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Table des matières
2.2.5-Le Mésolithique (-11000 à -5000)......................................................................................... 3
3-La « Révolution Néolithique » ............................................................................................................. 8
3.1-La Néolithisation au Proche Orient .............................................................................................. 8
3.1.1-La « Révolution des symboles » chez les peuples préagricoles (-10000 à -9500) .............. 8
3.1.2-Les premiers agriculteurs (-9500 à -6300) .......................................................................... 10
3.2-La Néolithisation à partir du Proche Orient ................................................................................ 13
3.2.1-Les raisons probables de cette néolithisation ..................................................................... 13
3.2.2-La néolithisation méditerranéenne: le Cardial et le peuplement de l’Europe du sud ........ 15
3.2.3-La néolithisation atlantique et le peuplement de l’Europe Atlantique ............................... 24
3.2.4-La néolithisation balkanique et le peuplement danubien .................................................. 45
3.3-La fin du Néolithique : le Campaniforme .................................................................................... 52
3.4-Le Néolithique : conclusions....................................................................................................... 57
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2.2.5-Le Mésolithique (-11000 à -5000)
A partir de -13000 ans BP, commence le réchauffement climatique holocène qui s’opère à l’échelle
planétaire. Il s’observe dans le Nord de l’Europe par un recul de l’inlandsis scandinave qui abandonne
le Nord de l’Angleterre, le Danemark, les pays Baltes et le Nord de la Russie. Dans le même temps, les
langues glaciaires des Alpes et des Pyrénées régressent. En Afrique, ceci se traduit par une pluviosité
importante : le Sahara se recouvre de végétation après une longue période de sécheresse. En
Europe, les forêts se développent au détriment des espaces ouverts faisant disparaître les grands
troupeaux de rennes et de chevaux et donc plus généralement les faunes froides qui migrent soit
plus au nord pour la plupart, soit en altitude dans les régions montagneuses. Au point de vue
chronologique, nous daterons la limite entre le Magdalénien et le Mésolithique vers -12000 ans BP
soit -10000 avant JC, comme elle est définie en Europe occidentale. Nous parlerons désormais en
âge référencé à notre ère, sans indication des ans, soit -10000. Cette limite a été très longtemps
discutée car, il y a eu persistance de la culture magdalénienne, au moins par l’outillage alors que
l’environnement avait déjà changé ; ainsi on considère le Mésolithique ancien de -10 à -8000, appelé
Azilien, qui recouvre toute la France même s’il a été défini dans les Pyrénées, et le Mésolithique
sensu stricto ou moyen et récent, qui regroupe les cultures à armatures microlithiques, le
Sauveterrien, daté de -8 à -5000, présent au sud de la Seine et le Tardenoisien, daté de -7 à -5000. Le
premier est caractérisé par des armatures géométriques, le second par des pointes en forme de
triangles ou de trapèze. Ces microlithes indiquent la généralisation de l’utilisation de l’arc pour la
chasse. En Europe orientale, Balkans, Grèce, Italie, se développe la culture du Tardigravettien à partir
de l’Epigravettien, caractérisée par des grattoirs microlithiques et des belles pointes à dos et qui
évoluera sans grands changements.
Au Mésolithique ancien, les chasseurs-cueilleurs voient donc toute leur économie être bouleversée
surtout au nord de la péninsule ibérique et autour des Pyrénées qui est une zone très peuplée car
elle a servi de refuge lors du dernier maximum glaciaire. Dans un premier temps, la plupart des
chasseurs paléolithiques issus de cette zone vont contourner le Massif Central à la suite des
troupeaux de rennes soit par l’ouest et se diriger vers le nord vers des latitudes plus froides (cas
vraisemblablement des Périgourdins et des Pyrénéens occidentaux), soit par le sud pour aller
rejoindre la vallée du Rhône et monter vers le nord ou bien aller rechercher la fraicheur en altitude
dans le massif alpin (cas des Pyrénéens centraux et de l’est). Nous pensons que la lignée paternelle
des Parron a quitté les Pyrénées centrales pour s’installer dans le nord des Alpes à ce moment-là, il y
a environ 10000 ans, au début du Mésolithique ! Toujours grâce à Pierre Yves Demars, la carte des
sites du Mésolithique ancien montre clairement que les populations mésolithiques vont réoccuper
principalement les côtes atlantiques jusqu’en Scandinavie, la Grande Bretagne, les Alpes, le long des
fleuves des plaines nordiques comme la Loire, la Seine et le Rhin ; curieusement, l’Europe centrale
est peu réoccupée sauf vers les portes de fer du Danube. Nous remarquons aussi que la région
franco-cantabrique, les autochtones restent sur place, ce qui explique pourquoi le peuple basque à
garder ses particularités culturelles comme leur langue jusqu’à nos jours !
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Nombre de sites au Mésolithique ancien (d’après P.Y Demars, 2006)
Dans un deuxième temps, les « chasseurs-cueilleurs » vont devoir s’adapter à un nouveau gibier :
cervidés, sangliers, lièvres… et trouver une arme nouvelle plus efficace que la sagaie sous un épais
couvert végétal: l’arc. Ils vont également trouver des sources de nourriture en complément du
produit de la chasse comme le ramassage des escargots qui est un mets très prisé dans certains sites
pyrénéens comme à Arudy (Pyrénées Atlantiques), la pêche en rivière ( la grotte du Mas d’Azil en
Ariège est traversée par la rivière l’Arize) ou au bord de la mer ; sur le littoral, elle s’accompagne du
ramassage de coquillages et de crustacés dont les restes forment des accumulations énormes
appelées concheros en Espagne, concheiros au Portugal, kjokkenmoddings au Danemark.
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Grotte du Mas d’Azil traversée par l’Arize(Ariège)
L’Art pariétal et mobilier de l’Azilien est caractérisée par des galets peints ou gravés à motif
géométrique (chevrons emboîtés, quadrillages, points ou traits de couleur, etc.). Plus rares sont les
représentations figuratives d’animaux comme une biche gravée sur galet à l’Abri Murat, près de
Rocamadour dans le Lot, un cheval sur os du pont d’Ambon à Bourdeilles (Dordogne). Sur les
plateaux calcaires à densité de population faible, comme la sierra de Guara en Aragon, les abris sous
roche qui devaient servir de haltes temporaires pour les derniers chasseurs, ne sont « identifiés »
que par une figure monochrome modeste loin des fresques pariétales paléolithiques ostentatoires.
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Sierra de Guara (Espagne)
Cerf monochrome, Sierra de Guara (Espagne)
Le long des zones côtières très peuplées sans abris naturels comme le nord-ouest de l’Espagne et le
Portugal, l’homme mésolithique ibérique va être obligé d’ « inventer » un nouveau moyen de
marquer son territoire et les lieux de sépultures: ce sont les pierres levées brutes ou gravées ou
peintes (stèles) qui sont les premières manifestations d’un mégalithisme qui sera le symbole de la
culture de l’Europe atlantique au Néolithique et à l’âge des métaux.
Au Mésolithique moyen et récent, l’art symbolique disparait au profit d’un art très stylisé, support à
une histoire, une anecdote ou à un moment de la vie quotidienne où des personnages sont presque
toujours représentés; on peut prendre l’exemple de l’Art du Levant espagnol localisé sur la côte
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méditerranéenne. Il est daté de -7000 jusqu’au début du Néolithique. Il s’agit surtout de petites
peintures monochromes représentant des scènes de chasse, de guerre ou de vie quotidienne avec
des silhouettes humaines très stylisées. Les différences fondamentales par rapport à l’Art pariétal
paléolithique sont surtout l’évocation du mouvement des personnages et la complexité du décor. Par
exemple, les arcs sont représentés bandés, les chasseurs ou les guerriers sont en train de courir de
lancer un lasso, etc.
Reproduction d’une scène de l’Art levantin
Pour leur habitat, les chasseurs-cueilleurs construisaient des huttes rondes dans des sites de plein air
pour s’abriter aux quatre coins de leur territoire de chasse. Par contre, les groupes qui vivaient du
ramassage de coquillages et de crustacés et de la pêche côtière, ont pu faire preuve d’originalité en
conciliant habitat et lieux de sépulture. Ainsi dans l’ile de Téviec (Morbihan), on a pu reconstituer des
habitats mésolithiques comprenant une aire sépulcrale, véritable nécropole, une aire à foyers
culinaires, une aire à foyers domestiques. Ces habitats sont situés sur des amas coquilliers qui ont
livré également divers déchets organiques provenant de leur alimentation (crabes, mollusques,
seiches, poissons, oiseaux, mammifères terrestres et marins) et lithiques. Les sépultures sont
collectives avec les corps recouverts de bois de cerf et parfois placés dans des coffres en pierres
sèches surmontés d’un petit tumulus et d’une dalle horizontale. Un défunt (sujet K5) avait reçu 2
flèches, une devant et l’autre dans le dos, ce qui prouve que les sociétés mésolithiques peuvent être
violentes. Des pierres dressées d’1 m de haut ont été trouvées près de 2 tombes sur l’ile voisine de
Höedic. On a retrouvé également cette association de pierres levées avec des zones d’habitats sur le
littoral portugais. Certaines sépultures mésolithiques collectives s’accompagnent de manipulations
post mortem des corps et des crânes, comme leur décarnisation et même, plus rarement
d’incinération! Ce serait le début de rites cultuels, peut être liés au culte des Ancêtres comme nous
allons le voir au Néolithique. En effet, ce changement climatique va nous permettre d’illustrer ce que
nous pouvons appeler une adaptation culturelle chez l’homme par rapport à une adaptation
génétique chez les animaux ; avec la reprise d’un mode de vie nomade en plaine et semi-nomade le
long des côtes marines, la communication entre clans devient forcement beaucoup plus lâche et aura
donc comme conséquence de diminuer l’apport «culturel » de la dynamique tribale alors qu’au
contraire, la sédentarisation avait permis un développement culturel important comme on a pu le
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voir au Magdalénien : la société magdalénienne, dont la structure sociale est bien définie car elle
comporte des clans, avec différents lignages, identifiés les uns par rapport aux autres, finira par
penser que tous les clans ont une origine commune et ainsi créer le mythe de la femme-ancêtre qui
deviendra, au Néolithique, une déité, la Déesse-Mère régnant sur la Nature environnante. Par
contre, les populations de chasseurs-cueilleurs-pêcheurs qui ont une économie de subsistance qui les
oblige à vivre dans une Nature beaucoup plus variée qu’aux temps glaciaires, et donc de l’observer
de très près s’ils veulent survivre, vont « progresser » dans la connaissance du monde qui les
entoure! Ils ont donc pu constater que les phénomènes naturels étaient cycliques : le gibier ou les
plantes dont ils dépendent obéissent à des règles qui leur paraissent immuables (la succession jour-
nuit, les rythmes saisonniers par exemple). Comment peuvent-ils imaginer une fin aux choses, il doit
donc exister des mondes parallèles où tous les phénomènes naturels attendent leur retour sur Terre!
Le monde est régi par leurs esprits ; ceux des Ancêtres au même titre que ceux de l’orage, la pluie, le
vent, les montagnes… Ils ont donc une vision élargie du monde environnant moins centré sur le clan.
Ils vont pouvoir développer des mythes qui leur permettent d’expliquer l’Univers et dans lesquels ils
incluent évidemment celui de la femme-ancêtre hérité depuis le Gravettien et même lui imaginer un
parèdre masculin symbolisé par un auroch ou un taureau comme à Auneau en Eure et Loire on l’on a
retrouvé des fosses dans lesquelles on a déposé des bucranes d’aurochs dans des fosses, ce qui
deviendra rituel lors de la célébration du culte des Ancêtres au cours du Néolithique comme au
Moyen Orient ou à Locmariaquer dans le Morbihan.
Loin d’être une régression par rapport au Magdalénien à cause de la disparition de l’Art pariétal, la
nouvelle adaptation culturelle du Mésolithique va apporter à l’homme une nouvelle façon
d’envisager la Nature environnante en y intégrant tous ses ancêtres. Cette vision des choses est
encore partagée à l’heure actuelle par bon nombre de populations dites « primitives » ! De plus, le
Mésolithique va nous permettre de mieux comprendre le phénomène de la Néolithisation et plus
particulièrement le Mégalithisme, que nous allons aborder dans le prochain paragraphe. Il nous
explique aussi que l’Europe a déjà réalisé une bonne partie de son peuplement : celui de l’arc
atlantique, du Portugal à la Scandinavie, celui du massif alpin et l’extension de celui-ci à partir des
zones refuges habitées au maximum glaciaire (zones franco-cantabrique, ligurienne, plaine du Pô,
Balkans).
3-La « Révolution Néolithique »
3.1-La Néolithisation au Proche Orient
3.1.1-La « Révolution des symboles » chez les peuples préagricoles (-10000 à -
9500)
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Sites néolithiques au Proche et Moyen Orient (d’après l’Encyclopedia Universalis, p.716)
La néolithisation désigne le processus historique qui a permis le passage, pour les communautés
humaines, d’une économie de prédation à une économie agro-pastorale avec l’utilisation de la
céramique et le polissage de la pierre. Le terme « Révolution néolithique » a été utilisé pour la
première fois par le grand archéologue australien Vere Gordon Childe. L’aire géographique ou
« croissant fertile » de la mise en place de la néolithisation est limitée au nord est par les contreforts
du Zagros, au nord par le Taurus, à l’ouest par la chaine littorale reliant l’Amanus au Sinaï, à l’est de
l’Euphrate. Ce n’est qu’à partir du VIIe millénaire que la néolithisation va se répandre en Syrie
littorale, en Anatolie et en basse Mésopotamie. Cette zone deviendra steppique après le
réchauffement holocène ; on y trouve sous forme sauvage des céréales (blé et orge) et des
légumineuses (pois, lentilles) ainsi que des ongulés des steppes (bœufs, moutons, et chèvres
sauvages). Vers -12000 à -10000, le climat devait être semblable à celui de maintenant. Les clans de
chasseurs-cueilleurs, appelés Natoufiens, du nom de leur culture caractérisée par une nourriture très
éclectique, aussi bien en ressources animales que végétales, vont trouver des conditions de vie plus
que favorables et par conséquent, se sédentariser progressivement et créer des petits villages
permanents faits de cabanes à demi enterrées dans des fosses rondes. L’art mobilier natoufien est
essentiellement zoomorphe; ce sont surtout des représentations de gazelles et de cervidés, plus
rarement d’oiseaux, de canidés et très rarement de silhouettes humaines asexuées. De même, qu’au
Paléolithique final régional, les Natoufiens n’ont pas de rites funéraires établis : les corps sont
inhumés pêle-mêle sans distinction de l’âge, du sexe ou d’un quelconque rang social, s‘il existe.
Le Khiamien, défini entre -10000 et -9500, est la période qui assure la transition entre le Natoufien
et les cultures vraiment agricoles. Cette appellation vient d’un type de pointes de flèches trouvé à El
Khiam en Palestine ; les sites sont nombreux dans la vallée de Jourdain, la mer Morte mais aussi sur
l’Euphrate (Mureybet phases I B et II). L’outillage en os est très perfectionné. Les villages ont des
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maisons plus nombreuses qu’auparavant, de plain-pied. Mais cette période est connue pour être
celle de la « Révolution des symboles » selon Jacques Cauvin, préhistorien français spécialiste du
néolithique du Proche Orient. Elle a lieu sur une période relativement courte entre -10000 et - 9500
mais elle plonge ses racines loin dans le Natoufien et même au-delà comme on l’a vu pour les Vénus
occidentales. Elle se prolonge pendant quelques siècles jusqu’à environ -9000. Ainsi, on voit
apparaitre dans la vallée du Jourdain les premières figurines féminines évidentes, bien que
schématiques, en calcaire ; pendant cette période on enterre des crânes complets d’aurochs avec les
cornes dans les maisons au sein de banquettes en argile, sans doute une première manifestation
d’un culte des Ancêtres dans cette région comme on l’a vu au Mésolithique en Europe (existe-t-il un
lien entre les deux ?). On voit donc au Levant vers -9500 apparaitre deux figures symboliques qu’on
retrouvera plus tard : la Femme et le Taureau, symboles de la femme-ancêtre et de son parèdre
masculin.
3.1.2-Les premiers agriculteurs (-9500 à -6300)
L’économie de subsistance dans l’espace syro-palestinien apparait vers -9500 dans 3 nouvelles
cultures issues du Khiamien, le PPNA (Prepottery Neolithic A) ou Sultanien décrite à Jéricho,
l’Aswadien, dans l’oasis de Damas et le Mureybetien à Mureybet ; des concentrations artificielles de
céréales sont détectées au voisinage du village. C’est à cette même époque que la pêche est
abandonnée et que la chasse devient plus sélective (bœufs et ânes sauvages seulement).
Corrélativement la superficie des villages augmente, de 2 à 3000 m2, on passe à 3 ha. Ce serait la
traduction d’un regroupement urbain et non pas d’une explosion démographique. Les maisons
rondes subsistent mais se perfectionnent et se resserrent avec des murs droits entre elles. A Jéricho
apparaissent des constructions monumentales, une tour ronde et des remparts. On trouve sur le
moyen Euphrate les premières poteries ainsi que les premières haches polies. Toutes ces innovations
sont encore clairsemées, l’agriculture ne concerne que la Syrie-Palestine, l’élevage les flancs du
Zagros. En prenant l’exemple du blé amidonnier sauvage (Triticum dicoccoides), on peut expliquer sa
transformation en blé domestique (Triticum dicoccon) d’une façon schématique ; l’espèce sauvage
possède un rachis sur lequel sont fixés les épillets au niveau d’un nœud qui se fragilise et se
sectionne (nœud d’abcission) pour les libérer quand l’épi mûrit. Ce caractère, par le phénomène de
mutation génétique que nous avons déjà vu précédemment, peut muter de façon aléatoire et
donner alors des nœuds plus solides, ce qui empêche le détachement des épillets; c’est un
désavantage sélectif dans la nature mais devient avantageux pour l’agriculteur qui tend à récolter les
épillets encore attachés. A la longue, au plus quelques dizaines d’années, le champ contiendra une
majorité d’épis de blé domestique.
