1
Cancers de la cavité buccale
LES CANCERS DE LA CAVITE BUCCALE : ASPECTS GENERAUX Données épidémiologiques : Les carcinomes de la cavité buccale représentent environ 20% des cancers des VADS. Ce sont dans 95 % des cas carcinomes épidermoïdes. L'homme est touché trois à cinq fois plus fréquemment que la femme. Les facteurs de risques les plus significatifs sont la consommation de tabac et d'alcool.
ANATOMIE DE LA CAVITE BUCCALE La cavité buccale est limitée en avant par le vestibule labial, en arrière par le V des papilles linguales et les piliers antérieurs des amygdales. En haut elle comprend la voûte palatine et le voile du palais, en bas la langue mobile et le plancher de bouche et latéralement les faces internes de joue. Cette région comprend :
- sur la langue : face dorsale, bord libre, face ventrale, pointe, zone de jonction - sillon pelvi-lingual
- plancher buccal
- gencive, mandibule,
- vestibule inférieur, supérieur
- joue, lèvre supérieure et inférieure rouge, commissure labiale
- infra-structure (voute palatine)
- commissure inter mandibulaire, trigone rétromolaire.
2
Bilan initial d’un patient présentant un cancer de la cavité buccale
- Examen clinique ORL complet: examen de la cavité buccale et de l’oropharynx, laryngoscopie
indirecte, fibroscopie, palpation des aires ganglionnaires - Examen clinique général (état nutritionnel, intoxication alcoolo tabagique) - Examen panendoscopique sous anesthésie générale (VADS, œsophage, bronches, recherche
d’une deuxième localisation) . - Biopsie de la lésion +++ : dans 95% des cas il s’agit d’un carcinome épidermoïde plus ou moins
différencié - Bilan dentaire++ : orthopantomogramme systématique, mise en état de la cavité dentaire avant
tout acte chirurgical, prise des empreintes dentaires. - Réalisation d’un schéma daté de la lésion avec si possible mensuration dans les trois dimensions permettant de classer la lésion dans le TNM. - Scanner de la base du crâne et de la base du cou pour le status ganglionnaire, étendu
éventuellement au médiastin supérieur en fonction du TNM. - Echographie cervicale, ponction cytologique éventuelles. - IRM pour étudier un envahissement dans la base de langue (à discuter au cas par cas) - Bilan biologique, état nutritionnel, protides, albumine, bilan hépatique. - Radiographie pulmonaire. - ECG. - La décision thérapeutique sera collégiale avec présence d’un chirurgien ORL, d'un
radiothérapeute, d'un médecin oncologue une fois le TNM et le bilan réalisés.
3
FACTEURS PRONOSTIQUES Ils sont fonctions de facteurs cliniques et de critères histologiques. Facteurs cliniques : Ils sont corollés au pronostic vital et / ou contrôle loco-régional et ils incluent l'état général, le siège de T et de N, l'extension loco-régionale (la taille de T et de N), l'aspect macroscopique, l'envahissement de la structure musculaire ou osseuse, la présence de métastases à distance.
Les critères histologiques : L'infiltration tumorale in situ ou infiltrant l'envahissement ganglionnaire (nombre de ganglions envahis, rupture capsulaire), les marges de résections (marges + ou < à 5 mm), l'infiltration péri-nerveuse, les embols lymphatiques. Ces critères d’histopronostic sont établis sur les résultats histologiques des prélèvements (P TNM)
4
Classification en TNM de l'UICC (1997) Elle est fondée sur le statut clinique aidé par les examens complémentaires.
Tumeur T
Tx • Tumeur primitive non évaluable T0 • Tumeur non détectable Tis • Carcinome in situ T1 • Tumeur < ou = à 2 cm dans sa plus grande dimension T2 • Tumeur dont la plus grande dimension est > 2 cm et < ou = à 4 cm. T3 • Tumeur dont la plus grande dimension est > 4 cm T4 • Tumeur s'étendant aux structures voisines : corticale osseuse de la
mandibule,de la voûte palatine, musculature de la langue, sinus maxillaire .
