Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
111
1 INTRODUCTION .............................................................................................................. 112
2 DISPOSITIF EXPERIMENTAL ...................................................................................... 113 2.1 Principe des dispositifs............................................................................................................ 113
2.1.1 Le dispositif existant : la colonne ..................................................................................................... 113 2.1.1.1 Principe ..................................................................................................................................... 113 2.1.1.2 Incertitudes ............................................................................................................................... 115
2.1.2 Le nouveau dispositif : réacteur à pression contrôlée ....................................................................... 115 2.1.2.1 Principe ..................................................................................................................................... 115 2.1.2.2 Exploitation des mesures .......................................................................................................... 116 2.1.2.3 Incertitudes ............................................................................................................................... 117 2.1.2.4 Validation du nouveau dispositif .............................................................................................. 118
3 ETUDE DE L’INFLUENCE DE LA CARBONATATION ACCELEREE SUR LES MIOM .................................................................................................................................... 119
3.1 Capacité de neutralisation acido-basique ............................................................................. 120 3.2 Relargage des éléments........................................................................................................... 121
3.2.1 Lixiviation des anions....................................................................................................................... 121 3.2.2 Lixiviation des métaux ..................................................................................................................... 122
3.3 Conclusion ............................................................................................................................... 124 4 ETUDE DE L’INFLUENCE DE DIVERS PARAMETRES SUR LA REACTION DE CARBONATATION.............................................................................................................. 125
4.1 Objectifs ................................................................................................................................... 125 4.2 Influence de la pression .......................................................................................................... 125 4.3 Influence du taux d’humidité................................................................................................. 128 4.4 Influence du contenu total ...................................................................................................... 129
5 DISCUSSION: APPLICATION POTENTIELLE D’UN PROCEDE DE TRAITEMENT DES MIOM PAR CARBONATATION ACCELEREE....................................................... 132
6 CONCLUSION................................................................................................................... 134
CHAPITRE 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
112
11 IINNTTRROODDUUCCTTIIOONN Au cours de l’étude bibliographique, nous avons vu que les MIOM étaient des matériaux très
réactifs et évolutifs dès la sortie du four. La carbonatation est une des réactions principales se
produisant lors de l’étape de maturation naturelle (cf. chapitre 1 § 3.4.2). C’est également un
des processus les plus importants pour la stabilisation du potentiel polluant de ces matériaux.
Parmi les composés minéralogiques des mâchefers, certains sont connus pour être réactifs
avec le dioxyde de carbone. Les espèces concernées sont essentiellement les composés du
calcium (portlandite, ettringite, gypse, anhydrite). Compte tenu de sa teneur dans les MIOM et
de sa réactivité, la portlandite (Ca(OH)2) est souvent désignée comme le composé majeur
réagissant avec le dioxyde de carbone dans la réaction de carbonatation (Fléhoc et al., 2000).
La maturation des mâchefers est un phénomène qui s’étend habituellement sur plusieurs mois.
Afin de pouvoir étudier sélectivement la réaction de carbonatation, des tests de vieillissement
accéléré peuvent être mis en oeuvre pour atteindre un état de carbonatation quasi maximal en
un temps plus court. Cette maturation forcée est réalisée généralement grâce au passage d’un
flux de CO2 pur dans un échantillon de mâchefer. Quelques travaux ont été réalisés sur la
carbonatation accélérée (Meima et al., 2002 ; Ecke, 2003 ; Polettini et Pomi, 2004 ; Van
Gerven et al., 2005). Ceux-ci sont généralement centrés sur la lixiviation et la stabilisation des
métaux lourds. Les auteurs s’accordent pour dire que la carbonatation accélerée a les mêmes
effets que le phénomène naturel en ce qui concerne la baisse du pH et la lixiviation des
éléments traces.
Dans le chapitre 2 nous avons vu que les mâchefers se différenciaient les uns des autres
essentiellement dans les proportions de Ca et de Si, ces deux éléments représentant à eux
seuls environ 60 % en masse de la matrice. La répartition de ces éléments pourrait donc avoir
une influence sur la réaction de carbonatation et le vieillissement des mâchefers. De plus,
dans un objectif de valorisation maximale de la production de ces résidus, il faudrait optimiser
cette réaction. Un traitement par carbonatation accélérée pourrait assurer la stabilité complète
des matériaux en des temps de stockage beaucoup plus courts, et de façon sans doute plus
homogène.
Dans ce chapitre, nous nous intéressons à la carbonatation accélérée des MIOM. Pour ce faire
nous avons dans un premier temps, développé un réacteur d’utilisation facile, permettant
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
113
d’étudier l’influence de la réaction de carbonatation accélérée sur ces matériaux. Dans un
second temps, divers paramètres influant sur cette réaction de carbonatation ont été étudiés.
La compréhension de l’influence de ces paramètres peut être liée à diverses étapes de la
chaîne de traitement des MIOM et à leur stockage. Enfin, les possibilités d’un traitement des
mâchefers par carbonatation accélérée avant valorisation ont été évaluées.
22 DDIISSPPOOSSIITTIIFF EEXXPPEERRIIMMEENNTTAALL Au cours de la thèse de S. Kaibouchi (2003) réalisée au LAEPSI, un pilote de carbonatation
accéléré a été élaboré. Le but de l’étude présente est tout d’abord la mise au point d’un
réacteur de carbonatation accélérée plus rapide et plus facile d’utilisation que celui utilisé par
S. Kaibouchi, utilisant de plus petits échantillons de mâchefers et permettant d’étudier de
nouveaux paramètres, notamment l’influence de la pression.