Entre -8700 et -7000, on définit le PPNB qui est une culture très longue et divisée en 3 phases : le
PPNB ancien (-8700 à -8200) sera défini dans le Levant nord, en Syrie du Nord (Moyen Euphrate),
dans sa région d’origine car il dérive du Mureybetien. Avec lui la néolithisation va s’étendre à
l’Anatolie (Taurus) où l’on retrouve ses traits caractéristiques : outillage typique associant des lames
à des nucleus naviformes et sa tradition architecturale à maisons rectangulaires. Le PPNB moyen (-
8200 à -7500) va voir la néolithisation s’étendre au Levant central (Damascène) et méridional
(Palestine).
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Epi de blé
Cette nouvelle période apporte quelques innovations comme, à Jéricho, l’élevage de la chèvre et la
culture de l’engrain domestique. Les maisons adoptent un plan quadrangulaire à plusieurs pièces. A
Beidha, on conserve des maisons circulaires mais elles sont accolées et communicantes. La terre
cuite garde un caractère « religieux » avec les figurines féminines. A Jéricho, on observe un curieux
« culte des Ancêtres » sous forme de dépôt de crânes humains enduits de plâtre. Entre -7500 et -
7000, au PPNB récent, les territoires extérieurs à la zone des céréales sauvages sont néolithisés à leur
tour : le littoral et le désert syriens, l’Anatolie centrale avec la fondation de Ҫatal Hüyük. Chypre est
occupée (après une première occupation vers 9000 au PPNA). Des villages s’implantent dans les
zones arides au bord de l’Euphrate et dans les oasis où l’agriculture peut se pratiquer grâce à un
début d’irrigation. De nouvelles cultures apparaissent : orge à 6 rangs, fèves, lentilles, lin,…
Paradoxalement, la céramique commence à apparaitre à Assouad (Syrie) avant -7000 pendant la
culture dite Prepottery Neolithic ! Au Levant sud et central, il y a un remaniement spectaculaire de
l’habitat, Jéricho se vide, les agriculteurs sédentaires, soit se réfugient dans des régions plus hautes
et mieux arrosées, soit optent pour le nomadisme pastoral.
Après -7000, la céramique acquiert sa véritable portée utilitaire ; quelques poteries ont des décors
peints ou lustrées.
Vers -6300, tous les caractères constitutifs du Néolithique sont achevés.
C’est à Mureybet, au PPNA, qu’apparait un changement culturel important : on enterre des crânes en
marge de sépultures normales, puis au PPNB cette tendance va s’amplifier au point de retrouver sur
le sol d’une maison, des crânes alignés le long d’un mur et posés sur un morceau d’argile; à Jéricho,
Aïn Ghazal,… ils sont sur-modelés avec différents enduits et des yeux incrustés de coquillages. Il est
difficile d’en déterminer le sexe. Dans ces 2 sites, on a retrouvé également des statues modelées en
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chaux sur âme de roseaux ; elles sont grandeur nature ou plus petites, certaines ne représentent que
la tête ; comme pour les crânes, il est difficile d’en déterminer le sexe malgré les décors : coquillages
pour les yeux, « chevelure » en fibres végétales pour le haut de la tête, collées avec du bitume ;
certaines ont été retrouvés dans des fosses. Tout le monde est unanime pour interpréter ces
vestiges comme des objets rituels liés au culte des Ancêtres : on prélève le crâne de certains
individus (hommes, femmes ?) mais pour quelle raison ? Le mérite ? Il est évidemment impossible de
répondre. La découverte de masques en argile peut faire penser qu’ils étaient portés lors de
cérémonies rituelles. Du mythe de la femme-ancêtre connu au Paléolithique supérieur, on passe au
Natoufien et au Khiamien, à un culte rendu à la fois à la femme- ancêtre et aux ancêtres, puis au
Néolithique, la femme-ancêtre va prendre le rang de « Déesse-Mère » en lui adjoignant un parèdre
masculin, le Dieu-taureau ?, et dont le culte est mis en commun avec celui des ancêtres : il existerait
un monde des esprits des ancêtres, parallèle à celui du vivant, dirigé par la « Déesse-Mère ». C’est
justement à ce moment-là qu’apparaissent des statuettes aux caractères sexuels exagérés, sans
doute pour symboliser la fécondité. C’est surtout le célèbre site anatolien de Ҫatal Hüyük, daté de -
7000 à -6500, que l’on va avoir une idée plus précise de la façon de penser de ces premiers
agriculteurs. C’est l’archéologue anglais James Mellaart qui a fouillé ce site découvert dans les
années 60 ; il s’agit d’une agglomération qui a pu compter jusqu’à 2000 maisons et 8000 habitants,
qui ne possède pas de rues ; les maisons, toutes conçues sur le même modèle, sont construites les
unes contre les autres et on accède par le toit à l’aide d’échelles à l’espace domestique de 25 m2
orné de peintures et de sculptures. Celles-ci représentent des figures féminines à caractères sexuels
marqués, comme la célèbre Déesse aux léopards. Elle est représentée en gésine (en position de
l’accouchement) s’appuyant sur 2 félins ; cette statuette, haute de 16.5 cm, a été retrouvée dans une
réserve à céréales. On peut mettre ce fait en parallèle avec une coutume actuelle que l’on pratique
encore chez les Igorots aux Philippines, de placer des statuettes dans le grenier à riz pour s’attirer les
bonnes grâces des esprits des Ancêtres et assurer ainsi une bonne récolte !
La Déesse aux léopards de Ҫatal Hüyük
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3.2-La Néolithisation à partir du Proche Orient
3.2.1-Les raisons probables de cette néolithisation
Le pic de l’expansion de cette néolithisation date de la période comprise entre -7500 et -6500 ; il y a
eu des tentatives précédentes comme à Chypre par exemple. Cette période est très particulière car
elle correspond à une étape économique et culturelle jamais atteinte par la société humaine. La
division du travail au sein de la population devait être réduite car les techniques et les connaissances
requises pour les travaux agricoles, la construction de cabanes, la fabrication d’outils en silex, de la
céramique à usage quotidien (vaisselle, stockage des aliments,…) ne font pas appel à des
compétences extraordinaires : toutefois, la société commençait à avoir besoin d’artisans spécialisés
dans des cas très « pointus » comme la fabrication de pirogues ou la décoration intérieure des
maisons, mais surtout, on manquait d’urbanistes et d’architectes nécessaires en raison du
développement urbain de plus en plus important. Les villages se composaient de maisons abritant
une seule famille nucléaire, toutes semblables, agglutinées, sans rues, ni places. Il peut exister des
édifices communautaires pour le stockage des céréales et/ou des cérémonies cultuelles mais pas
partout. La maison peut même servir de lieu cultuel et pour l’inhumation des défunts. La paix devait
régner dans tout le pays car le réchauffement climatique a permis d’ouvrir d’immenses territoires à
des populations très disséminées qui n’ont nul besoin de défendre un territoire. De plus, chaque
famille pouvait disposer d’une autonomie matérielle qui ne sera jamais atteinte dans le futur:
l’agriculture et l’élevage permettant de vivre en autarcie : quelques graines et quelques bêtes
suffisent à faire vivre la famille des colons ou nomades !
Dans ces conditions, on pense que les candidats au départ n’auront pas trop de difficulté pour aller
s’installer sur de nouveaux territoires où ils pourront cultiver des céréales et/ou élever des animaux.
On a invoqué des catastrophes climatiques comme des inondations après le déluge biblique ou le
débordement de la mer Noire, une sécheresse exceptionnelle ou bien un surpeuplement à grande
échelle ! Or, on n’a pas retrouvé de traces géologiques qui puissent étayées de telles suppositions.
Pourtant, la cause de ces migrations de populations semble assez évidente : on a vu que celles-ci
commencent au PPNB récent, peu de temps après une augmentation considérable de la surface des
agglomérations et que celles-ci adoptent une urbanisation dite agglutinante c'est-à-dire avec des
maisons contigües, sans aménagements collectifs tels que rues, égouts… On se doute que cette
promiscuité et cette quasi-absence d’hygiène va favoriser la propagation de toutes sortes de
maladies infectieuses pouvant déboucher sur des épidémies gravissimes comme celles de la peste au
Moyen-âge. Beaucoup de familles préféreront s’en aller plutôt que de risquer de tomber malade. Au
PPNB récent, l’exemple du Levant central et sud dont Jéricho, nous montre qu’il y a une corrélation
évidente entre des dépeuplements brusques, causés sans doute par de graves épidémies, et les
débuts de la néolithisation des territoires extérieurs à la zone du croissant fertile et le nomadisme
pastoral, une autre économie de subsistance basée sur l’élevage et la mobilité de toute la
communauté. Jamais le comportement individuel n’aura été aussi clair : soit préférer en toute
conscience garder ses liens sociaux en restant dans son village mais risquer de mourir, soit fuir la
région et obéir à son inconscient émotionnel qui pousse à la survie ! Devant la migration massive des
populations, il faut croire que les liens sociaux et culturels (y compris « religieux ») dans cette société
agricole primitive étaient assez lâches et qu’il n’existait pas de hiérarchie capable d’imposer des
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mesures coercitives pour empêcher les gens de suivre leur « instinct » comme nous en connaitrons
dans les temps historiques.
La « Révolution néolithique », avec ses villages, l’élevage et l’agriculture, l’usage de la céramique et
de la pierre polie, arrive en Europe avec des colons en provenance d’Anatolie (Turquie actuelle).
Cette période a été définie comme le Néolithique ancien avec des dates qui, évidemment, varient
selon les pays, les plus anciennes se situent au Proche-Orient et les plus récentes en Europe
occidentale. Le point de départ se produit aux alentours de -7000 puis, par vagues successives, la
néolithisation va gagner tout d’abord la Grèce et à partir de là, vers -6100, l’Europe occidentale à
travers deux grandes voies de diffusion :
- L’une rapide, par voie maritime, par cabotage le long de côtes nord-méditerranéennes,
va gagner la Méditerranée occidentale et franchir le détroit de Gibraltar dès -5500 pour
gagner le littoral atlantique du Portugal à la mer Baltique au Nord, et du Maroc au Sud.
Ces colons produisent une céramique à décor imprimé, surtout à l’aide de coquilles de
Cardium d’où le nom de la culture Impressa-cardial ou Cardial.
- L’autre en remontant à travers les Balkans et en suivant le cours du Danube va atteindre
la France entre -5300 et -5000. Le décor de la poterie produite est linéaire d’où son nom
de culture du Rubané.
Il se pose aussi la question de savoir comment s’est faite cette néolithisation vis-à-vis des populations
locales mésolithiques. Deux possibilités sont envisageables, soit par colonisation, lointaine et rapide,
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soit par acculturation, plus lente car s’effectuant génération après génération, avec des phases de
stagnation. Ces deux types de diffusion auront pour conséquence la constitution de groupes humains
différents sur le plan culturel mais pas sur le plan génétique car il semble que les fermiers européens
du Néolithique ancien et moyen (EEF, Early European Farmers) étaient très semblables du point de
vue des haplogroupes : pour Y-ADN : G2a, E1b1b, E-V13, J1, T et pour, l’ADNmt, T1 et J comme
Jasmina.
3.2.2-La néolithisation méditerranéenne: le Cardial et le peuplement de l’Europe
du sud
La néolithisation méditerranéenne se fait par « progression maritime saltatoire » ou par « vague
d’avancée » ainsi nommée par A. Ammerman et L. Cavalli-Sforza, le long des côtes nord de la
Méditerranée. Arrivant de Grèce par cabotage, les colons néolithiques de la culture Impressa-
Cardiale ou Cardial s’installent sur les côtes italiennes, notamment la Ligurie et le littoral tyrrhénien,
vers -5800 -5600. comme nous le verrons pour la néolithisation atlantique, nous constatons qu’il y a
acculturation réciproque entre les Mésolithiques castelnoviens et les premiers fermiers pour donner
une population hybride, celle des Ligures qui est un nom générique car nombre de cultures ont été
définies et il est trop difficile de toutes les décrire ; par exemple, la culture impressa-cardiale définie
en Ligurie à la grotte d’Arene Candide va évoluer en donnant plusieurs cultures « filles » qui vont se
développer sur place puis migrer pour donner naissance à d’autres cultures comme celle des Vases à
bouche carrée (-5100 à -3800) en Ligurie et vers la fin du Néolithique ancien, à partir de -5400, grâce
à de fortes influences mésolithiques (castelnoviennes) vers la céramique incisée caractéristique des
trois cultures du Cardial tyrrhénien: Fiorana dans le nord de la Toscane, Sarteano, en Ombrie et dans
le sud de la Toscane et Sasso dans le Latium. Ces dernières vont-elles même évoluer en culture de
Lagozza qui va occuper toute l’Italie du nord pendant le Néolithique moyen jusqu’en Suisse (Sion) et
les vallées alpines (on parle de culture Chassey-Lagozza-Cortaillod), etc. Retenons qu’il y a des
relations entre le Néolithique ancien et moyen entre l’Italie du nord-ouest et la France (actuelles)
par-delà le massif alpin.
Après l’Italie, les colons du Cardial vont apporter la « révolution » néolithique et ses techniques
nouvelles sur toute la côte méditerranéenne entre la France et l’est de l’Espagne Les deux sites de
Portiragnes (Hérault) nous renseignent sur leur installation. Le premier site, celui de Peiro Signado
est interprété comme une aire d’habitation avec un fond de cabane ovale de 9 x 5m délimité par 8
trous de poteaux. Avec les fragments de torchis brûlés, on a trouvé de la céramique de style cardial
rappelant celle de la grotte des Arene Candide en Ligurie et des lames d’obsidienne provenant des
îles de Sicile et de Sardaigne. Ce site de Peiro Signado est le témoin de l’arrivée des premiers fermiers
en France ; il est daté de -5700 -5600. Le second site est celui du Pont de Roque-Haute. Il a livré de
l’obsidienne de Palmarola et de la céramique commune aux premiers groupes à impressa indiquant
une origine tyrrhénienne (Ile de Giglio). Il est daté de -5750 à -5600. Ces deux communautés
portiragnaises sont donc issues d’une colonisation directe par des colons agro-pastoraux arrivant à
bord de pirogues. On ne sait pas grand-chose des colons agro-pastoraux et de leurs moyens: les
embarcations utilisées, le nombre de personnes, d’animaux domestiques, les réserves en céréales, le
type d’outils, la présence d’armes ou de cadeaux pour anticiper l’humeur d’éventuelles populations
autochtones. On connait des pirogues depuis le Mésolithique récent (-9000) ; elles sont monoxyles
c'est-à-dire taillées dans un seul tronc à l’herminette. Pour améliorer la stabilité et la capacité de
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transport d’une ou deux familles avec du bétail et des réserves, ces pirogues devaient être doublées
par un système d’attaches ou, plus simplement, on y ajoutait un ou deux balanciers. La rame était
sans doute le mode de propulsion ; on peut deviner que ce moyen de transport comportait de
nombreux inconvénients mais c’était le seul !
Pirogue monoxyle (d’après Musée Archéologique de Portiragnes, Hérault)
Comme pour les Ligures, le premier peuplement du sud de la France et de la côte est de l’Espagne,
(d’une façon globale, les Ibères), serait issu du même processus d’acculturation réciproque entre les
peuples mésolithiques et les premiers agriculteurs ; le poète latin Avénius situe la limite entre les
deux peuples vers Agde dans l’Hérault. La première culture de ces populations dites ibères est
caractérisé par une industrie lithique réalisée à partir du silex blond du Vaucluse qui va être diffusé
dès -5300 à partir de carrières et d’habitats spécialisés dans toute cette région. Le débitage se fait
par percussion indirecte. La poterie est orange ou rouge, très bien cuite, décorée à la coquille de
Cardium edule et/ou de C. glaucum pour les grandes jarres et à décoration plus variée pour la petite
vaisselle.
Cardium glaucum
Entre -5200 et -4900 ce Cardial se diversifie; d’un côté, par des décors de cannelures (= Epicardial)
dans le Languedoc et en Espagne, et de l’autre, en Provence, par des décors avec des coquilles de
moule d’eau douce (Anodonte). Sont inclus dans la pâte céramique de la chamotte, de la calcite ou
du dégraissant à l’os pilé. L’industrie osseuse est toujours à base d’animaux domestiques. Les outils
en pierre polie sont rares ; ce sont surtout des objets d’apparat comme la jadéite des Alpes et du
piémont italien. Comme pour le silex blond il existe des liens « commerciaux » entre tous les
Cardiaux du Languedoc à l’Italie à l’Est et jusqu’à la région de Valencia sur la côte méditerranéenne
de l’Espagne (on parle de Cardial franco-ibérique). Il y a donc 2 types de néolithisation en Ibérie, à
l’ouest la néolithisation atlantique et à l’est le Cardial franco-ibérique. Ils inhumaient leurs morts en
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grotte ou dans une fosse sans objets de parure. Le Cardial va se répandre jusqu’à Toulouse à l’Ouest
et au nord en Auvergne et dans la vallée du Rhône jusqu’à Valence (Drôme) de -4900 à -4800. On
peut se poser la question du temps qu’il faut entre le débarquement et la fondation des premiers
villages. En Catalogne, on a retrouvé des vestiges cardiaux assez homogènes entre -5600 et -5300
dans la zone côtière (sites de Montserrat) puis, à partir de -5300, on constate un début de
diversification culturelle, qui se traduit par la céramique à décor imprimé de poinçons, et qui
débouchera plus tard sur les cultures de Montbolo et de Molinot ; il faut donc environ 300 ans pour
que l’agro-pastoralisme commence à s’installer de façon durable de la côte vers l’intérieur du pays en
créant une culture propre. C’est un ordre d’idée pour une installation sur une côte peu ou pas
peuplée par les Mésolithiques, mais nous avons vu qu’il en est tout autrement sur les rivages de
l’océan atlantique et de la mer baltique.
