Les fascicules de cette collection, rĂ©digĂ©s conjointement par des chercheurs et des usa-gers, offrent une nouvelle approche de la rĂ©forme de lâorthographe française. Chacundâeux est consacrĂ© Ă un point particulier, reconnu comme source dâerreurs frĂ©quentes, etdonne lieu Ă une rĂšgle gĂ©nĂ©rale, fondĂ©e sur des Ă©tudes approfondies mais exprimĂ©e entermes simples afin dâĂȘtre facilement comprise, mĂ©morisĂ©e et appliquĂ©e.
Le participe passĂ© conjuguĂ© avec avoir et ĂȘtre est tantĂŽt invariable et tantĂŽt accordĂ©,tantĂŽt avec le sujet et tantĂŽt avec le complĂ©ment dâobjet direct. Il en rĂ©sulte une trentainede rĂšgles, exceptions et exceptions dâexceptions qui en font le point le plus dĂ©licat de lagrammaire française. Et aussi le point le plus souvent mis en avant par les commissionsde rĂ©forme successives du ministĂšre de lâInstruction publique, puis du ministĂšre de lâĂ-ducation nationale, depuis la fin du XIXe siĂšcle.
La présente étude reprend le dossier sur des bases entiÚrement nouvelles en partantde trois grands principes:(1) Non pas affaiblir mais renforcer le systÚme orthographique en réduisant le nombre
dâexceptions;(2) Ătablir une hiĂ©rarchie des rĂšgles Ă partir de «rĂšgles premiĂšres»;(3) Distinguer la syntaxe de la sĂ©mantique et en cas de conflit entre elles, accorder la
prioritĂ© Ă la syntaxe.Ă lâarrivĂ©e, deux rĂšgles simples et sans exceptions.
60 pages12 euros
ISSN 2101-7115ISBN 978-2-35935-081-4
Clau
deGru
az(Ă©
d.)
Lâac
cord
dupa
rtic
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pass
Ă©
Lambert-LucasL I M O G E S
« Le dĂ©bat orthographique »ââââââââââââââ
Collection dirigée par Claude Gruaz
ĂTUDES POUR UNE RATIONALISATIONDE LâORTHOGRAPHE FRANĂAISE
QUATRIĂME FASCICULESOUS LA DIRECTION DE CLAUDE GRUAZ
ââââââââââââââ
LâACCORDDU PARTICIPE PASSĂ
DeuxiÚme édition revue et corrigée
avec la participation de
Michel,ALESSIO Michel,JORDANJean-Claude,ANIZAN Henry,LANDROIT
Marc,ARABYAN Pierre,LAUNAYVĂ©ronique,BERNEZ Georges,LEGROS
Ange,BIZET MichÚle,LENOBLE-PINSONFrédéric,BOTTOIS Louis,LOUVELFrançois,BOUCHARD Camille,MARTINEZ
Christiane,BUISSERET Marinette,MATTHEYMaryze,COURBERAND Martial,MAYNADIER
Caroline,DAULT Serge,MONIERJacques,DAVID Paul,MORISSETAnnie,DESNOYERS Cendrine,PAGANI-NAUDET
Georges,FARID Claudie,PĂRETClaire,FONDET Françoise,RULLIER-THEURETPatrice,GOURDET Jean-Pierre,SAUTOTPierre,JEUDY Line,SOMMANT
âąxHSMDPJy350814z
Les fascicules de cette collection, rĂ©digĂ©s conjointement par des chercheurs et des usa-gers, offrent une nouvelle approche de la rĂ©forme de lâorthographe française. Chacundâeux est consacrĂ© Ă un point particulier, reconnu comme source dâerreurs frĂ©quentes, etdonne lieu Ă une rĂšgle gĂ©nĂ©rale, fondĂ©e sur des Ă©tudes approfondies mais exprimĂ©e entermes simples afin dâĂȘtre facilement comprise, mĂ©morisĂ©e et appliquĂ©e.
Le participe passĂ© conjuguĂ© avec avoir et ĂȘtre est tantĂŽt invariable et tantĂŽt accordĂ©,tantĂŽt avec le sujet et tantĂŽt avec le complĂ©ment dâobjet direct. Il en rĂ©sulte une trentainede rĂšgles, exceptions et exceptions dâexceptions qui en font le point le plus dĂ©licat de lagrammaire française. Et aussi le point le plus souvent mis en avant par les commissionsde rĂ©forme successives du ministĂšre de lâInstruction publique, puis du ministĂšre de lâĂ-ducation nationale, depuis la fin du XIXe siĂšcle.
La présente étude reprend le dossier sur des bases entiÚrement nouvelles en partantde trois grands principes:(1) Non pas affaiblir mais renforcer le systÚme orthographique en réduisant le nombre
dâexceptions;(2) Ătablir une hiĂ©rarchie des rĂšgles Ă partir de «rĂšgles premiĂšres»;(3) Distinguer la syntaxe de la sĂ©mantique et en cas de conflit entre elles, accorder la
prioritĂ© Ă la syntaxe.Ă lâarrivĂ©e, deux rĂšgles simples et sans exceptions.
60 pages12 euros
ISSN 2101-7115ISBN 978-2-35935-081-4
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az(Ă©
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cord
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Lambert-LucasL I M O G E S
« Le dĂ©bat orthographique »ââââââââââââââ
Collection dirigée par Claude Gruaz
ĂTUDES POUR UNE RATIONALISATIONDE LâORTHOGRAPHE FRANĂAISE
QUATRIĂME FASCICULESOUS LA DIRECTION DE CLAUDE GRUAZ
ââââââââââââââ
LâACCORDDU PARTICIPE PASSĂ
DeuxiÚme édition revue et corrigée
avec la participation de
Michel,ALESSIO Michel,JORDANJean-Claude,ANIZAN Henry,LANDROIT
Marc,ARABYAN Pierre,LAUNAYVĂ©ronique,BERNEZ Georges,LEGROS
Ange,BIZET MichÚle,LENOBLE-PINSONFrédéric,BOTTOIS Louis,LOUVELFrançois,BOUCHARD Camille,MARTINEZ
Christiane,BUISSERET Marinette,MATTHEYMaryze,COURBERAND Martial,MAYNADIER
Caroline,DAULT Serge,MONIERJacques,DAVID Paul,MORISSETAnnie,DESNOYERS Cendrine,PAGANI-NAUDET
Georges,FARID Claudie,PĂRETClaire,FONDET Françoise,RULLIER-THEURETPatrice,GOURDET Jean-Pierre,SAUTOTPierre,JEUDY Line,SOMMANT
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« Le dĂ©bat orthographique » ââââââââ
Collection dirigée par Claude Gruaz
ĂTUDES POUR UNE RATIONALISATION
DE LâORTHOGRAPHE FRANĂAISE ââââââââ
QUATRIĂME FASCICULE SOUS LA DIRECTION DE CLAUDE GRUAZ
LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
DeuxiÚme édition revue et corrigée
avec la participation de
Michel,Alessio
Jean-Claude,Anizan Marc,Arabyan
VĂ©ronique,Bernez Ange,Bizet
Frédéric,Bottois François,Bouchard
Christiane,Buisseret Maryze,Courberand
Caroline,Dault Jacques,David
Annie,Desnoyers Georges,Farid
Claire,Fondet Patrice,Gourdet Pierre,Jeudy
Michel,Jordan Henry,Landroit Pierre,Launay
Georges,Legros MichĂšle,Lenoble-Pinson
Louis,Louvel Camille,Martinez
Marinette,Matthey Martial,Maynadier
Serge,Monier Paul,Morisset
Cendrine,Pagani-Naudet Claudie,PĂ©ret
Françoise,Rullier-Theuret Jean-Pierre,Sautot
Line,Sommant
Cet ouvrage tient compte des rectifications et recommandations orthographiques de lâAcadĂ©mie française parues au Journal officiel
(Documents administratifs) du 6 décembre 1990 (voir www.academie-francaise.fr/langue/rectifications_1990.pdf).
© Lambert-Lucas, 2013 ISSN 2101-7115 ISBN : 978-2-35935-081-4
La veneration que jâay toĂ»jours eu pour les Ouvrages qui nous restent de lâAntiquité⊠Racine Toutes les injures que lâon sâest dit⊠Flaubert Elles se sont vues et elles se sont plu. Norme actuelle
De nombreux et fructueux Ă©changes avec Georges Legros ont largement contribuĂ© Ă enrichir lâargumentation dĂ©veloppĂ©e dans ce fascicule. Quâil en soit ici trĂšs sincĂšre-ment remerciĂ©.
C. G.
AVANT-PROPOS
On observe de plus en plus dâĂ©carts orthographiques. Les causes sont multiples et variĂ©es, sociales, pĂ©dagogiques ou autres. Mais le fait est que le nombre de messages Ă©crits sâaccroit et nâest plus rĂ©servĂ© Ă certains cercles dâĂ©crivants.
Dans le mĂȘme temps, lâĂ©volution des techniques de communication Ă©crite favorise un changement de code : des SMS sont adressĂ©s chaque jour par centaines de milliers et ces SMS sont souvent la nĂ©gation mĂȘme de lâorthographe. Cependant, nul ne pourra empĂȘcher jeunes et moins jeunes dâenvoyer des courriels, dâĂ©changer des textos ou de sâexprimer sur les rĂ©seaux sociaux, les blogs, les forums. On nâa jamais tant Ă©crit.
LâĂ©volution de lâorthographe est inĂ©vitable et lâimmobilisme cĂšde du terrain : tous les dictionnaires, y compris celui de lâAcadĂ©mie française, mais aussi les correcteurs intĂ©grĂ©s aux progiciels les plus vendus, prennent en compte les Rectifications de 1990 ; Ă©vĂšnement remplace lâarchaĂŻque Ă©vĂ©nement. Dictionnaires et correcteurs sont des miroirs Ă deux faces qui, dâune part, reçoivent et fixent les nouvelles formes orthographiques et, dâautre part, les diffusent.
Mais il demeure que les rĂ©formes de lâorthographe ont bien du mal Ă ĂȘtre acceptĂ©es en France, contrairement Ă ce qui se passe dans beaucoup dâautres pays dans lesquels des commissions suivent rĂ©guliĂšrement lâĂ©vo-lution de la langue.
Des voies existent pour sortir de cette impasse. Lâassociation Ărofa 1 en propose une. Elle se fonde sur une observation que personne ne met en cause :
lâorthographe française contient un grand nombre dâexceptions. Celles-ci perturbent gravement lâenseignement de lâorthographe, en France et Ă lâĂ©tranger. Pourquoi sâinfliger un tel handicap ?
Les projets de réforme passés ont proposé de modifier de nombreux points litigieux.
Ărofa adopte une position diffĂ©rente : plutĂŽt que dâaborder plusieurs sujets de modification, nâen traiter quâun Ă la fois.
La rationalisation proposée renforce le systÚme en proposant des rÚgles faciles à comprendre, à mémoriser et à appliquer.
1. Ărofa : Ătudes pour la Rationalisation de lâOrthographe Française dâAujourdâhui, http://erofa.free.fr (v. Gruaz 2009, p. 75-86).
8 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
Ărofa refuse Ă la fois une Ă©volution dĂ©bridĂ©e et un conservatisme intransigeant.
On est en droit de penser que la prise de conscience, par les usagers et les professionnels, du bien-fondĂ© et de lâintĂ©rĂȘt des nouvelles rĂšgles, qui reposent Ă la fois sur des Ă©tudes approfondies et sur lâusage, favorisera leur mise en application progressive.
Mais on peut aussi espĂ©rer que les institutions dĂ©cideront dâaccĂ©lĂ©rer le processus.
1. PRĂALABLES THĂORIQUES
1.1 DĂFINITIONS GĂNĂRALES
1.1.1 LA DĂMARCHE DâĂROFA
LâĂ©tude de lâaccord du participe passĂ© menĂ©e par Ărofa a pour objectif dâĂ©tablir de nouvelles rĂšgles dâaccord du participe passĂ© aprĂšs ĂȘtre et avoir fondĂ©es sur des rĂšgles premiĂšres dĂšs Ă prĂ©sent reconnues par la norme et qui se situent donc dans le systĂšme basique actuel de lâorthographe.
Le propos nâest donc pas de remettre en cause les rĂšgles existantes, mais de les renforcer en Ă©largissant leur application.
La vraie question qui sâapplique Ă lâaccord du participe passĂ© nâest pas « Quel est le sens exprimĂ© par tel ou tel accord ? », mais « Convient-il de modifier telle rĂšgle dâaccord du participe passĂ© pour quâelle sâintĂšgre au systĂšme syntaxique de base du français ? Et si oui, quelle doit ĂȘtre la nouvelle rĂšgle ? ».
Cette dĂ©marche est de type hypothĂ©tico-dĂ©ductif : Ă partir dâune rĂšgle premiĂšre on Ă©met une hypothĂšse susceptible de devenir une rĂšgle de niveau supĂ©rieur. La dĂ©duction doit impĂ©rativement ĂȘtre motivĂ©e, la nou-velle rĂšgle nâest retenue que si â et seulement si â lâargumentation permet de justifier lâhypothĂšse. Les rĂšgles premiĂšres ne sont donc pas appliquĂ©es automatiquement aux rĂšgles infĂ©rĂ©es : le bien-fondĂ© de lâextension des rĂšgles premiĂšres aux rĂšgles secondes est examinĂ© dans tous les cas.
Ceci est conforme Ă lâobjectif dâĂrofa qui est de tracer de larges avenues dans le maquis actuel des rĂšgles.