2.1 Principe des dispositifs 2.1.1 Le dispositif existant : la colonne 2.1.1.1 Principe
Le pilote de carbonatation accélérée réalisé lors de la thèse de S. Kaibouchi (2003) que nous
nommerons « la colonne » est représenté en photo sur la figure 3.1a et schématisé par la
figure 3.1b.
Figure 3.1a : Photographie de la colonne de carbonatation accélérée
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
114
Figure 3.1b : Schéma de la colonne de carbonatation accéléré
L’entrée du pilote est reliée à une bouteille (B50 Air Liquide) sous pression contenant du CO2
pur de qualité industrielle. En sortie de bouteille, le gaz passe par une série de détendeurs puis
par une vanne micrométrique qui permet de régler le débit à une valeur constante et précise.
La pression en amont de la vanne micrométrique est en général réglée à 1,5 bars, la pression
en aval de cette vanne étant de l’ordre de la pression atmosphérique. Les débits de gaz sont
suivis, en amont et en aval du pilote, en continu à l’aide de deux débitmètres massiques
AALBORG dont la gamme de mesure est comprise entre 0 et 1000 mL/min. Le débitmètre 1
permet de mesurer le débit d’entrée et le débitmètre 2 le débit de sortie. La différence entre
ces deux débits permet de quantifier le volume de CO2 qui est piégé dans le MIOM par la
réaction de carbonatation.
Les débitmètres massiques utilisés sont calibrés pour du CO2 pur. Or, à chaque expérience, un
certain volume d’air est emprisonné dans la colonne lors de l’introduction des MIOM. Ainsi,
le volume de purge doit être pris en compte afin de corriger les valeurs indiquées par les
débitmètres.
Les débitmètres massiques étant sensibles à l’eau, un piège à eau et un sécheur (colonne
contenant un déshydratant) sont ajoutés après la sortie du pilote afin que l’humidité des
MIOM ne soit pas entraînée dans le débitmètre de sortie.
Pilote de carbonatation
Bouteille de CO2
1
Vanne de contrôle d’étanchéité
4
5
6
2
3
Sécheur d’air
Piège àeau
Débitmètre 1
Débitmètre 2
Pilote de carbonatation
Bouteille de CO2
1
Vanne de contrôle d’étanchéité
4
5
6
2
3
Sécheur d’air
Piège àeau
Débitmètre 1
Débitmètre 2
Sortie de gaz
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
115
Un jeu de six vannes a également été installé afin de pouvoir isoler les débitmètres de la
colonne de mâchefers, si nécessaire. La conception du circuit de gaz permet de court-circuiter
le pilote avant l’expérience de manière à vérifier l’homogénéité des réponses des débitmètres.
Un échantillon de 3 à 4 kg de MIOM est placé dans la colonne et compacté à l’aide d’une
dame. Le débit de gaz est mesuré en entrée (quelques litres par heure) et en sortie. Après
environ trois jours, le débit de sortie se stabilise à la valeur d’entrée. Cela signifie que le gaz
ne réagit plus avec les mâchefers et que la réaction de carbonatation est achevée.
2.1.1.2 Incertitudes
Les calculs et réflexions de Kaibouchi (2003) ont conduit aux résultats suivants : la mesure du
volume de CO2 absorbé par l’échantillon est entachée d’une incertitude relative totale de 8%.
2.1.2 Le nouveau dispositif : réacteur à pression contrôlée
2.1.2.1 Principe
Le principe du nouveau dispositif est d’utiliser une bombe calorimétrique (figure 3.2), de
capacité d’environ 150 mL, comme récipient étanche permettant de travailler jusqu’à des
pressions supérieures à 20 bars. Une faible quantité de mâchefers (environ 100 g), contenue
dans un récipient en plastique, est introduite dans la bombe calorimétrique. Afin de réduire les
problèmes d’hétérogénéité des échantillons, les MIOM ont été préalablement broyés à 4 mm.
On injecte ensuite le CO2 sous pression. Le mâchefer est pesé avant et après carbonatation, ce
qui permet de déterminer la masse, puis le volume de CO2 absorbé et d’obtenir ainsi un
résultat indépendant de la température.
Les pesées se font à récipient fermé hermétiquement compte tenu des échanges possibles
entre le résidu et l’air ambiant.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
116
Figure 3.2 : Photographie du réacteur de carbonatation accélérée utilisant la bombe
calorimétrique
2.1.2.2 Exploitation des mesures
Le phénomène de carbonatation est souvent décrit comme un processus en deux étapes,
combinant tout d’abord l’absorption du CO2 dans l’eau, suivie par la réaction de carbonatation
elle-même en milieu aqueux.