Ensuite, au Néolithique moyen I, on observe une évolution soit vers des groupes à poterie lisse
comme celui de Montbolo dans le Roussillon (entre -4800 et -4200), ou vers celui de Saint Uze dans
la vallée du Rhône (qui précédera le Chasséen s .s . dans son expansion notamment vers le nord-est,
la Savoie, l’Ain, la Franche Comté et le Valais suisse où il préfigure la culture de Cortaillod ; par contre
le groupe de Bize dans le Minervois produit de la céramique à décors incisés recouverts de peinture
rouge ou blanche. Le site de la cauna de Bélesta (Pyrénées Orientales) est représentatif de la culture
de Montbolo. Il est daté de -4800 à -4200.
La cauna de Bélesta (Pyrénées orientales)
L’agriculture est peu développée par rapport à l’élevage (mouton, chèvre, porc, bœuf). La chasse
vient en complément (sanglier, cerf, lapin, oiseaux, lièvre). L’habitat principal est en grottes mais on
connait des sites en plein air. L’outillage est en os, en pierre polie ou taillée. On a trouvé des fusaïoles
(petites boules en terre cuites perforées au centre) qui servaient à lester les fuseaux à tisser. La
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céramique est lisse sans décor ce qui marque la rupture avec le Cardial. En fait, il y aurait deux étapes
de néolithisation dans la région catalane au nord et au sud des Pyrénées ; une première, entre -5600
et -5300, caractérisée par des vestiges cardiaux assez homogènes dans les zones côtières et les
bassins fluviaux intérieurs et une seconde, à partir de -5300, pendant laquelle les groupes de
l’épicardial diversifient leur production céramique dans un contexte de régionalisation qui sera
définitivement établie avec les groupes post cardiaux de Molinot et de Montbolo vers -4500. Les
sépultures peuvent être des fosses individuelles ou collectives, on a retrouvé des dizaines de corps
dans la salle sépulcrales de la cauna de Bélesta ! Ceci est assez étonnant car depuis le Néolithique
ancien la règle est plutôt l’inhumation individuelle ou voire de 2 à 4 individus ; ce sera le cas de plus
en plus fréquemment au Néolithique moyen, avec les coffres en pierre chasséens de l’Aude et des
Pyrénées Orientales (exemple de la nécropole du camp de la Gineste à Caramany), ou en bois
comme en Catalogne (sepulcros de Fosa). Ce n’est qu’au Chalcolithique (ou Néolithique récent)
qu’on retrouve systématiquement des sépultures collectives (grottes, dolmens). Au Bronze final,
arrive un nouveau mode de traitement des morts, celui de l’incinération, puis les cendres sont
disposées dans des urnes enterrées dans des nécropoles.
Ces trois groupes, Montbolo, Bize et Saint Uze, sont considérés comme des entités culturelles
autonomes par rapport au Chasséen. Actuellement, seuls deux groupes assureraient le lien entre le
Cardial et le Chasséen, le Fagien (dont le site éponyme se trouve à Saint Pierre de la Fage (Hérault) et
le Pré-chasséen de la Baume de Fontbrégoua à Salernes (Var). Les datations sont douteuses pour ces
deux cultures mais le Fagien serait daté de -4600 à -4000.
Le Chasséen ou Néolithique moyen II typique du sud de la France, est daté de -4400 à -3500 et a été
défini par J.Déchelette en 1912 à Chassey (Saône et Loire) qui ne se trouve pas précisément dans le
Midi, et à la grotte de la Madeleine à Villeneuve les Maguelonne (34). Il est caractérisé par des
grands sites (jusqu’à 100 ha) où étaient construits des villages entourés de palissades et de fossés à
fonction défensive, ce qui indiquerait des relations plutôt tendues entre communautés voisines. A
l’intérieur du site mais à l’écart des maisons faites de poteaux en bois et de murs en branchages et
terre, on trouve des fosses alignées d’une dizaine de mètres de longueur et remplies de pierres
brûlées interprétées comme des fours polynésiens liés à de grands banquets. La céramique
chasséenne est caractérisée par des grands vases à col pour les liquides, ouverts pour le stockage et
la cuisson. Les décors sont rares : assiettes à marli décoré (partie supérieure de l’aile ou bord de
l’assiette entourant le bassin). Autre spécificité du Chasséen, des récipients bas à profils anguleux ou
carénés et des récipients à « cartouchières », sorte de tubes verticaux servant à leur suspension. Les
pratiques funéraires chasséennes sont variées et de tous les types : individuelles, collectives, fosses,
caissons, coffres, grottes. A Saint Michel du Touch (Haute Garonne), on a trouvé plusieurs corps dans
un coffre en bois sous tumulus. Ce style de sépultures se retrouve dans la culture catalane
des «sepulcros de fosa». Au Crès à Béziers (34) on trouve des fosses collectives et d’autres
individuelles, certaines renforcées de dalles de pierre avec une couverture de la fosse en pierres
sèches. Au camp del Ginèbre à Caramany (66), on a retrouvé trois coffres de pierre, chacun recouvert
d’un cairn dont l’un mesurait 11 m de diamètre, à côté de tombes simples en fosse.
Entre -3500 et -2600, au Néolithique récent, apparaissent dans le Midi plusieurs grandes cultures
dérivant du Chasséen : Fraischamp et Couronnien en Provence, Terrinien en Corse, Ferrières à l’Est
du Languedoc, Saint Ponien, Vérazien à l’ouest de L’Orb et dans les Corbières et Treilles (ou
Rodézien) dans l’Aveyron et le Tarn. Ces différentes cultures vont développer à leur tour un
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Mégalithisme très varié se traduisant par des monuments plus importants en nombre, mais plus
simplistes dans leur conception que ceux de l’ouest de la France. Nous pensons donc, comme A.
Beyneix, que le mégalithisme méridional semble puiser ses origines par évolution locale, et non par
acculturation avec des peuples atlantiques.
Dolmen de Prunarède (Hérault)
C’est le groupe de Ferrières, le plus important, qui va être responsable d’une grande partie de ce
mégalithisme méridional, surtout des dolmens à couloir ; il va même s’étendre jusque dans l’est de
la France où apparaissent des dolmens simples comme à Aillevans (Haute Saône) dont la chambre est
à peu près carrée, délimité par 4 dalles verticales. La culture suisse de Hörgen subit également
l’influence de groupes de la culture de Ferrières venus du Midi et il en résulte la culture de Clairvaux
bien connue pour son habitat lacustre. Les Saintponiens, eux, vont couvrir tout leur territoire de
statues menhirs. L’habitat et les sépultures se font plutôt en grottes, nombreuses autour de Saint
Pons de Thomières (34) et qu’ils décorent de peintures schématiques ou naturalistes. Au début, les
proto-statues-menhirs représentent des silhouettes anthropomorphes assez grossières, non gravées
(mais avec une possible décoration peinte). Dans un stade ultérieur, les statues menhirs sont
gravées, et sont hautes en moyenne de 2.30 m. Les attributs gravés sont masculins : la pendeloque-
poignard, ou « l’objet », la hache, l’arc, une longue cape serrée par une ceinture. Dans un deuxième
temps, ces statues-menhirs ont été féminisées par adjonction de seins, de collier de longues
coiffures. Dans plusieurs cas, elles ont été à nouveau masculinisées par effacement des seins et ajout
d’une hache. Le groupe des Treilles, localisé plus à l’est, vers les Causses et le nord dans le Rouergue
érigent aussi des statues-menhirs mais différentes : elles sont plus petites, 1.10 m en moyenne mais,
surtout, elles sont sculptées ; de plus on trouve des statues-menhirs purement féminines c'est-à-dire
décorées d’attributs uniquement féminins : seins, collier, ceinture sans boucle. Ce groupe disparait
vers -2400. Dans le Haut Languedoc, les statues-menhirs ont subi une destruction brutale (abattage
avec la face contre terre, décapitation, …) peut être liée aux Véraziens?
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Statue menhir masculine (avec l’ « objet ») de Pousthomy, Aveyron, groupe des Treilles
En Corse, la culture terrinienne semble être responsable des premiers menhirs, coffres et dolmens
qui datent de -3300 et sans doute des premières statues menhirs ; celles-ci atteignent leur apogée
au Néolithique final et à l’âge du bronze. A partir de -1500, ces statues-menhirs sont brisées et
réemployées dans la construction de la torre centrale du site de Filitosa. Les torres corses, les
muraghi sardes et les talayots des Baléares font partie une grande famille architecturale
méditerranéenne qui utilise la coupole dans la construction des monuments circulaires. Ils
constituent l’élément central d’un système fortifié encadrant l’habitat.
Torre centrale avec statues menhirs reprises dans l’enceinte (Filitosa, Corse)
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Talayot de Sa Nineta (Ile de Majorque, Baléares)
Le groupe de Véraza, défini à partir des grottes de la Valette à Véraza dans l’Aude, couvre une large
région, du Toulousain aux plaines de l’Orb et au Barcelonais, entre -3000 et -2200. On leur attribue la
construction des dolmens du Minervois comme celui des Fados à Pépieux dans l’Aude. Celui-ci a 24m
de longueur et est inclus dans un tumulus de 35 m de longueur, ce qui n’en fait pas une allée
couverte car le terme est réservé au nord de la France. Il se compose d’un couloir de 12 m, d’une
antichambre de 6 m et d’une « cella » ou chambre funéraire de 6 m également. A noter que le
passage du couloir à l’antichambre et de l’antichambre à la cella se fait par des dalles sculptées en
hublot. Les matériaux de construction sont d’origine locale comme le calcaire à alvéolines éocène
bien connu dans la région de Minerve.
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Dolmen des Fados à Pépieux, Aude
Un exemple de dolmen plus « classique » est celui du Moli del vent à Belesta dans les Pyrénées
Orientales.
Dolmen du Moli del vent, P.O.
Vers -2800, la culture de Ferrières est remplacée (par évolution ?) par celle de Fontbouisse (de
Villevieille, Gard) qui érigent les dolmens de type languedociens qui possèdent une antichambre. Son
autre caractéristique est de faire une poterie d’une grande finesse mais qui conserve les cordons
d’argile. La métallurgie du cuivre décolle vraiment (petites haches, poignards, épingles). On assiste à
une multiplication des villages, sans doute liée à une importante augmentation de la population. Les
maisons sont en pierre sèches dans les garrigues (Cambous, Boussargues, Rocher du Causse) et en
terre dans la plaine.
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Reconstitution d’une cabane chalcolithique de Cambous (Hérault)
Les villages de plaine sont protégés par des fossés et des palissades. On constate des dépôts de
bucranes dans certains fossés sans doute liés à des pratiques cultuelles. Plus généralement à propos
des rites religieux du Néolithique récent méridional, on peut souligner deux choses :
- les statues menhirs saintponiennes, assez grossières, sont représentées avec des attributs
masculins dont le fameux objet qui est en fait une pendeloque- poignard, ce qui est très original car,
jusqu’à présent, on ne représentait que des déesses-mères avec des attributs bien féminins, seins et
collier, comme en Armorique, et pour certaines statues menhirs du groupe des Treilles. S’agit-il de la
représentation d’un « chef » guerrier, non-religieux. En tous cas, les mutilations et la féminisation de
certaines stèles prouvent qu’il y a eu lutte soit avec une ethnie qui veut s’approprier ce territoire, soit
en interne, entre les partisans d’un pouvoir « religieux » et d’autres d’un pouvoir « militaire » ? Pour
notre part, nous pensons que le pouvoir de l’officiant principal du culte commence à se transformer
en pouvoir politique, ce qui n’est sans doute pas du gout de certains membres de la population!
Nous sommes à la charnière entre le Néolithique, société égalitaire vouant un culte aux Ancêtres, et
l’âge du Bronze, société guerrière où vont apparaitre les inégalités sociales et interethniques.
-Les dolmens méridionaux sont gravés des mêmes symboles que ceux déjà rencontrés dans
le nord de la France mais avec une petite différence, la grande fréquence de dépressions de petite
dimension, appelées cupules, creusées dans la roche, accompagnées de bassins, de rigoles… Avaient-
elles pour fonction de recueillir l’eau de pluie ou de source lors de certains rites, ou même du sang
lors de sacrifices ? Pour ces peuples d’agriculteurs, les phénomènes météorologiques devaient avoir
une très grande importance; rappelons-nous la présence de la Déesse aux léopards de Ҫatal Hüyük
dans une réserve de céréales ! Ainsi on pourrait interpréter certaines représentations ou gravures
comme des symboles liés à la pluie (cupules), au soleil (soléiformes), à l’eau courante
(serpentiformes)… Autant d’occasions, au cours de ces rites, de demander aux esprits des Ancêtres et
à la Déesse-Mère d’intervenir en leur faveur!
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Cupule sur le site néolithique de Grandmont (Hérault)
Autel sacrificiel sur le site néolithique de Grandmont (Hérault)
3.2.3-La néolithisation atlantique et le peuplement de l’Europe Atlantique
En continuant leur périple, les colons du Cardial vont atteindre Valence vers -5600 et l’Andalousie où
certains vont habiter la cueva de Nerja, qui a été occupée depuis le Gravettien. Elle a livré de la
céramique cardiale datée de -5500. En continuant ils vont passer le détroit de Gibraltar vers -5500
pour se diriger, soit au sud vers le Maroc, soit au nord en longeant la côte occidentale de la péninsule
ibérique.
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Le détroit de Gibraltar (à gauche les côtes marocaines, à droite espagnoles)
Les colons néolithiques vont remonter les côtes atlantiques vers le nord et atteindre le Portugal et le
Nord de l’Espagne (Galice) vers -5400 -5300. On ne possède pas beaucoup de données fiables
chronologiquement pour la péninsule ibérique mais on pense qu’ils arrivent dans un pays où se
dressent déjà des « menhirs » et des stèles. Les sites du Néolithique ancien en Vendée, nous indique
qu’ils arrivent sur les côtes atlantiques françaises aux environs de – 5400 -5200. C’est un site d’estran
où arrivèrent les premiers agriculteurs d’origine méditerranéenne par cabotage. La datation obtenue
sur des charbons indique un intervalle entre -5400 et- 5200. Les fouilles ont dégagé une fosse
circulaire de 4 m de diamètre, riche en matériel archéologique, sans doute les vestiges d’un fond de
cabane comme des fragments de poterie rondes avec décors à incisions, impressions et à la coquille
de cardium. Ces colons arrivent sur les bords du sud-est de la mer du Nord vers -5300 -5200, en
Belgique et aux Pays-Bas (site de Swifterbant) et vers -4800 dans le sud de la Scandinavie sur les
rivages de la mer Baltique où ils établissent des « fermes ». Les Iles Britanniques souffrent d’un
manque de sites archéologiques concernant l’arrivée des premiers colons pré-mégalithiques ; mais,
comme pour les régions côtières à l’est de la mer du Nord, beaucoup de vestiges ont disparu à cause
de l’élévation du niveau de la mer. Néanmoins, il est probable que la Néolithisation des Iles
Britanniques appartienne au même courant que celle de l’Armorique et du nord-ouest européen ;
des indices de déforestations dues à l’agriculture apparaissent vers -5000 ce qui situerait l’arrivée
des premiers colons vers -5300 -5200 comme pour la Belgique ou les Pays-Bas. Toutes ces régions
côtières sont habitées par des populations mésolithiques importantes comme nous l’avons vu
précédemment.
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La néolithisation atlantique (d’après l’Encyclopedia Universalis)
C’est dans le Morbihan que l’on a retrouvé des vestiges archéologiques pouvant expliquer comment
s’est faite la néolithisation des côtes atlantiques. Les plus anciennes traces de cette arrivée dans le
Golfe du Morbihan sont celles d’un défrichement et de cultures à la pointe sud de la presqu’ile de
Locmariaquer. Le littoral est occupé alors par des tribus mésolithiques de chasseurs-cueilleurs-
pêcheurs comme en témoignent les vestiges archéologiques trouvés sur les iles de Hoëdic et Téviec.
Ainsi dans l’ile de Téviec, on a pu reconstituer des habitats mésolithiques comprenant une véritable
nécropole de 10 tombes pour 23 défunts aménagées dans des amas coquilliers qui ont livré divers
déchets organiques provenant de leur alimentation et des outils lithiques. Ces sépultures
contenaient des parures, de l’outillage en pierre et en os et des armatures de flèches tranchantes à
affinité néolithique méditerranéen et ibérique prouvant qu’il y a eu des contacts et des échanges
entre les populations mésolithiques et les colons néolithiques. Ce recouvrement est confirmé par les
datations qui vont du VIe millénaire à la première moitié du Ve.
Ces sites nous permettent d’envisager un scénario que l’on peut appliquer du Portugal jusque dans la
Baltique pour la genèse des peuples mégalithiques : arrivée de colons néolithiques sur un littoral
occupé par des populations de chasseurs-cueilleurs-pêcheurs mésolithiques qui vivent de la pêche et
du ramassage de coquillages, de crabes et de la chasse (mammifères, oiseaux). Après une phase de
prise de contacts, plus ou moins facile, pendant laquelle on s’échange des coups et/ou des
cadeaux, puis des produits de la pêche et de la chasse contre de la viande issue de l’élevage et des
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produits agricoles, succéderait une phase d’assimilation (culturelle et génétique) qui pourrait durer
de l’ordre du demi millénaire voire du millénaire plus au nord, pour aboutir à une population
hybride, que l’on peut appeler mégalithique, dotée d’une culture propre issue de cette acculturation
réciproque, et caractérisée par:
l’héritage mésolithique qui se traduira d’abord par l’érection de pierres levées ou menhirs
servant à marquer le territoire de chasse ou des lieux de culte en formant des cercles de
pierres levées ou cromlechs, puis par la construction de tombes collectives sous tumulus,
continuation évidente des amas coquilliers.
l’héritage proche-oriental se traduira par l’adoption de l’agriculture, de l’élevage (bien qu’il
puisse subsister une part non négligeable de la nourriture issue de la chasse et de la pêche
surtout dans les régions les plus septentrionales), de la poterie et de la « religion », ou plutôt
le culte de la Déesse-Mère et de son parèdre masculin, le Dieu-taureau ( ?), auquel on
ajoutera les symboles liés à la nouvelle économie, hache, araire, crosse….
