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Antonio GAUDI : Park Guëll Lieu : Barcelone

Construction : de 1900 à 1914 BARCELONA :

La ville de Barcelone est intimement liée au travail de Gaudi. Du dernier tiers du XIXème jusqu’à la seconde décennie du XXème, son travail va se développer en plusieurs points de la ville. L’expansion phénoménale de la ville au cours du XIXème qui débuta par la destruction de ses remparts historiques pour permettre son expansion. La ville a décuplé sa superficie durant ces années, il faut la voir donc comme un immense chantier dont le travail de Gaudi n’est qu’un des aspects. La population quadrupla de 1850 à1900. Fabriques, usines se sont développées dans des quartiers limitrophes du centre-ville suite à la démolition du mur d’enceinte initial. Il fallut repenser l’organisation des bâtiments de services, des monuments, des bâtiments publics dans le but de donner à la ville l’image et la représentativité qu’elle se devait d’adopter. Tous les aspects de la ville sont modifiés, le port et le front de mer, le tissu de ruelles du centre-ville, la forteresse de l’ancienne citadelle…. De larges voies rectilignes vont traverser le tissu urbain sinueux de l’ancienne, un grand parc urbain sera créé… Gaudi créera des immeubles collectifs, des maisons de rapport pour une clientèle populaire, des immeubles plus résidentiels, des églises, collèges, lotissements industriels et les toutes nouvelles cités-jardins…. L’image de cette ville est bien évidemment politique, elle est celle d’une nouvelle classe sociale d’industriels et de chefs d’entreprises qui revendiquent une autonomie qui est économique mais aussi idéologique avec l’affirmation d’une région : la Catalogne. L’art, l’architecture et la culture vont donc être mis au service de cette nouvelle image, idéale, d’une cité moderne et puissante.

L’OMBRE D’UN DOUTE : Cet enthousiasme et ce désir d’affirmer haut et fort un nouveau pouvoir ne sera pas nécessairement suivi par les artistes qui regardent d’un œil sceptique ce développement intempestif du progrès, qui n’est pas particulièrement bien partagé et qui génère nombre d’inquiétudes. L’art du tournant du siècle est emprunt de symbolisme, marqué par divers courants intellectuels qui se méfient du progrès et accordent à la nature une place fantasmée mais salvatrice. C’est le cas de l’Art Nouveau, décliné suivant les pays en

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divers noms regroupant globalement les mêmes aspirations. L’affirmation d’un caractère stylistique glorifiant un net accent féminin, floral, végétal, l’vocation plus ou moins fantastique de figures animales, va se retrouver de Klimt à Gaudi ou Guimard, de Vienne à, Barcelone et Paris. Le monde fantastique, les références aux bestiaires du Moyen-Âge, les références au style gothique, lui-même très porté sur l’évocation du pouvoir de la Nature, de ses lignes structurelles, et par l’utilisation ornementale de ses nombreux motifs, vont se diffuser de manière internationale dans l’architecture (Horta, Guimard, Gaudi) comme la décoration, l’art des jardins ou le mobilier urbain (Hector Guimard et ses bouches de métro), la joaillerie (bijoux Lalique) ou l’artisanat de luxe (vases Gallé). Cette expression d’un fantasme lié à la vitalité suggestive de la nature, à sa force créatrice, sa souplesse est en opposition assez nette avec les signes conquérants d’une industrie jugée brutale, masculine, sombre et rigide. Ces caractères masculins et féminins peuvent paraître séparés de manière simpliste mais prévalaient bien dans l’esprit de l’époque.

LE CAS DU PARC GUELL : Guëll était un industriel fortuné qui après un séjour à Londres est revenu à Barcelone avec en tête ce rêve des Cités-Jardins, des parcs résidentiels mêlant nature et culture au sein des grandes métropoles. Le projet à Barcelone débuta en 1900 sous la direction de Gaudi, mais la troisième et dernière étape de son expansion fut abandonnée faute d’acheteurs sur les parcelles de terrain jugées trop éloignées du centre. Une maison fur construite pour Guëll, une pour Gaudi et une dernière pour un avocat, et ce fut hélas tout. Ce projet utopique est donc également un échec à l’époque. En 1922, la municipalité rachète l’ensemble et le rend parc public, lui donnant sa réputation mondiale.