Ganglions N
N0 • Pas de signe d'atteinte des ganglions lymphatiques régionaux N1 • Métastase dans un seul ganglion lymphatique homolatéral < ou = à 3
cm dans sa plus grande dimension • Métastase unique dans un seul ganglion lymphatique homolatéral > 3
cm et < ou égale à 6 cm dans sa plus grande dimension, ou métastases ganglionnaires multiples, toutes < ou égales à 6 cm
� N2a • Métastase dans un seul ganglion lymphatique > 3 cm mais < ou = à 6 cm
� N2b • Métastase homolatérales multiples toutes < ou = à 6 cm
N2
� N2c • Métastases bilatérales ou controlatérales toutes < ou = à 6 cm N3 • Métastase dans un ganglion lymphatique > 6 cm dans sa plus grande
dimension
Métastase M
M0 • Pas de métastase à distance • Présence de métastase(s) à distance
5
Anatomie pathologique Le diagnostic repose sur l'examen anatomo-pathologique après biopsie de la tumeur. Les carcinomes de la cavité buccale sont dans 95 % des cas carcinomes épidermoïde . Plusieurs critères histologiques sont indispensables à la prise de décision thérapeutique après chirurgie d'une tumeur laryngée. Ces critères sont établis sur les résultats histologiques des prélèvements (P TNM) Tumeur � Différenciation � Taille tumorale � Emboles lymphatiques � Infiltration péri-nerveuse � Infiltration cartilagineuse du larynx, musculaire ou des structures adjacentes (base de langue,
œsophage) � Limites d'exérèse (envahies, <5 mm, dysplasie sévère, carcinome in situ) avec localisation si
possible de ces recoupes. Ganglions � Nombre de ganglions envahis (N+) / Nombre total de ganglions examinés � Siège des ganglions envahis (niveaux) � Nombre de ganglions en rupture capsulaire (R+) / Nombre de ganglions envahis Il est souhaitable, mais pas toujours indispensable, de pouvoir disposer pendant toute intervention chirurgicale d'une analyse anatomo-pathologique extemporanée.
Méthodes thérapeutiques
Les méthodes thérapeutiques sont : - La chirurgie sur la tumeur et les aires ganglionnaires - La radiothérapie - La curiethérapie - La chimiothérapie (concomitante ou palliative) - L’association chirurgie- radiothérapie - L’association radiothérapie – chimiothérapie concomitante - Le traitement palliatif
6
Propositions thérapeutiques pour les cancers de la cavité buccale Nous étudierons les quatre sites anatomiques suivants du T1au T4:
1. les tumeurs du plancher buccal. 2. Les tumeurs de la langue mobile. 3. Les tumeurs de la face interne de joue. 4. Les tumeurs de la commissure intermaxillaire.
7
LES TUMEURS DU PLANCHER BUCCAL
T1
N0 Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou bilatéral en fonction
du siège ou Abstention et surveillance
N1 ou N2 < 3 cm Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou bilatéral en fonction du siège
N2 > 3 cm et N3 opérable
Curage ganglionnaire radical homolatéral +/- fonctionnel controlatéral en fonction du siège
T2
N0 Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou bilatéral en fonction
du siège N1 ou N2 <3 cm Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou bilatéral en fonction
du siège
N2 > 3 cm et N3 opérable
Curage ganglionnaire radical homolatéral +/- fonctionnel controlatéral en fonction du siège
• Tis Exérèse chirurgicale (pelvectomie partielle)
• T1 T < à 2 cm dans sa plus grande dimension
Exérèse chirurgicale (Pelvectomie partielle) ou Curiethérapie si la distance par rapport à la mandibule le permet
T > à 2 cm et < 4 cm dans sa plus grande dimension
< 3 cm Exérèse chirurgicale (Pelvectomie partielle) ou Curiethérapie si la distance par rapport à la mandibule le permet > 3 cm Chirurgie avec reconstruction
8
T3
N0 N1 ou N2 < 3 cm Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou bilatéral en fonction
du siège
N2 > 3 cm et N3 opérable
Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral +/- fonctionnel controlatéral en fonction du siège
T4
T > 4 cm dans sa plus grande dimension
Chirurgie avec reconstruction (pelvimandibulectomie non interruptrice) +RTE
Tumeur envahissant les structures adjacentes par exemple : corticale osseuse, muscles profonds (extrinsèques), de la langue, sinus maxillaire, peau….
Chirurgie avec reconstruction (pelvimandibulectomie interruptrice ou non ) +RTE
Tumeur non opérable : Radiothérapie exclusive avec éventuellement chimiothérapie concomitante
Tumeur non opérable : Radiothérapie exclusive avec éventuellement chimiothérapie concomitante
9
N0, N1 ou N2 < 3 cm Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou bilatéral en
fonction du siège
N2 > 3 cm et N3 opérable Curage ganglionnaire radical homolatéral +/- fonctionnel controlatéral en fonction du siège
Radiothérapie post-opératoire avec chimiothérapie concomitante si envahissement ganglionnaire avec rupture capsulaire
10
LES TUMEURS DE LA LANGUE MOBILE
T1
N0 Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou bilatéral en fonction
du siège ou Abstention et surveillance
N1 ou N2 < 3 cm Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou bilatéral en fonction du siège
N2 > 3 cm et N3 opérable
Curage ganglionnaire radical homolatéral +/- fonctionnel controlatéral en fonction du siège
T2
N0 Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou bilatéral en fonction
du siège ou Abstention et surveillance N1 ou N2 < 3 cm Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou bilatéral en fonction
du siège N2 > 3 cm et N3 résécable
Curage ganglionnaire radical homolatéral +/- fonctionnel controlatéral en fonction du siège
Tis Exérèse chirurgicale (glossectomie partielle) T < à 2 cm dans sa plus grande dimension
Exérèse chirurgicale (glossectomie partielle) ou Curiethérapie
T > à 2 cm et < 4 cm dans sa plus grande dimension
Exérèse chirurgicale (glossectomie partielle) ou Curiethérapie si < 3 cm Chirurgie avec reconstruction si > 3 cm
11
T3
N0, N1 ou N2 < 3 cm
Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou bilatéral en fonction du siège
N2 > 3 cm et N3 opérable
Curage ganglionnaire radical homolatéral +/- fonctionnel controlatéral en fonction du siège
T4
T > 4 cm dans sa plus grande dimension
Chirurgie avec reconstruction (lambeau local ou locorégional ou libre)
Tumeur envahissant les structures adjacentes par exemple : corticale osseuse, muscles profonds (extrinsèques) de la langue, sinus maxillaire, peau….