Génétiquement, ces populations hybrides posséderont plus fréquemment les haplogroupes
Y-ADN suivants : R1b, I2b, (d’origine mésolithique) et G2a, E1b1b d’origine proche orientale.
Toujours dans le Morbihan, on a retrouvé des traces du culte des Ancêtres: dans une fosse datée de -
5000 environ et située juste en dessous du tumulus d’Er Grah à Locmariaquer, des carcasses de deux
bovins domestiques avaient été enterrées et donc, semble-t-il, sacrifiées. Le taureau ou le bœuf
aurait toujours cette force symbolique, liée au sexe masculin, que les colons néolithiques continuent
à sacrifier pour s’attirer les « bonnes grâces » des esprits des ancêtres ! Ces colons sont sans doute
les auteurs des gravures sur une stèle qui a été reconstituée à partir des dalles de couverture des
dolmens de Gavrinis et de la Table des Marchands ? Il s’agit :
- d’un araire, symbole de la culture céréalière (cette gravure a été interprétée comme un
cachalot !!!)
- de bétail, sans doute un bovin et un ovin, symbole de l’élevage,
- d’une « crosse » que nous interprétons comme la houlette du berger, qui est le symbole du
pasteur,
- et d’une hache symbole du défrichement de la forêt avant la mise en culture de la terre.
Ces symboles sont tellement évidents que l’on peut se demander comment certains archéologues
peuvent prendre des vessies pour des lanternes ! Sur une autre stèle dont on s’est servie comme
dalle de chevet de la chambre funéraire du dolmen de la Table des Marchands, et qui doit donc dater
de la même époque que la précédente, est gravée ce que l’on appelle une idole en écusson,
interprétée comme une Déesse-Mère, recouverte de 4 rangées de crosses (une cinquantaine au
total). Les critères d’interprétation sont la forme anthropomorphe et la figuration d’une chevelure
entourant le haut de la stèle ; en effet on a déjà observé à Jéricho et Aïn Ghazal au PPNB des statues
modelées en chaux sur âme de roseaux qui ont une « chevelure » en fibres végétales sur le haut de
la tête, collées avec du bitume.
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La Déesse-Mère(ou idole en écusson) aux crosses de la Table des Marchands
A partir de cette néolithisation littorale, le problème va être de décrire les processus qui ont abouti
au peuplement européen que l’on constate actuellement.
Sur la façade atlantique de la péninsule ibérique, nous n’avons peu d’informations sur la période dite
pré-mégalithique : il semble qu’elle corresponde à la période d’érections de menhirs et de stèles
dans le nord-ouest de l’Espagne et du Portugal. Cette période peut remonter au 6eme millénaire.
Puis on trouve des tumulus sans structure mégalithique (équivalents aux longs tumulus ?).
Apparaissent entre -4500 et -4000, divers types de monuments mégalithiques : dolmens avec ou sans
couloir, au nord du Portugal (Minho, Douro littoral et Tras os Montes) et de Galice espagnole
forment un ensemble cohérent et représente une des plus forte concentrations en monuments
mégalithiques de toute la péninsule ibérique. Les tumulus circulaires constitués de terre et de petites
pierres, appelés « mamao » en portugais sont très nombreux et forment de vastes nécropoles sur les
hauteurs. Les dolmens à l’intérieur du tumulus possèdent le plus souvent une chambre polygonale
sans couloir d’accès. Il existe aussi de véritables dolmens à couloir mais ceux-ci sont toujours courts
et seraient postérieurs aux précédents. Il faut noter la rareté de menhirs sur ces nécropoles, ceci
serait du à leur incorporation dans la construction des dolmens, phénomène que l’on décrira à
Locmariaquer. Tous ces dolmens sont richement décorés, peints et/ou gravés. En Euskadi, les
dolmens sont nombreux et affectent des plans différents allant des dolmens à couloir, peu
nombreux, aux dolmens simples et aux coffres en passant par des monuments plus ou moins
allongés à chambre trapézoïdale plus large vers le fond, dans un tumulus ovale limité par de grosses
pierres (La Venta de Arraka). Dans le sud du Portugal, en Alentejo, les dolmens à couloir sont très
nombreux et de grandes dimensions mais rarement peints et gravés ; par contre, cette région,
30
notamment à Evora, est riche en menhirs isolés, de cromlechs ou d’alignements, gravés et peints.
Dans le sud de l’Espagne, on trouve de très beaux dolmens à couloir décorés comme celui d’Alberite,
près de Cadix, en Andalousie. Pendant tout le Néolithique ancien et moyen et à partir du nord-ouest
de la péninsule ibérique, les peuples mégalithiques vont migrer en Catalogne à l’est, au sud et au
centre, sur la Meseta, mais ne vont pas atteindre le centre-est ouvert sur la façade méditerranéenne
(région de Valence). Sans doute, cette région était occupée par les descendants des colons du
Cardial, les Ibères, à l’instar des Chasséens en France méridionale. La grande différence avec le
mégalithisme centre atlantique et ibérique est la présence de décorations sur pratiquement tous les
monuments: peintures, gravures et souvent les deux à la fois. Récemment, la peinture noire à base
de charbon végétal a permis de dater celle-ci grâce au 14C et d’établir une chronologie de ces
monuments. On pense que les mégalithes armoricains ont été également peints à l’origine mais que
les conditions climatiques beaucoup plus défavorables sont responsables de leur disparition.
En France la question est de savoir comment les 3 courants de néolithisation vont se partager son
territoire. Il est acquis que les colons du Rubané ou LBK (Linearbandkeramik en allemand) arrivent en
France vers -5200, époque à laquelle ils s’installent sur les sols lœssiques de la plaine d’Alsace en
remontant les vallées de la Moselle et de l’Aisne venant de Belgique. On a défini ensuite un Rubané
Récent du Bassin Parisien (RRBP) qui occupe les vallées de l’Oise, de la Seine et de la Marne entre -
5100 et -4900. A l’heure actuelle, les archéologues français proposent une expansion d’une culture
fille de ces rubanés dans l’ouest de la France appelée VSG (Villeneuve Saint Germain). Cette
hypothèse soulevant de nombreux problèmes, elle va les entrainer à imaginer l’intervention des
Chasséens issus du Cardial dans le nord de la France ! En fait, après un examen critique des sites VSG,
nous pouvons proposer une autre interprétation de l’occupation du territoire français au
Néolithique ancien. En effet, il nous semble évident que les colons rubanés aient été stoppés dans
leur migration vers l’ouest, le long des cours d’eau, par des populations mégalithiques, issues du
métissage entre les Mésolithiques et les premiers agriculteurs, comme nous l’avons décrit
précédemment, arrivés un ou deux siècles auparavant sur le littoral, et qui commençaient à se
répandre à l’intérieur des terres en remontant eux aussi les cours d’eau et les fleuves dans leurs
pirogues. Rien ne prouve que les premiers contacts aient été violents, au contraire, ils devaient être
teintés de curiosité car les deux ethnies possèdent beaucoup de points communs : ce sont tous des
agriculteurs-éleveurs qui vivent dans des villages d’une centaine d’habitants ou plus, avec, autant
qu’on puisse en juger, des structures sociales égalitaires, sans grande spécialisation entre les
individus et donc sans guerriers ni de chef pour les commander ! De plus, ces colons devaient avoir
un langage proche car ayant la même origine anatolienne (nous n’emploierons plus le terme indo-
européen car devenu caduque) et un fond « religieux » identiques. Ces contacts ont pu se traduire
assez vite par des échanges de cadeaux puis par des échanges culturels et des « mariages ». Nous
aurions ainsi un nouveau partage du territoire : deux zones culturelles originelles séparées par une
zone de contacts fluctuante avec des caractéristiques mixtes. Nous pouvons résumer ainsi le
peuplement du centre ouest et du nord-ouest de la France : à partir de plusieurs centres littoraux
situés entre le golfe du Morbihan et la Normandie, puis la Belgique, les « mégalithiques » vont
coloniser puis défricher pour cultiver leurs nouveaux territoires. Les principales caractéristiques de
cette culture mégalithique ancienne sont les suivantes :
-l’existence de maisons communautaires trapézoïdales avec, à proximité, la présence de menhirs
31
-l’inhumation des défunts se fait dans un caveau (les parois sont montées en pierres sèches) ou un
coffre (les parois sont des dalles posées de chant) recouvert d’un tumulus
-la céramique est ornée de cordons en V
-la parure est composée en partie de bracelets en pierre.
Tous les sites répondant à ces critères nous permettent de dessiner l’aire d’occupation de la culture
atlantique au Néolithique ancien en France : à l’ouest, le littoral atlantique, de l’Aquitaine, à la
Vendée et à toute la Bretagne, avec ses sites bien connus, au centre, la vallée de la Loire avec des
vases entiers remontés du lit du fleuve, l’habitat du Boulerot à Beaufort en Vallée, au nord, le littoral
de la Basse Normandie et la plaine de Caen jusqu’à la vallée de la Seine avec tous les sites
faussement VSG comme celui du Haut Mée et à l’est, les confins orientaux du Bassin Parisien.
L’évolution culturelle des coutumes funéraires de ces populations hybrides en France va les conduire
à construire entre -5000 et -4700 de petits tertres circulaires de 5 à 7 m de diamètre avec de petites
dalles disposées en écailles recouvrant le coffre sépulcral rectangulaire ou circulaire fait en pierre, en
bois ou en terre. Une structure semblable a été retrouvée sous le tumulus Saint Michel à Carnac. Au
tout début du Néolithique moyen, apparait le vrai Mégalithisme et sa première monumentalité
funéraire, réservée à quelques individus, caractérisée par des « longs tumulus ». Ce type de
monuments se rattache au mégalithisme alors qu’il ne fait appel qu’à très peu de « grosses pierres »
dans sa construction : c’est celui des enclos fossoyés et des tertres allongés qu’on peut appeler longs
tumulus, (certains peuvent avoir 350 m de long !) qui peuvent recouvrir un ou plusieurs caveaux ou
coffres en pierres sèches ou de fosses creusées dans le sol. Citons les structures de type Passy dans
l’Yonne, de Rots en Normandie ainsi que celle de Sarceaux dont le plan est superposable aux enclos
fossoyés du centre du Bassin Parisien, de Lannec et Gadouer en Bretagne, de La Jardelle en Poitou, et
toutes celles, nombreuses, entre Loire et Gironde : tombe de la Demoiselle du Thou et tertre du
Crucheau en Charente maritime, le tertre de Péré dans les Deux Sèvres… Dans le sud de la Bretagne
(Golfe du Morbihan), on rattache à ce type de structures de véritables collines artificielles que l’on
appelle « dolmens carnacéens » (mais cette appellation doit être abandonnée). On pense qu’ils sont
réservés à quelques individus de rang social important car ils sont inhumés avec des objets de
prestige (haches polies en jadéite provenant des Alpes, perles en variscite de la péninsule ibérique...).
C’est à la même époque qu’apparaissent des tombes collectives comme à la Goumoiziére (Vienne) où
l’on a retrouvé cinq coffres enterrés sous un tumulus et de la céramique de type Chambon datées de
-4900/-4400. Apparaissent également des sépultures sous dalle de type Malesherbes, comme celle
d’Orville dans le Loiret, datée de -4600/-4400, qui a livré 20 inhumations sous une dalle de
couverture de grès pesant 20 t. Elles sont rattachées aux longs tumulus car on a retrouvé des traces
d’un tertre bas. On pourrait rattacher également le monument funéraire de l’Ouche-de-Beauce à
Maisse dans l’Essonne, de Sainte Pallaye dans l’Yonne comme des longs tumulus « primitifs », mais il
faudrait revoir leur datation. Notons que Maisse est situé à mi-chemin entre le site éponyme de
Cerny et Malesherbes dans la vallée de l’Essonne, soit à une dizaine de km de chacun des deux sites !
De -4500 à -3500 sont érigés de la Charente à la Normandie et à la pointe du Finistère, les dolmens à
couloirs recouvert d’un tumulus en terre ou d’un cairn en pierres sèches et les menhirs. Ce couloir
dans le tumulus ou le cairn est l’accès pérenne qui permettra des inhumations successives dans la
chambre funéraire protégée par une ou plusieurs dalles de pierre posées sur des piliers verticaux
32
(orthostates). Il existe plusieurs types de monuments : tumulus circulaires à 1 ou 2 couloirs,
quadrangulaires à 1 ou 2 couloirs, ou à couloirs et chambres multiples.
Carte du Néolithique ancien revue et corrigée (d’après La révolution néolithique en France de JP
Demoule)
33
Dolmen de Kercado, avec son tumulus, et ses menhirs, Morbihan
L’apogée des menhirs se situe vers -4000. Le record de taille est détenu par le Grand Menhir de
Locmariaquer qui pèse 280 t et mesure 8 m de haut. Ils peuvent s’organiser par paire, en files ou en
enceintes : les alignements de Carnac se composent de files (jusqu’à 11) s’appuyant sur des
enceintes sub-quadrangulaires ou ovoïdes à une extrémité ; ils pourraient matérialiser des allées
convergeant vers des enceintes cérémonielles qui se trouvent à chaque extrémité.
Le Grand menhir de Locmariaquer, Morbihan
Il s’est passé un changement culturel important au Néolithique moyen, aux alentours de -4500 ; il y a
eut un abattage systématique des stèles (qui sont décorées au contraire des menhirs et donc
représentant des valeurs désormais proscrites ?) et certains morceaux ont été réemployés dans la
construction des dolmens à couloir. Ce phénomène n’est pas limité à la France, on se pose même la
question de savoir si le fait de ne pas trouver de menhirs et de stèles dans le nord-ouest de la
Péninsule Ibérique n’est pas du à leur incorporation dans ces mégalithes. La destruction des stèles et
le début d’une nouvelle architecture (les dolmens à couloir) sont des événements qui semblent
34
concomitants et qui posent nombre de questions. A Locmariaquer, une stèle avec idole en écusson a
été mise en valeur en devenant la dalle de chevet du dolmen de la Table des Marchands.
Table des marchands avec son tumulus reconstitué et sa dalle de chevet, Locmariaquer
Par contre, d’autres sont ignorés et placés dans des endroits invisibles après la construction, comme
au verso de certaines dalles à Gavrinis ! Dans ce couloir du dolmen de Gavrinis, on peut distinguer les
décors anciens repris dans la construction du monument, de ceux de « style de Gavrinis »,
contemporains. L’essentiel du décor de style de Gavrinis est formé par des séries d’arceaux convexes
emboités interprétées comme l’idole en écusson avec ses boucles latérales et son rostre sommital ;
viennent s’y ajouter d’autres gravures représentant des haches, emmanchées ou non, des soleils, des
crosses, des signes dits corniformes (sans doute à rapprocher des bucranes de taureau), des
chevrons, des spirales, des losanges… Ceci veut tout simplement dire que les décors cachés ne
rentrent pas dans la composition décorative globale du couloir au moment de sa conception ! Ce qui
implique que le décor et son agencement ne sont pas dus au hasard et qu’ils sont donc le reflet des
croyances des constructeurs.
35
Dolmen de Gavrinis, Morbihan
Les dolmens seraient donc, à la fois un monument funéraire mais également un lieu de culte réservé
aux inhumations. Par rapport au début du Néolithique moyen, on passerait de lieux cérémoniels
extérieurs de grande dimension à d’autres intérieurs et extérieurs, plus petits, même en tenant
compte du tumulus qui garde le plus souvent un caractère ostentatoire mais exclusif des cérémonies
funéraires. Le couloir n’aurait donc pas qu’un aspect « pratique » pour accéder à la chambre
sépulcrale mais aussi un aspect symbolique de passage entre la vie et la mort, un accès au monde
parallèle des Ancêtres ! Il est curieux de noter qu’un des premiers dolmens à couloir (celui de
Kercado) soit entouré d’un cercle de menhirs et qu’un autre soit planté au sommet de son tumulus,
ce qui s’expliquerait par la persistance du marquage des lieux « omni-cultes » par des menhirs ou des
stèles comme à la période précédente, avant -4500. Toujours à Gavrinis, on a retrouvé des traces de
l’incendie de structures en bois sur le parvis juste avant sa fermeture supposée vers -3500. Ces
structures en bois, dont on retrouve assez souvent des traces, pouvaient être celles d’un bûcher sur
lequel on brulait incomplètement les corps des défunts pour les décarniser, puis les ossements ou ce
qu’il en restait, étaient placés dans la chambre funéraire et , plus tard, sans doute enlevés pour faire
de la place pour d’autres, puis enterrés dans des fossés ou d’autres fosses comme on le verra plus
tard à Stonehenge? Un autre moyen de décarnisation consistait à déposer les corps (pas plus d’une
dizaine et sans distinction d’âge et de sexe) sur le dallage de la chambre sépulcrale en position fléchie
jusqu’au pourrissement des chairs. Parmi tous les rites funéraires qui se déroulaient devant l’entrée
du couloir, il y avait un dépôt d’offrandes: on y retrouve beaucoup de tessons de poterie ; celles-ci
devaient contenir des aliments pour accompagner le défunt dans son voyage vers le monde des
esprits. Des changements dans l’architecture des chambres funéraires, par adjonction de cellules
annexes ou par compartimentage, ont permis d’augmenter notablement le « stockage » des
ossements et même de les classer, à l’intérieur du monument. Corrélativement à cette nouvelle
36
architecture funéraire, qui permettait d’enterrer toute la communauté et pas seulement une élite
comme auparavant, il a bien fallu réserver des espaces pour célébrer tous les autres rites du culte :
offrandes et sacrifices à toutes sortes d’esprits qui, selon eux, géraient la pluie, le soleil ou tout autre
phénomène météorologique dont dépendait la récolte, la nourriture pour le bétail, etc. C’est dans un
but uniquement cérémoniel que nous pourrions donc interpréter les alignements de Carnac. Ces
sites de rassemblement devaient également servir pour des réunions à but social comme les
« mariages », les réunions inter-villages, les annonces publiques, etc.
