

O n avait déjà pu lire un avant-goût prometteur de cetalbum lors de la sortie dÊun

fac-similé du storyboard couleur parKeramidas. Sorti lors du festivaldÊAngoulême, celui-ci avait égalementété lÊoccasion de découvrir le décou-page complet et dialogué écrit par Jean-David Morvan, nouveau scénariste de lasérie. En effet, si les deux premierscycles de Luuna avaient été écrits parDidier Crisse, cÊest ici Morvan, par-rainé par le créateur initial de la saga,qui prend en main la destinée de lÊhé-roïne aux deux totems.

Dans le premier cycle de ses aventures,la jeune fille du grand Sachem de latribu des Paumanoks participait à lacérémonie des totems. Durant celle-ci,lÊesprit du mal, Unkui, sÊimmisçait dansson initiation et lÊhéroïne finissait affu-

blée de deux totems, un bénéfique etlÊautre maléfique. Soumise à ces deuxinfluences, lÊIndienne se retrouvait sousla terrible emprise malveillante qui sÊem-parait dÊelle à chaque pleine lune. Ledeuxième cycle la voyait partir vers delointains territoires, au-delà de la merdes sables, des contrées vikings, et sur-tout du temps puisque lÊhéroïne traver-sait plusieurs siècles.

LE BÉNÉFICE DE L’EXPÉRIENCEAyant triomphé de toutes ces épreu-ves, Luuna se voit offrir une nouvellechance avec ce troisième cycle. Reve-nue au jour de son initiation, là où touta commencé, celle-ci décide de ne pasrefaire les mêmes erreurs. Bien décidéeà rencontrer son totem, elle va essayerde sauver ses proches et le monde quilÊentoure du funeste destin quÊils avaientrencontré. CÊest donc une sorte dereboot que nous propose Jean-DavidMorvan avec ce nouveau cycle. Mais silÊhistoire reprend aux origines, lÊhé-roïne a maintenant lÊexpérience de sesnombreuses aventures et va sÊen servirpour réécrire son passé. LÊidée dÊunerelecture proactive du premier cyclepar une Luuna plus aguerrie est inté-ressante tant elle permet aux fans deredécouvrir lÊhistoire quÊils ont aimée.Par ailleurs, Morvan sÊégare moins enintrigues secondaires, ce qui rend lalecture plus fluide et prenante.

Au niveau du dessin, on a affaire à lÊex-cellent Nicolas Keramidas. Chaqueplanche de ce nouvel opus de Luuna est

une démonstration, notamment pource qui est des décors. Ceux qui ont eula chance de pouvoir apercevoir lescrayonnés préparatoires de ce nouvelopus ont également pu observer lÊex-ceptionnel travail de détail de chaquecase, peut-être un peu moins visibleune fois crayonné et mis en couleurs.En tout cas, lÊauteur ne ménage passes efforts pour satisfaire le lecteur.

Avec ce tome 8, la série retrouve debelle manière le niveau qui a fait sonsuccès.

Avec un dessinateur plus motivé que jamais, un nouveau scénariste et un troisième cycle original,les aventures de l’Amérindienne la plus connue de la BD redémarrent en beauté.

LUUNA, T.8LÊATTRAPEUR DE R¯VES

de Crisse, Morvanet Keramidas,

Soleil, 48 p. couleurs, 13,95 €

YANNICK LEJEUNE

ÉTÉ INDIEN POUR LUUNA©

Cris

se, M

orva

n et

Ker

amid

as /

MC

PR

OD

UC

TIO

NS

201

3

© C

risse

, Mor

van

et K

eram

idas

/ M

C P

RO

DU

CT

ION

S 2

013

Page 27: Zoo 48
Page 28: Zoo 48

28

A c t u B d

N estor Burma, détective etpatron de lÊagence Fiat Lux,pourrait se la couler douce :

son billet de la loterie nationale estgagnant. Mais comme il nÊest pas legenre à refuser un client, la visitedÊOmer Goldy, diamantaire de profes-sion, va lÊemmener sur les traces dÊunChinois, de quelques Russes et du fémurperdu dÊun squelette unijambiste (quijustifie le calembour du titre de lÊépisodeà lui seul). Et comme les Russes en ques-tion sont modistes en lingerie féminine,cÊest Hélène, la secrétaire de Burma,qui va mener lÊenquête. Où les guê-pières pourraient cacher un guêpier.

ADAPTATIONSNestor Burma, le détective créé en1943 par Léo Malet, est le héros dÊunegrosse trentaine de romans policiers.Quinze forment la série des NouveauxMystères de Paris, dont chaque enquête sesitue dans un arrondissement précis dela capitale. Par exemple, Boulevard⁄ossements (publié initialement en 1957),se déroule comme son nom le suggèredans le quartier des grands magasins, leneuvième arrondissement. Cet amourmanifeste de Malet pour le Paris desquartiers était partagé par JacquesTardi, le premier à adapter NestorBurma en bande dessinée en 1982, avecBrouillard au pont de Tolbiac. Pour le des-sinateur, cÊétait aussi lÊoccasion de fairerevivre le Paris populo des années1950. Mais Tardi nÊest pas quelquÊunqui aime se répéter. Au bout de cinqtomes, il confie Burma à un autre des-sinateur, Emmanuel Moynot. Lequellivre trois nouveaux récits ; avant depasser le relais à Nicolas Barral.

SUCCESSIONSEt là, on a deux écoles dans la reprise.Moynot, sans trahir lÊhéritage deTardi, avait incarné une certaine rup-ture dans les trois tomes publiés entre2005 et 2009, par lÊusage de la couleuret en insufflant un peu de son proprestyle graphique dans les personnages.Barral, au contraire, joue la carte de lafidélité absolue à lÊunivers graphiquedu maître. Retour au noir et blanc,imitation du style Tardi dans les

moindres détails, y compris les incon-tournables pavés mouillés, les crisÿ A !Ÿ en lettres fantômes et lestrognes impossibles⁄ Quand même,cÊest étonnant que ce soit le dessina-teur de Philippe et Francis, le seul dessi-nateur ayant eu, à des fins de parodie,la liberté de sÊaffranchir du style Jacobspour faire des albums de Blake &Mortimer alternatifs, qui fasse ici desgammes de Tardi. Il sÊen sort très bien,cÊest très bien fait, cÊest même bluffant.Les amateurs de Tardi vont adorer cenouveau Burma, si fidèle à lÊoriginal.Mais artistiquement, à quoi bon ?

Après Jacques Tardi puis Emmanuel Moynot, c’est désormaissous les pinceaux de Nicolas Barral que Nestor Burma poursuitses aventures parisiennes…

BOULEVARD⁄OSSEMENTS

de Nicolas Barral, dÊaprèsLéo Malet et Jacques Tardi,Casterman, 82 p. n&b, 16 €

JÉRłME BRIOT

DU CONSERVATOIRE DE TARDIBARRAL, PREMIER PRIX

© B

arra

l, d’

aprè

s M

alet

et T

ardi

/ C

AS

TE

RM

AN

© B

arra

l, d’

aprè

s M

alet

et T

ardi

/ C

AS

TE

RM

AN

Page 29: Zoo 48
Page 30: Zoo 48

30

We are Family T.1,de Palvenko et Valero

Maman Grenouilleet Papa Crapaudont deuxmignonnes petitesprogénitures,têtard et mini-troll, quels drôlesde noms me direz-vous. Non, ce n'estpas un conte pour

enfants, mais bien le quotidien d'unefamille aux surnoms étranges, aucomportement à la fois drôle ettrash. Quand ce ne sont pas lescopains imaginaires qui dirigent lesrepas de mini-troll, ce sont lesquestions existentielles de têtardqui rendent la vie à la fois belle etcompliquée. Les moments partagésentre la mère et ses deux petits garssont tout autant comiques quetendres. Quant au dessin de TeresaValero, il s'adapte particulièrementbien au récit de Marie Pavlenko. UneBD toute mignonne qui parleraautant aux petits qu'aux grands. Delcourt, 48 p. couleurs, 13,95 €

AUDREY RETOU

Murena, T.9, Les Épines,de Dufaux et Delaby

Superbement misen images danslÊalbum précédent,lÊincendie qui aravagé Rome enjuillet 64 a laisséun champ decendres et deruines. Néronsonge déjà à sa

reconstruction, toute à sa gloire, maisil faut dÊabord trouver des coupables.Juifs et chrétiens, qui sont au débutles mêmes, constituent de parfaitscoupables présumés, et le peuple abesoin de nouveaux divertissementssanglants. Pierre, le premiercompagnon de route dÊun certainJésus, connaît à son tour le supplicede la crucifixion. Murena souhaiteexpliquer sa responsabilitéinvolontaire. Une reconstitutionminutieuse de la vie romaine,toujours dépeinte par Delaby, aveclÊaide dÊun nouveau coloriste. Dargaud, 56 p. couleurs, 11,99 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

Le Démon du soir,de Florence Cestac

Noémie approchede la soixantaine,et les motifsdÊinsatisfactionse multiplient.Les hommes nela regardent plustrop, elle se sentéloignée de sesjeunes collègues,

mais sa fille la prend pour une baby-sitter gratuite. En plus, une graveanxiété suite à une mammographieaux résultats suspects. Il sÊagissaitdÊune fausse alerte, du coup Noémieenvoie tout balader pour sereconstruire une nouvelle vie ausoleil, avec un vieux mas à retaper,et un nouveau mec, sympa, jeuneet bricoleur. Une tranche de vieoriginale, où famille, collègues etcopines sont décrits sans concession.Dargaud, 56 p. couleurs, 13,99 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

A c t u B dzoom

O n a coutume de considérerles révolutions comme lerésultat dÊun mouvement

collectif, lÊexpression dÊune colère demasse qui renverse tout sur son pas-sage. CÊest une façon de voir leschoses. On peut aussi apprécier cesrébellions contre le pouvoir en placecomme la somme dÊune myriade dÊini-tiatives individuelles. Le Printemps desArabes, dont le titre introduit astu-cieusement le propos, se place danscette seconde optique. LÊalbum montreainsi quelques exemples embléma-tiques qui ont été à lÊorigine ou ontaccompagné les soulèvements suc-cessifs connus dans les pays dÊAfriquedu Nord et du Proche-Orient entre2010 et 2013. Jean-Pierre Filiu, grandspécialiste de lÊIslam contemporain (etcoauteur avec David B. de la bandedessinée Les Meilleurs Ennemis – voir Zoon°34), sÊattache en effet à raconter icilÊhistoire au plus près des événements.ÿ Le Printemps des Arabes, cÊest lÊhistoirede ces hommes et de ces femmes qui se sontlevés pour reprendre en main leur destin Ÿ,écrit-il dÊailleurs en conclusion de lÊal-bum.

DÉTONATEURS MULTIPLESPour confirmer un peu plus cette vision,il suffira de constater que lÊélémentdéclencheur de toute cette périodetroublée est lÊimmolation par le feu deMohammed Bouazizi à Sidi Bouzid,en Tunisie. LÊalbum commence évi-demment par ce sacrifice, qui ne serapas vain. Puis passe en revue une ving-taine dÊautres comportements édifiants,en Égypte, au Yémen, en Syrie, enLybie, à Bahreïn, à Gaza, au Maroc,en Arabie Saoudite et en Algérie. Avecà chaque fois ce mélange de courage,de lucidité, de don de soi et dÊabnéga-tion qui force le respect. Les séquencessont assez courtes et pourraient rebu-ter le lecteur par leur côté haché, maisle découpage et le dessin dÊune remar-quable expressivité de Cyrille Pomèstransforment le tout en un récit à lafois enrichissant et haletant. Certainsde ces ÿ héros Ÿ sont connus (la jour-naliste prix Nobel de la Paix TawakulKarman par exemple), dÊautres pas dutout, et chacun exalte à sa façon lÊim-portance de la responsabilité indivi-duelle. Rien nÊest joué dans tous cespays, mais sÊil y avait une morale à cette

histoire, Jean-Pierre Filiu la livre en findÊalbum : ÿ La liberté se mérite chaque jour etla démocratie est trop humaine pour ne pas êtrefragile. NÊoublions pas cette leçon qui nousvient du Sud de la Méditerranée. Ÿ

LE PRINTEMPS DESARABES

de Jean-Pierre Filiuet Cyrille Pomès,

Futuropolis, 112 p. coul., 18 €

THIERRY LEMAIRE

Le printemps arabe peut se raconter de différentes manières. Pour Jean-Pierre Filiu et CyrillePomès, on devrait plutôt parler du Printemps des arabes, un bédéreportage à hauteur d’homme.

1+1+1 = 1000©

Fili

u et

Pom

ès /

FU

TU

RO

PO

LIS

Page 31: Zoo 48

31

A c t u B d

U n jeune couple se sépare. Lui se sent deplus en plus inexistant, elle ne le voitpresque plus. Dans ces derniers jours qui

les unissent, il y a des regrets, des non-dits, despleurs, des engueulades inutiles. Chacun traîne sonlot de silences, de doutes, de tristesse. CÊest la findÊune histoire dÊamour. De cette histoire de sépara-tion qui pourrait être banale, Luke Pearson tire unalbum comme lui seul en a le secret, tout en évo-cation poétique et en onirisme. Derrière les per-sonnages, les décors se mettent à danser, les ombresà prendre forme, tout joue à faire ressentir lespensées des personnages. Lui se souvient, tente dÊé-chapper à son sort et de sÊen remettre.

ONIRISME MÉLANCOLIQUELÊauteur convie le lecteur à aborder lÊéternel sujet delÊamour qui prend fin avec talent : long comme unenouvelle, lÊalbum est un régal de subtilité. Le styleest dÊailleurs très bien résumé par cette phrase dequatrième de couverture : ÿ LÊaube. ¤ lÊhorizon, en une

fraction de seconde, un sapin se déracine et se met à danser. Sansque personne ne remarque rien. Ÿ LÊécriture est à la fois sen-sible et inventive, entre évocation de petits ins-tants de vie et insertion de créatures fantasmago-riques destinées à donner forme aux émotions.

ÉDITION SOIGNÉEVisuellement, Luke Pearson fait merveille avec unebichromie noir-orange qui sert son dessin très enretenue. On est ici dans un univers graphique trèsdifférent de la série Hilda, contant les aventuresdÊune fillette à bottes rouges, qui a fait sa renommée.Encore une fois, et comme à lÊhabitude chezNobrow, on a à la fois affaire à une superbe histoire

et à un très bel album. Les livres de cette petite mai-son dÊédition anglaise sont tou-jours très bien édités et dÊunefabrication irréprochable. On nesaurait trop vous conseiller desoutenir cette équipe qui, au final,offre de magnifiques écrins à dÊex-cellentes histoires.

Quand Luke Pearson raconte la plusbanale des histoires – une séparationamoureuse –, c’est toute une foule demoyens subtils qui sont mis en œuvre afinde révéler l’indicible. Une réussite, éditéedans un livre à la confection impeccable.

YANNICK LEJEUNE

c LOIN DES YEUXde Luke Pearson,Nobrow, 40 p. bichromie, 14 €

Poésie de la séparation

© L

uke

Pea

rson

/ N

OB

RO

W

Page 32: Zoo 48

32

Le Bois des vierges,T.3, Épousailles,de Dufaux et Tillier

Voici enfin la findÊune série qui avaitcréé beaucoupdÊattentes chez lesfans de ses auteurs.Dans les épisodesprécédents, Aude,lÊhéritière du clandes humains, a

refusé dÊépouser Loup-de-Feu,représentant des bêtes. Celui-ci ayantété retrouvé mort, la guerre entre lesdeux races a repris de plus belle etlÊhéroïne nÊa plus eu dÊautre choixque de se réfugier dans le bois desvierges, un endroit dangereux emplide créatures encore plus fantastiques.Amoureuse du Seigneur Clam, unhomme-garou, Aude va voirsÊaffronter les Poil et les Peau. Aprèsun deuxième tome plus calme, voiciun opus fait dÊaventures, de romanceet de drame. Certes, la tramescénaristique est parfois un peuattendue, mais lÊensemble,notamment grâce à la beauté despages de Tillier, ne peut que ravirles lecteurs.Delcourt, 56 p. couleurs, 14,30 €

JOHN YOUNG

Rolqwir, T.1,de Cardona et Torta

XVIIIe siècle, laFrance, forte de saculture et de sesphilosophes, est àson apogée. Le roiLouis XXIII décidedÊenvoyer le preuxchevalier Jean deRolqwir au Yamato,

pays du soleil levant, pour y portertoute la connaissance de notre bonpays. Sur place, le héros est confrontéà une forte résistance desautochtones, dÊautant plus que leurcivilisation aurait plutôt de lÊavance⁄Florence Torta et Philippe Cardona(Noob) relancent ici un personnagené dans un fanzine il y a quelquesannées. CÊest drôle, parfoislourdingue, mais le mélangedÊenthousiasme et de mauvaise foi duchevalier emporte le tout et fait dece manga parodique une ÿ rigolade Ÿfranchouillarde plutôt plaisante.Soleil, 48 p. couleurs, 10,95 €

JOHN YOUNG

Billy Brouillard - LesComptines malfaisantes,T.2, de Bianco

Au nombre total de13, Les Comptinesmalfaisantes, petiteschansons divinementillustrées parGuillaume Bianco,auraient été écritespar le diable lui-même⁄ mais ce

nÊest pas sûr. Quatre dÊentre ellesavaient dÊabord été dévoilées dans unpremier coffret, en voici la suite avecquatre nouvelles histoires mignonnes,drôles et morbides. Entre nez quidépasse et angoisses nocturnes, cenouvel opus offre de nouveaux récitsjoliment surprenants, un peu cruels,mélangeant charme désuet descontes dÊantan et modernité du stylede Bianco. On nage ici en terrainconnu puisque les aventures de BillyBrouillard font lÊobjet de nombreuxouvrages : petit à petit, leur auteurest en train de créer un nouveauclassique de la littérature jeunesse.Soleil, 64 p. couleurs, 29,95 €

JOHN YOUNG

A c t u B dzoom

A près quelques détours réussisdans la bande dessinée por-nographique, Ignacio Noé

revient à un genre moins sulfureux –bien que lÊhéroïne de son Douce, tiède etparfumée ne semble pas trop se faireprier pour se dévêtir. Les premièrespages de lÊalbum font leur petit effet.Deux créatures pantagruéliques inves-tissent le rêve dÊune jeune femme et selivrent à un duel sanglant. Les coupsfusent, elle y réchappe par miracle. Dès son réveil, Ally se précipite auprèsdes siens pour évoquer le mystère quiauréole ces visions épouvantables. Elleest visitée régulièrement par ces évo-cations qui se font de plus en plus vio-lentes. Ally veut des réponses.Quand elle rejoint le cabinet de sonpère, un sociologue éminent, elle ledécouvre mort dÊune balle en pleinepoitrine : un suicide apparemment.Existerait-il un lien de cause à effetentre les deux événements ?

