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Appel à projets de l’AFSSU pour 2011
Dossier de candidature
Titre
Remédier au mutisme sélectif en milieu scolaire
Auteurs
1. Responsable du projet:
Mme Valérie MARSCHALL Présidente de l’association Ouvrir La Voix (Groupe d'entraide et d'information sur le Mutisme Sélectif) Tél +33 3 69 19 02 16 Mél :
2. Organisme
Association Ouvrir La Voix
Siège Social : 5, hameau de la chapelle, 29800 LA FOREST LANDERNEAU, FRANCE
3. Acteurs du projet
MARSCHALL Valérie : Licence d’anglais, Maîtrise d’anglais appliquée à la Formation des Adultes,
Présidente de l’association Ouvrir La Voix.
GAUDEMARD Catherine : Maîtrise en science de l’éducation, psychologue clinicienne, psychologue au
Lycée français de Valencia (Espagne).
FRELAT Anne : Psychologue clinicienne, ancien professeur des écoles, exerçant en centre antidouleur et
en libéral sur la région de la Bretagne sud.
BLONDEAU Candice : Docteur en psychiatrie spécialisée en pédopsychiatrie, ancien chef de clinique de
l’université de Bordeaux et assistante dans le service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de
l’adolescent du Pr. Manuel Bouvard, formée à la thérapie cognitive et comportementale.
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Résumé
Le Mutisme Sélectif (MS ) Le MS est un trouble anxieux de l’enfance caractérisé par une
incapacité régulière de l’enfant à parler dans des situations sociales spécifiques, notamment en
milieu scolaire, alors qu’il est tout à fait apte à parler dans des situations où il se sent à l’aise.
L’enfant devient souvent dénué d’expression, évite tout contact visuel et semble figé
physiquement. La phobie sociale est associée à ce trouble dans plus de 90% des cas. Bien
que difficile à évaluer, les recherches récentes estiment la prévalence à au moins sept enfants
sur mille. Des méthodes d’intervention fiables et efficaces existent. Déjà utilisées par de
nombreux parents, enseignants ou spécialistes de la question, elles permettent à l’enfant, en
faisant de lui un partenaire actif, de surmonter progressivement et pas à pas sa peur de parler
en milieu scolaire et de transférer sa parole vers de nouveaux environnements.
Mots clés
Mutisme Sélectif – Anxiété – Trouble anxiogène – Remédiation – Socialisation
Introduction
Face à un manque cruel d’informations sur le MS dans les pays francophones, les familles se
sentent souvent démunies et impuissantes à aider leurs enfants. Diagnostic inapproprié,
difficulté à trouver des thérapeutes connaissant le MS, incompréhension du corps enseignant,
impossibilité pour l’enfant de s’en sortir tout seul, anxiété accrue des parents qui ne savent pas
vers qui se tourner constituent le lot quotidien de ces familles.
Pourquoi un enfant développe-t-il le MS ?
L’enfant atteint de MS démontre souvent des signes d’anxiété élevée dès la petite enfance :
anxiété de séparation, crises de colère, difficultés d’endormissent, comportement opposant
voire tyrannique, avec un retentissement déjà important. Bien que 20 à 30% des enfants
atteints de MS aient des problèmes de langage associés, l’anxiété demeure la cause sous-
jacente du mutisme. Un tempérament anxieux, associé à un sentiment de gêne lors de la prise
de parole, peut entraîner une anxiété massive et mener au mutisme.
3
Le MS n’est pas causé par des troubles d’apprentissage, des troubles envahissants du
développement comme l’autisme, ou d'autres retards de développement. Il n'est pas non plus
lié à un abus sexuel, des négligences ou à un traumatisme psychologique.
Bien que le mutisme soit un symptôme pouvant exister dans les autres pathologies citées, le
MS est bien une pathologie spécifique et uniquement anxieuse. En raison de la rareté et,
souvent, de l'inexactitude des informations dans la littérature, il arrive que les enfants avec un
MS soient mal diagnostiqués et ne bénéficient pas d’une prise en charge adéquate.
Dans beaucoup de cas, les parents attendent et espèrent que leur enfant arrive à surmonter
son MS en grandissant, mais sans identification et traitement appropriés, la plupart de ces
enfants restent mutique; ce qui complique le développement d'habiletés sociales convenables
indispensables pour interagir normalement.
« Considéré comme rare, le MS est en réalité probablement sous diagnostiqué, certaines
formes transitoires passant inaperçues, d’autres étant banalisées, voire déniées par l’entourage
ou les enseignants. L’enfant mutique à l’école passe pour un enfant timide, et s’il ne présente
pas d’autre trouble du comportement, son symptôme sera « toléré » sans que ne soient
mesurées les conséquences néfastes d’un tel trouble, tant du point de vue des interactions
sociales que de l’investissement scolaire.
Mais avec le temps, si le mutisme perdure, les réactions seront tout autres : parents,
enseignants et psychiatres peuvent ressentir une certaine frustration, voire une colère et un
rejet à l’égard de l’enfant, qui reste mutique malgré leurs sollicitations et leurs encouragements.
Le silence est interprété à tort comme une opposition, une provocation, une insulte, et non plus
comme une attitude timide et anxieuse. Nul n’est à l’abri des réactions et contre attitudes
agressives et rejetantes [sic] que suscite ce symptôme déconcertant. Le risque d’un mutisme
persistant à l’école (en dehors des problèmes purement académiques) est donc que l’enfant
soit rejeté par les enseignants et par ses pairs, ce qui augmente d’autant plus son isolement
social. Les interventions dans le milieu scolaire et la coopération des enseignants à la prise en
charge des patients n’en paraissent que plus importantes. » 1
1 Le MS chez l’enfant : un concept trans-nosographique. Revue de la littérature et discussion psychopathologique, Ève GELLMAN-GARÇON
4
La souffrance et l'angoisse de l'enfant qui ne peut communiquer qu'avec un groupe très
restreint de personnes ne peuvent être minimisées, tout comme les conséquences qu’elles
engendrent sur son équilibre psychologique.