Ilot d’Er Lannic et ses cromlechs
Nous pensons que les cromlechs ont remplacé les énormes enceintes fossoyées ou tertres allongés
de la période précédente pour toutes ces cérémonies. Les cromlechs de l’ilot d’Er Lannic, formant
deux cercles tangents de menhirs, sont en partie sur l’estran et sous le niveau marin ; il se peut qu’à
l’origine, il n’y avait qu’un seul cercle, puis, à cause de la montée de la mer, un autre a été construit
un peu plus loin dans les terres; l’ilot présente des traces d’une fréquentation intensive comme
habitat et site industriel comme l’indique un nombre impressionnant de tessons de poteries de type
Castellic et des milliers de silex taillés et d’objets divers retrouvés sur place. Considérant la proximité
de l’ile de Gavrinis, on pourrait fort bien imaginer que la population de cette communauté a vécu et
célébré ses rites cultuels dans cette double (ou simple) enceinte d’Er Lannic et a enterré ses morts
dans le dolmen voisin de l’ile de Gavrinis ! De même, la présence de cromlechs associés aux
alignements de menhirs à Carnac fait penser à des monuments cultuels très sophistiqués, mais sans
rites funéraires.
37
Alignements de Kermario à Carnac (Morbihan)
Pourquoi les Mégalithiques ont-ils changé leurs cérémonies cultuelles aussi brutalement vers -4500?
Si on admet que ce n’est pas pour des raisons externes, il faut invoquer des causes sociales. En effet,
la population a sans doute réclamé de se faire enterrer selon les rites du culte qu’on leur imposait,
pour bénéficier d’une « place » dans le monde des Ancêtres, peut être un début de démocratisation !
On trouve des dolmens et des menhirs en région parisienne bien qu’ils soient beaucoup moins
nombreux, peut-être à cause d’un fort taux de destructions selon certains. Citons le dolmen du
Berceau à Saint Piat (Eure et Loir) qui présente la particularité d’être gravé. Ces gravures sont très
proches de celles que l’on trouve en Armorique : haches, crosses, idole en écusson, serpentiformes …
Tout un groupe de menhirs ornés des mêmes motifs ont été érigés dans le sud de la Bourgogne, à
Epoigny en Saône et Loire. Si les menhirs jouent bien leur rôle de marqueurs territoriaux qu’on leur
attribue, nous pouvons en déduire que la « frontière » avec les Chasséens n’était pas très loin ! En
effet, ces derniers, venant du sud en remontant la vallée de la Saône, s’étaient établis à Chassey,
situé à seulement 12 km à l’Est d’Epoigny, et site éponyme de cette culture ! Nous pouvons essayer
de tracer les limites de l’expansion de la culture mégalithique à la fin du Néolithique moyen. Par
rapport aux Chasséens elle occupe une ligne qui va du nord de la Gironde à l’ouest, au nord du
Massif central vers Montluçon (le site de Beaumont à Clermont Ferrand est chasséen) puis traverse
l’Allier, la Nièvre et la Saône et Loire de Moulins à Montceau-les-Mines, puis remonte au nord le long
des coteaux à l’ouest de la vallée de la Saône jusque dans l’ouest de la Côte d’Or. Plus à l’est, le
piémont du Jura et la plaine de la Saône sont occupés par le NMB (Néolithique Moyen Bourguignon
de la littérature), le Haut Jura et la Suisse par le Cortaillod, célèbre pour ses cités lacustres ; ces deux
cultures sont issues du Chasséen ancien. Les rites funéraires du Cortaillod et du NMB vont de la
sépulture en grottes à des inhumations collectives dans des coffres en pierre appelés « cistes de type
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Chamblandes » du nom du site suisse. Citons comme exemple la nécropole de Thonon les Bains en
Haute Savoie où l’on compte 115 tombes, soit en pleine terre, soit en coffres avec ou sans dalle de
couverture avec peu d’objets déposés à part quelques perles. En Bourgogne, en Bresse et sur le
plateau du Jura on trouve de nombreux camps et éperons barrés avec fossé et levées de terre
formant rempart (et même armée de bois à Vitteaux en Côte d’Or, sans doute une palissade). On
trouve des maisons le long de ces remparts. Tout ceci montre de fortes affinités avec le Chasséen
méridional que l’on a vu au paragraphe précédent. Plus au nord, par rapport à la culture Michelsberg
issue du Rubané, les limites sont beaucoup plus floues : les confins orientaux du Bassin Parisien puis
plus au nord, l’est de la région Rhin-Meuse-Escaut, comme nous le verrons dans le chapitre suivant.
Menhirs d’Epoigny (Saône et Loire)
A partir du Néolithique récent (ou Chalcolithique) soit de -3500 à -2500 environ, on observe dans le
nord de la France, une dégénérescence des dolmens à couloir en dolmens simples de petite
dimension et recouverts que d’une seule dalle et l’apparition d’allées couvertes qui sont de
véritables sépultures collectives pouvant mesurer 10 à 20 m de long, sous des tumulus en élévation
par rapport au sol, et dans lesquelles on retrouve de nombreux corps. Par évolution sans doute, tout
le nord de la France va se couvrir de dolmens simples et d’allées couvertes jusqu’en Champagne et
en Bourgogne; leur nombre est plus restreint en Lorraine où commence à se faire sentir l’influence
de la culture de la Céramique Cordée. Trois cultures occupent le nord-ouest français: la plus notable
est l’Artenacien qui est caractérisé par des villages à remparts de pierre et de terre et de grandes
maisons pouvant dépasser 100m de long. Une A côté des allées couvertes, on trouve en Bretagne,
plus au sud dans la vallée de la Loire et en Vendée des « dolmens angevins » dont la construction a
débuté au Néolithique moyen (comme le dolmen de la Fontaine de Son dans la Vienne) ; ils peuvent
être gigantesques avec des dalles pouvant peser cent tonnes. La chambre, carrée ou rectangulaire
est précédée d’un trilithe (porche formé de 3 pierres) pouvant être fermé par une porte. Dans le
Bassin Parisien, les sépultures collectives ont été regroupées sous le terme d’ « allées sépulcrales» de
la culture « Seine-Oise-Marne » ou SOM. Ce sont des monuments rectangulaires allongés dont le sol
est couvert de dalles dont certaines sont gravées (Déesse-mère avec collier et paire de seins,…). On a
retrouvé quelquefois plusieurs centaines d’individus. D’autres sépultures, en majorité dans la Marne,
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sont complètement enterrées, elles sont dites hypogées et sont dépourvues de tout élément
mégalithique.
Dolmen simple de Rostudel (cap de la chèvre, Finistère)
Les sépultures à entrée latérale sont très proches des allées couvertes mais ont une entrée latérale
et non pas dans l’axe de la chambre funéraire allongée ; on en trouve dans la France de nord-ouest et
également aux Pays Bas (hunebedden), en Allemagne du nord et au Danemark. Nous pourrions
expliquer ce changement d’architecture funéraire par une évolution de la démographie: si l’on admet
que les dolmens du Néolithique moyen étaient des monuments cultuels imposants et qui ont
nécessité une main d’œuvre importante à leur construction, il devient plus difficile de les bâtir quand
la population se réduit car dispersée sur tout le territoire dans de petits villages. On a donc eu
recours à deux types de monuments funéraires dont la construction ne requérait pas une main
d’œuvre excessive : les dolmens simples et les allées couvertes. Les dolmens simples sont petits et
ont une chambre qui donne directement sur l’extérieur par une échancrure dans le tumulus, ce qui
permet d’y déposer des corps comme dans les dolmens à couloir ; les allées couvertes ont une
chambre très étirée qui communique avec l’extérieur par un petit vestibule ce qui permet de déposer
un grand nombre de corps. Dans ces deux types de monuments il y a une « féminisation » très nette
de l’ « idole en écusson» : celle-ci est représentée avec un collier et des seins, soit en gravure, soit en
statue-menhir.
De la Belgique à la Baltique, nous allons appliquer le même modèle de néolithisation que celui défini
sur le littoral atlantique au Néolithique ancien avec une phase de prise de contacts et une phase
d’assimilation. Les colons néolithiques arrivent d’abord dans la région du delta du Rhin (ou Rhin-
Meuse-Escaut) entre -5300 et -5200 et vers -4800 dans le sud de la Scandinavie où ils établissent des
« fermes ». Ces régions sont habitées par des populations mésolithiques importantes comme en
témoignent les vestiges archéologiques et notamment les køkkenmøddinger au Danemark qui sont
des énormes accumulations de coquilles d’huitres et autres déchets de poissons, mammifères,…
(Shell middens ou shell mounds en anglais), comme on l’a déjà vu sur le littoral du Portugal et de
l’Armorique. Après ces premiers contacts, la phase d’assimilation va aboutir à des cultures
Mégalithiques de la Belgique à la Scandinavie. Comme pour le nord de la France, le peuplement de
cette région n’est pas clair car la plupart des archéologues: soit ils ont confondu, surtout en Belgique,
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les cultures prétendument issues du LBK avec celles issues du mégalithisme, comme cela s’est passé
dans le nord de la France avec le groupe VSG, soit, ils n’ont pas fait l’hypothèse de l’assimilation des
premiers groupes d’agro-pasteurs issus de la tradition cardiale avec les chasseurs-cueilleurs
mésolithiques locaux vers -5300 -5200. Les cultures mégalithiques résultantes se sont mises à
produire leur propre céramique en faisant appel à des techniques très différentes de celles du LBK,
par exemple, l’emploi de dégraissant organique (collagène) issu du broyage d’os et le type de vase à
base conique inconnu au LBK. En réalité, le front de la néolithisation danubienne, comme plus au sud
en France, s’est arrêté dans les régions lœssiques, à la périphérie des régions côtières qui étaient
déjà colonisées. Au Néolithique ancien, tout le sud de la Belgique, de l’ouest des Flandres, à la
Wallonie, et aux Ardennes et sans doute une partie du nord de la France, l’ouest de la Picardie et de
la Haute Normandie, était occupée par la culture de Blicquy, très proche du VSG, la région du delta
du Rhin par celle du Limbourg, le nord de la Belgique et les Pays-Bas par celle de Swifterbant et enfin
de l’Allemagne du nord à la Baltique par celles d’Ertebølle et d’Ellerbek. Toutes ces cultures
« mégalithiques » n’ont livré que peu de monuments funéraires. A Blicquy, on a dégagé une grande
maison communautaire trapézoïdale de 32 m sur 6 et 3 m de large, composée d’un espace vie, d’un
enclos, d’un espace de stockage et d’un atelier de taille de silex.
Au Néolithique moyen, il faut aller dans le massif calcaire du Hainaut belge pour trouver, dans la
vallée de la Meuse, un site qui a livré une sépulture collective avec des tessons de céramique
Michelsberg, l’abri des Autours. Les archéologues qui ont effectué les fouilles et en l’absence de
datations précises, pensent que ce sont des gens du groupe Michelsberg, issu du LBK, qui ont
reproduit le rite funéraire des sépultures collectives datant du Mésolithique et, donc, concluent
qu’une culture nouvelle n’engendrent pas forcement l’abandon des façons de penser des cultures
précédentes !
Vallée de la Meuse près du site des Autours, Belgique
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En fait, à la lumière de notre modèle de la néolithisation, nous pensons qu’il s’agit plutôt d’une
sépulture d’une culture « mégalithique » avec de la céramique venant d’échanges ou de cadeaux
avec leurs voisins « danubiens ».
La culture de Swifterbant donnera par évolution au Néolithique moyen, le groupe de Hazendonk qui
dure de -3800 à -3500, et qui serait responsable, au moins en partie, des 120 sites mégalithiques de
Belgique et des 52 aux Pays-Bas. La céramique est caractérisée par des décors faits avec les doigts
sans organisation apparente. L’industrie lithique est très semblable à celle du Michelsberg, ce qui
prouve encore une fois l’existence de liens interculturels.
Au nord, la culture d’Ertebølle donnera au Néolithique moyen, par évolution sur place, celle des
vases en entonnoir (ou TRB ou Trichterbecherkultur). Cette culture TRB (rappelons qu’elle fait partie
pour nous des cultures dites mégalithiques) se rencontre essentiellement en Europe septentrionale
et centrale entre -4200 et -2600: bassin de l’Elbe en Allemagne, en Bohême, dans toute la
Scandinavie et le bassin de la Vistule. Elle est caractérisée par la part de nourriture venant de la
chasse et de la pêche quasi nulle. Elle vivait de l’élevage et de la culture de l’engrain et de l’orge.
Cette culture des vases à entonnoir est responsable du mégalithisme sur les côtes de la Baltique et
du nord de la Mer du Nord. C’est au Danemark qu’a été établie une chronologie d’apparition de ces
monuments : les premiers à apparaitre sont les longs tumulus, il y a même un recouvrement entre
ceux-ci et les « shell mounds » dans le Jutland. Ces longs tumulus en terre recouvrant des coffres en
pierres en général sont accompagnés de tombes plates ou « flat graves », peut être la marque d’une
hiérarchie sociale : les premiers pour une élite, les seconds pour un rang social inférieur ou la famille
du « chef » ou plutôt l’officiant du culte? Certains longs tumulus peuvent recouvrir une simple fosse
ou des coffres en bois comme à Barkaer dans le Jutland. Leur apogée se termine vers -3500 et sont
remplacés par des dolmens simples à petites chambres en granit puis par des dolmens à couloir
jusqu’en -3100. Dans le même temps, ils construisent des enceintes composées de fossés doublés de
palissades entourant de grands espaces où, pense-t-on, se réunissaient les membres de la
communauté pour célébrer leur culte. Des traces de rites ont été retrouvées, comme des fosses que
l’on vidait et remplissait un grand nombre de fois de terre ; peut-être s’agitait-il d’endroits où les
corps se décomposaient, puis les os étaient placés dans les dolmens ou laissés sur place? Ces lieux de
rassemblement cultuels pouvaient aussi servir de sites défensifs, à Sarup on Funen, cette place était
située en haut d’une terrasse en hauteur entre deux cours d’eau. De -3100 à -2800, ces populations
construisent des tombes très mystérieuses, appelées « stone-packing graves ». Ce sont des
dépressions remplies de pierres, disposées par paire seule ou par rangées et précédée par une autre
fosse plus grande dite « chambre mortuaire ». A côté de Skive, une rangée atteint 1.7 km ! Le nom
TRB vient des céramiques caractérisées par leur partie supérieure en forme d’entonnoir, sans doute
pour boire ; un pot, celui de Bronocice en Pologne, est décoré de la plus vieille (-3500) représentation
d’un véhicule à 4 roues jamais découverte. Son industrie lithique était à base de silex et produisait de
belles haches dont certaines reproduisaient celles en cuivre de l’Europe centrale. Au Néolithique
récent, vers -3000, cette culture va évoluer vers une culture paneuropéenne qui va durer jusqu’en -
2200. Il s’agit de la culture de la céramique cordée qui doit son nom à sa céramique caractéristique,
décorée par impression de cordelettes sur l’argile crue avant cuisson. Elle occupe tout le Nord de
l’Europe continentale, y compris l’Alsace, la Pologne, la Russie (culture de Fatianovo-Balanovo), la
Scandinavie du sud (où elle prend le nom de « single grave culture »), la Scandinavie du nord décrite
comme « culture des haches de combat », les Pays Bas, la Suisse et l’Europe centrale (Allemagne du
42
sud, Bohême, Moravie, Saxe, Thuringe). Ses caractéristiques sont des sépultures individuelles sous
tumulus ; avec le temps de nouvelles tombes peuvent être creusées dans les anciens tumulus. Les
hommes sont inhumés avec des armes, des couteaux en silex, des marteaux, les femmes avec des
colliers de dents, des boucles d’oreilles en cuivre, des vases… Les habitats sont rares mais ils ont
montré que ces populations étaient de très bons agriculteurs et éleveurs. L’araire et les bœufs de
labour font leur apparition. Ils fabriquent des haches en pierre polie qui pourraient être des copies
de haches en cuivre des cultures voisines établies sur le Danube. En Scandinavie, ce sont des haches
naviformes en forme de bateau.
Ces faits appellent à faire quelques remarques : si nous admettons une arrivée des colons
néolithiques sur le littoral armoricain vers -5300 et la construction des premiers longs tumulus vers -
4700, la période d’assimilation aurait duré environ 600 ans ; sur le littoral de la Mer du Nord, pour
une arrivée vers -5200, les premiers longs tumulus apparaissent vers -4200 soit environ un
millénaire, c’est dire si la période d’assimilation est beaucoup plus longue que plus au sud. Bien sûr la
cause peut être due, soit à un manque de vestiges archéologiques par une insuffisance de
découvertes ou par destruction, soit par des populations issues du Mésolithique peu enclines à
changer leur mode de vie comme l’indiquerait la contemporanéité entre les shell middens ou shell
mounds avec les premiers longs tumulus !