Chirurgie avec reconstruction
Tumeur non opérable : Radiothérapie exclusive avec éventuellement chimiothérapie concomitante
Tumeur non opérable : Radiothérapie exclusive avec éventuellement chimiothérapie concomitante
12
N0, N1 ou N2 < 3 cm Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou bilatéral en fonction
du siège
N2 > 3 cm et N3 opérable
Curage ganglionnaire radical homolatéral +/- fonctionnel controlatérale en fonction du siège
Radiothérapie post-opératoire avec chimiothérapie concomitante si envahissement ganglionnaire avec rupture capsulaire
13
LES TUMEURS DE LA FACE INTERNE DE JOUE
• Tis Exérèse chirurgicale
• T1 et T2 < 3 cm Exérèse chirurgicale ou Curiethérapie
• T2 > 3 cm et T3 et T4 Tumeur jugée opérable : Chirurgie avec reconstruction
• Tumeur non opérable Radiothérapie exclusive avec éventuellement chimiothérapie concomitante
N0 Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral ou Abstention et
surveillance si T1
N1 ou N2 < 3 cm Curage ganglionnaire radical homolatéral
N2 > 3 cm et N3 opérable
Curage ganglionnaire radical homolatéral
Radiothérapie post-opératoire si envahissement ganglionnaire Radiothérapie post-opératoire avec chimiothérapie concomitante si envahissement ganglionnaire avec rupture capsulaire
14
LES TUMEURS DE LA COMMISSURE INTERMAXILLAIRE
- Tis : Exérèse chirurgicale
- T1 et T2< 3 cm :
Exérèse chirurgicale (Bucco-pharyngectomie par mandibulotomie)
N0 Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral
N1 ou N2 < 3 cm Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral
N2 > 3 cm et N3 opérable
Curage ganglionnaire radical homolatéra l
T2,T3 ,T4 T2 > 3 cm , T3 et T4
N0 ou N1 ou N2 < 3 cm
Curage ganglionnaire fonctionnel homolatéral
N2 > 3 cm et N3 opérable
Curage ganglionnaire radical homolatéral
Radiothérapie post-opératoire avec chimiothérapie concomitante si envahissement ganglionnaire avec rupture capsulaire
Tumeur jugée opérable : chirurgie avec reconstruction + RTE
Tumeur non opérable : Radiothérapie exclusive avec éventuellement chimiothérapie concomitante
15
Période post-opératoire
En cas chirurgie avec reconstruction (lambeau) une rééducation de la déglutition peut être nécessaire de même qu’une gastrostomie per cutanée. Le début de la radiothérapie commencera si possible dans les 6 semaines post-opératoires. Les soins dentaires seront réalisés avant tout traitement. S'ils sont fait en post-opératoire, un délai de trois semaines sera nécessaire pour la cicatrisation avant le début de la radiothérapie. La mise en place de prothèses maxillo-faciales nécessite la prise d’empreintes avant tout traitement. Protocole de radiothérapie : Les doses délivrées sont fonctions du TNM après étude histologique (p TNM). Pour une radiothérapie post-opératoire, on réalise 50 grays sur le T si la limite est saine, 65 si la limite de résection est envahie. Sur les N, on réalise 50 grays avec un surdosage de 15 grays en cas de rupture ganglionnaire avec éventuellement chimiothérapie concomitante.
Surveillance du patient
En cas de reconstruction par lambeau : surveillance du poids et des éventuelles troubles de la déglutition. Traitement des radiomucites radiques. Surveillance clinique tous les trois mois pendant deux ans, puis tous les 6 mois pendant 3 ans par roulement avec les différents praticiens. Panoramique dentaire annuel à la recherche d’ostéoradionécrose en cas de mandibulotomie ou de greffon osseux avec ostéosynthèse. L’examen clinique recherchera une récidive locale, une récidive ganglionnaire, l’apparition d’une deuxième localisation ou de métastases. Aide au sevrage alcoolo tabagique. Radio pulmonaire annuelle TDM et IRM seront effectués en fonction des circonstances Surveillance dentaire régulière par un odontologiste avec contrôle des appareillages dentaires et du port des gouttières fluorées de protection.