Les rĂšgles actuelles reposent bien souvent sur des critĂšres hĂ©ritĂ©s du passĂ© et considĂ©rĂ©s comme allant de soi, leur anciennetĂ© leur confĂ©rant en quelque sorte une lĂ©gitimitĂ©. Un cas trĂšs significatif est le remplacement dâĂȘtre par avoir pour lâaccord des verbes pronominaux 1. Plus gĂ©nĂ©ra-lement, il nous a paru nĂ©cessaire de prĂ©ciser les notions sur lesquelles se fondent les rĂšgles proposĂ©es, par exemple le rapport entre la sĂ©mantique et la syntaxe et des notions telles que support / apport et donneur / receveur, ou encore sujet / agent et complĂ©ment / patient.
Nous avons tirĂ© argument de ce que nous avons appelĂ© les structures prototypiques dâĂȘtre et dâavoir. Elles font lâobjet dâune rapide prĂ©sentation. 1. Parmi les nombreux auteurs qui ont remis en cause ce remplacement, citons AndrĂ© Chervel, professeur agrĂ©gĂ©, primĂ© par lâAcadĂ©mie française, ou Marc Wilmet, gram-mairien et acadĂ©micien belge.
10 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
Lâaccord du participe passĂ© est prĂ©sentĂ© dans deux chapitres : âą le participe passĂ© avec avoir, âą le participe passĂ© avec ĂȘtre.
Des commentaires, pour une part historiques, forment le chapitre 4 et des exemples extraits de publications figurent en annexe.
1.1.2 SYNCHRONIE ET DIACHRONIE
Cette Ă©tude repose sur la distinction saussurienne entre synchronie et diachronie. La synchronie se situe sur lâaxe des simultanĂ©itĂ©s et concerne « les rapports entre choses coexistantes, dâoĂč toute intervention du temps est exclue » ; la diachronie sur lâaxe des successivitĂ©s « oĂč sont situĂ©es toutes les choses du premier axe avec leurs changements ». Le Cours de linguistique gĂ©nĂ©rale de Saussure ajoute « Ce nâest pas en Ă©tudiant [âŠ] les Ă©vĂ©nements diachroniques quâon connaĂźtra des Ă©tats synchroniques » (p. 125). Des phĂ©nomĂšnes proprement synchroniques viennent en effet perturber lâĂ©volution « naturelle » des langues.
Certes, la diachronie fournit des indices utilisables dans lâanalyse syn-chronique, mais si le recours Ă lâancienne langue ou Ă ClĂ©ment Marot peuvent expliquer diachroniquement certaines conventions actuelles, elles ne sauraient en constituer une justification synchronique.
1.1.3 USAGE, NORME ET SYSTĂME
Dans le cadre de la synchronie, il convient de distinguer lâusage, la norme et le systĂšme.
Lâusage est lâensemble des productions orthographiques. Celui dâun Ă©crivant en situation dâapprentissage nâest Ă©videmment pas celui dâun professionnel de lâĂ©crit, et lâacception donnĂ©e au mot usage doit ĂȘtre prĂ©cisĂ©e. Il faut sâassurer que lâĂ©crit observĂ© nâa pas Ă©tĂ© revu par un correcteur, ce qui est le cas des publications, journaux et livres â par exemple, un article du quotidien LibĂ©ration est relu quatre fois.
La norme est lâensemble des rĂšgles orthographiques qui dĂ©finissent la « bonne » orthographe, enseignĂ©e dans les Ă©tablissements scolaires, indĂ©-pendamment des projets de rĂ©forme.
Le systĂšme serait la norme rationalisĂ©e, câest-Ă -dire rendue logique par lâeffacement de toutes les exceptions. Une rationalisation complĂšte est utopique car lâorthographe nâest pas construite Ă partir de rĂšgles prĂ©Ă©ta-blies, sur le modĂšle algĂ©brique. Il serait dâailleurs plus exact de dire que le systĂšme est un ensemble de rĂ©gularitĂ©s, câest-Ă -dire de rĂšgles gĂ©nĂ©ra-lement vraies.
Lâobjectif de la prĂ©sente Ă©tude de lâaccord du participe passĂ© est dâin-tĂ©grer cet accord dans lâensemble du systĂšme graphique français. Cette intĂ©gration induit le remplacement plus ou moins Ă©tendu du systĂšme normĂ© actuel par un rĂ©seau dĂ©barrassĂ©, autant que faire se peut, des cas particuliers.
1. PRĂALABLES THĂORIQUES 11
1.1.4 SĂMANTIQUE ET SYNTAXE
Lâorthographe est soumise Ă une double contrainte : dâune part, en tant que « traduction » de la langue, elle est lâexpression du sens ; dâautre part, en tant que forme dâĂ©criture, elle obĂ©it Ă des rĂšgles syntaxiques graphiques. Le drame de lâorthographe est que la sĂ©mantique et la syntaxe (forme et position des mots), loin de se conforter lâune lâautre, sont sou-vent en opposition. La rationalitĂ© des rĂšgles dâaccord du participe passĂ© est fortement perturbĂ©e par cette relative incompatibilitĂ© entre la sĂ©man-tique et la syntaxe.
Pour rationaliser lâorthographe, il est donc indispensable de dĂ©cider, lorsquâelles sâopposent, laquelle, de la sĂ©mantique ou de la syntaxe, est premiĂšre.
La sĂ©mantique a souvent occupĂ© la premiĂšre place. La Grammaire gĂ©nĂ©rale et raisonnĂ©e de Port-Royal, parue en 1660, en est un tĂ©moignage probant. Depuis le XIXe siĂšcle, en particulier avec la parution des grammaires de NoĂ«l et Chapsal, et avec la grammaire gĂ©nĂ©rative au XXe, une norme fortement marquĂ©e par la sĂ©mantique sâest mise en place et les travaux actuels en sont, pour la plupart, des prĂ©sentations diffĂ©rentes.
Les accords relĂšvent de la syntaxe et la sĂ©mantique ne vient quâen second pour justifier certains dâentre eux. Ce nâest pas parce que tĂ©nĂšbres, pluriel, est synonyme de nuit, singulier, que lâon Ă©crira *Les tĂ©nĂšbres est tombĂ©e. Câest parce quâil oublie ou ignore la rĂšgle dâaccord syntaxique quâun enfant Ă©crira *Les arbres sont vert et justifiera sĂ©mantiquement le singulier vert en disant quâil y a plusieurs arbres mais une seule couleur verte, ce qui est la rĂ©alitĂ© mais est considĂ©rĂ© comme une « faute » 1.
En dĂ©pit dâun univers sĂ©mantique largement partagĂ©, chaque langue a ses propres rĂšgles syntaxiques, qui sont autant de conventions. Lâanglais, par exemple, nâaccorde aucun adjectif.
Nous retiendrons le principe gĂ©nĂ©ral suivant : P1. La syntaxe est premiĂšre et, lorsquâil y a conflit entre la syn-
taxe et la sémantique, la sémantique doit céder le pas à la syntaxe.
1.1.5 SUPPORT ET APPORT, DONNEUR ET RECEVEUR
La non-distinction entre sémantique et syntaxe provoque la confusion entre la paire support et apport, qui relÚve de la sémantique, et la paire donneur et receveur qui relÚve de la syntaxe. Dans la phrase :
Pierre mange une tartine, certains grammairiens ont dĂ©fini le nom Pierre comme support ou donneur de lâaccord et mange comme apport ou receveur de cet accord : si lâon rem- 1. Le nous dit de majestĂ© suivi dâun singulier nâest employĂ© que dans des contextes trĂšs spĂ©cifiques.
12 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
place Pierre par les enfants, mange « reçoit » ce pluriel et devient mangent. Or, on ne peut pour autant considĂ©rer que support et donneur dâune
part, receveur et apport dâautre part sont Ă©quivalents. Si un support sĂ©mantique peut ĂȘtre un donneur syntaxique et si un apport sĂ©mantique peut ĂȘtre un receveur syntaxique, ce nâest pas le cas gĂ©nĂ©ral. Dans la phrase conforme aux rĂšgles actuelles :
La tartine que Pierre a mangée, tartine, antécédent de que, est bien à la fois support et donneur et mangée est bien à la fois apport et receveur. En revanche dans
Pierre a mangĂ© une tartine, tartine est encore support mais nâest pas donneur de lâaccord et mangĂ© est encore apport mais nâest pas receveur de cet accord : si le nom tartine « donnait » la marque de fĂ©minin Ă mangĂ©, on devrait Ă©crire
*Pierre a mangée une tartine.
1.1.6 ĂTRE ET AVOIR, « UNE FURIEUSE GYMNASTIQUE » 1
LâĂ©cart entre la syntaxe et le sens a conduit Ă des manipulations qui relĂšvent de lâartefact.
Lâune des plus frĂ©quentes, pour ne pas dire gĂ©nĂ©rale, est le remplacement dâĂȘtre par avoir, ceci depuis bien longtemps 2. Lorsque deux phrases ont le mĂȘme sens et que lâune est construite avec avoir et lâautre avec ĂȘtre, on en conclut que des rĂšgles qui rĂ©gissent lâaccord du participe passĂ© avec avoir dĂ©terminent certaines de celles qui gouvernent lâaccord avec ĂȘtre. Ceci peut se justifier par le fait que certaines phrases avec ĂȘtre ou avoir ont le mĂȘme sens :
Elle a coupĂ© ses cheveux Elle sâest coupĂ© les cheveux
ou que certains verbes se conjuguent avec ĂȘtre et dâautres avec avoir bien que le sens soit le mĂȘme :
il est tombé il a chuté
ou que dâautres verbes encore se conjuguent Ă la fois avec ĂȘtre et avec avoir :
il est descendu il a descendu Mais en vertu de quoi peut-on conclure que lâidentitĂ© de sens doive
induire lâidentitĂ© de lâaccord, lequel relĂšve de la syntaxe ?
1. Marc Wilmet parle dâ« une furieuse gymnastique de substitution dâavoir Ă ĂȘtre » (1999, p. 66). 2. Voir par exemple la Grammaire gĂ©nĂ©rale et raisonnĂ©e dâArnault et Lancelot.
1. PRĂALABLES THĂORIQUES 13
Les accords du participe passĂ© avec avoir et avec ĂȘtre obĂ©issent Ă des rĂšgles contextuelles diffĂ©rentes : ĂȘtre parait dans la phrase :
Elle est descendue dans le jardin, et avoir dans la phrase :
Elle a descendu la pente, et si lâon entend parfois :
Jâai descendu dans mon jardin (comme dans la chanson),
on ne peut accepter *Je suis descendue la pente. De telles « transformations » sont des manipulations ad hoc qui
peuvent masquer de vĂ©ritables rĂ©gularitĂ©s. Ainsi considĂ©rer que : Pierre sâest lavĂ© les cheveux
est équivalent de : Pierre a lavé les cheveux de lui
par similitude avec : Pierre a lavé les cheveux de Marie
câest oublier que la structure prototypique dâĂȘtre nâa quâun actant alors que celle dâavoir en a deux (v. infra, § 1.3).
En dépit de la similitude, la phrase : *Pierre a lavé les cheveux de lui
est Ă©trangĂšre au systĂšme de la langue française et ne peut ĂȘtre retenue comme argument.
Ajoutons que le remplacement dâĂȘtre par avoir nâa pas de portĂ©e gĂ©nĂ©rale. Par exemple, remplacer :
Elle sâest absentĂ©e par :
*Elle a absentĂ© elle est Ă©galement syntaxiquement irrecevable et, de plus, nâa pas de sens.
1.1.7 SUJET ET AGENT, COMPLĂMENT DâOBJET DIRECT ET PATIENT
Soit les phrases : (1) Pierre mange une pomme (2) Une pomme est mangée par Pierre. Il est admis que dans (1), Pierre est sujet et agent, pomme est patient et
complĂ©ment direct, et que dans (2), pomme est le complĂ©ment devenu sujet, Pierre le sujet devenu complĂ©ment indirect. Mais dira-t-on que dans (2), pomme est le patient de (1) devenu agent de (2) et Pierre lâagent
14 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
de (1) devenu patient de (2) ? Pierre ne reste-t-il pas agent, quâil soit sujet ou complĂ©ment, et pomme patient, quâil soit complĂ©ment ou sujet ? Dans cette optique, le sujet ne peut ĂȘtre identifiĂ© Ă lâagent ni le complĂ©ment au patient.
Dans : Marie sâest blessĂ©e,
on peut considĂ©rer que Marie est agent et se patient, puisque, sĂ©man-tiquement parlant, Marie fait lâaction et se subit lâaction. Mais si Marie est sujet grammatical (Qui est-ce qui sâest blessĂ© ?), se nâest pas complĂ©ment dâobjet direct car le complĂ©ment dâobjet direct rĂ©pondrait Ă la question Marie sâest blessĂ© qui ou quoi ? Or Marie sâest blessĂ© qui ? est inacceptable et Marie sâest blessĂ© quoi ? ne serait acceptable que si le complĂ©ment dâobjet direct avait un autre rĂ©fĂ©rent, par exemple Marie sâest blessĂ© le doigt. Le pronom se nâest complĂ©ment dâobjet direct que si lâon remplace ĂȘtre par avoir (Marie a blessĂ© qui ? sâ mis pour elle), ce qui implique lâĂ©quivalence entre ĂȘtre et avoir Ă©cartĂ©e dans le paragraphe prĂ©cĂ©dent.
Lâhabitude est de considĂ©rer que Marie sâest blessĂ©e est un cas particu-lier, dĂšs Ă prĂ©sent acceptĂ© et qui nâa donc plus Ă ĂȘtre examiné⊠Or il ne sâagit pas dâun cas particulier mais dâun fonctionnement tout Ă fait logique fondĂ© sur la distinction entre sĂ©mantique et syntaxe (v. infra, § 3.2).
1.2 DĂFINITIONS DâAPPUI
LâĂ©tude de lâaccord du participe passĂ© repose sur les dĂ©finitions prĂ©sentĂ©es ci-dessous. Nous les considĂšrerons comme basiques.