Le peuplement mésolithique des Iles Britanniques est sans doute moins dense que sur le continent
du fait de leur situation insulaire, ce qui fait que notre modèle de néolithisation est beaucoup moins
évident dans ce cas. Au Néolithique ancien, des indices de déforestations dues à l’agriculture
apparaissent vers -5000 ce qui situerait l’arrivée des premiers colons vers -5300 -5200 en même
temps que la Belgique ou les Pays-Bas. Au Néolithique moyen, comme pour le Danemark, la
première monumentalité est celle des longs tumulus en terre recouvrant des coffres en bois ou en
pierres. Leur nombre fait que l’on appelle l’Angleterre le pays des « long barrows ». Puis, vers la fin
du Ve millénaire, apparaissent les dolmens à couloir. Au Néolithique récent, vers la fin du IVe
millénaire, apparaissent les « henges » qui sont des surfaces circulaires délimités par des cercles de
pierres dressées (cromlechs) ou des poteaux en bois et par un fossé interrompu pour une ou
plusieurs entrées. Les exemples les plus prestigieux se trouvent en Angleterre dans la plaine de
Salisbury avec Stonehenge, Woodhenge et l’ensemble mégalithique d’Avebury. La culture de
Windmill Hill serait responsable de ce type de monuments. C’est une population qui vivait entre -
3600 et -3000 de la culture du blé et de l’orge et de l’élevage de bétail et occupait le centre et le sud
de l’Angleterre. Stonehenge est le sanctuaire préhistorique le plus célèbre d’Europe et reçoit 1
million de visiteurs par an. Il est situé dans le sud de l’Angleterre, dans le comté de Wiltshire. Les
monuments présents sur ce site et dans les environs sont très nombreux et leur situation les uns par
rapport aux autres est complexe. Le monument principal fait de cercles de pierres est un cromlech.
C’est à la fin du IVe et pendant le IIIe millénaire que l’on va voir les menhirs s’organiser en cercle; à
l’origine c’étaient des poteaux de bois qui étaient disposés en cercle comme à Woodhenge, non loin
de Stonehenge. Le monument principal, donc les cromlechs, se trouve au centre d’un henge, sorte de
terrain circulaire, bordé d’une banquette circulaire et d’un fossé également bordé d’une banquette
mais moins élevée. Ce henge possède une seule entrée située au nord-est. Celle-ci donne sur
l’ « Avenue », marquée par des talus assez bas et des fossés, sorte de chemin en ligne droite sur
500m puis orienté vers l’Est pour rejoindre l’Avon. Une pierre se dresse à son départ, la pierre du
talon ou Heel Stone. A l’entrée même du monument git la Slaughter Stone qui devait être une des 2
43
pierres marquant l’entrée. Plus au nord, s’étend un tertre de terre rectiligne, le Cursus « ou allée
cérémoniale », long de 2.7 km et orienté vers Woodhenge et ses rangées circulaires de trous de
poteaux situé à 1km environ. On a pu définir 3 périodes de construction de Stonehenge:
1- Le henge proprement dit aurait été construit par les peuplades de la civilisation de
Windmill Hill (ainsi que le cursus). La période I va de -3200 à -2800. C’était alors un
espace circulaire fermé par un fossé profond de 2m et une levée de terre haute de 2m
(correspondant aux déblais du fossé), appelé henge, avec une seule entrée au nord est
marquée de 2 monolithes (un seul subsiste, Slaughter Stone ou Pierre des Massacres).
Ces henges pourraient être une évolution des cromlechs des périodes précédentes.
Près de l’entrée se dresse la Pierre du Talon ou Heel Stone. Au pied de la levée
principale du henge, on trouve 56 fosses d’1m de diamètre et d’1m de profondeur, bien
réparties sur tout le cercle, appelées les Trous Aubrey ou Aubrey holes, du nom de
l’archéologue du XVIIe siècle qui les a découverts ; pendant plusieurs siècles, ces fosses
ont servi à ensevelir des ossements humains incinérés auparavant ; d’autres fosses ont
été retrouvées dans le fossé et la levée du henge : nous nous trouvons peut être en
présence des restes funéraires venant des dolmens ? Sur ce même cercle se trouvent 2
espaces entourés d’un fossé appelés les « tumulus » nord et sud et sur lesquels se
dressaient un monolithe ; quelle était leur signification ? Toujours sur ce même cercle
on trouve 2 autres pierres levées appelées Station Stones. Il est très difficile de donner
une interprétation à ce type de vestiges en très mauvais état mais on peut s’aider
d’autres sites mégalithiques qui sont nombreux dans cette région. En effet, à 3 km se
trouvent les henges de Woodhenge et de Durrington Walls ; à la différence de
Stonehenge, ceux-ci contenaient des cercles de poteaux en bois. Celui de Durrington
Walls se prolongeait par une sorte d’ « avenue ». Ces cercles de poteaux ont été
interprétés des soutiens à un grand toit d’une construction communautaire ! Au nord
de Stonehenge, il existe un tertre de terre long de 2.7 km, le « Cursus ». Il parait
évident que tous ces sites étaient des lieux de rassemblement pour célébrer des rites
cultuels autres que funéraires. A quelques différences locales et évolutives près, cela
ressemble à ce que l’on peut voir à Carnac un millénaire plus tôt: des allées
cérémonielles convergeant vers des lieux de culte, matérialisés par des cercles de
pierre ou de poteaux de bois. De là, on peut conclure que le culte des ancêtres était
toujours en vigueur au début de la construction de Stonehenge.
2- Vers -2100 : les 2 cercles de pierre bleue sont construits par les peuples du
Campaniforme (ou Bell-beaker culture) qui arrivent dans les iles britanniques en -2500
en traversant la mer du Nord. Ces pierres viennent des Preseli mountains au sud-ouest
du Pays de Galles, soit à environ 225 km, par radeau de Milford Haven jusqu’au Bristol
Channel puis par des pirogues par les rivières. Ces 2 cercles n’ont pas été achevés.
D’autres pierres indiquées l’entrée du site primitif qui était orientée comme l’Avenue
par laquelle arrivaient les pierres bleues de l’Avon, c'est-à-dire dans la direction du
soleil levant au solstice d’été.
3- Les pierres les plus spectaculaires ont été édifiées à l’âge du bronze (de -2000 à -1550).
Il s’agit de grès de sarsen, provenant d Avebury à une trentaine de km au nord, où se
trouvent ces roches qui sont des blocs erratiques laissés sur place après la fonte du
glacier de la dernière glaciation. Le transport, uniquement terrestre, a du s’effectuer
44
par tirage par des centaines d’hommes d’un énorme traineau se déplaçant sur des
troncs d’arbre. On a déjà édifié les 5 trilithes les plus grands (un linteau posé sur 2
orthostases) disposés en forme de fer à cheval avec le côté ouvert vers l’entrée, puis
démantelé le double cercle de pierres bleues, puis édifié le grand cercle externe en grès
de sarsen : 30 monolithes érigés en un cromlech de 33 m de diamètre avec des linteaux
jointifs posés dessus. A la fin, on a réintégré les pierres bleues dans les cercles existant.
Stonehenge vu du sud
Stonehenge vu de l’entrée
Dans le sud-ouest de l’Angleterre, une autre culture, celle de Severn-Costwold, construisait des
tumulus recouvrant des dolmens à couloir et à chambres multiples : celui de West Kennet, long de
100 m abrite un dolmen à couloir datant de -3600. Ces tumulus succédaient aux « long barrow » en
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terre recouvrant une chambre en bois dans laquelle les ossements décharnés étaient déposés. A côté
de ces tumulus à dolmen, on trouve des enceintes à fossés doublés de palissades, sans doute des
enceintes cérémonielles, appelées « causewayed camps », comme nous l’avons déjà vue en France et
au Danemark. A 1.5 km de l’ensemble mégalithique d’Avebury près de Stonehenge, se dresse la
mystérieuse colline artificielle de Silbury Hill, la plus haute d’Europe datée de -3000 à -2500 ; c’est un
tumulus étagé de 45 m de haut et de 170 m de diamètre et dans lequel on n’a pas trouvé de
sépulture. En Irlande, la nécropole de Loughcrew compte une trentaine de dolmens à couloir et à
chambres multiples datés de -4000 à -3800, dont certains sont décorés de signes géométriques
piquetés ou gravés. Beaucoup de ces signes se retrouvent dans tout l’art mégalithique de la façade
atlantique. Près de Dublin, une autre nécropole de dolmen à couloir, celle de la vallée de la Boyne,
est connue car elle se compose de trois grands tumulus entourés chacun de plusieurs petits tumulus :
Dowth, Knowth et Newgrange ; ce dernier a 93 m de diamètre et 12 m de hauteur et est bordé d’un
mur fait de blocs de quartz parsemé de blocs de granit sombre du meilleur effet reposant sur des
dalles de chant décorées de spirales et de losanges. Le couloir d’accès à la chambre a 19 m de long.
La chambre multiple est de type cruciforme, style très répandu dans cette région. Ce monument date
de -3200. Il existe de nombreux autres monuments mégalithiques en Irlande comme les tombes en
pierre : wedge tombs,… (1200 recensées). L’archipel des Orcades, en Ecosse, possède des sites
exceptionnels du Néolithique récent. La « tombe des Aigles » à Isbiter est une sépulture à couloir,
dite « stalled cairns » formée d’un tumulus rectangulaire sur une chambre allongée, compartimentée
et couverte en encorbellement ; elle est datée de -3200 et doit son nom au grand nombre de griffes
et d’os de l’aigle des mers. On y a retrouvé également les ossements de 340 individus, épars ou
rangés avec soin comme les crânes et dans l’un des compartiments les restes de 46 vases brisés; ils
étaient décarnisés auparavant sur une petite plateforme extérieure, peut-être même par les aigles. A
Skara Brae, sur l’ile Mailand, c’est un village qui était mis au jour lors d’une tempête ; une ruelle
principale dessert des ruelles secondaires couvertes de dalles de pierre ; les maisons dont l’entrée
donnait accès à ces passages, toutes semblables, étaient de plan carré avec les angles arrondis, le
foyer au milieu. Les sépultures ont des chambres quadrangulaires sous tumulus circulaires. La
cinquantaine d’habitants appartenait à la culture Grooved Ware (de -3100 à -2600), vivant de la
culture de céréales, de la chasse, de la pêche et de l’élevage.
3.2.4-La néolithisation balkanique et le peuplement danubien
Entre -6200 et -5200, l’Europe balkanique, située des Portes de Fer sur le Danube en Serbie jusqu’au
bord de la Mer Noire à l’est et à toute la Grèce au sud, est occupée par les cultures du Néolithique
ancien à Céramique Peinte dont celle de Starčevo (sites de Lepenski Vir et de Starčevo en Serbie) et
celles qui lui sont assimilées (Karanovo en Bulgarie, Körös en Hongrie, Cris en Roumanie et pré-Sesko
en Grèce). Les colons agriculteurs seraient venus d’Anatolie par voie maritime puis via les vallées de
la Struma, du Varda et de la Morava. Le site de Lepenski-Vir est situé sur la rive droite du Danube
dans la région des Portes de Fer (gorges de Đerdap). Il a été mis à jour il y a une trentaine d’années. Il
est daté de -6500 à -5500, ce qui permet d’étudier le passage entre le Mésolithique et le Néolithique
dans cette région. Il y a une rupture nette vers -6200 entre les niveaux mésolithiques et néolithiques
en ce qui concerne l’économie : de la chasse et la pêche on passe à l’agro-pastoralité (élevage de
chèvres, moutons, bœufs, suidés, culture de céréales). Même constat pour l’industrie lithique : de
46
microlithique, elle devient macro lamellaire ; on utilise le silex « balkanique », c'est-à-dire provenant
de la plateforme mésozoïque pré-balkanique. Ces premiers niveaux néolithiques correspondent à la
culture Starčevo dont les caractéristiques principales, outre la céramique peinte, sont la fabrication
de statuettes féminines et des tombes individuelles en fosses pouvant être creusées à proximité des
maisons et même quelque fois à l’intérieur ; ces tombes ne contenaient pas beaucoup d’objets bien
qu’on ait trouvé par ailleurs des bracelets, des perles et des pendentifs faits avec des dents
d’animaux. Le seul élément de continuité relève de l’architecture en pierre : les peuples de Starčevo
ont repris aux derniers pêcheurs chasseurs mésolithiques les maisons trapézoïdales à soubassements
de pierre alors que les maisons de cette première culture néolithique sont rectangulaires avec des
murs en torchis et clayonnage. Des sites voisins ont montré que les peuples du mésolithique des
Portes de Fer ont utilisé des silex « balkaniques » un certain temps, ce qui prouve des contacts avec
la culture Starčevo : il y a donc eu acculturation des populations mésolithiques par les groupes
néolithiques dans cette région et donc leur métissage avec incorporation des haplogroupes ADNmt
H, le plus répandu en Europe et HV dans la population néolithique. Par contre dans le reste des
Balkans, où la densité de population mésolithique devait être faible, la néolithisation s’est effectuée
par immigration de nouveaux groupes originaires d’Anatolie possédant les haplogroupes ADN-Y
typiques G2a, E1b1et J1 et, J et T1 pour l’ADNmt.
Site de Lepenski Vir (Serbie)
La culture de Starčevo n’a pas laissé de traces évidentes dans la population actuelle de cette région ;
lors d’une seconde vague de colons néolithiques elle va être remplacée par celle de Vinča qui
apparait autour de -5600 et dure jusqu’à -3000. Elle recouvre les régions proches du Danube entre le
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sud-est de la Hongrie et la Roumanie ; dans ce pays elle prend le nom de Turdas mais plus
généralement on dit culture « Vieille européenne ». Elle diffère de celle de Starčevo par une
céramique lustrée noire à décor cannelé et une forme de vase carénée ou à pied. Dans l’architecture,
on observe des maisons à poteaux allongées aux parois extérieures en forme de palissades
continues. Les caractéristiques de ce type de céramique apparaissent dans le nord-ouest de
l’Anatolie. Il y a des changements importants également dans l’industrie lithique, notamment
l’abandon de la technologie macro laminaire au profit de la production de lames plus petites et
d’éclats effectuée sur place dans les sites d’habitat. Ces nouvelles technologies sont observées dans
la région de la mer de Marmara bien avant la formation du complexe de Vinča, par exemple dans la
phase classique de la culture de Fikipete et dans la séquence du site Hoca Cesme sur le littoral de la
Thrace turque vers -6000 -5900. Sur le site d’Ilipinar, également dans la région de la mer de
Marmara, vers -5800, on trouve de grandes maisons rectangulaires avec des parois en forme de
palissade qui préfigurent celles de Vinča. Son origine provient donc de cette région par des colons
venus par voie terrestre et remplaçant la population de Starčevo. Cette vague serait également
responsable de l’origine de la culture du Linéaire (ou Rubané ou LBK) vers -5500 qui, grâce à des
apports démographiques et technologiques nouveaux, va conquérir les vallées lœssiques de l’Europe
moyenne et atteindre certaines régions en France et du Benelux. Il sera donc très proche
génétiquement de la culture de Vinča. Le site archéologique de Vinča se situe à 20 km au sud-est de
Belgrade sur les bords du Danube ; il a été découvert en 1908 et fouillé par Miloje Vasic. La
nourriture était à base d’engrain, de blé, de pois, de lentilles et de viande de bovidés. On a retrouvé
des figurines anthropomorphes en argile représentant surtout des femmes debout comme la déesse
aux cheveux rouges. La pratique de l’inhumation est attestée. La métallurgie du cuivre est présente
dans la partie la plus récente du site (-4500 -4000). Elle y serait même née et à partir de là et de
Roumanie (culture Gumelnita), elle se diffuse par l’axe danubien pour atteindre la Suisse où des
cultures du Néolithique moyen (culture de Pfyn) vont travailler le cuivre vers -3800.L’analyse de leur
ADN mitochondrial a montré les haplogroupes suivants : H, HV, R, K, U (U5 et U4), W (Mésolithique),
T1, J (venant d’Anatolie).
La Déesse aux cheveux rouges (culture de Vinča)
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Au néolithique moyen/final (-4700 à -3500) , les Balkans vont être occupés par une série de
cultures qui vont développer la première métallurgie européenne grâce à l’exploitation de mines
cuprifères comme celle de Rudna Glava en Serbie et de Aï Bunar en Bulgarie : la culture de Cucuteni-
Trypillia, présente en Ukraine, Moldavie et Roumanie entre -5000 et -3000, connue pour ses
agglomérations proto-urbaines, celle de Boien (ou Maritza), en Roumanie et Bulgarie, datée de -4300
à -3500 et qui évoluera parallèlement avec celle de Gulmelnita, et qui finira par fusionner avec celle-
ci. Cette dernière, datée de -4600 à -4200, est la plus célèbre car elle a laissé la fameuse nécropole de
Varna en Bulgarie dans laquelle 293 sépultures ont été fouillées et qui ont livré des tombes
contenant un riche mobilier en or (dont le plus ancien collier en or trouvé en Europe) et en cuivre
ainsi que des céramiques peintes, etc. Des dépôts de crânes humains dans les maisons, sans doute lié
au culte des Ancêtres, démontrent des liens avec le Proche Orient où l’enterrement de crânes était
pratiqué, notamment au Prepottery Neolithic B entre -8700 et -7000, à Mureybet, Jericho, Aïn
Ghazal. Rappelons que le site de Vinča a livré aussi, entre -4500 et -4000, des vestiges d’une
métallurgie du cuivre. Ce groupe de cultures balkaniques possédant la technologie du cuivre sont
bien en avance par rapport aux autres cultures européennes, ce qui prouve que des liens existaient
avec l’Anatolie toute proche culturellement à cette époque.