GATTACAOui, et cÊest en fouillant dans les effetsde son père quÊelle le découvre. Uncarnet lui apprend quÊelle a été le fruitdÊune expérience cruelle, quÊelle futséparée de sa famille biologique pourque son père adoptif puisse étudier leseffets de lÊatavisme. Le pari consistantà observer ce quÊil adviendrait de sasflur Carry, soumise à une conditionsociale défavorisée, par rapport à Ally

qui a connu jusque là aisance, faste etpompe.Noé, avec son Douce, tiède et parfumée metles pieds dans le plat. Le fait-il de façonconsciente ? Probablement pas, mais laquestion se pose car à la fin du récit onpeut être tenté de faire un rapproche-ment entre le récent (non-) débat surlÊadoption ou la Procréation MédicaleAssistée et lÊinconséquence des parentsadoptifs de Ally. Ces derniers considè-rent leur enfant comme un terraindÊexpérimentation ou comme un objetque lÊon peut obtenir pour répondre àune frustration. Acheter le vivant, lemodeler selon ses envies, sa curiosité,ses caprices ; défier la nature, nier seslois et son incertitude au nom du pro-grès (social ou scientifique), tout celaconduit fatalement à une catastropheou à une révolte.Celle-ci se produit à travers lÊengage-ment dÊAlly dans lÊodyssée de ses ori-gines. Elle part à la recherche du réel –de ses racines – et cÊest, à ne pas dou-ter, au bout de ce voyage initiatiquequÊelle se soulagera de ses cauchemarset quÊelle se sentira entière.

Le récit, qui souffre de lÊétroitesse de ses48 pages, démontre néanmoins desqualités. Le dessin séduit par son ampli-tude, sa mise en couleurs et son habi-leté, mais une telle générosité supportemal la contrainte du formatage. Et cequi est vrai pour la représentation, lÊest

aussi pour le récit en lui-même, qui selimite à une mise en bouche très frus-trante. Pas sûr que les lecteurs soientconvaincus par un album qui auguredÊune ribambelle dÊépisodes. Il seraitdommage malgré tout de ne pas sÊat-tarder sur le travail dÊun auteur qui faitmontre, album après album, d'une vir-tuosité impressionnante.

DOUCE, TI˚DEET PARFUMÉE, T.1

LE DOUTE

dÊIgnacio Noé,Glénat, 48 p. coul., 13,90 €

KAMIL PLEJWALTZSKY

Ignacio Noé s’était fait remarquer il y a quelque temps par un triptyque intitulé Helldorado1, qui racon-tait un conflit sur une île imaginaire entre conquistadors et Indiens. Le voici de retour avec une his-toire qui arrive à point nommé pour nous questionner sur l’importance des origines parentales.

In Vivo, Ex Vivo

1 Jeux de mot entre ÿ Eldorado Ÿ et le motanglais ÿ Hell Ÿ qui signifie ÿ enfer Ÿ.

© N

oé /

GLÉ

NA

T

Page 33: Zoo 48
Page 34: Zoo 48

A c t u B d

P armi les fleurs qui éclosent en ce printemps,il y a cet imposant livre, exceptionnel :Franquin et les fanzines. Fanzine ? Kézaco ? Évi-

demment, en ces temps où le moindre aspirant des-sinateur publie son blog, ces publications éphémèresréalisées à tout petit tirage dans les années 1960-1970 pour un public de fans ont lÊair dÊêtres biendatées. Pourtant, imprimées sur le duplicateur à alcooldu lycée (eh oui, mes pÊtits gars, la photocopieusenÊexistait pas encore en ce temps-là !) ou, pour les plusriches dÊentre eux, sur les bonnes vieilles offset dequartier, ces fascicules ont été le premier lien com-munautaire entre amateurs de bande dessinée (rica-nez, amis de Facebook !), alors quÊelle nÊavait pasencore de statut reconnu.

La plupart des grands auteurs de bande dessinée dÊau-jourdÊhui y ont émargé, y faisant leurs premièresarmes ; ils préfèrent oublier cette part maladroite deleur production. Mais les fanzines ont accompagnéaussi la plupart des grandes signatures de lÊâge dÊordans leurs plus belles années et assisté à lÊémergencedÊune nouvelle bande dessinée : Pratt, Gotlib,Brétécher, Reiser, Mflbius, Schuiten... qui consti-

tuent nos classiques.Il sÊy ajoutait des dossiers sur les grands auteursadmirés par tous. Le moment nÊest pas anodin :pour la première fois, le métier de la bande des-sinée produisait de lÊhistoire. Tout ce que lÊon saitsur les auteurs de cette période vient le plus sou-vent de ces publications qui recueillaient pour lapremière fois leur parole.

Alors que lÊhistoire de la BD se calcifie entrevérités et légendes, que certains sÊérigent enmarques (eh, oui : Franquin désormais est unemarque déposée, comme avant lui Caran dÊAcheou Picasso), José-Louis Bocquet, lÊéditeur-adjointde Dupuis, a eu la bonne idée de compiler toutesles interviews et quelques travaux inédits queFranquin a consentis pour ces petites publicationsquÊil a toujours soutenues, alors que son statutdÊauteur-star de Spirou ne lui laissait pas une minuteà lui. La chose sÊappelle Franquin et les fanzines -Entretiens avec la presse souterraine 1971-1993 (ÉditionsDupuis).

Ce sont donc 29 interviews accordées entre 1971et 1993 que lÊon retrouve dans ce fort volume deprès de 480 pages. Des entretiens où lÊon retrouvela voix caractéristique de Franquin, pour Rantanplan(un fanzine cofondé par Morris), pour Les Cahiers dela bande dessinée (la première publication de lÊéditeurJacques Glénat), pour Falatoff (où contribuèrentle libraire Sylvain Insergueix et le conseiller scien-tifique du Musée de la BD dÊAngoulême Jean-Pierre Mercier), lequel inaugura un modèle décom-plexé dÊentretiens avec les auteurs, ponctuésdÊinterjections, dÊonomatopées, dÊéclats de rire (ah,les ÿ Eeeeeeehhhhhhhhaaaaaahhaaah ! Ÿ de Franquin àla fin de chaque réponse !), le vénérable fanzinehollandais Stripschrift, le plus vieux dÊEurope... maisaussi pour dÊobscures feuilles de province qui, sou-vent, nÊont pas dépassé leur premier numéro.

Décédé en 1997, Franquin n’a jamais été aussi présent dans l’actualité éditoriale. Passeulement parce que Gaston et le Marsupilami reviennent dans le giron éditorial deséditions Dupuis ou parce que les 75 ans de Spirou le remettent dans la lumière, maisparce qu’il reste tout simplement le dessinateur le plus marquant de sa génération.

Silence !Franquin parle !

© F

ranq

uin,

Jid

éhem

/ D

UP

UIS

© D

UP

UIS

LE FRANQUIN DES FANZINES

34

Page 35: Zoo 48

35

On voit bien quÊils sont peu professionnels : ques-tions complaisantes, photos mal cadrées... Du fan-dom en plein ! Au détour de ces entretiens, parfois

interrompus par des réponses de Peyo, deTillieux, de Will, de Madame Franquin même...,on croise des noms familiers : des auteurs, deséditeurs, des journalistes... Tous venaientrecueillir la parole du maître, lequel les recevait

avec simplicité, disponibilité, sympathie. Uncas rare dans le domaine de la BD, devenu bienplus protocolaire depuis. Ils y ont probablementtous trouvé leur vocation car Franquin était lÊin-

carnation même du métier et il renvoyait uneimage généreuse, amicale...

Pour lÊamateur de dessins, ce qui fait le prix de cetouvrage, cÊest que chacune de ces publications arecueilli des dessins inédits qui sont compilés ici.

Des crobards rares, souvent réalisés à la hâteà la fin de lÊentrevue, mais aussi dÊautres

conçus dans son atelier et envoyé aprèscoup aux interviewers.

Ainsi, Franquin nous parle deux fois : à traversle rapport très codifié de lÊentretien où lÊon

apprend beaucoup sur le processus de création,la technique, lÊenvironnement éditorial de la publi-cation... ; et puis à travers ces dessins réalisés pourfaire plaisir, sans arrière-pensée et qui ont donc toutle bénéfice de la spontanéité. Ce sont des mer-veilles de créativité, dÊinvention, du concentré degénie. Bref, cet ouvrage est un trésor que lÊon ran-gera soigneusement aux côtés des entretiens deNuma Sadoul Et Franquin créa Lagaffe (Ed. Schlirf /Dargaud) mais aussi le ÿ petit livre jaune Ÿ de

Philippe Vandooren : Comment on devient créateur debande dessinée (Ed. Frédéric Niffle).

Dans le même temps, Dupuis republie les pre-miers Gaston de ÿ format italien Ÿ. Car, à ses débuts,le gaffeur occupait la Une du journal. ¤ ce moment(on lÊapprend en lisant les entretiens cités plushaut), Franquin publie Modeste & Pompon chez Tintin-de-chez-Lombard-en-face. Il a accepté de repren-dre Spirou. Sur ces premiers Gaston, il est assisté parJidéhem – qui a ÿ une main très sûre Ÿ, dit de luiFranquin. Une demi-page à chaque fois. Un des-sin brillant, un gag percutant. Le génie passe de laparole aux actes.

c FRANQUIN ET LES FANZINEScollectif, Dupuis, 480 pages, 28 €

c GASTON ÿ ¤ LÊITALIENNE Ÿ,TOMES 1 ¤ 5de Franquin et Jidéhem,Dupuis, 64 p. couleurs, 10,60 € par volume

DIDIER PASAMONIK

A c t u B d

Page 36: Zoo 48

36

Les enfants dÊYggdrasil,T.1, de Czek

Après la saga desalbums collectifsStory, les éditionsFugues en Bullesinaugurent unecollection comics,destinée à dresserune ÿ mythologiemoderne, héritièredes héros qui ontconstruit notre

imaginaire graphique et narratif Ÿ. CÊestà Mike Mignola, comme aux mangasou à Sergio Toppi, que se réfèrehumblement Czek pour ce premieropus. DÊune incursion danslÊimprovisation auprès de la troupesuisse de théâtre de rue Les batteursde pavé, lÊauteur autodidacteconserve une efficace nervosité dansle trait, et pose les bases dÊun universheroic fantasy intrigant et foisonnant.Deuxième tome prévu à lÊété 2013.Fugues en Bulles, 22 p. coul., 3,50 €

JULIE BEE

Kaamelott, T.7, Contre-attaque en Carmélide,dÊAstier et Dupré

Pendant unséjour chez sesparents, la reineest enlevée !Quelle drôledÊidée. Par qui ?Pourquoi ? OnsÊen fout, cÊestjuste lÊoccasionde rameuter lesarmées fédérées,

toutes plus dégénérées les unes queles autres. Quel plaisir de réentendreles dialogues truculents dÊAlexandreAstier. Car ces savoureusesexpressions, on les entend plus quÊonne les lit, tant le démiurge de la sérieles a toutes en bouche, et nous danslÊoreille. Cet album est dans la droiteligne des autres, c'est-à-dire moinsbien que la série télé, trèsclassiquement et rigoureusementillustré, et il remplit à merveille soncahier des charges : faire patienter lesfans jusquÊaux films en préparation.Casterman, 48 p. couleurs, 12,95 €

PHILIPPE CORDIER

Blackface Banjo,de Frantz Duchazeau

Après Le Rêvede Meteor Slim,Duchazeaurevient chezSarbacane pourun nouvel opusconsacré auxprécurseurs dela musiqueaméricaine.Il fait revivre

les Minstrel shows, ces spectaclesdans lesquels des acteurs blancs segrimaient en Noirs et jouaient dessketches gentiment racistes. Tout cela,dans un dessin au pinceau virevoltantet rythmé, un noir et blanc plein defougue au service dÊune galerie depersonnages attachants : un vagabondnoir et unijambiste avec une dégaineà la Chaplin, un sorcier indienombrageux, un charlatan blanc augrand cflur⁄ Et un peu de magie quitransforme notre vagabond en géniedu banjo et en bête de scène.Sarbacane, 140 p. n&b, 23,50 €

JÉRłME BRIOT

A c t u B dzoom

L es bandes dessinées ayant pourtoile de fond la Polynésie sontsuffisamment rares pour sÊat-

tarder sur Thalulaa, dont lÊaction se situesur une petite île volcanique perdue aumilieu de lÊocéan. Même si aucun nomde lieu nÊest donné, on comprend dèsle premier coup dÊflil que cÊest bien delÊocéan pacifique dont on parle ici. Latopographie de lÊîle, la faune et la flore,les femmes en paréo une fleur dans lescheveux, les hommes couverts detatouages rituels ainsi que les Tikischargés de spiritualité ne laissent aucun

doute sur la question. Ood Serrière(que nous avions distinguée début 2012dans les 12 jeunes dessinatrices à suivre,voir Zoo n°39) se (et nous) régale àreprésenter ce petit paradis terrestre.Par ses couleurs, Bruno Stambecco yajoute de belles ambiances. Le premiertome nous présentait Thalulaa, jeuneVahiné recueillant sur une plage unmystérieux étranger, sauvé des eauxpar une baleine. Baptisé Manta Oropar le clan de Thalulaa, le jeunehomme blond et amnésique possédaitsur le corps des signes inconnus queRampa, un guerrier du village, avait vusur les murs dÊun temple dont lÊissue setrouvait au centre de lÊîle. Une expé-dition était organisée en cet endroitpour en savoir plus sur lÊidentité deManta Oro. Crisse achevait le pre-mier album par un final un peu décon-certant où plusieurs Polynésiens,Thalulaa et Manta Oro en tête, setrouvaient projetés dans le passé.

Le second tome sÊattache à expliquerdÊoù vient lÊétranger aux cheveux dÊoret quelle est la menace liée à sa pré-sence. Mais il faut bien avouer quÊonse perd un peu dans cette histoire decivilisation antique (et anéantie)capable de voyager sur les lignes dutemps. La description de la vie du vil-lage, qui donnait au premier tometoute sa saveur, a disparu. Les inter-actions entre les personnages –comme le rapprochement entreThalulaa et Manta Oro, et la jalousiede Rampa qui en découle – sÊeffacent

devant la résolution du danger qui lesguette. La mignonne Dahinaa, petitesflur de Thalulaa capable de parleraux Tikis, nÊa plus quÊun rôle anecdo-tique. Faute de sÊêtre vraiment identi-fiés aux héros, on peine à se sentirconcernés par des enjeux pourtantcolossaux. Mieux réussi, le final enforme de ruban de Möbius ne par-vient cependant pas à évacuer le sen-timent de regret à la lecture de cesecond tome. La situation de départ etle dessin dÊOod Serrière auraient cer-tainement mérité mieux.

Avec Thalulaa, Crisse et Ood Serrière marient surnaturel, voyage dans le temps et culture polyné-sienne. Le second tome de ce diptyque ne réussit toutefois pas à tenir les promesses du premier.

THALULAA, T.2ALIZÉES TEMPORELLES

de Crisse etOod Serrière,

Soleil, 48 p. coul., 13,95 €

THIERRY LEMAIRE

© S

erriè

re e

t Cris

se /

MC

PR

OD

UC

TIO

NS

© S

erriè

re e

t Cris

se /

MC

PR

OD

UC

TIO

NS

MORNES TIKIS

Page 37: Zoo 48

37

A c t u B d

C Êest vrai, il y a quelque chosede fascinant dans lÊépopéede lÊaviation et celle de ses

aventuriers. Si les conflits armés nepeuvent être glorifiés, certains as dela grande guerre comme Guynemer,Fonck, Coppens de Houthulst,Baracca ou Udet font exception ; pastant à cause du nombre dÊennemisrenvoyés au plancher des vaches, maisdavantage par leur aura chevale-resque. Peut-on par exemple imaginer unsimple soldat venir aux funérailles delÊun de ses ennemis ? Non, bien sûr⁄CÊest pourtant bien ce qui distingueles aviateurs des autres combattants.Pour eux, il y a une passion com-mune, qui affranchit bien des limiteset notamment des frontières1⁄

Pendant lÊentre-deux guerre, les riva-lités ont consisté à repousser les dis-tances à travers une série de prises derisque et dÊexploits. CÊest dans cecontexte que Jean Mermoz bâtit salégende. Personnage revêche à lÊau-torité, déraisonnable et insatiable ilsuscite lÊadmiration à travers lemonde. Joseph Kessel et Antoine deSaint-Exupéry trouvent en lui unesource dÊinspiration et un ami ; Dieu-donné Coste et Attilio Micheluzzisenior2, un exemple à suivre.

Ce dernier transmet à son tour sa fas-cination à son fils qui, à la fin desannées 80 décide de retracer lÊitinérairede ce personnage mythique à travers unalbum éponyme. Si les dessins sont sou-vent agrémentés de citations émou-vantes empruntées au Mermoz de JosephKessel, ce nÊest pas ce qui frappe le plusdans cette bande dessinée, mais cÊestdavantage la mélancolie qui émane dela mise en scène. Le Mermoz deMicheluzzi est certes triste, mais il estaussi sublime parce quÊil rend parfaite-ment compte du dépassement humain.

Et si lui et Mer-moz ont bien unechose en commun,cÊest cette foi inex-tinguible en un cieltoujours habité⁄par dieu ou par desidéaux⁄ peu im-porte.