Durant les expériences, le CO2 est dissous dans l’eau des pores des mâchefers et réagit
principalement avec la portlandite pour former des carbonates de calcium, selon la réaction
suivante :
2 2( ) 3( ) 2 ( )( ) aq s lCa OH CO CaCO H O+ → + (Eq. 3.1)
La formation de calcite induit une augmentation de la masse de l’échantillon. Cette prise de
masse est directement liée à la quantité de CO2 séquestrée. La différence obtenue
expérimentalement entre la masse initiale et la masse finale (∆m) peut être convertie en
volume de CO2 absorbé par kg de matière sèche (MS) à l’aide de l’équation suivante :
( )( )2
2
1100CO
CO i
RT mVP M h m
⎛ ⎞⎛ ⎞∆⎛ ⎞= ⎜ ⎟⎜ ⎟⎜ ⎟⎜ ⎟⎜ ⎟−⎝ ⎠⎝ ⎠⎝ ⎠ (Eq. 3.2)
Où :
VCO2 est le volume de CO2 (m3.kg-1 MS) absorbé ramené à température ambiante (293 K) et à
une pression de 1.105 Pa.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
117
R = 8,314 J.K-1.mol-1,
P est la pression de CO2 (1.105 Pa),
T est la température ambiante (293 K),
MCO2 est la masse molaire du CO2 (kg.mol-1),
mi est la masse initiale de l’échantillon humide (kg),
h est le taux d’humidité de l’échantillon (%).
2.1.2.3 Incertitudes
Les principales incertitudes sur les résultats sont liées aux pesées, lors de la détermination du
taux d’humidité et de la variation de masse de l’échantillon, et à l’hétérogénéité du matériau.
La balance utilisée fournit des résultats avec une erreur absolue de 0,0001 g. Cependant,
l’expérience a montré une légère variabilité des masses, du fait des réactions d’équilibres
(faible dégazage du matériau) qui ont lieu avec l’air enfermé dans le pot. L’incertitude a donc
été considérée sur l’avant dernier chiffre de la balance. De plus nous devons tenir compte de
l’erreur lors du tarage, plus celle de la pesée ; l’erreur absolue sur chaque pesée sera donc de
0,002 g.
Si l’on considère une prise de masse de 2 g, une quantité de MIOM de 100 g (moyennes sur
les expériences), l’incertitude calculée due aux pesées est d’environ de 0,4 %.
L’hétérogénéité du matériau va également entraîner des écarts expérimentaux sur les résultats
provenant du même lot de MIOM. La reproductibilité des expériences a été déterminée à
l’aide de 10 échantillons provenant du même lot de MIOM. Les caractéristiques des
échantillons et les paramètres expérimentaux sont les suivants :
● Origine : UIOM A
● Granulométrie : 4 mm (après tamisage)
● Humidité : 15 % en masse
● Pression : 1 bar
Les échantillons ont été sortis du dispositif et pesés à différents intervalles de temps. Sur la
figure 3.3, l’évolution de la prise de masse a été tracée en fonction du temps pour deux
échantillons.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
118
00,20,40,60,8
11,21,4
0 50 100 150 200
Temps (min)
prise
de
mas
se (%
)
Valorly 1Valorly 2
A1
A2
Figure 3.3 : Reproductibilité des mesures sur le pilote de carbonatation accélérée
Les courbes obtenues montrent que le dispositif permet une bonne reproductibilité. En
étudiant les résultats obtenus 10 expériences, nous avons déduit un écart relatif inférieur à 2
%.
Compte tenu des erreurs dues aux pesées et à l’hétérogénéité des échantillons, l’incertitude
relative considérée sur les résultats est de 2 %.
2.1.2.4 Validation du nouveau dispositif
Dans nos expériences une masse de seulement 100 g de matériau est carbonatée. L’utilisation
d’une faible quantité de mâchefers présente des avantages certains en terme de gain de temps
et de facilité de manipulation. Il faut cependant s’assurer que cette quantité est suffisante pour
être représentative du comportement des mâchefers à plus grande échelle.
Nous avons donc comparé les résultats obtenus à l’aide de ce dispositif à ceux donnés par le
pilote utilisé dans la thèse de Kaibouchi (2003).
Deux expériences ont donc été réalisées avec chaque dispositif (la colonne et la bombe
calorimétrique) avec les mêmes mâchefers. Les caractéristiques des échantillons et les
paramètres expérimentaux sont les suivants :
● Origine : UIOM A
● Granulométrie : 4 mm (après tamisage)
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
119
● Humidité : 25 % en masse
● Pression : 1 bar
Les résultats, exprimés en volumes de dioxyde de carbone absorbés, sont récapitulés dans le
tableau 3.1 et représentés sur la figure 3.4. Les résultats obtenus avec la colonne sont notés C1
et C2 et ceux obtenus avec la bombe sont notés B1 et B2.
Expériences Volume de CO2 absorbé (L.kg-1MS)
C1 13,6 < 14,8 < 16,0
C2 13,9 < 15,1 < 16,3
B1 13,6 < 13,9 < 14,2
B2 14,0 < 14,3 < 14,6
Tableau 3.1 : Comparaison des deux dispositifs
Figure 3.4 : Comparaison des deux dispositifs
B1 et B2 sont bien compris dans l’intervalle de mesure des résultats de la colonne. La bombe
calorimétrique et la colonne fournissent donc des résultats du même ordre de grandeur. Les
résultats obtenus sur un échantillon de 100 g de mâchefers seront considérés comme
représentatifs du comportement du matériau à plus grande échelle.
33 EETTUUDDEE DDEE LL’’IINNFFLLUUEENNCCEE DDEE LLAA CCAARRBBOONNAATTAATTIIOONN AACCCCEELLEERREEEE SSUURR LLEESS MMIIOOMM
Les différents MIOM ont été soumis à une carbonatation accélérée maximale (plusieurs jours
sous CO2). L’effet de ce traitement a été évalué sur le comportement des mâchefers,
notamment au travers des tests de lixiviation.