Des stratégies, qui visent à changer de façon progressive le comportement des enfants
mutiques, ont été mises au point par des spécialistes du MS dans de nombreux pays. Ces
méthodes ont largement fait leurs preuves à l'étranger. C’est donc sur la base de ces
techniques et sur notre expérience pratique sur le terrain, que nous avons développé le
Programme d’introduction progressive de la parole en milieu scolaire.2
Description du projet
1. Présentation de l’action : Programme d'Introduction Progressive de la Parole en
Milieu Scolaire
Faire connaître le MS
L’association Ouvrir La Voix se donne comme mission première de mieux faire connaître le MS.
Pour cela, l’association travaille à diffuser l’information sur le MS par le biais de documents, de
traductions d’articles, de témoignages, de présentations dans les établissements, comprenant
des explications claires qui prennent en compte les dernières avancées de la recherche
internationale en la matière.
Faire reconnaître le MS
Outre l’information indispensable à une meilleure connaissance du MS, il parait essentiel que la
difficulté de tout enfant souffrant de MS soit reconnue.
Il s’agira ainsi de faire accepter l’enfant avec sa particularité ou sa différence momentanée, de
faire reconnaître le caractère « handicapant » du MS, afin de permettre d’éviter les mauvaises
2 Voir bibliographie : Programme d’introduction Progressive de La Parole en Milieu Scolaire (Kit Ecole) – Guide pratique pour les parents et les enseignants, Association Ouvrir La Voix, 2009.
5
interprétations qui peuvent conduire à de mauvaises orientations et d’assurer le bien-être de
l’enfant en milieu scolaire, sa réussite sociale et scolaire, et son orientation professionnelle
Mettre en place l’aide appropriée en collaboration avec les établissements scolaires
Ce troisième volet dans la remédiation du MS est également crucial. Ceci revient à :
- expliquer et mettre en place le Programme d’introduction de la parole en milieu scolaire ;
- créer une équipe d’intervention pouvant agir en harmonie pour le bien-être de l’enfant ;
- décider quelle personne est la mieux placée pour transférer la parole de l’enfant vers le lieu
scolaire ;
- établir les étapes de la progression pour l’enfant dans un programme cohérent et flexible,
qui s’appuie sur les progrès de l’enfant ;
- suivre les progrès, adapter l’intervention aux obstacles éventuels, savoir à quel moment
passer à l’étape suivante.
2. Objectifs de l’action :
a. Les objectifs initiaux
Objectifs au niveau familial :
Il est important que l’entourage familial ait une bonne connaissance du MS. Les parents
pourront ainsi faire le bilan des aptitudes langagières de leur enfant, en considérant à quelles
personnes leur enfant parle, dans quels lieux et dans quelles situations. Cela leur permettra
aussi de ne pas mettre une pression tout à fait inutile et contreproductive sur leur enfant pour le
faire parler.
Il est judicieux d’expliquer à l’enfant que l’on comprend que c’est difficile pour lui de « sortir les
mots », que beaucoup d’enfants ont la même difficulté que lui, mais que cette situation n’est
que passagère, et que l’on va mettre en place, avec son accord et sa collaboration active, un
programme d’aide qui va lui permettre de progresser vers la communication verbale, à son
rythme, par étapes graduelles adaptées à sa situation.
Objectifs au niveau scolaire :
Au niveau des établissements scolaires, les objectifs consisteront à informer et renseigner les
équipes pédagogiques et les différents personnels (enseignants, ATSEM, directeurs, infirmiers,
6
médecins, psychologues) sur l’existence de ce trouble anxieux et sur ses caractéristiques afin
qu’ils puissent l'appréhender et reconnaître le degré d’anxiété de l’enfant selon le moment de la
journée, l’activité en cours, les personnes présentes.
Il s’agit pour les parents avec le soutien de l’association Ouvrir La Voix et du thérapeute qui suit
l’enfant, d’expliquer l’aide structurée que l’on peut apporter aux équipes éducatives et
pédagogiques pour faire face au MS, une aide aussi bien technique que psychologique. Il
est donc important d’obtenir l’adhésion à ce projet de l’Inspecteur de Circonscription,
responsable pédagogique des équipes enseignantes, ainsi que du directeur, responsable
administratif de l’établissement, pour mettre en place le Programme d’introduction progressive
de la parole en milieu scolaire.
Puisque les enseignants sont en première ligne face à un enfant souffrant de MS à l’école, il est
également indispensable qu’ils sachent comment se comporter vis-à-vis de l’enfant en classe,
les attitudes à éviter étant par exemple de forcer l’enfant à parler ou à le punir parce qu’il ne
parle pas, tandis que les attitudes à privilégier incluront le fait d’avoir une attitude bienveillante
vis-à-vis de l’enfant ou l’acceptation de tout moyen non verbal que l’enfant pourrait utiliser pour
communiquer, tant qu’il ne peut pas le faire verbalement.
Les enseignants se sentent souvent démunis face à un enfant mutique en classe. Ils ne se
sentent pas suffisamment formés pour aider l’enfant et parfois doutent de leurs capacités ou ont
peur de « mal faire ». Pour cela, il convient de rassurer les enseignants, de les mettre en garde
contre les émotions et les contre-transferts négatifs3 que peuvent entraîner ce trouble vis-à-vis
de l’enfant et de sa famille.
Finalement, il est nécessaire d’expliquer aux enseignants leur rôle et l’investissement en temps
que le programme d’introduction de la parole leur demande, ainsi que les résultats escomptés,
pour qu’ils puissent pleinement adhérer au projet d’aide pour leur élève. Sensibiliser et motiver
ces différentes personnes en leur faisant comprendre le rôle essentiel qu’elles ont dans la mise
en place des stratégies de remédiation au sein de leur établissement et de la classe est un
point essentiel pour vaincre le mutisme à l'école.
3 Voir Annexe 1 : Le contre-transfert négatif
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Une fois que les différents partenaires ont une bonne connaissance des caractéristiques du
MS, il leur est plus aisé de comprendre les enjeux pour le développement de l’enfant au sein
de la communauté scolaire: communiquer avec ses pairs, prendre la parole au sein d’un
groupe, exprimer un accord ou un désaccord, demander de l’aide, et de façon générale, pouvoir
communiquer et fonctionner comme tout autre élève.