KP

Ce n’est pas pour rien que l’on qualifia les premiers conquérantsdes airs de « chevaliers du ciel ». Parmi ces figures emblématiques,il y eut Jean Mermoz. Un personnage des plus romantiques…

La dernièreCHEVALERIE

1Ernst Udet et Theodor Osterkamp, deuxas allemands, rendirent un dernier hom-mage à Georges Guynemer en se rendantsur sa tombe. Udet affirma que GuynemerlÊavait épargné au cours dÊune confronta-tion, parce que son arme sÊétait enrayée.2 Père du dessinateur Attilio Micheluzzi,qui fut lieutenant-colonel dans lÊAviationRoyale italienne.

c MERMOZde Micheluzzi,Mosquito, 118 p. n&b, 18 €

© M

iche

luzz

i / M

OS

QU

ITO

Page 38: Zoo 48

38

A c t u B d

A près JÊaurais adoré être eth-nologue et La Théorie de lacontorsion, cÊest lÊalbum de

la maturité. Vous explorez des partsde votre vie beaucoup plus complexeset sombres parfois. Comment sÊestfaite la transition ? Margaux Motin : Ça sÊest fait naturel-lement, car ça suit une évolution intimeet privée. Quand jÊai sorti mon pre-mier album, jÊétais toute jeune. Mêmedans ma vie privée, Je nÊavais pasencore regardé en face ces questions-là, elles étaient derrière, elles parlaienten fond sonore. JÊétais prise dans uneespèce dÊurgence du quotidien de jeunemaman, très speed. Les choses ont finipar exploser et il a fallu que je voie ceschoses de ma vie que je nÊavais pas

voulues voir jusque là. Mon travail sÊestfait à ce moment-là.

Précédemment, lÊhomme avait peu deplace dans vos albums. Là cÊest unvrai personnage à part entière, pour-quoi était-il si absent avant ?Quand jÊai commencé à bloguer et fairemes premières planches, cÊétait unbesoin quasi vital de mÊéchapper dÊunquotidien qui ne me satisfaisait pas.JÊabordais très peu la question delÊhomme, car ça faisait partie des pro-blématiques que je vivais au présent,sinon ça ne se serait pas terminé sur undivorce. Je le vivais de plein fouet. DonclÊhomme était un personnage trèssecondaire qui apparaissait effective-ment, mais qui nÊétait pas principal

parce que ça ne lÊétait pas dans ma vienon plus. Quand on suit le bouquin,on a lÊimpression que ça sÊest fait trèsrapidement, mais je suis restée très long-temps sans homme dans ma vie puisquÊily a eu le divorce, etc.

CÊest vrai que dans lÊalbum, on a la sen-sation que ça sÊest enchaîné⁄ Alors quÊen fait pas du tout⁄ Dans ce3

etome, la question de lÊhomme dans

ma vie sÊest posée hyper naturellement.Car ce personnage de ÿ lÊhomme Ÿ là,il fallait que je me pose la question desavoir la place que je lui laissais, et ceque jÊattendais vraiment de ma relationavec lui. CÊest ce qui a conditionné cetome 3, dÊoù la présence dÊun person-nage masculin beaucoup plus fort.

Certains de vos détracteurs, ou sim-plement les gens qui ne connaissentpas votre univers, ont lÊimpression quevous faites constamment de lÊauto-biographie. Où sÊarrête le réel et oùcommence la fiction ?Il y a un filtre évidemment. Je neraconte pas tout. Quand un événementmÊarrive, je ne vais pas en faire une notede blog ou une planche tout de suite. Jele digère, je vois ce qui peut faire échoavec les lectrices. CÊest tout un proces-sus de création, de composition, il fautde la recherche icono, des éléments deconstruction pour que ça devienne unévénement narratif. Les propos sonttirés de la vraie vie, mais les situationsne sont pas arrivées. On est loin ducôté ÿ confessions dÊune jeune femmede 30 ans Ÿ.

Joséphine, le film adapté des BD dePénélope Bagieu, sort en salles pro-chainement. Avez-vous eu des pro-positions également pour une adap-tation ciné ?Oui, on me lÊa proposé, jÊai dit non.Tout ça pour moi, ça doit être du kifabsolu. Si ça devient de lÊangoisse, àsavoir comment mon personnage vaévoluer entre les mains de quelquÊundÊautre, ça ne mÊintéresse pas. Ou alorsil faudrait que je sois la réalisatrice etque je mette en suspens tout le restependant plusieurs années ⁄ Ce nÊest

pas mon but dans la vie de faire un filmavec mon bouquin. Mon but cÊest defaire des bouquins avec mes idées etmon dessin. Mais ça reste ouvert.

Very Bad Twinz, avec Pacco, bientôtla suite ?On ne sait pas du tout. On a envie debosser sur nos projets individuels. Onaimerait mais on ne sait pas quand, et siça se trouve on voudra bosser sur autrechose. ¤ suivre⁄

Des auteurs de BD que vous aimez(inspirations) ou des jeunes que vousvoudriez soutenir ? Je lis très peu de BD en fait, je viens vrai-ment du milieu de lÊillustration. JÊaimeSempé, Bob et Bobette... Et pour faire cetalbum, jÊai presque arrêté de lire desBD, parce que sinon ça me donnaitenvie de brûler toutes mes planches ! Ily a évidemment Pacco, on sÊinfluencedepuis le début. Je suis fan de Cha, cÊestle blog BD que je lis encore quotidien-nement avec appétit. JÊadore le dessin etle traitement graphique dÊYrgane. EtjÊaime aussi Diglee, dont je trouve laprochaine BD vraiment alléchante avecses histoires de fellation devant la litièredu chat.

LA TECTONIQUE DESPLAQUES

de Margaux Motin,Delcourt, coll. Tapas,

256 p. couleurs, 19,99 €

PROPOS RECUEILLIS PARLOUISA AMARA

Trois ans d’attente, c’est long quand on aime. Certes il y a eu Very Bad Twinz, le délire à deux avec Pacco, mais La Tectoniquedes plaques signe le vrai retour en solo et chambardement de Margaux Motin. Et c’est sans doute son chef d’œuvre. On a trouvéla Anna Gavalda de la BD : drôle, touchante, au-delà de la légèreté, une vraie réflexion sur la vie, les amours, les emmerdes.

Le bouleversantretour de Margaux Motin

La T

ecto

niqu

e de

s pl

aque

s, d

e M

otin

© G

uy D

elco

urt P

rodu

ctio

ns –

2013

Page 39: Zoo 48

A c t u B d

C ertains terrains de bande des-sinée ont été cultivés par degrands auteurs avec un tel talent

que leurs successeurs ont parfois des scru-pules à reprendre le même flambeau. Il yeut ainsi une époque où nul dessinateurnÊaurait osé faire du western sans en par-ler préalablement à Giraud ou à Morris.Comme pour demander la permission. Dela même façon, lÊéquation ÿ BD + PremièreGuerre mondiale = ? Ÿ a longtemps eu pourseul résultat ÿ Tardi Ÿ. LÊépoque a changé,mais il reste un peu de ce réflexe chezCed quand, dès la première page de sonEncyclopédie animalière farfelue, il rend hom-mage à la Rubrique-à-brac de Gotlib.

En digne successeur du professeur Burp,un panda cartoonesque anime une sériedÊexposés où les informations authen-tiques (et délirantes, car la nature nemanque pas de sens de lÊhumour. Sinon,pourquoi y aurait-il des requins-marteauxet des poissons-scies ?) se mêlent à des

commentaires loufoques (à moins quÊil nÊexiste vrai-ment, le requin-clé USB ?). Son but, percer lesmystères du monde animal et répondre aux ques-tions des internautes : pourquoi le requin est-ilaccompagné dÊun poisson pilote ? Comment ledodo a-t-il disparu ? ¤ quoi servent les rayures deszèbres ? Et surtout, qui est arrivé en premier : lÊfluf ou lapoule ? Si vous pensiez ces questions insolubles,détrompez-vous ! Wikipanda y apporte des réponses

lumineuses, scientifiques etdrôles à la fois. Et si vouspréférez des réponses lumi-neuses, scientifiques et quifont pleurer, rendez-vousdirectement à la page 22 dulivre, pour découvrir com-ment les bébés koalas senourrissent. Bouaaahhh !

c WIKIPANDAENCYCLOPÉDIE ANIMALI˚RE FARFELUEde Ced, Makaka, 48 p. couleurs, 12 €

JÉRłME BRIOT

39

Zoologie zygomatiqueQui est apparu le premier : l’œuf ou la poule ? La poule a pondu l’œuf. Mais cette poule venait bien d’un œuf, non ? Qui avait étépondu par… ? Ne vous creusez plus la tête. La réponse est dans Wikipanda. Ouf ! (de poule).

Page 40: Zoo 48

S ergio Toppi nous aquitté lÊannée dernière,

mais les éditions MosquitonÊabandonnent pas pourautant la publication enfrançais des fluvres dumaître italien. Avec Ogoniok,voilà trois nouvelles histoirescourtes à déguster, dont uneinédite, réalisée en 2011. Lefil conducteur de ce recueilest la Russie profonde duXIXe siècle, celle de la taïgainterminable, des isbasperdues au milieu des forêtsde bouleaux, des moujiksbourrus et superstitieux.Comme toujours chez Toppi,la réalité se confond avec lefantastique, à moins que çane soit le contraire. Les troisrécits ont donc maille àpartir avec les esprits etle monde des morts. Unethématique particulièrementpertinente dans une Sibérietoujours un peu inquiétantepour un voyageur isolé. Cescontes de la crypte, versionSainte Russie, sont devéritables huis clos en pleinenature, où le héros estsouvent seul face à lui-mêmeet ses obsessions. Commetoujours chez Toppi, le noiret blanc est parfait, le dessinfascinant, les personnageshallucinants et hallucinés. Lelecteur est happé par uneambiance un peu angoissanteoù il ne sait pas trop surquel pied danser. Rêveéveillé, manipulation ou vraisurnaturel ? La réponse nÊestjamais très nette. En toutcas, le danger rôde, bienprésent, et chaque décisionengage souvent la vie mêmedes personnages principaux.Un sans faute de plus pourle maestro. Il va falloirsÊhabituer à ce quÊils soientdésormais posthumes.

THIERRY LEMAIRE

D enis Lapière a déjàparfois livré des textes

émouvants sur des dramespersonnels et familiaux quise situent dans un contextehistorique aussi précis quetragique : Le Convoi évoquelÊexode de dizaines demilliers de civilsrépublicains à la fin de laguerre dÊEspagne. En 1939,Barcelone est sous le feudes alliés fascistes dugénéral Franco. Le pèreaimerait participeractivement aux combats,mais la mère préfère aller seréfugier de lÊautre côté de lafrontière pyrénéenne. LaFrance nÊest pas en guerreavec lÊEspagne, quelquesmilliers dÊengagésvolontaires des BrigadesInternationales sont mêmevenus soutenir ladémocratie en péril. Mais lesréfugiés vont être parquésdans un camp improvisé surla plage dÊArgelès, et la mèreva rester seule avec sapetite fille Angelita dansdes conditions misérables(enfermement, avec faim etmaladie). Plus dramatiqueencore, le sort du père,envoyé au sinistre camp deMauthausen, en Allemagne,où il sera déclaré disparu.LÊaction se situant en 1975,le passé occulté revient à lamémoire. Inspirée de cellede la famille du dessinateur,cette histoire est aussi cellede lÊamour entre sesmembres, qui permettra àla fin de tout surmonter,donnant une note dÊespoirà lÊensemble. Le trait deTorrents évoque celui dePellejero, mais lÊhistoire quicomporte un étonnant coupde théâtre suscite bien desémotions.

A près son périple afghandans le diptyque Kaboul

Disco, Nicolas Wild continueson autobiographie deParisien en quêted'aventures moyen-orientales. ¤ la suite de sarencontre avec SophiaYazdani, architecte franco-iranienne, l'auteur seretrouve embarqué pourl'Iran à la découvertenotamment de lacommunauté zoroastrienne.Sur place, il découvre àla fois les préceptes etl'histoire de cette religion– voire même son côtétransgressif dans le paysactuel –, mais aussi la viequotidienne en Iran, où leshabitants luttent à leurmanière contrel'autoritarisme. Ainsi oncroise un homme qui a leShah en fond d'écran surson mobile, des poètesopiomanes, ou un vieuxmécène qui a une galeried'fluvres interdites au fondde sa piscine ! ¤ travers despetites saynètes, NicolasWild promène son regardingénu et surtout sansjugement aucun. Cette façonde décrire les choses nousfait osciller entre didactismeléger et découverteempirique mais intimiste.Dans sa seconde moitié,le récit prend un tournantinattendu en relatant leprocès du meurtrierprésumé de Cyrus, père deSophia, figure illustre le laculture zoroastrienne. Dansla veine des ouvrages deGuy Delisle. Ainsi se tutZarathoustra nous emmènedans un réel voyage endehors des habituelssentiers battus du carnettype.

C Êest un empereur quirègne sans lÊavoir

souhaité et qui ne goûteguère la cruauté de ses pairs.Un albinos à la santé précaireà la tête dÊune nation quivénère la puissance. Elric deMelniboné est né sous lajeune plume de lÊAnglaisMichael Moorcock au débutdes années 60. Avec cepersonnage torturééclosaient à la fois une heroicfantasy vénéneuse et baroque,et lÊantithèse de Conan lebarbare : le Cimmérienméprise la magie et balaieennemis et soucis dÊun reversde hache, tandis que le princesorcier est marqué par untragique destin et hanté parla culpabilité. Une équipede créateurs français sÊestdécidée à tenter lÊadaptationen bande dessinée de cettefluvre de référence. Lesaventures dÊElric étant uncorps disparate et inégaldÊune vingtaine de textes delongueur fort variable, écritssur une trentaine dÊannées,le scénariste Julien Blondela pris le parti de refondrelÊensemble en trois cyclescohérents et nÊhésite pas àapporter quelquesinnovations. Didier Policrayonne des planchesspectaculaires qui paient leurtribut au roi Druillet, RobinRecht vient les recouvrir deson encrage jazzy auxmatières animées par lÊombrede Guillaume Sorel et, enfin,Jean Bastide les illumine dÊuneatmosphère chromatique trèsréussie. Le tout restitue fortbien lÊambiancegrandiloquente de lÊfluvre,tout en poussant sonouverture sur la pentedÊHellraiser de Clive Barker.Les amateurs de fantasy nesauront résister auxséductions de ce premiervolet.

L e sous-sol parisien estun lieu ou naissent

régulièrement dÊétrangeslégendes urbaines. La villedes lumières a un métrotentaculaire, de larges égouts,des carrières abandonnées etdes catacombes uniques aumonde. Forcément, il y atoujours quelquesmalheureux qui ydisparaissent à jamais,victimes de cultes impies, defontis, où tout simplement deleur imprudence. Ossuaires,bunkers, passages secrets,celliers, cryptes, lacs artificiels,anciens lieux de débauchesnocturnes sont en effetdispersés sur des centainesde kilomètres. Ce mondesuburbain a inspiré uneintrigue originale à JackManini. Une histoire dedisparition, forcément. Lapremière partie se déroulependant lÊoccupation ettrouve son dénouementquelques 20 années plus tard,pendant les événements demai 68. Un réseau derésistants voit deux de seséléments disparaître dans descirconstances étranges. Leurenfant essaie de savoir ce quÊilleur est advenu et de trouverau passage des réponses surune enfance dont il ne gardeaucun souvenir. On retrouvepar instant la tension ainsique quelques thématiques duGrenier des enfers, roman deDouglas Preston, qui sedéroule dans le métro new-yorkais. Si la BD de Manini etChevereau avait fait davantagele pari du récit horrifique etjoué avec lÊatmosphèreinquiétante de cessouterrains, peut-être que lesquelques invraisemblances etles grosses ficelles quiémaillent lÊintrigue auraientété moins dérangeantes.Parfois, la réussite dÊun récittient à peu de choses.

Ogoniokde Sergio Toppi,Mosquito, 64 p. n&b, 13 euros

Catacombes, T.3 de Jack Manini et Michel Chevereau,Glénat, 48 p. couleurs, 13,90 euros

Elric, T.1de Blondel, Poli, Recht et Bastide,Glénat, 64 p. couleurs, 14,95 euros

Ainsi se tut Zarathoustrade Nicolas Wild,La Boîte à Bulles / Arte éditions,224 p. n&b, 19 euros

Le Convoi, T.1 et 2de Lapière et Torrents,Dupuis, 64 et 72 p. coul., 15,50 euros

JEAN-PHILIPPE RENOUX WAYNE VLADIMIR LECOINTRE KAMIL PLEJWALTZSKY

A c t u B d

40

Page 41: Zoo 48
Page 42: Zoo 48

T el James Bond, la franchise des X-Men aucinéma semble partie pour ne pas avoir delimites. Car le thème est assez universel :

lÊadolescence, lÊostracisme pour cause de différence,les responsabilités engendrées par le pouvoir, lalutte du bien et du mal, mâtinée de zones grises⁄Et surtout, le fait que le concept autour dÊune équipeplutôt que quÊun personnage unique permet unrenouvellement inépuisable des individus, des pou-voirs et des intrigues. Sauf grosses erreurs en cas-cades, on devrait donc en avoir pour des années deX-Men au cinéma.

DES DÉBUTS DIFFICILESCe succès, essaimé du comic book, était pourtantloin dÊêtre évident, et lÊon oublie facilement que lasérie fut arrêtée en 1970 pour cause de méventes.Petit retour en arrière : en 1963, Stan Lee et JackKirby créent le même mois que les Avengers, les X-Men : un groupe de cinq ÿ mutants Ÿ rassemblés ausein dÊune école pour mutants dirigée par leProfesseur Charles Xavier. LÊéquipe est composéede Cyclops (le taciturne), Angel (le patricien), Beast(le costaud), Iceman (le rigolo immature) et MarvelGirl / Jean Grey (la fille). Lee et Kirby resterontaux commandes de la série pendant quelques années,qui voient le groupe affronter le plus souventMagneto et ses ÿ mauvais mutants Ÿ, ou des menacesextraterrestres et mutantes de tout poil. Mais après20 numéros, Kirby, puis Lee, laissent la place àdÊautres artistes, et la série, qui était loin dÊêtre épous-touflante, sombre dans lÊennui. Tant et si bien queMartin Goodman, le patron de Marvel de lÊépoque,songe à lÊarrêter, en même temps que dÊautres. Unedernière tentative est faite pour lui redonner dutonus, et quel tonus, avec lÊarrivée de Jim Sterankopuis du grand Neal Adams au dessin, à qui lÊondonne carte blanche. Celui-ci redynamise la série,change les visuels et les costumes, le découpage...avec le brio quÊon lui connaît. Las, il est trop tardpour vraiment redresser la barre commerciale, sur-

tout que les chiffres de vente ne sont connus que desmois plus tard. La série est alors ÿ arrêtée Ÿ aunuméro 66, les numéros 67 à 93 ne constituant quedes rééditions dÊanciens épisodes. Rideau.