1.2.1 LES RĂGLES PREMIĂRES
Les rĂšgles premiĂšres sont des rĂšgles gĂ©nĂ©rales qui figurent dĂšs Ă prĂ©sent dans toutes les grammaires françaises contemporaines. Ainsi, dans le cadre de la norme actuelle, le non-accord du participe passĂ© prĂ©cĂ©dĂ© dâavoir avec le sujet grammatical est une rĂšgle premiĂšre :
Marie a mangĂ© une pomme. Lorsque le participe passĂ© est prĂ©cĂ©dĂ© dâĂȘtre, lâaccord du participe
passé avec le sujet est lui aussi une rÚgle premiÚre : Elle est venue.
1.2.2 LA HIĂRARCHIE
Ă partir de ces rĂšgles premiĂšres, une hiĂ©rarchie de nouvelles rĂšgles est Ă©tablie. Ainsi, la rĂšgle actuelle dâaccord du participe passĂ© prĂ©cĂ©dĂ© dâavoir avec le complĂ©ment dâobjet direct placĂ© devant :
La pomme que Pierre a mangĂ©e est seconde, et la rĂšgle actuelle de non-accord du participe passĂ© prĂ©cĂ©dĂ© dâĂȘtre lorsque le verbe pronominalisĂ© est suivi dâun complĂ©ment dâobjet direct :
1. PRĂALABLES THĂORIQUES 15
Elle sâest lavĂ© les cheveux est elle aussi seconde.
Dans tous les cas, le bien-fondĂ© des rĂšgles secondes doit ĂȘtre justifiĂ©.
1.2.3 LA COMMUTATION
La commutation telle quâelle est entendue ici est le remplacement dâun mot par un autre. Elle entraine gĂ©nĂ©ralement une ou plusieurs modi-fications cotextuelles. Par exemple, le remplacement du pronom sâ dans Marie sâest mentie par le pronom mâ induit le remplacement dâĂȘtre par avoir : Marie mâa menti. DâoĂč le principe suivant : P2. Lorsquâun mot M1 commute avec un mot M2 dans une phrase
P, le mot M2 impose toujours les rĂšgles syntaxiques propres aux
constituants de la phrase P.
1.2.4 LE DONNEUR DâACCORD
De nombreux dĂ©bats et malentendus sont dus Ă lâimprĂ©cision qui entoure le donneur dâaccord. Plus particuliĂšrement, on ne voit pas pourquoi on devrait accorder le participe passĂ© aprĂšs avoir avec le complĂ©ment dâobjet direct lorsque celui-ci est placĂ© avant, ce qui est contraire Ă la rĂšgle premiĂšre de non-accord du participe passĂ© aprĂšs avoir (Marie a mangĂ©). La vraie question est : « Cet accord a-t-il une justification aujourdâhui ? » Les raisons historiques (la rĂ©fĂ©rence Ă ClĂ©ment Marot en particulier) ne sont pas convaincantes (v. infra, § 4.5.1). Il est donc nĂ©cessaire de sâinter-roger sur cette notion de donneur dâaccord.
Lorsquâil y a accord, on distingue trois donneurs : âą le sujet grammatical du verbe, âą le sujet thĂ©matique, âą le sujet sĂ©mantique.
1.2.5 LE SUJET GRAMMATICAL
Le sujet grammatical est identifiĂ© : âą avec avoir, par la rĂ©ponse Ă lâune des deux questions : « Quâest-ce / Qui est-ce qui a / avait⊠PP ? »
Ex. : Marie a lavĂ© ses cheveux : â Qui est-ce qui a lavĂ© ses cheveux ? â Marie. Marie est le sujet grammatical.
âą avec ĂȘtre, par la rĂ©ponse Ă lâune des deux questions : « Qui / Quâest-ce qui est / Ă©tait⊠PP ? » pour les verbes non pronominaux, ou : « Qui / Quâest-ce qui sâest / sâĂ©tait⊠PP ? »
16 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
pour les verbes pronominaux. Ex. : Marie est venue hier : â Qui est-ce qui est venue hier ? â Marie. Marie est le sujet grammatical. Il est essentiel de conserver la forme pronominale ou non pronominale
dans la question, câest-Ă -dire la sĂ©quence AVOIR + PP ou ĂTRE + PP pour les verbes non pronominaux et SE + ĂTRE + PP pour les verbes pronominaux. Dans la question qui dĂ©finit le sujet on prendra soin de conserver la forme avec ĂȘtre ou avoir prĂ©sente dans la phrase considĂ©rĂ©e.
Ainsi pour la phrase : Pierre a franchi le pont,
la question pertinente est : « Qui est-ce qui a franchi le pont ? »
et non pas : « Quâest-ce qui est franchi ? » Le remplacement dâune forme non pronominalisĂ©e par une forme
pronominalisée ou inversement peut changer le sens du verbe. Soit la phrase :
Marie sâest aperçue de son erreur. Si lâon pose la question : « Quâest-ce qui est aperçu ? »
la rĂ©ponse est erreur et le verbe a le sens de âdistinguer quelquâun ou quelque choseâ, alors que si lâon pose la question :
« Qui est-ce qui sâest aperçu de son erreur ? » la rĂ©ponse est Marie et le verbe signifie âse rendre compte (de qqch.)â, qui est effectivement son sens dans la phrase considĂ©rĂ©e.
1.2.6 LE SUJET SĂMANTIQUE
Le sujet sémantique est porteur de la « qualité » que traduit le participe passé. Il est identifié par la relation « se rapporte à ».
Dans : Marie sâest lavĂ© les cheveux,
lavĂ© « se rapporte » Ă cheveux. Cheveux nâest pas pour autant le donneur dâaccord syntaxique et cette relation de sens ne suffit pas Ă justifier que lavĂ© doive ĂȘtre au pluriel. LavĂ©, bien que se rapportant Ă cheveux, nâest pas un adjectif qualifiant ce mot car la commutation de lavĂ© avec un adjectif est impossible (v. infra § 1.2.8 et supra § 4.5.2).
LâantĂ©rioritĂ© du receveur par rapport au donneur nâa pas de portĂ©e gĂ©nĂ©rale dans le systĂšme et ne saurait constituer une rĂšgle dâaccord. En effet, son application entrainerait le non-accord de lâadjectif receveur placĂ© avant le substantif donneur dâaccord, soit par exemple :
1. PRĂALABLES THĂORIQUES 17
*Les grand murs blancs. Rappelons par ailleurs que dans le domaine plus spĂ©cifique de lâaccord
du participe passĂ©, la norme en interdit lâapplication lorsque le complĂ©-ment est indirect bien quâil soit antĂ©rieur, p. ex. :
Les histoires dont jâai parlĂ©, ou lorsque ce complĂ©ment est en, p. ex. :
Des histoires, jâen ai entendu beaucoup.
1.2.7 LE SUJET THĂMATIQUE
Il est identifiĂ© par la question « De quoi parle-t-on ? ». Ex. : Les insultes quâils se sont dites : â De quoi parle-t-on ? â Des insultes.
insultes est le sujet thĂ©matique 1. Plusieurs sujets peuvent ĂȘtre prĂ©sents dans une mĂȘme phrase. Ainsi
dans : La tartine que Pierre a mangée,
Pierre est le sujet grammatical (« Qui est-ce qui a mangé une tartine ? ») et la tartine est le sujet thématique (« De quoi parle-t-on ? »).
On posera le principe suivant : P3. Lorsque lâidentification du ou des donneurs ou la nature des
composants de la phrase induirait des accords différents ou
lâabsence dâaccord du participe passĂ©, la prioritĂ© sera donnĂ©e Ă
lâaccord retenu dans la rĂšgle premiĂšre.
1.2.8 PARTICIPE PASSĂ VERBAL ET PARTICIPE PASSĂ ADJECTIVAL
Lorsque le participe passé est adjectival, il est commutable avec un adjectif.
Ex. : il est venu, il est présent. Dans la phrase : Pierre est / semble / parait mort,
mort est un adjectif commutable avec grand, gentil, etc. Lorsque le participe passĂ© est verbal, il nâest pas commutable avec un adjectif.
1. On peut se demander si la rĂšgle dâaccord avec le complĂ©ment dâobjet direct antĂ©-rieur nâest pas lâexpression de cette topicalisation (qui aurait Ă©tĂ© perçue intuitivement par Marot), la pomme dans câest la pomme que Pierre a mangĂ©(e) apparaissant comme le vĂ©ritable sujet, thĂ©matique, de la phrase â « ce dont on parle » â qui est effectivement le « complĂ©ment dâobjet direct » de la terminologie actuelle. Dans ce cas, lâaccord du participe serait un phĂ©nomĂšne anaphorique.
18 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
Ex. : Venu dans : Il est venu hier ne commute pas avec grand car la phrase : *Il est grand hier nâest pas recevable (v. supra, § 1.2.3). Quâil soit adjectival ou verbal, le participe passĂ© aprĂšs ĂȘtre sâaccorde
avec le sujet grammatical. Notons que : 1. aprĂšs avoir, le participe passĂ© est un composant verbal, alors quâaprĂšs
ĂȘtre le participe passĂ© est verbal ou adjectival ; 2. le participe passĂ© verbal rĂ©git un complĂ©ment dâobjet direct, ex. : Pierre
a mangĂ© une pomme (comme le participe prĂ©sent : Je lâai vu mangeant une pomme), ce quâun adjectif ne peut faire.
1.2.9 ACCORD DU VERBE
P4. Le verbe conjuguĂ© dans les temps simples, lâauxiliaire dans
les temps composĂ©s sâaccordent avec le sujet grammatical.
Ex. : Ils mangent Ils ont mangé la pomme Les pommes sont bonnes.
1.2.10 ACCORD DE LâADJECTIF
P5. Lâadjectif sâaccorde en genre et en nombre avec le nom ou le
pronom quâil qualifie.
Ex. : Marie est grande Elle est arrivĂ©e. Lâadjectif grande et le participe passĂ© adjectival arrivĂ©e sâaccordent avec
le sujet grammatical Marie ou le pronom elle (« Qui est-ce qui est grande ? » « Qui est-ce qui est arrivée ? »).
1.3 STRUCTURES PROTOTYPIQUES DâĂTRE ET DâAVOIR
Les structures prototypiques traduisent une relation syntaxico-sémantique de base de laquelle sont dérivées les diverses structures observées.
1.3.1 STRUCTURE PROTOTYPIQUE DâĂTRE
Ătre entre dans la structure prototypique suivante : X â ĂȘtre â Xâ
dans laquelle Xâ est une « qualitĂ© » de lâactant unique X : Marie est grande. Le participe passĂ© venue est adjectival dans : Marie est venue
1. PRĂALABLES THĂORIQUES 19
dans les conditions de commutation terme Ă terme (P2). Il est verbal dans : Marie est venue hier
car la commutation (P2) du participe passĂ© avec un adjectif (Marie est grande hier) nâest pas possible.
1.3.2. STRUCTURE PROTOTYPIQUE DâAVOIR
Avoir entre dans la structure prototypique suivante : X â avoir + verbe â Y
Pierre â avoir + manger â une pomme Y nâest pas une « qualitĂ© » de X, mais un second actant.
Corollaire : Des structures prototypiques dâĂȘtre et dâavoir, on peut
conclure quâĂȘtre relĂšve du domaine de lâun et nâimplique quâun
actant, alors quâavoir relĂšve du domaine de lâun et de lâautre et
implique deux actants. 1
1. On se gardera dâen dĂ©duire quâĂȘtre ne peut pas entrer dans des structures plus complexes avec deux actants ou plus, p. ex. Marie sâest lavĂ© les cheveux. Ces cas sont examinĂ©s ci-dessous (chapitre 3).
2. ACCORD DU PARTICIPE PASSĂ AVEC AVOIR
JE MâINTERROGE
Pourquoi dois-je Ă©crire :
Ils ont mangé et
Ils ont mangé la pomme mais
La pomme quâils ont mangĂ©e ?
RĂGLE
Le participe passĂ© construit avec avoir ne sâaccorde pas.
On Ă©crit La pomme quâils ont mangĂ© comme Ils ont mangĂ© la pomme
2.1 CAS GĂNĂRAL
La norme actuelle impose lâinvariation du participe passĂ© dans les phrases Ă structure simple (sujet + verbe + (complĂ©ment(s)), et lâaccord de lâauxi-liaire conjuguĂ© avec le sujet.
Ex. : Ils ont mangé la pomme. La primauté de cette rÚgle est indirectement confirmée par la norme
actuelle qui prĂ©sente la rĂšgle dâaccord du participe passĂ© avec le com-plĂ©ment dâobjet direct placĂ© avant comme un cas particulier, câest-Ă -dire comme une rĂšgle seconde (v. supra, § 1.2.2). Nous considĂšrerons donc que lâinvariation du participe passĂ© avec avoir est premiĂšre :
âș Le participe passĂ© des temps composĂ©s avec avoir ne
sâaccorde pas.
Ex. : Ils ont mangé la pomme.
2. ACCORD DU PARTICIPE PASSĂ AVEC AVOIR 21
2.2 ACCORD DU PARTICIPE PASSĂ AVEC LE COMPLĂMENT DâOBJET DIRECT ANTĂRIEUR
Selon la rĂšgle actuellement en vigueur, le participe passĂ© avec avoir sâaccorde avec le complĂ©ment dâobjet direct lorsque celui-ci est placĂ© avant :
La pomme quâils ont mangĂ©e La maison que Pierre a construite La pianiste que jâai entendue jouer (Le complĂ©ment dâobjet direct que placĂ© avant le verbe a pour antĂ©cĂ©dent la pianiste qui fait lâaction de jouer, le participe passĂ© entendue qualifie pianiste et est donc au fĂ©minin singulier.) Les airs que jâai entendu jouer (Le complĂ©ment dâobjet direct que placĂ© avant le verbe a pour antĂ©cĂ©dent les airs qui ne font pas lâaction de jouer, le participe passĂ© entendu ne qualifie pas airs et est donc invariable.)