Objectifs au niveau thérapeutique :
-Informer le thérapeute qui suit l’enfant (médecin, orthophoniste, psychologue...) sur le
Programme d’Introduction Progressive de la Parole en Milieu Scolaire ;
-Créer une équipe d’intervention qui inclue les personnes impliquées dans le Programme
d’aide : parents, enseignants, médecin scolaire, psychologue scolaire, thérapeute externe à
l’établissement scolaire, et toute personne pouvant apporter ses connaissances dans ce
domaine ;
-Comprendre que l’aide apportée à l’enfant doit prendre place in situ, dans les lieux mêmes où
la phobie de parler de l’enfant est la plus grande, c'est-à-dire à l’école, pas simplement dans le
cabinet d’un thérapeute extérieur. L’école est absolument essentielle dans la démarche
thérapeutique. Elle est le lieu privilégié où, pas à pas, l’enfant va pouvoir surmonter son
angoisse et son incapacité à parler en société.
b. Les objectifs de résultats à moyen et long terme
1. Au niveau familial :
- Mettre l’accent sur la socialisation de l’enfant, par le biais d’invitations répétées des
camarades de classe pour étendre le cercle social de l’enfant.
- Valoriser l’enfant par un discours positif sur tous ses points forts - travail scolaire ou
activités extrascolaires.
- Etre acteur dans la mise en place et le suivi du Programme d’Introduction Progressive de la
Parole en Milieu Scolaire.
2. Au niveau des établissement scolaires :
- Impliquer les établissements scolaires dans la remédiation du MS ;
- Faire reconnaître le MS comme un vrai trouble d'anxiété sociale sévère qui demande un
accueil particulier de la part de l’école et donc de la mise en place d’une procédure
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administrative comme le PAI (Projet d’Accueil Individualisé) qui implique les deux parties
dans l’aide apportée à l’enfant, école et famille, ainsi qu’un diagnostic professionnel et
spécialisé ;
- Mettre en place, dans le cadre d’un PPRE (Programme Personnalisé de Réussite
Educative) ou d’un PAI, les séances d’entraînement nécessaires pour introduire la parole
de l’enfant dans le lieu anxiogène que constitue l’école. Cela permettra à l’enfant
d’apprivoiser progressivement et de mieux en mieux l’anxiété qu’il ressent lorsqu’il se trouve
dans sa salle de classe.
3. Au niveau thérapeutique :
- Travailler à augmenter la confiance en soi de l’enfant ;
- Travailler sur les techniques de relaxation, de souffle, de gestion de l’anxiété ;
- Utiliser les techniques de thérapie comportementale et cognitive utilisée contre les phobies
et les troubles de l’anxiété en général.
D’une manière générale, l’association Ouvrir La Voix s’engage à :
- Apporter son expérience et son sérieux pour soutenir et informer les familles
- Proposer, dans le cadre de la formation continue pour les enseignants, des stages sur le MS
qui permettrait de sensibiliser le corps enseignant à ce trouble si méconnu, de lui apprendre
à le détecter et à se diriger vers les personnes compétentes.
- Faire une campagne d’information et de formation auprès des orthophonistes, des
psychologues et des médecins scolaires sur le MS et permettre ainsi aux professionnels
d’aider les familles et les enseignants en établissant des diagnostics adéquats.
- Se maintenir au courant des avancées les plus récentes en matière de MS pour fournir
articles et documents à la pointe du sujet.
- Mettre les professionnels en réseau.
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3. Description de l’action
Avant la mise en place du Programme d’aide
Il est recommandé que les parents, les enseignants et le thérapeute puissent faire le bilan des
capacités langagières de l’enfant, et que ces informations soient partagées pour avoir une
image complète de l’enfant. En effet, l’enfant que les parents connaissent chez eux, dans le
confort de leur foyer, n’est souvent pas le même que celui que connaissent les enseignants en
milieu scolaire. Les tableaux en Annexes 2-4 donnent une bonne indication de comment
dresser une liste des personnes avec qui l’enfant parle, et une liste des lieux dans lesquels
l’enfant arrive à parler et est à l’aise.
Mise en place du Programme d’aide : les 5 principes de base
1) COMPRENDRE : La peur de l’enfant de parler dans certaines situations est due à une
combinaison de son tempérament et de facteurs liés à l’environnement. La tendance à rester
silencieux ou à éviter les situations qui demandent une prise de parole est en partie renforcée
par l’expérience. Quand l’enfant est sollicité pour parler, il se sent anxieux. En restant
silencieux, il réduit son anxiété. La bonne nouvelle est que les enfants atteints de MS peuvent
apprendre à parler sans se sentir anxieux. Puisque le mutisme se produit généralement à
l’école, il est judicieux de commencer à travailler dans ce lieu.
2) AIDER : L’exposition progressive à des situations qui provoquent l’anxiété, par petites
étapes, permet à l’enfant d’apprivoiser sa peur et de la surmonter.
3) ETRE FLEXIBLE : Il est important de garder une trace des progrès de l’enfant et pouvoir
adapter le programme d’aide en fonction de ses avancées ou difficultés.
4) FAIRE PRATIQUER : Plus l’enfant peut s’entraîner à parler, plus il lui sera facile de
surmonter son anxiété.
5) COMMENCER RAPIDEMENT : Plus tôt on commence, mieux c’est, car on évite ainsi que le
comportement devienne ‘ancré’, et on permet à l’enfant de sortir de ce ‘rôle’ d’individu non
parlant.
Déroulement du programme d’aide : Il s’agit d’aider l’enfant à monter les marches de
l’échelle de communication, qui vont du mutisme complet ou quasi complet (étape 1) à la
communication verbale aisée (étape 10), comme le montre le tableau ci-après.