NATIONALITÉS MULTIPLESQuelques années plus tard, le rédacteur en chef de lÊé-poque et ancien scénariste des X-Men, Roy Thomas,lequel a remplacé Stan Lee, sollicite le scénariste LenWein pour tester un relancement du titre, au traversde la publication dÊun numéro spécial : Giant-size X-Men 1. Len Wein souhaite éviter la monotonie qui

prévalait auparavant. La trouvaille est de constituer lÊé-quipe avec des personnages aux nationalités etcaractères très différents. Entrent donc un Allemandjovial mais au look effrayant (Nightcrawler), un cana-dien bourru (Wolverine), un russe naïf (Colossus),une Africaine craintive (Storm), un fier Amérindien(Thunderbird), un Irlandais (Banshee), un Japonais dif-ficile (Sunfire), et lÊAméricain de service, Cyclops.Histoire de corser le tout, on tue un membre de lÊé-quipe la deuxième aventure (Thunderbird) et on enfait démissionner un autre (Sunfire). Le succès est aurendez-vous et se poursuit dans la série qui est relancéeà partir du numéro 94, sous le titre de ÿ The All new, alldifferent X-Men Ÿ (titre quÊils garderont jusquÊau n°103).Elle demeure bimestrielle, cependant, histoire de nepas prendre trop de risques commerciaux, et ne rede-viendra mensuelle quÊen 1978. En son sein, un per-sonnage est un peu à part : Wolverine – littérale-ment, lÊanimal appelé ÿ glouton Ÿ, mais traduit enFrance par lÊéditeur en : ÿ Serval Ÿ. (Oui, commelÊopération française au Mali.) Créé par Len Weinlui-même dans un épisode de The Hulk quelques annéesplus tôt, il a déjà bien roulé sa bosse, alors que sescamarades sont pour la plupart des jeunots. Wolverinese créera la place et le succès que lÊon sait. Anecdote :Len Wein aurait voulu au départ que le personnage soitun véritable animal, mutant, mais cette vision fut rapi-dement changée au profit de lÊactuelle.

C o m i c s

Les X-Men ont 50 ans cette année. C’est en effet en 1963 que Stan Lee et Jack Kirby créèrent ce groupe de mutants, qui n’acessé de faire des petits, et fait maintenant la joie des cinéphiles.

X-MEN :

42

50 ANS ET TOUTES LEURS GRIFFES

TM

& ©

Mar

vel &

Sub

s.

TM

& ©

Mar

vel &

Sub

s.

Page 43: Zoo 48

43

C o m i c s

L’ÈRE CLAREMONTSÊensuit alors une période faste entermes de scénarios et dessins. LenWein passe rapidement la main aujeune Chris Claremont qui la conser-vera pendant 17 ans et fera des mer-veilles côté intrigues et dialogues ; audessin, Dave Cockrum, lÊinventeur dulook des nouveaux X-Men, sera bientôtremplacé par le grand John Byrne, pourune épopée mythique qui durera jus-quÊau numéro 143. Claremont et Byrneformèrent le parfait duo créatif, senourrissant mutuellement dÊidées, maisse concurrençant également, et cÊest àla suite de heurts et frustrationsconstantes que Byrne décidera de sÊenaller créer ses propres intrigues pour unautre titre mythique, Fantastic Four. Leduo aura entre-temps livré la ÿ DarkPhoenix saga Ÿ, qui reste le meilleur ducomic du début de ces années 80. Ilétait initialement prévu que Jean Grey(devenue ÿ Phoenix Ÿ) survive à lasaga, mais Jim Shooter, le génial maisautoritaire rédacteur en chef de lÊé-poque, mit son veto à la rédemption dece personnage, estimant quÊun per-sonnage qui avait tué des milliardsdÊêtres vivants (fussent-ils bleus et dÊuneautre planète) ne pouvait moralementsÊen sortir intact. Claremont et Byrnedurent donc revoir leur copie àcontrecflur. Au final, bien leur en atous pris car la saga nÊen est que pluspoignante, se soldant par la mort dÊunpersonnage clé de lÊéquipe et le départde Cyclops, autre pilier du groupe.

Après quelques dessinateurs de rem-placement, cÊest le méconnu PaulSmith qui deviendra attitré sur la sérieet contre toute attente, les ventescontinuent dÊaugmenter. La série cara-cole désormais en tête des ventes deMarvel. Rien ne semble entamer sapopularité. Le numéro 200 arrive, et sepasse à Paris. LÊéquipe créatrice futenvoyée en reconnaissance sur leslieux, mais, délais obligent, ils y arrivè-rent⁄ après la réalisation de lÊépisodeen question.

Artistiquement parlant, la série com-mence à décliner après cette période :les scénarios et tics dÊécriture de ChrisClaremont sÊaccentuent ; ses dialoguesdeviennent verbeux, redondants ; sespersonnages commencent à tous avoirun peu la même personnalité. Une per-sonnalité qui dÊailleurs devient quelquepeu arrogante et déplaisante. DÊhumblegroupe de mutants cachés, les X-Mendeviennent des ÿ poseurs Ÿ imbusdÊeux-mêmes. Claremont aime àessayer de choquer ses lecteurs ; unetentative de transformer Storm en les-bienne punk sera avortée par le rédac-teur en chef, mais elle gardera quandmême son nouveau look punk, augrand dam des fans.

EXPLOITER LE FILONLe rythme de publication sÊaccélère par-fois, allant jusquÊà deux épisodes parmois, ce qui nÊarrange pas les chosescôté dessin. Des séries annexes (spin-offs)sont lancées (New Mutants, X-Factor⁄),et le phénomène des grands ÿ cross-overs Ÿ (histoire étalée sur plusieurs sériesafin dÊen favoriser lÊachat) voit le jour.

La série aura encore parfois de bellesheures, en particulier avec la décou-verte au dessin dÊun jeune prodige, JimLee, avant que lÊingrat ne sÊen aille fon-der sa propre maison dÊédition (Image).Et surtout la période Grant Morrison /Frank Quitely, de 2001 à 2004.

Depuis, les scénaristes et dessinateurs sesont multipliés sur les différentes sériesqui composent la galaxie de la ÿ fran-chise Ÿ X-Men. En effet, ce sont aujour-dÊhui près de 15 séries mensuelles quelÊon peut lire et qui ont trait à lÊuniversdes X-Men⁄ si on en a le courage (prèsde 10 pages par jour, donc). Les retour-nements de situations, pirouettes édi-toriales à des fins commerciales, mortset résurrections abondent. Ceci fait quÊilest difficile de sÊy retrouver, voire diffi-cile de conserver un certain intérêt pourles équipes et les personnages, tant leschangements sont constants. JohnByrne sÊétait essayé à revenir sur la sérieen tant que scénariste au début desannées 90, mais avait jeté lÊéponge peuaprès en avouant : ÿ Les personnages avaientévolué tellement loin de ceux que je connaissais,que je nÊéprouvais plus aucune émotion pourceux que jÊavais désormais entre les mains Ÿ.

QuÊà cela ne tienne, souhaitons-leurencore longue vie, sur le papier et sur lesécrans.

OLIVIER THIERRYAVEC LA COLLABORATION DE

Jean-Marc Lainé, Jean-Philippe Renoux, SlawickCharlier, Philippe Cordier, Jean-Paul Jennequin,Yannick Lejeune, Pierre-Yves Marteau-Saladin,

Thierry Mornet, Xavier Lancel.

TM

& ©

Mar

vel &

Sub

s.

Page 44: Zoo 48

44

C o m i c s

L a Nouvelle-Orléans au lende-main des années 70 demeureun lieu de perdition. LÊeffer-

vescence festive du zydeco [genre musi-cal apparu dans les années 1930 en Louisiane,NDLR] et du Mardi-Gras rivalisent avecune délinquance ivre dÊautres sensa-tions. Parmi les laissés-pour-compte, ily a les vétérans du Vietnam commeAshe Dubois. Certains sont devenusfous, clochards ou meurtriers, Ashe aposé quant à lui sa M-16 et rangé sonuniforme pour devenir détective privé.Avec Cinder sa coéquipière, il se frottequotidiennement à des affaires sordides(chantages, enlèvements, viols, etc.).QuÊimporte pour celui qui a survécu àlÊenfer et quÊimporte aussi à Cinder, quia grandi dans les bas-fonds de Saïgon,pour lÊun comme pour lÊautre rien nepeut être pire que leur passé.

NO WAY OUTPour les deux héros de cette histoire,lÊessentiel est de garder une façade sansaspérité. Ce qui nÊempêche pas lesimages du passé (la guerre de Ashe, leviol de Cinder) de venir souvent sesuperposer avec le présent pour mettreen doute la réalité quotidienne. Dans lerécit de Gerry Conway, tout est ques-tion de traumas et de douleurs sourdesqui ressuscitent le temps dÊune enquêtepresque routinière.Les deux personnages partagent unmême rapport à la violence et une souf-france voisine mais sont limités par leur

relation qui, si elle était consommée,serait presque incestueuse⁄ Mais au-delà de lÊambiguïté de leurs rapports,Cinder et Ashe ne pourraient sÊoublierdans leur couple. Chacun renvoie àlÊautre le souvenir dÊun vécu doulou-reux. Il nÊy aurait donc pas dÊissues dansleur relation pas plus quÊil y en a dans leBayou ou dans la jungle vietnamienne.Pas dÊissue non plus à leur souffrance età la jouissance quÊils en tirent.

THE BOTTOMLa guerre, les villes, les relations sont enfin de compte de vastes marécages. Cesont des cloaques où pourrissent descadavres mal digérés, des drames, de

sales histoires, et qui parfois remontenten surface⁄ Ce sont des lieux où lesprédateurs attendent – immobilescomme des branchages émergés –quÊune proie sÊaventure à portée de leurmâchoire. Mais cÊest aussi parce quÊilssont nés dans cette fange que Cinder etAshe survivent à lÊenlisement et à cesbois flottants qui nÊen sont pas. LÊfluvre de Conway et Garcìa-Lòpez estla première bande dessinée de lÊaprès-Vietnam à évoquer directement le trau-matisme de cette guerre. Elle clame avecforce que le rêve américain est maintenantterminé. Elle fait appel pour cela à la han-tise du tireur isolé, embusqué comme leViêt-Cong ou lÊassassin de J. F. K.

¤ lÊobsession américaine de lÊennemiinvisible, Conway ajoute un doute sup-plémentaire : le mal vérolerait-il main-tenant ce qui a toujours fait lÊorgueil delÊAmérique jusque là ? La finance et lemodèle politique placés sous le regardde Dieu sont-ils devenus lÊantre du mal ?La bande dessinée aborde cette pro-blématique à travers le cas dÊun client deCinder et Ashe – un fermier du sud –,qui se voit ruiné à cause des intriguesfomentées par des banquiers yankees. Lecauchemar américain des années 70avait le visage dÊun redneck, celui desannées 80 porte les traits dÊun WASP.

Cinder & Ashe a marqué un grand nombrede créateurs américains, et pas uni-quement dans la bande dessinée. En1987, Jim McBride réalise The Big Easy,le flic de mon cflur, un film qui dissimulemal ses nombreux emprunts à lÊfluvrede Conway et Garcìa-Lòpez, tout enoccultant le plus souvent les thèmesde fond. On imagine mal que la nou-velle vague dÊauteurs de comics poli-ciers nÊait pas été marquée par la créa-tion de Conway et Garcìa-Lòpez. SilÊon sÊaccorde à considérer quÊil y a euun après et un avant Watchmen danslÊhistoire du comic américain, peut-êtrepourrions nous admettre que quelquechose se passe déjà dans les pages deCinder & Ashe.

Cinder & Ashe, réalisé en 1987 par Gerry Conway et José Luis Garcìa-Lòpez et réédité aujourd’hui chez Delcourt, est probable-ment le premier grand roman policier de bande dessinée. Derrière une intrigue somme toute classique, se dresse une peintureâpre de l’Amérique : le rêve américain est fini, restent les souvenirs et les regrets.

BORN ON THE BAYOU

KAMIL PLEJWALTZSKY

CINDER & ASHE

de Gerry Conwayet José Luis Garcìa-Lòpez,

Delcourt, coll. Contrebande,128 p. couleurs, 14,95 €

Cin

der

& A

she,

Ger

ry C

onw

ay e

t Jos

é Lu

is G

arcì

a-Lò

pez

© G

uy D

elco

urt P

rodu

ctio

ns –

2013

Cin

der

& A

she,

Ger

ry C

onw

ay e

t Jos

é Lu

is G

arcì

a-Lò

pez

© G

uy D

elco

urt P

rodu

ctio

ns –

2013

Page 45: Zoo 48
Page 46: Zoo 48

46

H o r s C a s e

La grande majorité des bandes dessinées se lisent dans les transports, au lit et… aux toilettes. Contrairement à ce que le titre decet article pourrait laisser entendre, il ne s’agit pas ici de BD « de mauvaise qualité », mais de comment constituer la bibliothèquede BD idéale pour vos toilettes.

BD de chiottesQ uelles BD entreposer dans vos toilettes,

donc ? Question dÊimportance, qui méritaitdÊêtre posée et à laquelle nous tentons de

répondre. Certains petits plaisantins pourraient dire,en étant un peu vulgaires : ÿ des BD qui font chier Ÿ. Ouimais non. Le sujet est sérieux.Vos toilettes seront visitées par vous assez fréquem-ment (sauf si vous souffrez de problèmes de transit),mais aussi par vos invités. Il convient donc à la foisdÊentreposer des ouvrages que vous aurez plaisir àlire sur le trône, mais aussi ceux qui vous feront pas-ser auprès de vos convives pour une personne degoût. Le mieux est généralement des ouvrages quidétendent et qui se lisent rapidement, car vous ne vou-lez pas que vos toilettes soient monopolisées pendantun laps de temps trop long, fut-ce même par vous. Desrecueils dÊhumour, donc, mais pas trop désopilants,sinon cela peut entraîner une crispation des sphinc-ters, ce qui serait contre-productif.Parmi nos préférés, donc : lÊintégrale des Peanuts, parCharles Schultz. Mais aussi les Notes, de Boulet, ouencore les blogs de Bastien Vivès. Les gags de GastonLagaffe seront toujours les bienvenus, mais peut-êtredéjà trop connus. Les toilettes, cÊest aussi offrir à vosinvités lÊoccasion de se cultiver en leur proposantquelque chose de nouveau. LÊun de nos rédacteurs yentrepose la collection complète des Official Handbookof the Marvel Universe (14 volumes, édition cartonnéepubliée de 2008 à 2012). Ainsi, lorsque la conversa-tion à table tourne autour de quelle était la véritableidentité de Foolkiller premier du nom et dans quelcomic il est apparu, un petit tour aux toilettes suffitpour revenir briller à table en annonçant fièrement :ÿ CÊest Ross Everbest, bien sûr, apparu pour la première fois dansMan-Thing n°3, en 1974 Ÿ. (Bref, cÊest la version BD etmondaine de lÊantisèche quÊon aura préalablementplanquée dans les toilettes.)Autre intégrale qui peut avoir sa place : les Donald deCarl Barks (car histoires relativement courtes pourcertaines). Mais pas les Mickey de Floyd Gottfredson(histoires longues et grands volumes lourds pour lesgenoux et les endroits exigus).

RECOMMANDATIONS DE LA RÉDACTIONPour Yannick Lejeune, rien ne vaut les classiques :LÊHistoire de France en bande dessinée des éditions Larousse.Ou des piles de Spirou magazine. Idem pour Jean-LaurentTruc : ÿ JÊai un petit faible pour les Lucky Luke versions bro-chées que jÊai toujours vus en cet endroit privilégié chez mes parents.Il y avait aussi des Astérix. On peut y ajouter Boule et Bill etquelques Spirou de la grande époque de Franquin. Ÿ Mais éga-lement des titres plus récents, comme Pico Bogue, lesNotes de Boulet (encore) et LÊActu en patates, pour YannickLejeune.

Pour sa part, le jeune et connecté Wayne suggère uneapproche moderne et dématérialisée : ÿ Parfois on joueavec son téléphone portable aux toilettes, alors pourquoi ne pas ylire de la BD numérique ? Une petite revue des blogs BD est par-faite pour ce moment-là ! Et par extension, les BD dérivées du web

comme les petits recueils de Bastien Vivès [encore], des gags etréflexions dont la lecture dure le temps dÊune chasse dÊeau ! Ÿ

Thomas Hadjukowicz est plus physiologique :ÿ J'aime bien lire des BD de bouffe, comme Le GourmetSolitaire de Taniguchi ou En cuisine avec Alain Passardde Christophe Blain, parce que comme ça, j'ai l'impression d'ac-complir un cycle digestif complet. Ÿ

Pour Olivier Pisella, ÿ La bonne BD de chiottes, cÊest celle quinous pousse à nous y rendre à de multiples reprises au cours de lajournée.– Mais pourquoi tu ne lÊemportes pas avec toi pour lafinir ailleurs ta BD ?, me suis-je déjà entendu dire, alors que jÊin-vestissais pour la quatrième fois de lÊaprès-midi les accueillants lieuxdÊaisance de ma demeure néo-victorienne.– Parce que je ne vais pas chier dans le salon, connard,lui répondis-je, non sans une once de vulgarité.Des ouvrages tels que Pascal Brutal ou Supermurgeman seprêtent parfaitement à ce type de lecture. Ÿ

Michel Dartay suggère de mettre dans les toilettes cequi y est approprié, cÊest-à-dire ce que lÊon nÊose pasexposer ou lire en public, mais quÊon aime bien lirequand même, par exemple lÊintégrale de Reiser : ÿ Il mesemble que Les Sales Blagues de l'Écho de Vuillemin méritentune place de choix dans une bibliothèque de WC. En plus petitset manipulables, les vieux petits formats noir et blanc de notre ado-lescence (Arédit, Lug, Mon Journal, Elvifrance), trop vilainspour être exposés dans la bibliothèque classique du salon, mais pleinde récits complets vite lus Ÿ, nous confie-t-il.

