5poemas de
leídos el 18 de abril de 2012en la residencia de estudiantes
poesía en la residencia
BERNARDNOËL
índice
4 À vif enfin la nuit
5 en carne viva al fin la noche
32 nulle part ma voix
33 Por ningún sitio mi voz
46 Fenêtres fougère
47 Ventanas helecho
60 séquence 6
61 secuencia 6
74 séquence 5
75 secuencia 5
92 Procedencia de los poemas
93 nota biográfica
4
À ViF enFin la nUiT
1967
à Paul de Roux
à vif enfin
l’énigme est un creux
où les mots se ravivent
on va on vient
et c’est la même chose qui niche dans la gorge
impossible à cracher
l’obscure
5
en carne ViVa al Fin la noche
1967
a Paul de Roux
en carne viva al fin
el enigma es un hueco
donde las palabras se reavivan
uno va y viene
y es lo mismo que anida en la garganta
imposible escupirlo
lo oscuro
6
le cœur est trop présent
comme un geste qui va mourir
à la portière
déchirement
quelqu’un marche
et l’on dirait un cri d’autrefois
le temps qui ouvre un trou
dans la poitrine amère du présent
les yeux se ferment
les yeux
pour tuer ce regard qui a la mort au bout
dedans dehors
on est si blanc
que le squelette fait une cage d’ombre
7
el corazón está demasiado presente
como un gesto que va a morir
en la puerta
desgarradura
alguien anda
y se diría un grito de antaño
el tiempo que abre un agujero
en el pecho amargo del presente
los ojos se cierran
los ojos
para matar esa mirada que tiene en la punta la muerte
dentro fuera
se es tan blanco
que el esqueleto hace una jaula de sombra
8
je lis
dans les vrais poèmes on ne
trouve aucune autre unité
que celle du fond de l’âme.
il peut y avoir des instants
où des abécédaires et des
précis nous apparaissent
poétiques. la poésie = le
fond de l’âme révélé.
et la chute ailleurs recommence
mon cœur est bleu
je tombe en l’air
dans la caverne de la mer
ô la peau à l’orée si douce
quand tout naissait ou renaissait
poignante porte au fond de l’heure
déclose sous la main
9
leo
en los verdaderos poemas
no encontramos otra unidad
que la del fondo del alma.
Puede haber instantes donde
abecedarios y compendios
nos parecen poéticos. la
poesía = el fondo del alma
revelado.
y vuelve a empezar la caída en otra parte
mi corazón es azul
caigo en el aire
en la caverna del mar
oh la piel en el linde tan suave
cuando todo nacía o renacía
punzante puerta al fondo de la hora
descercada bajo la mano
10
muguet du sel
je buvais ta sueur
et tu étais le nom de toutes
agile infiniment sur la corde mémoire
et ta pensée est avec moi
dans mon désir de me sur-
vivre. J’ai voulu te dire cela
parce que tu y trouveras la
certitude que le temps ne
changera jamais rien de ce
que tu as trouvé en moi.
mais voici l’ombre
et les souliers de pierre
qui parle si la nuit est vide
et vide la lisière
et vide aussi ma voix
11
lirio de los valles de la sal
bebía tu sudor
y tú eras el nombre de todas
infinitamente ágil en la soga memoria
y está conmigo tu pensamien-
to en mi deseo de sobrevivir-
me. He querido decirte esto
porque encontrarás en ello
la certeza de que el tiempo
no cambiará nunca nada de
lo que hallaste en mí.
pero he aquí la sombra
y los zapatos de piedra
quién habla si está vacía la noche
y vacío el linde
y vacía también mi voz
12
on tend sa main
et c’est un arbre sec sur le couchant
terrifiante
terrible la mer où le soleil se noie
et ma montagne est noire
et la lune poignarde ma maison
on a faim
la chair devient étroite
la main est pleine d’ongles
et puis et puis
on est soudain très vieux
avec une aube dans la tête
levée de dix mille ans
qui passe
13
tendemos la mano
y es un árbol seco en el poniente
aterrador
terrible el mar donde el sol se ahoga
y mi montaña es negra
y la luna apuñala mi casa
tenemos hambre
la carne se hace estrecha
la mano está llena de uñas
y luego y luego
somos muy viejos de pronto
con un alba en la cabeza
diez mil años ha elevada
que pasa
14
qui refuse sa voix
Ô silence
comme une piste sèche
parmi la fente de la mer
murs d’eau
regard gelés
pièges pires que plaies d’Égypte
mais le sable boit toute crainte
et la parole
joue au phénix dans l’oeil de l’eau
15
que hurta su voz
oh silencio
como una pista seca
en la hendedura del mar
muros de agua
mirada heladas
trampas peores que de egipto plagas
pero la arena todo temor bebe
y la palabra
juega al fénix en el ojo del agua
16
Je revois ton visage: il me
semble que ta tête est ap-
puyée contre mon épaule
et que je lis dans tes yeux,
que je vois dans ton regard
l’immensité même qui est
étendue entre nous.