On a vu plus haut (§ 1.2.4) que le critĂšre dâantĂ©rioritĂ© du receveur ne peut ĂȘtre retenu pour justifier lâaccord.
Du principe dâaccord de lâauxiliaire avec le sujet grammatical (P4) et de la rĂšgle premiĂšre concernant avoir on dĂ©duit que le non-accord prĂ©vaut sur lâaccord avec le sujet thĂ©matique, dâoĂč :
âș Le participe passĂ© des temps composĂ©s avec avoir ne
sâaccorde pas, quelle que soit la position du complĂ©ment
dâobjet direct.
La pomme quâils ont mangĂ© La maison que Pierre a construit La pianiste que jâai entendu jouer Les airs que jâai entendu jouer 1
Des deux rÚgles énoncées ci-dessus, on déduit la rÚgle générale sui-vante :
âș Le participe passĂ© employĂ© avec avoir ne sâaccorde pas.
1. Lâobjection selon laquelle le non-accord du participe passĂ© entendu entraine une perte dâinformation est infondĂ©e : qui imaginerait que la pianiste est jouĂ©e et que ce sont les airs qui jouent ?
22 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
2.3 TABLEAU RĂCAPITULATIF
Le participe passĂ© avec avoir est, selon la norme actuelle, soumis Ă des cas dâaccord divers, comme on pourra lâobserver avec certains exemples du tableau suivant. La rĂšgle finale unifie ces cas.
Norme actuelle Propositions dâĂrofa
Ils ont mangé la pomme Ils ont mangé la pomme
La pomme quâils ont mangĂ©e La pomme quâils ont mangĂ©
Elle a lu tous les contes quâelle a voulu Elle a lu tous les contes quâelle a voulu
Les trente euros que ce billet a couté Les trente euros que ce billet a couté
Les ennuis que ces paroles mâont valus Les ennuis que ces paroles mâont valu
Lâhistoire quâils ont trouvĂ©e amusante Lâhistoire quâils ont trouvĂ© amusante
Les airs que jâai entendu jouer Les airs que jâai entendu jouer
Les musiciens que jâai entendus jouer Les musiciens que jâai entendu jouer
Les artistes quâils ont fait venir Les artistes quâils ont fait venir
Les travaux quâils ont eu Ă faire Les travaux quâils ont eu Ă faire
Les gens que jâai acceptĂ© de recevoir Les gens que jâai acceptĂ© de recevoir
3. ACCORD DU PARTICIPE PASSĂ AVEC ĂTRE
JE MâINTERROGE
Pourquoi dois-je Ă©crire :
Elles sont parties Elles sont parties hier
Elle sâest absentĂ©e Elle sâest lavĂ©e
Les chemises se sont bien vendues et
Elles se sont insultées mais
Elle sâest lavĂ© les cheveux Elles se sont menti ?
RĂGLE
Le participe passĂ© dâun verbe construit avec ĂȘtre sâaccorde avec le sujet.
On Ă©crit Elle sâest lavĂ©e les cheveux comme Elle sâest lavĂ©e
Elles se sont menties comme Elles se sont lavées
Les verbes construits avec ĂȘtre sont non pronominaux, pronominaux
ou employés pronominalement.
3.1 LA NORME BASIQUE : LES VERBES NON PRONOMINAUX
La norme basique actuelle est celle qui sâapplique aux verbes non prono-minaux.
Selon cette norme, le participe passĂ© aprĂšs ĂȘtre sâaccorde avec le sujet grammatical du verbe.
24 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
Le sujet grammatical du verbe est identifiĂ© par les questions « Quâest-ce qui ĂTRE + PP ? » ou « Qui est-ce qui ĂTRE + PP ? » (§ 1.2.5).
Ex. : Elles sont parties, Elles sont parties hier. â Qui est-ce qui est parti ? â Elles. Donc Elles sont parties. â Qui est-ce qui est parti hier ? â Elles. Donc Elles sont parties hier. DâoĂč la rĂšgle premiĂšre :
âș Le participe passĂ© dâun verbe construit avec ĂȘtre sâac-
corde avec le sujet grammatical du verbe.
Ex. : Elles sont parties, Elles sont parties hier.
3.2 LES VERBES PRONOMINAUX
Les verbes pronominaux sont des verbes prĂ©cĂ©dĂ©s du pronom se Ă lâinfinitif et qui se conjuguent avec les pronoms personnels dits rĂ©flĂ©chis correspondants.
On distingue les verbes « strictement pronominaux » (Ă©galement nom-mĂ©s verbes « essentiellement pronominaux » ou « Ă se persistant »), ex. : sâabsenter, sâĂ©vanouir, et les verbes employĂ©s pronominalement (Ă©galement dits « occasionnellement pronominaux » ou « Ă se caduc »), ex. : se blesser.
Dans les verbes strictement pronominaux et dans les verbes employĂ©s pronominalement le pronom fait corps avec le verbe et nâest pas considĂ©rĂ© comme vecteur dâune fonction.
3.2.1 ACCORD DU PARTICIPE PASSĂ DES VERBES STRICTEMENT PRONOMINAUX
Ex. : Elle sâest absentĂ©e. La norme actuelle impose lâaccord avec le sujet grammatical du verbe.
Elle rejoint la rĂšgle premiĂšre dâaccord avec ĂȘtre. Elle est donc maintenue. La question qui rĂ©git lâaccord est : â Qui est-ce qui sâest absentĂ© ? â Elle. Le participe passĂ© est au fĂ©minin singulier.
3. ACCORD DU PARTICIPE PASSĂ AVEC ĂTRE 25
DâoĂč la rĂšgle :
âș Le participe passĂ© dâun verbe strictement pronominal
sâaccorde avec le sujet grammatical du verbe.
Ex. : Elle sâest absentĂ©e.
3.2.2 ACCORD DU PARTICIPE PASSĂ DES VERBES EMPLOYĂS PRONOMINALEMENT
Les verbes employĂ©s pronominalement reprennent, Ă la diffĂ©rence des verbes strictement pronominaux, la forme dĂ©jĂ existante dâun verbe pour lâutiliser dans un emploi pronominal. Dans cette nouvelle structure, ils peuvent prendre un autre sens.
Ex. : Elle aperçoit une maison
signifie Elle voit une maison
et Elle sâaperçoit de son erreur
signifie Elle se rend compte de son erreur. Les verbes employés pronominalement peuvent :
1. avoir un sens passif, 2. ĂȘtre rĂ©flĂ©chis ou rĂ©ciproques.
3.2.2.1 VERBES EMPLOYĂS PRONOMINALEMENT DE SENS PASSIF
Ex. : Les chemises se sont bien vendues. La norme actuelle impose lâaccord avec le sujet grammatical du verbe.
Elle rejoint la rĂšgle premiĂšre dâaccord avec ĂȘtre. Elle est donc maintenue. La question qui rĂ©git lâaccord est : â Quâest-ce qui sâest bien vendu ? â Les chemises.
Donc vendues.
âș Le participe passĂ© dâun verbe employĂ© pronominalement
de sens passif sâaccorde avec le sujet grammatical du verbe.
Ex. : Les chemises se sont bien vendues.
26 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
3.2.2.2 VERBES EMPLOYĂS PRONOMINALEMENT RĂFLĂCHIS OU RĂCIPROQUES
(A) ABSENCE DE COMPLĂMENT DâOBJET âą Verbe rĂ©flĂ©chi, ex. : Marie sâest blessĂ©e, âą Verbe rĂ©ciproque, ex. : Marie et Julie se sont embrassĂ©es, âą Verbe rĂ©flĂ©chi ou rĂ©ciproque : Ils se sont menti (Ă eux-mĂȘmes ou lâun Ă
lâautre). Selon lâanalyse traditionnelle, se est considĂ©rĂ© comme complĂ©ment
dâobjet direct ou indirect du verbe dans des phrases virtuelles Ă©quivalentes avec avoir telles que :
*Marie a blessé elle, *Marie et Julie ont embrassé elles, *Ils ont menti à eux. Nous avons vu (§ 1.1.6) que cette procédure est abusive. On consi-
dĂšrera que se fait partie des verbes employĂ©s pronominalement, de la mĂȘme façon quâil fait partie des verbes strictement pronominaux et que les verbes ne sont plus blesser, embrasser ou mentir, mais se blesser, sâembras-ser, se mentir. La distinction entre complĂ©ments directs et complĂ©ments indirects nâest plus pertinente.
Les seules questions pertinentes pour dĂ©terminer lâaccord sont alors : â Qui est-ce qui sâest blessĂ© ? â Elle,
dâoĂč Elle sâest blessĂ©e, â Qui est-ce qui sâest embrassĂ© ? â Marie et Julie,
dâoĂč Marie et Julie se sont embrassĂ©es, â Qui est-ce qui sâest menti ? â Ils,
dâoĂč Ils se sont mentis.
âș Le participe passĂ© dâun verbe employĂ© pronominalement,
rĂ©flĂ©chi ou rĂ©ciproque, sans complĂ©ment dâobjet, sâaccorde
avec le sujet grammatical du verbe.
Ex. : Elle sâest blessĂ©e, Marie et Julie se sont embrassĂ©es, Ils se sont mentis.
3. ACCORD DU PARTICIPE PASSĂ AVEC ĂTRE 27
(B) PRĂSENCE DâUN COMPLĂMENT DâOBJET DIRECT POSTĂRIEUR AU VERBE EMPLOYĂ PRONOMINALEMENT
Ex. : Elle sâest lavĂ© les cheveux. Selon la norme actuelle, on ne fait pas lâaccord car le complĂ©ment
considĂ©rĂ© comme complĂ©ment dâobjet direct est placĂ© aprĂšs. Mais cette rĂšgle est la transposition de la rĂšgle de lâaccord avec avoir qui a Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e (§ 1.1.6).
La question qui rĂ©git lâaccord est : â Qui est-ce qui sâest lavĂ© les cheveux ? â Marie,
dâoĂč Marie sâest lavĂ©e les cheveux. Lâaccord avec le sujet grammatical du verbe est donc retenu :
âș Le participe passĂ© suivi dâun complĂ©ment dâobjet direct
dâun verbe employĂ© pronominalement, rĂ©flĂ©chi ou rĂ©cipro-
que, sâaccorde avec le sujet grammatical du verbe.
Ex. : Elle sâest lavĂ©e les cheveux.
(C) PRĂSENCE DâUN COMPLĂMENT DâOBJET DIRECT ANTĂRIEUR AU VERBE EMPLOYĂ PRONOMINALEMENT
Ex. : Les cheveux quâelle sâest lavĂ©s. Selon la norme actuelle, le participe passĂ© sâaccorde avec le complĂ©-
ment dâobjet direct si celui-ci le prĂ©cĂšde. Câest la transposition de la rĂšgle dâaccord avec avoir (§ 1.1.6). Nous
avons Ă©cartĂ© cette rĂšgle. Ă nouveau, le donneur dâaccord est identifiĂ© par la question : â Qui est-ce qui sâest lavĂ© les cheveux ? â Elle
donc lavĂ©e, dâoĂč Les cheveux quâelle sâest lavĂ©e. Mais cheveux est aussi le sujet thĂ©matique (§ 1.2.7). Lorsque lâon
identifie plusieurs sujets, lâaccord retenu est celui de la rĂšgle premiĂšre (principe P3), ce qui justifie Ă nouveau lâaccord avec le sujet grammatical du verbe :
âș Le participe passĂ© prĂ©cĂ©dĂ© dâun complĂ©ment dâobjet
direct dâun verbe employĂ© pronominalement, rĂ©flĂ©chi ou
rĂ©ciproque, sâaccorde avec le sujet grammatical du verbe.
Ex. : Les cheveux quâelle sâest lavĂ©e.
28 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
De ces rĂšgles, on dĂ©duit la rĂšgle gĂ©nĂ©rale dâaccord du participe passĂ© aprĂšs ĂȘtre :
âș Le participe passĂ© dâun verbe construit avec ĂȘtre sâac-
corde avec le sujet.
J. Hanse, repris dans Le Bon Usage (2008, p. 1177, § 953, b, 1°), souhaite « que, conformĂ©ment Ă la logique, Ă lâhistoire de la langue et Ă certaines tendances de lâusage actuel [âŠ], on puisse accorder le participe avec le sujet, puisquâil est conjuguĂ© avec ĂȘtre ».
3.3 TABLEAU RĂCAPITULATIF La norme actuelle retient de nombreux cas particuliers dâaccord du par-ticipe passĂ© avec ĂȘtre. La rĂšgle finale sâapplique Ă tous ces cas particuliers dont certains figurent dans le tableau suivant :
Norme actuelle Propositions
Elles sont parties Elles sont parties
Elles sont parties hier Elles sont parties hier
Elle sâest absentĂ©e Elle sâest absentĂ©e
Les chemises se sont bien vendues Les chemises se sont bien vendues
Elle sâest blessĂ©e Elle sâest blessĂ©e
Elle sâest regardĂ©e dans le miroir Elle sâest regardĂ©e dans le miroir
Marie et Julie se sont embrassées Marie et Julie se sont embrassées
Ils se sont menti Ils se sont mentis
Elle sâest lavĂ© les cheveux Elle sâest lavĂ©e les cheveux
Les cheveux quâelle sâest lavĂ©s Les cheveux quâelle sâest lavĂ©e
Elles se sont ri de son air jovial Elles se sont ries de son air jovial
Ils se sont abstenus de répondre Ils se sont abstenus de répondre
Elles se sont vues et elles se sont plu Elles se sont vues et elles se sont plues
Ces spectacles qui se sont succédé Ces spectacles qui se sont succédés
Elles se sont faites les arbitres de la discussion
Elles se sont faites les arbitres de la discussion
Le pavillon quâelles se sont fait construire
Le pavillon quâelles se sont faites construire
Elles sâĂ©taient crues responsables Elles sâĂ©taient crues responsables
4
COMMENTAIRES
4.1 OBJECTIF DâĂROFA
Rappelons que lâobjectif de nos Ă©tudes est dâĂ©tablir de nouvelles rĂšgles dâaccord du participe passĂ©, plus faciles Ă comprendre, Ă mĂ©moriser et Ă appliquer, en un mot plus rationnelles, que le dĂ©dale des normes actuelles 1.