Même pragmatisme du côté de Kamil Plejwaltsky :ÿ Il me semble évident que les albums doivent être adaptés àlÊexiguité de lÊendroit en question. Les BD que lÊon y trouve sontplutôt des petits formats comme lÊancienne collection du Seuil (UnPrivé à la cambrousse de Bruno Heitz, Le Diable,lÊAmoureux et la Photocopine de Perrine Rouillon,Palookaville de Seth), les ÿ pattes de mouche Ÿ de l'Association,beaucoup de BD indépendantes (La Cafetière, La Pastèque, lespetits formats de Dynamite, Ça et Là, Warum, Même Pas Mal,PLG, Tanubis, etc.), la collection de BD en livres de poche parJÊai lu (où lÊon peut trouver la version non censurée du Déclicde Manara), les petits formats de 13 étrange (Le Café duvoyageur et Le Troisième thé de Christian Cailleaux,Nemo ou Lorna par Brüno, Les Plombs de Venise parMallet), les pockets Artima, Lug ou Imperia aux noms évoca-teurs, les fameux Elvifrance (Jacula, Maghella, Ça pédaledans lÊbeurre, Sam Bot, Ainsi parlait Zara Fouchtra,Prolo (dont les couvertures étaient de Manara), Pourlichepour une pouliche, Lucifera, Lucrèce, etc.)... Car, cÊestbien connu, les WC sont idéaux pour se plonger dans la lecturedes bandes dessinées érotiques. Terminons par deux incontour-nables : In Caca Veritas et In Pipi Veritas (Glénat), deuxmini-albums réalisés par Tebo avec des spécialistes qui répondentavec humour à ces questions que l'on n'ose poser... ŸDe quoi lier lÊutile à lÊagréable, en effet.

Enfin, nulle bédéthèque (bibliothèque de BD) de toi-lettes ne saurait être complète sans la collectionentière⁄ du magazine que vous tenez entre les mains.

© O

livie

r P

isel

la

LA RÉDACTION

Page 47: Zoo 48
Page 48: Zoo 48

N u m é r i q u e & B d

V ous pensiez avoir déjoué le plan de lÊinfâmeZorglub dans LÊOmbre du Z signé par lÊémi-nent Franquin au début des années 60 ?

Détrompez-vous : le Z recèle encore quelques sur-prises, et ne se dévoile véritablement quÊaujourdÊhui viaÿ Spirou.Z Ÿ, le premier mag de BD numérique, ludiqueet nomade destiné à tous les publics. Que les lec-teurs de la première heure du journal historique se ras-surent, cette application disponible sur iPad depuis mi-avril ne sonne pas le glas de lÊhebdomadaire, maissÊoffre comme une alternative au support papier. ¤lÊheure où Dupuis célèbre en grandes pompes les 75ans du groom à renfort dÊexpositions, dÊalbums-hom-mage et de monographies rétrospectives dont nousavons ici salué lÊindéniable qualité, lÊéditeur évite lÊé-cueil du passéisme avec le risque de se couper dÊunjeune lectorat peu enclin à la commémoration.Désormais, Spirou.Z conviera chaque mois les pos-sesseurs de tablettes à une expérience interactive enprésence des meilleurs auteurs de lÊécurie Dupuis,pour un mix de jeux, reportages et planches inéditesconçues pour profiter au mieux du rythme de lecturepropre au digital.Intrigué ? Dupuis propose gratuitement le téléchar-gement du n°0 afin dÊappréhender par soi-même cettenouvelle approche du média BD ; quant aux numéros

suivants, vendus 5 € lÊunité, ils resteront gratuits pourles abonnés du Journal de Spirou ! Un lancement en fan-fare puisquÊon trouve au sommaire du numéro inau-gural des pointures comme Maïa Mazaurette (avec unjeu inspiré de Sale Bête), Benoît Féroumont (récit ori-ginal du Royaume), Fred Jannin (vidéo et beatbox deFroud & Stouf), Arthur de Pins (reportage sur sonunivers), et des nouvelles séries de Daniel Lieske(Wormworld) ou Steve Baker (WorldWide Ted). ¤ noterquÊune fois le numéro téléchargé, le contenu resteconsultable en mode déconnecté. Et si la crise de lapresse passait par une réinvention du métier ?

LA FACE CACHÉE DU GROOM

Derrière cette application se cachent Balak et Malec,deux créateurs de la technologie TurboMédia destinéeà remplacer les expressions multimédia et les BDnumériques déjà dépassées. Forgée par la BD, lÊani-mation et le jeu vidéo, la culture des auteurs est à lÊori-gine du concept, adapté à la navigation sur tablette(plusieurs essais visionnables à lÊadresse suivante :www.catsuka.com/turbomedia).Louis-Antoine Dujardin, rédacteur en chef de Spirou.Z,

renchérit en précisant que lÊappli ÿ propose de la BD crééepour les écrans, entrecoupée dÊanimations et pouvant se lire caseà case ou par défilé dÊimages. Au lieu dÊavoir lÊeffet de surpriseen fin de double page comme cÊest le cas dans un album, le lec-teur pourra dorénavant lÊavoir à chaque case. Nous nous sommesposés, pour créer Spirou.Z, les mêmes questions que Jean Dupuislors de la création du Journal de Spirou en 1938. Comme lui,nous avons essayé de mêler au mieux aventure, humour, jeux,reportages et BD. Ÿ Renouer avec la tradition premièredÊinnovation de la maison Dupuis, une démarcheaventureuse quÊon ne peut quÊencourager dans unsecteur ronronnant qui gagnerait à oser davantagepour sÊadapter à lÊévolution des modes de consom-mation dÊun lectorat de plus en plus ÿ connecté Ÿ.Pour lÊheure, tous les espoirs sont permis à en jugerpar la qualité du numéro inaugural, avec pour seulbémol la frustration engendrée chez les lecteursdépourvus ou réfractaires aux tablettes numériques.Longue vie à Spirou.Z !

Avec « Spirou.Z », l’hebdo septuagénaire entre de plain-pied dans l’univers du numérique. Loin de se contenter d’une banaledéclinaison du support papier, le journal du groom se pose en précurseur et ambitionne de répondre aux modes de consomma-tion de la jeune génération.

c SPIROU.ZMensuel numérique disponible sur lÊApp Store.Premier numéro disponible gratuitement.

GERSENDE BOLLUT

SPIROU.Z :VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN LU !

48

© D

UP

UIS

2013

© D

UP

UIS

2013

© D

UP

UIS

2013

Page 49: Zoo 48

49

Samsung Galaxy Note 8.0 Le Galaxy Note 8.0 est une tablette 8 pouces avec des fonctions detéléphonie. Basé sur le même concept de bloc-notes que sa aîné leGalaxy Note 10.1, il permet en plus de téléphoner. Du même formatque l'iPad mini, il se distingue aussi par la présence d'un stylet et denombreuses fonctions liées à l'écriture manuscrite.Prix indicatif : 399 €

Kit Home Cinema LG BH5320F Le BH5320 est un petit système 2.1 compact au design original. Ils'appuie sur une unité centrale abritant un ampli de 400 watts et unlecteur Blu-ray 3D connecté, WiFi et certifié DLNA.Prix indicatif : 350 €

Sony walkman NWZ-W273 Le NWZ-Z273 est le premier baladeur étanche de Sony. Idéal pour les nageursqui souhaitent rompre avec la monotonie des longueurs, il est discret, délivre unbon son et il est suffisamment endurant pour vous suivre partout. Livré avecplusieurs embouts en silicone et une station de recharge USB. Prix indicatif : 79 €

Canon Powershot S110 Si le PowerShot S110 est un compact expert (modes manuels, formatRAW, bon capteur, optique soignée, etc.), son format extra-fin et trèsdesign en font un appareil qu'on glisse facilement dans la poche de sachemise.Prix indicatif : 379 €

Sony Xperia SP Le nouveau Sony Xperia SP est compatible comme son grandfrère, le Z, avec la 4G mobile. Equipé d'un processeur doublecœur à 1,7 GHz, ce smartphone sous Android 4.1 embarque unécran haute définition.Prix indicatif : 399 €

V i d e - P o c h e

Barre de son Philips HTL5120/12La barre de son Philips HTL5120/12 se substitue et améliore le rendu desenceintes de la télévision. Compatible Bluetooth, elle peut aussi diffuser lesmorceaux de musique de votre tablette ou de votre smartphone.Prix indicatif : 300 €

Page 50: Zoo 48

50

A r t & B dzoom Le zapping dÊAvignon

Pendant cinq ans, de 2008 à 2012,François Olislaeger a parcouru leFestival dÊAvignon son carnet à dessinà la main. ¤ lÊinvitation dÊHortenseArchambault et Vincent Baudriller, lesdirecteurs de lÊévénement artistique,il a réalisé un compte-rendupersonnel des différents spectaclesauxquels il a assisté.Malheureusement pour le novice, sesbribes mises bout à bout sont assezincompréhensibles. LÊensemble donnepar moments une idée de lÊambiancegénérale, mais laisse le grand publicsur le bord de la route, voire renforceson incompréhension pour le théâtrecontemporain. Un zapping pour happyfew.Carnets dÊAvignon, de FrançoisOlislaeger, Actes Sud/Arte Editions,304 pages, 25 €

THIERRY LEMAIRE

Chorégraphies dessinéesAprès le théâtre,la danse. FrançoisOlislaegersÊattaque cette foisà la carrière de lachorégrapheMathilde Monnier.Les conversations(dessinées) avec ladanseuse sont

entrecoupées par les descriptionsde cinq de ses créations majeures.Vraiment pas facile de représenterdes chorégraphies en bande dessinéesur plusieurs pages. Et pourtant, lamagie opère. Olislaeger expérimenteet trouve les solutions pourtransmettre le mouvement, lÊémotionet lÊintention des pièces dansées, sanslasser le lecteur. Une belle réussitegraphique pour ce bédédocumentairequi pourra intéresser au-delà ducercle des fans de dansecontemporaine.Danser après tout, de Olislaeger &Monnier, Denoël Graphic,176 pages, 24,90 €

THL

Le dico belge 1940-45Le Dictionnairede la bandedessinée belgesous lÊoccupation,comme sonnom lÊindique,

contient 270 entrées par ordrealphabétique. Comme on pouvait sÊyattendre, Hergé, Tintin, Spirou, Jacobs,Jijé, Franquin et Vandersteen ytiennent le haut du pavé. Au-delà,lÊouvrage dresse un panoramaexhaustif de tout ce que la bandedessinée comptait comme auteurs,journaux et séries, avec denombreuses illustrations. Chaquearticle propose une multitudedÊinformations, une sérieusecontextualisation et de bellespistes de réflexion. Une minepour connaître le patrimoineoutre-quiévrain du (pas encore)Neuvième art de lÊépoque.Dictionnaire de la bande dessinéebelge sous lÊoccupation, de FransLambeau, 340 pages, 34,50 €

THL

© O

lisla

eger

/ A

CT

ES

SU

D -

AR

TE

ÉD

ITIO

NS Chambre noire

D e Ted Benoit, il y a de forteschances que les amateurs debande dessinée ne retien-

nent que sa période ÿ ligne claire Ÿ.Les aventures de Ray Banana, de BingoBongo ou de Thelma Ritter, ainsi que(voire surtout) les deux albums des-sinés pour la série Blake et Mortimer sonten effet dans toutes les mémoires.Mais ce que lÊon connaît moins, cÊesttoute la période antérieure de lÊartiste,quand le trait de Hergé nÊavait pasencore subjugué lÊauteur de Berceuseélectrique. Camera Obscura exhume cesplanches de la fin des années 70parues dans Libération et LÊÉcho desSavanes où lÊinspiration graphique estcette fois à trouver en France, du côtéde Jean Giraud et de Jacques Tardi. On comprend évidemment le grandintérêt patrimonial dÊun tel ouvrage.Nombre de ces histoires sont aujour-dÊhui difficilement consultables. Lesremettre sur le devant de la scène estune excellente idée. DÊautant plusquÊelles mettent en lumière lÊévolu-tion graphique dÊun jeune dessinateurqui durant quelques années se cher-che, tâtonne, expérimente.

RÉNOVATEUR DE LA LIGNE CLAIREEt soudain en 1978, sans crier gare, ilfait sa mue (presque définitive) pourdevenir lÊun des rénovateurs de laÿ ligne claire Ÿ. LÊinfluence de JoostSwart, inventeur du terme en 1977, etlÊémulation de ses pairs Yves Chaland,Serge Clerc ou FlocÊh, confortent TedBenoit dans cette voie. Dès le début desannées 80, ses planches parues dansles magazines Métal Hurlant et (¤ Suivre)ne dérogeront pas dÊun style ancré danslÊimaginaire collectif. Camera Obscuraprésente ces pages avec exhaustivité.La galerie BD bruxelloise Champaka, àlÊorigine de cette célébration, a mispour lÊoccasion les petits plats dans lesgrands. Non contente dÊéditer lÊou-vrage, elle en a présenté les planchesoriginales dans deux expositionsconcomitantes (dont lÊune pour fêterlÊouverture de sa galerie parisienne) enavril et mai. Mais ce sera chez La Boîteà Bulles (voir Zoo n°47) que Ted Benoitfera son grand retour fin janvier 2014,avec un nouvel album de Ray Banana.Intitulé La Philosophie dans la piscine, ildistillera les pensées de lÊhomme auxRay Ban dans des récits très courts

dÊune ou deux planches de quatre cases.Après plus de 30 ans de bons et loyauxservices, lÊauteur abandonnera cette foissa ÿ ligne claire Ÿ fétiche. Une nouvellerévolution dans le monde graphiquede Ted Benoit.

Deux expositions et un recueil intitulé Camera Obscura saluent le prochain retour de Ted Benoitaux affaires. Un panorama de sa première décennie de carrière très… éclairant.

POUR LA LIGNE CLAIRE

CAMERA OBSCURAVERS LA LIGNE CLAIRE ET RETOUR

de Ted Benoit,Champaka,

224 p. n&b + couleurs, 35 €

THIERRY LEMAIRE

© T

ed B

enoi

t / C

HA

MP

AK

A

Page 51: Zoo 48

51

J e u n e s s e

C Êest ici lÊauteur Rudyard Kipling qui est misà lÊhonneur dans une série de plusieurs tomesà venir, revisitant les nouvelles du

célèbre Livre de la Jungle, avec une bonne dose dÊes-pièglerie.DÊaprès vous, pourquoi les zèbres sont-ils rayés ?Pourquoi les Éthiopiens sont-ils noirs ? Et pourquoi lestaches des léopards ont-elles cette forme étrange etirrégulière ? Autant de questions que se posent fré-quemment les enfants, et auxquelles les auteurs PedroRodriguez (dessin) et Sean Tulien (scénario) se sontefforcés de répondre.

DARWINISME POUR ENFANTSLes animaux étaient à lÊorigine tous égaux. Mais leurpelage uniforme les empêchait de se cacher efficace-ment dans les reliefs de la savane ! Ainsi, pour ne plusfaciliter la tâche aux prédateurs, les animaux se seraientforcés à changer pour se fondre dans le décor. Deleur côté, les prédateurs auraient fait de même pour sedérober plus facilement à la vigilance de leurs proies,et ne plus rentrer bredouilles de la chasse !

GRAPHISME FAÇON ANIMATIONCÊest en tout cas la théorie qui nous est proposée danscette amusante bande dessinée aux allures ludiques et autrait énergique. On pense un instant, le sourire aux lèvres,aux héros des films dÊanimation Madagascar en voyant lesmimiques outrées du zèbre ou de la girafe, reprochant aunarrateur de briser leur couverture. Le procédé de miseen abyme est dÊailleurs beaucoup usité dans ces pages, lespersonnages sÊadressant à plusieurs reprises au narrateur

ou même parfois au lecteur, dans desclins dÊflil pleins dÊhumour ou dans desaccès de sagesse, voire de pédagogie.Un sympathique livre pour petits etgrands, qui reprend à merveille les his-toires de Kipling en les mettant joli-ment au goût du jour.

Dis, pourquoi

Les éditions Emmanuel Proust publient dans leur sympathique collection jeunesse à lire « au premier et au second degré », unenouvelle adaptation très libre et destinée aux enfants d’un ouvrage classique.

le léopard il a des taches ?

ALIX DE YELST

c LES TACHES DU LÉOPARDde Sean Tulien et Pedro Rodriguez,adapté de Rudyard Kipling,Emmanuel Proust, 60 p. couleurs, 9,95 €

© T

ulie

n et

Rod

rigue

z / E

MM

AN

UE

L P

RO

US

T

Page 52: Zoo 48

52

J e u n e s s ezoom

T igron de son état, Grrreny seretrouve tout vert après sÊêtrebaigné par hasard dans un lac

radioactif. Il nÊa pas de super-pouvoirs,mais il a développé un goût prononcépour lÊécologie et la biodiversité. Leshumains nÊont quÊà bien se tenir carnotre jeune héros compte bien proté-ger sa ÿ jungle Ÿ de ces pollueurs,coûte que coûte. La nature nÊest pastoujours un cadeau non plus pourGrrreeny et ses amis, à qui elle peutaussi jouer de bien mauvais tour. MaisquÊa cela ne tienne, notre petit tigrevert ne se laisse jamais démonter et iltrouve toujours la solution.

FAIRE PASSERDES MESSAGES PAR L’HUMOURMidam aborde avec simplicité ethumour un sujet qui devrait inspirer leplus grand nombre : le respect desespèces et de la nature. Cette prisede conscience de lÊauteur, il nous latransmet au travers des péripéties dupetit Grrreeny qui cherche chaquejour un nouveau moyen de protégerses amis et lÊécosystème du pollueurhumain. SÊadresser au jeune public estle meilleur moyen de lui faire com-prendre et de voir une évolution dansles mentalités ; avec lÊhumour, les idéespassent mieux, cÊest bien connu.