16 15 14 13 17
B1 B2
C1 C2
VCO2 (L/kgMS de MIOM)
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
120
3.1 Capacité de neutralisation acido-basique
Le test de capacité de neutralisation acido-basique décrit au chapitre 2 a été réalisé sur les
MIOM carbonatés (échantillons notés C). Les résultats sont présentés sur la figure 3.5. La
comparaison de ces courbes avec celles réalisées sur mâchefers frais (chapitre 2, § 4.5.1)
amène plusieurs remarques.
4
5
6
7
8
9
10
11
12
-1 0 1 2 3 4 5 6
meq H+
pH
A C B C C C D C E C F C
Figure 3.5 : Capacité de neutralisation acido-basique des MIOM après carbonatation
- Tout d’abord le comportement des mâchefers après carbonatation s’est uniformisé. En
effet les MIOM frais présentaient des capacités de neutralisation acide très variables
d’un échantillon à l’autre. La figure 3.5 présente, quant à elle, un « faisceau de
courbes » relativement uniforme (excepté le MIOM A).
- Le pH naturel des MIOM (point à l’abscisse 0 résultant de la mise en contact des
MIOM avec de l’eau distillée seule) est de 8,3 ± 0,2. La carbonatation a donc
neutralisé les pH alcalins des mâchefers, conformément aux résultats connus et
attendus (Freyssinet et al., 2002 ; Meima et Comans, 2002). Il est cependant
intéressant de remarquer que, malgré l’hétérogénéité des valeurs de pH des
échantillons frais (entre 10,7 et 12,4), les valeurs obtenues après carbonatation sont les
mêmes. Ce pH final est caractéristique d’une solution prédominée par la calcite
(Johnson et al., 1995).
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
121
- L’ajout de NaOH fait rapidement augmenter le pH de 8,3 à 12, avec un léger
ralentissement vers pH 10.
- La formation de la calcite est directement appréciable sur les courbes. Le plateau
observé pour des valeurs de pH comprises entre 6 et 8 s’est allongé, de par
l’augmentation du contenu en calcite. La fin de ce plateau est beaucoup plus marquée
que sur les courbes des mâchefers frais, notamment par la baisse rapide du pH de la
valeur 6 à la valeur 4. On observe ici la seconde équivalence décrite sur la courbe
théorique, correspondant à la réaction des ions hydrogénocarbonates avec l’acide
formant du dioxyde de carbone, le point d’inflexion se trouvant aux environs de pH 5.
Le pouvoir tampon des MIOM est donc logiquement plus élevé après carbonatation.
En effet, sur les MIOM frais une moyenne de 2 meq H+ ajoutés suffisait à passer d’un
pH 7 à un pH 4. Après carbonatation cette moyenne est d’environ 4 meq H+. Les
MIOM sont donc plus résistants aux attaques acides extérieures.
3.2 Relargage des éléments
Afin d’étudier l’influence de la carbonatation accélérée sur les MIOM, des tests de lixiviation
à l’eau distillée d’une durée de 16 h ont été réalisés sur les mêmes échantillons, avant et après
carbonatation (cf. chapitre 2, § 3.4.1). Les échantillons carbonatés seront notés « C ».
3.2.1 Lixiviation des anions
Les concentrations en ions chlorures et sulfates relargués avant et après carbonatation ont été
mesurées et sont présentées sur la figure 3.6.
La carbonatation n’a quasiment pas d’effet sur la lixiviation du chlore. En effet, compte tenu
des incertitudes sur les mesures, les variations des concentrations lixiviées avant et après
carbonatation ne sont pas significatives. Ceci est logique car la dissolution des chlorures est
quasi-indépendante du pH (cf. figure 2.20 chap.2 § 4.5.2).
Par contre, les concentrations de sulfates lixiviés sont nettement supérieures dans les
échantillons carbonatés. La lixiviation de cet élément est en effet fortement dépendante du pH
(cf. figure 2.19 chapitre 2, § 4.5.2). Les teneurs observées restent cependant inférieures à la
norme qui est de 10 000 mg.kg-1.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
122
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
7000
8000
9000
Cl- SO4²-
Con
cent
ratio
ns (m
g/kg
)
AA CBB CCC CDD CEE CFF C
Figure 3.6 : Relargage des ions chlorures et sulfates avant et après carbonatation
3.2.2 Lixiviation des métaux L’impact de la carbonatation a également été étudié sur la lixiviation de certains métaux
lourds tels que le chrome, le zinc, le cuivre et le plomb. Les résultats sont présentés sur la
figure 3.7.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
123
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
1,2
1,4
1,6
1,8
2
Cr* (mg.kg-1) Cu (mg.kg-1)
Con
cent
ratio
ns (m
g/kg
)
A A C B B C C C C D D C E E C F F C
Cr3+ et Cr6+ Zn2+
0
5
10
15
20
25
30
35
40
1 2
Con
cent
ratio
ns (m
g/kg
)
Cu2+ Pb2+
Figure 3.7 : Lixiviation des métaux avant et après carbonatation
• Chrome total (Cr3+ + Cr6+) : Les valeurs, avant et après carbonatation, sont équivalentes
pour les MIOM C, B et D. Elles augmentent après carbonatation sur les mâchefers A et E et
diminuent dans les mâchefers F. Ceci soulève une nouvelle fois le problème de l’incertitude
sur l’échantillonnage et la cohérence de ces résultats. Aucune tendance générale ne se
dégageant nous retiendrons que la carbonatation ne semble pas avoir d’effet significatif sur la
lixiviation de cet élément. Cet élément est à son minimum de solubilité pour des pH
supérieurs à 6 (cf. chapitre 2, § 4.5.2), donc la baisse de pH due à la carbonatation n’a
logiquement que peu d’effet sur la lixiviation de cet élément.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
124
• Zinc (Zn2+) : On observe une baisse significative de la lixiviation du Zinc dans les MIOM B,
E et F après carbonatation. L’évolution des concentrations en Zn2+ des lixiviats A, C et D
n’est pas significative. Les mêmes conclusions que pour la lixiviation du chrome peuvent être
tirées puisque cet élément est à son minimum de solubilité pour des pH supérieurs à 7.