la main dans la main
tu dis
la fin sera violente
et je jette mon encre
tout en travers de toi
tu dis
épouse la marée
sois la marge
et je suis dans mon château fermé
laisse
ta peau est blanche de ma soif
ton étrave va jeter bas ma tour
17
Vuelvo a ver tu rostro: me
parece que tu cabeza está
apoyada en mi hombro y
que leo en tus ojos, que veo
en tu mirada la inmensidad
misma que se extiende
entre nosotros.
la mano en mi mano
dices
el final será violento
y yo lanzo mi tinta
atravesándote entera
dices
desposa la marea
sé el margen
y yo estoy en mi castillo cerrado
deja
tu piel está blanca de mi sed
tu estrave derribará mi torre
18
et l’éphémère est beau
ô sirène fendue
pourtant
quelle voile soudain
à contre-ciel tranche le temps
et quelle peur au fond des os
jaunit
qui es-tu
et qui suis-je
et qui revient masqué de toi et moi
nos ombres rentrent dans nos corps
la voile est noire
le vent ne se lèvera plus
ici
19
y lo efímero es hermoso
oh sirena rajada
con todo
qué vela de pronto
a contra-cielo corta el tiempo
y qué miedo en el fondo de los huesos
amarillea
quién eres
y quién soy
y quién vuelve enmascarado de ti y de mí
nuestras sombras entran en nuestros cuerpos
la vela es negra
el viento no se volverá a levantar
aquí
20
la lecture terminée, il faut
immédiatement oublier non
seulement toutes les pa-
roles, mais aussi toutes les
idées de l’auteur, et ne se
souvenir que de son visage.
et maintenant
que de bras dans mon geste
et de gisants au cœur de moi
ô honte de n’être qu’un abîme
toujours recommencé
on ne compte plus
on est le bord de l’arbre creux
la peau dernière
21
acabada la lectura hay que
olvidar inmediatamente no
solo todas las palabras sino
también todas las ideas del
autor, y acordarse solamen-
te de su rostro.
y ahora
cuántos brazos en mi gesto
y yacientes en el centro del yo
oh vergüenza de no ser sino un abismo
siempre recomenzado
no contamos ya
somos el borde del árbol hueco
la última piel
22
et l’épée reste au seuil du jardin
interdisant le fond de la mémoire
qui joue sa soif
jette son dé à contre-jour
il a pillé le temple
et mis sa mère dans son ventre
il a des yeux partout
les mots du poème, leur
indocilité, leur nombre, leur
insignifiance, retiennent sur
le cœur l’instant impalpable,
baiser lentement appuyé sur
la bouche d’une morte, ils
suspendent le souffle à ce
qui n’est plus rien.
23
y la espada queda en el umbral del jardín
prohibiendo el paso al fondo de la memoria
el que se juega la sed
lanza el dado a contra-luz
ha saqueado el templo
y puesto su madre en su vientre
tiene ojos por todas partes
las palabras del poema, su
indocilidad, su número, su
insignificancia, retienen en
el corazón el instante im-
palpable, beso lentamente
apoyado en la boca de una
muerta, cuelgan el aliento
de lo que ya no es nada.
24
on a marché
l’herbe était morte
et le soleil ne bougeait plus
tu as dit
je et tu font la scie
phosphènes du désert
toi était moi
mais moi était un autre
avec un œil dans chaque main
tu as dit
douleur comme de biais frappant
le fil de l’os
mirage ou visage
qui se tenait dans l’âme du regard
25
anduvimos
la hierba estaba muerta
y el sol no se movía ya
dijiste
yo y tú forman la sierra
fosfenos del desierto
tú era yo
pero yo era otro
con un ojo en cada mano
dijiste
dolor como sesgado dando en
el filo del hueso
espejismo o rostro
que se mantenía en el alma de la mirada
26
quelqu’un parlait de notre peur
quelqu’un marchait en nous
et l’inconnu posait un miroir sur nos bouches
elle pensa que c’était comme
s’ils avaient dansé ensemble
dans la solitude blanche…
elle se sentait pénétrée de
blancheur au point de faire
corps avec la nature entière,
avec la plaine infiniment
immaculée... tellement épar-
pillée dans tout cela qu’elle
n’était plus du tout certaine
d’exister distinctement.
