Compléments sur les fractions égyptiennes
Cérémonie de remise des prix
des olympiades académiques
de mathématiques 25/05/2016
Richard BreheretIA-IPR de mathématiques
Académie de Créteil
Arithmétique égyptienneLes différents empires de la civilisation égyptienne débutent vers 3100 avant J.‐C. et se
terminent avec la conquête grecque d’Alexandre en 332 avant J.‐C.
La structure de l’arithmétique égyptienne repose sur deux principes opérationnels : la
multiplication ou division par 2, le calcul des 23 de n’importe quel nombre entier ou
fractionnaire.
Multiplication égyptienne
La multiplication de deux entiers s’obtenait généralement par des opérations succes‐
sives de dédoublement, en partant implicitement du fait que tout nombre entier peut
s’écrire comme somme de puissances de 2.
Out[52]=
a
b
A = 37 × 59A = 74 × 29 +37A = 148 × 14 +111A = 296 × 7 +111A = 592 × 3 +407A = 1184 × 1 +999A = 2183
Fractions égyptiennes
Papyrus Rhind
L’application des opérations usuelles aux fractions était difficile du fait que ces
dernières 23 peut‐être exceptée) étaient réduites en sommes de fractions unitaires.
Leur réduction était rendue possible par la construction de tables contenant des frac‐
tions de la forme 2n .
Le papyrus d’Ahmes débute par une table exprimant 2n (n ∈ 〚3; 101〛) comme somme de
fractions unitaires, obtenues essentiellement à l’aide du principe de dédoublement :
pour tout n ∈ ℕ*, 1n = 1
2 n + 12 n .
2 Presentation_fractions_egyptiennes.nb
Out[53]=
Papyrus Rhind d’Ahmes, British Museum, XVIe siècle avant J.‐C.
Exemples d’Ahmes27 = 1
7 + 17
27 = 1
14 + 114 + 1
7
27 = 1
28 + 128 + 1
14 + 17
27 = 1
28 + 17 1
4 + 12 + 1
27 = 1
28 + 14
Nous avons 13 = 8 + 4 + 1213 = 1
13 + 113
213 = 1
26+ 1
26+ 1
13
213 = 1
52 + 152 + 1
26+ 1
13
213 = 1
104 + 152 + 1
104 + 126
+ 113
213 = 1
104 + 152 + 1
13 ( 18 + 1
2 + 1)
213 = 1
104 + 152 + 1
8
Sur le même principe, on peut établir que 25 = 1
20 + 110 + 1
4 (en constatant que 5 = 4 + 1)
mais Ahmes affirme que 25 = 1
15 + 13 à partir de l’égalité 1
5 = 115 + 1
15 + 115 et en écrivant
25 = 1
15 + 115 + 1
15 + 15 .
Des décompositions multiples
Du fait que, pour tout entier a ≠ 0, 1a = 1
a+1 +1
a(a+1) , la décomposition d’un nombre
rationnel en fractions égyptiennes n’est pas unique.
On trouvera ci‐dessous différentes décompositions obtenues à partir d’algorithmes
variés.
Presentation_fractions_egyptiennes.nb 3
Out[99]=
numérateur 23
dénominateur 41
méthode glouton impair
premier dénominateur dans laméthode harmonique
2
autoriser le redimensionnement dynamique
23
41= 1
3+ 1
5+ 1
37+ 1
1627+
1
1609669+ 1
29796892720283+
1
1775709631568078282466479895
4 Presentation_fractions_egyptiennes.nb
Algorithme « glouton » de Fibonacci
Leonard de Pise, dit Fibonacci (1170 ‐ 1245)
Mise en œuvre
Soit x un nombre en écriture fractionnaire.
Une première démarche naturelle consiste à approcher x par une fraction unitaire aussi
proche de x que possible puis d’utiliser la même démarche pour le reste.