4.2 ĂTUDES OU RĂFORME ?
On se gardera de confondre Ă©tudes et rĂ©forme. Les Ă©tudes dâĂrofa ont pour objet de construire un systĂšme thĂ©orique cohĂ©rent. Une rĂ©forme vise Ă modifier la pratique des usagers. Le passage des Ă©tudes Ă une rĂ©forme implique des mesures transitoires. Ainsi lorsque, par exemple, les Ă©tudes prĂ©conisent la phrase La maison quâil a construit, un projet de rĂ©forme retiendrait comme recevables, provisoirement du moins, lâaccord et le non-accord du participe passĂ©.
4.3 PRINCIPES DE BASE
4.3.1 LE DONNEUR DâACCORD
Le donneur dâaccord est ce que Marc Wilmet appelle le support. Il le dĂ©finit ainsi :
« On dĂ©couvre le support dâun participe passĂ© en posant une â et seulement une â des deux questions âQui / quâest-ce qui est / Ă©tait / sera /
1. Notre dĂ©marche nâest pas sans rappeler la rationalisation mĂ©thodique des premier et troisiĂšme prĂ©ceptes de Descartes exposĂ©s dans le Discours de la mĂ©thode : « Le premier Ă©tait de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse Ă©videmment ĂȘtre telle [âŠ]. Le troisiĂšme, de conduire par ordre mes pensĂ©es, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisĂ©s Ă connaĂźtre, pour monter peu Ă peu comme par degrĂ©s jusques Ă la connaissance des plus composĂ©s. » Au critĂšre de vĂ©ritĂ© auquel il est fait rĂ©fĂ©rence dans le premier prĂ©cepte ont Ă©tĂ© substituĂ©s ceux de principe de base et de rĂšgle premiĂšre. â La grammaire gĂ©nĂ©rative se fonde elle aussi sur des idĂ©es « claires et distinctes » (lâun des ouvrages de Chomsky sâintitule La Linguistique cartĂ©sienne), mais nous Ă©cartons la structure profonde chomskyenne.
30 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
serait / a Ă©té⊠PP ?â ou âQui / quâest-ce qui sâest / sâĂ©tait / se sera / se serait / sâest eu⊠PP ?â (Wilmet 1999, p. 31) 1
Cependant, il limite la portĂ©e de ce moyen de reconnaissance : « On trouve le support dâun PP en posant la question âQui ou quâest-ce qui est PP ?â ou, si et seulement si le verbe est accompagnĂ© dâun pronom rĂ©flexif persistant, âQui ou quâest-ce qui sâest PP ?â »
Lâextension de lâaccord avec le sujet de tous les participes passĂ©s de verbes pronominaux constituerait pour lui « un virage thĂ©orique et mĂ©tho-dologique Ă 180 degrĂ©s » (ibid., p. 222). Notre Ă©tude montre que ce virage peut ĂȘtre pris.
4.3.2 TRANSFORMATIONS
Le recours aux « transformations » ouvre la porte Ă des interprĂ©tations qui conduisent souvent Ă des impasses ou du moins Ă des conclusions contradictoires entre lesquelles il est difficile, et bien souvent impossible, de faire un choix. Ă modifier les faits dâobservation â ce qui dâun point de vue Ă©pistĂ©mologique, est rĂ©prĂ©hensible â, on risque de mettre en place des artefacts.
Prenant appui sur lâidentitĂ© sĂ©mantique, NoĂ«l et Chapsal et dâautres grammairiens de lâĂ©poque nâont pas hĂ©sitĂ© Ă avoir recours Ă des transfor-mations dans ce quâon a appelĂ© « la premiĂšre grammaire scolaire ».
AndrĂ© Chervel (1977/1981 : 117) parle en ces termes du remplace-ment dâĂȘtre par avoir :
« la premiĂšre grammaire scolaire (NoĂ«l et Chapsal 1823) Ă©nonce une rĂšgle de transformation simple : âdans les pronominaux, le verbe ĂȘtre est employĂ© pour le verbe avoir â [âŠ]. Expliciter une thĂ©orie linguistique sous-jacente par ce type de transformations amenait les grammairiens Ă des pirouettes assez curieuses Ă propos des mutations subies par lâauxiliaire [âŠ]. Voici que, dans les pronominaux, lâauxiliaire ĂȘtre opĂ©rait un vĂ©ritable aller-retour : Auxiliaire Nous nous sommes succĂ©dĂ© ĂTRE â Nous avons succĂ©dĂ© Ă nous AVOIR â Nous avons Ă©tĂ© succĂ©dant Ă nous AVOIR â Nous avons Ă©tĂ© succĂ©dant Ă nous ĂTRE â
Il nâĂ©tait Ă©videmment pas question dâentraĂźner le public scolaire dans ces dĂ©dales thĂ©oriques⊠»
Sâensuivaient dâautres pseudo-phrases, par exemple : Il mâestime â Il estime moi, Il me parle â Il parle Ă moi, Je vais jouer â Je vais pour jouer,
1. Nous avons remplacé le terme support par donneur (v. supra, § 1.1.5) ; v. également Wilmet 2010, p. 211.
4. COMMENTAIRES 31
Je dors â Je suis dormant, Ce lait paraĂźt bon â Ce lait est paraissant bon, Il est dans la misĂšre â Il est existant dans la misĂšre, Cette maison mâa coĂ»tĂ© vingt mille francs â Cette maison mâa coĂ»tĂ© moyen-nant vingt mille francs 1
4.4 STRUCTURES PROTOTYPIQUES
Ătre est : âą un verbe plein lorsquâil commute avec un autre verbe, ex. Je pense,
donc je suis / Je pense, donc jâexiste (sauf lorsquâil est copule), âą une copule devant un adjectif, il commute alors avec des verbes dits
« dâĂ©tat » tels que paraitre, sembler, avoir lâair, etc., ex. Marie est / semble / parait⊠jolie / morte,
âą un auxiliaire devant un participe passĂ©, ex. Marie est venue / morte hier. Ils sont blessĂ©s est un prĂ©sent : ĂȘtre y est copule et blessĂ©s, attribut,
comme dans Ils sont propres. En revanche, Ils se sont blessĂ©s est un passĂ© composĂ© du verbe se blesser : ĂȘtre est un auxiliaire et blessĂ©s a une valeur uniquement verbale (§ 1.2.8). Pourquoi accepter quâil varie comme un adjectif ? La rĂ©ponse est double : 1. Du point de vue mĂ©thodologique, cela ne remet pas en cause la norme
actuelle qui respecte la rĂšgle premiĂšre ; 2. Du point de vue de lâusage, câest vraisemblablement la prĂ©gnance de
lâaccord avec le sujet du participe aprĂšs ĂȘtre qui a entrainĂ© la gĂ©nĂ©ra-lisation de cet accord. Avoir est :
âą un verbe plein lorsquâil commute avec un autre verbe, ex. Jâai / Je possĂšde une maison.
âą un auxiliaire quand il forme avec un participe passĂ© un temps composĂ© dâun verbe, ex. Marie a couru / courut hier. Des schĂ©mas structurels X â ĂȘtre â Xâ et X â avoir + PP â Y, on a
infĂ©rĂ© quâĂȘtre relĂšve de lâun et avoir de lâun et lâautre ou, pour dire les choses autrement, quâĂȘtre a un actant et avoir deux actants.
Ces structures prototypiques peuvent ĂȘtre formulĂ©es ainsi : pour ĂȘtre la relation est (A et R(A)), avec A actant et R(A) qualitĂ© de A, tandis que pour avoir cette relation est (A et B) avec A actant et B autre actant.
La vĂ©ritĂ© de ces « thĂ©orĂšmes » de base nâinduit pas celle de leur rĂ©ciproque : il y a deux actants dans :
Pierre sâest payĂ© une glace avec ĂȘtre. Cela ne remet pas la structure prototypique en cause, qui explique par exemple pourquoi on a ĂȘtre dans : 1. Pour plus de dĂ©tails, v. Chervel 1977/1981, p. 110-129 et 2008, p. 41.
32 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
Pierre sâest lavĂ© les cheveux et avoir dans :
Pierre a lavé les cheveux de Marie.
4.5 LES RĂGLES DâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
Le participe passĂ© avec ĂȘtre a toujours Ă©tĂ© accordĂ©, en particulier dans les phrases « attributives » â Elle est morte â ou dans les phrases passives â La pomme est mangĂ©e par une souris. En latin, le participe passĂ© Ă©tait nĂ©cessairement passif et accompagnĂ© dâesse ; il Ă©tait alors adjectif et sâaccordait avec le sujet dâesse. Quand on lâa employĂ© avec habere, cela a dâabord Ă©tĂ© avec le mĂȘme sens passif et la mĂȘme valeur dâadjectif :
Habeo litteras scriptas Jâai [p. ex. dans ma poche] des lettres (qui sont / ont Ă©tĂ©) Ă©crites. Cette construction est celle que lâon retrouve dans la phrase de
Brassens Pensez si jâeus le cĆur serrĂ©. Ce nâest que progressivement que le passĂ© composĂ© sâest Ă©tabli, dans
lequel le participe passĂ© a pris une valeur surtout verbale : Jâai Ă©crit des lettres JâĂ©crivis des lettres. Lâhistoire montre que lâemploi dâĂȘtre et dâavoir et leurs rĂšgles dâaccord
relĂšvent dâusages et de conventions propres Ă chaque Ă©poque et qui ont beaucoup variĂ© au cours des siĂšcles. On ne cherchera donc pas dans lâemploi actuel de lâun ou lâautre une quelconque raison Ă caractĂšre plus ou moins psychologisant.
4.5.1 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ AVEC AVOIR
La rĂšgle dâaccord du participe passĂ© avec le complĂ©ment dâobjet direct antĂ©rieur a Ă©tĂ© inspirĂ©e Ă ClĂ©ment Marot en 1538 par lâitalien, dont on connait lâinfluence sous François Ier, dans ce poĂšme 1 :
Enfants, oyez une leçon : Nostre langue ha ceste façon, Que le terme qui va devant Voluntiers regit le suivant.
Les vieux exemples je suivray Pour le mieux : car, Ă dire vray, La chanson fut bien ordonnee,
Qui dit : mâamour vous ay donnee : Et du bateau est estonnĂ©,
Qui dit : mâamour vous ay donnĂ©. 1. Ădition posthume des Ćuvres de ClĂ©ment Marot par Jean de Tournes, Lyon, 1558, Premier Livre des Ăpigrammes, f° XVI r°/v°, « A ses disciples ».
4. COMMENTAIRES 33
VoilĂ la force que possede Le feminin, quand il precede.
Or prouveray, par bons tesmoins, Que tous pluriers nâen font pas moins :
Il faut dire en termes parfaits: Dieu en ce monde nous ha faits :
Faut dire en paroles parfaites, Dieu en ce monde les ha faites. Et ne faut point dire en effect : Dieu en ce monde les ha fait ; Ne nous ha fait pareillement,
Mais nous ha faits, tout rondement. LâItalien, dont la faconde
Passe les vulgaires du monde, Son langage ha ainsi basti
En disant, Dio noi Ă fatti [âŠ] 1
On retient les mots : le terme qui va devant / Voluntiers regit le suivant. Dans la phrase Dieu en ce monde nous ha faits, nous est effectivement complĂ©ment dâobjet direct (le concept sera introduit en 1730 sous lâappel-lation de « rĂ©gime direct », v. Chervel 2008, p. 36). Mais ceci vaudrait aussi pour le sujet ou pour les autres types de complĂ©ments. On est donc en droit de penser quâil autoriserait, par exemple, lâaccord de parlĂ©es avec le complĂ©ment dâobjet indirect histoires dans Les histoires dont jâai parlĂ©es.
Soulignons par ailleurs la prĂ©sence du verbe dire : Ă dire vray, / La chanson fut bien ordonnee, / Qui dit : mâamour vous ay donnee : / Et du bateau est estonnĂ©, / Qui dit : mâamour vous ay donnĂ© car jusquâau milieu de XVIIIe, lâoral distinguait les voyelles brĂšves (dans estonnĂ©, donnĂ©) et les voyelles longues (dans ordonnee, donnee). Ces accords nâĂ©taient donc pas seulement graphiques. De la mĂȘme façon, Marot distingue nous ha faits et les ha faites, ce qui concerne la langue orale et pas seulement lâorthographe.
Mais il convient surtout de remarquer que Marot, comme tous les gram-mairiens lâont fait avant les lois scolaires du XIXe siĂšcle, Ă©met une recom-mandation bien plus quâune rĂšgle. Câest ce que rappelle AndrĂ© Chervel :
« JusquâĂ lâapparition de la grammaire scolaire, les grammairiens nâont jamais eu la prĂ©tention ni la possibilitĂ© de dicter arbitrairement les rĂšgles de lâusage. Le seul rĂŽle quâils se reconnaissent, et quâils jouent dâailleurs correctement, de Vaugelas Ă dâOlivet ou Domergue, câest dâobserver le bon usage et dâen Ă©tablir les lois. Ce sont des tĂ©moins, non des lĂ©gis-lateurs. » (1977/1981, p. 41)
Et Noam Chomsky :
1. Un argument souvent avancĂ© est quâune phrase contenant un complĂ©ment dâobjet direct peut ĂȘtre mise au passif alors quâune phrase contenant un complĂ©ment dâobjet indirect ne le peut pas. Cette objection nâest pas recevable car elle concerne la prĂ©sence ou lâabsence dâune prĂ©position et non la relation entre le participe passĂ© et le mot auquel il se rapporte.