on ne pouvait parler et d’ailleurs
qui dira la chute lente
la vie dessus dessous continuant de neiger
27
alguien hablaba de nuestro miedo
alguien andaba en nosotros
y lo desconocido ponía un espejo en nuestras bocas
ella pensó que era como si
hubieran bailado juntos en
la soledad blanca... ella se
sentía penetrada de blancu-
ra hasta el punto de hacer
cuerpo con la naturaleza
toda, con la llanura infini-
tamente inmaculada... tan
esparcida en todo eso que
no estaba segura en absolu-
to de existir distintamente.
no se podía hablar y por otra parte
quién dirá la caída lenta
la vida patas arriba nevando todavía
28
et l’un sous la terre
et l’autre tombant tombant
et le présent à leur rencontre
comme une vague crêtée de blanc
qui dira la part irrémissible
et la vitesse de la roue
passé futur l’un l’autre se contiennent
ou bien se touchent à la grille des dents
mais qui les mord
meurt au présent
et retombe dans l’un ou l’autre
qui dira le fleuve immobile
où la parole va sans fin
tomber dans le même présent
et qui alors voudra y croire
s’il lui faut aller vers le détachement
de toute idée de parole et de fleuve
pour tomber dans ce même présent
29
y uno bajo tierra
y el otro cayendo cayendo
y el presente a su encuentro
como una ola con cresta blanca
quién dirá la parte irremisible
y la velocidad de la rueda
pasado futuro uno a otro se contienen
o bien se tocan en la verja de los dientes
mas quien los muerde
muere al presente
y vuelve a caer en uno u otro
quién dirá el río inmóvil
donde la palabra va sin fin
a caer en el mismo presente
y quién entonces querrá creer en ello
si tuvo que ir hacia el desprendimiento
de toda idea de palabra y de río
para caer en ese mismo presente
30
ô blanche et saline
la part effondrée de la nuit
ici et maintenant
quelque chose dérive
sous la plainte du vent
et les os se retournent dans le sable
le temps recoud ses franges
la houle abolit le silence
et j’appelle le jour
car bleu le ciel
où bout l’éternité
31
oh blanca y salina
la parte hundida de la noche
aquí y ahora
algo deriva
bajo el lamento del viento
y los huesos se remueven en la arena
el tiempo recose sus flecos
el oleaje abole el silencio
y yo llamo al día
pues azul el cielo
donde hierve la eternidad
32
nUlle parT Ma VoiX
un mot s’en va
il porte la faim
du cœur
un appétit
dans sa poche d’air
33
por ninGÚn siTio Mi VoZ
una palabra parte
lleva el hambre
del corazón
un apetito
en su bolsa de aire
34
qui voit
le ruisseau du souffle
tu lèves des yeux
où mon ombre passe
sans moi
35
quien ve
el arroyo del aliento
levantas ojos
donde mi sombra pasa
sin mí
36
une épave roule
dans la bouche
chose du futur
qui ne trouve pas
un présent
37
un pecio rueda
en la boca
cosa del futuro
que no encuentra
un presente
38
déjà l’étranger marche
sur l’aile des lettres
le ciel reblanchit
au bout de la langue
une épée de vent
39
ya avanza el extranjero
en el ala de las letras
el cielo se reblanquea
en el extremo de la lengua
una espada de viento
40
quelle pluie frappe
ton visage quel jet
de sens oublié
tu marches ailleurs
je respire encore
41
qué lluvia golpea
tu rostro qué chorro
de sentido olvidado
tú andas por otro sitio
yo todavía respiro
42
ma main se remplit
de lumière froide
il reste
une petite saison
le sommeil bête
43
mi mano se llena
de fría luz
queda
una breve estación
el sueño necio
44
quand le jour viendra
regarde qui s’efface
sur tes lèvres
chaque nom meurt
en silence
45
cuando venga el día
mira quién se borra
en tus labios
cada nombre muere
en silencio
46
FenÊTres FoUGÈre
à colette deblé
le rideau des larmes
la boîte d’air
qui est là
l’être a mangé
du vent
un peu de pluie
d’âme
47
VenTanas helecho
a colette deblé
la cortina de las lágrimas
la caja de aire
quién está ahí
el ser ha comido
viento
un poco de lluvia
de alma
48
la parole simple
le toi tu
au milieu du moi
la terre descend
le long des yeux
un cri de lumière
nue
49
la palabra simple
el tú callado
en el centro del yo
la tierra desciende
a lo largo de los ojos
un grito de luz
desnuda
50
le temps goutte à goutte
dans la peau du jour
qu’est-ce que le corps
les pierres dressées
au bout de la langue
la fleur d’œil
le monde réel
51
el tiempo gota a gota
en la piel del día
qué es el cuerpo
las piedras erectas
en el extremo de la lengua
la flor de ojo
el mundo real
52
matière matière
le nom coule
sur l’épaule
tu t’habilles
de ton cœur
les couleurs s’en vont
au ruisseau des mains
53
materia materia
el nombre fluye