Soit (x, y) ∈ ℕ*2. Notons xy le plus petit entier tel que xy ≥
xy , y[x] le reste dans la
division euclidienne de y par x et montrons que, pour tout (x, y) ∈ ℕ*2,
x
y=
1
yx
+ (-y[x]) y y
x (ℛ)
Pour tout (x, y) ∈ ℕ*2, (ℛ) équivaut à x yx = y + (-y[x]).
Soit q et r les quotient et reste respectifs dans la division euclidienne de y par x.
Nous avons y = q x + r où r ∈ 〚0; x - 1〛 et yx = q si r = 0
q + 1 sinon soit
x yx = q x si r = 0
(q + 1) x sinon
D’autre part, -y = -q x - r.
Si r = 0, -y = -q x, -y[x] = 0 et y + (-y[x]) = q x donc xy = 1⌈yx ⌉
+-y[x]
y ⌈yx ⌉
lorsque r = 0.
Si r ≠ 0,
-y = -q x - r, r ∈〛 0; x - 1〛 donc -r ∈ 〚1 - x; 0〚
-y = -(q + 1) x + (x - r), x - r ∈ 〚1; x〚
donc -y[x] = x - r et y + (-y[x]) = q x + r + x - r soit y + (-y[x]) = (q + 1) x
Dans ce cas, on a bien xy = 1⌈yx ⌉
+-y[x]
y ⌈yx ⌉
.
Ce calcul réduit le numérateur de la fraction restante à développer -y[x]y ⌈
yx ⌉, donc son
itération est finie. On peut donc mettre en œuvre l’algorithme suivant :
❦ Choisir deux entier naturels non nuls x et y
❦ Calculer 1
xy
puis -y[x]y×
yx
que l’on associe à la fraction irréductible pq
Presentation_fractions_egyptiennes.nb 5
❦ Reproduire le calcul tant que le numérateur de la fraction résultante est différent de 1.
Exemple
Out[100]=
p
q
A = 23
41
A = 1
2+ 5
82
A = 1
2+ 1
17+ 3
1394
A = 1
2+ 1
17+ 1
465+ 1
648210
6 Presentation_fractions_egyptiennes.nb
Stan Wagon, Laurent Beeckmans (1991)
Pour tout entier k ∈ ℕ*, 1k+ 1
k= 1
k+ 1
k+1+ 1
k(k+1).
Toute fraction np ((n, p) ∈ ℕ*2) s’écrit naturellement sous la forme np =∑i=1
n 1p .
On peut donc mettre en œuvre l’algorithme suivant.
❦ choisir deux entiers naturels non nuls n et p et définir la liste L de n éléments tous égaux à
p.
❦ Tant que L contient deux éléments consécutifs égaux à un entier k, les remplacer par les
éléments k, k+ 1, k(k+ 1) dans L et ordonner L.
Out[110]=
n
p
{5, 5, 5, 5}4
5= 1
5+ 15+ 15+ 15
{5, 5, 5, 6, 30}4
5= 1
5+ 15+ 15+ 16+ 1
30
{5, 5, 6, 6, 30, 30}4
5= 1
5+ 15+ 16+ 16+ 1
30+ 1
30
{5, 6, 6, 6, 30, 30, 30}4
5= 1
5+ 16+ 16+ 16+ 1
30+ 1
30+ 1
30
{5, 6, 6, 7, 30, 30, 30, 42}4
5= 1
5+ 16+ 16+ 17+ 1
30+ 1
30+ 1
30+ 1
42
{5, 6, 7, 7, 30, 30, 30, 42, 42}4
5= 1
5+ 16+ 17+ 17+ 1
30+ 1
30+ 1
30+ 1
42+ 1
42
{5, 6, 7, 8, 30, 30, 30, 42, 42, 56}4
5= 1
5+ 16+ 17+ 18+ 1
30+ 1
30+ 1
30+ 1
42+ 1
42+ 1
56
{5, 6, 7, 8, 30, 30, 31, 42, 42, 56, 930}4
5= 1
5+ 16+ 17+ 18+ 1
30+ 1
30+ 1
31+ 1
42+ 1
42+ 1
56+ 1
930
{5, 6, 7, 8, 30, 31, 31, 42, 42, 56, 930, 930}4
5= 1
5+ 16+ 17+ 18+ 1
30+ 1
31+ 1
31+ 1
42+ 1
42+ 1
56+ 1
930+ 1
930