34 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
« Le but de Vaugelas est simplement de dĂ©crire lâusage âque chacun reconnoist pour le Maistre et le souverain des langues vivantesâ (PrĂ©face). Et si son livre sâintitule Remarques⊠plutĂŽt que DĂ©cisions⊠ou LoixâŠ, câest parce quâil est âun simple tesmoinâ. Il dĂ©savoue tout dĂ©sir dâexpli-quer les faits du discours ou de trouver les principes gĂ©nĂ©raux qui les sous-tendent, et de mĂȘme jamais il ne suggĂšre de modifier ou de âpuri-fierâ lâusage pour des raisons rationnelles ou esthĂ©tiques. Sa grammaire nâest donc ni âraisonnĂ©eâ ni prescriptive. » (1969, p. 88)
Par ailleurs, Marot nâavance aucune argumentation. La rĂšgle a Ă©tĂ© maintenue pour des raisons qui relĂšvent davantage de lâattachement Ă la norme que dâune logique linguistique.
Ă lâĂ©poque classique, des variantes Ă©taient acceptĂ©es. On rencontre ainsi chez Corneille : « Toutes les misĂšres / Que durant notre enfance ont endurĂ© nos pĂšres » (Cinna, I, 3) et chez MoliĂšre : « Jâai leu des vers de vous quâil nâa point trouvĂ© beaux » (Femmes savantes, IV, 2) (v. Le Bon Usage, 2008, p. 1169, § 943).
Il Ă©tait alors courant de laisser le participe passĂ© invariĂ©, malgrĂ© la prĂ©sence dâun complĂ©ment dâobjet direct antĂ©rieur, lorsque ce participe passĂ© Ă©tait suivi dâun autre Ă©lĂ©ment de la phrase. Port-Royal en faisait une rĂšgle. Lâaccord devient de plus en plus frĂ©quent au cours du XVIIIe et en 1767, dans ses Essais, dâOlivet Ă©nonce explicitement la rĂšgle :
« Quand le participe des verbes actifs précÚde son régime simple, il ne se décline jamais ; & au contraire quand il en est précédé, il se décline toujours. » (cité par Chervel 1977/1981, p. 42)
DâOlivet justifie cet accord par un argument psychologisant : « Au reste, si lâon demande [âŠ] pourquoi le participe se dĂ©cline lorsquâil vient aprĂšs son rĂ©gime ; et quâau contraire, lorsquâil le prĂ©cĂšde, il ne se dĂ©cline pas : je mâimagine quâen cela nos Français, sans y entendre finesse, nâont songĂ© quâĂ leur plus grande commoditĂ©. On commence une phrase, quelquefois sans bien savoir quel substantif viendra ensuite. Il est donc plus commode, pour ne pas sâenferrer par trop de prĂ©cipitation, de laisser indĂ©clinable un participe, dont le substantif nâest point annoncĂ©, et peut-ĂȘtre nâest point encore prĂ©vu. »
Cependant, ce nâest pas avant 1820 que la rĂšgle dâaccord du participe passĂ© avec avoir a Ă©tĂ© dĂ©finitivement Ă©tablie (v. Chervel 1977/1981, p. 115). En 1823, NoĂ«l et Chapsal la formulent ainsi :
« Le participe passĂ© accompagnĂ© de lâauxiliaire avoir sâaccorde avec son complĂ©ment direct lorsquâil en est prĂ©cĂ©dĂ©. » (v. Chervel 1977/1981, ibid.)
Ils identifient le complĂ©ment dâobjet direct et le complĂ©ment dâobjet indirect au moyen de la question (prĂ©position +) quoi ? Ils ont recours Ă une phrase « logique » sous-jacente : il mâestime devient il estime moi, il me parle devient il parle Ă moi, je lâai vu la veille de son dĂ©part devient je lâai vu Ă
la veille de son dĂ©part (Chervel 1977/1981, p. 121). Ă propos des verbes mĂ©tronymiques, AndrĂ© Chervel parle dâun « art
de lâĂ©chappatoire ». Il cite de nouveau NoĂ«l et Chapsal :
4. COMMENTAIRES 35
« CoĂ»ter, valoir, paraĂźtre, sembler Ă©tant des verbes neutres, ne sauraient, de mĂȘme que vivre, avoir de rĂ©gime direct ; et dans ces phrases : les sommes quâil a coĂ»tĂ©, il paraĂźt travailler, il semble Ă©tudier, les mots que, travailler, Ă©tudier sont des rĂ©gimes indirects Ă cause dâune prĂ©position sous-jacente. »
Ce recours Ă des phrases sous-jacentes a Ă©tĂ© conservĂ© par la grammaire scolaire jusquâĂ nos jours en dĂ©pit de la distance prise vis-Ă -vis de lâensei-gnement grammatical dans les annĂ©es 1880 et la mise en place dâune pĂ©dagogie mettant en avant lâexpression libre dans le cadre de laquelle des phrases comme Cela est existant que je suis adressant me Ă vous nâavaient plus leur place (v. Chervel 1977/1981, p. 170).
La rĂšgle actuelle dâaccord graphique du participe passĂ© avec avoir date donc de la seconde moitiĂ© du XVIIIe ; elle devient la norme avec lâappa-rition de la grammaire scolaire au dĂ©but du XIXe. Elle nâa plus Ă©voluĂ© depuis. Mais elle est de moins en moins respectĂ©e dans lâusage aujour-dâhui, tant Ă lâoral quâĂ lâĂ©crit, comme en tĂ©moignent, parmi beaucoup dâautres, les extraits de publications reproduits ici mĂȘme en Annexe.
Lâapplication de cette rĂšgle sâaccompagne de nombreuses sous-rĂšgles et exceptions. Citons le non-accord lorsque le participe passĂ© est prĂ©cĂ©dĂ© de en, p. ex. : Les pommes, les invitĂ©s en ont mangĂ©, exception elle-mĂȘme suivie dâune exception, qui nâest dâailleurs pas toujours reconnue, selon laquelle le participe passĂ© sâaccorde lorsque en est lui-mĂȘme prĂ©cĂ©dĂ© dâun adverbe de quantitĂ©, p. ex. : Des pommes, combien en as-tu mangĂ©es ? (Som-mant 2004, p. 99-100 ; Farid 2004, p. 60-61, relĂšve dâautres cas) 1.
4.5.2 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ AVEC ĂTRE
Tout au long de son histoire, le participe passĂ© avec ĂȘtre a variĂ©, en particulier dans les phrases « attributives » (Elle est morte) ou dans les « passives » (La pomme est mangĂ©e par une souris), depuis le latin lorsquâil Ă©tait nĂ©cessairement passif et accompagnĂ© de esse. Il Ă©tait alors adjectif et sâaccordait avec le sujet de esse.
4.5.2.1 NORME BASIQUE : LES VERBES NON PRONOMINAUX
Pour les verbes non pronominaux, Ă la suite de Marc Wilmet (v. supra, § 1.2.4), le donneur dâaccord du participe passĂ© est dĂ©terminĂ© par appli-cation de la question « Quâest-ce qui est PP ? » ou « Qui est-ce qui est PP ? », appliquĂ©e Ă la sĂ©quence ĂTRE + PP.
1. La longueur de la voyelle finale ne peut plus justifier lâaccord comme câĂ©tait le cas Ă lâĂ©poque de ClĂ©ment Marot, voire de Marin Mersenne (v. TraitĂ© de la voix et du chant, in Harmonie uni universelle, 1636). Lâaccord sâentend aujourdâhui au fĂ©minin lorsque le e suit une consonne graphique, p. ex. : La maison quâils ont construite, mais est de plus en plus rare dans lâusage, surtout oral ; dans le cadre dâune rĂ©forme, il pourra ĂȘtre maintenu Ă lâĂ©crit pendant une pĂ©riode transitoire. Wilmet 2003, p. 386, signale cependant quâ« en Belgique romane, lâallongement archaĂŻque de la voyelle finale sert Ă diffĂ©rencier le fĂ©minin du masculin : un enfant perdu [pÉrdy], une fille perdue [pÉrdy:] ».
36 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
Lorsquâil est copule, ĂȘtre commute avec sembler, paraitre, etc., et le participe passĂ© est adjectival. On Ă©crit :
Elles sont parties comme
Elles sont absentes. LorsquâĂȘtre est auxiliaire dâun temps composĂ© et que le participe passĂ©
ne commute pas avec un adjectif, il est verbal : Ex. : Elles sont parties hier â Elles partirent hier Elle est morte hier â Elle mourut hier
Remarque : Lorsque le sujet est le pronom on, le participe passĂ© est au masculin singulier si le rĂ©fĂ©rent nâest pas prĂ©cisĂ© ; sinon, le participe passĂ© sâaccorde selon le genre et le nombre de la ou des personnes sous-entendues.
Ex. : On est parti de bonne heure. On est parties de bonne heure, dirent-elles.
4.5.2.2 VERBES PRONOMINAUX
En ancien français, le participe passĂ© des verbes pronominaux conjuguĂ©s avec ĂȘtre sâaccordait presque toujours avec le sujet, quelles que soient les circonstances. Cet accord reste trĂšs frĂ©quent au XVIIe :
Il est comme impossible que les hommes se le fussent imaginés (Pascal) Ils se sont parlés (La BruyÚre)
La rĂšgle moderne, Ă©bauchĂ©e par Malherbe, est mise en forme par les grammairiens Ă la fin du XVIIe (remplacer ĂȘtre par avoir, etc.). Mais beaucoup dâauteurs, au XVIIIe, continuent dâaccorder le participe avec le sujet (Le Bon Usage, 2008, p. 1176, § 952) :
Une femme sâest mise dans la tĂȘte quâelle devait⊠(Montesquieu) Nous nous sommes plus (lâun Ă lâautre) (Marivaux)
Inversement, on trouve des participes invariables lĂ oĂč ils seraient accordĂ©s aujourdâhui :
Lisette : Je mây suis pris de toutes façons. (Marivaux)
Au début du XIXe siÚcle, le chapsalisme énonce la rÚgle de substitution suivante :
« Dans les pronominaux, le verbe ĂȘtre est employĂ© pour le verbe avoir. » Ainsi jâai reçu devient jâai Ă©tĂ© / recevant et des transformations thĂ©o-
riques sâinstallent. Cependant, « lâalignement des pronominaux sur les verbes Ă auxiliaire avoir ne semble pas rencontrer lâadhĂ©sion gĂ©nĂ©rale. LĂ©vizac signale des grammairiens qui, se fondant sur la prĂ©sence de lâauxiliaire ĂȘtre, recommandent lâaccord avec le sujet : Ils se sont crevĂ©s les yeux, LucrĂšce sâest donnĂ©e la mort (LâArt de parler et dâĂ©crire correctement la langue française, 1809, t. 2, p. 129) » (Chervel 1977/1981, p. 46, n. 26).
4. COMMENTAIRES 37
Mais le mythe sâĂ©tait installĂ© et les institutions restĂšrent sourdes aux propositions de rationalisation de lâorthographe Ă©mises Ă la fin du XIXe siĂšcle et tout au long du XXe (GrĂ©ard 1893, Leygues 1901, Brunot 1905-1906, Dauzat et Damourette 1939-1940, Beslais 1960 et 1965, Haby 1976, Rectifications 1990 : v. Le Fur 2010, « Les rĂ©formes de lâorthographe », p. 1041-1070), surditĂ© qui perdure encore largement de nos jours.
(A) VERBES STRICTEMENT PRONOMINAUX Dans le cas des verbes toujours pronominaux, on peut lĂ©gitimement se demander quelle est la fonction du pronom se, quâil soit inhĂ©rent Ă la forme verbale (ex. sâabsenter, sâabstenir, etc.) ou imposĂ© par le sens (sâaper-cevoir de, se douter deâŠ). On considĂšre gĂ©nĂ©ralement que se est inanaly-sable et que câest pour cette raison que lâaccord se fait avec le sujet. On peut Ă©galement considĂ©rer que sâabsenter Ă©tant intransitif, lâaccord ne peut se faire avec un autre mot que le sujet.
Si, par hypothĂšse de travail, et pour reprendre la dĂ©marche tradition-nelle, on retenait le remplacement dâĂȘtre par avoir, la phrase deviendrait :
*elle a absentĂ© elle, agrammaticale puisque sâabsenter, intransitif, ne peut avoir de complĂ©ment dâobjet direct.
Cependant le verbe toujours pronominal sâarroger peut rĂ©gir un com-plĂ©ment dâobjet direct, ce qui, selon la norme actuelle, devrait entrainer lâaccord avec le complĂ©ment dâobjet direct antĂ©rieur :
Ex. : Les droits quâelle sâest arrogĂ©s. Quelle rĂšgle devrait-on appliquer : la rĂšgle dâaccord avec le sujet gram-
matical (§ 1.2.5) : â Qui est-ce qui sâest arrogĂ© les droits ? â Elle,
ou la rĂšgle actuelle dâaccord avec le complĂ©ment dâobjet direct antĂ©rieur ? â Quâest-ce quâelle sâest arrogĂ© ? ou â Elle sâest arrogĂ© quoi ? â Les droits.
Selon le critĂšre dâidentification du donneur dâaccord retenu (P3), la question pertinente est la premiĂšre : « Qui est-ce qui sâest arrogĂ© les droits ? â Elle », donc arrogĂ©e. PrĂ©cisons Ă nouveau quâil est essentiel de poser la question avec le pronom : « Qui est-ce qui sâest arrogĂ© les droits ? » et non « Quâest-ce qui est arrogĂ© ? » car le verbe arroger nâexiste pas : on nâarroge pas des droits Ă quelquâun.
