16ème Conférence Nationale des Présidents de Commissions locales d’information
Autorité de Sûreté Nucléaire Paris, 8 décembre 2004
Perception et Gestion du risqueMichel SETBON
LEST-CNRS
Introduction
Le risque perçu (RP) comme objet d’intérêt Pose de nombreuses questions Qu’est-ce que le RP ? Qu’est-ce qui le détermine ? Quelle est sa place dans le processus
d’analyse du risque (R)? Quels sont ses impacts ou conséquences ?
Le risque perçu
Risque : combinaison probabilité x conséquences négatives
Risque réel (RR) : suppose une connaissance certaine indépendante de l’observateur
Risque observé : RR mesuré avec modèle théorique issu du monde physique
Risque perçu : évaluation du RR sans aucun modèle
Définition du RP : jugement subjectif mixant une estimation quantifiée et des réactions émotionnelles ou des sentiments
Place du risque perçu
Le RP représente une forme concurrente d’évaluation au risque observé sur lequel se fonde l’évaluation scientifique du R
D’autant plus importante qu’elle concerne des R (?) non observés ou controversés
Le RP pèse de façon directe ou implicite sur la gestion du R
Impacts du RP sur la gestion du Risque
Diffère selon que la gestion du R relève de comportements individuels ou de l’action publique
Cas des R ayant un impact du RP sur l’action publique : champ de la sécurité sanitaire (SS)
Les risques liés aux rayonnements ionisants en font partie
Idées reçues et paradoxes
Le RP serait un produit de l’irrationnel La principale raison : le déficit de
connaissance Le public profane refuserait des risques
« sans consistance » et accepterait des risques avérés importants
Il suffirait de bien l’informer pour « corriger » son jugement
Les faits scientifiques
La connaissance n’est pas identifiée comme une variable déterminante du RP
Ni l’incidence qui définit le R observé
Variables qualitatives déterminent le RP : effrayant (conséquences), échappant au contrôle des individus, nouveau, effets retardés, population exposée.
Complété par jugement moral sur la source (soupçonnée) du R : poids des valeurs, vision « politique » de la société
Néanmoins le classement des R indique que l’importance du R observé est en partie considérée
Tableau 1 : classement des risques selon l’inquiétude qu’ils inspirent aux personnes
de l’échantillon représentatif de la population générale (PG, n = 916) et selon sexe ( janvier 2001): note 0-20
Moyenne PG Moyenne homme Moyenne femme Significatif au seuil p<à
06. Les cancers du poumon liés au tabac 15,1 14,9 15,4 ,193
08. Les accidents de la route 14,8 14,1 15,4 ,000
02. Produits chimiques dans
l'alimentation humaine : 14,4 14,1 14,8 ,030
14. L'asthme lié à la pollution atmosphérique 13,9 13,3 14,5 ,000
03. Les organismes génétiquement modifiés 13,3 13,1 13,5 ,404
04. Les maladies cardio-vasculaires
liées à une mauvaise alimentation 13,2 13,1 13,3 ,570
15. Le Sida 13,2 12,2 14,1 ,000 11. Les infections hospitalières 12,5 11,5 13,5 ,000 01. L'exposition aux radiations à
proximité des centrales nucléaires 12,4 10,5 14,2 ,000
10. Les toxi-infections alimentaires 12,1 11,6 12,7 ,001 07. La maladie de la vache folle 11,2 10,5 12,0 ,000 05. Les allergies alimentaires 10,5 09,5 11,3 ,000
13. Les risques liés au vaccin VHB 09,2 08,5 10,0 ,000 09. L'exposition aux radiations lors
d'examens radiologiques 08,3 07,1 09,4 ,000
12.Téléphones portables ( tumeurs cérébrales) 08,0 07,2 08,9 ,000
Résultats d’échelle de risque
Gestion du risque
La gestion du risque (GR) suit son évaluation et regroupe les décisions visant à le réduire le R ou à supprimer le danger
C’est une responsabilité et un acte (du) politique
Se fonde sur l’expertise tout en tenant compte (interprétant) du RP via la demande sociale
Quand la GR est active, elle implique des changements et des coûts inégalement répartis
Perception et gestion des nouveaux risques
Les nouveaux risques (NR) vs connus : controverse, faibles, inobservables, effets reportés, large exposition, nature source, médias Rend caduque le modèle préventif en relation avec le R observé (rétrospectif)Correspond à l’ascension du modèle de la précautionQui prend en compte le RP pour justifier l’action malgré l’absence de preuves scientifiques2 études de cas identifiant le RP
La «maladie de la vache folle» (MVF)
2 enquêtes par téléphone sur le RP L’E1 (2000), n = 917, situation de crise L’E2 (2001), n = 901, retour à la « normale » L’indicateur : les changements de
comportement alimentaires La gestion du R : 2 décisions majeures Le RP en relation avec l’inquiétude et l’ARA
Beef consumption in France
-40%
-35%
-30%
-25%
-20%
-15%
-10%
-5%
0%
5%
10%
15%
Periods (13 periods of 4 weeks per years)
Evo
lutio
n o
f b
ee
f co
nsu
mp
tion
/ye
ar
19
99
Résultats finaux
Les variables du RP : Légitimité à réduire sa consommation VB Confiance dans les autorités publiques Changements comportements alimentaires Sentiment d’outrage Attachement à la VB
Le RP déterminé par l’inquiétude et en liaison avec changements consommation VBL’inquiétude étant d’autant réduite que les répondants déclarent leur préférence pour la VB
Cas de l’accident nucléaire de Tokai Japon, 1999 (T. Katsuya, RA, vol. 21, 6, 2001)
Septembre 1999, substances radioactives répandues dans l’environnement (3 exposés haut niveau radiation dont 1 mort en décembre)2 enquêtes : avant et après l’accidentE1, n = 1 218 ; E2, n= 627 par questionnaireQuestion : de combien ont été affectées les attitudes du public vis à vis de l’énergie nucléaire au Japon ? En fait, le changement du RP
Cas Tokai (suite)
Forte corrélation entre RP et acceptabilité de l’énergie nucléaire (EN)Faible corrélation entre RP et connaissance Entre acceptabilité et confiance en l’ENEntre perception probabilité d’accident et confiance
Ratio d’opposants à l’EN augmente : de 7 à 23%Décroissance modérée du ratio de supportersLes 1er y trouvant une justification de leur opposition, les seconds y voyant la confirmation du caractère exceptionnel de l’accident
Perception et gestion individuelle et/ou publique du risque
Les 2 exemples : interdépendance entre RP et GI et GP du R (MVF) ; relation entre RP et jugement (attitude) sur EN (Tokai)En commun : pas de corrélation entre RP et connaissance ; forte réactivité (RP) à de nouveaux événements : inquiétude latenteImportance des sentiments (peur, confiance, préférence) et valeurs (outrage)Meilleure résilience aux événements des individus accordant à la source du R une valeur bénéfique
Conclusions
Le RP est devenu un élément déterminant de la GRAu plan individuel quand la GR implique des changements de comportementAu plan collectif quand elle influe sur les choix de gestionSurtout ses conséquences rendent caduque le modèle de gestion par « le haut »Ce qui suppose des changements profonds de l’information en la fondant sur la connaissance de la dynamique du RP
Conclusions (fin)
Si la connaissance n’est pas un facteur du RP, l’information (communication sur le R) est indispensable à sa gestion
Sa qualité, son exhaustivité et son
accessibilité acceptabilité des décisions
La dimension émotionnelle du RP ne peut ni ne devrait être négligée, mais être prise en compte pour anticiper les crises et en réduire les impacts.