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Développement de l’aisance de communication en milieu scolaire : échelle conversationnelle
Etape/palier Descriptif L’âge auquel votre enfant a
atteint cette étape
1. Mutisme complet à l’école L’enfant parle à la maison mais reste
muet à l’école. Il semble anxieux à
l’école et peut avoir des difficultés à
aller à l’école.
2. Participation non verbale
décontractée.
L’enfant parle à la maison mais pas à
l’école. Il commence à se détendre et à
participer non verbalement aux activités
à l’école. Parle de l’école d’une manière
positive.
3. L’enfant parle à un de ses parents à
l’école.
L’enfant parle à l’école lorsqu’il se
trouve tout seul avec un de ses parents
dans un lieu où les autres élèves et les
enseignants ne peuvent ni l’entendre ni
le voir, souvent en chuchotant.
4. Il parle et ses pairs peuvent
l’observer en train de parler.
L’enfant parle à l’école, généralement
avec un de ses parents. Ses pairs
peuvent l’observer mais ne l’entendent
pas puisqu’il chuchote assez
doucement pour rester inaudible.
5. Il parle et ses pairs peuvent
l’entendre.
L’enfant parle de façon audible à l’école
normalement avec un de ses parents.
Les autres enfants observent et
l’entendent.
L’enfant ne parle pas directement aux
autres enfants ni aux enseignants.
6. l’enfant parle à ses pairs via un de
ses parents.
L’enfant parle à sa mère ou à son père,
qui transmet le message à un camarade
se trouvant à proximité. Le camarade
de classe peut éventuellement entendre
et répondre directement à l’enfant
mutique.
7. L’enfant parle à un ou deux de ses
camarades.
L’enfant parle à l’école, avec un autre
enfant, souvent dans la cours de
récréation. L’enfant ne parle pas aux
enseignants.
8. L’enfant parle à plusieurs de ses
camarades de classe.
L’enfant parle avec plusieurs enfants à
l’école. L’enfant ne parle pas aux
enseignants.
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9. L’enfant parle avec l’enseignant L’enfant commence à parler avec
l’enseignant et il parle avec plusieurs
élèves.
10. Parole normale. L’enfant parle avec la plupart des
adultes et de ses camarades sur le ton
de la conversation normale.
(Aider son enfant à surmonter le MS, Angela Mcholm, Ph.D, Chronique Sociale, 2011 )
Les grandes lignes du programme consistent en plusi eurs étapes :
a) Entraîner l’enfant à parler à l’école grâce à un intermédiaire verbal (une personne,
généralement un parent, avec qui l’enfant communique sans difficulté).
b) Une fois que l’enfant parle et est à l’aise avec le parent à l’école, on commence la phase
d’introduction d’autres personnes (transfert de la parole à d’autres personnes que les
parents). Ces personnes sont quelques camarades et les enseignants, l’ordre étant à
définir selon le cas personnel de l’enfant.
c) Le(s) parent(s) se retire (nt) pour que l’enfant puisse fonctionner tout seul à l’école.
Ce programme devrait permettre à l’enfant de parler à des personnes hors du cercle familial, de
généraliser sa prise de parole à des personnes différentes dans des lieux variés, tout en
maintenant le niveau d’anxiété de l’enfant à un minimum absolu.
Il n’y a pas deux programmes d’intervention qui soient identiques, et la mise en place d’un
traitement variera en fonction de chaque enfant et de ses avancées. Cependant, malgré des
variations importantes, la plupart des programmes prennent une des 5 routes décrites ci-
dessous. Le rôle des parents (ou d’un équivalent) est crucial dans les 4 premiers cas de figures.
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org 1. Le médiateur issu de l’école rend visite au
domicile de l’enfant
2. Le médiateur suscite la parole à l’école
3. Le médiateur introduit d’autres adultes et enfants
1. Le médiateur se joint àl’enfant et aux parents pour
faire naître la parole à la maison
Médiateur de l’école
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g 2. Un parent joue dans un premier temps le rôle de médiateur
1. L’enfant parle au parent àl’école
2. Le parent introduit d’autres enfants et des membres du personnel
3. Un membre du personnel devient médiateur et introduit d’autres adultes et enfants
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MAISON
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org 3. Un professionnel joue le rôle du
médiateur et suscite la parole à la maison
2. Le professionnel suscite la parole à l’école
3. Le professionnel introduit un membre du personnel
4. Le membre du personnel introduit d’autres adultes et enfants
1. Le professionnel se joint àl’enfant et aux parents pour
faire naître la parole à la maison
Professionnel et parent MAISON
ÉCOLE
CLINIQUE
Parent se retire
Professionnel se retire
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g 4. Un professionnel suscite la parole dans son cabinet avec un parent
2. Le professionnel suscite la parole à l’école
3. Le professionnel introduit un membre du personnel
4. Le membre du personnel introduit d’autres adultes et enfants
1b. Optionnel : Le professionnel généralise la
parole à la maison pour plus de spontanéité
Professionnel et parent MAISON
ÉCOLE
1. Le professionnel faire naître la parole dans son cabinet
CLINIQUE
Parent se retire
Professionnel se retire
Parent & enfant
Professionnel
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g 5. Parole suscitée à l’école sans l’aide d’un parent
1. Un membre du personnel (médiateur) fait naître la parole par façonnage (shaping)
2. Le médiateur introduit d’autres adultes et enfants
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Note importante
• Les diagrammes précédents illustrent un point crucial dans le traitement du mutisme sélectif : quel que soit le chemin choisi, l’école doit être tôt ou tard impliquée car l’essentiel du travail se fera dans l’environnement scolaire.
• Le rôle des parents (ou d’un équivalent de confiance) est lui aussi crucial dans les 4 premiers cas de figures.
• Un travail d’équipe est dès lors essentiel entre tous les acteurs concernés.
NB : Une sixième route, qui n’est pas illustrée ici, est à éviter à tout prix si possible. C’est ce qui se
passe quand il n’y a pas de lien avec l’environnement immédiat de l’enfant et que le traitement est
confiné à l’environnement clinique sans le soutien d’un partenaire conversationnel existant.