• Cuivre (Cu2+) : Les concentrations lixiviées diminuent significativement après carbonatation
dans tous les MIOM. Il semblerait que la carbonatation ait un effet positif sur la lixiviation du
cuivre.
• Plomb (Pb2+) : En ce qui concerne cet élément, les concentrations lixiviées baissent après
carbonatation dans tous les MIOM. La baisse du pH liée à la carbonatation a un effet direct
sur la lixiviation de cet élément. Cette baisse est particulièrement significative dans les
mâchefers E et F, ayant les valeurs de pH initiales les plus élevées (cf. chapitre 2, § 4.5.1). Ce
résultat est logique, car le minimum de solubilité du Pb se situe à des valeurs de pH voisines
de 7-9.
• Cadmium (Cd2+) : Contrairement au Cu et au Zn, le Cd est un élément réglementé dans la
lixiviation des mâchefers. Cet élément n’a pas été oublié dans cette étude mais il n’est pas
représenté sur la figure 3.7 car les concentrations obtenues sur MIOM frais ou carbonatés sont
toutes en dessous de la limite de détection ICP-AES qui est de 0,05 mg/kg. Les valeurs de pH
des solutions ne sont pas assez acides pour solubiliser cet élément.
3.3 Conclusion
Le vieillissement artificiel des mâchefers est une version accélérée du phénomène naturel.
La réaction de carbonatation induit une baisse de pH significative dans les matériaux. Quel
que soit le pH initial des mâchefers, le pH obtenu après carbonatation est aux environs de 8,3.
La formation de calcite augmente la capacité de neutralisation acide des mâchefers qui
présentent un comportement quasi-uniforme, quelle que soit leur provenance.
La baisse du pH entraîne des changements significatifs dans la lixiviation de certains
éléments. Les concentrations en sulfates augmentent sensiblement dans les lixiviats. Ce
résultat devrait être pris en compte dans le contrôle des mâchefers puisque le test X31-210 est
généralement effectué dés la sortie d’usine.
En ce qui concerne les métaux lourds, la carbonatation diminue les concentrations de cuivre et
de plomb lixiviés.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
125
L’effet de la carbonatation sur les MIOM ayant déjà été largement étudié (Freyssinet et al.,
2002 ; Meima et Comans, 1999 ; Meima et Comans, 2002 ; Van Gerven et al, 2004) nous ne
développerons pas davantage cette partie. Par contre nous allons nous intéresser plus
particulièrement aux effets de paramètres extérieurs sur cette réaction, ces paramètres pouvant
être liés directement aux divers procédés de la chaîne de traitement des OM.
44 EETTUUDDEE DDEE LL’’IINNFFLLUUEENNCCEE DDEE DDIIVVEERRSS PPAARRAAMMEETTRREESS SSUURR LLAA RREEAACCTTIIOONN DDEE
CCAARRBBOONNAATTAATTIIOONN
4.1 Objectifs
L’objectif de cette partie est de déterminer l’influence de divers paramètres sur la réaction de
carbonatation. La compréhension de ces paramètres pourra être liée aux conditions de
stockage des MIOM ou à l’influence de leur composition élémentaire. Les paramètres choisis
sont : la pression (en vue d’un éventuel procédé industriel de séquestration du CO2), le taux
d’humidité (influence d’un stockage couvert ou découvert), et l’influence du contenu total des
MIOM (différences majeures des teneurs en calcium et silicium).
4.2 Influence de la pression
Dans le but d’évaluer l’influence de la pression partielle de CO2 sur la carbonatation des
mâchefers, plusieurs expériences de carbonatation accélérée ont été réalisées sur les MIOM
A. Les échantillons ont un taux d’humidité de 20 % et sont tamisés à 4 mm. La figure 3.8
représente la quantité de carbonates formés en fonction du temps pendant les 3 premières
heures de carbonatation, pour différentes pressions allant de 2 à 17 bar.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
126
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180
Temps (min)
% m
assi
que
de c
arbo
nate
s for
més
2 bar3,5 bar7 bar11 bar17 bar
Figure 3.8 : % de carbonate de calcium formé en fonction du temps pour différentes pression de
CO2
D’après l’allure des courbes, la pression de CO2 influence grandement la cinétique de la
réaction. La durée nécessaire à l’obtention d’une carbonatation totale varie de 3 h pour une
pression de 17 bar à plus de 2 jours sous 2 bar. La totalité des réactions n’a pas été représentée
sur la figure 3.8 pour des raisons d’échelle et de lisibilité. Dans une récente publication de
Van Gerven et al. (2004), des expériences de carbonatation accélérée réalisée à des pressions
de 0,1 et 0,2 bar montrent que la réaction est achevée en un peu moins d’une semaine.