Seulement, il ne faut pas pour autantprendre cette bande dessinée commeuniquement un hymne à lÊécologie :Midam et son équipe mettent aussi enavant la relation entre lÊhumain et lanature, notre rapport à lÊindustrialisa-tion, au respect de ce qui nous entoure.Certaines situations que vit Grrreenyconstituent aussi une critique enverscette société qui veut en faire trop sansvraiment réfléchir aux conséquencesque cela peut entraîner sur lÊécosystème.Ce qui est bien pour lÊhomme ne lÊestpas forcément pour les animaux.

JUSTICE VERTEChaque page évoque un problèmecocasse que vivent Grrreeny et sesamis. La vie de ces personnages nÊestpas si différente de la nôtre : ils vontà la plage, lisent des journaux, fontdes manifestations et mettent despièges avec des plantes carnivores...rien de bien différent, ou presque, dece quÊaccomplissent nos enfants dansla cour de récré en fin de compte.

Quant au dessin, pas de grande surprise,les mouvements, les expressions, nousles connaissons bien, mais cÊest un stylequi fonctionne parfaitement et qui rendles personnages drôles et attachants, unpeu comme ceux de Kid Paddle.

LÊhumour et lÊécologie font ici bonménage et cette bande dessinéedevrait mener nos chères têtes blondesà se poser les bonnes questions sur laprotection de la planète et de son éco-système. Les enfants vont adorer lireles histoires du petit tigre vertGrrreeny, et les parents aussi.

VERT L’AVENIR

GRRREENY, T.2LA NATURE EST UN CADEAU

de Midam,MAD Fabrik,

48 p. couleurs, 10,40 €

En parallèle des passionnantes aventures de Kid Paddle, Midam traite d’un sujet d’actualité,l’écologie, au travers des aventures du petit Grrreeny, dont le deuxième tome paraît ces jours-ci.

Bob le Loup, de Jean-LucLe Pogam et Ronan Badel

Privé dÊécolepour cause demaladie, Tiloupdessinetranquillementdans la cuisinelorsquÊil voitune formesÊapprocher de la

maison. Nom dÊun petit bonhomme,cÊest BOB LE LOUP ! Bob lÊeffrayant,le marginal, le crasseux, Bob qui vit enmarge et dont tout le bois a peur !Sous le choc, Tiloup perdconscience⁄ Il faut lÊemmener àlÊhôpital, mais la maman ne court pasassez vite et doit garder le petit frèrede Tiloup. Un véritable choix deSophie, mais une seule solution : faireconfiance à Bob, qui propose sonaide⁄ Il nÊest jamais trop tôt pourapprendre à lutter contre lespréjugés ! Cet album le rappellesimplement, afin dÊaider les petitsloups à ne pas confondre lÊhabit et lemoine (ou quelque chose dans cegenre-là⁄).PÊtit Glénat, 40 p. couleurs, 11 €

HÉL˚NE BENEY

Nina chez la reinedÊAngleterre,de Rutu Modan

Est-ce vraimentmeilleur demanger avec lesdoigts ? CÊestce que la petiteNina tentedÊinstaurer à lacour de la reinedÊAngleterre, ense goinfrant de

spaghetti au ketchup au milieu dupince-fesses ambiant. Désarçonnant,le trait désuet de lÊillustratriceisraélienne Rutu Modan, qui nousrappelle les albums de jeunessedÊantan. Délicieux, le pied de nez auxbonnes manières : ici, elles explosentlittéralement en vol lors dÊun banquetqui dégénère, sÊétalant telle uneripaille décadente sur deux pages enfin dÊouvrage. Les enfants adoreront. Actes Sud Junior, 32 p. coul., 12,50 €

JULIE BEE

Le Secret du châteauBalthasar, collectif

Euromaus etEuromausi lesdeux souris,EurofantlÊéléphant,Böckli lachèvre suisseet Louis le coq

replet sont les mascottes du parcdÊattractions Europa-Park, situé enAllemagne. Dans cet album, cessympathiques personnages prennentvie dans une histoire réservée auxplus jeunes. Lors de la célébration delÊanniversaire dÊEuromaus au ChâteauBalthasar, les mascottes découvrentun étrange parchemin qui recèlequelques surprenants secrets. Trappedérobée, chute dans les tréfonds duchâteau, épée enchâssée façonExcalibur et rencontre avec unterrifiant pensionnaire des sous-solsdu château... Le rythme ne décélèrepas et les superbes illustrations endoubles pages devraient ravir lesenfants (et peut-être leur donnerlÊidée de demander à leurs parentsde traverser le Rhin).Glénat, 48 p. couleurs, 9,90 €

SYLVIE DASSIER

AUDREY RETOU

© M

idam

/ M

AD

FA

BR

IK

Page 53: Zoo 48
Page 54: Zoo 48

M a n g a s & A s i e

L a ressortie en édition Deluxede Master Keaton démontredéfinitivement quÊon peut

produire une histoire bien dessinée etbien scénarisée, truffée dÊélémentsintelligents de culture générale, etpourtant calibrée comme du mangaclassique.

UN SYNOPIS IMPROBABLEBon, le héros plutôt anti-héros est unJaponais de mère anglaise, diplômédÊarchéologie mais ancien des forcesspéciales britanniques, expert en tech-niques de survie, contractuel dans uneuniversité tokyoïte de seconde zoneet enquêteur pour les assurances afindÊarrondir ses fins de mois – puisque safemme lÊa quitté et que sa fille est auxétudes. Les histoires se suivent et seressemblent – Keaton est appelé àrésoudre une enquête mobilisant aussibien ses connaissances universitairesque ses capacités dÊancien soldat – oupas – la Grèce, lÊItalie, la Suisse,lÊAllemagne (celle de Monster),lÊAngleterre, le désert du Taklamakan⁄un tour du monde à chaque tome !

Constamment polluée par les pro-blèmes personnels et professionnelsde Keaton, chaque enquête montre laprécision de ses connaissances, sesressources de combattant et de survi-vant, mais aussi la finesse de sonapproche psychologique des indivi-dus quÊil rencontre, que ce soit unevieille baronne allemande déchue ouun banquier philanthrope poursuivipar la mafia. Urasawa ne se fait pasprier pour dessiner de magnifiquespaysages naturels ou des vestigesarchéologiques, tout en y plaçant sespersonnages reconnaissables au pre-

mier trait (comme dans Monster etPluto), avec un respect pour toutes lescultures du monde assez utopique etdéconcertant : comment un mangapeut-il être aussi intelligent ?

UNE DRÔLE D’HISTOIRE ÉDITORIALE¤ lÊorigine de Master Keaton on trouveaussi Hokusei Katsushika, aka HajimeKimura, co-auteur de Golgo 13 avecTakao Saito – et on sent bien lÊam-biance seventies dans les premiers tomesde Master Keaton. Urasawa est un empa-thique et un idéaliste, mais cÊest unpessimiste invétéré qui parle plus sou-

vent de complot mondial que deconcorde internationale : la collabo-ration avec Katsushika lui apportaitenfin un peu dÊoptimisme humaniste,ainsi que toutes ces références poin-tues dÊarchéologie et dÊhistoire de lÊartqui font que le manga sÊadresse clai-rement à un public au-delà de 20 ans.Mais Katsushika est mort dÊun canceren 2004 et Urasawa a voulu tirer lacouverture à lui, prétextant quÊil avaitpresque tout fait, et créant un énormepataquès conduisant à lÊarrêt de lasérie. Pour repartir de nos jours avecTakashi Nagasaki, son co-scénaristede Monster, Pluto et Billy Bat, dans unMaster Keaton Remaster dont on espèreque Kana assurera lÊédition aussi bienque pour la première série, publiéedans de gros volumes à la couverturesoignée et aux premières pages cou-leur avant quÊun dégradé nous amèneau noir et blanc habituel des mangas.Bref et malgré tout ça, Master KeatonsÊimpose comme un drôle dÊobjet, à lacroisée de la BD dÊauteur et du mangacommercial chapitré, entre le purdivertissement des enquêtes et la révi-sion des bases culturelles archéolo-giques, le tout mené par un invincibleloser. ¤ mettre entre toutes les mains !

Parmi les grands mangakas que les lecteurs européens finissent par reconnaître comme des auteurs à part entière, il y a Tezuka etTaniguchi : entre ces deux-là, il va falloir retenir le nom de Naoki Urasawa, déjà connu pour 20th Century Boys, Monster, Pluto et Billy Bat.

MASTER KEATON :

54

MASTER KEATON, T.1

de Naoki Urasawa,sur une histoire de Hokusei

Kotsushika et TakashiNagasaki, Kana, coll. Big Kana,332 p. couleurs et n&b, 15 €

BORIS JEANNE

DU TRAVAIL DE MAÎTRE

MA

ST

ER

KE

AT

ON

© 1

989

Nao

ki U

RA

SA

WA

/Stu

dio

Nut

s, H

okus

ei K

AT

SU

SH

IKA

, Tak

ashi

NA

GA

SA

KIO

rigin

al J

apan

ese

editi

on p

ublis

hed

in 1

989

by S

hoga

kuka

n In

c., T

okyo

Page 55: Zoo 48

55

M a n g a s & A s i e

D es générations après le plusgrand festival de rock gratuitde tous les temps aux États-

Unis, Woodstock fait encore rêver.Découvrir des groupes, partager cemoment magique avec des amis maisaussi dÊillustres inconnus, jamaisencore il nÊa été possible de repro-duire cette sensation de liberté et dÊos-mose. Peut-être est-ce dû au fait querien ne pouvait être contrôlé, ces 32concerts furent inoubliables pour undemi-million de gens et plus de 44ans après, nous avons encore la sen-sation de ne pas pouvoir lÊégaler.

Pourtant cÊest ce que souhaiterait fairele jeune Gaku, petit prodige de la gui-tare avec un sens artistique aiguisé.Introverti et gaffeur, notre héros, quirêve de voir un jour un événement telque Woodstock se produire au Japon,se retrouve bien malgré lui dans dessituations ingérables pour sa sensibi-lité. Qui pourrait croire quÊà lui seul ila créé le buzz sur les ondes avec songroupe fictif Charlie quÊil a formé surle Net ? Personne ne doit savoir qui ilest, mais garder un si gros secret risquebien de lui jouer un tour ou deux.

ENTENDRE AVEC LES YEUXCette fascination pour Woodstock, lÊau-teur Asada Yukai nous la partage au tra-vers du personnage de Gaku, féru demusique et particulièrement du rock etde ses dérivés depuis les années 60. Tousles types de groupe y passent comme lesSex Pistols (le même groupe auquel faitrégulièrement référence Ai Yazawa, lÊau-teur de Nana) ou encore Iggy Pop, quelÊauteur paraît apprécier tout particuliè-rement.Ce manga ne peut que faire penser à unautre du même type du nom de Beck.

Cette série avait tout particulièrementfait parler dÊelle. Surtout sur le fait quÊelleavait divisé les fans. Il y avait ceux quiadorait lÊanimé ; ce qui paraissait limiteblasphématoire pour ceux qui aimaientuniquement le manga. Ces derniers sesentaient trahi par la dénaturation duformat papier. On pourrait dire que lesdeux se valent et quÊon ne retrouve abso-lument pas la même sensation en lisantlÊun ou en regardant lÊautre.

Écouter de la musique avec les yeux estun concept un peu bizarre mais la forcequi se dégage de ces pages est totale-ment jouissive, on tremble avec les per-sonnages lorsquÊils se mettent à jouer.LÊauteur nous transmet avec une telleintensité sa passion quÊon a lÊimpressiondÊentendre ce que Gaku ou encoreShiina jouent, ce qui donne tout sonsens au manga. LÊauteur sÊamuse avecbeaucoup dÊhabileté avec notre imagi-nation. Cela donne une sorte dÊinter-activité avec ce premier tome que lÊon neretrouve que rarement avec les BD engénéral.Force, passion, voilà ce que nous pou-vons retenir du manga, même si audébut le dessin peut paraître un peulisse, cela nous permet de faire la diffé-

rence entre lesmoments de tousles jours et lapuissance desp e r s o n n a g e slorsquÊils se met-tent à jouer. CÊestrockÊn roll.

ROCK’N ROLL BABY1969, fin des sixties, berceau du mouvement rock / hard-rock, unévénement va marquer l’histoire de la musique à tout jamais.Vous l’avez compris, nous parlons de Woodstock.

AUDREY RETOU

WO

OD

ST

OC

K ©

Yuk

ai A

SA

DA

200

8 / S

HIN

CH

OS

HA

Pub

lishi

ng C

o.

c WOODSTOCK, T.1dÊAsada Yukai,Glénat Manga, 192 p. n&b, 7,60 €

Page 56: Zoo 48

M a n g a s & A s i e

J eune homme habitué auxdéménagements réguliers dufait du travail de son père,

Kaoru vient tout juste dÊintégrer unnouveau lycée. Originaire de la régionde Tokyo, il est déplacé pour la pre-mière fois en dehors de la métropole,sur lÊîle méridionale de Kyushu.Adolescent fragile, du fait de cettejeunesse tumultueuse qui lÊa souventcontraint à changer dÊétablissementscolaire, il a appris à se faire discret.Sujet aux nausées en situation destress, il ne trouve dÊéchappatoires quedans le piano classique ou en se réfu-giant dans des espaces aérés.

Alors quÊil est frappé par une nouvellecrise et quÊil veut se réfugier sur le toitdu lycée pour trouver de lÊair frais, ilrencontre Sentaro, grand échalas quisèche les cours et aime la bagarre.Après quelques échanges houleux,Kaoru va découvrir que la présence

de Sentaro et de son amie RitsukolÊapaise. Par ailleurs, il va se trouverune passion commune avec la brute augrand cflur : la musique. ¤ ses côtés,il va se mettre au jazz. Cette décou-verte va ouvrir de nouvelles perspec-tives à lÊaustère Kaoru : il va se décoin-cer et sÊépanouir et nouer des relationssolides avec ceux qui deviendront sesamis. Mais cette amitié à trois peut-elle faire fi des sentiments que les deuxgarçons peuvent éprouver pourRitsuko ?

UN VOYAGE DANS LE TEMPSDÉPAYSANTAvec ce manga, Yuki Kodama maî-trise son sujet. En mêlant habilementtranches de vie, romance et mangadÊépoque, elle réussit à créer uneatmosphère douce-amère plutôtagréable. Le trait est précis, assezproche dÊun certain type de ligneclaire, sans fioriture. Le dessin nÊest

pas surchargé de détails qui pourraientlÊétouffer.

La retranscription de la vie provincialejaponaise de lÊaprès-guerre semble cor-recte : Sentaro est affublé de la mêmecasquette élimée que celle de JoeYabuki, le personnage principal dÊAshitano Joe (Glénat), créé en 1968 ; lescoupes de cheveux sÊoccidentalisent ; leJapon technologique que lÊon connaîtaujourdÊhui est ici à lÊétat embryon-naire. Tout est fait pour que le lecteurse laisse emporter par lÊhistoire.

Surtout, Kids on the Slope propose en fili-grane une analyse intéressante de lasociété et de la jeunesse nippone néedans lÊimmédiat après-guerre. Chaquepersonnage porte des cicatrices (parfoisphysiques pour Sentaro, mais toujourspsychiques) liées à lÊoccupation duJapon (pendant laquelle ils sont nés).Aussi, ils vont chercher du réconfort

dans la musique et la liberté quÊapportele jazz dÊimprovisation. Cette retrans-cription globale vaudra au manga dÊêtrerécompensé du prix ÿ Shogakukan Ÿ(qui récompense les meilleurs mangas)en 2011.

UNE MUSIQUE SILENCIEUSELa seule dimension qui manque à Kidson the Slope est bien évidemment dÊordremusical. On voit les personnages jouer,mais on ne les entend pas. Ce ÿ pro-blème Ÿ est dÊautant plus frustrant quelÊon a terriblement envie dÊécouter cesjam sessions et ces bflufs où nos hérossÊépanouissent alors le plus.

Aussi, pour ajouter un peu de relief à lalecture du manga, on ne peut querecommander le visionnage de la sérieanimée qui en a été tirée, disponible enlibre diffusion sur la page Dailymotionde lÊéditeur vidéo Dybex.Manga profond mais un peu lent àdémarrer, Kids on the Slope saura captiverles amateurs dÊatmosphères tamisées,de photos aux tons sépias, de belleshistoires humaines et, malgré tout, demusique.

Titre plutôt attendu depuis la diffusion de son adaptation en dessin animé pendant l’été 2012, Kids on the Slope est enfin dispo-nible en France. Le volume 1 de ce manga de Yuki Kodama est sorti le 2 mai chez Kaze Manga et nous transporte dans le Japondes années 1960.