Le site du Néolithique ancien de Brunn am gebirge (Autriche) est représentatif de cette culture du
Rubané ou Linéaire Occidentale, ou trans-danubienne ou LBK (Linienbandkeramische Kultur) : il est
situé au sud de l’agglomération de Vienne (Wolfholz), les fouilles ont commencé en 1989. Il est daté
de -5500 à -5150. On a dégagé 77 maisons longues (20x7m) orientées S > N, rectangulaires avec des
traces de poteaux, un toit pentu en paille et des murs en clayonnage recouverts de torchis. Dans le
village il y a de nombreuses fosses, soit latérales longeant les maisons, soit isolées à 20-30m des
maisons, qui ont servi d’abord à construire les murs puis de dépotoirs. Il y a 2 types de céramique,
l’une grossière faite de gros vases à fond plat avec peu de détails et l’autre fine, de couleur grise ou
noire avec des lignes parallèles incisées qui dessinent des spirales, des méandres et des chevrons. On
a trouvé des Vénus (par exemple celles de Kökenydomb ou de Kückhoven) en forme de
« récipients », qui rappellent les figurines anthropomorphes des cultures balkaniques. Les outils sont
soit lamellaires pour ceux en silex comme par exemple les éléments de lames de faucille, soit en
pierre polie. L’économie est agricole : on élève principalement des bovins puis des moutons, des
chèvres et des porcs, et on cultive du blé, de l’orge, des petits pois et des lentilles. L’habitat est situé
sur des terrains plats sur sol lœssique, près de cours d’eau et jamais en altitude (400 m au
maximum). Les villages, qui pouvaient compter jusqu’à 100 à 200 habitants, sont situés à quelques
km les uns des autres, leur superficie va de 1 à 30 ha, dépendant du nombre de phases d’habitat et
de phases d’abandon. Les sépultures sont individuelles creusées dans des fosses peu profondes avec
les corps placés en position fœtale et accompagnés d’objets de parure pour les femmes (notamment
en coquillage de la mer Egée, preuves des liens avec leurs racines) et des armatures de flèches en
silex et des herminettes pour les hommes (chasse et travail du bois leur sont donc réservés). Il n’y a
pas de hiérarchisation nette. Des fragments d’os ont été trouvés dans des fossés d’enceintes avec
des traces d’anthropophagie (liée à des cérémonies sacrificielles ?). Ces enceintes fortifiées faites de
fossés et de palissades se retrouvent autour d’un certain nombre de villages et pour un certain laps
de temps. Ce qui tend à montrer que les conflits n’étaient pas permanents mais locaux. Il peut y avoir
plusieurs phases de constructions comme sur le site de Schletz en Autriche. Ce site est situé à 30 km
du Danube au Nord de Vienne et est daté de -5000; il est surtout connu pour avoir livré les
ossements de 67 personnes dans une fosse commune. Les os portent des traces évidentes de coups
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portés avec des outils agricoles du LBK, ce qui indique que les attaquants pouvaient être des
membres de villages voisins ; de plus le peu de crânes de jeunes femmes retrouvés semble indiquer
que celles-ci ont été enlevées. On a retrouvé des enceintes fortifiées composées de tranchées avec
une palissade intérieure ! Ces fortifications semblent se généraliser après cette date, surtout dans les
sites occidentaux du LBK. C’est peut être le signe que cette culture est au bord du chaos et qu’elle va
bientôt disparaitre en tant que telle. La chronologie interne du Rubané (-5500 -4800) est basée sur
l’évolution des décors de la céramique :
-le LBK ancien est divisé en Ouest et Est. L’ouest se développe en Hongrie, Allemagne du sud,
Autriche, Tchéquie, puis se développe jusqu’au Rhin, l’Elbe, l’Oder et la Vistule ; il se termine vers -
5200 quand l’embouchure du Rhin est atteinte. Le LBK ancien de l’Est apparait sur les rives du
Danube au nord de la zone balkanique où est installée la culture de Vinča et se développe dans la
grande plaine à l’est de la Hongrie (appelée Alföld) sur les rives de la Tisza où on l’appelle culture
d’Alföld (ALV) parce que l’élevage du mouton est remplacé par celui du porc et qui se situe an nord
de la culture Körös qui, elle, est reliée à celle de Starčevo ; vers -5100, l’ALV est remplacé par des
groupes culturels appelés Szakàlhàt-Esztàr-Bükk caractérisés par une céramique très fine et bien
décorée . Puis eux-mêmes remplacés par la culture Tisza de -4800 à -4500, puis par celle de
Tiszapolgar qui sera la première culture du Chalcolithique (ou énéolithique) de l’Europe centrale.
-Le LBK moyen est caractérisé par la céramique à décor de notes de musique, nom donné à
cause de la ressemblance des lignes incisées terminées par des gros points avec une partition ; elle se
développe en Moldavie et en Ukraine entre -5200 et -5000.
-La dernière phase du LBK, sur les rives de L’Elbe et de la Vistule, se caractérise par le
remplacement des lignes incisées par des lignes de points entre -5000 et -4800. Cette particularité va
se développer et donner naissance une culture à part entière dite « Stroked Pottery » ou
Strichbandkeramik (StK) qui va occuper l’Allemagne de l’est et la Pologne après la disparition du LBK
après – 4800 dans ces régions.
Arrivés en Europe du Nord-Ouest, les agriculteurs du LBK vont se différencier quelque peu
culturellement ; à partir du style de la céramique on va définir 4 groupes du Rubané :
-Rubané du Sud-Ouest : occupe la Haute Alsace et le Bassin Parisien
-Rubané du Neckar : occupe les rives de la rivière Neckar qui est un affluent du Rhin
-Rubané de Basse Alsace (-5200 -4900): occupe le nord de l’Alsace soit à peu près le
département du Bas Rhin actuel. Il a été appelé, à tort, groupe de La Hoguette ; en effet le site
éponyme est très excentré car il se situe dans le Calvados ; c’est un long tumulus qui a livré à la
fouille deux vases décorés d’impressions au peigne et au poinçon, qui sont typiques de la grande
famille du Cardial. Une datation faite dans la chambre VI de ce mégalithe a donné un âge compris
entre -4500 et -4000, soit correspondant à la culture de Cerny, qui, pour nous, fait partie des cultures
mégalithiques.
-Rubané du Nord-Ouest : occupe les vallées de la Meuse en Belgique et du Rhin en Allemagne
et aux Pays Bas. La céramique de ce Rubané se rapproche de celle de la Hoguette, et montre
également des affinités cardiales : décor en impression au peigne pivotant (qui est complètement
absent dans le LBK typique), le fameux décor en T, la pâte grossière, le dégraissant à l’os pilé… Elle a
50
servi à définir la culture du Limbourg, région hollandaise située à l’embouchure du Rhin. L’industrie
lithique, quant à elle, présente des affinités avec la tradition mésolithique mais sans en adopter les
microlithes : pointes de flèches de type perçant en remplacement de celles de type tranchant
caractérisé par les Rubanés de l’Est de l’Europe. Dans les sépultures, on constate une fréquence
élevée de céramiques et d’outils lithiques, la présence d’ocre en fragments, une diminution du
nombre de parures en coquillages, une orientation des corps fréquente vers l’ouest. Cette culture
occupe les vallées de la Seine et la Meuse (bloc séquano-mosan). D’autre part, elle serait un peu plus
récente que celle de la Hoguette (autour de -5000). La diversification du LBK en plusieurs sous-
groupes est sans doute due à la présence des cultures issues du métissage entre les populations
mésolithiques et des premiers colons néolithiques issus du Cardial (arrivés en Mer du Nord après
avoir contourné la péninsule ibérique et la Bretagne) qui, eux, remontaient le cours du Rhin à partir
de la mer. Pour expliquer la différence de cultures entre le Haut et le Bas Rhin, on pense que le
courant de néolithisation se serait séparé en deux, l’un continuant le cours du Rhin, l’autre passant
par la trouée de Belfort pour passer dans le Bassin Parisien.
Le Néolithique moyen est représenté par deux cultures principales, celle de Rössen puis celle
de Michelsberg. La culture de Rössen est une des 2 cultures filles du LBK avec celle de Lengyel ; elle
est datée de -4600 à -4300 et va occuper dans presque toute l’Allemagne (sauf le nord), l’Autriche
de l’ouest, l’est de la Belgique et des Pays Bas et de la France; elle se caractérise par des maisons
moins nombreuses dans les villages mais plus grandes, de mono au LBK, elles deviennent
plurifamiliales. L’élimination des déchets est plus collective, c'est-à-dire qu’elle se fait dans des
dépotoirs éloignés des maisons. Les villages peuvent être entourés de plusieurs palissades et de
nombreuses fosses, ce qui est le signe d’une certaine insécurité. L’agriculture est plus variée qu’au
LBK, au blé amidonnier et à l’engrain (ou blés vêtus) s’ajoutent la culture des céréales nues (blé et
orge) dont la balle se détache par battage mais continue à se faire sur des sols lœssiques. Dans le
nord de la France, la culture de Rössen est contemporaine de celle de Cerny (d’origine atlantique) qui
vient de « reconquérir » une grande partie du Bassin Parisien, jusqu’en Champagne à l’est et dans
l’Yonne au sud. Les relations devaient être fluctuantes, certaines fois assez tendues comme le
démontre la présence de sites fortifiés de part et d’autre de la zone de contact, d’autres fois plus
amicales comme le prouve la présence d’un vase Rössen dans une tombe du site de la culture Cerny
de Passy sur Yonne ! La culture Michelsberg évolue à partie de celle Rössen et occupe à peu près le
même territoire. Elle va durer de -4400 à -3500. Le site éponyme est situé entre Karlsruhe et
Heidelberg dans le Bade Württemberg. Il est situé sur un petit plateau dans une enceinte délimitée
par une levée de terre en arc de cercle ; à l’intérieur on a trouvé des restes de maisons en bois et
torchis avec de nombreuses fosses autour. La poterie est caractérisée par des vases à base pointue,
non décorée et en forme de tulipe. L’agriculture est à base d’engrain et d’orge, l’élevage est centré
sur les bovins, les porcs, les ovins et les chèvres. Une partie de la viande vient de la chasse. Les
sépultures en fosses sont rares et réservées à des jeunes enfants et des vieillards ; par contre des
ossements humains provenant de squelettes désarticulés sont retrouvés dans les levées en terre de
l’enceinte, quelquefois accompagnés de céramique et de cornes d’aurochs, ce qui fait penser à une
cérémonie rituelle. Nous avons vu que les membres de cette culture entretenaient beaucoup de
contacts avec leurs voisins. La disparition de cette culture va coïncider avec la fin du Néolithique
moyen qui verra le début de l’ « âge du cuivre » en Europe de l’ouest. Cette période est appelée
Chalcolithique en Europe occidentale mais n’est pas à proprement parlé une étape chronologique ;
51
en effet l’âge du cuivre n’est pas synchrone pour toute l’Europe ; elle apparait beaucoup plus tôt
dans les Balkans où cet âge du cuivre est dénommé énéolithique et va de -4900 à -4300.
En Europe centrale, au Néolithique moyen, la culture de Lengyel remplace le LBK vers -4900 dans le
sud-ouest de la Slovaquie, dans l’ouest de la Hongrie, l’Est de l’Autriche, la Moravie et la Croatie. Elle
est appelée culture de la céramique peinte. Elle continue la production de figurines féminines des
civilisations danubiennes (Vénus de Langenzersdorf) et la construction des longues maisons en bois
du LBK mais avec un plan plus trapézoïdal. De nombreux sites sont entourés d’un fossé circulaire
doublé par une palissade. Elle évolue vers un épi-Lengyel (-4250 à -3950) qui donnera la culture
Balaton-Lasinja en Transdanubie (Hongrie de l’ouest, le groupe culturel de Jordanow en Tchéquie (de
-4300 à -3900) qui produira les premiers objets en cuivre dans ce pays (mais uniquement des bijoux)
puis celle de Baden, première culture du Chalcolithique ou Néolithique récent définie d’après le site
de Baden près de Vienne en Autriche, qui va se développer entre -3600 et -2800 en Hongrie, au sud
de la Pologne, en Slovaquie et à l’est de l’Autriche. Deux modèles en argile de chars ont été retrouvés
près de Budapest. Ce peuple vivait de la culture du blé, du millet, de l’orge et de l’avoine et de
l’élevage de porcs, chèvres, ovins… La céramique est marquée par un grand nombre de bols à
grandes anses. Les morts sont enterrés ou incinérés ; les cendres sont alors mises dans des urnes
anthropomorphiques. Des bœufs (ou taureaux ?) ont été enterrés également. Cette culture sera
suivie au sud par évolution par celle de Vučedol (Croatie). Ce site a eu jusqu’à 3000 habitants, ce qui
en fait la ville la plus importante de cette époque. Elle était proche de sites miniers cuprifères, sans
doute responsables du grand développement métallurgique de Vučedol. On doit à cette culture
l’invention du moule bivalve pour fabriquer les outils en cuivre, surtout des haches de guerre. Les
datations ont donné un âge de -3000 à -2200 pour l’ensemble des sites. Les objets de culte sont très
différents de la période néolithique : dessins de femmes portant des robes très joliment décorées,…
La céramique a des formes nouvelles et une riche décoration, par exemple la Colombe de Vučedol.
C’est une culture où apparaissent de profonds changements sociaux qui va donner au Néolithique
final une société hiérarchisée et militarisée. Les fouilles ont permis de dégager 3 sites principaux
situés sur la rive droite du Danube : 2 dans la vigne de Streim et un sur le point le plus élevé, celui de
Gradac qui possède la structure rectangulaire la plus imposante (16 x 10m), le « Mégaron* »,
entourée de maisons, celles-ci séparées du Mégaron par un fossé. On pense que cela traduit la
hiérarchisation de cette société. Les fouilles des sites du vignoble de Streim montrent des maisons
d’une seule pièce de 9 x 5m, rectangulaires aux coins arrondis, très serrées les unes contre les autres
(50 cm à 1m), plus petites que celles qui entourent le Mégaron. Elles possèdent un foyer central. Il
existe un grand nombre de fosses, petites à l’intérieur de la maison, et plus grandes à l’extérieur.
Elles servaient de dépotoirs, de silos et de tombes. Une tombe contenait un homme, cinq femmes et
un enfant, le tout recouvert de détritus ! On y a retrouvé des outils en cuivre (celui-ci additionné
d’arsenic et d’antimoine) coulés dans un moule bivalve en argile (première mondiale ?). La hache
était de loin la plus commune. On a découvert quelques poignards mais aucun objet de parure! La
poterie en argile noire était décorée d’incrustations blanches géométriques (croix, soleils,…) sur un
fond rouge. Sa forme était variée selon l’usage qu’on en faisait ; elle pouvait être aussi artistique, la
plus connue est une bouteille en forme de colombe. L’agriculture est surtout à base de blé mais la
nourriture est surtout carnée : 81% de viande d’élevage (bovins principalement), 19% de gibier.
* grande salle rectangulaire à foyer fixe précédée d’un vestibule, qui caractérise les habitations des
proto-hellènes à Troie, à Mycènes et en Crète.
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La colombe de Vučedol, au bord du Danube (Croatie)
3.3-La fin du Néolithique : le Campaniforme
Le Néolithique final (de -2600 à -2000) est appelé Campaniforme à cause d’un type de céramique
particulier, le gobelet à profil en S qui ressemble à une cloche à l’envers. Le décor le plus répandu est
constitué de bandes hachurées de lignes pointillées réalisées au peigne ou au coquillage. Ces
gobelets sont associés dans les sépultures (mégalithiques ou individuelles) à des parures (boutons à
perforation en V, objets en cuivre et en or), des armes en cuivre (pointes de la Palmela, poignards, …)
et de l’équipement de l’archer (brassards de protection). On situe les origines du Campaniforme sur
le site de Zambujal dans l’Estrémadure portugais : c’est un centre métallurgique important édifié par
la culture de Vila Nova de São Pedro avec d’imposantes fortifications, de grandes nécropoles et un
développement très important d’objets symboliques.; Le site de Santa Fe de Mondùjar, près
d’Alméria en Andalousie, possède les mêmes caractéristiques ; il était occupé par la population de la
culture de Los Millares qui pourrait être aussi à l’origine de ce Campaniforme. Le Campaniforme va se
diffuser dans toute l’Europe de l’ouest par le littoral maritime et par les grands fleuves, jusqu’à
l’Armorique et le Midi en France, les Iles Britanniques, la Sardaigne, la Sicile… Son aire de répartition
est donc vaste mais elle reste dispersée le long de ses axes de pénétration. Le Bassin Parisien est
marqué par les campaniformes entre -2600 et -2100 et perdra son identité culturelle propre du fait
d’une circulation culturelle intense. En Europe centrale et du nord, il va y avoir des influences
réciproques avec le Cordé, comme, par exemple, l’inversion de l’orientation et la disposition des
corps des sépultures de tradition cordée, ce qui va provoquer une ambigüité de plus pour les
archéologues, certains chercheurs hollandais iront jusqu’à prétendre que le Campaniforme a une
origine rhénane ! Reconnaissons, que ces deux cultures possèdent des traits communs du fait de leur
origine similaire entre des peuples mésolithiques et des colons néolithiques, il y a trois millénaires.
Le Campaniforme va connaitre des succès différents selon les régions. Ils vont continuer les
traditions locales en utilisant leurs mégalithes comme sépultures ou enterrer leurs morts dans des
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fosses ; A Stonehenge, en Angleterre, ce sont les populations campaniformes (ou locales, issues de
l’acculturation avec les campaniformes) qui ont terminé les 2 cercles de pierre bleues vers -2100.