Sur les plates-formes de maturation, la pression partielle de CO2 étant de 0,00036 bar, un
temps nettement plus long est évidemment nécessaire à la carbonatation des MIOM. Il a été
par ailleurs démontré que des MIOM âgés de 7 mois pouvaient encore absorber du CO2
(Kaibouchi, 2003).
Pour une meilleure comparaison des expériences réalisées à 2 et 17 bar, un autre graphique est
présenté en figure 3.9. Sur cette figure le temps a été normalisé : chaque valeur de temps a été
divisée par le temps nécessaire à l’obtention d’une carbonatation complète (210 minutes pour
17 bar et 3060 minutes pour 2 bar). Il est ainsi possible de tracer les deux courbes avec une
même échelle des abscisses allant de 0 à 1, et présenter comparativement la globalité des
phénomènes.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
127
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
Temps normalisé
% m
assi
que
de c
arbo
nate
s for
més
2 bar17 bar
Figure 3.9 : % de carbonate de calcium formé en fonction du temps normalisé pour des
pressions de CO2 de 2 et 17 bar
Nous pouvons voir que la pression de CO2 n’affecte pas la quantité totale de CO2 qui réagit.
Quelle que soit la pression le gain de masse maximal et limite est d’environ 3,2 %, ce qui
correspond à un volume de CO2 absorbé 22 L/kg MS. (Eq. 3.2).
La pression de CO2 n’influence donc pas l’équilibre de carbonatation d’un point de vue
thermodynamique, mais elle joue un rôle majeur dans la cinétique de la réaction.
La limite de solubilité de CO2 ([CO2]) dans l’eau des pores des MIOM est directement liée à
la pression partielle (PCO2) du dioxyde de carbone au travers de la loi de Henry :
[ ]2 22 *CO COCO k P=
(Eq. 3.3)
où 2COk est la constante de Henry, dépendante seulement de la température (34,13 mol.m-3.bar-1
à 20 °C).
En tenant compte de cette relation, les concentrations de CO2 dissous sont respectivement de
68 mol.m-3 et de 580 mol.m-3 à des pressions de CO2 de 2 et 17 bar. L’augmentation de la
concentration de CO2 dans la phase aqueuse accélère la réaction de carbonatation. Cependant
elle ne change pas la quantité finale de carbonates de calcium formés.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
128
D’après ces résultats, on peut supposer que l’étape la plus lente de la réaction est la
dissolution du CO2 dans l’eau des pores et sa diffusion. En ce qui concerne la quantité de
carbonates de calcium formés, le facteur limitant semble être le maximum d’ions calcium
disponibles dans le milieu aqueux. Ce paramètre dépend fortement des conditions du milieu
(température, pH, force ionique, ...) et des solubilités des composés du calcium présents dans
la matrice (hydroxydes, sulfates, phosphates, chlorures...). Rappelons que la portlandite
(hydroxyde de calcium) semble être le principal minéral qui peut être dissous et carbonaté
(Kaibouchi, 2003 ; Fernandez et al., 2003).
4.3 Influence du taux d’humidité
L’influence du taux d’humidité sur la carbonatation a été étudiée, sous une pression de 2 bar,
sur un échantillon de mâchefers A tamisés à 4 mm.
Cet échantillon à été préalablement séché dans une étuve à 105 °C pendant des durées
variables, afin d’obtenir des taux d’humidité compris entre 5 % et 25 %.
Le taux d’humidité de l’échantillon a été mesuré avant et après l‘expérience de carbonatation
accélérée pour vérifier que celui-ci restait sensiblement constant.
La figure 3.10 montre le volume de CO2 absorbé, calculé à l’aide de l’équation 3.2, en
fonction du taux d’humidité des échantillons après une carbonatation maximale.
0
5
10
15
20
25
30
0 5 10 15 20 25
Taux d'humidité (%)
VC
O2
(L
/ kg
MS)
Figure 3.10 : Influence du taux d’humidité
Le taux d’humidité est un paramètre important de la réaction de carbonatation. Un taux
d’humidité de 15 % semble conduire au volume de CO2 absorbé maximum.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
129
Au dessus de 15 % le volume de CO2 absorbé diminue. Ceci semble indiquer que la réaction a
essentiellement lieu dans les pores de la matrice solide. Au dessus de 15 % d’humidité,
l’excès d’eau est probablement inter granulaire. Il y a donc moins de contact entre le MIOM
et le CO2 dissous.
A l’opposé, un mâchefer sec ne peut être carbonaté, ce qui démontre parfaitement que les
équilibres réactionnels ont lieu obligatoirement en solution entre le CO2 dissous et les ions
Ca2+ (principalement).
4.4 Influence du contenu total
Nous avons vu dans le chapitre 2 que les teneurs en éléments majeurs pouvaient varier d’un
MIOM à l’autre. Pour mémoire, les teneurs en Si, mesurées sous formes d’oxyde (SiO2),
varient de 32 % à 48 % et les teneurs en Ca, mesurées, sous forme de CaO de 16 % à 23 %.
Ces valeurs sont récapitulées dans le tableau 3.2.
MIOM SiO2 (%) CaO (%)
A 47,82 15,99
B 40,77 19,51
C 39,17 17,52
D 31,91 21,57
E 33,71 22,84
F 43,92 23,21
Tableau 3.2 : Contenu total en Si et Ca des MIOM (% massique)
Des échantillons de mâchefers, à 5 % d’humidité et broyés à 4 mm, ont été carbonatés
artificiellement selon les protocoles décrits précédemment (réacteur à pression contrôlée,
jusqu’à prise de masse maximale).