sobre el hombro
te vistes
con tu corazón
los colores se van
al arroyo de las manos
54
la torche du corps
brûle
à contre-ciel
le visage ici
la tête là-bas
l’espace partout
un pré vertical
55
la antorcha del cuerpo
arde
a contra-cielo
el rostro aquí
la cabeza allá
el espacio por doquier
un prado vertical
56
la chair du silence
la fumée de l’âge
un peu de mémoire
oblique
le miroir vu
depuis l’au-delà
le mouvant d’une pensée
57
la carne del silencio
el humo de la edad
un poco de memoria
oblicua
el espejo visto
desde el más allá
el oscilar de un pensamiento
58
la vie est la trace
de la vie
la moelle des yeux
s’allume au bonheur
tout est là
comme un mot
sur la langue
59
la vida es la huella
de la vida
la médula de los ojos
se enciende en la dicha
todo está ahí
como una palabra
en la lengua
60
séqUence 6
pour Antonio Gamoneda
1
et maintenant celui qui parle a fermé la porte au devenir
être pauvre dit-il je l’ai été je le serai toute ma vie
le monde tel qu’il va s’arrête un moment au bord de ce qu’il cache
l’espoir depuis toujours est la langue pourrie de l’acceptable
sa vieille décomposition empuantit soudain la gorge
il n’y a pas d’excuse à l’entretien de la déréliction
tout y contribue pourtant de la morale et de la loi à la justice
on a cette impression puis vient le regard fou de qui a vu la mort
on cherche alors autour de soi la vie d’au-dessous de la vie
quand le monde était un peu plus jeune il suffisait de lever le poing
l’avenir aussitôt chantait au bout de la belle illusion
tous ont peur désormais de perdre ce qu’ils ont déjà perdu
cependant qu’en chacun le désir de la sécurité met en tête
une solitude affamée de cela même qui la rend dévorante
du lien social d’où son malheur pourrait tirer le seul repos
les vivants à la différence des morts sont incapables de revivre
la sciure de leur conscience empoussière en eux toute la pensée
61
secUencia 6
a Antonio Gamoneda
1
y ahora el que habla ha cerrado la puerta al futuro
pobre dice lo he sido y lo seré toda mi vida
el mundo tal como va se detiene un momento al borde de lo que oculta
la esperanza desde siempre es la lengua putrefacta de lo aceptable
su vieja descomposición de repente llenó la garganta de hedor
no hay excusa al complacerse en el abandono
todo lo favorece sin embargo desde la moral y la ley hasta la justicia
se tiene esta impresión luego viene la mirada loca del que ha visto la
muerte
se busca entonces en torno a uno la vida de debajo de la vida
cuando el mundo era algo más joven bastaba levantar el puño
el futuro al punto cantaba al límite de la noble ilusión
todos temen desde ahora perder lo que han perdido ya
mientras que en cada uno el deseo de la seguridad prevalece
una soledad hambrienta de lo mismo que la hace devorante
del nexo social donde su desgracia podía lograr el único reposo
los vivos a diferencia de los muertos son incapaces de revivir
el serrín de su conciencia llena de polvo en ellos todo pensamiento
62
2
et maintenant qui depuis là-bas se souvient de s’être souvenu
quand privé de nos corps nous n’avons pour bien dernier qu’un grand
trop tard
qui de cet aujourd’hui où le temps quitta soudain son vieux chemin
cependant que le mal changeait à la fois d’ornière et de nature
toute une tromperie sur elle-même retroussée pour semer l’égarement
et ce fut alors comme une cascade d’oubli versant dans la mémoire
on venait d’arracher non pas les yeux mais dans les yeux la réflexion
tandis que pendue aux crocs des media la culture agonisait
il n’y avait plus de langue dans les bouches et là-haut la vulgarité
faisait la roue en croyant prouver ainsi sa légitimité
l’assassin ne se fait-il pas valoir en agitant son couteau
mais comment dénoncer l’arme secrète et invisible du mensonge
tout s’éprouve au mouvement de nos syllabes et rien pourtant ne dit
quelles blessures en découlent surtout quand vient le temps d’un
aujourd’hui
un temps où toute phrase est faisandée pour que se gâte dans la tête
le lieu où consonnes et voyelles s’assemblent pour l’acte de penser
rameutant parmi salive et dents creuses la volonté de résister
63
2
y ahora quién desde allá lejos recuerda haberse acordado
cuando privados de nuestros cuerpos tenemos como último bien un gran
demasiado tarde
que desde este hoy en que el tiempo abandonó de pronto su viejo camino
mientras el mal cambiaba a la vez de carril y de naturaleza
todo un engañarse a sí mismo recogido para extraviar