THOMAS HAJDUKOWICZ

KIDS ON THE SLOPE :

56

KIDS ON THE SLOPE, T.1

de Yuki Kodama,Kaze, 192 p. n&b, 6,69 €

le charme discret du jazz

SA

KA

MIC

HI N

O A

PO

LLO

N ©

200

8 Y

uki K

OD

AM

A/S

HO

GA

KU

KA

N

Page 57: Zoo 48
Page 58: Zoo 48

58

Yokozuna, T.1,de Marc Van Straceeleet Jérôme Hamon

Chad Rowan,plus connusous le nomdÊAkebono, estle premiersumotori non-japonais (il estoriginairedÊHawaï) àatteindre le titresuprême de

yokozuna. Van Straceele et Hamon,qui nous racontent son histoire, sontcertainement les deux premiersauteurs de BD non-japonais àsÊintéresser au sumo ! Ils le fontpourtant dans les règles du manga,avec un personnage central trèsshônen auquel sÊidentifier, et unchapitrage très régulier pourdécouper le récit. Mais la qualitégraphique de leur travail (descrayonnés à peine encrés maisrehaussés dÊaquarelle) et la finesse deleur approche empathique en fontbien plus quÊun global manga.Kana, 256 p. n&b, 25 €

BORIS JEANNE

Poissons en eaux troubles,de Susumu Katsumata

Ce recueil derécits courtshétéroclitesdémarre par deuxnouvelles quiforment unreportage surles ÿ invisiblesdu nucléaire Ÿ,ces ouvriers mal

considérés, mal protégés et malpayés, chargés de décontaminerles zones radioactives des centralesatomiques⁄ à Fukushima, bien avantle tsunami, dans les années 1980.Suivent ensuite des histoires courteset folkloriques, pleines de Kappas etde Tanukis qui se métamorphosenten humains pour mieux les abuser !Le livre se poursuit avec des récitsintimistes de moindre intérêt ; et seconclut par une postface savante.Le lézard noir, 214 p. n&b, 22 €

JÉRłME BRIOT

Ramdam à tous lesétages, de Oh Yeong Jin

LÊingénieur OhYeong Jin acommencé àdessiner quand,à la faveur dÊunepériode deréchauffementdiplomatique entreles deux Corée, ilparticipait à un

chantier de coopération en Coréedu Nord. Le dessin était le seulmoyen de consigner ses souvenirs.LÊexpérience a révélé un véritabletalent comique, et un dessin satiriquebien adapté à sa narration à défautdÊêtre académique. Après les deuxtomes autobiographiques et narquoisdu Visiteur du Sud puis MissionPyongyang qui continuait dans lamême veine, lÊauteur tourne la pageet se lance dans une fiction satirique,Ramdam à tous les étages. CÊest la viedÊun petit immeuble dans un quartierpopulo de Séoul, et les relationscomplexes entre les locataires et leurpropriétaire⁄ Du Bidochon coréen.FLBLB, 240 p. couleurs, 18 €

JÉRłME BRIOT

M a n g a s & A s i ezoom

C omplexée par ses grosseslunettes, la tête rentrée dansles épaules et des tenues

austères, Mairu nÊest pas très plaisanteà regarder. Depuis toute petite, ellesÊest résignée à ce statut de paria,conditionnée par un frère désespéré-ment beau et tyrannique vis-à-vis de sasflur banale et enfoncée par des cama-rades de classe qui ont fait dÊelle leursouffre-douleur. Il faudra lÊinterven-tion fortuite de Tenyuu, le plus beaugarçon du lycée, pour quÊelle com-prenne progressivement que sÊacca-bler sur elle-même ne fait que lÊen-foncer davantage.

Car sous son allure disgracieuse, Mairuaspire au grand amour. Grâce à lÊin-tervention de son amie Fuwari, elleva passer du statut de laideron à celuide beauté fatale. Ainsi elle va pouvoirse venger de ceux qui lÊont moquée, etpourquoi pas, trouver le prince char-mant.

DANS LA VEINEDES SHÔJO MODERNESMairunovich est un manga pour ado-lescentes (ou shôjo) tout ce quÊil y a deplus classique. Son auteur, Zakuri Sato(déjà publiée chez Tonkam avecObaka-chan), multiplie dÊailleurs les

séries où beaux garçons et jeunes fillesmaladroites se croisent et tombentamoureux. Le trait est canonique etmaîtrisé (grands yeux expressif, mou-vements suspendus dans lÊair, scin-tillements). La trame scénaristique,dans la lignée des contes de fées(Cendrillon en tête) rappelle des clas-siques du shôjo contemporain commeSwitch Girl (Akata Delcourt) ou YamatoNadeshiko (Pika).Or, cÊest là où le bât blesse : malgré sesbonnes intentions et son dessinagréable, Mairunovich ne renouvellepas franchement le genre de la comé-die romantique pour adolescente. Lespersonnages nÊont pas cette étincellede charisme qui rend Nika de SwitchGirl si attachante.Le lecteur se retrouve avec un shôjotrès correct, mais qui aura du mal àtenir la comparaison avec dÊautrestitres déjà installés. Compte tenu dufait que ce premier tome se conclut surun cliffhanger intéressant (qui pourraitrendre lÊhistoire un peu plus dense), onne peut quÊespérer que les volumessuivants corrigeront le tir.

Mairunovich :

MAIRUNOVICH, T.1

de Zakuri Sato,éditions Tonkam,224 p. n&b, 6,99 €

Lycéenne au cœur d’artichaut, pas très jolie (du moins c’est ce qu’elle pense), Mairu s’est rési-gnée à vivre dans l’ombre de gens « beaux ». C’était sans compter sur une transformation esthé-tique bienvenue. Avec Mairunovich, dont le premier volume est sorti le 15 mai chez Tonkam, l’au-teur Zakuri Sato revisite l’histoire du vilain petit canard.

THOMAS HAJDUKOWICZ

JEUNE ET JOLIE ?M

AIR

UN

OV

ICH

© 2

010

by Z

akur

i Sat

o / S

HU

EIS

HA

Inc.

Page 59: Zoo 48
Page 60: Zoo 48

M a n g a s & A s i e

U n jeune et brillant chirurgienjaponais ne se remet pas dÊuntraumatisme meurtrier vécu

alors quÊil exerçait dans lÊhumanitairequelque part en Afrique. Zonant dansles pires quartiers de Tokyo, il échouedans une clinique clandestine, où unvieux docteur accepte lÊargent desgangsters pour pouvoir soigner à lÊfliltous les gens du quartier – quitte à bri-coler des greffes de rein en dehors desfichiers de donneurs dÊorgane ! Ba-garres, hémorragies et opérations sÊen-chaînent sur fond de secret des uns etdes autres, comme dans un épisodedÊUrgences où tout le monde aurait perdu

sa licence. Serizawa retrouve donc lÊam-biance des quartiers chauds de Tokyopour cette nouvelle série menée tam-bour battant, mais avec quelques évo-lutions notables par rapport à Saru Locket Resident Evil.

LE STYLE C’EST L’HOMMEEn effet, La Main droite de Lucifer est plusaboutie graphiquement. On retrouveles mêmes tronches et les mêmescadrages que dans Saru Lock, et lesscènes dÊopérations médicales sontdécrites avec le même soin que les tech-niques de lockpicking [crochetage de serrures,NDLR] de Sarumaru. Pas mal de bastons

aussi. Mais les décors, les détails, lesvisages sont bien plus maîtrisés – lesreflets sur un blouson de cuir, les expres-sions de doute, les tâches de sang quijalonnent les pages, le motif très esthé-tique de lÊange déchu qui vient signer ledesign de la série. CÊest peut-être grâceà une meilleure équipe dÊassistants (!),mais cÊest aussi parce que le mangachange de public, vers le haut.

SOIGNER OR NOT SOIGNERAinsi, exit les scènes de sexe pour ado-lescent, et bonjour les cas de conscien-ce sur la médecine. Qui mérite dessoins ? Qui mériterait de crever dans le

caniveau ? CÊest donc un vrai manga sei-nen, pour jeunes adultes, dont la diffé-rence tient souvent dans le fait que deschoix moraux sÊoffrent au protagonisteet que tout nÊest pas blanc ou noir –alors que dans le shônen cÊest plutôtlÊhonneur et lÊexaltation qui dominent,dans un monde manichéen. On se sou-vient bien de à quoi servait la maindroite du serrurier de 16 ans (⁄), là ilsÊagit dÊune main droite de chirurgientatouée dÊun ange déchu car il ne saitpas sÊil peut continuer dÊexercer lamédecine, après avoir tué des gens dansune ambiance entre Rwanda etColombie. Au-delà des histoires deyakuzas, Serizawa en profite mêmepour faire réfléchir sur la médecine àdeux vitesses et le manque de couver-ture sociale au Japon, un thème quÊonpourrait développer pour les États-Uniset qui pourrait un jour arriver en France.Le don chirurgical de son héros doitpasser outre les erreurs commises dansle passé, car il sÊagit toujours de sauverdes vies. LÊenjeu est de savoir si toutesvalent la peine dÊêtre sauvées, et avecquels moyens. Et ce sont seulement sixtomes qui sont annoncés ! Alors pas deraison de ne pas squatter cette cliniquesans dossiers médicaux, où lÊon est sûrde croiser SDF, immigrés clandestinset mafieux blessés, mais aussi des méde-cins déterminés qui nÊont pas le tempsni les moyens dÊaller jouer au golf.

BORIS JEANNE

60

LA MAIN DROITEDE LUCIFER, T.1

de Naoki Serizawa,Ki-oon, 196 p. n&b, 7,65 €

Et voici la nouvelle série de Naoki « Saru Lock » Serizawa après son passage (pas trop mauvais) par la franchise Resident Evil :La Main droite de Lucifer est une histoire de médecin tatoué et déchu qui soigne les gens au couteau – une variation sur BlackJack et Team Medical Dragon sauce yakuza !

SOIGNE TA DROITE

LUC

IFE

R N

O M

IGIT

E ©

Nao

ki S

eriz

awa

/ Kod

ansh

a Lt

d.

Page 61: Zoo 48

S e x e & B d

61

E t la tendresse bordel ? Cette question apeut-être taraudé les huiles de chezTabou quand il sÊest agi de donner le

feu vert pour éditer le premier tome dÊApple etLemon. Pas forcément la notion charnelle accom-pagnant la luxure et la volupté bien connues dela maison. Plutôt cet attachement nostalgiqueen lien avec cette époque adolescente toujoursplus lointaine où le pathétique libidineux trans-formait le concept de ÿ femme à poil Ÿ en équiva-lent du Saint Graal.

En accouchant des deux ados Apple et Lemon(relatifs à leurs formes crâniennes), Nicoby avait,de son propre aveu, pour objectif de ÿ retrouver cequi [lui] avait plu dans les vieilles bandes de Crumb. ŸNoble revendication que celle du pape de lÊun-derground américain dont les obsessions fantas-matiques et autres névroses priapiques ont encorede quoi donner le vertige. Toutefois, il est moinsquestion ici dÊun étourdissement des sens quedÊune parenté éloignée avec Titeuf et Le Petit Spiroudans laquelle Apple et Lemon seraient les cousinstout aussi bon enfant. Avec le feu permanent aucaleçon en prime.

OBJECTIF NIBARDSOutre le trait simple, naïf et rondelet de cedeuxième album, son ossature en historiettes tenantsur trois planches maximum ne fait que renforcer

cette filiation. Car Apple le pragmatique et Lemonle poète lunaire ont beau être des monomaniaquesdu sexe, très portés sur le fétichisme et le voyeu-risme, lÊétalage de leurs complexes et de leursméconnaissances sur la question (centrée essen-tiellement sur la région mammaire) empêchentNicoby de sombrer dans le graveleux. Tant mieux,au fond. Puisque les meilleurs passages dÊApple etLemon 2 reposent sur le comique de situation ou ladestruction dÊune montée lyrico-romantique parune grivoiserie de bon aloi. Sans atteindre les som-mets de lÊimmense Jean-Claude Tergal : la première fois,cette livraison de Nicoby délivre sa madeleineproustienne à destination des lecteurs ayant grandi

avant la révolutionnumérique ; celle où laquête acnéique dusavoir interdit passaitnécessairement par levol de revues co-chonnes et les prêts deVHS X sous le man-teau. Nostalgie, quandtu nous tiens.

c APPLE ET LEMON, T.2de Nicoby,Tabou, 48 p. couleurs, 9,90 €

BERTRAND SIBÉRIEN

Salement titillés par leurs hormones, Apple et Lemon reviennent pour une nouvellefournée de tribulations friponnes qui sauront, à coup sûr, réveiller la mélancoliedes losers juvéniles mâles que nous avons tous été.

« MELON-COLIE »

© N

icob

y / T

AB

OU

POTACHE

Page 62: Zoo 48

62

Bob lÊéponge, le film

Cette ressortie en haute définitionde Bob lÊéponge, le film est assurémentune belle occasion de (re)découvrirce sommet dÊhumour absurde, chargéen mauvais goût assumé digne desMonty Python. Le vol de la couronnede Neptune, le roi des mers, parSheldon Plankton est le point dedépart dÊun road movie dÊunecrétinerie admirable. Le géniede Stephen Hillenburg est dÊêtreparvenu à multiplier les niveauxde lecture. Résultat, jeunes commemoins jeunes rient à gorge déployéedevant le grand nÊimporte quoi queconstituent les visions dÊunconcombre de mer tueur à gages etDavid Hasselhoff en hors-bord (sic).Un Blu-ray Paramount HomeEntertainment

JULIEN FOUSSEREAU

Qui veut la peaude Roger Rabbit ?

Le temps file,inexorablement :Qui veut la peau deRoger Rabbit ? fêteses 25 ans et nÊapourtant pas prisune ride. CÊest lepropre des grandsclassiques. Si lefilm de Robert

Zemeckis se révèle toujoursun tour de force technique encombinant étroitement animationet prises de vue réelles, on retientencore et toujours cet hommageparticulièrement fin aux films noirsdes années 40 et à lÊuniverslicencieux du Hollywood de lÊâgedÊor, fondu intelligemment danslÊunivers débridé des cartoons. Laprésente édition Blu-ray reprend lesexcellents suppléments montrantlÊenvers dÊun tournage qui ne fut pascomme les autres, ainsi que les troishilarants dessins animés estampillésRoger Rabbit.Un Blu-ray Touchstone HomeEntertainment

JF

LÊÉtrangleur de BostonDe la tristementcélèbre affaireAlbert Desalvo,accusé dÊavoirassassiné 13Bostoniennes entre1962 et 1964,Richard Fleischertira LÊÉtrangleur deBoston, magistralfilm dÊune

reconstitution semi-documentaire.Se refusant à verser dans lasensationnalisme, Fleischer utilise àbon escient la technique du splitscreen afin de dépeindre commerarement les conséquencesquÊengendre pareil fait divers tantdans la psychose urbaine que dans lacouverture médiatique. LÊÉtrangleur deBoston vaut également le détour pourla prestation à contre-emploi de TonyCurtis. Côté bonus, onrecommandera le commentaire deWilliam Friedkin sur le film.Un Blu-ray Carlotta

JF

C i n é & D V Dzoom dvd

A u début du siècle, la sérieaméricaine a connu de pro-fonds bouleversements, en-

tre les programmes cinq étoiles quÊapu fournir, par exemple, la chaînecâblée HBO pendant son âge dÊor, ouencore la consécration de 24 heureschrono sur les réseaux traditionnels parla naissance dÊun concept longtempsrêvé : une série dÊaction au tempodéchaîné ayant les moyens de sesambitions. Ce serait oublier, sur cedernier point, lÊhéritage considérablequÊa laissé J.J. Abrams avec Alias. Si lasérie dÊespionnage nÊa pas tenu toutesses promesses sur la longueur, ellecontenait déjà toute lÊessence de cequi allait constituer la touche Abrams :le jeu collectif, une caractérisation despersonnages dans le péril et lÊimpres-sionnant déroulé du récit mené tam-bour battant pour maximiser chaqueseconde dÊun épisode de 40 minutes.Pas un hasard si Tom Cruise a faitappel à ses services pour redonner dulustre à sa saga Mission : Impossible alorsmal en point.

PYJAMA PARTYSi en tant quÊentertainer, J.J. Abrams nÊapas encore atteint la force dÊinnova-tion plastique dÊun David Fincher, sescapacités de recycleur malin ont faitmerveille en sÊattaquant à Star Trek,remise à zéro des compteurs de lasérie créée par Gene Roddenberry. Eneffet, Abrams est parvenu à un équi-libre étonnant entre respect minimumdu modèle dÊorigine (sur le fondcomme sur le cahier des charges for-melles) et cadence trépidante, tou-jours au bord de la rupture ; le toutsans jamais oublier de développerlÊamusante rivalité Kirk / Spock. Cecocktail pétillant ne se voit pas sim-plement reconduit dans Star Trek: IntoDarkness, il est affiné. ¤ la manière dÊunEmpire contre-attaque, cette suite déploieune tonalité plus sombre et sÊattacheà creuser plus en profondeur la gale-rie de personnage. Mieux, les carencesdu premier volet, le final précipité etlÊantagoniste un brin transparent entête, sont corrigées grâce à une ampleuraccrue et à la performance remarquable

de Benedict Cumberbatch en terro-riste nietzschéen.

ALLÉGORIE ET PROGRESSISMEÿ Plus réussi est le méchant, plus réussi sera lefilm Ÿ, insistait Hitchcock. Cet adagesÊapplique parfaitement à Star Trek: IntoDarkness. Responsable dÊun colossalattentat à Londres, John Harrison estla force motrice du récit par la chasseà lÊhomme quÊil engendre. Mais passeulement. Il agit également à la foiscomme révélateur sur lÊamitié mouve-mentée quÊentretiennent Kirk etSpock et comme allégorie politiquequant à lÊAmérique post 11 septembre.Prenant en compte lÊancrage futuristeutopique de Star Trek, Abrams a lÊau-dace de vouloir solder les annéessombres hollywoodiennes traverséespar la vengeance aveugle et la peur duterrorisme extérieur (dont Christo-pher Nolan fut le meilleur ambassa-deur). Il sÊy attèle sans passer à latrappe la fluidité et le spectaculairede sa mise en scène, fortement ins-pirée par celle de son idole StevenSpielberg. Voilà qui augure du

meilleur pour son prochain chan-tier interstellaire, Star Wars, septièmedu nom.

L’USS EnterprisePorté par un rythme frénétique, Star Trek: Into Darkness poursuit l’entreprise de « déringardisa-tion » de la franchise culte, initiée quatre ans plus tôt par J.J. Abrams. Le cinéaste prépare icison grand oral avant de s’attaquer à l’épisode 7 de Star Wars.

© P

aram

ount

STAR TREK:INTO DARKNESS

de J.J. Abramsavec Chris Pine,

Zachary Quinto...1h32 - Paramount Pictures

Sortie le 12 juin 2013

JULIEN FOUSSEREAU

à tombeau ouvert

© 2

012

Par

amou

nt P

ictu

res.

All

Rig

hts

Res

erve

d.