Le volume de CO2 absorbé a été calculé et les résultats sont présentés sur la figure 3.11, en
fonction du contenu total en Ca (oxydé) de chaque MIOM.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
130
0
5
10
15
20
25
30
15 17 19 21 23 25
% Ca
VC
O2 (
L.k
g-1M
S)
A
BC
F
DE
Figure 3.11 : Volumes de CO2 absorbés par les MIOM en fonction de leur teneur en Ca (forme
oxydées)
Une tendance se dégage, le degré de carbonatation dépendant fortement du contenu total en
Ca. Plus la teneur en Ca du MIOM est élevée, plus celui-ci absorbe de CO2. Cependant, les
MIOM B et F semblent avoir un comportement légèrement différent. Ceci pourrait être du à
un manque de calcium sous forme de portlandite et/ou à la présence de composés pouvant
limiter la diffusivité et la réactivité du CO2 (Fernandez et al., 2003). En effet, on peut
remarquer que ces deux échantillons présentent des teneurs en Si relativement élevées. La
figure 3.12 présente les mêmes volumes de CO2, tracés cette fois en fonction du rapport Ca/Si
(obtenu à partir des rapports CaO/SiO2). On obtient une relation de corrélation sensiblement
linéaire. Ce résultat intéressant permet de revenir sur l’hypothèse précédente de l’influence
indirecte des composés du silicium dans la carbonatation des MIOM.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
131
R2 = 0.96
0
5
10
15
20
25
30
0,3 0,35 0,4 0,45 0,5 0,55 0,6 0,65 0,7
Ca/Si
VC
O2 (
L.k
g-1M
S)
AB
CF
D
E
3.12 : Volumes de CO2 absorbés par les MIOM en fonction de leur rapport Ca/Si
Comme nous l’avons déjà expliqué, la carbonatation est principalement due à la réaction, en
phase aqueuse, entre le dioxyde de carbone et le calcium dissous. En considérant que la
dissolution du CO2 est strictement dépendante de la loi de Henry, la carbonatation est donc
limitée par la solubilité des espèces de calcium. D’après nos résultats, il paraît évident que la
carbonatation et le rapport Ca/Si sont corrélés.
La répartition du calcium dans les mâchefers se fait entre plusieurs phases minérales
répertoriées dans la dans la littérature (Eighmy et al., 1993 ; Zevenbergen et al., 1994 ;
Pfrang-Stotzt et Schneider, 1995 ; Freyssinnet et al., 1998) :
- les silicates : Alite (Ca3SiO5), Clinopyroxène (Ca(Fe,Mg,Al)(Si,Al)2O6)
Géhlénite (Ca,Na)2(Al,Mg)Si,Al)2O7), Larnite (Ca2SiO4),
Wollastonite (CaSiO3)
- les hydroxydes : Portandite (Ca(OH)2)
- les sulfates : Anhydrite (CaSO4), Gypse (CaSO4.2H2O)
- les carbonates : Calcite (CaCO3)
Parmi ces phases, le gypse et la calcite constituent des phases reliques. Elles sont issues des
déchets et n’ont pas ou peu subi de modification pendant la combustion. Au sein du four, une
partie du gypse a été déshydratée en anhydrite et une partie de la calcite a été décomposée en
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
132
chaux (CaO). Au moment de la trempe, la chaux s’hydrate partiellement en portlandite.
L’alite et l’anhydrite sont également partiellement dissoutes.
Les silicates sont principalement formés au sein du four, à haute température, une grande
partie se trouvant dans les phases vitreuses. La fin de leur cristallisation peut avoir lieu au
moment de la trempe (Delville, 2003). La vitesse et la durée du refroidissement conditionnent
fortement les proportions de phases silicatées cristallines et vitreuses présentes au sein des
MIOM.
La répartition du calcium dans ces différentes phases peut expliquer les différences observées
lors de la carbonatation des mâchefers. Un faible ratio Ca/Si indique probablement que les
silicates (incluant Ca) sont prédominants dans la matrice. Le calcium est donc peu disponible,
d’où le faible potentiel de carbonatation du MIOM. C’est le cas par exemple des mâchefers A.
A l’opposé, un fort ratio Ca/Si favorise la proportion d’hydroxyde de calcium, soluble, et un
fort potentiel de carbonatation (MIOM D et E).
La nature des OM incinérées a donc une grande influence sur le vieillissement des MIOM. La
réduction du verre peut affecter ou modifier la carbonatation des mâchefers. Le contenu en
verre peut influencer les proportions de phases vitreuses et cristallines qui conditionnent
partiellement l’immobilisation de polluants organiques et inorganiques (Dykstra et al., 1999).
D’autre part, une partie des métaux lourds (notamment Cd, et Pb) est également piégée dans
la calcite formée (Meima et Comans, 1998). Un fort potentiel de carbonatation pourrait donc
avoir également un effet bénéfique sur la lixiviation de ces éléments.
En ce qui concerne les procédés de combustion, le brassage peut avoir une influence. En effet,
comme décrit précédemment, la décarbonatation aboutit à la formation de chaux qui s’hydrate
en portlandite. Un meilleur brassage, favorise cette réaction. Le brassage peut aussi influer sur
la formation des phases silicatées qui s’assemblent au sein du four.