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PRIORITES POUR GENERALISER LE LANGAGE
Une fois que la parole est établie avec l’intermédiaire verbal, la remédiation entre dans la phase
de généralisation, avec l’accent mis sur l’élargissement des habitudes langagières afin d’inclure
d’autres personnes et de nouveaux lieux.
Un orthophoniste ou psychologue peut commencer le programme par exemple, mais un
enseignant ou un assistant de classe sera plus à même de continuer le programme à l’école.
Un tel arrangement donnera à l’enfant l’accès à un partenaire langagier sur une base beaucoup
plus régulière que les professionnels venant de l’extérieur sont à même de fournir.
Il est important de faire une liste par priorité des personnes et des lieux à inclure dans le
programme.
Il y a 4 phases distinctives dans le programme de généralisation à considérer :
1) Etablir la parole par l’intermédiaire verbal sur le lieu de vie de l’enfant ou à l’école.
La parole peut être initialement élicitée à la maison ou en clinique, et ensuite transférée
dans le lieu Ecole. Le lieu à choisir devra être un lieu sécurisant, où le travail de l’enfant
et de l’intermédiaire verbal ne sera pas interrompu (salle de classe non occupée, petite
pièce, infirmerie).
2) Introduire les adultes et les enfants dans le lieu Ecole
Jusqu’à 2 ou 3 adultes ainsi qu’un groupe d’enfants sont introduits à cette étape, selon
un certain nombre de facteurs :
• Avec qui l’enfant se sent-il le plus à l’aise ?
• Avec qui l’enfant a-t-il le plus grand besoin de parler ?
• Qui a le plus souvent contact avec l’enfant ?
• Qui est le plus enclin à prendre le rôle d’intermédiaire verbal à un stade plus
avancé ?
Une fois que l’enfant a pu parler à ces personnes dans le lieu choisi, les activités sont
transférées dans un nombre d’endroits différents, selon les besoins immédiats de
l’enfant. Cela pourra être la salle de classe, la cour de récréation, la cantine, la
bibliothèque. Au début de chaque étape, il faudra qu’il n’y ait pas de nouvelles personnes
présentes dans ces nouveaux lieux, mais graduellement l’enfant pourra intégrer une
audience plus large.
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3) Généraliser la parole à travers l’école.
On aide l’enfant à parler à ses amis et les adultes référents partout dans l’école.
Cela implique la participation de l’enfant dans des activités de groupe, la prise de parole
devant la classe, et répondre à l’appel.
Il est également important d’étendre la gamme des partenaires de conversation tels que
secrétaires, personnel de cantine, aides de classe, et le reste des enfants de la classe.
Un des objectifs les plus importants à ce niveau est de préparer l’enfant au passage
dans la classe supérieure en le présentant à ses instituteurs futurs et à tout autre
membre du personnel concerné.
4) Généraliser la parole à des étrangers dans n’importe quel lieu, y compris un changement
d’école.
Aucun programme d’intervention ne peut être complet si on ne prend pas en
considération la capacité de l’enfant à communiquer au sein de la communauté. En fait il
est souvent plus facile pour les enfants avec un MS ou une phobie sociale de parler
devant ou à des inconnus qu'à des personnes connues à qui on a jamais parlé.
Les contacts immédiats peuvent inclure les voisins, famille plus lointaine, docteurs et
animateurs d’organisations telles que Scouts ou clubs divers. Finalement, les derniers
contacts seraient des personnes telles que chauffeurs de bus, serveurs de café,
vendeurs, les enfants du quartier et leurs parents.
Evaluation :
1. Présentation du dispositif de suivi et d’évaluation .
L’évaluation se fait par le biais de grilles d’évaluation, que vous trouverez en annexes.
Les parents dont le but est de transférer la parole de leur enfant vers le milieu scolaire, par
des séances d’entraînement, sont encouragés à tenir un carnet de notes à jour qui donnera
les indications suivantes : date, objectif pour l’enfant, activités faites pendant la séance,
résultats. Des modèles de tableaux d’évaluation se trouvent en annexe 2, 3 et 4.
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L’enseignant prendra soin de noter tout changement relatif à l’enfant durant les heures de
classe.
Il semble aussi important que l’équipe qui travaille à l’introduction de la parole à l’école
puisse se réunir régulièrement afin de faire le point sur les progrès de l’enfant et les suites à
mettre en place.
La démarche thérapeutique par étapes, clairement définies et stipulées, est spécifique au
traitement des phobies. L'enfant est confronté à un degré "acceptable" de ce qu'il évalue
comme dangereux et angoissant. Chaque fois que l'enfant surmonte une étape, il se
rapproche un peu du but final. Chaque étape est donc nécessaire et indispensable pour
surmonter la difficulté à communiquer avec autrui et l'on ne peut en sauter une à la légère,
ou être impatient et vouloir aller trop vite. Il s’agit donc pour l’enfant d’arriver au bout de
chaque étape avec succès pour pouvoir passer à la suivante. Une évaluation soigneuse,
précise et détaillée de chaque étape est donc indispensable.
2. Résultats attendus
- Une meilleure compréhension du MS de la part de tous les acteurs concernés : l’enfant et
son entourage familial, les équipes pédagogiques, les personnels de l’éducation nationale,
les médecins et thérapeutes ;
- Une amélioration des symptômes liés au MS : aisance corporelle de l’enfant, plus grande
participation en classe, socialisation accrue ;
- Une levée progressive du mutisme, grâce à la mise en place d’un programme d’aide pour
l’enfant ;
- Une réussite sociale et académique pour l’enfant ainsi qu’un bon équilibre psychologique.
Si la résolution du MS a lieu dans les classes de maternelle ou du primaire, c’est toute la
chaîne scolaire des enseignants futurs qui auront devant eux et dans leurs classes un enfant
apte à suivre un cursus normal.