Page 63: Zoo 48
Page 64: Zoo 48

64

Epic – La Bataille duRoyaume secret de Chris Wedge

Une adolescente rétrécit dans saforêt environnante et se retrouvepropulsée dans une bataille millénaireentre les protecteurs de la nature etses destructeurs. Epic croiseadroitement le spectaculaire dÊAvatarà lÊéchelle lilliputienne dans unehistoire typique de prophéties avecélu / sauveur du monde. Certainessimilitudes rappellent les Minimoysbessoniens et Spiderwick. Mais ChrisWedge ne ment pas sur le titre et,surtout, ne prend pas son publicde haut. Il affiche une croyancecontagieuse dans son projet, aussivide de cynisme que riche enmerveilleux. Cela fait toute ladifférence.Sortie le 22 mai

JULIEN FOUSSEREAU

Ploddy : la voitureélectrique mène lÊenquête de Rasmus Sivertsen

Sensibiliser à laresponsabilisationécologique estun combat àcommencer dès leplus jeune âge. LeNorvégien RasmusSivertsen lÊa biencompris enréalisant ce long

métrage en animation infographique.Ploddy, voiture de police devenueélectrique, et Dottie, une loutrebêtasse, affrontent deux criminelsprélevant lÊeau de montagne pour larevendre. Ploddy : la voiture électriquemène lÊenquête vise clairement le trèsjeune public afin de les préparer àlutter contre les émissions abusivesde CO2. En attendant une autreaventure de Ploddy, actuellementen cours de finition à Oslo.Sortie le 12 juin

JF

Joséphine dÊAgnès Obadia

LÊhéroïne desBD de PénélopeBagieu adaptée aucinéma avec devrais acteurs,aventure risquéesÊil en est. Ce nÊestpas pour rien queSpielberg a choisilÊanimation stop

motion pour Tintin. Il faut un petittemps dÊadaptation pour sÊhabituer àla prothèse fessière de Marilou Berrypour respecter au mieux la silhouetteÿ bouteille dÊOrangina Ÿ de Joséphine.Mais globalement, lÊauteur, qui nÊa pasparticipé au scénario, trouve que cÊestune belle trahison. LÊesprit de la BDy est, mais il y a beaucoup dÊapportsdes scénaristes. Au final, cÊest unpetit Bridget Jones à la française,divertissant, très girly, mais onpouvait en attendre mieux. Sortie le 19 juin

LOUISA AMARA

C i n é & D V Dzoom ciné

À la fois premier super-hérosde lÊâge dÊor des comics etpersonnage jugé par beau-

coup comme trop lisse et vieillot,Superman peine à exister dans notreprésent post-moderne tendance cy-nique. Au cinéma en particulier. Avecla sortie de Superman: Man of Steel, ZackSnyder aura fort à faire pour réinven-ter le Kryptonien. Si on veut bien lais-ser de côté dessins animés et autresséries télévisées telles que Lois & Clarket Smallville, il est étonnant de noter àquel point lÊempreinte laissée par lasaga du tandem Christopher Reeves /Richard Donner en 1978 aura eu la viedure. Pour mieux sÊen rendre compte,un simple comparatif avec lÊévolutionde Batman suffit. Quoi que lÊon pensedes forces et faiblesses de la trilogie deChristopher Nolan, ce dernier a su,par son orientation technoïde et semi-réaliste, sÊaffranchir des jalons poséspar Tim Burton. Au cours de cettemême période, Bryan Singer se prenaitsévèrement les pieds dans le tapis avecSuperman Returns à force dÊhésiter sansjamais choisir entre le redémarrage etla suite plus ou moins assumée deSuperman II.

COMMUNIQUER PAR LA GRÂCEAvec les milliards de dollars engrangéspar son tryptique sur le Chevalier Noir,Christopher Nolan sÊest imposé natu-rellement comme le nouvel hommefort de la branche DC Comics chez

Warner Bros. La crainte légitime auraitété la tentation de dupliquer unerecette. Pourtant, Syncopy, sa maisonde production, a su prendre tout lemonde de court lÊété dernier avec unteasing surprenant par son caractèreaussi intimiste quÊintrospectif, dans uneimagerie que ne renierait pas TerrenceMalick. ¤ travers ces quelques imagesfugaces dÊun Clark Kent hirsute et auregard perdu, pendant quÊil vaque àdes activités de marin-pêcheur, ondevine toute lÊadmiration quÊéprouveNolan pour le poète texan (Malick)et une volonté de sÊécarter du premierdegré un peu bêta des films de Donner.Suivront après les bandes annoncesdévoilant le versant plus musclé quelÊon est en droit dÊattendre de la part deSuperman...

ON RASE GRATISNous pouvons affirmer sans ambagesque la sélection de Zack Snyder entant que réalisateur est porteuse debelles promesses. Mercenaire esthé-tique, Zack Snyder possède un sensvisuel indéniable dans la mise en scènede lÊaction qui a fait ses preuves sur300, adapté de Frank Miller, et surtoutWatchmen, dans lequel il est parvenu àtraduire sur lÊécran les passages les plusmagiques. Pour Man of Steel, tout laisseà penser quÊil sÊest inspiré intelligem-ment de lÊexcellent All-Star Superman deGrant Morrison. Enfin, la décision demettre Lex Luthor, éternel ennemi juré,

sur le banc de touche au profit duGénéral Zod et de Faora, deux vilainskryptoniens, pourrait se révéler salu-taire... Cette remise à zéro des comp-teurs du mythe Superman dispose desérieux atouts afin que la nouvelle géné-ration se passionne à nouveau pourKal-El. Et quÊelle gagne enfin cette pro-fondeur humaniste trop longtempsrepoussée. Croisons les doigts.

Enfin la renaissance de

Le 13 juin prochain, Superman revient au cinéma sous l’impulsion du cinéaste Zack Snyder etde Christopher Nolan à la production. Superman: Man of Steel ambitionne de dépoussiérer pourde bon l’aura du justicier venu d’ailleurs. Il serait effectivement grand temps.

© 2

0th

Cen

tury

Fox

SUPERMAN:MAN OF STEEL

de Zack Snyder,avec Henry Cavill, Amy

Adams, Michael Shannon,Russell Crowe... 2h28Sortie le 19 juin 2013

JULIEN FOUSSEREAU

L’HOMME D’ACIER ?

© 2

013

WA

RN

ER

BR

OS

. EN

TE

RTA

INM

EN

T IN

C.

Page 65: Zoo 48

65

J e u x V i d é o zoom

L a morosité de la conjonctureéconomique nÊépargne pasNintendo, à lÊimage du secteur

connaissant parallèlement de profondesmutations liées à son financement etaux bouleversements technologiquesde la dématérialisation des contenus.Si le lancement décevant de la consolede salon Wii U pose encore aujour-dÊhui question, la firme japonaisedomine outrageusement les débats surles consoles portables, forte de ses 30millions de 3DS vendues dans lemonde. Avec les sorties dans les pro-chains mois dÊAnimal Crossing: New Leaf etde Mario & Luigi: Dream Team Bros,Nintendo dispose dÊarmes sérieusespour faire tourner à plein régime sonparc mondial de 3DS toujours plusvaste, et consolider sa position.

LA FERME (SOCIALE) DES ANIMAUXEn lÊespace dÊune décennie, AnimalCrossing est devenu une licenceimmanquable dans la catégorie simu-lation sociale, mignonne et accessibleà tous. Animal Crossing: New Leaf, la der-nière entrée, fut un véritable cartonlors de son lancement au Japon, aupoint de doper les ventes de consoles.Le principe ne change pas : le joueurincarne un humain qui est à peinedébarqué dans un village peuplé dÊani-maux anthropomorphiques. Là, il seraencouragé à passer du temps sur saterre dÊadoption afin dÊy effectuer desactivités telles que la chasseaux insectes, la cueillette defruits ou encore la collectedÊartefacts. Outre les échan-ges sociaux avec son voi-sinage et les autres jou-eurs via la connectivitéStreetPass, il aura aussià cflur – et cÊest unenouveauté – de gé-rer lÊurbanisme desa bourgade dont il aété bombardé maire⁄ OnlÊaura compris, AnimalCrossing: New Leaf compense uneabsence totale de narration par larichesse de ses possibilités, le tout entemps réel. Indéniablement prenanten gestion quotidienne, Animal

Crossing: New Leaf a largement de quoioccuper celles et ceux désireux de pra-tiquer des sessions de jeu courtes,accentuant le fait que cÊest clairementtaillé pour le nomadisme.

DUO DYNAMIQUELes fans de jeux de rôles nippons neseront pas en reste début juillet avecMario & Luigi: Dream Team Bros (MLDTB),quatrième volet des aventures rôlistesde la fratrie. Au-delà de la sempiternelleprincesse à sauver, MLDTB séduit

immédiatement par sonhumour gentiment

idiot et sonsystème de jeusimple et ins-

tinctif, sachantconcilier stratégie

et réflexe dans descombats au tour par

tour. La très bonne idéede cet opus est de

rendre Marioet Luigi com-

plémentaires lorsdes passages rêvés. Eneffet, Mario est souventamené à plonger dans

les songes de sonfrère pour faire avan-

cer lÊintrigue. Ainsi, le visage endormide Luigi apparaît sur la fenêtre tactileet les tirages de moustache et autreséternuements du monde réel remodè-lent alors le level design de ses rêveriessitué sur lÊécran supérieur dans lequelévolue Mario.

Avec ces deux titres, Big N entend biendémontrer que le jeu estival, empreintde légèreté et ouvert sur le monde, seratoujours à portée de main.

JULIEN FOUSSEREAU

Nintendo prépare

Le ciel du géant de Kyoto s’est quelque peu assombri après les ventes insatisfaisantes de saWii U. Qu’à cela ne tienne : l’été prochain sera la saison où Nintendo impose son savoir-fairedans le jeu nomade, guidé par des concepts de gameplay épatants.

L’ÉTÉ DE LA 3DS

c ANIMAL CROSSING:NEW LEAFsortie le 12 juinDéveloppeur NintendoExcluvisité 3DS

c MARIO & LUIGI:DREAM TEAM BROSsortie le 12 juilletDéveloppeur NintendoExcluvisité 3DS

© N

inte

ndo

Fire Emblem: AwakeningNintendo

Fire Emblem, la série culte d'heroicfantasy, sÊenorgueillit d'un nouvelopus d'exception. Référence ducombat tactique, la saga souhaiteagrandir son public. Les débutantspourront désormais éviter la mortdéfinitive de leurs héros, mais lespuristes ne seront pas lésés. Suivantla difficulté choisie, le challenge esttoujours aussi relevé et le nombrede paramètres à prendre en comptes'avère dantesque. Sur la forme,Awakening touche au sublime :musiques épiques, voix digitalisées dequalité, graphismes 3D magnifiques,c'est du très grand spectacle. Qu'onsoit fan ou non de stratégie, il s'agitd'un des meilleurs jeux de la 3DS.Exclusivement sur Nintendo 3DS

JULIEN FOUSSEREAU

DragonÊs DogmaDark ArisenCapcom

Malgré ses défautsde jeunessetrahissant unmanque de finition,DragonÊs Dogma sefit une réputationhonorable dans ledomaine de lÊactionRPG en mondeouvert. Dark Arisen

sÊenvisage comme une commerciali-sation de cette jeune franchise avecune extension supplémentaire⁄ maispas seulement. Au-delà de lÊajout deBitterblack Isle, donjon inéditparticulièrement retors, voireinabordable sans un sérieux travail demise à niveau de statistiques, DarkArisen apporte son lot de correctifsindispensables comme les voyagesrapides à partir de la carte ou leréglage de la difficulté afin de fluidifierle plaisir de jeu. Nanti dÊune durée devie monstre, les 30 euros de DarkArisen seront bien rentabilisés.Disponible sur Xbox 360 et PS3

JF

Star TrekNamco Bandai

Star Trek aconnu moultadaptationsvidéoludiquesau cours de ces20 dernièresannées et aembrassénombre degenres (comme

ces excellents point and click de chezMindscape au début des années1990). La présente adaptation assurela jonction entre les deux films de J.J.Abrams dans laquelle Kirk et Spockse frottent à la menace Gorn. StarTrek surfe sur la mode du jeu de tirobjectif. Les acteurs Chris Pine etZachary Quinto ont prêté leurs voixet leurs traits pour satisfaire les plusinconditionnels trekkies auxquels cejeu sÊadresse en premier lieu.Disponible sur PC, Xbox 360 et PS3

JÉRłME HANICHEL

© N

inte

ndo

visu

el p

rovi

soire

Page 66: Zoo 48

66

Soul SacrificeSony ComputerEntertainment

Les blasés ont annoncé Soul Sacrificecomme un succédané du RPGMonster Hunter. Traquer des monstreset démons gigantesques dans descombats dantesques est effectivementlÊessence de Soul Sacrifice. Il y a làcependant un réel soin apporté à uneprise en main nerveuse, délivrant sonlot de violence brute au point derendre Soul Sacrifice instantanémentaddictif. Sa grandeur est égalementà chercher du côté de sa grandecohérence dans son système de jeuet ses implications. Vraiment prenantelors de la quête principale ensolitaire, cette nouvelle pépite de laportable Vita vire excellente en modecoopératif.Exclusivement sur PlayStation Vita

JULIEN FOUSSEREAU

Donkey Kong CountryReturns 3DNintendo

Initialementsorti sur Wiien 2010,Donkey KongCountryReturns(DKCR) futcouvertdÊéloges un

peu partout (y compris ici, voir Zoon°29). Il faut dire quÊil renouait avecune tradition de jeu de plateformes2D old school à la difficultéparticulièrement bien dosée. Sonportage sur la portable de NintendonÊa pas été réalisé à la va-vite, loinsÊen faut. Si les plus aguerris pourrontse mesurer au level design génial etvicieux dÊorigine, DKCR 3D faitégalement preuve de compassionavec un mode plus facile. En prime,la déclinaison 3DS comporte huitniveaux inédits pour prolonger leplaisir masochiste.Exclusivement sur Nintendo 3DS

JF

Lego City UndercoverNintendo

On avait déjà flairél'appel du largedes précédentsjeux Lego.Affranchi ducarcan block-busterien et flicle plus cooldu LCPD, ChaseMcCain s'en vaen avion, bateau,matelas, skate ou

tractopelle enquêter dans Lego Cityet ses vastes recoins. Usant demultiples panoplies pour contrerles vilains, Chase modifie son champd'investigation et le train-train desbadauds dans un méli-mélo coloré debriques à collecter et reconstruire.Exclusif sur Wii U, Lego City respire leprintemps dans une aventure longueet variée au découpage missionslibres / imposées à faire pâlir les plussérieux GTA-like, ravissant enfants etgrands.Exclusivement sur Nintendo Wii U

STÉPHANE URTH

J e u x V i d é ozoom

A u cours des trois voletsdÊUncharted sur PlayStation 3,Naughty Dog a su redéfinir le

jeu de tir à la troisième personne. En2007, le studio californien a dépous-siéré la base de jeu des Tomb Raider pri-mitifs pour aboutir à quelque chosedÊunique, une fusion remarquable entrelÊinteractivité propre au medium et unedirection artistique de blockbuster hol-lywoodien dÊune énergie folle. Uncharteda fixé la barre à une hauteur stratos-phérique que seul Crystal Dynamicsest parvenu à atteindre avec⁄ le der-nier Tomb Raider. Décliner la formule adnauseam aurait été tentant pourNaughty Dog. Pourtant, tout dans TheLast of Us, leur nouveau projet, sembletémoigner dÊune réelle volonté dÊaller àcontrecourant de leur bestseller.

CHAOS. CONFUSION. CHAMPIGNON.Il y a 20 ans, la mutation du cordycepsunilateralis, un champignon parasite sÊat-taquant habituellement aux fourmis, adécimé une grande partie de lÊhuma-nité. La nature a repris ses droits dansles grands pôles urbains devenus ruines.Les rescapés sont parqués dans deszones de quarantaine tombées sous lecoup de la loi martiale. Contrebandieralimentant un marché noir à Boston,Joel est un survivant sans état dÊâmequi nÊa cependant quÊune parole. Et il ladonne à la mort dÊun vieil ami : celle

dÊexfiltrer de la zone Ellie, une jeuneorpheline de 14 ans, et la conduire à lamilice secrète de résistance des Fireflies.Commence alors une traversée terri-fiante des vestiges des États-Unis où ilsdevront à la fois faire face aux infectés,ersatz de zombies dont lÊunique butest la propagation de lÊépidémie fon-gique et aux humains hostiles vivantshors des camps prêts à tout. Sansoublier lÊarmée qui, pour une raisoninconnue, est bien décidée à ramenerEllie dans son giron.

LA PEUR AU VENTREDu peu que lÊon a pu voir, la patteNaughty Dog sÊimpose grâce à unescénarisation juste, et une mise enscène remarquable dans sa gestion dela caméra. Visuellement, la profondeurde champ subjugue, au même titre quela richesse des détails dans cette atmos-phère de fin du monde digne de Je suisune légende. Très vite, la crainte dÊunUncharted bis est évacuée : bienquÊaguerri, Joel est lourd dans ses dépla-cements, dispose dÊune jauge de vie àlÊancienne et doit, de fait, rationnermunitions et équipements. En résumé,foncer dans le tas équivaut à une mortcertaine. Étudier ses ennemis et sonenvironnement sont le B.A.-BA pourespérer sÊen tirer. Surtout avec lesredoutables infectés qui obligeront lejoueur à redoubler de prudence et de

discrétion. Ainsi, The Last of Us encou-rage lÊexploration, la fouille de dé-combres pour récupérer des objets quiserviront à la confection de bandagesou dÊarmes contondantes.

En clair, Naughty Dog ne joue pas lafacilité et tend à vouloir redonner à lasurvie en milieu vidéoludique toutesses lettres de noblesse. Il faudra patien-ter jusquÊau 14 juin pour savoir si TheLast of Us est une exclusivité Sonyincontournable.

Joyau parmi la constellation de développeurs ayant prêté allégeance à Sony, le studio américainNaughty Dog, à l’origine de la flamboyante saga Uncharted, prend le risque de changer la donneavec The Last of Us, jeu de survie post-apocalyptique empruntant autant à Richard Mathesonqu’à Cormac McCarthy.

THE LAST OF US

Action-survie, NaughtyDog / Sony Computer

EntertainmentSortie le 14 juin sur PS3

THE LAST OF USPreview :

© N

augh

ty D

og /

Son

y C

ompu

ter

Ent

erta

inm

ent

© S

ony

Com

pute

r E

nt.

JULIEN FOUSSEREAU

Page 67: Zoo 48
Page 68: Zoo 48