y fue entonces como una cascada de olvido vertiendo en la memoria
acababan de arrancar no los ojos sino en los ojos la reflexión
mientras colgada de los garabatos de los medios de comunicación la
cultura agonizaba
no había ya lengua en las bocas y allá en lo alto la vulgaridad
se pavoneaba creyendo probar de este modo su legitimidad
no alardea acaso el asesino agitando el cuchillo
pero cómo denunciar el arma secreta e invisible de la mentira
todo se experimenta en el movimiento de nuestras sílabas y en cambio
nada dice
qué heridas manan de allí sobre todo cuando llega el tiempo de un hoy
un tiempo en el que toda frase es manida para que se deteriore en la
cabeza
el lugar donde consonantes y vocales se unen para el acto de pensar
atraillando entre saliva y dientes huecos la voluntad de resistir
64
3
mais maintenant que le non-sens fait la loi que signifie la résistance
quand les pauvres sont toujours plus pauvres les riches toujours plus
riches
la poésie cherche à tâtons parmi ses vieux sujets puis se bat les flancs
ce qui fut terres promises n’est déjà plus que paradis perdus
sans doute y gagne-t-on de se planter au milieu du présent
pour défier son propre désespoir à coup de bouffées de silence
on sait qu’il faut cuver la cendre puis mâcher l’ombre jusqu’au bout
chaque jour gober la chose amère en découvrant qu’à rien ne servent
révolte ni colère ni l’un ni l’autre de ces élans à contre époque
il faut dans le fond de la nuit inventer la survie de la vie
cracher en l’air un reste de rancœur en s’entraînant à la terreur
nul ne sait pour combien de temps l’avenir est derrière nous
le présent désormais ne sait aller plus loin que l’immédiat
chacun touche dans cette extrémité le bord d’une condamnation
est-ce à l’exil au camp de rétention à la fosse commune
et nous sommes debout sous la menace qui sert de nouveau ciel
on oublie l’azur sous ce ciel là et le plaisir de respirer
65
3
y ahora que el sin-sentido hace la ley que significa la resistencia
cuando los pobres son cada vez más pobres y los ricos cada vez más ricos
la poesía busca a tientas entre sus viejos temas luego echa los bofes para
nada
lo que fueron tierras prometidas no es ya sino paraísos perdidos
tal vez salgamos ganando si uno se planta en medio del presente
para desafiar su propia desesperación a golpe de bocanadas de silencio
se sabe que es necesario embriagarse de ceniza luego mascar la sombra
hasta el final
cada día tragar la cosa amarga descubriendo que de nada sirven
rebelión ni cólera ni uno ni otro de los arranques a contra época
hay que inventar en el fondo de la noche la supervivencia de la vida
escupir en el aire un resto de rencor preparándose para el terror
nadie sabe por cuanto tiempo el futuro está detrás de nosotros
el presente desde ahora no sabe ir más allá de lo inmediato
cada uno toca en este extremo el borde de una condena
acaso al exilio al campo de retención a la fosa común
y nosotros estamos en pie bajo la amenaza que sirve de nuevo cielo
se olvida el azur bajo el cielo y el placer de respirar
66
4
et maintenant pour ne rien céder il faut dire jusqu’à l’écoeurement
dire les coups l’humiliation l’arbitraire et la brutalité
la tête est corrompue qui veut tout le pays à son service
que l’égalité ne soit qu’une chimère et l’intimité mutilée
la poésie regarde vers ses pieds pour trouver la juste bassesse
l’abjection ne vient pas d’en bas c’est par l’ordre que naît la boue
se dénature la nature et s’encrassent les organismes
la servilité est toujours prête à davantage de servitude
que faire à contre humanité afin de relever l’espèce
quand la spéculation n’a pour fonction que de bénir l’escroquerie
l’air est plein de crachats si bien qu’il faut laver la vue pour voir
mais qui veut voir les traces du mépris baver encore sur sa face
la haine est la seule façon de rincer les yeux et le cerveau
il faut que l’ouverture de la bouche aille tout là-bas jusqu’à l’ombre
et qu’un déchirement entre sanie et excréments fasse le nettoyage
fracas partout colère extrême et rien pas de secours un cri enfin
chie soudain par en haut la morve des images et des discours
67
4
y ahora para no ceder nada hay que enunciar hasta el hastío
decir los golpes la humillación lo arbitrario y la brutalidad
la cabeza corrupta que quiere todo el país a su servicio
que la igualdad sea solo una quimera y la intimidad mutilada
la poesía se mira los pies para hallar la bajeza justa
la abyección no viene de abajo debido al orden nace el lodo