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Conclusion : bilan et perspectives
A ce jour, le MS est encore trop souvent méconnu ou considéré comme « une mode venue des
Etats-Unis ». Il n’en est rien, puisque que l’on trouve les premiers cas de MS bien documentés
dès 1877, sous le travail d’un médecin allemand, Adolphe Kussmaul (1822- 1902). On parle à
cette époque d’Aphasia Voluntaria, qui voulait dire « Absence de parole volontaire ». Plus tard,
en 1934, Moritz Tramer, psychiatre suisse, utilise le terme de mutisme électif, qui sous-
entendait que les enfants choisissaient de ne pas parler, que l’absence de parole était un refus
volontaire de la part des enfants. Il faudra attendre 1994 (il y a seulement 17 ans) pour que les
spécialistes changent le terme en Mutisme Sélectif et rangent aujourd’hui le MS parmi les
troubles anxieux.
Les concepts historiques qui stipulaient que le comportement de l’enfant était volontaire, que
l’enfant refusait de parler, que ce comportement passerait avec le temps, qu’il était le résultat
d’un traumatisme, ou que l’enfant souffrait de retard mental ou d’un trouble envahissant du
développement, ont été infirmés par les études les plus récentes en matière de MS. Les
concepts actuels mettent en avant le fait que le MS est un véritable trouble anxieux
phobique issu de la combinaison de différents facteurs environnementaux et génétiques, et qui
serait au moins deux fois plus fréquents que l'autisme.
Forts de notre expérience pratique et théorique en ce domaine, nous voulons créer un grand
mouvement dans les pays francophones pour que le MS soit connu, surtout dans les écoles,
pour que les stratégies adéquates d’introduction de la parole en milieu scolaire puissent être
mises en place de façon inconditionnelle et systématique, car à l’heure actuelle, les familles
sont encore tributaires du manque d’informations sur le sujet et du bon vouloir des écoles à
mettre en place un programme d’aide adapté à leur enfant.
Grâce à notre travail, nous avons cependant bon espoir que tout enfant ou adolescent scolarisé
présentant un MS sera à l’avenir pris en charge de façon adéquate et pourra bénéficier des
stratégies d’aide évoquées dans le présent document. Le fait que de plus en plus de
professionnels de la santé ou d’enseignants s’intéressent aux documents écrits par notre
association et travaillent en partenariat avec nous, ainsi que les progrès réalisés par les enfants
concernés, nous conforte dans l’idée que nous sommes sur la bonne voie et que nos actions
méritent l’intérêt, le soutien et les conseils avisés de l’Education Nationale, afin d'assurer une
harmonisation de l'accueil et de la prise en charge de tous les enfants concernés.
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Bibliographie :
OUVRAGES ET ARTICLES EN FRANÇAIS :
SHIPON-BLUM Elisa, Comprendre le MS, 2009, Edition Chronique Sociale.
MCHOLM Angela, Aider son enfant à surmonter le MS, 2011, Edition Chronique Sociale.
ASSOCIATION OUVRIR LA VOIX, Programme d’introduction Progressive de la Parole en
Milieu Scolaire, pour les enfants souffrant de MS –Guide pratique pour les parents et les
enseignants, 2009, Association Ouvrir La Voix (Disponible gratuitement sur demande auprès
d’OLV).
MARTIN-GUEHL Corinne, L’enfant anxieux, 2003, Masson – Pratiques en psychothérapie.
SERVANT Dominique, L’enfant et l’adolescent anxieux, 2005, Odile Jacob.
LEGERON Christophe, André, Patrick, La peur des autres, Trac, Timidité et phobie sociale,
1995, Editions Odile Jacob
GELLMAN-GARÇON Eve, Le MS chez l’enfant : un concept trans-nosographique. Revue de la
littérature et discussion psychopathologique, La psychiatrie de l’enfant 2007/1, Volume 50, p.
259-318.
GALLAGHER Richard et KURTZ Steven, Aider les enfants atteints d’anxiété sociale et de MS:
conseils pour les enseignants et le personnel scolaire, Child Study Center, Volume 12, Numéro
1, Automne 2007.
OUVRAGES EN ANGLAIS:
JOHNSON Maggie et WINTGENS Alison, The Selective Mutism Resource Manual, 2001,
Speechmark Publishing Ltd.
GOETZE KERVATT Gail, The Silence Within, A parent/teacher guide to Helping Selectively
Mute and Shy Children, 1999.
CLINE Tony et BALDWIN Sylvia, Selective Mutism in Children, 2004, Whurr Publishers.
CHANSKY Tamar E., Freeing your child from anxiety, 2004, Broadwaybooks.
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ANNEXES:
Annexe 1 : Le contre-transfert négatif
La rareté du symptôme entraîne un manque d’intérêt de la part des médias, ce qui engendre à
son tour un manque d’information auprès du grand public. Les professionnels de la santé eux-
mêmes ont souvent une méconnaissance de ce symptôme.
Pour illustrer ce point, nous pouvons citer un extrait du texte de Sophie Morgenstern,
(psychiatre et psychanalyste, pionnière de la psychanalyse pour enfants et maître de Françoise
Dolto) qui suivi le petit Jacques, en 1927, enfant atteint de MS :
« Mais toutefois, Jacques restait muet. Pour l’encourager, je lui apportais une tablette de
chocolat enveloppée dans un papier à image que je lui remis à la condition qu’il parlerait à la fin
de la séance. […] A peine avais-je fini mon histoire que Jacques, qui écoutait avec un vif intérêt,
voulut absolument avoir un crayon, mais il n’arriva pas à le demander autrement que par
gestes. Je le lui refusai, car je voulais à tout prix le faire parler. […] Après nous avoir révélé
d’une façon si expressive les visions qui l’obsédaient, il continuait cependant à ne pas parler.
Alors nous essayâmes de rompre son mutisme en lui faisant peur. On l’enferma dans un cachot
duquel je le délivrai au bout d’une demi-heure. Le résultat fut le même que celui du chocolat.