55 DDIISSCCUUSSSSIIOONN:: AAPPPPLLIICCAATTIIOONN PPOOTTEENNTTIIEELLLLEE DD’’UUNN PPRROOCCEEDDEE DDEE TTRRAAIITTEEMMEENNTT DDEESS MMIIOOMM PPAARR CCAARRBBOONNAATTAATTIIOONN AACCCCEELLEERREEEE La pression partielle de CO2 augmentant drastiquement la vitesse de carbonatation des MIOM
il semblerait intéressant d’utiliser des sources de gaz plus riches en CO2 que l’atmosphère afin
de réaliser cette réaction. Les fumées d’incinération contiennent en moyenne 12 % de CO2.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
133
D’autres fumées industrielles ou du biogaz de décharge (35 % de CO2) pourraient également
être utilisés. Ce procédé pourrait présenter le double avantage d’épurer ces fumées en CO2 et
dans un même temps de stabiliser plus rapidement les MIOM.
Si ce type de traitement est développé, la mise en contact des gaz et des MIOM doit être la
dernière étape de la chaîne de traitement des fumées, dans le but d’éviter toute absorption de
polluants gazeux par les MIOM, ce qui pénaliserait leur valorisation ultérieure.
Compte tenu du fait que l’incinération d’une tonne de déchets municipaux génère environ 600
Nm3 de CO2 résiduel et 250 kg de MIOM, le potentiel de séquestration de ce résidu peut être
estimé. Les calculs, basés sur les volumes obtenus précédemment donnent une réduction de
0,5 % à 1% du volume de CO2 libéré dans l’atmosphère par minéralisation sous forme de
carbonates.
Ce résultat peut paraître relativement faible mais le protocole de Kyoto va réglementer les
émissions de gaz à effet de serre. Les états membres seront tenus de réduire ces émissions de
8 % par rapport à 1990 sur la période de 2008 à 2012. Ces états devront s’assurer que les
opérateurs de certaines activités générant des gaz à effet de serre contrôlent ces émissions et
sont détenteurs d’un permis. Les émissions excédant ces permis seront taxées à raison de
100 € par tonne de CO2. Le commerce de ces permis est autorisé sous certaines conditions
(Directive 2003/87/EC du parlement européen et du conseil du 13 octobre 2003).
Il peut être précisé que les émissions de CO2 issu du traitement thermique des déchets
représentent environ 2 % des émissions globales de CO2 françaises (Société Française de
santé publique, 1999). La production de MIOM sur le sol français est quant à elle de 3 Mt par
an (ADEME, 2002). Selon nos résultats, ceci représenterait un potentiel de séquestration
d’environ 73 000 t de dioxyde de carbone équivalent. Ceci pourrait représenter une économie
de 7 300 000 € si les opérateurs des incinérateurs excèdent les émissions autorisées par leur
permis, ou un bénéfice s’ils ont la possibilité de revendre une part de ces permis à d’autres
installations.
Un autre avantage majeur d’un tel procédé serait une meilleure gestion des stocks de MIOM
pour leur réutilisation en tant que de matériau de construction. En effet, sur les plates-formes
de maturation les durées de carbonatation sont longues et variables, en fonction des
caractéristiques des MIOM et des conditions environnementales. La carbonatation accélérée
des résidus pourrait sensiblement réduire les temps de stockage. Elle permettrait en outre de
s’assurer que les matériaux sont totalement stabilisés avant leur réutilisation.
Chapitre 3 : Etude du vieillissement des MIOM par carbonatation accélérée
134
66 CCOONNCCLLUUSSIIOONN
Le protocole expérimental utilisé a permis d’étudier l’influence d’un certain nombre de
paramètres sur le vieillissement des MIOM au travers de la réaction de carbonatation.
Les résultats ont confirmé que cette réaction participait majoritairement au processus de
stabilisation des mâchefers. Elle neutralise le pH alcalin des MIOM et le ramène à une valeur
proche de 8,3. Les carbonates de calcium formés augmentent le pouvoir tampon des
mâchefers, les rendant plus résistants aux agressions acides extérieures.
La carbonatation permet également de réduire le potentiel polluant des MIOM en réduisant la
lixiviation de certains métaux notamment le cuivre et le plomb, ceci étant une conséquence
directe de la baisse du pH. Les concentrations de sulfates lixiviées augmentent cependant, et
un contrôle supplémentaire de ce paramètre, après plusieurs mois de maturation, pourrait se
révéler nécessaire.
L’influence de la chaîne de traitement des déchets sur cette réaction se fait sentir à plusieurs
niveaux. La nature des déchets incinérés est un facteur d’importance influençant
principalement le contenu total des mâchefers obtenus. Les proportions de calcium et de
silicium semblent grandement conditionner le degré de carbonatation des résidus.
En ce qui concerne les conditions de stockage, elles doivent assurer un certain degré
d’humidité des matériaux. Ceci est à prendre en compte notamment sur les plates-formes
couvertes ou durant les saisons chaudes et sèches.
Enfin, l’application d’un procédé de traitement des mâchefers par carbonatation accéléré
utilisant les fumées d’incinération à 12 % de CO2 ou le biogaz de décharge à 35 % de CO2
pourrait présenter un certain nombre d’avantages en ce qui concerne la gestion des stocks de
MIOM et les nouvelles réglementations sur les gaz à effet de serre. Le développement d’un tel
procédé semble cependant être freiné par la réglementation actuelle qui stipule que tout résidu
entrant en contact avec ce type d’émissions ne peut plus être recyclé et doit automatiquement
être enfoui en CET de classe 1.