(B) VERBES EMPLOYĂS PRONOMINALEMENT RĂFLĂCHIS OU RĂCIPROQUES
La norme est rappelĂ©e dans le Bon Usage : « Quoique les verbes pronominaux se conjuguent avec lâauxiliaire ĂȘtre, ils peuvent avoir un complĂ©ment direct, et la tradition grammaticale veut que le participe sâaccorde avec ce complĂ©ment si celui-ci le prĂ©cĂšde. » (§ 953)
38 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
Le pronom se est considĂ©rĂ© comme un complĂ©ment dâobjet direct. Or si lâon pose les questions « Qui ? » ou « Quoi ? » qui identifient le com-plĂ©ment dâobjet direct, la rĂ©ponse nâest pas recevable :
*Ils sont blessĂ©s qui ou quoi ? Le complĂ©ment dâobjet direct apparait si, conformĂ©ment Ă lâanalyse
traditionnelle, on remplace ĂȘtre par avoir : Ils ont blessĂ© qui ? La phrase devient alors : Ils ont blessĂ© eux. Ce faisant, on a remplacĂ© ĂȘtre par avoir pour faire apparaitre que eux
est complĂ©ment dâobjet direct (« Ils ont blessĂ© qui ? ») et comme eux rem-place se, on peut alors considĂ©rer que se est complĂ©ment dâobjet direct, et que du fait quâil est placĂ© avant le participe passĂ©, il y a accord.
Câest la dĂ©monstration traditionnellement retenue. Mais on ne peut manquer de remarquer que dans la phrase avec avoir, eux est placĂ© aprĂšs le participe passĂ© : il ne devrait donc pas y avoir dâaccord, conformĂ©ment Ă la rĂšgle en vigueur qui nâaccorde le participe passĂ© avec le complĂ©ment dâobjet direct que sâil est placĂ© avant. Cet argument remet en cause la validitĂ© de la dĂ©monstration.
(C) VERBES EMPLOYĂS PRONOMINALEMENT AVEC PRĂSENCE DâUN COD POSTĂRIEUR AU PARTICIPE PASSĂ
Dans la phrase : Marie sâest lavĂ© les cheveux,
lavĂ© est sĂ©mantiquement liĂ© Ă cheveux. La question que lâon devrait alors logiquement se poser est : « LavĂ©s est-il un adjectif qualifiant le sujet sĂ©mantique cheveux ? » Ne devrait-on pas alors accorder lavĂ© avec cheveux quâil qualifie, selon le principe dâaccord de lâadjectif avec le nom auquel il se rapporte (§ 1.2.10) ? On devrait alors Ă©crire :
Elle sâest lavĂ©s les cheveux. On observe que lavĂ© nâoccupe pas la position quâil devrait occuper sâil
Ă©tait adjectif, que ce soit : Marie sâest les lavĂ©s cheveux,
ou : Marie sâest les cheveux lavĂ©s. Accorder lavĂ© avec cheveux relĂšve du sens, mais ne rĂ©pond pas aux
rĂšgles syntaxiques (P1). Lâargument qui reposerait sur la valeur adjectivale de lavĂ© ne peut
donc ĂȘtre retenu. Le donneur dâaccord est, comme prĂ©cĂ©demment, identifiĂ© par la
question « Qui est-ce qui sâest lavĂ© les cheveux ? » RĂ©ponse : Marie, donc lavĂ©e : Marie sâest lavĂ©e les cheveux.
4. COMMENTAIRES 39
(D) VERBES EMPLOYĂS PRONOMINALEMENT AVEC PRĂSENCE DâUN COD ANTĂRIEUR AU PARTICIPE PASSĂ
La norme actuelle retient une exception avec le participe passé faite et considÚre fautive la phrase :
Elle sâest faite couper les cheveux. 1 Mais la forme faite est dĂšs Ă prĂ©sent courante aussi bien Ă lâĂ©crit quâĂ
lâoral 2, tout particuliĂšrement dans les rĂ©gions occitanes.
1. Les Rectifications de 1990 prĂ©conisent le non-accord de faire et de laisser suivis dâun infinitif. 2. « Je me suis prise un coup de poing dans la figure qui mâa faite directement tomber » (Une victime dâagression, au JT de France 3, 17 mai 2008, 19h00), phrase relevĂ©e par G. Legros, citĂ©e par Wilmet 2009, p. 33 (v. infra, Annexe).
ANNEXE
LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ SELON LA PROPOSITION DâĂROFA
DANS LA PRESSE ET DANS LES LIVRES
Extraits relevés par Georges Legros
INVARIATION DU PARTICIPE PASSĂ AVEC AVOIR
Mais en opposant aux critiques que lui a valu son sĂ©jour Ă bord du yacht de Vincent BollorĂ© [âŠ]. (Le Nouvel Observateur, 2219, 17 mai 2007, p. 57) Quels types de peurs notre modernitĂ© a-t-elle crĂ©Ă© ? (Le Nouvel Observa-teur, 2220, 24 mai 2007, p. 40) Les ouvrages quâil a Ă©crit sont moins des rĂ©fĂ©rences que des pistes, des voies ouvertes pour dâautres travaux [âŠ]. (Le Monde, 1er juin 2007, p. 22) Nicolas Sarkozy a un remords : nâavoir pas fait campagne [âŠ] pour obtenir « la large majoritĂ© » quâil nâa finalement pas eu. (Le Monde, 22 juin 2007, p. 9) [âŠ] je courus vers mes grands-parents ; je pleurais de joie parce que je ne les avais jamais entendu prononcer dâaussi belles paroles. (M. Gorki, Enfance, Ăditions Rencontre, 1967, p. 367) La femme qui sâest ainsi prĂ©sentĂ©e Ă ses juges ne ressemble pas Ă celle Ă lâair hagard et apeurĂ© que le public avait dĂ©couvert en juin 2004. [âŠ] « Câest lâexposĂ© que jâavais lâintention de lire », a-t-il prĂ©cisĂ© dans la phrase quâil a finalement prononcĂ©. (Le Monde, 29 mars 2008, p. 12) Des qualitĂ©s qui paraissent Ă©videntes aujourdâhui, mais que les Mars ont mis en Ćuvre avant quâon ne les habille dâun vocabulaire chic. (Le Nouvel Observateur, 2272, 22 mai 2008, p. 82) Car je garde des souvenirs inoubliables durant les vacances que jâai passĂ© aux USA en 1976. (Le Nouvel Observateur, 2275, 12 juin 2008, supplĂ©-ment tĂ©lĂ©, p. 66, courrier des lecteurs) [âŠ] je veux citer une dĂ©claration quâAdam Michnik, fondateur de « Gazeta Wyborcza », avait fait sur notre journal [âŠ]. (Le Nouvel Observa-teur, 2280, 17 juil. 2008, p. 36)
ANNEXE 41
[âŠ] une vĂ©ritable prouesse si lâon imagine toutes les nĂ©gociations avec les Ă©diteurs et les patrons de presse que cela a supposĂ©. (Le Nouvel Observateur, 2283, 7 aout 2008, p. 51) ChĂ©nier a lui-mĂȘme accrochĂ© le grelot de la mĂ©moire en rappelant quelle arme terrible la guillotine a fourni aux factions. (Le Nouvel Observateur, 2283, 7 aout 2008, p. 76) Vous serez sans doute sĂ©duit par la collection unique et complĂšte sur les 10 plus grands musĂ©es que nous vous avons rĂ©servĂ©. (PublicitĂ© pour Le Vif / LâExpress, sept. 2008) Quelle forme identifiable les Ă©crivains ont-ils donnĂ© au hasard ? (Le Monde des Livres, 19 dĂ©c. 2008, p. 7) Je croyais ĂȘtre mariĂ© Ă la niĂšce de Bernie Madoff, mais celle quâil mâa prĂ©sentĂ© comme Ă©tant sa niĂšce Ă©tait la niĂšce dâun autre⊠(Un personnage de caricature, Le Monde, 19 dĂ©c. 2008, p. 14) Les mĂ©dias ont abondamment traitĂ© [âŠ] lâĂ©motion quâil a suscitĂ© parmi la population musulmane. (Le Nouvel Observateur, 2306, 15 janv. 2009, p. 28) Il est crucial que la fonction de « prĂȘteur en dernier ressort », que les gou-vernements des pays riches ont redĂ©couvert pour eux-mĂȘmes, soit assurĂ©e au niveau mondial. (Le Nouvel Observateur, 2315, 19 mars 2009, p. 42) Jâai donc Ă©tĂ© enchantĂ© de voir la place Ă©minente que mes amis ont accordĂ© ici aux deux volumes de ses chroniques [âŠ]. (Le Nouvel Observateur, 2318, 9 avr. 2009, p. 3) Une vieille rengaine que la crise financiĂšre a rĂ©activĂ© en fournissant son lot de scandales. (Le Nouvel Observateur, 2321, 30 avr. 2009, p. 22) La presse occidentale a Ă©crit et racontĂ© que, pour une fois, les autoritĂ©s ne lâont pas empĂȘchĂ© de travailler [âŠ]. (Le Monde, 24 juil. 2009, p. 2) [âŠ] ce qui est inĂ©dit, câest lâampleur que ce phĂ©nomĂšne a pris en France ces derniĂšres annĂ©es. (Le Nouvel Observateur, 2336, 13 aout 2009, p. 73) [âŠ] et le cercle de silence sâest refermĂ© comme de lâeau stagnante sur la pierre que lâon vient dây jeter, ils mâont cru folle, peut-ĂȘtre, ou maligne [âŠ]. (G. Aubry, Personne, Mercure de France, 2009, p. 106) AffolĂ©s, les employeurs cherchent la parade. La plupart lâont dĂ©jĂ trouvĂ©. (Le Nouvel Observateur, 2344, 8 oct. 2009, p. 18) SĂ©verine [âŠ] a reconnu que Durandet lui avait demandĂ© de taire une visite quâils avaient fait tous les deux au domicile de « Susi ». (Le Nouvel Observateur, 2367, 18 mars 2010, p. 78) Un jour le fiancĂ© de ma sĆur est arrivĂ© avec un paquet trĂšs lourd nouĂ© dâun ruban aussi rouge que la tĂȘte quâa fait maman. (M. Agus, Quand le requin dort, Liana Levi, 2010, p. 29)
42 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
Ăa a Ă©tĂ© la seule plaisanterie que je leur aie faite. Mais ils lâont pris au sĂ©rieux (pas un sourire) et ils ont dit quâils me lâenverraient par courrier. (R. Bolano, Les dĂ©tectives sauvages, Gallimard, Folio 5049, 2010, p. 240) Il ne serait pas surprenant que GrĂ©goire ait envie dâexercer son influence en politique aprĂšs lâavoir exercĂ© dans les affaires. (Le Nouvel Observateur, 2385, 22 juil. 2010, p. 52) [âŠ] Barak Obama fait ce quâil peut avec la crise quâon lui a refilĂ©. (Le Nouvel Observateur, 2388, 12 aout 2010, p. 44) Autrement dit, cette fameuse libertĂ© que lâon admire est un acte de rupture avec toutes les recettes qui peuvent dâailleurs changer et que lâon a trouvĂ© pour vivre ensemble, en conformitĂ© ou non avec les injonctions que lâon prĂȘte Ă Dieu. (Le Nouvel Observateur, 2399, 28 oct. 2010, p. 3) Docteur, et ces taches rouges que jâai pris partout sur le corps, pas plus grosses que des tĂȘtes dâĂ©pingles, câest quoi ? (A. Camilleri, La Concession du tĂ©lĂ©phone, Fayard, 1999, Le Livre de Poche, 15052, p. 88) [âŠ] lâoccasion de tracer le portrait, parfois acide [âŠ], de tous ceux quâil a croisĂ© tout au long de sa riche carriĂšre. (Le Nouvel Observateur, 2405, 9 dĂ©c. 2010, p. 11) François Dosse tient en effet quâon ne comprend rien Ă lâidĂ©e que cet historien sâest toujours fait de la France et de la RĂ©publique si lâon nĂ©glige son attachement au peuple-mĂ©moire [âŠ]. (Le Nouvel Observateur, 2415, 17 fĂ©v. 2011, p. 92) Une philosophie de jeu que lâOM a brillamment fait sienne. (Le Monde, 25 fĂ©v. 2011, p. 22) DĂ©but 2012, AXA vous remboursera la diffĂ©rence entre les frais de garde que vous aurez payĂ© en 2011 et ceux payĂ©s en 2010. (DĂ©pliant publi-citaire AXA, fĂ©v. 2011. Remarquer la diffĂ©rence entre les deux graphies de payĂ©[s] : simple coquille ?) Elle ne se coucha pas cette nuit-lĂ . En me rĂ©veillant le matin, je lâai trouvĂ© assise sur le mĂȘme vieux fauteuil de cuir vert glauque, face Ă la fenĂȘtre, une cigarette Ă la main. (R. Gary, La Promesse de lâaube, Galli-mard, 1980, « Folio », 373, p. 144. [âŠ] malgrĂ© ses cheveux tout blancs et les traces dâusure dont la duretĂ© des luttes que cette femme seule avait menĂ© dans trois pays pour survivre, bien plus que lâĂąge lui-mĂȘme, avait marquĂ© ses traits, il y avait encore dans sa fĂ©minitĂ© un rayonnement chaleureux et gai qui pouvait faire rĂȘver un homme. (R. Gary, La Promesse de lâaube, Gallimard, 1980, « Folio », 373, p. 185) Volte-face ou duplicitĂ© que les manifestants ont interprĂ©tĂ© comme une fin de non-recevoir et Ă laquelle ils ont rĂ©pondu en remplaçant les appels Ă la rĂ©forme par des slogans beaucoup plus radicaux. (Le Nouvel Observateur, 2425, 28 avr. 2011, p. 60)
ANNEXE 43
Certes, ils se sont affrontĂ©s Ă fleurets Ă peine mouchetĂ©s, aprĂšs 2002, dans une guerre de succession quâils ont perdu lâun comme lâautre. (Le Nouvel Observateur, 2426, 5 mai 2011, p. 76) [âŠ] cette façon quâont eu leurs muscles de se raidir, cette façon quâa eu leur bouche de se fermer [âŠ]. (A. Lobo Antunes, La splendeur du Portugal, Christian Bourgois, 1998, « Points », P728, p. 529)
ACCORD DU PARTICIPE PASSĂ DES VERBES PRONOMINALISĂS