Ont-ils assimilé les cultes des peuples locaux ou étaient-ils seulement des « conseillers » ? En effet,
on a trouvé la tombe en fosse d’un personnage dit « l’Archer d’Amesbury» datée de cette période
qui contenait plus de cent objets dont deux tresses de cheveux d’or, des pointes de flèches en silex,
trois couteaux en cuivre, des protections d’archer… Etant située à cinq km seulement de Stonehenge,
près d’Amesbury, on peut y voir une relation avec la fin de la construction de ce monument. On peut
penser au prestige que devaient avoir ces hommes du Campaniforme qui possédaient une avance
technologique déterminante sur bien des aspects de la vie quotidienne et du rapport de force que
leur procurait des armes en métal ! D’où venaient-ils ? La réponse semble assez claire quand on
regarde ce qu’il s’est passé depuis un millénaire en Mésopotamie, où s’est produit la « révolution
urbaine » comme l’a définie Vere Gordon Childe, pendant laquelle on va assister à la conversion des
villages en villes, du passage de la production agraire à la spécialisation industrielle, et à l’essor très
important du commerce extérieur ; celle-ci s’est ensuite étendue dans toute la Méditerranée
orientale pour atteindre la Crète vers -2700. Cette île, perdue au milieu de la mer méditerranée, va
développer la civilisation minoenne qui aura une influence très importante dans la culture
occidentale. Nous reviendrons dans le prochain paragraphe sur cette révolution urbaine.
La Crète va développer sa propre flotte de bateaux pour commercer avec le monde égéen ( les
Cyclades, la Grèce continentale, l’Anatolie (dont Troie) et aller chercher le minerai de cuivre dans les
ports encore plus lointains en liaison avec les centres producteurs de l’époque comme dans les
Balkans, le nord de la péninsule italienne (Campanie, Latium, Toscane, Emilie et la plaine lombarde),
le sud de la France (l’exploitation du site de Cabrières date de -3100) et le sud de la péninsule
ibérique avec les centres de Los Millares en Espagne et de Zambujal au Portugal. Cela aura comme
conséquence de créer la plus importante marine en Méditerranée à cette époque. Les contacts et les
échanges commerciaux entre les colons crétois et le monde mégalithique se sont surtout
développés entre la fin du IVe millénaire et la première moitié du IIIe dans le sud de la péninsule
ibérique, comme par exemple dans la région de Los Millares qui était un centre de production
métallurgique important situé à côté des mines de cuivre de la sierra de Gador. Or ce village, ou
plutôt ce gros bourg puisqu’il a pu compter jusqu’à 1500 personnes, présente quelques originalités
par rapport aux traditions néolithiques :
- Le type d’urbanisation avec plusieurs fortifications entourant une citadelle
- Une nécropole située en dehors de la fortification et composée pour la plupart de
tombes de type tholos
- Ces tombes et leur contenu sont la marque évidente d’une différenciation en classes
sociales.
La citadelle et la nécropole sont datées de -2400 à -2300. Nous avons vu précédemment que la Crète
a développé une civilisation propre où se mêlent des éléments locaux et proche orientaux dont
quelques caractéristiques sont très proches de celles de Los Millares, comme les fortifications qui
peuvent s’expliquer dans le cas des Cités-Etats mais moins pour cette région où l’on ne connait pas
de conflits incessants. De même la présence d’une vaste nécropole sous les remparts est typique de
la Mésopotamie du IVe millénaire ; mais c’est surtout l’architecture très particulière des tombeaux
qui nous interpelle le plus car ces tholoi sont apparus, d’après l’archéologue G. Vavouranakis, sur le
littoral sud de la Crète entre -3250 et -2750 au Minoen ancien donc avant les contacts avec Los
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Millares. Ce type de tombeau est un signe de marquage évident de l’importance du ou des défunts
dans une société où les classes sociales se font jour. Il semble donc assez évident que le début de la
« révolution urbaine » en Europe mégalithique prend pied dans le sud de la Péninsule ibérique
pendant la première moitié du IIIe millénaire ; on pourrait même y voir l’arrivée de nouveautés dans
d’autres domaines comme l’introduction de la tauromachie sous la forme d’un jeu qui était pratiqué
en Crète ! Beaucoup plus hypothétique serait aussi l’introduction de l’équitation, mais nous n’avons
aucun indice. L’implantation de certains colons sur place n’exclue pas la continuation des liaisons
commerciales entre les deux pays.
Certains archéologues s’opposent à cette acculturation venant du monde égéen en arguant que la
Crète possédait la technologie du Bronze et aurait donc dû la « passer » en Europe, mais ceci ne tient
pas. Si les lingots de cuivre, étain et plomb circulent sur de très longues distances, c’est qu’ils sont
traités dans les centres urbains importants qui sont les seuls à posséder des artisans spécialisés
capable de maitriser les techniques nécessaires à la métallurgie des alliages, comme la
pyrométallurgie qui est nécessaire pour traiter la chalcopyrite, minerai de cuivre le plus commun ;
celle-ci n’a donc rien à voir avec la métallurgie du cuivre natif effectuée par de petites unités
domestiques.
A partir de cette acculturation venant de Crète et la formation d’une population au fait de techniques
plus évoluées et à des standards commerciaux plus incisifs, on va voir se développer des réseaux
d’échanges commerciaux par voie maritime et terrestre dans toute l’Europe occidentale à partir du
sud de la péninsule ibérique (Espagne et Portugal) vers -2600. Ce sont des groupes itinérants mais qui
peuvent s’intégrer, au moins pour une partie de leurs membres, aux populations locales et ainsi
transmettre, à leur tour, la nouvelle organisation de la société basée sur la division du travail ; on a
retrouvé sur le littoral vendéen entre -2500 et -2400 des restes de poteries et de scories, montrant
qu’ils étaient capables de produire sur place de la céramique campaniforme et des objets en cuivre
comme des poignards, sans doute pour les échanger contre des produits locaux. En Charente
maritime, à Trizay, on a découvert des restes de cheval, ce qui permet de penser que certains
Campaniformes devaient se déplacer à cheval, sans doute des « soldats », au vu de leur équipement
d’archers fait d’arcs, de flèches et protège-poignets, pour protéger des colons « artisans », ce qui
expliquerait la rapidité de la diffusion campaniforme dans les terres le long des grandes vallées
fluviales. Dans ces groupes pouvaient se trouver également des agriculteurs et d’éleveurs et ainsi
créer leur propre habitat en marge des populations locales, comme le montrent les traces de labours
et de pas de bœufs sur l’estran vendéen comme à Brétignolles-sur-Mer.
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L’expansion du Campaniforme en Europe mégalithique (en pointillé, zones de peuplement au
Chalcolithique, en hachures, celui au Bronze ancien (d’après L’Encyclopedia Universalis)
Nous voudrions ici rendre hommage à Odette et Jean Taffanel, qui étaient frère et sœur, et tous les
deux des autodidactes érudits. Ils ont consacré leur vie aux fouilles archéologiques du site du Cayla à
Mailhac dans l’Aude ; dans l’un de leurs écrits basé sur sa grande connaissance du passé de ce lieu,
Odette nous fait revivre, comme si c’était hier, l’arrivée des Campaniformes dans son village de
Mailhac aux alentours de 2000 avant JC :
« Puis un jour arrivent des inconnus porteurs de haches plates en cuivre plus efficaces que les
haches en pierre si longues à façonner et plus résistantes. Les nouveaux venus font alliance avec les
gens du pays et s’établissent derrière le Cayla, à Embusco, dans une petite vallée qu’ils défrichent. Ils
savent cultiver les céréales et habillent leurs poteries d’un fin réseau d’ornements symboliques,
comme d’une dentelle. Le dolmen de Mount Marcou, qu’ombragent de grands chênes, est agrandi
pour loger leurs morts, accompagnés de parures, de lames et de flèches en silex, et d’offrandes dans
une vaisselle richement décorée. Pendant ce temps, de l’autre côté de la mer, en Palestine, des
bergers vivent de façon analogue, mais ils s’appellent Abraham, Isaac, Jacob et la Bible nous
transmet leurs noms, leur histoire et leur croyance en un Dieu unique créateur de l’Univers.»
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Site du Cayla à Mailhac (11) célèbre pour ces nécropoles du Bronze final et de l’Age du Fer.
Le Campaniforme est donc avant tout une culture très éclectique, qui peut aussi bien continuer les
traditions locales en utilisant les mégalithes régionaux comme sépultures ou bien enterrer ses morts
dans des fosses. Mais il a obtenu ce qu’il voulait, c'est-à-dire établir des réseaux d’échanges
commerciaux dans toute l’Europe ! Ce faisant il a y fait disparaitre le Mégalithisme, non pas par les
armes mais par dilution culturelle ! On peut citer quelques-uns des derniers monuments
mégalithiques : ceux de la forêt de Brocéliande en Bretagne, une sépulture en coffre proche de
l’alignement du Moulin à Saint Just dans l’Ille et Vilaine et le cercle de pierres de sarsen à
Stonehenge. Le Néolithique va dons laisser sa place à un autre type d’organisation de la société sans
qu’il y ait eu systématiquement usage de la violence malgré la possession d’armes en cuivre (haches,
poignards). En effet, on n’a pas retrouvé de sites archéologiques qui le prouvent. On a interprété la
présence de ces armes comme donnant une suprématie « militaire » sur les groupes voisins, comme
on l’a vu sur le Danube avec la culture de Vučedol, et comme on vient de le voir pour le
Campaniforme avec les cultures de Vila Nova de São Pedro au Portugal et de Los Millares en
Andalousie. On va passer progressivement à l’âge du Bronze par acculturation avec les colons crétois,
en adoptant une nouvelle technologie métallurgique : au cuivre en fusion, il faut ajouter de l’étain
pour obtenir du bronze qui sera plus dur que le cuivre.
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3.4-Le Néolithique : conclusions
Arrivé au terme du Néolithique, nous pouvons essayer de récapituler les principaux points marquants
de cette période de l’histoire humaine. Le point primordial est la croyance en une Déesse-Mère
régnant sur des mondes parallèles peuplés des Esprits de tout ce qui existe et a existé comme les
Hommes (et donc ses Ancêtres), les Animaux, les Plantes, les Pierres, le Ciel, les Etoiles, enfin
tout…Cette croyance se rencontre encore de nos jours, plus ou moins modifiée comme l’animisme,
chez des peuples dits « primitifs ». De fait, cette croyance va générer des comportements cultuels
diversifiés qui pourront se perpétrer d’abord dans des domiciles individuels comme au Proche Orient
ou en Anatolie, puis dans des lieux communautaires aux environs des villages. Autre point important
pour l’Europe occidentale, l’acculturation réciproque avec les peuples mésolithiques qui va conduire
au Mégalithisme et à la construction de monuments dans lesquels on célèbre les rites à la fois
funéraires liés au culte des Ancêtres et cérémoniels liés aux autres aspects de la vie religieuse et
sociale. Plus tard, il semble qu’il y ait dissociation entre des lieux dédiés aux rites funéraires et ceux
dédiés aux autres cérémonies. Au niveau individuel, le fait de croire à la Déesse-Mère et à des
Esprits, comme celui des Ancêtres, est « rassurant » car il permet d’assurer la meilleure existence
possible dans le monde réel en s’attirant leurs bonnes grâces et d’imaginer un avenir dans un monde
meilleur dans l’au-delà.
Site de Locmariaquer(56) avec le tumulus d’Er Grah et le Grand Menhir à son extrémité sud
Sur l’organisation de cette société néolithique, nous pouvons retenir que le problème de la
hiérarchisation se pose dès le tout début du Néolithique moyen, entre -4700 et -4500; en effet, dans
ces longs tumulus comme à Er Grah, très peu d’individus, voire un seul, étaient inhumés, ce qui est la
marque d’une hiérarchisation évidente ! Pour nous, il devait s’agir du « prêtre » qui devait diriger les
rites cultuels qui devaient se dérouler dans des lieux consacrés, ce qui pourrait expliquer les grandes
dimensions de ces tertres où la population était conviée : non seulement on devait s’y réunir pour les
inhumations mais aussi pour célébrer la Déesse-Mère et tous les Esprits tutélaires de la communauté
comme les sacrifices, les offrandes ainsi que tous les événements liés à la vie sociale du village :
naissances, mariages, banquets, etc. A part ce cas particulier du statut de cette personne, il est
probable que la société néolithique ait été hétérarchique dans son ensemble (c’est dire que les
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relations entre les membres étaient horizontales et non pas ascendantes comme dans une
hiérarchie).
L’exemple des statues-menhirs nous montre que l’interaction entre la communauté villageoise et
ses membres était possible ; il fallait sans doute l’assentiment de tous pour modifier leur
organisation, leurs croyances ou leur culture : un ou plusieurs « prêtres » ont dû avoir beaucoup de
mal à imposer une idole masculine à la place de la Déesse-Mère! Quant à la violence, nous avons vu
qu’elle était présente entre villages danubiens, et sans doute ailleurs comme en témoignent les
enceintes et les éperons barrés, mais ce n’était pas la règle chez des populations agro-pastorales qui
étaient plutôt porté sur le troc, même à longue distance, comme la présence de jadéite et d’ambre
dans toute l’Europe le montre : les peuples néolithiques ont gardé des relations entre tous leurs
« comptoirs » créés au fur et à mesure de la progression de la néolithisation. Les haches et poignards
en cuivre qui apparaissent à la fin du néolithique devaient plus servir comme moyen de dissuasion
que comme armes effectives, quand à l’arc il devait plus servir à la chasse qu’à faire la guerre.
Nous avons vu précédemment que le néolithique a été également générateur de la création du
nomadisme pastoral qui est une autre organisation de la société autour de l’élevage et de la
mobilité de toute la communauté. A partir du Proche Orient où il est apparu au PPNB récent aux
environs de -7000, il va se répandre dans tous les environnements difficiles au Moyen Orient, en
Afrique du nord et gagné les steppes eurasiatiques, de la Hongrie à la Mongolie. Les peuples
nomades vont jouer un rôle très important dans l’Histoire: Huns, Scythes, Mongols et autres
« barbares » vont détruire et fonder des empires comme nous allons le voir dans les chapitres qui
suivent.
Après avoir traité des deux courants de néolithisation, nous pouvons établir qu’au Néolithique final il
existe 3 zones différentes de peuplement : l’Europe atlantique héritée depuis le Mésolithique c'est-
à-dire depuis 8000 ans, avec les haplogroupes ADN-Y R1b, I1 et I2b : R1b dominant, sauf en
Scandinavie où il est moins important que I1, la zone méditerranéenne issue de la néolithisation
cardiale avec l’haplogroupe R1b bien représenté aussi et l’Europe centrale avec l’haplogroupe I2a
(dominant chez les Slaves). Toutes ont bénéficié d’un apport génétique de populations venant de
l’Anatolie ou de la mer noire mais il n’est pas si important que celui hérité du Paléolithique supérieur.
Toutes ces populations ont beaucoup de points communs ou très proches comme les croyances ou
même la langue ; en effet, d’après Quentin Atkinson, un chercheur de l’université d’Auckland, le
berceau des langues indo-européennes se situe en Anatolie et leur diffusion coïncide avec
l’expansion de l’agriculture et donc de la néolithisation ! Ceci bouleverse des tas d’à priori,
notamment ceux de Marija Gimbutas déjà mis à mal par la génétique et permet de remettre à
l’endroit (si j’ose dire) beaucoup de théories comme par exemple l’origine des langues celtiques ! Par
contre, elles vont différer rapidement en ce qui concerne l’organisation urbaine et architecturale car,
d’un côté, on a affaire à des colons très peu nombreux embarqués sur des pirogues et qui devront
tout réinventer avec les moyens du bord et tenir compte de l’environnement de la terre
« d’accueil », y compris humain, et de l’autre, des colons déjà organisés en villages de 100 à 200
habitants, et qui progresseront en prenant soin de rester sur les mêmes terrains plats, lœssiques en
bordure de cours d’eau, à une altitude inférieure à 400 m., en construisant des maisons semblables,
en enterrant leurs défunts individuellement dans des fosses, accompagnés de parures pour les
femmes (notamment faites de coquillages venant de la Mer Egée) et d’armatures de flèches et
d’herminette pour les hommes (chasse et défrichage devaient leur être réservé). On trouve moins de
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figurines féminines dans les cultures issues du Cardial que dans celles issues du Danubien. Mais c’est
surtout entre peuples mégalithiques et danubiens que les différences vont s’accentuer : chez les
premiers, la part de la chasse est plus importante dans l’alimentation, des monuments mégalithiques
spécifiques, comme les dolmens et les menhirs, sont dédiés aux rites funéraires et cérémoniels alors
que l’on ne trouve que quelquefois, ce n’est pas une règle, des enceintes faites de fossés et de
palissades défensives dans les vestiges danubiens et qui devaient servir, à l’occasion, de sites de
sacrifices rituels (y compris humains car on a retrouvé des fragments d’os humains dans ces fossés
d’enceinte). Le site de Schletz en Autriche a livré de nombreux corps dont les os portaient les traces
d’instruments agricoles : haches, herminettes ce qui montre que les assaillants venaient sans doute
d’un village voisin! On peut se poser la question de savoir ce que pourront faire ces petits groupes
d’agriculteurs et de pasteurs danubiens (nous n’employons pas le terme paysan car il prendrait un
sens péjoratif) figés dans leurs traditions depuis 600 ans environ (de -5500 à -4900) et qui se
massacrent entre eux de temps en temps face à des populations très bien organisées pour gérer un
grand nombre de personnes nécessaires à la construction des monuments mégalithiques et qui
possèdent proportionnellement plus de chasseurs habitués à manier des armes? A partir du moment
où il y a assez de place pour tout le monde, nous ne pensons pas que ces 2 peuples de colons
cultivateurs se soient battus mais, qu’au contraire, ils se soient entendus pour se partager les terres
cultivables entre vallées et plateaux entre le delta Rhin-Meuse-Escaut et le bassin parisien, zone sans
doute sous-peuplée comprise entre l’ouest de la zone centrale européenne (que JP Demoule appelle
la zone nord alpine) et la zone atlantique. Il est bien évident que cette « zone tampon » pourra être
ballotée culturellement entre les uns et les autres ; rappelons que génétiquement, nous ne verrons
pas de différences notables !