L’IDEE D’UN ART TOTAL :

Le XIXème siècle, marqué par le poids devenu insupportable de l’académie, voit de nombreuses réactions artistiques se démarquer et donner naissance à un art moderne, inventif, puisant ses sources ailleurs que dans les références obligées à l’art romain et grec antiques. La hiérarchisation des métiers, des genres, des styles est également pesante pour des artistes qui rêvent d’une certaine universalité, d’un art sans frontières ni barrières, d’un langage

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autonome et qui valorise les sens, stimule l’imaginaire et n’est pas nécessairement destiné aux musées… La tradition exigeait une stricte séparation des corps de métiers, l’architecte, l’ingénieur, le décorateur… Ces limites bridaient l’imaginaire et la liberté d’expression de façon excessive et produisait des œuvres stéréotypées, trop prévisibles, impersonnelles. Gaudi, à la manière d’Hector Guimard à Paris, va réunir des corps de métiers et valoriser de façon spectaculaire des matériaux jugés quelconques, les détourner (la céramique brisée, les rebuts…), donnant à la dimension décorative une toute autre expression. L’art devient plus insaisissable, se diffuse, envahit les espaces publics, balaie les codes établis, l’ordre et la hiérarchie des styles imposés par l’académie. (On comprend mieux pourquoi Guimard fut accusé de vouloir pervertir et corrompre Paris…) Le travail du fer forgé, de l’émail, de la céramique, de la mosaïque, du vitrail est à l’honneur dans les réalisations de Gaudi comme dans celles d’Horta à Bruxelles et de Guimard à Paris. L’idée d’un art total voit le jour, d’un art qui intègre l’artisanat et ses multiples corps de métiers, son savoir-faire et l’utilise pour mélanger les genres et produire quelque chose d’inédit. Cette forme de relative « folie », est pensée comme un dérèglement sensoriel, une perte de repères et de logique traditionnelle. Les poètes surréalistes adoreront cette expression jugée décadente par d’autres, peu rationnelle et franchement fantastique. LE PARC : Mur d’enceinte à l’entrée, recouvert de céramiques, pavillons sur les extrémités, grand escalier monumental donnant accès à une salle dite des cent colonnes (86 en fait, soutenant de nombreuses coupoles décorées de morceaux de céramique, de tessons de bouteille…) mais aussi à un théâtre d’inspiration grecque, fontaine, grotte et colonne ponctuent cet ensemble de repères qui représentent bien l’idée que l’on se fait d’un parc destiné à la représentation d’une certaine idée de la culture et de l’agrément, des loisirs, de la culture et de son rapport à l’histoire et la nature. La première fontaine est composée de sortes de troncs et de racines entre lesquels de l’eau ruisselle… Du point de vue ornemental, un médaillon à tête de serpent, et l’une des figures emblématiques du parK (avec un K voulu à l’anglaise) un dragon du parK GÜELL, dragon ou iguane imposant recouvert de céramique jaune et bleu. Des chemins couverts ondulent et serpentent pour se rejoindre… Jardinières en forme de palmier, recouvertes elles-aussi de céramique

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brisée et très colorées…. Des viaducs traversent le par cet alimentent en eau les plantations, des abris, des bancs conçus pour jouir de l’ombre en été et bénéficier du soleil en hiver…Un calvaire (évocation du mont Golgotha et des trois croix de la crucifixion) aux allures franchement préhistoriques rappelant les tombeaux de Minorque… La dimension fantastique, féérique du parc dont les références, il faut insister sur ce point, ne sont plus l’Histoire avec un grand H, mais un monde imaginaire sera reprise jusqu’au genre du parc d’attraction voulut par Disney en Floride. Mais à Barcelone, l’entreprise du Comte Guëll n’était pas totalement désintéressée, loin de là même : il envisageait bien de faire de ce parc, un cadre résidentiel, à la manière des Cités-Jardins anglaises, mettant en application les règles de l’hygiénisme à la mode et s’assurant la promotion du ciment qu’il fabriquait.