se desnaturaliza la naturaleza y se atoran los organismos
el servilismo está siempre dispuesto a más servidumbre
qué hacer a contra humanidad para levantar la especie
cuando la especulación no tiene más función que bendecir la estafa
el aire está lleno de esputos de suerte que hay que lavar la vista para ver
pero quién quiere ver las huellas del desprecio babear aún sobre su rostro
el odio es el único modo de enjuagar los ojos y el cerebro
es necesario que la apertura de la boca vaya allá lejos hasta la sombra
y que un desgarramiento entre sanies y excrementos haga la limpieza
estrépito por todas partes cólera extrema y nada de auxilios un grito por fin
cague de pronto hacia lo alto el muermo de las imágenes y los discursos
68
5
et maintenant qui a besoin des mots n’a que cadavres devant lui
la putréfaction du vocabulaire a gagné le souffle
comment parler de résistance avec tout ce pourri en bouche
on ne sait plus si la pensée est en nous pensée par elle-même
ou si quelque virus agite en nous son parfait simulacre
quand le virtuel est plus fort que la réalité tout fait semblant
l’illusion l’a emporté dans le débat de l’être et du paraître
le durable a perdu sa valeur au profit de la marchandise
la révolution serait à la mode si elle était vendable
le présent mange tout à la fois l’avenir et le passé
d’ailleurs qu’est-ce que le temps dès lors qu’il est égal à la consommation
la valeur d’usage est moins prisée que la vitesse de l’usure
ou la nécessité sans cesse accélérée du changement
on attend même sécurité de la banque et du commissariat
avec l’espoir à la fin d’une plus value de sa vie sur la vie
le sens tourne en rond dans le reflux des désirs humanistes
le regard tombe au fond du fond sous le poids de l’épaisse bêtise
69
5
y ahora el que necesita palabras sólo tiene cadáveres ante sí
la putrefacción del vocabulario ha invadido el aliento
cómo hablar de resistencia con toda este putridez en boca
no sabemos ya si el pensamiento es en nosotros pensamiento por sí
mismo
o si algún virus agita en nosotros su perfecto simulacro
cuando lo virtual es más fuerte que la realidad todo finge
la ilusión ha vencido en el debate del ser y el parecer
lo durable ha perdido su valor en provecho de la mercancía
la revolución estaría de moda si fuera vendible
el presente traga a la vez el futuro y el pasado
además qué es el tiempo si es igual al consumo
el valor del disfrute es menos preciado que la velocidad del desgaste
o la necesidad sin cesar acelerada del cambio
se espera la misma seguridad del banco y de la comisaría
con la esperanza al fin de una plusvalía de la propia vida sobre la vida
el sentido gira en redondo en el retroceso de los deseos humanistas
la mirada cae en el fondo del fondo bajo el peso de la basta necedad
70
6
et maintenant tu jettes à gauche ta colère et l’agonie commence
quelqu’un est là qui cherche en toi le sens de sa triste fatigue
plus d’idéal et pas même un but le seul désir d’en finir
car le monde étant le monde son mouvement l’entraîne vers le bas
vers le lieu exact où l’humain périt dans sa caricature
à quoi bon vouloir révolter le penchant à la servitude
l’histoire ajoute tout son poids à cette vieille inclination
pourquoi la trouve-t-on dès l’origine avec le goût des prêtres
et des rois partout le même insatiable appétit de soumission
avec par-ci par-là pour le poème et la légende quelques révolutions
mais à quoi bon formuler sans espoir aucun ce genre d’évidence
les jeux sont faits et maintenant n’est que la suite de toujours
pourquoi ressasser encore ce que le papier ferait mieux de vomir
la main devrait arracher une à une les lettres et planter du silence
la mort pourrait ainsi venir tout doucement dans notre dos
et la nuque brisée s’inclinerait enfin pour la bonne raison
l’adieu définitif à la petite comédie humaine
71
6
y ahora lanzas a la izquierda tu cólera y la angustia se inicia
alguien ahí busca en ti el sentido de su triste fatiga
no hay ideales y tampoco un fin el único deseo de acabar con ello
pues el mundo siendo el mundo su movimiento lo lleva hacia lo bajo
hacia el lugar exacto donde lo humano perece en su caricatura
para qué querer soliviantar la inclinación a la servidumbre
la historia añade todo su peso a esta vieja inclinación
por qué la hallamos desde el origen con la afición a los sacerdotes
y a los reyes por todas partes el mismo insaciable apetito de sumisión