{5, 6, 7, 8, 30, 31, 32, 42, 42, 56, 930, 930, 992}4
5= 1
5+ 16+ 17+ 18+ 1
30+ 1
31+ 1
32+ 1
42+ 1
42+ 1
56+ 1
930+ 1
930+ 1
992
{5, 6, 7, 8, 30, 31, 32, 42, 43, 56, 930, 930, 992, 1806}4
5= 1
5+ 16+ 17+ 18+ 1
30+ 1
31+ 1
32+ 1
42+ 1
43+ 1
56+ 1
930+ 1
930+ 1
992+1 /1806
{5, 6, 7, 8, 30, 31, 32, 42, 43, 56, 930, 931, 992, 1806, 865830}4
5= 1
5+ 16+ 17+ 18+ 1
30+ 1
31+ 1
32+ 1
42+
1
43+ 1
56+ 1
930+ 1
931+ 1
992+1 /1806+1 /865830
Presentation_fractions_egyptiennes.nb 7
Deux résultats évidents
Le premier…
Pour tout entier n > 1, il existe trois entiers a, b et c (non nécessairement distincts) tels
que 2n = 1
a + 1b+ 1
c .
… Et le second, encore plus fort !
Pour tout entier n > 1, il existe trois entiers a, b et c (non nécessairement distincts) tels
que 3n = 1
a + 1b+ 1
c .
8 Presentation_fractions_egyptiennes.nb
Conjecture d’Erdös ‐ Straus (1948)Paul ERDÖS (1913 ‐ 1996)
Pour tout entier n > 1, il existe trois entiers a, b et c (non nécessairement distincts) tels
que 4n = 1
a + 1b+ 1
c .
La résolution formelle dans ℕ3 de l’équation n(a b + b c + c a) = 4 a b c pour des valeurs
de n données amène les résultats suivants (n ≤ 20).
Out[111]=
n
411 =
16+
16+
133
411 =
14 +
112 +
133
411 =
14 +
111 +
144
411 =
13 +
166
+1
66411 =
13 +
144 +
1132
411 =
13 +
142 +
1154
411 =
14 +
19 +
1396
411 =
13 +
136
+1
396411 =
13 +
134 +
11122
Les calculs sont longs (1776,66 secondes temps machine pour obtenir les 250 premiers
ensembles de solutions, soit plus de 29 minutes).
La représentation graphique ci‐dessous indique, pour chaque valeur entière de n, le
nombre de triplets (a, b, c) solutions de l’équation 4n = 1
a + 1b+ 1
c .
Presentation_fractions_egyptiennes.nb 9
Conjecture de Sierpiński (1956)Wacław Sierpiński (1882 ‐ 1969)
Pour tout entier n > 1, il existe trois entiers a, b et c (non nécessairement distincts) tels
que 5n = 1
a + 1b+ 1
c .
Out[112]=
n
512 =
16+
18+
18
512 =
16+
16+
112
512 =
14 +
112 +
112
512 =
14 +
110 +
115
512 =
14 +
19 +
118
512 =
15 +
16+
120
512 =
14 +
18+
124
512 =
13 +
124 +
124
512 =
13 +
121 +
128
512 =
13 +
120 +
130
512 =
13 +
118+
136
512 =
14 +
17 +
142
512 =
13 +
116+
148
512 =
15 +
15 +
160
512 =
13 +
115 +
160
512 =
13 +
114 +
184
512 =
13 +
113 +
1156
Les calculs sont moins longs (1413,22 secondes temps machine pour obtenir les 250
premiers ensembles de solutions, soit moins de 24 minutes).
La représentation graphique ci‐dessous indique, pour chaque valeur entière de n, le
nombre de triplets (a, b, c) solutions de l’équation 5n = 1
a + 1b+ 1
c .
Presentation_fractions_egyptiennes.nb 11