[…] Ces deux échecs dans mon traitement m’ont décidée à faire réagir Jacques par
l’interruption des séances. […] Je tâchais de lui expliquer qu’il ne pourrait pas aller voir sa mère
avant qu’il ne se décidât à parler. »4
Elle utilisa donc le chantage, la peur, la frustration pour faire céder ce qu’elle prenait pour
une « simulation » de l’enfant, sans obtenir le résultat positif escompté. [Pour la petite histoire,
elle finira par avoir gain de cause au bout de 3 mois d’analyse quand elle eut interprété le
mutisme de son patient comme étant une hostilité silencieuse (qui représentait un complexe
d’Oedipe ainsi que celui de la castration, n’oublions pas qu’il s’agit d’une psychanalyste) face à
son père, principalement en utilisant ses dessins.]
4 MORGENSTERN S., Un cas de mutisme psychogène, Journal de la psychanalyse de l’enfant, n°8, 1990,
211-243, p 214, 215, 216.
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Ce qu’il faut comprendre, c’est la violence que l’on reçoit de part le silence d’un enfant
muet. C’est une chose que l’association a rencontrée à maintes reprises car elle s’est
confrontée à la réaction de professionnels compétents et aguerris qui sont tombés dans le
piège du contre-transfert négatif. Il faut dire que ne pas parler tient de la rétention. L’enfant
mutique n’investit pas dans l’oralité. D’ailleurs, en dehors des troubles du langage ou du
bilinguisme, certains auteurs font une relation avec la nourriture, anorexie et boulimie (comme
Myquel et Granon dans leurs « Quatorze observations »)5.
Nous avons ainsi un jour entendu l’histoire édifiante d’un psychiatre qui a posé le
diagnostic de MS pour un enfant qu’il suivait et qui au bout de quelques séances a dit aux
parents ébahis : « Votre enfant ne veut pas faire d’effort pour me parler : je ne peux rien faire
pour lui » ! C’est dire comme l’incapacité de parler déstabilise celui qui est en face. On peut se
demander si cela ne fait appel à la peur du vide, le silence signifiant quelque part une « petite
mort ».
Ce contre-transfert négatif est donc un élément à prendre en compte car couramment
soulevé dans la littérature scientifique et dans les faits réels. Or pour travailler efficacement
avec ces enfants, il faut absolument oublier l’idée que ce silence est volontaire d’une manière
ou d’une autre. Il faut aussi arrêter de penser que l’on va forcément être celui qui va le faire
parler. C’est un trouble avec lequel on doit apprendre l’humilité si on veut le voir régresser.
5 MYQUEL M., GRANON M., Le mutisme électif extrafamilial chez l’enfant : à propos de quatorze
observations, Neuropsychiatrie de l’enfance, 1982, 30 (6), 329-339.
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Annexe 2 : Evaluations faites par les parents
Le niveau de confort pendant des activités quotidiennes : Tableau d’évaluation des parents
Extrêmement Très anxieux Anxieux Neutre A l'aise Très à l'aise
anxieux
Se lever les jours
d'école
S'habiller pour
aller à l'école
Le petit déjeuner les
jours d'école
Partir pour l'école
L'arrivée dans la cours
de récréation
Entrer dans la salle de
classe
Le retour à la maison
après l'école
Faire ses devoirs
Parler avec le parent de
la journée à l'école
S'apprêter à aller au lit
Aider son enfant à surmonter le MS, collectif, Chronique Sociale, 2011, P 91
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Annexe 3 : Evaluations faites par l’enseignant
Le niveau de confort pendant des activités quotidiennes : Tableau d’évaluation de l'enseignant
Extrêmement anxieux Très anxieux Anxieux Neutre A l'aise Très à l'aise
Faire un travail à sa table en silence
(ex. math ou lecture silencieuse)
Effectuer une tâche sans prise de parole devant la
classe (ex. mettre à jour le calendrier, montrer avec le
Doigt la météo du jour)
Faire un exposé ou toute autre activité demandant la
prise de parole devant la classe
Répondre aux questions de l'enseignant ne demandant pas
une réponse verbale
(ex. pointer)
Faire des activités en petits groupes avec les autres enfants
(ex. faire des bricolages)
Parler avec d'autres enfants dans la salle de classe
Etre observé par les autres pendant qu'il parle (ex.
les pairs observent l'enfant qui parle; l'enseignant
l'observe pendant qu'il parle avec ses pairs)
Etre entendu en train de parler par les autres (ex. les pairs
entendent l'enfant parler à ses parents à
l'école ; l'enseignant entend l'enfant parler avec un pair)
Jouer avec d'autres enfants pendant la
récréation
Le déjeuner
S'apprêter à retourner à la maison
Aider son enfant à surmonter le MS, collectif, Chronique Sociale, 2011, P 93-94
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Annexe 4 : Grille d’évaluation des situations de pa role à la maison et à l’école
Grille d’évaluation des situations de parole
Nom de l’enfant : Évaluateur (entourer ce qui convient) :
Mère Père Enseignant Autre
Date :
Instructions : Notez comment votre enfant parle dans les situations listées ci-dessous en cochant la case correspondante.
Situation Ne parle
jamais
Murmure en
privé (les
autres
personnes
n’entendent
pas)
Murmure en privé (les
autres personnes
entendent)
Parle à voix haute (les
autres personnes
n’entendent pas)
Parle à voix haute (les
autres personnes
entendent)
A la maison ou dans le quartier :
A sa mère seule, à la
maison
A son père seul, à la
maison
A ses frères et soeurs à la
maison
A ses parents quand un
ami est présent à la
maison
A ses amis à la maison
Seul avec un ami à la
maison de celui-ci
Avec le parent d’un ami à
la maison de celui-ci
A ses parents au magasin
A un vendeur au magasin
Aux autres lors d’activités
extrascolaires
A l’école :
A ses parents dans la cour
de l’école
A un de ses parents dans
le couloir ou dans un autre
lieu en dehors de la salle
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de classe
A ses parents seuls dans
la salle de classe
A ses parents en
présence d’autres enfants
en salle de classe
A un camarade dans la
cour de récréation
A un camarade dans un
couloir ou un autre endroit
de l’école qui ne soit pas
la salle de classe
A un ami en classe
A l’enseignant dans la
cour de l’école
A l’enseignant dans le
couloir ou un autre endroit
de l’école qui ne soit pas
la salle de classe
A l’enseignant dans la
salle de classe
Devant toute la classe
Aider son enfant à surmonter le MS, collectif, Chronique Sociale, 2011, P 55-56
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Annexe 5 : Techniques spécifiques pour éliciter la parole 6
Toutes ces techniques sont basées sur le principe comportemental qui consiste à commencer à
un niveau d’anxiété minimal et à changer une variable seulement à la fois, tout en s’assurant
que l’enfant a pleine connaissance de ce qui l’attend. De cette façon, l’enfant peut
graduellement tolérer des conditions qui, toutes ensemble, lui causeraient une grande anxiété.