Lâavant-garde [âŠ] sâest laissĂ©e absorber au moins partiellement dans le tissu de la vie quotidienne. (E. J. Hobsbawm, LâĂge des extrĂȘmes. Histoire du court XXe siĂšcle, Ăditions Complexe, 2003, p. 242) Elle [Florence Baverel] sâest adjugĂ©e la mĂ©daille dâor du sprint [âŠ]. (MĂ©tro, 17 fĂ©v. 2006) Câest Ă cette double tĂąche que se sont attelĂ©s les quinze auteurs de cet ouvrage. Dans des contextes aussi divers que [âŠ], ils se sont demandĂ©s avec quels apprenants et quels outils avaient Ă travailler les formateurs [âŠ]. (Document de prĂ©sentation de C. Condei, J.-L. Dufays et M. Lebrun [Ă©ds], Lâinterculturel en Francophonie. ReprĂ©sentations des apprenants et discours des manuels, Intercommunications, 2006) AprĂšs mâĂȘtre demandĂ©e trĂšs longtemps [âŠ] si jâavais le droit de [âŠ]. (L. Flem, Comment jâai vidĂ© la maison de mes parents, Seuil, 2006, p. 87) Comme elle lui avait paru belle dans sa robe de soie foncĂ©e, rose avec un col blanc, câest lĂ tout le blanc quâelle sâĂ©tait autorisĂ©e pour sa tenue de mariĂ©e. (N. Mailer, Un chĂąteau en forĂȘt, Plon, 2007, p. 91) Le sujet est Ă©galement adĂ©quat pour lâobjectif que se sont fixĂ©s les jeunes acteurs belges. (Libre Cours, 61, avril 2007, p. 16) Nous avons commencĂ© Ă travailler avec lâAfrique, mais nous nous sommes vite rendus compte que les produits, les prix [âŠ] ne nous permettraient pas dâen vivre. (Libre Cours, 61, avril 2007, p. 18) [âŠ] les invitĂ©s observent [âŠ] sa silhouette amincie par le rĂ©gime de fer quâelle sâest imposĂ©e pour perdre les kilos superflus, rançon dâun renoncement Ă la cigarette. (Le Nouvel Observateur, 2222, 7 juin 2007, p. 5) Isa se sera ainsi Ă©pargnĂ©e les deux premiĂšres annĂ©es dâuniversitĂ©, parfois Ă haut risque aux Ătats-Unis. (Le Nouvel Observateur, 2228, 6 sept. 2007, p. 91) Nous nous sommes procurĂ©s un listing retraçant lâĂ©volution des prix dans un hyper [âŠ]. (Le Nouvel Observateur, 2249, 13 dĂ©c. 2007, p. 81) Je me suis prise un coup de poing dans la figure qui mâa faite direc-tement tomber. (Une victime dâagression, au JT de France 3, 17 mai 2008, 19 h)
44 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
DĂ©but dĂ©cembre, la sociĂ©tĂ© NPO Saturn [âŠ] sâest vue promettre lâaide de la VEB. (Le Monde, 12 dĂ©c. 2008, p. 15) Il a Ă©tĂ© sĂ©duit par lâaudace et le tempĂ©rament de cette jeune femme qui sâest permise de critiquer publiquement ses propos [âŠ]. (Le Nouvel Observateur, 2302, 18 dĂ©c. 2008, p. 65) Depuis deux semaines, les rĂ©unions [âŠ] pour ajuster la direction se sont succĂ©dĂ©es. (Le Monde, 16 janv. 2009, p. 10) [âŠ] le dĂ©saveu dâune enquĂȘte erratique, minĂ©e par la sourde guerre que se sont livrĂ©s dix-huit mois durant policiers, gendarmes et magistrats antiterroristes. (Le Monde, 27 fĂ©v. 2009, p. 16) [âŠ] câest du cĂŽtĂ© du CongrĂšs que lâindignation sâest faite entendre mardi le plus fort. (Le Soir, 18 mars 2009, p. 18) Avec tout ça, Les Indivisibles se sont faits pas mal dâamis [âŠ]. (Le Nouvel Observateur, 2315, 19 mars 2009, p. 88) Car Forrester sâest refusĂ©e Ă jamais de tenir compte de ce que lâon croyait savoir sur Woolf. (Le Monde des Livres, 10 avr. 2009, p. 3) [âŠ] au moment de passer professionnelle, je ne me suis pas sentie le gĂ©nie nĂ©cessaire ! Et je me suis inscrite dans un cours de thĂ©Ăątre parce que toutes mes copines y Ă©taient. (Propos prĂȘtĂ© Ă Marina Hands dans Le Nouvel Observateur, 2343, 1er oct. 2009, p. 118) AprĂšs plusieurs semaines dâaudition, la commission ne sâen est laissĂ©e que deux pour conclure. (Le Nouvel Observateur, 2348, 5 nov. 2009, p. 60) Je me suis rendue compte que câĂ©tait exactement cela que je travaillais chez Hegel. (Propos prĂȘtĂ© Ă Catherine Malabou dans Le Monde des Livres, 18 dĂ©c. 2009, p. 10) Ă ma pension, je me suis rendue compte que je connaissais Ă peine ma propre ville, Bruges. (Lettre de Rosetta dans Electrabel, Ănergique, printemps 2010, p. 21) Je me suis appropriĂ©e par le style des mots qui, au dĂ©part, nâĂ©taient pas les miens. (Propos prĂȘtĂ© Ă Marie Darrieussecq dans Le Nouvel Observateur, 2357, 7 janv. 2010, p. 81) Câest de cette France-lĂ que lâEurope a besoin, un pays ouvert et solidaire, qui sâest forgĂ©e une identitĂ© plurielle et universelle. (Guy Verhofstadt dans Le Monde, 12 fĂ©v. 2011, p. 17) Pourquoi tâes-tu prise la tĂȘte avec le patron ? (Dans le film Un grand amour, sur France 3, 23 fĂ©v. 2010) Ceux et celles qui ont des prĂ©dispositions ou qui se sont forgĂ©s des dispositions en famille, hors de la sphĂšre scolaire. (EntrĂ©es libres, mensuel de lâEnseignement catholique, 46, fĂ©v. 2010, p. 14)
ANNEXE 45
Laurence, bloquĂ©e aux Philippines, sâest vue proposer un retour le 28 avril. (Le Nouvel Observateur, 2372, 22 avr. 2010, p. 81) Michelle Tomlinson nâest pas la seule Ă sâĂȘtre laissĂ©e sĂ©duire. (Le Monde, 16 juil. 2010, p. 3) Elle nâajouta pas monsieur Providentiel, on lui avait peut-ĂȘtre dit que ce nâĂ©tait pas son nom et elle se sentait blessĂ©e de sâĂȘtre laissĂ©e avoir ainsi de bonne foi. (J. Saramago, La LuciditĂ©, Seuil, 2006, p. 330) Elle sâest mise dans la tĂȘte que [âŠ]. (L. Terzieff, interprĂ©tant un ministre dans le film La VĂ©nitienne, Arte, 29 oct. 2010) Par ses auto-saisines et ses dĂ©libĂ©rations [âŠ], [la Halde] sâest attirĂ©e les foudres de Nicolas Sarkozy. (Le Nouvel Observateur, 2409, 6 janv. 2011, p. 64) Et les boulevardiers se sont accaparĂ©s Feydeau. (Le Nouvel Observateur, 2409, 6 janv. 2011, p. 85) La majoritĂ© de ces familles ne sâest pas sentie le droit de prendre la dĂ©cision. (Le Nouvel Observateur, 2411, 20 janv. 2011, p. 84) DâaprĂšs un document confidentiel que nous nous sommes procurĂ©s, le juriste invoque le statut de fonctionnaire quâavait Yunus au moment de la crĂ©ation de ces sociĂ©tĂ©s et qui autoriserait, de fait, lâĂtat Ă mettre la main dessus ! (Le Nouvel Observateur, 2432, 16 juin 2011, p. 74) M6, qui a immĂ©diatement diffusĂ© les images sur son site internet, sâest attirĂ©e les sarcasmes de lâintĂ©ressĂ© sur Twitter. (Le Nouvel Observateur, 2433, 23 juin 2011, p. 24)
RĂFĂRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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fallut apprendre Ă Ă©crire Ă tous les petits Français), Paris, Payot. CHERVEL AndrĂ©, 2008, LâOrthographe en crise Ă lâĂ©cole, Paris, Retz. CHOMSKY Noam, 1969, La Linguistique cartĂ©sienne, Paris, Seuil (Ă©d. US
1966), en collab. avec Dan Sperber. FARID Georges, 2004, Mieux comprendre le participe passé, Montréal,
Ăditions Nouvelles. GREVISSE Maurice, 1998, Le Bon Usage, rĂ©Ă©dition par AndrĂ© Goosse,
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LE FUR Dominique (éd.), 2010, Orthographe et difficultés du français, Paris, Le Robert, collection « Les Usuels ».
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SOMMANT Micheline, 2004, Accordez vos participes, Paris, Albin Michel. WILMET Marc, 1999, Le Participe passĂ© autrement : protocole dâaccord,
exercices et corrigés, Paris-Bruxelles, De Boeck-Larcier. WILMET Marc, 2010, Grammaire critique du français, Bruxelles et Paris,
Duculot et Hachette, 1997 ; 2e Ă©d. 1998 ; 3e Ă©d. Duculot, 2003.
TABLE DES MATIĂRES
Avant-propos .................................................................................... 7
1. PRĂALABLES THĂORIQUES ................................................... 9
1.1 Définitions générales ................................................................... 9
1.1.1 La dĂ©marche dâĂrofa ......................................................... 9
1.1.2 Synchronie et diachronie ................................................... 10
1.1.3 Usage, norme et systĂšme ................................................... 10
1.1.4 SĂ©mantique et syntaxe ...................................................... 12
1.1.5 Support et apport, donneur et receveur ............................. 11
1.1.6 Ătre et avoir, « une furieuse gymnastique » .......................... 12
1.1.7 Sujet et agent, complĂ©ment dâobjet direct et patient ........... 13
1.2 DĂ©finitions dâappui ..................................................................... 14
1.2.1 Les rĂšgles premiĂšres .......................................................... 14
1.2.2 La hiérarchie .................................................................... 14
1.2.3 La commutation ............................................................... 15
1.2.4 Le donneur dâaccord ........................................................ 15
1.2.5 Le sujet grammatical ......................................................... 15
1.2.6 Le sujet sémantique .......................................................... 16
1.2.7 Le sujet thématique ........................................................... 17
1.2.8 Participe passé verbal et participe passé adjectival .............. 17
1.2.9 Accord du verbe ............................................................... 18
1.2.10 Accord de lâadjectif ......................................................... 18
48 LâACCORD DU PARTICIPE PASSĂ
1.3 Structures prototypiques dâĂȘtre et dâavoir ...................................... 18
1.3.1. Structure prototypique dâĂȘtre ............................................ 18
1.3.2. Structure prototypique dâavoir .......................................... 19
2. ACCORD DU PARTICIPE PASSĂ AVEC AVOIR ...................... 20
2.1 Cas général ................................................................................. 20
2.2 Accord du complĂ©ment dâobjet direct antĂ©rieur ............................ 21
2.3 Tableau récapitulatif ................................................................... 22
3. ACCORD DU PARTICIPE PASSĂ AVEC ĂTRE ........................ 23
3.1 La norme basique : les verbes non pronominaux .......................... 23
3.2 Les verbes pronominaux ............................................................. 24
3.2.1 Les verbes strictement pronominaux ................................. 24
3.2.2 Les verbes employés pronominalement .............................. 25
3.2.2.1 Verbes de sens passif ................................................ 25
3.2.2.2 Réfléchis ou réciproques ........................................... 26
(a) Absence de complĂ©ment dâobjet ................................ 26
(b) PrĂ©sence dâun complĂ©ment dâobjet direct postĂ©rieur au verbe employĂ© pronominalement ......... 27
(c) PrĂ©sence dâun complĂ©ment dâobjet direct antĂ©rieur au verbe employĂ© pronominalement ........... 27
3.3 Tableau récapitulatif ................................................................... 28
4. COMMENTAIRES ..................................................................... 29
4.1 Objectif dâĂrofa ........................................................................... 29
4.2 Ătudes ou rĂ©forme ? .................................................................... 29
4.3 Principes de base ........................................................................ 29
4.3.1 Le donneur dâaccord ........................................................ 29
4.3.2 Transformations ............................................................... 30
4.4 Structures prototypiques ............................................................. 31
4.5 Les rĂšgles dâaccord du participe passĂ© .......................................... 32
TABLE DES MATIĂRES 49
4.5.1 Lâaccord du participe passĂ© avec avoir ............................... 32
4.5.2 Lâaccord du participe passĂ© avec ĂȘtre .................................. 35
4.5.2.1 Norme basique : les verbes non pronominaux ........... 35
4.5.2.2 Verbes pronominaux ................................................ 36
(a) Verbes strictement pronominaux .............................. 37
(b) Réfléchis ou réciproques .......................................... 37
(c) PrĂ©sence dâun COD postĂ©rieur au participe passĂ© ..... 38
(d) PrĂ©sence dâun COD antĂ©rieur au participe passĂ© ....... 39
Annexe : Lâaccord du participe passĂ© selon Ărofa dans la presse et dans les livres ........................................................................ 40
Références bibliographiques .............................................................. 46