y aquí y allá para el poema y la leyenda algunas revoluciones
pero para qué formular sin esperanza alguna ese tipo de evidencia
la suerte está echada y ahora no es más que la continuación de siempre
por qué machacar aún lo que el papel mejor haría en vomitar
la mano debería arrancar una a una las letras y plantar silencio
la muerte podría así llegar lentamente a nuestra espalda
y la nuca quebrada se inclinaría por fin por un buen motivo
el adiós definitivo a la pequeña comedia humana
72
7
et maintenant un peu de rage râle encore est-ce en tête ou dans le cœur
le vers s’est allongé pour se donner le temps de réfléchir son bruissement
mais le voilà qui déjà hésite au milieu d’une poussée d’angoisse
qu’arrive-t-il rien de nouveau car partout le même désastre
c’est la guerre et classe contre classe elle va sans déclaration
juste un regard un défi un geste de colère et la bouche bredouille
pleine de mots qui lancés un à un ne changent rien sous l’horizon
faute de lendemains on a des indigestions de présent
il manque à chaque action un souffle ou ce je ne sais quoi d’espoir
cette monnaie de l’illusion qu’on dépensait en riant de soi même
désormais ce qui fut politique n’est plus que pauvre publicité
on ne sait pas qu’ainsi la nature a changé de nature et l’humain
changé d’humanité mais a-t-on jamais su qui et pourquoi
qui décidait du contenu et si le contenant était relatif ou complet
le dégoût est à présent la dernière valeur intarifiable
tant pis pour l’avenir vomi d’avance en même temps que je
que nous que vous que tous les consommateurs du rien actuel
73
7
y ahora un poco de ira brama aún acaso en la cabeza o en el corazón
el verso se ha recostado para darse el tiempo de pensar su susurro
pero he aquí que ya duda en medio de un acceso de angustia
qué pasa nada nuevo pues por todas partes el mismo desastre
es la guerra y clase contra clase avanza sin declaración
solo una mirada un desafío un gesto de cólera y la boca farfulla
llena de palabras que lanzadas una a una nada cambian en el horizonte
a falta de mañanas se tiene indigestiones de presente
cada acción carece de aliento o de ese no sé qué de esperanza
esa moneda de la ilusión que gastábamos riéndonos de nosotros mismos
desde ahora lo que fue político no es más que pobre publicidad
no sabemos que de este modo la naturaleza ha cambiado de naturaleza y
lo humano
de humanidad pero acaso hemos sabido alguna vez quién y por qué
quién decidía el contenido y si el contenido era relativo o pleno
el asco es actualmente el último valor imposible de tarifar
tanto peor para el futuro vomitado previamente a la vez que yo
que nosotros que vosotros que todos los consumidores de la nada actual
74
séqUence 5
qu’est-ce que l’amour
le regard va vers le visage
touche dessus l’épaisseur du temps
trace dedans la plaie
où perle un peu de tu
voit tomber la syllabe noire
parmi le silence blanc
dans la durée de l’os
écoute le halètement
75
secUencia 5
qué es el amor
la mirada va al encuentro
del rostro toca el espesor del tiempo
dentro traza la herida
donde fulge algo del tú
ve caer la sílaba negra
en medio del silencio blanco
en la duración del hueso
escucha su jadeo
76
rien pour recoudre la blessure
rien que le désir de ses pleurs
au milieu du buisson ardent
et laper la sueur des viandes
dans l’odeur de la chevelure
plus tard se faire une raison
d’aimer l’obscène douceur
le lèvres à lèvres et le velu
velours gonflé de sang
77
nada con que recoser la herida
tan sólo el deseo de sus lágrimas
en medio de la zarza ardiente
y lamer el sudor de las carnes
en el olor de la cabellera
más tarde hacerse una razón
para amar la obscena dulzura
el labio a labio y el velludo
veludillo henchido de sangre
78
toujours à tire souffle travaillé
l’obscur remous remonte son rouleau
de râle et rien n’en reste
un petit ploc sous la paupière
un geste une poussière d’air
qui es-tu sous la ressemblance
qui va là sous couvert de moi
quand ce que je vois être
n’est pourtant pas ce qui est
79
aún al alcance penoso soplo
oscuro alboroto renueva su rodillo
de estertor y nada queda
una leve pelusa bajo el párpado
un gesto una mota de aire
quién eres bajo la semejanza
quién va allá disfrazado de mí
cuando aquel que veo ser
no es sin embargo el que es
80
qu’est-ce que l’apparence
un peu de mémoire mêlée à l’espace
une vitre posée dans les yeux
plus grande la clarté plus le malentendu
dans la lumière doublée de mots
comme tremper sa main dans la vue
toucher au fond la peau du temps