Après une exposition graduelle, il est capable de faire face à des situations (qu’auparavant il
aurait eu tendance à éviter) sans éprouver de peur.
Le Sliding-in ou introduction progressive
L’enfant parle à un partenaire de conversation en qui il a toute confiance (généralement un
parent) dans une situation provoquant une anxiété minimale, puis un élément est changé, c’est-
à-dire qu’un élément provoquant de l’anxiété est introduit.
Si l’enfant se sent à l’aise au début de l’activité et que le changement introduit est infime, il peut
tolérer l’élément déclencheur d’anxiété et continuer à parler. Ainsi par exemple, il pourra tolérer
qu’une nouvelle personne s’approche de plus en plus près jusqu’à se joindre à l’activité de
l’enfant. Quand ceci est planifié avec précaution et découpé en petites étapes, on appelle cela
la technique du Sliding-in.
Tout d’abord, l’enfant parle librement à un membre de sa famille alors que l’intermédiaire verbal
attend en dehors de la pièce ; ceci est répété avec la porte légèrement ouverte, puis tout à fait
ouverte, et finalement avec l’intermédiaire verbal se tenant à l’intérieur de la pièce. Si l’enfant
est capable de continuer à parler à ce stade-là, l’intermédiaire verbal peut s’approcher et se
joindre à l’activité en cours. On évitera généralement le contact visuel direct jusqu’à ce que
l’enfant soit plus à l’aise et s’exprime avec confiance. Pour les enfants qui comprennent les
principes en jeu, le procédé est facilité en établissant des objectifs spécifiques et en
commençant par des activités courtes, qui demandent peu d’efforts (comme par exemple
compter jusqu’à 10 à tour de rôle), avant d’étendre ces activités de façon graduelle pour obtenir
des phrases de plus en plus longues.
6 (Maggie Johnson, Présentation sur le MS organisée à Paris le 14 mai 2010 par l’association OLV. Traduction Valérie Marschall.)
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Chaque fois que l’enfant a réussi une étape avec succès, il visualise ses progrès à l’aide d’un
autocollant ou d’une croix ajoutée à un tableau. Ce procédé est complet lorsque le parent se
retire de la pièce, laissant l’enfant seul avec l’intermédiaire verbal.
La technique du Shaping (Façonnage)
Avec cette technique, c’est l’objectif langagier qui change, plutôt que la proximité des
personnes présentes. L’enfant commence en utilisant des gestes pour pointer, montrer du doigt
en présence de l’intermédiaire verbal. Il est amené graduellement par de toutes petites étapes à
progresser vers la communication verbale en augmentant ses efforts d’articulation à travers
différentes phases : jeux de souffle, sons non verbaux, bruits et sons avec la bouche, mots
isolés et phrases, volume de voix et contact visuel.
Cette technique est utile lors des jeux visant à construire une relation de confiance, surtout
auprès de jeunes enfants et lorsque les parents ne sont pas disponibles, mais reste, en règle
générale, une façon beaucoup plus stressante pour l’enfant d’éliciter la parole.
La technique du Lone Talking (Se parler à voix haut e)
L’étudiant enregistre sa voix lorsqu’il se trouve seul et fait écouter l’enregistrement à
l’intermédiaire verbal jusqu’à ce qu’il puisse se sentir à l’aise pour lire et réciter des séquences
appris par coeur ou pour répondre à des questions grâce aux enregistrements de sa voix.
L’intermédiaire verbal applique ensuite la technique du Sliding-in comme ci-dessus, mais
l’étudiant lit ou compte à voix haute sans le soutien d’un partenaire de conversation. Cette
technique est préconisée pour les élèves plus âgés.
Généralisation
Suite à n’importe quelle technique utilisée, la technique du Sliding-in est utilisée pour introduire
de nouveaux partenaires de conversation, une personne à la fois, et les activités sont répétées
dans des environnements différents avec les personnes déjà introduites.
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Talking Cercle (Cercle de parole)
Une fois que l’enfant a pris confiance et a engrangé quelques succès grâce à la technique du
Sliding-in, on peut introduire plus d’une personne en même temps. Deux ou trois autres chaises
sont disposées en cercle, et l’enfant et l’intermédiaire verbal commence par compter à tour de
rôle. Après un signal convenu à l’avance, une nouvelle personne entre dans la pièce, vient
lentement s’asseoir dans le cercle et se joint à l’activité en comptant à son tour. Ce processus
est répété jusqu’à ce que toutes les personnes qui attendaient dehors aient rejoint le cercle de
parole. On continue ensuite avec d’autres activités telles que dire des mots simples, puis des
phrases, en changeant la direction des échanges dans le cercle de parole. Finalement,
l’intermédiaire verbal peut graduellement se retirer et sortir de la pièce, laissant l’enfant seul en
train de parler avec les nouvelles personnes qui viennent d’être introduites.
Walkabout (Continuer à parler en se déplaçant d’un endroit à un autre)
Une fois que l’enfant est capable de parler en petits groupes, on peut essayer le Walkabout: les
personnes du groupe commencent à parler avec l’intermédiaire verbal dans un endroit sécurisé
où personne ne peut les entendre, en ayant choisi une activité simple plutôt qu’une activité qui
demande une conversation spontanée. L’objectif du jeu est de continuer à parler tout en se
déplaçant vers un autre endroit avant de retourner à l’endroit d’où ils sont partis. Par exemple,
on pourra se déplacer le long d’un couloir d’une salle à une autre, ou faire le tour de la cour de
récréation à l’heure du déjeuner.