une pierre tombée dans le coeur
ride le front du moi
81
qué es la apariencia
algo de memoria mezclada al espacio
vidrio colocado en los ojos
cuando más claridad mayor malentendido
en luz reiterada de palabras
cómo remojar su mano en la vista
cómo tocar al fondo la piel del tiempo
una piedra que cayó en el corazón
arruga la frente del yo
82
le porte-traits se trouble et tremble
mime la moue qu’il ne faut pas
trou d’air au fond des yeux
puis quelque chose paille ou plume
passe posant poids d’ombre
un vieux corps remue sous la langue
voudrait que s’envole la voix
que jeunesse repasse au présent
que tout à trac tué soit le temps
83
el portarretratos se turba y tiembla
mima la mueca ya innecesaria
al fondo de los ojos orificio de aire
después algo paja o pluma
pasa plantando peso de sombra
un viejo cuerpo se mueve bajo la lengua
quisiera que vuele la voz
que juventud transite en el presente
que bruscamente muerto sea el tiempo
84
la stèle de buée puis le couteau
de langue un cri muet
une par une les une fois
qui sont à chaque fois
le tout de la vie
la nuit efface la face
essaie d’autres visages
le vent du passé debout
derrière la nuque
85
la estela de vaho luego el estilete
de lengua un grito mudo
una por una las una vez
que son cada vez
el todo de la vida
la noche eclipsa el rostro
ensaya otras figuras
de pie el viento del pasado
detrás de la cerviz
86
qu’est-ce que la parole
la mort du tu le voyage
où l’on ne va pas
le sexe tétant l’infini
l’envers du temps
le souffle durcit dans la bouche
devient cette chose semblable
à celui qui a mon regard
dans la vitre noire
87
qué es la palabra
la muerte del tú el viaje
adonde nadie parte
el sexo dando el pecho al infinito
el reverso del tiempo
el hálito endurecido en la boca
se vuelve esta cosa semejante
al que posee mi mirada
en el espejo negro
88
tâtant la place du toujours
tiraillé par lé tic d’être
trituré par le trop peu
mais l’autre là-bas dans la fumée
porte le corps qui fut mien
que faire du dernier jour
la main ramasse l’air
la joue de poussière
sourit dans le verre
89
tanteando el lugar de siempre
tironeado por el tic de ser
triturado por lo demasiado poco
pero el otro en el humo allá lejos
lleva el cuerpo que fue mío
qué hacer del día último
la mano recoge el aire
sonríe dentro del vidrio
la mejilla de ceniza
90
celle qui dure à contre-corps
écrit pourtant dans chaque corps
l’histoire de la chair humaine
ainsi la chair est prise
dans un savoir qu’elle ne sait pas
et le tu dévore le je
puis le recouvre de son ombre
les morts enterrent les vivants
dans leur propre peau de ténèbres
91
la que es duración a contracuerpo
escribe sin embargo en todo cuerpo
la historia humana de la carne
así la carne está cercada
por un saber que ella no sabe
y el tú devora al yo
luego lo cubre con su sombra
los muertos entierran a los vivos
en su piel misma de tinieblas
92
procedencia de los poeMas
las traducciones de los poemas que se reproducen en este cua-
derno son de clara Janés y han sido publicadas en Tres poe-
tas franceses del siglo xxi: Bernard Noël, Zéno Bianu, Jean-Yves
Masson (ediciones del oriente y del Mediterráneo, 2012), con la
excepción de «secuencia 5», del libro La sombra del doble (edi-
torial Pre-textos, 1998) traducido por carlos Henderson.
se detalla, a continuación, la procedencia de los poemas que
integran este cuaderno:
«À vif enfin la nuit» pertenece a Extraits du corps (1958).
«nulle part ma voix» y «Fenêtres fougère» pertenecen a La Chute
des temps (1983).
«séquence 5» pertenece a L’ombre du double (1993).
«séquence 6» pertenece a Le Jardin d’encre (2011).
93
noTa BioGrÁFica
Bernard noël (sainte-Geneviève-sur-argence, Francia, 1930).
además de poeta es ensayista y traductor. entre sus numerosos
libros de poemas pueden destacarse Extraits du corps (1958), La
Peau et les mots (1972), La Chute des temps (1983), Onze romans
d’œil (1988), La Langue d’Anna (1998) o Le Reste du voyage
et autres poèmes (2006). en español se han publicado, entre
otros, La cara del silencio (1991), La sombra del doble (1998)
—edición preparada por José Ángel Valente—, El síndrome de
Gramsci (1998), La castración mental (1998) y La caída de los
tiempos (2010). su obra está recogida en la antología Tres poetas
franceses del siglo xxi: Bernard Noël, Zéno Bianu, Jean-Yves Mas-
son (2012), edición de clara Janés. en su país ha recibido pre-
mios como el nacional de Poesía (1992) y robert Ganzo (2010).